178
LES PREMIERS ENREGISTREMENTS DES 24 PRELUDES OP. 28 DE CHOPIN (ENTRE 1920 ET 1948) PAR BUSONI - CORTOT- LORTAT - KREUTZER KOCZALSKI - PETRI - RUBINSTEIN - MOISEIWITCH ETUDE COMPARATIVE PAR JEAN-FRANÇOIS ANTONIOLI HEMU VAUD VALAIS FRIBOURG HAUTE ECOLE DE MUSIQUE DE LAUSANNE 2017 INSTITUT DE RECHERCHE EN MUSIQUE ET ARTS DE LA SCÈNE HAUTE ECOLE SPECIALISEE DE SUISSE OCCIDENTALE HES-SO DOMAINE MUSIQUE

LES PREMIERS ENREGISTREMENTS - HEMU...Le complément de cette étude est le travail de recherche de Jean-Jacques Eigeldinger sur les premières éditions des 24 Préludes et celles

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  • LES PREMIERS ENREGISTREMENTS

    DES

    24 PRELUDES OP. 28 DE CHOPIN

    (ENTRE 1920 ET 1948)

    PAR

    BUSONI - CORTOT- LORTAT - KREUTZER

    KOCZALSKI - PETRI - RUBINSTEIN - MOISEIWITCH

    ETUDE COMPARATIVE

    PAR

    JEAN-FRANÇOIS ANTONIOLI

    HEMU VAUD VALAIS FRIBOURG

    HAUTE ECOLE DE MUSIQUE DE LAUSANNE

    2017

    INSTITUT DE RECHERCHE EN MUSIQUE ET ARTS DE LA SCÈNE

    HAUTE ECOLE SPECIALISEE DE SUISSE OCCIDENTALE

    HES-SO DOMAINE MUSIQUE

  • 1

    TABLE DES MATIERES

    REMERCIEMENTS ................................................................................................................... 2

    INTRODUCTION ...................................................................................................................... 4

    L’OPUS 28 PRESENTE PAR LES PIANISTES EN TANT QUE CYCLE ............................. 6

    QUELQUES DATES HISTORIQUES D’EXECUTIONS COMPLETES ................................ 8

    VERSIONS INTEGRALES ENREGISTREES AVANT 1950 ............................................... 11

    AVERTISSEMENT CONCERNANT LES ENREGISTREMENTS DES 24 PRELUDES op.

    28 PAR BUSONI ..................................................................................................................... 15

    ETUDE SYSTEMATIQUE ...................................................................................................... 20

    PRÉLUDE n° 1 .......... 20

    PRÉLUDE n° 2 .......... 24

    PRÉLUDE n° 3 .......... 28

    PRÉLUDE n° 4 .......... 32

    PRÉLUDE n° 5 .......... 36

    PRÉLUDE n° 6 .......... 40

    PRÉLUDE n° 7 .......... 44

    PRÉLUDE n° 8 .......... 48

    PRÉLUDE n° 9 .......... 52

    PRÉLUDE n° 10 ........ 56

    PRÉLUDE n° 11 ........ 60

    PRELUDE n° 12 ........ 64

    PRÉLUDE n° 13 ........ 69

    PRÉLUDE n° 14 ........ 75

    PRELUDE n° 15 ........ 78

    PRELUDE n° 16 ........ 86

    PRÉLUDE n° 17 ........ 91

    PRELUDE n° 18 ........ 97

    PRELUDE n° 19 ...... 102

    PRELUDE n° 20 ...... 106

    PRELUDE n° 21 ...... 110

    PRÉLUDE n° 22 ...... 116

    PRÉLUDE n° 23 ...... 121

    PRÉLUDE n° 24 ...... 125

    QUELQUES REFLEXIONS DE SYNTHESE SUR L’APPORT DE CHAQUE

    INTERPRETE ........................................................................................................................ 130

    ANNEXE I .............................................................................................................................. 150

    ANNEXE II ............................................................................................................................ 151

    ANNEXE III ........................................................................................................................... 167

    ANNEXE IV ........................................................................................................................... 172

    BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. 174

  • 2

    REMERCIEMENTS

    Certains documents ont été particulièrement difficiles à dénicher. Ainsi, chercher des

    informationssurLeonidKreutzer,pianisteaujourd’huipresqueoubliéenEurope,ainsique

    sesenregistrementsquine sontplusdistribuésdepuis longtemps,ne futguèreaisé.C’est

    finalementau Japon,à l’UniversitédesArtsdeTokyo (appeléeaussiGeidai),où se trouve

