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LES PEUPLES INDIGÈNES Des Aborigènes d'Australie aux Inuit du continent arctique, des Bushmen du Botswana aux Penan de l’île de Bornéo, les peuples indigènes représentent, selon les Nations-Unies, une population de plus de 370 millions de personnes réparties dans le monde entier. Ils sont généralement les habitants originels des territoires qu'ils occupent depuis des centaines, voire des milliers d'années. La perte de leurs terres est le plus grave problème auquel sont confrontés les peuples indigènes. Lorsque leurs territoires ne sont pas transformés en réserves naturelles ou en pôles de développement, compagnies industrielles et commerciales, colons, bûcherons, mineurs ou éleveurs les ‘On craint aujourd'hui et à juste titre, l'extinction de certaines espèces animales comme les pandas et les tigres. L'extinction de cultures [...] est un désastre autrement plus grave.’ Primo Lévi Le métier des autres De gauche à droite, de haut en bas : Mursi, Ethiopie © Magda Rakita/Survival Guarani, Brésil © Fiona Watson/Survival Pygmée, Centrafrique © M.W./Survival Itel’men, Sibérie © Paul Harris/Survival Maasaï, Kenya © Adrian Arbib/Survival Panara, Brésil. © Pedro Martinelli Bushman, Botswana © Katherine B. Topolniski/KBT Dongria Kondh, Inde © Toby Nicholas/Survival Asmat, Papouasie © Jeanne Herbert/Survival Awá, Brésil © Fiona Watson/Survival Mursi, Ethiopie © Magda Rakita/Survival Yanomami, Brésil © Victor Englebert/Survival Hamer, Ethiopie © Joe L./Survival Jarawa, Inde © Salomé/Survival Penan, Malaisie © Sofia Yu/Survival Cinta Larga, Brésil © Fiona Watson/Survival Pygmée, Centrafrique © M.W./Survival envahissent et expulsent ces peuples avec l'assentiment des gouvernants au profit d'intérêts privés. Encore trop souvent considérés comme des ‘primitifs’, ils maintiennent des traditions ancestrales et se pensent eux- mêmes comme différents de la majorité ou de leurs voisins.

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LES PEUPLES INDIGÈNESDes Aborigènes d'Australie aux Inuit du continent arctique, des Bushmen duBotswana aux Penan de l’île de Bornéo, les peuples indigènes représentent, selon lesNations-Unies, une population de plus de 370 millions de personnes réparties dans lemonde entier. Ils sont généralement les habitants originels des territoires qu'ils occupentdepuis des centaines, voire des milliers d'années.

La perte de leursterres est le plus graveproblème auquel sont

confrontés les peuplesindigènes. Lorsqueleurs territoires ne

sont pas transformésen réserves naturelles

ou en pôles dedéveloppement,

compagniesindustrielles et

commerciales, colons,bûcherons, mineurs

ou éleveurs les

‘On craint aujourd'huiet à juste titre,l'extinction de

certaines espècesanimales comme lespandas et les tigres.

L'extinction de cultures[...] est un désastre

autrement plus grave.’Primo Lévi Le métier

des autres

De gauche à droite, de haut en bas :

Mursi, Ethiopie © Magda Rakita/SurvivalGuarani, Brésil © Fiona Watson/Survival

Pygmée, Centrafrique © M.W./Survival Itel’men, Sibérie © Paul Harris/SurvivalMaasaï, Kenya © Adrian Arbib/Survival

Panara, Brésil. © Pedro MartinelliBushman, Botswana

© Katherine B. Topolniski/KBT Dongria Kondh, Inde

© Toby Nicholas/SurvivalAsmat, Papouasie © Jeanne Herbert/Survival

Awá, Brésil © Fiona Watson/SurvivalMursi, Ethiopie © Magda Rakita/Survival

Yanomami, Brésil © Victor Englebert/SurvivalHamer, Ethiopie © Joe L./Survival

Jarawa, Inde © Salomé/SurvivalPenan, Malaisie © Sofia Yu/Survival

Cinta Larga, Brésil © Fiona Watson/SurvivalPygmée, Centrafrique © M.W./Survival

envahissent etexpulsent ces peuplesavec l'assentimentdes gouvernants auprofit d'intérêts privés.Encore trop souventconsidérés commedes ‘primitifs’, ilsmaintiennent destraditions ancestraleset se pensent eux-mêmes commedifférents de lamajorité ou de leursvoisins.

