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LES PME DE SERVICE INDUSTRIEL un secteur d’activité méconnu et indispensable à la
compétitivité des entreprises manufacturières
RAPPORT DE RECHERCHE
présenté au Ministère du Développement économique, de l’Innovation et
de l’Exportation
par
Josée St-Pierre, Ph. D. Charles Tollah, M. Sc.
William Menvielle, D.B.A. Saïd Zouiten, Ph. D.
Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises
Institut de recherche sur les PME Université du Québec à Trois-Rivières
Janvier 2008
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises
Sommaire exécutif La mondialisation de l’économie et le développement de l’économie de la connaissance
imposent présentement un niveau sans précédent d’ajustement des modes de fonctionnement
et d’organisation des entreprises de fabrication. Ces défis demandent aux entreprises, dont les
PME, de modifier leur modèle d’affaires pour évoluer vers l’entreprise apprenante, réticulée et
internationalisée. Cette évolution de la PME manufacturière est nécessaire pour demeurer
compétitive et maintenir sa position sur son marché. Mais pour y arriver, elle ne peut compter
exclusivement sur ses ressources internes. La PME manufacturière se doit ainsi de travailler
avec d’autres entreprises afin de bénéficier de leur expertise et de leur créativité pour pouvoir
réduire ses propres coûts de production et accroître son taux d’innovation. Dans un contexte
de chaîne de valeur, on verra donc s’accroître le rôle et l’importance des entreprises de
service industriel qui ont cette capacité de contribuer à la compétitivité des PME
manufacturières.
Mais quel est le profil des PME de service industriel, comment se définit ce secteur d’activité,
quels modes de fonctionnement permettent d’atteindre des niveaux de performance suffisants
pour contribuer à la compétitivité des PME manufacturières ? Autant de questions qui ne
trouvent présentement que peu de réponses dans la littérature scientifique et professionnelle
et auprès des chercheurs, ces derniers s’étant surtout consacrés à l’étude des PME
manufacturières durant ces dernières années.
Compte tenu de leur rôle de plus en plus stratégique dans l’environnement d’affaires des
entreprises de fabrication, de leur importance grandissante en poids et en valeur économique
dans les pays développés (et qui s’accroît dans les pays en voie de transition), il nous est
apparu opportun et surtout «urgent» de nous intéresser aux particularités des PME de service
industriel. L’objet de ce rapport est donc d’apporter un éclairage le plus complet possible
visant à apprécier les réalités, le fonctionnement et la contribution des PME de service
industriel à l’économie, non pas seulement dans leur réalité intrinsèque, mais également
comme acteur de soutien à tout le secteur manufacturier, notamment aux PME.
Pour contribuer au dynamisme économique en tant qu’entités spécifiques ou en lien avec la
chaîne de valeur du secteur manufacturier, les PME de service industriel auront à mettre en
place des pratiques d’affaires appropriées, à utiliser certains outils de gestion et à implanter
des technologies visant à les rendre plus efficaces. Développer une clientèle et des marchés
spécifiques et innover sur une base continue constitueront leurs principaux défis.
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises i
Table des matières
Sommaire exécutif ......................................................................................... i
Table des matières......................................................................................... ii
Liste des tableaux.......................................................................................... iii
Liste des figures et des graphiques...................................................................... iv
INTRODUCTION ............................................................................................ 1
DÉFINITION, CARACTÉRISTIQUES ET CLASSIFICATION DES SERVICES................................ 4
Classification des services ........................................................................... 4
Définition et caractéristiques des activités de services......................................... 8
RÔLE ET IMPORTANCE DU SECTEUR DES SERVICES DANS L’ÉCONOMIE ............................. 11
Au niveau du produit intérieur brut (PIB) ......................................................... 11
Au niveau de l’emploi ................................................................................ 12
Au niveau de la recherche et développement .................................................... 14
Au niveau de l’innovation............................................................................ 15
Au niveau de l’importation et de l’exportation .................................................. 19
RELATIONS ENTRE LE SECTEUR DES SERVICES ET LE SECTEUR MANUFACTURIER ................. 21
DÉFIS ET PERFORMANCE DANS LES SERVICES : FACTEURS ET MESURES ............................ 26
Les défis de la performance des PME de service et les façons de les relever ............... 29
La mesure de la performance ....................................................................... 34
SYNTHÈSE ............................................................................................ 38
Liste de références ........................................................................................ 39
Annexe 1..................................................................................................... 42
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises ii
Liste des tableaux
Tableau 1 Nomenclature des services du tertiaire privé selon les codes SCIAN 2007 ...................................................................................... 5
Tableau 2 Quatre exemples de typologies des services .................................... 5
Tableau 3 Les trois groupes d’entreprises de service industriel.......................... 8
Tableau 4 Distribution et croissance du PIB réel dans l’économie canadienne (données de 1997) .................................................................... 12
Tableau 5 Pourcentage annuel moyen de l’emploi dans divers secteurs de l’économie .............................................................................. 13
Tableau 6 Part moyenne et croissance du total des dépenses en R-D des entreprises canadiennes ............................................................. 15
Tableau 7 Croissance et composition industrielle des exportations et balance commerciale du Canada.............................................................. 20
Tableau 8 Chaîne de valeur de la PME et services sollicités ............................... 25
Tableau 9 Profil des entrepreneurs selon le secteur d’activité........................... 27
Tableau 10 Données économiques sur les entreprises selon leur secteur ............... 28
Tableau 11 Besoins et défis des PME de service et solutions pour les relever .......... 33
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises iii
Liste des figures et des graphiques
Figure 1 Évolution des emplois selon les secteurs : 1870-2001......................... 2
Figure 2 Chaîne de valeur et description des activités nécessaires à la fabrication d’un bien ................................................................. 6
Figure 3 Interaction entre les secteurs industriels et des services .................... 22
Figure 4 Présentation des services périphériques ......................................... 22
Figure 5 Représentation des défis des PME de services .................................. 29
Figure 6 Relations entre les indicateurs de performance et les décisions de gestion ................................................................................... 35
Figure 7 Processus de gestion de la performance.......................................... 37
Graphique 1 Croissance de la productivité dans les services aux entreprises dans les pays de l’OCDE..................................................................... 14
Graphique 2 Parts de certains pays dans le total des échanges mondiaux de services aux entreprises en 1998 et 2004 ....................................... 20
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises iv
INTRODUCTION
La mondialisation de l’économie et le développement de l’économie de la connaissance et de
l’ère informatique amènent les pays à vivre d’importantes restructurations industrielles qui, si
mal planifiées ou supervisées, peuvent entraîner des conséquences négatives sur l’emploi et la
richesse. Depuis quelques années, on assiste à des pertes massives d’emplois dans le secteur
manufacturier qui a toujours été considéré comme le moteur des économies développées (Léo
et Philippe, 2006a). Dans ce contexte, les entreprises manufacturières font face à des défis
qui, pour plusieurs d’entre elles, sont impossibles à relever. La pression sur les coûts de
production qu’exercent les entreprises asiatiques dans de nombreux secteurs, notamment, est
un phénomène qui est loin de vouloir s’atténuer. Cette évolution dans le rôle des différents
acteurs de l’économie mondiale amène ainsi les pôles industriels à se déplacer vers les pays
émergents, alors que les pays considérés comme les plus industrialisés voient une part
importante des emplois manufacturiers remplacés par des emplois dans les secteurs tertiaires.
Un rapide coup d’œil sur des données historiques montre cependant que le transfert des
emplois vers les pays nouvellement émergents n’est pas un phénomène récent, non plus que la
perte d’emplois dans les secteurs de la fabrication, au profit des secteurs des services. Les
données du Conference Board (2004) présentées à la figure 1 indiquent que, depuis plus de 130
ans, les emplois dans les pays développés se sont déplacés des secteurs des ressources vers
ceux des industries et de plus en plus vers les services, expliquant pourquoi la part des emplois
manufacturiers au Canada et aux États-Unis a diminué sensiblement au cours de cette période.
Les pays du sud-est asiatique sont ceux qui bénéficient présentement le plus de cette évolution
structurelle.
Vouloir combattre et s’opposer à la mondialisation semble sans issue, comme l’affirme l’OCDE
(2005). Pour y entrer de plain-pied, l’organisme de développement économique suggère aux
états de revoir leurs façons de faire et d’adapter leur économie à cette nouvelle réalité. Ceci
oblige ainsi les PME manufacturières à modifier leur stratégie de production et de
développement; leur choix se limite à offrir un produit différencié, distinctif, à forte valeur
ajoutée (St-Pierre et Trépanier, 2006). Pour pouvoir offrir un tel produit à un prix compétitif,
les PME doivent de plus en plus se spécialiser et externaliser les activités pour lesquelles elles
ont moins d’expertise et surtout, pour lesquelles elles ne peuvent bénéficier de faibles coûts.
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 1
Figure 1
Évolution des emplois selon les secteurs : 1870-2001
Source : Conference Board, 2004
Pour faire face à cette situation, plusieurs dirigeants doivent modifier leur conception de
Ces caractéristiques de la nouvelle économie mettent de l’avant l’importance du secteur des
Même si on note une importance grandissante du secteur des services dans les économies des
Part de l'emploi - États-Unis
0%20%
40%60%
80%100%
1870 1950 1973 1995 2001
Ressources Industrie Serv ice
Part de l'emploi - Canada
0%20%
40%60%
80%100%
1870 1950 1973 1987
Ressources Industrie Serv ice
l’entreprise et passer, comme l’ont suggéré Julien, Raymond, Jacob et Abdul-Nour (2003), de
l’entreprise « château » à l’entreprise « réseau ». La métaphore du château présente
l’entreprise comme une organisation fermée sur elle-même, qui travaille en autarcie et dispose
de ses propres méthodes. À l’opposé de l’entreprise « château », on trouve l’entreprise
« réseau » qui est ouverte tant à l’interne (collaboration entre départements, gestion
participative, etc.) qu’à l’externe (collaborations avec d’autres organisations, engagement des
parties prenantes, activités de veille, etc.) et adopte une stratégie où le client est valorisé, la
qualité des produits est supérieure et la flexibilité de l’entreprise est accrue. Aussi,
l’entreprise qui travaille en réseau est plus spécialisée et sous-traite ou collabore avec d’autres
firmes qui ont le savoir, les compétences et les ressources requises pour compléter son offre de
produits pour les activités qui sont en-dehors de ses domaines de compétence.
services industriels et leur rôle dans le développement et la compétitivité du secteur
manufacturier. L’explosion du secteur des services est particulièrement importante dans les
pays fortement industrialisés où les coûts de production des entreprises manufacturières
deviennent un important frein à leur croissance, voire un risque à leur survie.
pays développés, comme l’ont souligné plusieurs auteurs (Acharya, 2006; Sauvé, 2006), il existe
cependant d’importantes lacunes quant aux connaissances dont on dispose sur les particularités
et le fonctionnement des PME de services. Celles-ci ont suscité peu d’intérêt ces dernières
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 2
années, tant du côté des pouvoirs publics que des chercheurs, principalement en raison d’une
méconnaissance de leur fonctionnement et de leur mode d’organisation (Chumpitaz et Swaen,
2002) mais également en raison de leur faible contribution présumée à l’économie et à la
création de richesse.
Dans la mesure où ces entreprises pourraient devenir le moteur économique de nombreux pays
Une enquête récente réalisée pour le compte du gouvernement canadien a permis de comparer
Ainsi, tout comme les PME manufacturières qui bénéficient de diverses formes d’aide et de
la performance approprié à ces entreprises.
qui connaissent des restructurations industrielles et un redéploiement vers l’industrie du
savoir, il devient de plus en plus important d’avoir une image fiable et complète de leur
réalité, de leurs besoins et de leurs défis, et ce, afin de les soutenir dans leur développement.
les défis et les besoins des PME de services par rapport aux PME manufacturières. Quelle que
soit leur nature, on constate que les principaux obstacles au développement de ces entreprises
sont comparables : la gestion des ressources humaines, l’accès à du financement adéquat pour
les équipements de pointe, la commercialisation rapide des produits et des services et les
activités de R-D (St-Pierre et Mathieu, 2006). Leurs défis sont également similaires : la
commercialisation de leurs produits et services et la gestion des ressources humaines. Du côté
des entreprises de services, les défis de la commercialisation se situent principalement au
niveau de l’embauche de personnel qualifié et du financement, alors que pour les PME
manufacturières, l’identification de nouveaux débouchés est un défi davantage important.