    déposé le fondsNozawa,dunomd’unmusicologuecollectionneurquidétenaitencore les

    exemplairesd’époque(78toursdelaNipponColumbia),qu’ilaétépossibled’yaccéder.Je

    voudraisdoncremercierM.KazunoriYamanaka,directeurdelabibliothèquedel’Université,

    ainsi que ses deux conservateurs, Mme Akio Ohtahara et M. Tomoyo Nishiyama, pour

    l’extrêmeamabilitéetladiligencedontilsontfaitpreuveenmerecevantpourécouterles

    documentsoriginauxenoctobre2016;ettoutparticulièrementMmeHiromiLinnarsonnée

    Ina, pianiste, quim’amis en contact avecMadame Yukiko Hagiya, disciple deNozawa et

    musicologue auteure d’une biographie toute récente consacrée à Leonid Kreutzer

    (http://www.amazon.co.jp/dp/463692830X/)ainsiqu’avecM.IsaoHorota,bibliothécaireet

    passionnédemusique,d’avoirbienvouluconfectionneràmonintentionunreportsurCDde

    cesprécieuxenregistrements.DesremerciementsvontégalementàM.Pierre-YvesTribolet,

    ancien directeur de l’Union Européenne de Radiodiffusion, pour les premières recherches

    auprèsdelaradioNHKdeTokyo,quandbienmêmecelles-cisesontavéréesinfructueuses.

    Demême,obtenircopiedes24PréludesdeChopindansl’éditionUllstein(révisiondeLeonid

    Kreutzer)parueàBerlinen1924(en4volumes)n’apasétéplusfacile.Jeremerciedonctout

    particulièrement M. Paolo Boschetti, musicologue et bibliothécaire scientifique à l’HEMU

    pour ses recherches incessantesdedocumentationdansdespays aussi diversque l’Italie,

    l’AllemagneoulesEtats-Unis.

    Jeneremercierai jamaisassezJean-JacquesEigeldinger,professeuréméritede l’Université

    deGenève,MembreduComitédelaSociétéChopindeVarsovieetmoninterlocuteurpour

    l’autrevoletdecetterecherche,celuiconsacréauxquestionséditoriales,pourleslongueset

    régulièresconversations,toujoursimmensémentenrichissantes,surunsujetinépuisable.

    Jeremercieaussideuxdemescollèguesdudépartementdepianodel’HEMU,PascalGodart

    et Christian Favre, pour les échanges fructueux et la mise à disposition de certains

    documents,ainsiquelesséancesdetravailquiontpermisdeprésenterauxétudiantsdenos

    classesrespectivescertainsdesaspectslesplussurprenantsdecesenregistrements.

    Enfin je remercie l’IRMAS (Institut de Recherche en Musique et Arts de la Scène) et le

    Directeurgénéraldel’HEMU,M.HervéKlopfenstein,dem’avoiraccordésaconfiance,ainsi

    que Mme Angelika Güsewell, coordinatrice de la recherche, pour son assistance dans

    l’établissementdestravauxpréliminaires.MareconnaissancevaégalementàMmeTiziana

    Franchi(Turin)pourl’assistanceinformatiqueàlamiseenpages.

  • 3

    QUELQUES PHOTOS

    PRISES AU JAPON EN OCTOBRE 2016

    A L’UNIVERSITE DES ARTS DE TOKYO,

    EN ENQUETANT SUR LEONID KREUTZER

    Figure1

    AVECMMEHAGIIYA,BIOGRAPHEDELEONIDKREUTZER

    Figure2

    AVECLESCONSERVATEURSDUFONDSNOZAWA

    Figure3

    SEANCED'ECOUTECOLLECTIVE

  • 4

    INTRODUCTION

    L’objectif de cette recherche est de confronter, sur la base des tout premiers

    enregistrementsintégrauxdes24Préludesop.28,lerapportdeshuitinterprètesauxtextes

    musicaux dont ils disposaient. Il s’agit de tenter de reconstituer la succession des

    événementsaufildesparutionssuccessives,afindecomprendrecommentlespianistesont

    abordécesœuvres,enontfaçonnélaconsciencequenousenavons.

    Inès TaillandierGuittard, dans sa thèseAlfred Cortot interprète de Frédéric Chopin1,parle

    opportunémentdeladifficultéàdéfinirletextemusicalàprendreenconsidération.Carque

    faut-il choisir comme partition authentique: le manuscrit? l’une des premières éditions

    (française, allemande ou anglaise)? une partition annotée de la main du compositeur?

    Autrementditquelstadedelacompositionfaut-ilconsidérercommelebon?AcesujetJohn

    Rinksouligneeneffetque l’œuvredeChopinpeutêtreenvisagéesous l’angledu«work in

    progress».Endépitdetoutletravailphilologiqueeffectué,ilparaîtimpossiblededéterminer

    quelleversionprévaut;car«pourChopin,postérieurn’estpasnécessairementsynonymede

    meilleurmaisdedifférent2»

    Auvudecequiprécède, laprésenterecherche,siellesedoitd’allerchercher l’originede

    certainsdétailsd’exécutionrelevésdansleséditionsdisponibles,n’apas,strictosensu,une

    fin musicologique. Elle vise plutôt à retracer les étapes qui, dans la conscience des

    interprètes, contribuèrentàdéfinir leur compréhension intimede l’œuvreet,par-delà,du

    monde sonore si particulier de l’auteur; certaines indications ont pu revêtir des sens

    différentsselonlestraditions,lesculturesetlesépoques.