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Des cultures à partentièreLes peuples indigènes sontnomades ou sédentaires, chasseurs,pêcheurs, cueilleurs, cultivateurs ouéleveurs. Ils ont en général un trèsfort attachement culturel et spirituelà leur terre dont les produits leurfournissent tout ce qui estnécessaire à leur vie matérielle etsociale. Tous possèdent descultures nourries d'expériencesaussi anciennes - sinon plus - que les nôtres mais autrement orientées, autrementutilisées, élaborées toujours et tout autant capables d'évolution que nos cultures.

Un exemple : les YanomamiAvec une population de plus de 30 000 personnes, les Yanomami représentent l'un desplus grands groupes indigènes d'Amérique du Sud. Ils vivent dans la forêt tropicale et lesmontagnes situées au nord du Brésil et au sud du Venezuela. Ils habitent de très grandesmaisons collectives de forme circulaire, appelées yano ou shabono, qui peuvent abriterjusqu'à 400 personnes. L'aire centrale est utilisée pour des activités telles que lescérémonies, les fêtes et les jeux. Chaque famille possède son propre foyer où elleprépare la nourriture pendant la journée. Le soir, les hamacs sont accrochés autour dufeu qui brûle toute la nuit.

Les Yanomami ont de vastesconnaissances en botanique et utilisentplus de 500 variétés de plantes pourl'alimentation, la médecine, laconstruction ou la fabrication d'objets.Ils se nourrissent en grande partie duproduit de la chasse, de la pêche et dela cueillette, mais cultivent égalementde vastes potagers ouverts dans laforêt. Le monde des esprits estune composante essentielle de la viedes Yanomami. Chaque créature,rocher, arbre ou montagne est habitépar un esprit. Cet esprit peut être malintentionné et attaquer les hommes enleur envoyant des maladies. Leschamanes contrôlent ces esprits eninhalant une poudre psychotropeappelée yakoana. Au cours des visionsprovoquées par la transe, ils entrent encontact avec les esprits ou xapiripë.

La vie des Aborigènesd'Australie, des Indiensyanomami d'Amazonie

brésilienne ou desPygmées d'Afriquecentrale n'est pas

gouvernée par la quêteobsédante de la

nourriture. AuBotswana, dans le

désert du Kalahari, unadulte bushman

travaille l'équivalent dedeux jours et demi par

semaine pour nourrirune famille de quatre à

cinq personnes.

LES PEUPLES INDIGÈNES

De haut en bas : Le yano, la maison plurifamiliale yanomami,Roraima, Brésil. © Victor Englebert/Survival

Fête rituelle dans le yano. © VictorEnglebert/Survival

Ci-contre : Davi Kopenawa, chamane et porte-parole des Yanomami avec des enfants à

Watoriki, Roraima, Brésil.© Fiona Watson/Survival

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On estime qu'il existe dans le mondeentier plus d'une centaine depeuples qui ont volontairement choiside s'isoler du monde extérieur et dont lapopulation varie de quelques individus àplusieurs centaines. La plupart d'entre euxsont les survivants de massacres subisdans le passé. Ils vivent en se déplaçantconstamment, fuyant l'invasion et lacolonisation de leurs terres par lescompagnies d'exploitation forestière oupétrolière et les ranchs d'élevage.

En Amazonie, ces groupes sontgravement menacés par l'exploitationillégale de la forêt. Au Pérou, où viventenviron une quinzaine de groupes isolésnomades ou semi-nomades, les projetsd'exploitation pétrolière, la déforestation,les orpailleurs et les épidémies poussentcertains d'entre eux à se déplacer dansdes régions déjà habitées par d'autresgroupes indiens, au risque d'entrer enconflit avec eux.

Dans le Chacoparaguayen, un nombre

inconnu d'Indiens vivent enisolement quasi complet dans une

vaste forêt broussailleuse quis'étend au sud du bassin

amazonien. Fuyant les bulldozers quidéboisent leur forêt rachetée par depuissants propriétaires terriens, les

Indiens doivent constammentchanger de campement pour se

réfugier dans les espaces les plusreculés de la forêt qu'ils

considéraient autrefois comme leurmaison mais où ils ne se sentent

plus en sécurité.