Quant aux besoins d’aide externe pour atténuer ces problèmes, les PME de services ne
présentent pas de demandes particulières et distinctes des autres entreprises. Ce sont dans les
spécificités de leur mode de fonctionnement que les distinctions apparaissent. Par exemple, la
rétention de personnel hautement éduqué, comme dans certains secteurs des services, ne
demande pas la même intervention que pour du personnel clé technique qui est moins mobile.
soutien gouvernemental à leur développement, les PME de services pourraient requérir le
même type d’interventions, mais dans une forme qui convient à leurs besoins spécifiques.
Toutefois, pour pouvoir présenter des interventions pertinentes et adéquates, une
connaissance plus approfondie des particularités des entreprises du secteur tertiaire est
indispensable. C’est l’objet de ce rapport de recherche qui vise à mettre en exergue certaines
des spécificités des entreprises de services, notamment les facteurs tributaires de leur
performance et de leur vulnérabilité. Ces spécificités seront définies à l’intérieur du contexte
d’affaires des PME de services en tenant compte des défis qu’elles ont à relever pour assurer
leur performance et leur pérennité, ce qui nous amènera à concevoir un modèle de gestion de
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 3
Dans les prochains paragraphes, nous allons d’abord procéder à une définition et à une
caractérisation des entreprises de services telles qu’on peut les retrouver dans différentes
classifications officielles. Nous évoquerons ensuite l’importance de leur rôle dans l’économie
DÉFINITION, CARACTÉRISTIQUES ET CLASSIFICATION
avant de discuter de leurs relations avec le secteur manufacturier. Une fois ces précisions
apportées, nous pourrons finalement nous questionner sur les facteurs clés de leur
développement et de leur performance en lien avec les défis de leur environnement d’affaires.
DES SERVICES
Classification des services
Dans la littérature, notamment la documentation de source gouvernementale, il
lassifications des services. Mais avant de les parcourir, il
faut savoir qu’elles reposent toutes sur les cadres de référence des systèmes de classification
type en vigu
e système est
compatible avec la classification internationale type par industrie (CITI) des Nations Unies.
existe de nombreuses typologies ou c
eur dans leur pays d’origine. En d’autres mots, toutes ces classifications s’inspirent
directement des définitions et des regroupements d’activités de services adoptés dans les
nomenclatures officielles. En plus de servir à regrouper les entreprises de services, ces
nomenclatures sont utiles pour aider à appréhender leur réalité et à mesurer le poids de ce
secteur et des sous-secteurs qui le composent à la contribution au PIB national.
Au Canada, aux États-Unis et au Mexique, la nomenclature officielle des services est basée sur
le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN). C
L’appartenance à un secteur d’activité particulier se fait « sur la base de la similarité des
processus de production » (Tableau 1).
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 4
Tableau 1 Nomenclature des services du tertiaire privé selon les codes SCIAN 2007
Commerce de gros Gestion de sociétés et d’entreprises Commerce de détail Services administratifs et services de soutien Transport et entreposage Services d’enseignement Industrie de l’information et industrie culturelle Soins de santé et assistance sociale Finance et assurances Arts, spectacles et loisirs Services immobiliers et services de location Hébergement et services de restauration Services professionnels, scientifiques et techniques Autres services
Source : Statistique Canada, 2007
En plus des nomenclatures officielles, il existe d’autres typologies des services. Les critères
utilisés pour ces classifications font très souvent référence aux caractéristiques fonctionnelles
des services, à leur contenu technologique, à leur niveau d’intensité de savoir, à leurs
caractéristiques économiques, à leur structure professionnelle ou encore à leurs clientèles
types. Le tableau 2 nous donne un aperçu de quatre typologies des services inspirées de la
littérature (CST, 2003).
Tableau 2 Quatre exemples de typologies des services
Caractéristiques fonctionnelles Niveaux de savoir Caractéristiques
économiques Clientèles types
SERVICES DE DISTRIBUTION • Transport • Communications • Commerce
SERVICES AUX ENTREPRISES • Banques • Assurances • Immobilier • Ingénierie • Comptabilité • Services juridiques
SERVICES SOCIAUX • Santé • Éducation • Services publics • Services à but non lucratif
SERVICES PERSONNELS • Services domestiques • Hébergement et
restauration • Réparations • Soins esthétiques • Loisirs et spectacles
SAVOIR ÉLEVÉ • Services aux entreprises • Services d’enseignement • Santé et services sociaux • Énergie électrique
Transport • par pipeline
SAVOIR MOYEN • Communications • Commerce de gros • Finances et assurances • Services immobiliers • Divertissement et loisir
SAVOIR FAIBLE • Transport et entreposage • Commerce de détail • Services personnels • Hébergement et
restauration
TERTIAIRE MOTEUR • Télécommunications • Énergie électrique • Services financiers • Services aux entreprises
TERTIAIRE TRADITIONNEL • Transport et entreposage • Communications • Postes et messageries • Commerce • Assurances • Services immobiliers • Divertissements et loisirs • Services personnels • Hébergement
TERTIAIRE NON COMMERCIAL • Enseignement • Santé et services sociaux • Organismes religieux • Administrations publiques
et restauration
SERVICES AUX PRODUCTEURS • Transport et entreposage • Communications • Finance, assurance • et immobilier • Commerce de gros • Services aux entreprises
SERVICES AUX CONSOMMATEURS • Commerce de détail • Hébergement et
restauration • Autres services personnels
SERVICES GOUVERNEMENTAUX • Services d’éducation • Santé et services sociaux • Autres services • gouvernementaux
Source : CST (2003)
Une autre façon de regrouper les secteurs des services est de considérer leur contribution au
secteur manufacturier ainsi qu’à sa chaîne de valeur. Cette classification s’inspire de la
définition de l’entreprise réseau donnée plus haut et de l’importance du rôle que peuvent
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 5
jouer les entreprises de services dans le dynamisme et la compétitivité des entreprises de
fabrication.
On note ainsi, à la figure 2, que les fonctions des manufacturiers sont séparées en deux, soit
les « fonctions de base » nécessaires à la conception, à la production et à la livraison du
produit et les « fonctions de soutien » qui sont utiles à toute l’organisation et non
spécifiquement au produit.
Figure 2 Chaîne de valeur et description des activités nécessaires à la fabrication d’un bien
De la recherche du client … … jusqu’au … … service après vente
FONCTIONS DE BASE NÉCESSAIRES À LA CONCEPTION, À LA PRODUCTION, À LA LIVRAISON ET À LA SATISFACTION DES BESOINS DES CLIENTS
Mar
keti
ng
Recherche commerciale
Pré-test de marché Test de
marché Mise en marché Ventes
Service après vente
R-D
Expression des opportunités en produit potentiel
Recherche de brevet
Conception composantes et/ou produits
Pré-faisabilité technique
Prototypage
Brevet, propriété intellect-tuelle
Prod
ucti
on
Conception et préparation des systèmes de fabrication Fabrication
Contrôle de
qualité
Logi
stiq
ue
Approvision-nement
Entreposage, gestion des stocks Livraison
FONCTIONS DE SOUTIEN UTILES AU FONCTIONNEMENT DE L’ORGANISATION
Fina
nce/
Co
mpt
abili
té
Évaluation pré- faisabilité financière
Financement R-D
Évaluation faisabilité financière
Finance-ment prototype / Mise en marché
Financement équipement / fonds de roulement
Gestion des comptes / des liquidités
Tech
nolo
gies
et
Sys
tèm
e d’
info
rmat
ion
Échange de données / collecte de données
Codévelop-pement / assistance technologique
Échange de données / utilisation d’outils de collaboration en production
Échange de données / gestion informatisée des inventaires
Échange de données / gestion informatisée
GRH
Recrutement, formation, rémunération, motivation, rétention, développement des compétences, évaluation, etc.
Les activités de fabrication sont encadrées par un ensemble d’activités qui peuvent être
réalisées par l’entreprise (interne) ou par des entreprises spécialisées (externe). La
spécialisation permet aux entreprises manufacturières de développer des « économies
d’échelle », des économies de connaissance et ainsi produire à des coûts inférieurs et d’une
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 6
façon souvent « unique » un produit ou un service comparable à celui qui est fabriqué par
d’autres. Cette efficacité accrue vient du fait que l’entreprise spécialisée a avantage à
développer des connaissances pointues pour améliorer son service afin de demeurer
compétitive. De son côté, l’entreprise non spécialisée qui ne fait usage de ce service que de
façon sporadique, ne voit pas la pertinence d’y allouer d’importantes ressources, notamment
en R-D, pour pouvoir l’améliorer; cela s’explique également par le fait que le coût de ce
service n’est qu’une composante marginale du coût global du produit qui constitue sa
spécialité.
Cette spécialisation des activités devient ainsi un avantage important pour le développement
économique national et pour la création de richesse (McRae, 1994, cité dans Wirtz, 2000).
Ainsi, plutôt que de voir l’entreprise manufacturière réaliser seule toutes les activités
nécessaires à la conception, à la fabrication, à la mise en marché et au service après vente
pour ses propres produits, elle serait amenée à se concentrer davantage sur les étapes de la
fabrication pour travailler en étroite collaboration avec des firmes spécialisées pour les autres
activités. Cette collaboration prendrait des formes variées tout au long de la chaîne de valeur,
modulant ainsi le rôle et l’importance de l’intervention des entreprises spécialisées. C’est le
cas notamment pour certaines activités reliées à la fonction marketing tels que la recherche
commerciale et le pré-test des produits qui doivent être réalisées avant la conception des
produits, alors que d’autres telles que la mise en marché et la vente viennent après, ce qui
implique un jeu de partenaires qui s’ajuste selon les étapes de la chaîne de valeur (Kirca,
Jayachandran et Bearden, 2005).
Czarnitzki et Spielkamp (2003) vont plus loin et soutiennent que l’industrie des services
constitue le « pont de l’innovation » pour elle-même, mais également pour le secteur
manufacturier qu’elle soutient de plus en plus. Pour les auteurs, l’innovation dans le secteur
manufacturier ne peut se faire sans les entreprises de services surtout qu’elles sont devenues
aujourd’hui des fournisseurs, des utilisateurs, des concepteurs ainsi que des établissements
intermédiaires de transfert de l’innovation technologique et non technologique. En somme,
elles ont le rôle principal dans le processus de développement de produit et dans l’économie
du savoir.
Bien que faisant tous partie du secteur tertiaire, les secteurs des services interpellés par les
activités identifiées à la figure 2 ont plusieurs traits distinctifs et leur contribution à
l’entreprise manufacturière est variable. Cette contribution sera d’autant plus stratégique que
le service sera intégré directement au produit, comme dans le cas de certains secteurs
d’ingénierie ou des laboratoires d’essais, et permettra ainsi d’y ajouter de la valeur. D’autres
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 7
activités, par contre, font moins appel à de la connaissance, mais plus à des compétences
techniques et manuelles comme celles liées aux secteurs d’emballage et d’étiquetage ou à la
réparation et à l’entretien de certains types d’équipement. En analysant leur rôle, nous avons
pu regrouper les entreprises de services selon la nature de leur intervention, le niveau de
savoir demandé et, finalement, selon leur capacité à ajouter de la valeur aux produits de
l’entreprise manufacturière. Trois regroupements de PME de services industriels ont ainsi été
obtenus (Tableau 3) :
• les services à haut savoir contribuant à ajouter de la valeur aux produits des entreprises manufacturières;
• les services métiers dont l’activité est réalisée à partir d’équipement, qui fait appel à du personnel technique habituellement peu scolarisé; et
• les services à haut savoir en soutien aux activités des manufacturières.
Par ailleurs, la prise en compte de l’intégration du service au produit permettra de donner tout
son sens à l’entreprise réseau puisque les différents agents économiques réticulés ont en
commun le développement et la commercialisation d’un produit à valeur ajoutée et ayant une
composante forte en innovation.