    Ladémarcheestchronologique,partantdel’enregistrementdeBusoni(1920)jusqu’àcelui

    de Moiseiwitch en 1948, soit cent ans après la mort de Chopin et 110 ans après la

    compositionducycle.N’ontétéretenuspourl’étudesystématiquequelesenregistrements

    intégraux; denombreux enregistrements depréludes isolés oude florilèges existent (une

    liste les mentionne mais celle-ci ne saurait être exhaustive, tant furent nombreuses les

    compagnies qui éditèrent des rouleaux. Un inventaire s’avèrerait tâche aussi ardue

    qu’indéfinimentprolongée).

    LecomplémentdecetteétudeestletravailderecherchedeJean-JacquesEigeldingersurles

    premières éditions des 24 Préludes et celles qui ont suivi (jusqu’au début du XXe siècle).

    1TAILLANDIERGUITTARDInès,AlfredCortotinterprètedeFrédéricChopin,(Thèsededoctorat),UniversitéJeanMonnet,SaintEtienne2013.2 RINK, John, «Work in progress», l’œuvre infini(e) de Chopin, dans EIGELDINGER, Jean-Jacques, (éd.)InterpréterChopin,actesducolloque,CitédelaMusique,Paris,25-26mai2006,Paris:MuséedelaMusique,CitédelaMusique,2006.p.83.

  • 5

    pour la présente étude, les éditions suivantes ont été consultées pour tenter de trouver

    l’originedesdiversesvariantesremarquéesdanslejeudesinterprètes:

    • Manuscrit,Cracovie,PWM1951

    -Premièreséditions:

    • Catelin,Paris,1839

    • Breitkopf&Hærtel,Leipzig,1839

    • Wessel,Londres1839

    • Lucca,Milano1840

    -Editionscritiques:

    • HermannScholtz(1845-1918),Peters,Leipzig,1879

    • KarlKlindworth(1830–1916)Berlin,Bote&Bock,1880

    • TheodorKullak(1818–1882)Berlin:Schlesinger'scheBuch-undMus.,1882,NewYork,G.Schirmer,1882.

    • CarlMikuli(1819-1897)NewYork:G.Schirmer,1895,réédition1915.

    • RaoulPugno(1852–1914)Vienne,UniversalEdition,1905environ

    • RafaelJoseffy(1852-1915)NewYork,G.Schirmer,1915.

    • ClaudeDebussy(1862-1918)éditionclassiqueA.Durand&fils1915.

    • LeonidKreutzer(1884-1953)UllsteinVerlag,Berlin,1924

    • AlfredCortot(1877-1962),éditionsMauriceSenart,Paris1926.

    • AlfredoCasella(1883-1947),Milan,Curci,1947

    • Muzyka,Moscou,sansdate.Lesmouvementsmétronomiquesn’ontpasététoujoursmesurésetmentionnés. Ils’avèresouventimpossibledelesétablirdufaitdelaductilitédulangagedeChopinetdel’approchedesinterprètes.

  • 6

    L’OPUS 28

    PRESENTE PAR LES PIANISTES EN TANT QUE CYCLE

    LesPréludesn’ontpastoujoursétéenvisagésentantquecycle.Certes,Chopinlesapubliés

    au nombre de 24 et dans le fameux ordonnancement par tonalités selon le cycle des

    quintes; il faut néanmoins attendre assez longtemps pour voir des interprètes enchaîner

    touteslespiècesenconcert.

    Onsaitqu’aucoursdescentansquisuivirent lamortdeChopin(1849), laviemusicale, la

    pratiqueinstrumentale,lesusagesduconcertontconsidérablementévolué.Lesconcertsse

    donnaientrarementsousformederécital,bienqueLisztait inaugurésapratiqueen1839.

    Jusquevers1870environ,lesconcertssedonnaientdemanièrevariée;onnecraignaitpas

    le mélange des genres et il pouvait y avoir alternance entre musique d’orchestre, de

    chambrevocaleetsoliste3.

    OnsaitaussiqueChopinajouéunsoird’octobre1839toussesPréludesàMoschelesetà

    Meyerbeer.Lorsqu’ilenprésentaenpublicdanssonconcertdu21avril1841,suscitant le

    commentaire de Liszt resté célèbre, ce fut un florilège dont on ne connaît pas la

    composition4.Demêmepourd’autresdesesraresconcerts-onsaitqu’iljoualen°15le21

    février1842àParis(SallePleyel),circonstancedontparlevonLenzdansdes lignesrestées

    célèbres5puisquelquespréludesle16février1848àParis(SallePleyel);unseulPréludele

    27septembre1848àGlasgow(Merchant’sHall)etle4octobre1848àEdinburgh(Hopetoun

    Room).