Dans les îles Andaman, territoire de l'Inde situé dans le Golfe du Bengale aularge de la côte orientale, la situation des peuples isolés est particulièrement

préoccupante. Àl'image de tant depeuples isolés à laréputation effrayante,ils sont perçus commedes ‘sauvages’ ou des‘attardés’. Leurhostilité vis-à-vis desétrangers estcependant tout à faitcompréhensible, car lemonde extérieur neleur a apporté queviolence, maladie etmort.

Au début des années1980, la prospectionpétrolière menée par lacompagnie Shell aentraîné des contactsforcés avec la tribuisolée des Nahua, auPérou. En quelquesannées, plus de lamoitié d'entre eux sontmorts des suites ducontact.

PEUPLES ISOLÉS

De haut en bas :Le groupe des Indiens akuntsu au complet.

Contactés à la fin des années 1990, ils viventaujourd’hui dans une petite réserve entouréede fermes délevage et de plantations de soja.

© Fiona Watson/Survival

Erui, un Ayoreo dans le camp desmissionnaires évangélistes où il avait étéemmené huit ans auparavant, Paraguay.

© Ruedi Suter/Survival

Une communauté jarawa, îles Andaman, Inde.© Salomé/Survival

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LA TERRE SANS MALLa ruée sur les terres et les ressources des peuples indigènes fait généralementoublier le fait qu'un grand nombre de ces régions (forêts, savanes, déserts, taïgas…)sont leurs territoires ancestraux. La terre ne représente pas seulement pour eux uneressource productive ou un facteur économique, la terre c'est l'habitat, le territoire, labase de l'organisation socio-politique et de l'identification culturelle, la terre est l'élémentvital de la reproduction culturelle du groupe, condition essentielle de sa survie.

Un exemple : les GuaraniDepuis des temps immémoriaux, les Guarani sont en quête de la ‘Terre sans mal’, un lieurévélé par leurs ancêtres où ils pourront vivre sans douleurs ni souffrances. Ils sontaujourd'hui environ 46 000 au Brésil, ce qui fait d'eux la plus nombreuse populationindigène du pays. De nombreuses autres communautés guarani vivent sur les terresvoisines du Paraguay, d'Argentine et de Bolivie. Mais alors qu'ils occupaient autrefois un territoire de près de 350 000 km2 de forêts et deplaines, les Guarani ont été pratiquement dépossédés de toutes leurs terres.Plusieurs vagues de déforestation ont transformé leur territoire ancestral, autrefois fertile,en un vaste réseau de fermesd'élevage et de plantations decanne à sucre destinées au marchébrésilien d'agrocarburant. Ils vivententassés dans des campementsmisérables et surpeuplés oùrègnent alcoolisme et violence.Aujourd'hui, profondément affectéspar la perte de leurs terres, lesGuarani connaissent un taux desuicide sans équivalent enAmérique du Sud.

‘Nous et la terre nesommes qu'un. Si vous

nous la prenez, voustuez l'esprit qui nous

donne la vie. Nousdevenons alors des

ombres d'êtreshumains vivant chez

les autres.’Porte-parole aborigène, Australie

Ci-dessus : chamane guarani durant unecérémonie rituelle.

© Fiona Watson/Survival

Ci-contre : les Guarani qui ont été expulsés deleurs terres vivent dans une pauvreté extrême

dans des campements improvisés au bordd’une route. © CIMI

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MENACESLe pillage des ressources naturellesDes régions considérées jadis comme des terres sans valeur,habitées depuis des temps immémoriaux par des peuplesindigènes, ont acquis un intérêt économique et stratégique depremière importance. Expulsés pour faire place aux barrageshydroélectriques en Inde, au Brésil ou au Canada, victimes del'exploitation du pétrole en Amazonie ou en Sibérie, du saccagede leurs forêts en Malaisie ou en Amazonie, ces peuplessubissent de plein fouet les conséquences de la ruée des Etatset des multinationales vers de nouvelles ressources productives.Cela se fait malheureusement au mépris des communautésindigènes qui sont rarement consultées et qui n'en retirent aucunbénéfice.