Tableau 3 Les trois groupes d’entreprises de service industriel
Services à haut savoir intégrés au produit/service
Services métiers (savoir en
matière de service technique)
Services à haut savoir en soutien aux entreprises
• Service de génie • Service de dessin technique • Service spécialisé en design • Service de recherche et de
développement scientifiques
• Grossistes / distributeurs de machines, matériel et fournitures
• Transport • Messagerie et services de
messages • Location de matériel
automobile • Location de machines et
matériel d’usage commercial • Réparation et entretien de
matériel de précision • Réparation et entretien de
machines et de matériel d’usage commercial
• Service juridique • Service de conseil en
gestion • Publicité • Autres services
professionnels • Service d’enseignement • Télécommunication • Fournisseurs de services
internet, sites portails de recherches
• Conception de systèmes informatiques et connexes
Note. Cette liste de regroupement sectoriel n’est pas exhaustive ni représentative de l’ensemble des activités réalisées dans les secteurs des services.
Définition et caractéristiques des activités de services
Dans les études en marketing, on a longtemps décrit les services comme « une aide
à la production et à la vente de biens ». Ces services, pour la plupart associés à la vente d’un
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 8
bien, sont souvent considérés comme un complément automatique au produit. Certains auteurs
ont même défini plus largement les services pour y inclure « toutes les choses non physiques
pour lesquelles nous dépensons de l’argent » (Vargo et Morgan, 2005). Là encore se pose le
problème d’une définition trop générale avec de multiples caractéristiques. Plus récemment,
Acharya (2006) aborde la définition des services du point de vue du secteur économique. Selon
lui :
Les services sont des activités économiques qui englobent la fourniture de valeurs humaines sous forme de main-d’œuvre, de conseils, de compétences en gestion, de formation, de loisirs, de vente et de distribution de biens d’intermédiation et de diffusion d’information (p. 87).
Il s’agit d’une définition intéressante mais qui pourrait s’avérer incomplète au niveau de
l’exhaustivité des secteurs et des caractéristiques énumérées (services financiers, location de
biens, entreposage, etc.).
Bien que les débats sur les définitions des services perdurent et que nous ne prétendons pas
vouloir terminer ici, on retiendra toutefois que plusieurs auteurs s’entendent sur une liste de
caractéristiques qui distinguent les entreprises de services des entreprises fabriquant des biens
(Vargo et Morgan, 2005; Zeithaml et al., 1985; De Brentani, 1991). Parmi ces caractéristiques,
on retrouve le plus souvent l’intangibilité, l’hétérogénéité, la périssabilité ou une simultanéité
entre la production et la consommation de services. Dans un de ses récents rapports, le Conseil
des sciences et de la technologie (2003) décrit ces caractéristiques comme suit :
Intangibilité
Les services ont généralement la particularité d’être immatériels ou intangibles; il est
impossible de les appréhender en tant que tel (Lovelock et al., 2004). Contrairement à un
bien physique, ils prennent la forme d’une action ou d’une manière d’accomplir certaines
tâches. Cette particularité des services peut varier d’un secteur d’activité à un autre
surtout que plusieurs services comportent des éléments tangibles, comme les services
métiers. Le secteur du transport, par exemple, illustre cette complémentarité montrant
bien la prestation du service allant de paire avec le matériel de transport qui
l’accompagne. Il existe aussi les services purs tels que les services conseils dont le
caractère intangible est total. Cette caractéristique, qui peut être un élément important
de la création de valeur de l’entreprise, présente toutefois un problème de protection
lorsque le service est le résultat des activités d’innovation. On peut ainsi constater un effet
sur la vulnérabilité des entreprises de service, surtout lorsqu’elles sont incapables de
« rentabiliser » leurs innovations en en profitant sur une grande échelle.
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 9
Hétérogénéité
Les services offerts au client sont généralement personnalisés et varient selon les
préférences et besoins de ce dernier (Eiglier et Langeard, 1987). L’entreprise présente
ainsi une gamme de compétences pouvant être mises à profit de façon diverse et
personnalisée selon les besoins de chaque client, contrairement à l’entreprise de
fabrication qui possède plutôt un portefeuille plus ou moins étendu de biens divers. D’un
autre côté, toutefois, De Brentani (1991) souligne que la variabilité1 dans la prestation des
services peut être le signe d’un manque de consistance, d’une pauvre qualité des services,
ou encore d’une difficulté à faire reconnaître sa notoriété et se voir identifié comme un
expert dans un service spécifique.
Périssabilité
Le caractère intangible des services les rend difficiles à produire à l’avance et impossibles
à stocker. Ils sont éphémères et sont consommés en même temps qu’ils sont produits.
Cette particularité met de l’avant les difficultés à financer les activités d’une part et à
réaliser une planification à moyen et long terme utile d’autre part. Ajoutons que cette
notion de périssabilité fait également référence à la notion d’inventaire, c’est-à-dire la
capacité de production inutilisée. Ainsi, lorsqu’on paie des ressources humaines pour une
prestation de service et qu’aucun client ne se présente, les frais d’inventaire sont élevés
(Berkowitz et al., 2007).
Simultanéité
La simultanéité peut se définir comme l’interaction entre le prestataire et le client. Un
contact régulier avec le client permet à l’entreprise de service d’être plus au fait de ses
besoins actuels et à venir facilitant ainsi sa capacité à répondre adéquatement à ses
attentes. Et à l’encontre du secteur manufacturier, le client est très souvent
personnellement et directement intégré au processus de production du service qui lui est
offert puisque c’est lui qui en définit les paramètres.
Ces particularités des services offerts par les entreprises spécialisées mettent en exergue des
traits spécifiques qui les distinguent des entreprises manufacturières : du personnel souvent
hautement scolarisé, une valorisation de ses compétences, une proximité avec son marché,
une offre de service unique et personnalisée, une participation souvent active du client dans
1 La variabilité est un autre terme désignant l’hétérogénéité comme le soulignent Sauvé et Filiatrault (1996).
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 10
l’élaboration du service offert ainsi qu’une capacité constante à répondre rapidement et
efficacement à la demande de nouveaux services. Toutes ces caractéristiques sont à la base de
la nature de la prestation du service, de sa consommation et du contrôle de sa qualité. En
maîtrisant chacune d’elles, l’entreprise saura comment tirer avantage de l’intangibilité, de
l’hétérogénéité, de la périssabilité et de l’interaction avec sa clientèle.
RÔLE ET IMPORTANCE DU SECTEUR DES SERVICES DANS L’ÉCONOMIE
Au niveau du produit intérieur brut (PIB)
L’industrie des services prend une part de plus en plus importante dans l’économie mondiale.
Ce secteur représente maintenant plus de 70 % des emplois et de la valeur ajoutée dans
l’économie des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE,
2005). En 2001, les services occupaient 72 % du produit intérieur brut (PIB) des pays
développés, 57 % du PIB des pays de l’Union européenne (UE) et environ 52 % du PIB des pays
en développement (MDEIE, 2006). Selon l’OCDE (2005), l’intérêt pour les services est justifié
parce qu’ils constituent un outil incontournable pour stimuler l’économie, en contribuant à
l’emploi, à la productivité ainsi qu’à l’innovation de ses pays membres.
Les plus récentes statistiques, obtenues en 2003, estiment la proportion des services dans
l’économie canadienne à 69 % du PIB, 75 % des emplois et 35 % des efforts en recherche et
développement par rapport au total des dépenses (MDEIE, 2006). L’évolution de l’industrie des
services s’est faite en deux périodes (Tableau 4).
La plus forte croissance du secteur des services entre 1991 et 1992 par rapport au secteur
manufacturier (2,7 % c. 1,7 %) a été suivie par une croissance encore plus marquée dans la
décennie suivante (3,4 % c. 2,9 %) alors que l’économie canadienne était en pleine
effervescence. Parmi les sous-secteurs de services ayant beaucoup contribué à cette
croissance, on peut compter le commerce de gros, les services professionnels, scientifiques et
techniques de même que l’industrie de l’information et l’industrie culturelle. À l’exception du
dernier secteur, celui de la culture, les autres sont en lien direct avec les secteurs de la
fabrication, ce qui montre que le dynamisme de l’un contribue au dynamisme de l’autre.
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 11
Tableau 4 Distribution et croissance du PIB réel dans l’économie canadienne
(données de 1997)
Part Taux de croissance
1981 à
1982
1991 à
1992
2001 à
2002
1991 à 1992 sur
1981 à 1982
2001 à 2002 sur
1991 à 1992
Ensemble des industries 100,0 100,0 100,0 2,4 3,2
Industries de la production de biens Fabrication
34,2 16,3
32,1 15,7
31,0 16,9
1,7 2,0
2,9 4,0
Industries de la production de services Commerce de gros Commerce de détail Transport et entreposage Industrie de l’information et industrie culturelle Services professionnels, scientifiques et techniques Services d’enseignement Services de santé et de services sociaux Administrations publiques
65,8 3,4 5,8 4,5 2,5 2,6 6,7 6,9 7,3
67,9 4,8 5,4 4,6 3,2 2,9 6,1 7,3 7,1
69,0 5,9 5,6 4,6 4,5 4,7 4,6 5,8 5,7
2,7 5,9 1,6 2,6 4,8 3,6 1,3 3,0 2,0
3,4 5,3 3,7 3,4 7,1 8,3 0,4 0,9 0,9
Source : Acharya (2006)
Wirtz (2000) souscrit à ce constat concernant l’importance relative du secteur des services et
montre que ce secteur est également en forte croissance dans certains pays asiatiques, dont
Taiwan, le Japon, Singapour et Hong-Kong. Il ajoute que la croissance du secteur des services
et la régression des emplois dans le manufacturier s’expliquent aussi par la spécialisation de
plus en plus grande des entreprises de fabrication, ce dont nous avons déjà discuté.
Au niveau de l’emploi
Au Canada, le pourcentage d’emplois issus des services est passé de 66 % à 74 % entre le milieu
des années 70 et l’année 2002 (Tableau 5). Cette croissance continue a profité surtout aux
emplois à temps partiel et a été vécue différemment selon les divers sous-secteurs. On notera
toutefois que les sous-secteurs les plus importants sont plus souvent dans les services aux
particuliers que dans les services aux entreprises; alors que les secteurs où la croissance a été
la plus forte sont ceux de l’industrie de l’information et de la culture (augmentation de 18 %)
et des services professionnels, scientifiques et techniques (38 %), soit des secteurs en lien avec
l’entreprise manufacturière. Des données plus récentes devraient certainement confirmer ces
tendances.
Dans son étude, Acharya (2006) ajoute à cette analyse que plus de 70 % des employés œuvrant
dans les services viennent d’établissements plus petits (moins de 100 employés)
comparativement à 46 % d’employés pour le secteur manufacturier. Les femmes prennent une
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 12
part importante des emplois et elles comptent pour 84 % des salariés dans les secteurs de la
santé et des services sociaux et pour plus de 60 % dans les secteurs financiers (finance et
assurances, immobilier et services de location et de location à bail), dans les services
d’enseignement et d’hébergement et dans les services de restauration. Les jeunes employés
occupent également une part plus élevée dans le domaine des services contrairement au
domaine du manufacturier. Finalement, les industries de services apparaissent comme celles
qui emploient une proportion plus importante de diplômés universitaires pour réaliser leurs
activités.
Tableau 5 Pourcentage annuel moyen de l’emploi dans divers secteurs de l’économie
Emploi total Emploi à temps plein Emploi à temps partiel
1976-1977 1991-1992 2001-2002 1991-1992 2001-2002 1991-1992 2001-2002
Industries de la production de biens Fabrication
33,9
18,7
27,0
14,5
25,6
15,1
30,5
17,0
29,6
17,8
11,6
3,3
8,1
3,0
Industries de la production de services Commerce de gros Commerce de détail Transport et entreposage Finances et assurance Industrie de l’information et
industrie culturelle Services professionnels,
scientifiques et techniques Services d’enseignement Services de santé et de
services sociaux Administrations publiques
66,1
n.d. n.d. 5,7
n.d.