    Attesté par l’ouvrage de George Kehler6, Charles Valentin Alkan (1813-1888) joue à Paris

    (SalonsErard)lesn°15,19et24le19février1874.

    Liszt,dontlesleçonssouventdonnéessurcertainspréludes,furentamplementdécritespar

    plusieurs de ses élèves, n’a joué en public de Chopin, le plus souvent, qu’une ou l’autre

    Mazurka,oualorsdesEtudes.

    SonélèveRafaelJoseffyenjoualesn°7,8et15àBostonen1880.

    Sesprochesenont jouéquelques-unsçàet là,telHansvonBülowle19novembre1874à

    Hastings, (MusicHall) ou le 10décembre 1874 àGlasgow (Queen’s Room);mais lorsqu’il

    3GOULD,John:Whatdidtheyplay?:thechangingrepertoireofthepianorecitalfromthebeginningsto1980.Themusicaltimes,vol.146,no.1893(winter,2005),pp.61-76.4BELOTTI,Gastone:ChopinTurin,EDT,1984.

    5LENZ,Wilhelmvon:Lesgrandsvirtuosesdupiano:Liszt,Chopin,Tausig,Henselt,souvenirspersonnels,textesréunisetadaptésparJ.-J.Eigeldinger,Paris,Flammarion1995.6KEHLER,George:Thepianoinconcert(page19)MetuchenN.J.etLondres,TheScarecrowpress,1982.

  • 7

    présenteunprogrammeentièrementconsacréàChopin,commele7avril1875àLondres

    (StJamesHall),seullen°13estprésenté.

    Le grand Anton Rubinstein, dans son panorama de la littérature pianistique en 7

    programmes, joualesn°4,7,6,15et24àNew-Yorken1873et les4,7,17,6,15et24à

    Vienneen18857.

    D’innombrables exécutions partielles eurent lieu pendant longtemps. Elles n’ont d’ailleurs

    jamaiscessé,bienquel’usagesoittombéprogressivementendésuétude.

    Parmicelles-cionpeutmentionner:

    René Chansarel (1899, Paris), Raoul Koczalski, (1892, Leipzig) et (1893, Berlin) Ossip

    Gawrilovitch(1898),FannyDavies(1904),MarkHambourg(Milan1906),ErnovonDohnanyi

    (1907,Budapest),GottfriedGalston(1908),TinaLerner(1908,Londres),MauricyRosenthal

    (1913,Milan),WilhelmKempff(1919,Copenhague),FriedaKwast-Hodapp(1926,Milan).

    En 1933,Myra Hess joua à New-York et à Londres les n° 1,4,8,16,15,23,24, intercalant le

    Préludeop.45-quinefaitpaspartieducycle-entrelesn°8et16!

    Pendant longtemps,Wilhelm Backhaus fit précéder d’autres morceaux de Chopin par un

    Prélude de l’op. 28 dans le même ton; ainsi pouvait-on entendre, comme sur certaine

    gravurededisque,le1erPréludeop.28précédantla1èreEtudeop.10;maisaussi,commeà

    Budapest en 1911: lePrélude en la b op. 28 précède l’Impromptu en la b op. 29; ou au

    JordanHalldeBoston(1912)lePréludeenlabprécèdelaBalladeenlabop.47ouencore

    auTownHalldeNew-York(1922):lePréludeenfamajeurprécèdeleNocturneenfamajeur

    puislaBalladeenfaop.38.

    Figure4

    PREMIERPRELUDEETPREMIEREETUDEPARWILHELMBACKHAUS

    7RATTALINO,Piero:PianistieFortisti(p.24)Milan,Ricordi/Giunti1990.

  • 8

    QUELQUES DATES HISTORIQUES D’EXECUTIONS

    COMPLETES

    Lepremierpianisteayantprésentél’œuvreintégraldeChopinsembleavoirétéEdouard

    Risler8(1903),suiviparRobertLortaten19119.

    Figure5

    EDOUARDRISLER

    MaisilsembleraitqueFerruccioBusoniaitétélepremieràjouerlecyclecompletdel’opus

    28dansdesprogrammesde conceptionmodernequi tranchaient radicalement avec ceux

    des concerts traditionnels, lesquels étaient ordinairement composés de petites pièces, de

    mouvements isolés ou d’extraits. Ainsi, le 5 mars 1889, son programme à Helsinki ne

    présenterienmoinsqueles12Etudesop.10,les24Préludesop.28etles12Etudesop.25!10. Il rejouera l’op. 28 d’innombrables fois jusqu’à la fin de sa vie, notamment à Berlin

    (Beethovensaal)le24janvier1907etle27mars1908),àMilan(SocietàdelQuartetto)le10

    avril1908,àHelsinki(YiliopistonJuhlasalissa)le29octobre1912,àMoscou(GrandeSallede

    l’AssembléedesNoblesdelaRussie)le19octobre1912.