Mines, pétroleDes multinationalesgéantes détruisent lesterres des peuplesindigènes partout dans lemonde : des Aborigènesd'Australie chassés parles mines d'uranium, auxBushmen du Botswanadevenus indésirables surleur propre terre parceque de riches gisementsde diamants y ont étédécouverts, en passantpar les Papous envahispar le complexe minierGrasberg, la plus grandemine d’or au monde. Denombreux groupesindiens d'Amazonie sont aussi confrontés à des orpailleurs sans scrupules quipolluent leurs territoires et empoisonnent leurs rivières avec le mercure qu'ils utilisentpour amalgamer l'or. Les sites de prospection et d'exploitation pétrolières sontextrêmement dommageables pour l'environnement car ils requièrent la construction deroutes, de pistes d'atterrissage, l'usage d'explosifs pour les tests sismiques et causentde graves pollutions, principalement dues aux fuites de pétrole.

BarragesLes impacts négatifs des barrages hydroélectriques géants peuvent être profonds etirréversibles et ce sont le plus souvent les peuples indigènes qui en sont les plussévèrement affectés. Aux Philippines, pratiquement tous les grands barrages sontconstruits ou planifiés sur les terres de peuples indigènes qui pourtant ne représententque 10 % de la population totale. Le Programme de croissance accélérée du

gouvernement brésilien vise à faire del'Amazone une source d'énergiemajeure pour le pays et la région. Unepartie de ce programme comprend laconstruction des barrages de Jirau etSanto Antonio sur la rivière Madeira,l'un des plus importants affluents del'Amazone. Plusieurs groupes d'Indiensisolés vivent près des sites retenuspour les barrages.

‘C'est avec douleur quenous assistons à l'arrivéedes compagniesd'exploitation forestièresur nos terres. Il n'y aplus de chance de surviepour nous, peuplesnomades. Nos ressourcesnaturelles telles que lesarbres fruitiers, lessagoutiers, les essencesutilisées pour faire lessarbacanes, le poisonpour les flèches, et biend'autres nécessitésvitales vont disparaître.Le sanglier, notrenourriture quotidienne, etles cervidés vont fuir. Lesrivières seront polluées,et vite dépourvues depoissons... Nous nevendons pas les terres denos ancêtres... Vousdevez chercher d'autresterres que les nôtres.’

Déclaration des chefs penan duSarawak au gouvernement fédéral de la

Malaisie.

De haut en bas :Le territoire dévasté des Awá, Brésil

© Fiona Watson/Survival

Site d’orpaillage, Guyane© Emmanuel Martin/Survival

Barrage de Tucurui, Brésil© Peter Frey/Survival

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MENACESDéveloppementConsidéré comme nécessaire aux pays duSud, le développement est trop souventmené au mépris des intérêts et desmodes de vie des populations indigènes,mais avec l'assentiment des classesdirigeantes et, bien entendu, despuissances économiques locales ouinternationales. Survival est par exempleintervenu à plusieurs reprises auprès de laBanque mondiale qui finançait en Inde desprojets dévastateurs. Les terres de 10 000paysans ont été sauvées par l'annulationde la construction d’un barrage.

Déforestation, routesLes routes qui traversent les territoiresindigènes apportent inévitablement ladévastation à mesure que les colons

affluent. Au Brésil, les Nambiquara ontété pratiquement décimés à caused’une route financée par la Banque

mondiale. La route qui traverse leterritoire des Jarawa dans les îles

Andaman, en Inde, favorise lapénétration de braconniers qui pillent

leur gibier, de touristes et de colons quileur transmettent des maladies contrelesquelles ils ne sont pas immunisés.

BiopiraterieSi le regard sur les peuplesindigènes a évolué, l'attraitqu'exercent leurs savoirs représenteun nouveau danger. De grandesentreprises tentent de s'approprierdes savoirs millénaires en déposantdes brevets sans même en informerles détenteurs de ces savoirs.

TourismeLes peuples indigènes n'ont pas seulement

un droit sur leur terre, ils ont aussi le droitde décider de ce qui s'y passe. Quand ils

acceptent la venue de touristes dans leurscommunautés, ils devraient toujours être

consultés en premier et, s'ils le souhaitent,être impliqués dans l’organisation et le

déroulement des circuits. Les bénéficesdevraient être partagés suivant des accords

préalablement négociés, comme touteautre concession d'exploitation des

ressources de leurs terres. Le tourismepeut constituer un moyen d'existence pour

des peuples confrontés à la question deleur survie, matérielle et culturelle, mais à la

condition, décisive, qu'ils en soient lesinstigateurs et non les figurants.