3,7
2,7 6,8
8,1 6,6
73,0
3,2 12,8 4,8 4,5
3,9
4,7 6,8
10,3 6,7
74.4
3,6 12,2 5,0 4,2
4,6
6,5 6,5
10,3 5,1
69,5
3,6 10,6 5,2 4,8
3,7
5,0 6,6
9,2 7,6
70,4
4,1 9,9 5,4 4,6
4,3
6,9 5,9
9,5 5,8
88,4
1,5 22,5 3,4 3,1
4,7
3,3 7,7
15,3 2,8
91,9
1,5 22,0 3,1 2,7
6,1
4,8 9,2
14,2 2,0
Source : Acharya (2006)
Censée prévoir la croissance de la production sur la base de l’évolution de l’emploi, la faible
performance de la productivité du secteur des services s’explique par un problème au niveau
de la mesure qui n’arrive pas à quantifier la nature intangible de certains services. Depuis
longtemps négative pour plusieurs pays de l’OCDE (2007), la performance de l’industrie des
services est redevenue positive au cours de la seconde moitié des années 90, l’amélioration de
la croissance de la productivité étant en partie attribuable au secteur des services aux
entreprises selon différents spécialistes (Graphique 1). Malgré ces difficultés, les recherches se
poursuivent afin d’obtenir une meilleure mesure pour les prochaines années (OCDE, 2007).
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 13
Graphique 1 Croissance de la productivité dans les services aux entreprises dans les pays de l’OCDE Source : OCDE, 2007
Au niveau de la recherche et du développement (R-D)
Bien qu’elles se manifestent différemment et qu’elles soient plus difficiles à mesurer que dans
le secteur manufacturier, les activités de R-D occupent une place de plus en plus importante
dans les services. Ces activités sont le plus souvent dédiées à la prestation des services en tant
que tels ainsi qu’à l’utilisation de technologies visant à améliorer la fourniture du service.
Selon les chiffres des pays de l’OCDE en 2001, les entreprises de services représentaient une
proportion de 20 % à 30 % de tous les efforts de R-D. Entre 1980 et 2002, les dépenses de R-D
dans les entreprises de services ont augmenté plus rapidement (de 18 % à 35 %) que dans celui
de la fabrication (Tableau 6).
Les secteurs de services avec la plus forte croissance de dépenses en R-D sont la conception de
systèmes informatiques et les services connexes, les services d’ingénierie et scientifiques, la
communication ainsi que le transport et l’entreposage. Parmi les facteurs ayant contribué à
cette augmentation, on retient (CST, 2003) :
Une couverture statistique améliorée
En raison de l’amélioration des méthodes et pratiques statistiques, notamment par la prise
en compte de données qualitatives, plusieurs pays ont récemment étendu le champ de
leurs enquêtes pour assurer un meilleur recensement des activités de R-D dans les services.
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 14
Un recours accru des entreprises et des pouvoirs publics à l’externalisation
De plus en plus d’entreprises et d’administrations publiques préfèrent confier à d’autres
entreprises du secteur privé la réalisation de leurs activités de R-D.
Tableau 6 Part moyenne et croissance du total des dépenses en R-D des entreprises canadiennes
Part Croissance 1980
à 1990
1991 à
2001
2002 2002 par rapport à 1991 à 2001
Total de l’économie 100,0 100,0 100,0 38,4 Industries de la production de biens Fabrication
81,9 72,7
70,4 64,5
65,5 61,3
28,9 31,0
Industries de la production de services Commerce de gros Commerce de détail Transport et entreposage Communications Finance et assurances et immobilier Conception de systèmes informatiques et services
connexes Services d’ingénierie et scientifiques Services de conseils en gestion Autres services
18,1 1,7 0,3 0,7 2,6 2,4 3,3
6,6 0,3 0,9
29,6 5,7 0,4 0,3 2,3 3,0 6,5
8,9 0,6 2,0
34,5 4,4 0,1 0,5 2,4 2,2 9,7
11,4 0,2 3,6
60,9 3,1
-58,1 202,4 62,0 8,4
97,1
76,7 -47,3 140,7
Source : Acharya (2006)
En utilisant leurs dépenses en R-D comme indicateurs, Acharya (2006) montre clairement que
les industries de services deviennent de plus en plus novatrices en termes d’intensité de
capitaux, de machineries et d’équipements, de compétences et d’utilisation de technologies
de pointe. D’un autre côté, les entreprises dont les parts de dépenses en R-D sont plus élevées
que leur part du PIB sont également considérées comme faisant beaucoup de R-D. Ceci sans
compter que leurs ratios R-D sur PIB (intensité de la R-D) sont généralement supérieurs à la
moyenne nationale.
Au niveau de l’innovation
Le concept d’innovation dans les services est une réalité complexe parce que les travaux sur le
sujet sont très récents et qu’il n’existe pas encore de définition claire et arrêtée de
l’innovation dans ces secteurs (CST, 2003). Cela s’explique par le caractère très hétérogène
des industries de services ainsi que par la vision traditionnelle voulant que les services
constituent une activité résiduelle, fonction de la demande, dans laquelle le phénomène de
l’innovation a pris du retard (Hanel, 2006; Martin et al., 1993). À partir des années 80, la
littérature sur le développement de nouveaux services a pris quant à elle, trois directions
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 15
(Vermeulen et al., 2005). Les premières recherches étaient axées sur les différences entre les
produits physiques et les services ainsi que les incidences de cette distinction dans le
développement de nouveaux services. La seconde vague d’auteurs s’est plutôt attardée aux
différents types de développement de nouveaux services alors que le troisième groupe de
spécialistes mettait l’accent sur les facteurs de succès et d’échec en matière de
développement de nouveaux services.
L’historique de l’évolution des études sur l’innovation dans les services se résume en trois
phases selon le rapport du Conseil de la science et de la technologie du Québec (CST, 2003).
D’abord, l’innovation dans les services a été étudiée strictement sous l’angle technologique à
travers un cadre conceptuel et des indicateurs propres au secteur manufacturier (« l’approche
technologique »). Jusqu’à la fin des années 1980, les travaux d’analyse et d’enquête sur
l’« innovation » portent essentiellement sur l’innovation de nature technologique dans le
secteur manufacturier. Sans être complètement ignorés, les services sont relégués au second
plan et reçoivent généralement peu d’attention. En s’appuyant principalement sur les
définitions du Manuel de Frascati de l’OCDE, les enquêtes placent les activités de recherche et
de développement au centre de leur analyse; la R-D constitue la principale source et le
principal indicateur de l’innovation. À travers cette grille, les services sont considérés comme
faiblement innovants étant donné le peu d’efforts consentis aux activités de R-D et le fait que
les entreprises se contentent d’incorporer les technologies développées dans le secteur
manufacturier. Cette vision est forcément désuète lorsque nous l’opposons aux statistiques
présentées plus haut, alors que nous constatons que les entreprises de services allouent autant
de ressources aux activités de R-D que les entreprises manufacturières.
Dans un second temps, les études et enquêtes sur l’innovation ont élargi leur portée en
introduisant de nouvelles dimensions non technologiques pour prendre en compte et intégrer
certaines caractéristiques des services comme l’immatérialité et l’hétérogénéité (« l’approche
intégratrice »). Au tournant des années 90, à la faveur d’un courant de pensée qui reconnaît de
plus en plus leur importance et leur spécificité, les services sont intégrés progressivement et
de manière plus systématique aux enquêtes sur l’innovation. Ils restent toutefois largement
subordonnés aux définitions, méthodes et procédures des enquêtes industrielles. Même si le
passage du Manuel de Frascati au Manuel d’Oslo de l’OCDE vient modifier sensiblement la
nature et la portée des enquêtes sur l’innovation, la cible première demeure toujours
l’innovation technologique liée à la production industrielle. La première version du Manuel
d’Oslo (1992) est consacrée exclusivement (sauf exception) à l’innovation technologique dans
les industries manufacturières. Les principales dimensions considérées sont les innovations
technologiques de produits et de procédés, les objectifs, les sources, les obstacles et les
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 16
incidences de l’innovation. Une seconde version du Manuel d’Oslo (1997) aborde explicitement
pour la première fois l’innovation dans le secteur des services, en proposant une révision de
certaines définitions et l’ajout de nouvelles dimensions pour prendre en compte la spécificité
des services, notamment leur caractère immatériel et leur hétérogénéité (p. 34). Pour
l’essentiel, cette nouvelle version fait ressortir l’importance d’étendre les enquêtes sur
l’innovation au secteur des services et fournit « […] quelques premières suggestions en ce qui
concerne la collecte de données sur l’innovation non technologique […] » (p. 97), c’est-à-dire
les innovations purement organisationnelles et administratives. Bien qu’il s’agisse d’une
première ébauche appelée à être révisée, les nouvelles directions proposées dans le Manuel
d’Oslo ont influencé plusieurs enquêtes nationales qui ont « intégré » pour la première fois les
services en tenant compte de certaines de leurs spécificités.
Enfin, il a fallu attendre jusqu’à la fin des années 90 pour voir apparaître les premiers travaux
quantitatifs (essentiellement des enquêtes expérimentales) conçus expressément pour cerner
les particularités de l’innovation dans les services (« l’approche service »). Inspirées à la fois
du Manuel d’Oslo et de travaux plus théoriques, ces enquêtes ont permis d’aller un peu plus
loin dans la compréhension de la nature et des modes d’organisation des activités d’innovation
propres aux services. En plus de retenir certaines des grandes dimensions proposées dans le
Manuel d’Oslo (objectifs, sources, obstacles, incidences de l’innovation…), ces enquêtes se
sont surtout attardées à évaluer les aspects non technologiques de l’innovation et à adapter
pour le secteur des services les définitions, les indicateurs et les procédures statistiques.
Eurostat, par exemple, a confié à plusieurs pays européens la mission de tester un
questionnaire adapté pour le secteur des services qui s’appuie sur la définition générale
suivante tirée de la version révisée en 1997 du Manuel d’Oslo :
Les innovations dans le secteur des services couvrent les nouveaux services, les nouvelles manières de les produire ou de les distribuer ainsi que les améliorations significatives des services ou de leurs modes de production ou de distribution. Une innovation a été accomplie si elle a été introduite sur le marché ou utilisée pour produire un service (p. 97-98).
Bien qu’encore discutables, les enquêtes expérimentales, comme celles d’Eurostat (cité par
CST, 2003), ont fourni des résultats riches d’enseignements et ont permis de rompre avec
l’image des services réfractaires à l’innovation en mettant en relief les caractéristiques
suivantes :
• l’innovation est généralement du même ordre d’intensité que dans les secteurs industriels;
• un pourcentage non négligeable d’innovations ne s’appuie sur aucune technologie ; • l’innovation organisationnelle joue un rôle très important;
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 17
• l’innovation traverse toutes les phases de production et n’est pas concentrée seulement au stade de la conception;
• l’innovation est rarement organisée formellement en service de R-D; • les clients, les forces de vente et les fournisseurs comptent parmi les principales
sources d’innovation ; • l’innovation est souvent de nature immatérielle, donc difficile à protéger.
Les premières recherches sur l’innovation dans les services se sont beaucoup inspirées du cadre
conceptuel manufacturier mais ne tiennent cependant pas compte de plusieurs caractéristiques
distinctives importantes et propres aux services (Hanel, 2006; CST, 2003), telles que nous les
présente Hanel (2006).
• Étant donné les particularités de son organisation et de ses activités,
– L’innovation est difficilement mesurable à partir des indicateurs traditionnels des intrants (activités de R-D) et des extrants (brevets).
– La R-D dans les industries de services vise souvent des problèmes ou des projets précis au lieu d’être structurée comme un service distinct et permanent comme dans le secteur manufacturier.
– L’innovation est souvent diversifiée et peut prendre plusieurs formes (produits/services, procédés ou organisationnelles).
– Aussi, les services ont beaucoup recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC) pour innover.
• Les politiques gouvernementales en matière d’innovation étant adaptées aux entreprises industrielles plus importantes, les petites entreprises de service qui innovent peuvent ne pas toujours en bénéficier.
• Dans de nombreux services, l’innovation est un processus interactif parce que le prestataire du service et son utilisateur partagent ensemble le succès de l’innovation. En d’autres mots, les principales sources externes de l’innovation sont les clients et les fournisseurs.
• L’innovation dans les services est intimement liée aux compétences de la personne qui les fournit d’où l’importance des relations personnelles, de la formation et des connaissances tacites des prestataires de services.