    Quelquestempsplustard,lediscipledeLiszt,ArthurFriedheim(1859-1932)jouel’op.28à

    Londresen1898.11

    Parlasuite,onpeutreleverlesexécutionshistoriquessuivantes:

    • RichardBuhlig(1880-1952):New-York(MendelssohnHall),16novembre1907.

    • MariePanthès(1871-1955):Berlin,BechsteinSaal,1907.

    • CellaDelavrancea(1887-1991):Munich,1911.

    • HenrikMelcer(1869-1928):Varsovie,1912.

    • WesleyWeyman(1877-1931):Londres,1912.

    • LeopoldGodowski(1870-1938):Vienne(27novembre1911);Milan(7décembre1913).

    8KEHLER,George:Thepianoinconcert.MetuchenN.J.etLondres,TheScarecrowpress,1982.

    9NECTOUX,Jean-Michel,GabrielFauré,Lesvoixduclair-obscurParisFayard2008.

    10RATTALINO,Piero:PianistieFortisti(p.31)Milan,Ricordi/Giunti1990.

    11KEHLER,op.cit.

  • 9

    • WalterGieseking(1895-1956):Hannover(Konservatorium),printemps1915,poursonépreuvedefin

    d’études;Rome,1925.

    • RobertLortat,(1885-1938):New-York(AeolianHall),2novembre1916.

    • LeonidKreutzer(1884-1953):Berlin(Beethovensaal),19octobre1918.

    • AlfredCortot (1877-1962):New-York(AeolianHall),11novembre1918;Philadelphie,1918;Londres,

    1920;Milan,1924et1933.

    • PaulRoes(1889-1955):Bâle,Casino,1919.

    • AlexanderBrailowski(1896-1976):Paris(SalledesAgriculteurs)4mai1921.

    • DirkSchaefer(Hollande,1873-1931):Berlin,BechsteinSaal,1921.

    • EgonPetri:Cracovie,StaryTeatr,1922.

    • PaulLoyonnet(1889-1988)Rome,1922;etMilan,1923.

    • MieczslawMunz:(1900-1976):CarnegieHall,New-York,1923.

    • JosefSlivinski:Cracovie,StaryTeatr,1923.

    • VictorSchioler(Danemark,1899-1967):Copenhague,1924.

    • FranzWagner(?):DenHaag,1925.

    • JanSmeterlin(Pologne1892-1967):Paris,1926.

    • ZbigniewDrzewiecki(Pologne,1890-1971):Cracovie(StaryTeatr),28mars1926.

    • BennoMoiseiwitch:Rome,SocietaFilarmonicaRomana,1931.

    • NicolaiOrloff(1892-1964):TownHall,New-York,1931.

    • JosefHofmann(1876-1957):New-York,18décembre1927,1936.

    • IrmeUngar:Cracovie,StaryTeatr,1936.

    • AlexandreGeorges(1850-1938):Paris,(SalledesConcertsduConservatoire),14novembre1928.

    • MieczyslawHorszowski(1892-1993):Berlin,1930;Basel,1939.

    • JosefLhévinne(1874-1944):New-York,1933.

    • IgnazFriedmann(1882-1948):New-York,CarnegieHall,1935;Vienne,1937;Cracovie,1938.

    • EdwinFischer(1886-1960):Rome,FilarmonicaRomana,1937.

    • LeoNadelmann(1913):Bâle,1937.

    • GunnarJohansen(1906-1991):Chicago,1938.

    • FrancisMoore(1886-1946):TownHall,New-York,1938.

  • 10

    • StanleyHummel(1908-2005):New-York,1938.

    • VladimirPadwa(?):TownHall,New-York,1941.

    • SusiDressler-Narbeshuber(1904-?):Vienne,1941.

    • GeraldTracy:New-York,TownHall,1942

    • ArturRubinstein:Toronto,1946

    • CordeGroot(1914-1993):Copenhagen,1948

    • RudolfSerkin:New-York,CarnegieHall,1948

    • GuiomarNovaes:TownHall,New-York,1949

    • JoanRowland:TimesHall,New-York,1949

    Onvoitdonc,enconsultantcettelisteindicative,quiétaientlesartistesquiévoluaientaveccerépertoiredanslemondeinternationalduconcert.

  • 11

    VERSIONS INTEGRALES ENREGISTREES AVANT 1950

    FerruccioBUSONI(1920):

    Enregistréle7juillet1920

    Lieu:Londres,NewBondStreet(studio3èmeétage)AeolianCompany.

    Système:AeolianDuo-Art,13rouleauxnumérotésentre014à040.

    Ingénieur:ReginaldReynolds.

    Pianod’enregistrement:Weberde7pieds(voirphoto).

    Editéàl’origineparAeolianpuisparFoné

    Figure6UNERECLAMED'EPOQUEVANTANT

    LESPIANOSWEBER

    Figure7BUSONIETREYNOLDSDURANTL'ENREGISTREMENT

    AlfredCORTOTI(1926):

    Enregistréles22marset4avril1926

    Lieu:Hayes,Middlesex(UK)StudioA.