‘Comment l’esprit de laterre pourrait-il aimer

l’homme blanc?...Partout où il la touche,

il laisse une plaie.’Une aînée de la nation wintu indignéedevant la destruction de son territoire

en Californie.

De haut en bas :Le complexe minier de Carajás, au Brésil, a

donné le départ de l’invasion du territoireawá. © Peter Frey/Survival

Des troncs d’arbres abattus dans les forêtspygmées sont transportés par camion sur

une route ouverte par les compagniesd’exploitation forestière © M.W./Survival

Un chamane yanomami connaît des centainesde plantes médicinales. Brésil © Fiona

Watson/Survival

Un touriste filme les Jarawa sur la routeAndamane, Inde © Survival

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VIOLENCEDepuis l'époque des

conquêtes, le contact despeuples indigènes avec

l'Occident s'estgénéralement traduit par une

catastrophedémographique. Lechoc épidémiologique,

responsable de la disparitionde 90 % de la population

indienne d'Amérique du Sud,n'en est pas la seule cause.

Ainsi les massacres planifiéspour s'emparer des

territoires indigènes et deleurs ressources ont fait, au

cours de l'histoire,d'innombrables victimes.

ConflitsMais ces invasionsdélétères ne sont pas lesseuls dangers auxquelssont aujourd’huiconfrontés les peuplesindigènes. Ils sont aussivictimes de guerres quese mènent les Etatsentre eux ou, comme enColombie, de conflitsarmés qui opposent laguérilla aux forces del’ordre sur leursterritoires convoités parles trafiquants dedrogue.

RacismeAucun peuple au monde ne se considère comme ‘sauvage’ ou ‘primitif’, ces qualificatifssont toujours appliqués aux autres et manifestent un sentiment de supérioritéuniversellement partagé. Sur tous les continents et à toutes les époques, on attribue desappellations méprisantes pour désigner des voisins différents par leur aspect ou leurculture. Cependant l'expansion européenne, initiée il y a cinq cents ans, a développél'usage de ces notions racistes pour justifier la conquête des territoires, la spoliation desterres, des biens et des ressources des peuples indigènes et leur mise en esclavage.Ces idées sont encore courantes aujourd'hui, elles sont particulièrement agissantes dansle monde industriel quand il est confronté aux populations indigènes dont les droits sontniés, les terres spoliées et les cultures dépréciées.

Alcool, drogue, dépressionSur tous les continents, les peuples indigènes souffrentdu traumatisme de la dépossession et de lasédentarisation forcée. Ils se retrouvent dans unenvironnement auquel ils ne sont pas habitués, où ilsn'ont rien à faire d'utile, dépendent des subsidesgouvernementaux et sont traités par leurs nouveauxvoisins avec mépris et racisme. La violence domestiqueet les abus sexuels sont fréquents. Leurs enfants sontséparés de leurs communautés lorsqu'ils sont envoyésdans des pensionnats où leur langue et leurs traditionssont souvent ridiculisées, voire interdites. Exclus et sansespoir, ils s'adonnent à la drogue ou à l'alcool, beaucoupen viennent au suicide.

‘Ces Indiens sont desparasites, c'est une

honte. Il est temps d'enfinir avec eux, il esttemps d'éliminer cefléau, liquidons ces

vagabonds.’ Antonio Mascarenhas Junqueira, baron

brésilien du caoutchouc, 1963.

De haut en bas :Une Indienne aché mourant d’inanition après

avoir été forcée de quitter la forêt où songroupe vivait dans l’isolement, Paraguay

© Don McCullen/Survival

Des manifestants indiens d’Amazoniepéruvienne confrontés aux forces policières à

Bagua, le 5 juin 2009 © Thomas Quirynen

Une femme aborigène sous l’emprise del’alcool dans la communauté où elle a été

sédentarisée de force, Australie© Mikkel Ostergaard/Panos

Indienne Cinta Larga © Fiona Watson/Survival

Au Brésil, en 1963, les Indiens CintaLarga ont été victimes d'unmassacre connu comme le

‘massacre du 11e parallèle’, commispar les dirigeants d'une compagnie

de caoutchouc qui les accusaientd'empêcher ses activités

commerciales. Tout un village futdécimé. Au cours du procès de l'undes accusés, le juge déclara : ‘Nousn'avons jamais vu un cas d'une telleviolence, d'une telle ignominie, tantd'égoïsme et de sauvagerie et tant

de mépris de la vie humaine’.