Les services aux entreprises sont devenus un partenaire incontournable en matière
d’innovation à tel point qu’ils sont appelés à jouer plusieurs rôles selon l’OCDE (2007). Ils
peuvent constituer une source d’innovation en jouant un rôle d’initiation et de développement
des innovations chez les entreprises clientes. Ils peuvent aussi être des facilitateurs de
l’innovation en soutenant une entreprise dans son processus. Ils peuvent également être
porteurs d’innovation en s’engageant dans le transfert de connaissances existantes dans
l’organisation, ou entre des organisations, des secteurs ou des réseaux. Plus loin dans sa
réflexion, le rapport de l’OCDE donne même une classification intéressante des types de
services à forte intensité de connaissances en fonction de leur rôle dans l’innovation :
• Services de renouvellement : directement liés à l’innovation (p. ex., R-D et le conseil en gestion stratégique).
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 18
• Services courants : contribuent à améliorer la maintenance et la gestion de divers sous-systèmes dans les entreprises (p. ex., la comptabilité).
• Services de conformité : aident à fonctionner dans le cadre légal et à se conformer à divers autres régimes réglementaires (service juridique).
• Services de réseau : facilitent la communication, l’échange de connaissances et la répartition souple des ressources (réseaux personnels informels et réseaux liés à la production).
Lorsqu’il est question des différents types d’innovateurs au niveau des services, Hanel (2006)
en décèle trois principaux :
• Les innovateurs ne travaillant que sur des produits; • Les innovateurs s’intéressant aux produits et aux procédés; • Les innovateurs complets (s’intéressant de façon simultanée aux produits, aux procédés
et à l’innovation organisationnelle).
Selon l’enquête de Statistique Canada (1996, cité dans Hanel, 2006) auprès des services
« dynamiques », l’innovation ne concernant que les procédés est beaucoup plus rare que
l’innovation concernant les produits ou celle concernant à la fois les procédés et les produits.
Mise à part la difficulté des répondants à faire la distinction entre ces deux types d’innovation,
celles concernant les produits et les procédés réagissent à des facteurs différents qui incitent à
faire une distinction analytique entre elles. Cette classification n’est cependant pas propre au
secteur des services et ne permet pas d’en exprimer les particularités.
Plus récemment, l’étude de Earl (2002, cité dans Hanel, 2006) laissait entendre qu’en
moyenne, les taux d’implantation des changements organisationnels et technologiques (et
probablement d’autres types d’innovation) dans les services les plus dynamiques dépassaient
ceux des industries de fabrication.
Au niveau de l’importation et de l’exportation
De nombreux services se commercialisent, de nos jours, beaucoup mieux grâce au
développement rapide des TIC ainsi qu’à la libéralisation des échanges et des investissements
dans les services. Cette croissance est particulièrement soutenue depuis le milieu des années
90, à l’occasion notamment des efforts de libéralisation au moment du cycle de négociations
d’Uruguay (OCDE, 2007). Les pays de l’OCDE représentent environ 80 % des échanges
internationaux dans les services aux entreprises (Graphique 2). Les délocalisations d’activités
vers des pays où les coûts de main-d’œuvre sont relativement faibles et où les compétences
sont élevées (Inde, certains pays d’Europe centrale et de l’est [PECO], notamment), ont
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 19
contribué à accroître l’internationalisation des entreprises et à un rythme relativement rapide
dans les dernières années.
Graphique 2 Parts de certains pays dans le total des échanges mondiaux de services aux entreprises en 1998 et 2004
Source : OCDE, 2007
Au Canada, les échanges internationaux dans le domaine des services ont suivi la tendance des
pays de l’OCDE. Durant les deux dernières décennies, les exportations de services n’ont pas
cessé d’augmenter plus rapidement que celles du secteur manufacturier. Entre 1997 et 1999,
les services étaient responsables de 16 % des exportations totales du Canada (Tableau 7). Les
plus importants exportateurs de services sont le commerce de gros, le transport et
l’entreposage, les services professionnels, scientifiques et techniques, l’hébergement et les
services de restauration, la finance et assurances ainsi que l’industrie de l’information et
l’industrie culturelle (Acharya, 2006). On constate également que le Canada enregistre un
surplus commercial (exportation sur importation) de 1,2 dans le secteur des services entre 1997
et 1999. Encore ici, une mise à jour des données économiques ne ferait qu’accentuer les
tendances en place depuis plusieurs années.
Tableau 7 Croissance et composition industrielle des exportations et
balance commerciale au Canada
Croissance annuelle moyenne des exportations (%)
Parts des exportations totales (%)
Ratio exportations/ importations
1987-1989 / 1977 1979
1997-1999 / 1987-1989
1987-1989 1997-1999 1997-1999
Total de l’économie
Industries de la production de biens Fabrication
Industries de la production de services Commerce de gros Commerce de détail Transport et entreposage Industrie de l’information et industrie culturelle Finance et assurances Services professionnels, scientifiques et techniques Services d’enseignement Services de santé et de services sociaux Administrations publiques
10,5
9,8 10,8 16,5 12,0 27,7 14,5
16,8 16,2
13,8 14,2 14,8 15,1
9,1
9,0 9,5 10,5 11,3 7,4 10,0
13,3 8,7
16,0 9,2 8,0 13,7
100
81,8 68,5 13,9 2,9 0,1 3,1
0,9 1,4
1,1 0,1 0,1 0,0
100
81,2 71,0 15,9 3,5 0,1 3,4
1,3 1,4
2,1 0,1 0,1 0,0
1,1
1,0 0,9 1,2 3,4 1,7 1,6
0,8 0,9
1,1 0,8 0,4 1,0
Source : Acharya, 2006
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 20
RELATIONS ENTRE LE SECTEUR DES SERVICES ET LE SECTEUR MANUFACTURIER
À travers les années, plusieurs spécialistes se sont intéressés à l’importance relative des
secteurs manufacturiers et de services dans l’économie ainsi qu’à l’interrelation entre eux.
Une certaine interdépendance entre ces secteurs s’explique par la forte compétition mondiale
qui a entraîné la tertiarisation du secteur manufacturier et favorisé l’impartition des activités
liées aux services par les entreprises de fabrication (OCDE, 2000). Ce phénomène n’est pas
nouveau, mais s’est fortement accéléré dernièrement, notamment avec les pertes massives
d’emplois dans la fabrication.
Le Canada est un exemple où l’utilisation de la production des industries de services dans la
production de biens et de services a continuellement gagné en importance, passant de 7,6 % à
11 % entre 1967 et 1999. À l’inverse, la part d’intrants des manufacturières vers les services est
en baisse alors que ces dernières utilisent davantage d’intrants produits par les autres
industries de services. Car bien qu’elle soit liée au secteur manufacturier, l’industrie des
services partage des intérêts aussi avec plusieurs autres secteurs. Mais, il devient clair que le
secteur manufacturier est de plus en plus dépendant de celui des services (Acharya, 2006).
Un récent rapport de l’OCDE (2007) mentionne que la mondialisation du secteur des services
aux entreprises est censée contribuer à la croissance de la productivité des entreprises qui
achètent ces services mais aussi à celle des pays concernés. Au Royaume-Uni par exemple, les
résultats de l’étude d’Abramovsky et Griffith (2005, cités dans OCDE, 2007) sont clairs quant
aux gains de productivité provoqués par les délocalisations de services permises par
l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC). Amiti et Wei
(2006, cités dans OCDE, 2007) arrivent aux mêmes conclusions, à l’effet que la délocalisation
des services aux États-Unis contribue à hauteur d’environ 11 % de la croissance de la
productivité du travail, contre environ 5 % pour la délocalisation de la production de biens
matériels. Criscuolo et Leaver (2005, cités dans OCDE, 2007) montrent aussi que la sous-
traitance des services au niveau des usines influence positivement la productivité.
De son côté, Wirtz (2000) montre à la figure 3, comment les secteurs des services,
manufacturiers et de la distribution peuvent opérer conjointement ou en synergie pour
contribuer au développement économique. Ces interrelations peuvent être illustrées à l’aide
de la fabrication d’une voiture qui requiert une large gamme de services tels que la recherche
marketing et technique, le développement, le design, la gestion des ressources humaines, etc.;
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 21
de plus, le produit est de plus en plus offert au consommateur final dans un package qui
comprend, par exemple, les questions liées à son financement et à son entretien (Pilat et
Wölfl, 2005).
Figure 3 Interaction entre les secteurs industriels et des services
Source: Wirtz, 2000
Ces dernières dimensions (financement, entretien, etc.) constituent des services périphériques
(P1 à P7) (Eiglier et Langeard, 1987), existant en parallèle au service de base principal (ici, la
vente de l’automobile) et dont les activités pourraient, à leur tour, être sous-traitées,
devenant alors des services de base dérivés. Cette multiplication des activités du service
montre à quel point elles s’immiscent dans l’activité économique et comment elles contribuent
à la richesse collective.
Figure 4 Présentation des services périphériques
Source : Berkowitz et al. (2007)
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 22
L’industrie des services n’est donc plus considérée comme une industrie « périphérique » à
celle du secteur manufacturier, mais plutôt comme une composante dynamique et essentielle
au développement et à la création de valeur de cette dernière (Wirtz, 2000; Léo et Philippe,
2006a). Dans l’économie de la connaissance, où les entreprises peuvent de moins en moins
dominer seules leur marché ou assurer une compétition efficace aux autres (Julien, 2005), la
collaboration étroite et non seulement ponctuelle avec différents partenaires économiques
devient désormais un enjeu déterminant de leur survie. Ce besoin de spécialisation et de
réduction des coûts des manufacturières contribue de façon significative à la croissance de
l’industrie des services.
Wirtz (2000) identifie deux autres facteurs contribuant à la croissance du secteur des services,
soit la déréglementation de certains marchés, dont ceux liés aux communications
téléphoniques, permettant ainsi de réduire les coûts pour les entreprises et le développement
du secteur des technologies et de l’information. Ce secteur permet l’accélération de la
transmission d’information compétitive par Internet, télécopieur, courriel, etc. Ce
développement s’est réalisé en concomitance avec la création de nombreuses entreprises
spécialisées dans ces secteurs, permettant ainsi aux manufacturiers de réduire encore leurs
coûts et d’améliorer leur efficacité. À ces facteurs, certains auteurs ajoutent les habiletés et
les compétences des ressources humaines dans les industries des services. Les ressources
humaines constituent un indicateur important de l’innovation et un gage de qualité des
services offerts (Czarnitzki et Spielkamp, 2003; MDEIE, 2006).
Par ailleurs, pour Wirtz (2000), il existe deux implications importantes à la croissance du
secteur des services en relation avec la mondialisation; la première est que cela contribue à
assurer un plus grand degré de compétitivité à l’économie toute entière, puisque les services
spécialisés permettent de réduire les coûts des produits fabriqués. La deuxième conséquence
est évidemment la réduction du nombre relatif d’emplois dans le secteur manufacturier; ces
emplois ne sont pas toujours perdus, mais sont souvent « transformés » par les entreprises
manufacturières elles-mêmes qui décident de « tertiariser » une partie de leurs activités afin
de pouvoir offrir un produit unique à leurs clients nationaux ou internationaux (Léo et al.
2006).
Dans les services professionnels plus spécifiquement, Malaval et Bénaroya (2005) mettent en
valeur trois facteurs expliquant le développement2 de ce sous-secteur. La croissance de la
production industrielle explique la demande de certains services spécialisés comme le
2 Pour les auteurs, la notion de services professionnels regroupe des services dont plus de 50 % sont destinés aux
entreprises.
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 23
transport, certaines activités de marketing pré-production (études de marché,…). À un
deuxième niveau, et comme le soulignent Julien et al. (2003), l’apparition de l’entreprise
réseau a nécessité le déplacement en externe d’activités n’étant pas au cœur des compétences
de l’entreprise. Finalement, de nouvelles formes de services sont apparues grâce au
développement des technologies de l’information (vente en ligne, courtage en ligne, places
d’affaires électroniques,…).
Cette discussion nous permet d’appréhender sommairement le rôle et l’importance des
entreprises de service dans l’environnement du secteur manufacturier, mais l’état des
connaissances actuelles est nettement insuffisant pour aller plus loin et identifier, par
exemple, les facteurs clés permettant de favoriser le déploiement de ce secteur.