    Son:GeorgeDillnut&EdwardFowler.

    Piano:Steinway?

    Editéàl’origineparHMV

    rééditéparWarnerClassics,2012.

  • 12

    RobertLORTAT(1928):

    Enregistréle5mai1928

    Lieu:Paris,

    Columbia(LX355)9568.

    Ingénieur:nonmentionné.

    Piano:nonmentionné.

    Edité à l’origine par Columbia (France)rééditéparDanteàlafindesannées1990.

    AlfredCORTOTII(1933-34):

    Date:le5juillet1933etle20juin1934

    Lieu:Londres,AbbeyRoad,Studio3.

    Ingénieur:nonprécisé

    Piano:Steinway?

    Editéàl’origineparHMV

    RééditéparWarnerClassics,2012.

    LeonidKREUTZER(1938):

    Date:inconnue

    EnregistréàTokyo

    Ingénieur:nonprécisé

    Piano:Steinway?

    Editéàl’origineparNipponColumbia

  • 13

    RaoulKOCZALSKI(1939):

    Enregistréles10et12juin193912

    Lieu:BerlindanslesstudiosdePolydor/DGG

    Ingénieur:Ehrlich

    Piano:Bluethner?

    Editéàl’origineparPolydor,

    PuisDG675005-09,

    CDsurSelene

    EgonPETRI(1941-1942):

    Enregistréendiverses sessions le2 juillet etle4août1941,le24juin1942

    Lieu:New-York,LiederkranzHall

    Ingénieur:nonmentionné

    Piano:Steinway&Sons(?)

    Editéàl’origineparColumbia,

    rééditéparAppianPublications

    AlfredCORTOTIII(1942):

    Enregistréle2décembre1942

    Lieu:Paris,StudioAlbert.

    GramophoneW1541/4

    Ingénieur:EugèneRavenet

    Piano:Pleyel?

    Edité à l’origine HMV, réédité par WarnerClassics,2012.

    12D’aprèsMarstonRecords.

  • 14

    ArthurRUBINSTEIN(1946):

    Enregistréles10,11et20juin1946

    Lieu:New-York,RCAStudio2.

    Ingénieur:nonmentionné

    Piano:Steinway&Sons

    Edité à l’origine par Victor et aussitôt reprispar HMV, disponible dans The ArturRubinstein Collection (94 CD, volume 16).ReparudanslacollectionNaxos.

    BennoMOISEIWITSCH(1948):

    Enregistré les29et30décembre1948et20septembre1949

    Lieu:Londres,AbbeyRoadStudion°3HMV

    (C3905-06et3907-08)

    Ingénieur:HaroldDavidson

    Piano:Steinway&Sons(?)

    Editéàl’origineparHisMaster’sVoice,reprisdanslacollectionTestament

  • 15

    AVERTISSEMENT CONCERNANT LES ENREGISTREMENTS

    DES 24 PRELUDES OP. 28 PAR BUSONI

    Pour diverses raisons, il semble presque impossible de ne pas inclure dans cette étude

    l’enregistrement intégral de Busoni, quand bienmême celui-ci fut réalisé sur rouleaux et

    non, comme les autres document, avec la technique qui allait suivre, l’enregistrement

    électriqueenvued’unepublicationen78tours.Commeiladéjàétémentionnéplushaut,il

    estplausiblequeBusoniaitétélepremierpianisteàinscrirelecyclecompletdel’opus28à

    sesprogrammes.Ilajouéles24Préludesjusqu’àlafindesavie,lesconsidérantcommele

    plushautpointdelaproductiondeChopin.Maissoninterprétationaété,depuistoujours,

    trèscontroversée.VoicicequeditRubinsteindansle1ervolumedesesmémoires:

    FerruccioBusoni,avecsonbeauvisagedeChristetsatechniquediabolique,étaitdeloin le

    pianiste vivant le plus intéressant. Lorsqu’il jouait Bach, son toucher mystérieux pouvait

    reproduiretantôtlessonoritésd’unorgue,tantôtcellesd’unclavecin...(…)sonBeethovenet

    son Chopin, je l’admets, me laissaient de marbre. (…) Son Chopin, toujours brillant

    techniquement, perdait cette chaleur et cette affabilité qui sont si significatives dans ses

    pages.Enrésumé,jediraisqueBusoniétaitunepersonnalitésurprenante,unexemplepour

    tous les musiciens; en tant qu’interprète il n’acceptait aucun compromis et comme

    compositeurilsesituaitàunniveautrèsélevé;duresteildisposaitd’unerareet immense

    érudition13.