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Contre le racisme dansles médias : unecampagne de Survival

RACISME

LE RACISME TUE LES PEUPLES INDIGÈNES

Cette campagne vise à attirer l’attention des médias sur l’usage abusif d’un vocabulairechargé de stéréotypes et de préjugés dans leur traitement de l’actualité des peuplesindigènes. Elle est activement soutenue par de nombreux journalistes.

Depuis l’époque coloniale, des termes tels que ‘primitifs’ ou ‘hommes de l’âge de pierre’sont couramment utilisés à propos des peuples indigènes. Ils renforcent l’idée que cespeuples n’auraient pas – comme nous – évolué depuis des générations. Cela est faux.Toutes les sociétés s’adaptent et changent. Pas seulement les nôtres.

Les peuples indigènes ne sont pas plus ‘sauvages’ que nous. L’idée que ces peuplessont arriérés mène directement à leur persécution. On affirme par exemple que c’est‘pour leur bien’ que leur est imposé le développement et que celui-ci les aidera à‘rattraper’ le monde civilisé. Le résultat est presque toujours catastrophique : misère,alcoolisme, prostitution, maladies et mort.

Survival demande aux journalistes de s’efforcer d’éviter un vocabulaire aussi inexact etpréjudiciable aux peuples indigènes.

Comme de nombreuxpeuples indigènes dansle monde, les Jarawades îles Andaman dansl’Océan indien, veulentvivre en paix et ensécurité sur leur terreancestrale et pouvoirdécider eux-mêmes deleur propre avenir. © Salomé/Survival

PAS DE CORRUPTION

PAS DE MALBOUFFE

PAS DE POLLUTION

PAS DE SANS-ABRI

PAS DE BOMBES

PAS DE PRISON

PAS DE MISÈRE

PAS DE DETTE

ET ON PRÉTEND QU’ILS SONT PRIMITIFS

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PEUPLES EN MOUVEMENT

Exploités, méprisés ou tout simplement ignorés,les peuples indigènes sont longtemps restés les oubliésde l'Histoire. Mais depuis les années 1960, ils necessent de se mobiliser pour résister aux politiquesd'extinction ou d'assimilation auxquelles semblait lesvouer l'idéologie du développement. Peu à peu, cemouvement a fait d'eux des acteurs à part entièresur la scène politique internationale; il a égalementcontribué à bousculer l'image largement teintée deracisme ou de paternalisme qui leur était attachéejusqu'alors. Les peuples indigènes ont formé desalliances inédites, pris contact avec des groupes desoutien. Ils s'initient aux méthodes de communicationles plus efficaces, utilisent les tribunes que leurprocurent certains organismes internationaux, commeles Nations-Unies, et tentent de modifier les législationsnationales et internationales qui les desservent.

Les premières organisationsindigènes (revendiquant notamment

le droit à l'autodétermination et aucontrôle des terres et des ressources)

sont nées en Amérique du Nord(American Indian Movement en 1968) etdu Sud (Fédération Shuar, Equateur, en

1964). Le Groupe de travail sur lespeuples autochtones, né en 1982 sousl'égide des Nations-Unies, a favorisé la

formation de réseaux intercontinentaux,telle l'Alliance mondiale des peuples

indigènes et tribaux des forêtstropicales créée en 1992. Le

développement de ces mouvements,leur présence accrue dans les forums

internationaux, ont conduit certainsgouvernements à adopter des

dispositions sans précédent.

‘Pour nous c'est unequestion de vie ou demort, toutes les luttes

que nous menonsaujourd'hui, nous les

menons pour nosenfants.’

Porte-parole d’une tribu de la vallée de la Narmada, Inde

De haut en bas :Marche pacifique des Indiens xavante à Coroa

Vermelha en avril 2000 qui marqua le 500e

anniversaire de la ‘découverte’ du Brésil. Lapolice anti-émeutes ouvrit le feu sur les

manifestants avec gaz lacrymogènes et ballesen caoutchouc. Plus tard, les Indiens furent

roués de coups. © Fernando López/CIMI

Une communauté guarani du Brésil au coursd’une ‘retomada’, une expédition de

reconquête de leur territoire aux mains defermiers. © João Ripper/Survival

Manifestation de femmes de la tribu desDongria Kondh durant l’audience publique sur

la faisabilité d’un projet minier controversésur leur montagne sacrée. Devant l’ampleur

de l’opposition, le débat ne se poursuivit pas.Village de Belemba, Orissa, Inde, 2009.