Comme le soulignent Léo et Philippe (2006a), la grande hétérogénéité du secteur tertiaire,
souvent considéré comme un « fourre-tout » où cohabitent des entreprises ayant des réalités
totalement différentes, rend impossible son étude dans sa globalité. On ne peut ainsi
s’attaquer à la caractérisation du fonctionnement des PME de services sans circonscrire
certains paramètres, ne serait-ce que pour limiter les secteurs. Notre intérêt se portant sur le
développement de l’entreprise réseau qui permet à l’entreprise manufacturière d’accroître la
qualité et la valeur de ses produits, nous avons donc décidé de cerner les services qui
pouvaient faire partie de cet environnement d’affaires. Ainsi, nous nous sommes inspirés du
modèle de la chaîne de valeur de Porter (1986) et, en tenant compte davantage de la
décomposition des activités des entreprises manufacturières, nous avons identifié les fonctions
pour lesquelles des services externes pouvaient être requis (Tableau 8).
Le profil des PME de services, leur contribution à l’économie ainsi que leurs relations avec le
secteur manufacturier nous donnent une idée très sommaire des particularités de ces
entreprises. À la prochaine section, nous allons nous attarder davantage aux défis qu’elles ont
à relever et aux déterminants de leur performance, ce qui nous permettra de développer un
cadre de référence utile pour la conception d’un modèle de gestion de la performance.
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 24
Tableau 8 Chaîne de valeur de la PME et services sollicités
Fonction Activités de la chaîne de valeur de l’entreprise manufacturière Secteur des services sollicités
Marketing Recherche commerciale, pré-test de marché; test de marché; mise en marché; ventes; services à la clientèle.
Publicité et services connexes; études de marché; centres d’appel téléphonique.
R-D
Expression des opportunités en produit potentiel; recherche de brevet; conception des composantes ou produits; pré-faisabilité technique; prototypage; brevet, propriété intellectuelle.
Services de génie; services de dessin technique; services spécialisés en design; services de recherche et développement scientifique; laboratoires d’essais; services juridiques.
Production Conception et préparation des systèmes de fabrication; fabrication; contrôle de qualité.
Grossistes-distributeurs de machines, de matériel et de fournitures; services d’emballage et d’étiquetage; réparation et entretien de matériel électronique et de matériel de précision; réparation et entretien de machines et de matériel d’usage commercial et industriel; location de machines et matériel d’usage commercial et industriel.
Logistique Approvisionnement; entreposage, gestion des stocks; livraison.
Grossistes-distributeurs pour divers produits; agents et courtiers de commerce de gros; activités de soutien au transport; intermédiaire en transport de marchandise; services postaux; messageries et services de messagers; transport par différents moyens, réparation et entretien de véhicule automobile.
Finance et comptabilité
Évaluation de la rentabilité financière; recherche de financement; gestion court terme et des liquidités.
Services de conseils en gestion; services bancaires; financement de ventes à crédit; servies de comptabilité, de préparation des déclarations de revenu, de tenue de livres et de paie.
Technologie et systèmes
d’information
Échange de données ; choix technologiques; assistance technologique; gestion de l’information.
Télécommunications; fournisseurs de services Internet, portails de recherche; conception de systèmes informatiques et services connexes; services de conseils en gestion et de conseils scientifiques et techniques.
Ressources humaines
Recrutement; formation; rémunération; motivation; rétention; développement des compétences; évaluation.
Services professionnels, scientifiques et techniques; services administratifs et services de soutien; services d’enseignement.
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DÉFIS ET PERFORMANCE DANS LES SERVICES :
FACTEURS ET MESURES
À l’encontre du secteur manufacturier, qui a été l’objet d’étude de nombreux chercheurs et au
centre de l’attention des pouvoirs publics pour sa contribution au dynamisme économique, le
secteur des services n’a pas suscité autant d’intérêt et peu de chercheurs se sont penchés sur
les facteurs spécifiques à l’origine de la performance de ces entreprises. Toutefois, dans
certaines études sur le sujet, on constate que plusieurs des facteurs de succès dans les services
sont pratiquement identiques à ceux du manufacturier (De Brentani, 1991; Cooper et De
Brentani, 1991). Kwaku (1996) souligne cependant que même si les facteurs sont similaires,
l’importance qui leur est accordée est différente selon le type d’entreprise. En effet, son
étude montre que le facteur le plus important lors du développement d’un nouveau produit
manufacturier est la qualité ou l’avantage du produit alors qu’il est le troisième plus important
facteur dans les services qui priorisent davantage les ressources humaines.
Les résultats d’une enquête réalisée pour le compte de Développement économique Canada
(DEC) montrent aussi que ces apparentes similitudes cachent quelques particularités (St-Pierre
et Mathieu, 2006). Lorsqu’ils sont interrogés sur les principaux défis qu’ils auront à relever
dans les deux prochaines années les dirigeants des PME manufacturières invoquent d’abord la
commercialisation (22,41 % des répondants) et ensuite la concurrence asiatique (12,58 %),
tandis que ceux qui dirigent les PME de services invoquent également la commercialisation
(29,51 %), suivie de la gestion des ressources humaines (13,52%). On comprendra évidemment
que la concurrence asiatique ne touche pas directement le service qu’ils offrent, mais aura
plutôt un effet indirect sur leurs principaux clients qui la subissent. Du côté de la
commercialisation, l’embauche de personnel qualifié domine les raisons chez les PME de
services alors qu’il arrive en second lieu chez les PME manufacturières.
Certaines données collectées dans cette enquête révèlent quelques distinctions sur la
contribution économique de ces deux groupes d’entreprises mais aussi des différences au
niveau du chef d’entreprise. Les dirigeants des PME de services sont plus hautement scolarisés
et insufflent à leur entreprise un plus grand niveau de professionnalisation dans les activités
(Tableau 9). Ils ont plus d’expérience dans le secteur mais moins à la direction de l’entreprise
qu’ils ont, pour la plupart, fondée. Ils ont plus souvent mis sur pied un conseil d’administration
ou un comité de gestion pour les épauler, ont un taux moyen plus élevé de collaborations avec
des entreprises ou organismes externes et ont aussi des activités de veille plus riches.
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 26
L’ensemble de ces facteurs révèle un chef d’entreprise qui s’éloigne de la vision classique du
dirigeant homme-orchestre qui veut préserver son indépendance en contrôlant à la fois les
activités mais aussi l’organisation de l’entreprise. Finalement, on notera que les PME de
services ont connu un taux de croissance supérieur à celui des PME manufacturières au cours de
la même période (Tableau 10), et que cette croissance devrait se prolonger pour satisfaire les
objectifs personnels exprimés par son dirigeant. À cet effet, les ressources allouées aux
activités de R-D, d’innovation et d’exportation devraient être plus importantes dans les deux
années suivant l’enquête, tel que l’affirment les dirigeants interrogés.
Tableau 9 Profil des entrepreneurs selon le secteur d’activité
MANUFACTURIÈRES(N = 897)
SERVICES(N = 294) Test
Nombre d’années d’expérience à la tête de l’entreprise 12,00 10,00 *
Nombre d’années d’expérience dans l’industrie (sauf dans cette entreprise) 12,00 16,00 ****
Pourcentage d’entrepreneurs qui ont participé à la création 69,34 74,83 *
Pourcentage d’entrepreneurs qui détiennent un diplôme universitaire 41,88 71,09 *****
Taux de croissance moyen souhaité dans les deux prochaines années 15,00 20,00 ****
Pourcentage d’entreprises ayant un conseil d’administration ou un comité de gestion 58,93 66,33 **
Indice de collaboration avec des organismes externes3 1,00 2,00 ***
Indice de veille4 8,00 9,00 *
* p < 0,10; ** p < 0,05; *** p < 0,01; **** p < 0,001; ***** p < 0,0001.
Source : St-Pierre et Mathieu (2006)
Un regard plus particulier sur la contribution des PME de services à l’économie canadienne
révèle aussi quelques distinctions. Même si elles sont plus petites en médianes que les PME
manufacturières, leur chiffre d’affaires par employé est comparable alors qu’il a connu une
plus forte croissance de 2003 à 2004. Les PME de services dépensent plus dans les activités de
R-D et d’amélioration que les PME manufacturières mais la valeur de leurs innovations est
comparable. C’est sur le plan de l’exportation que l’entreprise manufacturière déclasse la PME
de services, avec un plus grand pourcentage d’entreprises qui exportent, pour une plus grande
part de leurs activités et pour une plus grande valeur par employé. Ce constat ponctuel ne doit
cependant pas mener à une dépréciation du secteur des services, surtout avec des observations
sur une seule année. L’exportation est une activité stratégique qui n’est pas visée par tous les
3 Indice de collaboration (0 à 5) : Parmi les activités suivantes, combien sont réalisées avec des partenaires :
production et livraison, distribution, achats et approvisionnement, conception et recherche et développement, marketing et ventes?
4 Indice de veille (0 à 19) : Indice pondéré mesurant le nombre de sources d’information différentes consultées et la richesse de chacune d’elles, selon qu’elles sont faciles d’accès (proximité) et qu’elles peuvent donner une information nouvelle (richesse).
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 27
dirigeants de PME d’une part, et qui se réalise souvent en complément aux ventes nationales,
d’autre part. Si le secteur des services était en croissance au Canada, il est probable que
l’exportation était simplement impossible à réaliser pour les PME de services, étant déjà à la
limite de leurs capacités. Les données relevées montraient d’ailleurs un optimisme plus grand
chez les entreprises de services avec des prévisions de croissance autant sur l’innovation,
l’exportation que sur le volume d’activités, prévisions qui dépassaient celles des entreprises
manufacturières. On peut ainsi conclure à l’importance économique de ce secteur pour le
Canada et aussi à sa capacité à créer des emplois et de la richesse.
Tableau 10 Données économiques sur les entreprises selon leur secteur
Valeurs médianes MANUFACTURIÈRES (N=897)
SERVICES (N=294) Test
Nombre d’employés en 2004 20 13 *****
Chiffre d’affaires en 2004 2 300 000 1 600 000 ***
Chiffre d’affaires par employé (2004) 117 647 107 143
Variation du chiffre d’affaires par employé 2003-2004 4 167 6 101
Coûts R-D et améliorations en 2004 (% des ventes) 5 % 10 % *****
Valeur des coûts R-D et améliorations pour 2004 ($) 150 000 175 000
Coûts R-D et améliorations en dollars par employé pour 2004 7 847 12 500 *****
Pourcentage de ventes généré par des produits nouveaux/améliorés pour 2004 10 10
Valeur des produits nouveaux/améliorés pour 2004 ($) 250 000 180 000
Valeur des produits nouveaux/améliorés par employé pour 2004 13 333 13 143
Pourcentage d’entreprises qui exportent (2004) 55 36 *****
Taux d’exportation (%) 25 10 ****
Valeur des exportations ($) 990 000 300 000 *****
Valeur des exportions par employé ($) 34 495 12 375 *
Les coûts liés aux activités de R-D et d’amélioration couvrent les activités suivantes : le développement de nouveaux produits/services, l’amélioration des produits/services existants, l’amélioration ou le développement de nouveaux procédés ou processus, les changements apportés à la structure organisationnelle
* p < 0,10; ** p < 0,05; *** p < 0,01; **** p < 0,001; ***** p < 0,0001.
Source : St-Pierre et Mathieu (2006)
Rappelons l’objectif de ce travail qui consiste à porter une réflexion sur l’état de la
connaissance sur les PME de services, sur leur comportement, sur leurs modes de
fonctionnement et sur les facteurs favorisant leur performance ou augmentant leur
vulnérabilité, dans le but de développer un modèle de gestion de la performance qui soit utile
et pertinent. Pour pouvoir rencontrer cet objectif, il nous apparaît essentiel de nous interroger
d’abord sur les défis que rencontrent les PME de services dans leurs activités, ce qui servira à
encadrer notre réflexion. Nous présenterons d’abord ces défis avant d’exposer les
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 28
comportements et les façons de faire qui pourraient être efficaces afin de les aider à les
relever.