    ClaudioArrauenparleéloquemmentdanssesentretiensavecJosephHorowitz14:

    Les Préludes de Chopin par Busoni étaient incroyables. Ce n’était pas l’habituel Chopin

    parfumé.Maisc’étaittrèsbeau.Unpeuchoquant,certes,maissiexcitantetinédit…

    On a été jusqu’à dire que Busoni n’avait pas de réelle affinité avec Chopin. Et pourtant,

    jusqu’en1900,Busonienajouédanslaplupartdesesprogrammes;illuiamêmeconsacré

    des récitals entiers comme -par exemple-l’imposant contenu du 31 janvier 1900, à la

    BeethovenSaaldeBerlin15:

    Sonateop.35-Etudesop.25-Balladeop.23-Nocturneop.62-Nocturneop.48-

    Balladeop.52-Barcarolleop.60-Impromptuop.36-Polonaiseop.44-Polonaiseop.53

    13RUBINSTEIN,Arthur:Lesjoursdemajeunesse,Paris,RobertLaffont,1976.

    14HOROWITZJoseph:Arrauparle,conversationsavecJosephHorowitz,Paris,Gallimard,1985.

    15KEHLER,op.cit.

  • 16

    Siparlasuite,pourdesraisonsquinesontpastrèsclaires,lesœuvresdeChopinsontmoins

    présentes dans les programmes de Busoni, elles ne disparaissent pas pour autant. On a

    énormément commenté son approche du texte musical qu’il s’approprie littéralement,

    n’hésitantpasàréécrirecertainsdétails,àen intellectualiser la lecture,à leurdonnerune

    dimensionpresquemétaphysique.

    Le9 juillet1920,soitdeux joursaprès l’enregistrementdesPréludes,Busoniécrivaitàson

    futurbiographeEdwardJ.Dent:

    PourcequiestdeChopin,ilestvraiqu’ilrésistevictorieusementavecletemps;maislechoix

    desesœuvressefaitdeplusenplusrestreint.Sesdansesdisparaissent,ainsiqu’unegrande

    partiedesNocturnes.Pourmoi, sonœuvreprophétiqueestconstituéepar les24Préludes,

    quicontiennentlegermedetoutcequisuivit-demanièreplusoumoinsdéveloppée.

    Dansuneautre lettrede1922àsonamiparisien IsidorePhilipp,pianisteetprofesseurau

    Conservatoire,ilécrit16:

    Chopinmihaattrattoerespintopertuttalavita;etroppospessohosentitolasuamusica:

    prostituita,profanata, involgarita.Eun’isolettaattornoacui leacquesalgonosemprepiù,

    sinchénonsenesporgonochedueotrecime:gliStudieiPreludieforse,leBallate.

    Aucoursdesavie,BusoniaenregistrédesPréludesdeChopinendiversescirconstances:

    • PourWelte-Mignon(16mars1907)àFreiburg-in-Breisgau:

    -Préluden°15

    • PourLudwigHupfeldàLeipzig,le30mai1908(seuledatedontonaitconnaissance) :

    -Préludes4-5-6-7-8-9(Ceux-cisont-ilsperdus?Onneparvientpasàselesprocurer)

    16RODONI,Laureto:Toutesupérioritéestunexil,LeLettereaIsidorPhilipp.Rome:ISMEZ,2005.

  • 17

    -Préludes11-12-14-17-18-21

    -Prélude24

    CesenregistrementsapparurentenPhonolaetAnimatic(entre1909et1916),

    Phonoliszt(dès1911),enfinenTri-Phonola(dès1928environ)

    • Pour lamaisonAeolianCompany(systèmeDuo-Art)NewBondStreetàLondres(petitstudioau3

    ème

    étage)le7juillet1920:

    -Enregistrementintégral(en14rouleauxdont1dontonaperdulatracesansque

    manqueunprélude).

    • PourColumbia(enregistrementélectrique):Londres,27février1922

    -Préluden°7enlamajeur(avecl’Etudeensolbmajeurop.10n°5)

    Matricen°75060.2(avecmention:«take1rejected»)[la1èrepriseayantété

    éliminée].

  • 18

    Dans le livre d’Antonio Latanza17, tout le processus de ces sessions est reconstitué; on y

    trouve décrites -avec une grande clarté- les différences techniques des méthodes

    d’enregistrement(Welte,Hupfeld,Aeolian)ainsiqueleurchronologie,ycomprisdeparution

    etderéédition.OnyapprendqueBusoniaccueillitd’abordavec intérêt lespossibilitésde

    reproductionsonore,orientéqu’ilétaitversl’inconnuetanticipantsurlefuturjusqu’àlafin

    de sa vie. Ses encouragements prodigués à Schönberg, son intérêt -dont témoigne une

    correspondancequivade1920àsamortenjuillet1924-quantàladémarchedechercheurs

    (JörgMageretGeorgSchünemann),visantlaconstructiond’uninstrumentdivisantl’octave

    entiersdeton,sontbienconnus.Iln’hésitadoncpasàsignerdesdéclarationsd’admiration

    pourlesystèmeWelte(juinetoctobre1905puisjuin1907)puispourlamaisonHupfeld(mai

    1908)etmêmeDuca18(mai1912).