© Roberto Caccuri/Survival

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QUELS DROITS?Mis à part les textesgénéraux comme la Déclarationdes droits de l’homme ou lePacte international relatif auxdroits civils et politiques desNations-Unies (1966), la notiond’une protection juridiqueinternationale des peuplesindigènes garantissant lerespect de leurs droits,particulièrement territoriaux, etla satisfaction de leursrevendications vitales estrelativement récente. Il existe àl’heure actuelle deuxinstruments se rapportantspécifiquement aux droits despeuples indigènes.

La Déclaration des droits des peuples autochtonesAdoptée en 2007 par les Nations-Unies, elle a marqué une étape importante dans laprotection des droits de l'homme et des peuples en reconnaissant leurs droits àl'autodétermination et à la possession collective de leurs terres. Une telle avancée dansle droit international est certes importante, mais insuffisante : une déclaration ayant uneportée et des effets limités en ce sens que, n'impliquant aucune obligation pour lesgouvernements, elle est plutôt destinée à inspirer leur action.

La Convention 169Adoptée en 1989 par l'Organisationinternationale du Travail, la Convention169 relative aux peuples indigènes ettribaux est un instrument internationalplus ancien mais de portée supérieureparce que contraignant. Elle reconnaît un ensemble de droits fondamentauxessentiels à la survie des peuplesindigènes, notamment leur droit àdisposer d'eux-mêmes et insiste surl'importance que revêt pour leur culture etleurs valeurs spirituelles la relation qu'ilsentretiennent avec la terre et en particulierles aspects collectifs de cette relation. Elleengage les gouvernements nationaux àgarantir de manière effective l'intégritéphysique et spirituelle des peuplesindigènes vivant sur leurs territoires et àlutter contre toute discrimination à leurégard. Elle a été adoptée par plus de 20Etats, la plupart en Amérique latine. LaFrance refuse de la ratifier au motif que lareconnaissance de droits spécifiques auprofit de certaines catégories de citoyensentre en contradiction avec le principed'indivisibilité du peuple français inscritdans la Constitution de 1958.

‘Nos droits, c’estun devoir de les

arracher.’ Hawad, poète touareg

Ci-dessus : des Indiens kayapó se joignent,en 1988, à des représentants de 25 nations

amazoniennes au Congrès brésilien : ilsobtiennent l’inscription des droits indigènes

dans la nouvelle Constitution.© John Magrath/Survival,

Ci-contre : Une femme chakma et son enfant,Bangladesh © Mark McEvoy/Survival

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VICTOIRESInde : défaite d’ungéant minier En août 2010, les Dongria Kondh ontremporté une éclatante victoire surun géant minier qui s'est vu refuser,par le ministère indien del'Environnement, le permis d'exploiterla bauxite que recèle leur montagnesacrée. Le gouvernement indien avaitreçu plus de 10 000 lettres deprotestation émanant dessympathisants de Survival. Lasituation des Dongria Kondh a étécomparée à celle des Na’vi du film‘Avatar’ de James Cameron.

Botswana : un fiascopour le gouvernementEn 2002, les Bushmen furentviolemment expulsés de leurs terresancestrales dans la réserve duKalahari central pour faire place àl'exploitation d'un riche gisement dediamants. Ils remportèrent en 2006un procès historique contre leurgouvernement pour pouvoir retournersur leurs terres. La Haute Courbotswanaise qui leur donna raison,reconnut qu'ils avaient été évincés demanière ‘illégale etanticonstitutionnelle’. Depuis lors,cependant, le gouvernement a tentépar tous les moyens de les empêcherde retourner chez eux, notamment ensupprimant l'unique source d’eaudont ils disposaient dans la réservetout en faisant forer de nouveauxpuits exclusivement destinés à lafaune sauvage et à une compagnieminière. En janvier 2011, ils obtinrentenfin en appel le droit d'utiliser leurpuits condamné depuis neuf ans.