Les défis de la performance des PME de service et les façons de les relever
À partir des études précédentes et dans le contexte d’affaires actuel, l’enjeu principal de la
survie des PME de services réside dans leurs capacités à développer des marchés et une
clientèle, et de satisfaire leurs besoins par des produits/services uniques et pertinents. Pour
pouvoir relever ces défis, il est essentiel de pouvoir compter sur les ressources stratégiques
clés que sont les ressources financières, les ressources humaines et les ressources
technologiques.
Figure 5 Représentation des défis des PME de services
Une description un peu plus élaborée de chacun de ces défis permettra de mettre en exergue
ce qu’ils impliquent pour l’entreprise d’une façon plus concrète au plan des ressources, des
façons de faire et aussi du mode d’organisation.
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 29
Développement des marchés et de la clientèle
Dans un secteur où le produit/service est relativement éphémère, périssable, intangible et
ne peut être « stocké », le travail sur mesure pour le client est la norme. Pour bien définir
ce service il est donc primordial pour l’entreprise d’adopter des comportements
particuliers lui permettant d’identifier correctement les besoins à satisfaire.
Plusieurs chercheurs s’entendent pour dire qu’une entreprise qui est capable de
comprendre les besoins de ses clients à l’aide d’études de marché, par exemple, s’assure
de sa survie, de son développement et du succès dans ses activités d’innovation
(Vermeulen et al., 2005). Storey et Easingwood (1998) abondent dans le même sens et
présentent à leur tour la qualité du service ainsi que la connaissance du marché comme
deux préalables pouvant permettre à l’entreprise de développer de nouveaux marchés. Un
autre facteur concerne la réputation ou la notoriété de l’entreprise de services. En effet,
la nature intangible de l’activité de services rend complexe l’estimation de la valeur d’un
service. Surtout que les expériences antérieures avec un certain service ne sont pas des
indicateurs fiables d’une bonne performance future. Dans ce cas, il est nécessaire pour
l’entreprise de services d’assurer sa visibilité et de développer sa réputation, notamment
en participant à des réseaux d’affaires, à des expositions et à des événements publics
(Nachum, 1996).
À cet égard, De Brentani (2001) rappelle plusieurs éléments clés du succès de la création
d’un nouveau service parmi lesquels se trouvent une connaissance approfondie des besoins
actuels et à long terme de ses clients; des ressources humaines de « première ligne »
compétentes et motivées, capables d’identifier ces besoins et d’y répondre adéquatement;
un développement de service bien planifié, à partir des étapes d’identification des
opportunités d’affaires jusqu’à celles de mise en marché et du service après vente.
Finalement, Nachum (1996) considère la créativité comme l’un des facteurs importants qui
distingue les entreprises de services performantes de celles qui ne le sont pas. Selon lui,
chaque client a ses propres besoins, et l’entreprise de services se doit d’être innovante
afin de trouver des solutions spécifiques avec des idées et des approches qui tiennent
compte de ces besoins.
Offrir des produits et services pertinents et renouvelés
Pour favoriser une relation profitable avec les clients, l’innovation et le renouvellement
fréquent de son offre de service sont également considérés comme des éléments clés de la
performance et de la survie des PME de services, comme l’ont noté Storey et Kelly (2001).
De Brentani (2001) rappelle que l’entreprise innovante présente certaines particularités qui
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 30
la distinguent des autres. Parmi ces caractéristiques, on note la culture de l’entreprise et
l’attitude des dirigeants qui affirment ouvertement leur position face à l’innovation, leur
tolérance aux erreurs pour les employés qui « osent » exprimer de nouvelles idées,
l’importance de la collaboration et du travail en équipe pour résoudre les problèmes
pouvant compromettre leur succès. Aussi, une entreprise où l’information circule librement
à différents niveaux aura davantage de chances de conserver ses employés productifs
(Vandenberghe, 2004) et ainsi de réduire le nombre de départs volontaires, évitant du
même coup une perte de connaissances qui peut parfois être fatale. L’investissement en R-
D, la formation du personnel, les activités de veille, sont autant de pratiques devant
favoriser l’innovation de service (Czarnitzki et Spielkamp, 2003). Finalement, à l’encontre
du secteur manufacturier, l’innovation dans les services peut avoir une durée de vie
nettement plus courte étant donné qu’elle est souvent réalisée sur mesure au bénéfice
d’un client. Des collaborations directes avec les clients pourront donc permettre de réduire
les possibilités d’échec des activités d’innovation et de partager les risques, alors que le
savoir produit dans chaque innovation servira à construire le réservoir de connaissances de
l’entreprise qui définira son degré et la profondeur de son expertise.
L’importance de l’innovation nous amène à considérer le rôle stratégique de certaines
ressources qui ne sont pas toujours facilement accessibles par les PME mais qui sont
toutefois indispensables à leur compétitivité.
Disposer des ressources stratégiques – ressources financières
Par la nature même de leurs activités et les particularités des services à l’effet qu’ils sont
intangibles, périssables et hétérogènes, les entreprises de service ont un accès plus limité
aux sources traditionnelles de financement externe pour couvrir leurs besoins monétaires.
L’immatérialité de leurs actifs, de leurs activités et de leurs sources de création de valeur
ne leur permet pas toujours de pouvoir compter sur un financement bancaire (qui demeure
la première source de financement externe des PME) approprié, au moment et aux
conditions qui répondent à leurs besoins (Mohnen et Rosa, 2000; St-Pierre et Mathieu,
2006). Ajoutons à ces difficultés les caractéristiques de l’innovation qui, comme le révèlent
plusieurs enquêtes, est souvent freinée dans les PME à cause d’un manque de financement,
et nous comprendrons pourquoi les ressources financières deviennent stratégiques. Le fait
de ne pas pouvoir fournir de garanties contre un financement bancaire implique que
l’acquisition des ressources et du fonds de roulement repose principalement sur les
ressources financières du chef d’entreprise et de la capacité des actionnaires en place de
réinjecter des fonds ainsi que sur les compétences financières des entreprises à
autofinancer leurs activités.
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 31
Disposer des ressources stratégiques – ressources humaines
Les ressources humaines constituent généralement l’actif le plus important des PME de
services qui, contrairement aux entreprises manufacturières, sont plus scolarisées et plus
souvent des « experts » plutôt que des salariés. Leurs compétences demeurent un facteur
clé significatif étant donné qu’elles ont une interaction directe et très souvent
personnalisée avec le client. L’assurance de disposer des compétences nécessaires à
l’atteinte des objectifs de l’entreprise demande toutefois de faire appel à des pratiques de
gestion des ressources humaines spécifiques telles que le recrutement, l’évaluation du
rendement, la valorisation et des pratiques de rémunération appropriées (Barrette et al.,
2002). Une mobilisation adéquate du personnel apparaît aussi, pour Wills et al. (1998),
comme une condition importante devant assurer sa contribution à l’innovation et à la
qualité du travail de l’entreprise.
Disposer des ressources stratégiques - ressources technologiques et équipement
La prestation d’un service de qualité aux clients passe également par un investissement
dans les technologies et équipements appropriés (Storey et Easingwood, 1998). L’offre d’un
service adéquat et de qualité sera liée aux technologies utilisées par la PME, notamment
les technologies de l’information. Ces technologies favorisent la collecte, l’analyse et la
diffusion plus rapide de l’information stratégique contribuant ainsi à une réduction
significative des délais. Dans un contexte d’environnement concurrentiel turbulent, et dans
celui d’une entreprise réseau, la rapidité d’accès à une information riche est un élément
clé de la compétitivité. Comme le soulignent Jacob et al. (2003), cet échange
d’information entre les partenaires suppose d’aller au-delà des simples données
administratives et de coordination nécessaires pour une collaboration efficace, pour se
situer au niveau des « savoirs stratégiques et de l’information structurante ». Ainsi, la
qualité des technologies et leur sécurité seront à considérer dans ce mode d’organisation.
Par ailleurs, de nombreux travaux ont aussi montré l’influence de ces technologies sur
l’internationalisation des PME, puisqu’elles permettent de réduire les déplacements et de
favoriser une grande quantité d’échanges d’information à faibles coûts (St-Pierre et
Mathieu, 2006; Léo et Philippe, 2006b). Dans la mesure où l’internationalisation des
activités des entreprises de services fera partie des choix stratégiques du dirigeant
principal permettant, notamment, de rentabiliser les efforts déployés en matière
d’innovation, l’utilisation de technologies adéquate deviendra un facteur clé.
En somme, et tel que présenté dans le tableau 11, pour relever les défis de leur
environnement d’affaires et contribuer positivement à la compétitivité nationale, les PME
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 32
de services auront besoin de faire appel à un certain nombre de pratiques d’affaires,
d’outils de gestion, de modes d’organisation particuliers.
Tableau 11 Besoins et défis des PME de service et solutions pour les relever
Besoins et défis de l’entreprise Pratiques de gestion / Organisation / Façons de faire
Développer des marchés et de la clientèle
Identifier les besoins des clients actuels et potentiels
Collecte d’information; Veille; Participation aux foires et expositions; Participation aux activités de réseaux d’affaires; Diffusion de l’information; Étude de marchés; Analyse des rapports des représentants;
Répondre aux besoins des clients
Formation; Évaluation de la satisfaction; Service après vente; Programmes de fidélisation; Collaborations avec le client, échange de données; Présence d’un responsable service à la clientèle ou marketing; Évaluation de la satisfaction des clients
Assurer un service après-vente afin de renouveler la relation
Participation aux foires et expositions; Participation aux activités de réseaux d’affaires; Communication; Utilisation d’outils de communication électronique; Traitement des plaintes; Valorisation et fidélisation des clients
Offrir des produits et services pertinents et renouvelés
Concevoir un produit / service innovateur et unique
Veille technologique; Investissements dans des équipements et technologies appropriés; Activités de formation du personnel; Travail collaboratif entre les membres du personnel; Utilisation d’outils de communication et d’échange d’information entre les membres du personnel; Stratégie en matière d’innovation; Protection des innovations
Renouveler son offre en améliorant le produit / service existant ou en en développant de nouveaux
R-D et amélioration continue; Veille commerciale et stratégique; Collaborations avec les clients, échange de données; Séances de génération d’idées; Présence d’un responsable R-D
Disposer de ressources stratégiques : ressources financières
Surveillance et contrôle des coûts
Utilisation d’outils de gestion financière; révision périodique des prévisions financières; évaluation de rentabilité des projets; préparation d’E/F par un vérificateur externe; Formation du personnel
Assurer l’autofinancement Gestion des comptes clients; gestion des stocks; révision des prévisions financières; présence d’un responsable désigné pour la fonction financière; Formation du personnel
Disposer de ressources stratégiques : ressources humaines
Disposer de personnel compétent
Recrutement; Formation ; Évaluation du rendement ; Système de rémunération ; Valorisation; Présence d’un responsable RH
Mobiliser le personnel à s’engager dans le succès de l’entreprise
Description de tâches ; Évaluation du rendement ; Motivation ; Gestion participative; Valorisation; Climat favorisant la communication et la participation du personnel; Diffusion de l’information
Assurer la flexibilité de la main d’œuvre Organisation du travail; Formation; Travail collaboratif
Retenir le personnel clé Gestion participative; Diffusion de l’information; Système de communication et consultation du personnel
Disposer des ressources stratégiques : ressources technologiques et équipements
Connaître le marché et détecter des opportunités
Veille ; Utilisation d’outils de communication et de système d’information; Participation aux activités de réseaux d’affaires
Échanger des informations avec leurs clients, fournisseurs et collaborateurs
Formation; Investissement dans les technologies et équipements; Communications avec le client et entre le personnel; Échange de données
Assurer la visibilité et la notoriété de l’entreprise
Participation aux foires et expositions ; Participation aux activités de réseaux d’affaires ; Communication ; Utilisation d’outils de communication électronique
Innover en matière de prestation des services
Utilisation d’outils afin de faciliter ou améliorer la prestation des services; Investir en matériel, logiciels et équipements
Développer le marché international
Veille technologique, concurrentielle et stratégique ; Participation aux activités de réseaux d’affaires; Présence d’alliances ou de collaborations formelles; Participation aux foires et aux expositions internationales
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 33
Le dosage de l’ensemble de ces composantes devra cependant tenir compte des orientations
stratégiques du dirigeant principal de la PME et de ses objectifs personnels concernant le
développement de son organisation. Nous y reviendrons après avoir d’abord discuté de la
performance des entreprises et de l’identification d’indicateurs pertinents dans le contexte
d’un processus de gestion de la performance.