Brésil : terresretrouvées Trois campagnes de Survival, parmiles plus longues et les plusmarquantes, ont trouvé une issuefavorable avec la démarcationofficielle, en 1992, du territoireyanomami, en 2005, du territoireawá et, en 2009, du territoire deRaposa Serra do Sol. Ce dernier,

situé au nord du Brésil, qui abrite 15 000 Indiens makuxi, wapixana, ingarikó etpatamona a été l'objet, de la part des colons et des éleveurs locaux, de violentescampagnes visant à empêcher son homologation. Les Awá, dont le territoire se situeplus au sud, sont des chasseurs-cueilleurs nomades, décimés par les maladies et lesagressions des colons ; ils ne sont plus aujourd'hui que quelques centaines dont unecentaine refuse encore tout contact avec le monde extérieur. Leurs chances de surviesemblent désormais moins compromises.

‘Il s’agit pourchacun denous deprendreconsciencede l’urgenceet de la véritéde cette luttedans laquellec’estl’équilibremême dumonde quiest en jeu.’Jean-Marie G. LeClézio, prix Nobel delittérature, membre duComité d’honneur deSurvival

De haut en bas :Manifestation des Dongria

Kondh avant leur victoiresur un géant minier qui

projetait de détruire leurmontagne sacrée, Etat

d’Orissa, Inde, 2008.© Lindsey

Duffield/Survival

Les Bushmen célébrentleur victoire, Kalahari,

Botswana, 2006 © Survival

Indiens makuxi de RaposaSerra do Sol, Brésil,

célébrant leur victoireterritoriale, 2009

© Fiona Watson/Survival

Page 12: LES PEUPLES INDIGÈNES - Survival Internationalassets.survivalinternational.org/documents/765/exposurvival-web.pdfLES PEUPLES INDIGÈNES Des Aborigènesd'Australie aux Inuitdu continent

SURVIVAL

Agissez avec nous!Survival agit en lançant des campagnes internationales d'information et de mobilisationde l'opinion publique contre les positions arbitraires, les lois injustes, l’exploitation àoutrance des ressources naturelles vitales pour les peuples indigènes. Sessympathisants écrivent aux gouvernements et aux compagnies responsables de cesexactions. Par les informations qu'elle diffuse, l’organisation démontre que les peuplesindigènes ne sont pas ‘primitifs’ ou ‘arriérés’ mais différents, qu'ils ont le droit de vivrecette différence et de choisir les voies de leur propre évolution dans le monde actuel.

Rejoignez-nous!En adhérant à Survival, vous prendrez activement part au combat que mènent lespeuples indigènes sur toute la planète.

www.survivalfrance.org

Survival est la seule organisation mondiale soutenantles peuples indigènes les plus vulnérables par descampagnes d'opinion. Elle fut fondée à Londres en 1969suite au scandale que suscitaient les spoliations des terreset le génocide des Indiens d'Amazonie brésilienne.L'oppression raciste des Indiens du Brésil était exercée aunom de la ‘croissance économique’.

Survival défend la volonté des peuples indigènes dedécider de leur propre avenir et les aide à garantir leur vie,leurs terres et leurs droits fondamentaux.

Présente dans une centaine de pays, Survival assure lareprésentation des intérêts et la défense des droits despeuples indigènes auprès des gouvernements ou descompagnies multinationales qui peuvent les affecter.

Survival estime que l'opinion publique est la force la plusefficace pour un changement durable. Son pouvoir rendplus difficile, voire impossible, pour les gouvernements etles grandes compagnies, de mener des projets ou despolitiques qui oppriment et spolient les peuples indigènes.

Survival compte plus de 250 000 sympathisants dans lemonde entier.

Créée en 1978, la branche française de Survival est uneassociation reconnue d'utilité publique.

‘Je voudrais que vous,nos amis blancs,

puissiez continuer ànous aider. Ne nous

laissez pas seuls dansce combat. Maintenez

votre pression surnotre gouvernement.

Continuez voscampagnes de lettres,continuez à lutter pour

que nous vivions.’Davi Kopenawa, porte-parole

yanomami, Brésil

‘Ne doutez pas qu'un petit groupede citoyens conscients et résoluspuisse changer le monde. C'estmême la seule force qui ait jamaisréussi à y parvenir.’ Margaret Mead, anthropologue

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Indienne yanomami, Watoriki, Roraima, Brésil© Victor Englebert/Survival

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