La mesure de la performance
Avant de discuter d’indicateurs de performance, mentionnons que dans un contexte de gestion
de la performance, l’indicateur aura un double rôle. Il permettra d’abord d’établir une relation
entre les façons de faire de l’entreprise, ses choix stratégiques et son efficacité ou son
efficience et ensuite d’identifier d’éventuelles pistes d’amélioration permettant à l’entreprise
de réorienter ses décisions, au besoin. Tenant compte de ces précisions, l’indicateur choisi
devra présenter certaines caractéristiques au niveau de sa disponibilité et de son contenu, mais
aussi au niveau de sa proximité avec la décision ou les processus avec lesquels il est mis en
relation. Ce dernier élément fait malheureusement défaut dans bon nombre de systèmes de
mesure de la performance dans lesquels les concepteurs n’ont pas considéré qu’il pouvait
exister une « distance » entre ce qui est évalué et l’indicateur de performance choisi. Cette
distance peut être temporelle mais aussi, et surtout, organisationnelle en ce sens qu’il peut
exister un nombre important de facteurs, de décisions ou d’actions ayant pu influencer la
performance globale et qui viennent « brouiller » la relation que l’évaluateur tente de
mesurer.
La figure 6 illustre ce propos sur l’importance de la proximité de la mesure de performance et
des éléments à évaluer. Utiliser un indicateur de profit pour mesurer la performance des
décisions prises afin d’identifier de nouveaux marchés peut mener à l’abandon de ces activités
en l’absence d’amélioration des profits. Or, le profit est un indicateur global qui sera autant
affecté par les autres actions mises en place dans les activités de développement des marchés
que par les actions en innovation, en gestion de l’organisation, etc. Il est donc nécessaire de
porter une attention particulière à l’identification des indicateurs de performance
« pertinents », ce qui facilitera à la fois le pilotage de la performance et la prise de décision
dans le but de redresser une éventuelle situation problématique ou simplement d’accroître une
performance déjà enviable.
Nous ferons donc appel à deux groupes d’indicateurs de performance. Le premier permettra de
mesurer l’efficacité et l’efficience dans l’implantation et l’utilisation des bonnes pratiques
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 34
d’affaires et aussi dans la capacité de l’entreprise de relever les défis spécifiques qui ont été
identifiés plus haut. Le second groupe permettra d’observer d’un point de vue global la qualité
de l’organisation et sa capacité à créer de la valeur. Parmi les indicateurs économiques et
financiers qui seront privilégiés, on peut déjà mentionner le taux d’exportation, le taux
d’innovation, la croissance des ventes, la productivité et la rentabilité (marge bénéficiaire et
rendement de l’actif).
Figure 6 Relations entre les indicateurs de performance et les décisions de gestion : Exemple des pratiques liées au développement des marchés et de la clientèle
De façon générale, les mesures de performance financière sont beaucoup utilisées dans le
domaine manufacturier alors que dans les services, on privilégie les mesures concernant le
client. Encore une fois, la nature intangible des services les amène à s’orienter davantage vers
la perception des clients concernant leur satisfaction du service consenti (personnel, support
physique, etc.) et la qualité du service offert.
Les premiers résultats de l’étude de Storey et Kelly (2001) présentent les entreprises de
services faiblement innovantes comme étant celles qui utilisent le plus les mesures financières.
De leur côté, les mesures concernant le client sont souvent associées aux entreprises
moyennement innovantes alors que les très innovantes se tournent plus vers des mesures
© 2008 Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises 35
internes. Harmon, Hensel et Luckes (2006) abondent dans le même sens et soutiennent que
l’entreprise de services doit utiliser des indicateurs de performance internes lui permettant de
mesurer de façon plus directe sa capacité à gérer avec efficience et efficacité ses ressources et
à créer de la valeur. L’utilisation d’indicateurs financiers, selon eux, présente certaines limites
et empêche l’entreprise d’identifier avec précision ses forces et ses faiblesses qui sont
difficilement observables avec des données de nature comptable.
Par ailleurs, pour bien interpréter ces indicateurs, nous devons tenir compte de la stratégie
adoptée par le dirigeant de l’entreprise. Miles et Snow (1978) ont développé une typologie de
dirigeants d’entreprise qui, tout comme le confirment Storey et Kelly (2001), influence les
choix organisationnels, les marchés desservis, les pratiques d’affaires implantées, et ce selon
le secteur d’activité dans lequel œuvre l’entreprise (Aragón-Sánchez et Sánchez-Marín (2005).
Cette typologie a par ailleurs fait l’objet de nombreuses vérifications (voir entre autres St-
Pierre et al., 2003), notamment dans les PME où l’influence de la stratégie du dirigeant sur
l’organisation de l’entreprise est encore plus probante. De façon sommaire, les quatre profils
stratégiques de Miles et Snow (1978) se décrivent comme suit :
Profil prospecteur
Les entreprises de ce type sont de nature très combative. Elles sont sans cesse à la
recherche de nouvelles parts de marché et innovent continuellement en développant de
nouveaux produits adaptés aux besoins des clients. Très souvent à l’origine des
changements dans leur marché, elles n’hésitent pas à créer ou à profiter de nouvelles
opportunités d’affaires. Pour réaliser leur stratégie, on notera également qu’elles se
tiennent à l’avant-garde technologique ce qui leur procure la flexibilité voulue pour
s’ajuster continuellement.
Profil analyseur
Il s’agit d’entreprises qui étudient soigneusement leur marché et observent de très près le
développement dans leur industrie afin de n'agir qu’au moment propice et ainsi réduire au
minimum les risques. Pour preuve, elles préfèrent apporter des changements à des produits
existants plutôt que d’en développer de nouveaux.
Profil défenseur
On les reconnaît parce qu’elles se confinent et se contentent d’une niche dans leur
industrie avec peu de changements (marché stable et peu d’innovation) et souvent difficile
à pénétrer pour d’éventuels concurrents. Leurs décisions visent principalement à protéger
leur marché et non à l’étendre ou à le diversifier.
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Profil réacteur
Ces entreprises ont comme objectif de répondre aux changements de produits et de
marché seulement si elles sont contraintes par des pressions environnementales. Étant peu
proactives, elles n’ont pas les capacités nécessaires pour réagir rapidement à des
modifications de l’environnement externe. Parmi les quatre types, ce sont souvent les
entreprises les moins performantes étant donné leur manque de consistance interne et de
dynamisme organisationnel.
Afin de mieux résumer l’environnement d’affaires actuel ainsi que les principaux défis des PME
de services, la figure 6 présente notre modèle de gestion de la performance nécessaire pour
avoir une vue d’ensemble ainsi qu’une démarche pour les aborder.
Figure 7 Processus de gestion de la performance
En somme, ce processus de gestion mentionne qu’une fois les objectifs du dirigeant de la PME
définis, il lui sera plus facile de mettre en place des pratiques d’affaires qui répondront aux
principaux défis de son entreprise. Dans sa démarche, le dirigeant sera soutenu par ses
ressources financières, humaines et technologiques dont il devra faire un usage efficace et
efficient.
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Synthèse
Analyser les modes d’organisation des PME de services industriels, comprendre les défis
qu’elles ont à relever et les capacités qu’elles doivent maîtriser pour y arriver, bien cerner les
relations entre les pratiques d’affaires et leur performance sont autant de sujets qui doivent
susciter l’attention des chercheurs et des pouvoirs publics, en raison de l’importance
grandissante que ces entreprises prennent dans les économies développées. Les quelques
études relevées sur les entreprises de services mettent en évidence des entreprises
dynamiques, innovantes et même internationalisées. Leur capacité à contribuer à la croissance
économique et à la compétitivité nationale ne doit plus être mise en doute. Par contre, tout
comme pour le secteur manufacturier, elles auront peut-être besoin de l’appui des pouvoirs
publics et des institutions financières pour assurer leur compétitivité, d’où l’importance de
mieux les connaître afin d’anticiper leurs besoins spécifiques.
En plus de les étudier pour ce qu’elles représentent en elles-mêmes, il paraît crucial de se
pencher également sur leurs relations avec les entreprises du secteur manufacturier pour qui
elles deviennent des partenaires stratégiques. La pression subie par les entreprises de
fabrication pour réduire continuellement leurs prix tout en augmentant la qualité et la fiabilité
de leurs produits oblige à revoir les modes d’organisation et les décisions de centraliser à
l’interne toutes les activités de la chaîne de valeur, incluant celles qu’elles réalisent de façon
sporadique. Cette conception de l’entreprise se transformant en un réseau d’activités
créatrices de valeur suscite évidemment des interrogations chez les propriétaires dirigeants de
PME manufacturières qui n’ont pas cette vision de leur propre entreprise. Il faudra
nécessairement modifier cette vision puisqu’il nous apparaît évident que l’externalisation de
certaines activités vers des partenaires spécialisés et stratégiques est un élément crucial afin
d’assurer la compétitivité, voire la survie, de l’entreprise manufacturière.
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Annexe 1 Nomenclature des services selon le SCIAN 2007
Commerce de gros Produits agricoles; Produits pétroliers; Produits alimentaires, de boissons et de tabac; Articles personnels et ménagers; Véhicules automobiles et pièces; Matériaux et fournitures de construction; Machines et matériels et fournitures; Produits divers; Commerce électronique de gros et agents et courtiers.
Commerce de détail Véhicules automobiles et pièces; Meubles et accessoires de maison; Appareils électroniques et ménagers; Matériaux de construction et de matériel et fournitures de jardinage; Alimentation; Produits de santé et de soins personnels; Stations-service; Vêtements et accessoires vestimentaires; Articles de sport, articles de passe-temps, articles de musique et de livres; Fournitures de tout genre; Détail divers; Détaillants hors magasin.
Transport et entreposage Transport aérien; Transport ferroviaire; Transport par eau; Transport par camion; Transport en commun et transport terrestre des voyageurs; Transport par pipeline; Transport de tourisme et d’agrément; Activités de soutien au transport; Services postaux; Messageries et services de messagers; Entreposage.
Industrie de l’information et industrie culturelle Édition; Industries du film et de l’enregistrement sonore; Radiotélévision; Télécommunications; Traitement de données, hébergement de données et services connexes; Autres services d’information.
Finance et assurances Autorités monétaires – banque centrale; Intermédiation financière et activités connexes; Valeurs mobilières, contrats de marchandises et autres activités d’investissement financier; Sociétés d’assurance et activités connexes; Fonds et autres instruments financiers.
Services immobiliers et services de location Services immobiliers; Services de location et location à bail; Bailleurs de biens incorporels non financiers.
Services professionnels, scientifiques et techniques Services professionnels, scientifiques et techniques (Services juridiques; Services de comptabilité; Architecture, génie et services connexes; Services spécialisés de design; Conception de systèmes informatiques et services connexes; Services de conseils en gestion et de conseils scientifiques et techniques; Services de recherche et de développement scientifiques; Publicité et services connexes; Autres services professionnels, scientifiques et techniques).
Gestion de sociétés et d’entreprises Gestion de sociétés et d’entreprises.
Services administratifs et services de soutien Services administratifs et services de soutien; Services de gestion des déchets et d’assainissement.
Services d’enseignement Services d’enseignement (Écoles primaires et secondaires; Collèges communautaires et cégeps; Universités; Écoles de commerce et de formation en informatique et en gestion; Écoles techniques et écoles de métiers; Autres établissements d’enseignement; Services de soutien à l’enseignement).
Soins de santé et assistance sociale Services de soins ambulatoires; Hôpitaux; Établissements de soins infirmiers et de soins pour bénéficiaires internes; Assistance sociale.
Arts, spectacles et loisirs Arts d’interprétation, sports-spectacles et activités connexes; Établissements du patrimoine; Divertissement, loisirs et jeux de hasard et loteries.
Hébergement et services de restauration Services d’hébergement; Services de restauration et débits de boisson.
Autres services Réparation et entretien; Services personnels et services de blanchissage; Organismes religieux, fondations, groupes de citoyens et organisations professionnelles et similaires; Ménages privés.
Source : Statistique Canada, 2007
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