    Malheureusement, l’enregistrement intégral desPréludes parBusoni -qui pourrait êtreun

    documenthistoriquedepremièreimportance-esttotalementdéconcertantdeprimeabord.

    Celui qui s’attend à la révélation d’un art suprême ne manquera pas d’être horrifié par

    instants, pour des raisons qui ne tiennent pas seulement aux retouches du texte par

    l’interprète ou à la répétition non écrite d’une section. Il s’avère que cette réalisation a

    cruellement pâti d’une absence de collaboration avec le technicien, Reginald Reynolds. Il

    fautsavoirtoutd’abordquecederniern’approuvaitpaslechoixd’enregistrerlesœuvresde

    Chopin,préférantlesauteursdontlenomcommenceparB:Bach,Beethoven,Brahms19.Or

    un important travail de ce qu’on appellerait aujourd’hui editing, consécutif à

    l’enregistrement, était indispensable pour régler divers aspects, dont la vitesse de

    déroulement (qui pouvait passer de 90 tours à 110 par minute), la pédale, les nuances,

    certainesattaquesplusmarquées,et lesrapportsdedosageentre lesregistres.OrBusoni,

    lassé par l’insatisfaction ressentie à chaque enregistrement –tous eurent lieu dans les

    dernièresannéesdesonexistence-voulutéviterdepasserdenombreusesheures sur ces

    tâches et obtint de la maison Aeolian, par contrat, d’en être dispensé. Tout le matériel

    résultantdesséancesfutdoncremisautechnicienReynoldsquis’acquittadesatâcheenne

    pouvants’appuyerquesursonseulniveaudecompréhensionmusicale.

    Les enregistrements antérieurs pourront certes constituer une ressource permettant de

    relativisercertainsaspects,commeonleverraplustard.Celapermetdeconfirmercertaines

    constatationsetaussidecomprendrequelatechniqued’enregistrementdePianolaDuo-Art

    étaitloind’êtresatisfaisante,notammentsurleplandelasimultanéitédesattaquesdansles

    accords et aussi dans le débitmusical qui apparaît souvent claudiquant, voire heurté. Les

    pédalesoriginalesdeChopinsemblentn’êtrequasiment jamaisvraimentprisesencompte

    parBusoni.Lesnuancesonpeudereliefdanscetterestitution.

    17Latanza,Antonio:FerruccioBusoni,Realtàeutopiastrumentale,AntonioPellicani,Rome,2002.

    18CrééparPhilips.

    19LATANZA,op.cit.

  • 19

    Maisdéjàlesenregistrementsréalisésen1908nesemblentpasavoirététrèsexaltantspour

    Busoni,commeentémoigneunelettreàsafemmeécriteaulendemain(30mai):

    BeidiesemnervösenZustandvongestern,warendieStundenFahrenundSpieleneine

    schlechteKur.AlsichnämlichamsogenanntenBerlinerBahnhofinLeipzigausstieg,gingich

    direktzurPhonola...AlsichdortfürdasfestgesetzteHonorardasProgrammgespielthatte,

    mehreineZugabe,einZeugnisausgestellt,2Photographienunterschrieben,Godowskyund

    michselbstinderMaschineangehörtundnochzueinerphotographischenAufnahme“ander

    Phonola”gesessen,wares1/25Uhr,alsorundsechsStundenseitichdenAnhalterBahnhof

    verlassen.Beidem“drückenden”Wetter,Resultat:Kopfweh.DasZeugnis,dasichzu

    unterschreibengebetenwurde,warschonfertig“getippt”undlautete:“Ichhaltedie"DEA"

    fürdieKronederSchöpfung”.-Ichsagte:daswürdemirkeinMenschglauben,undschrieb

    natürlicheineigenes...20

    L’attitudedeBusonifaceautextedeChopinposeproblème,particulièrementàlalumière

    decequ’écrivaitAntoineMarmontel,danssonlivreLesPianistesCélèbres21:

    Soitprofondamourdel’art,soitexcèsdeconsciencepersonnelle,Chopinnepouvait

    souffrirqu’ontouchâtautextedesesœuvres.Lapluslégèremodificationluisemblaitune

    fautegravequ’ilnepardonnaitmêmepasàsesintimessansenexcepterLisztson

    admirateurfervent.(…),jesouffraisàlapenséedeblesserlecompositeurquiconsidéraitces

    altérationscommeunvéritablesacrilège.

    20FerruccioBusoni:Briefe[1895-1923]anseineFrau.Hg:F.Schnapp,Zürich,Rotapfel1935.

    21Marmontel,Antoine:LesPianistesCélèbres,Paris,ChaixetCie,1878.

  • 20

    ETUDE SYSTEMATIQUE

    PRÉLUDE N° 1

    enutmajeur

    Agitatoà2/8

    Danslamêmetonalité:Etudesop.10n°1et7,Rondoàdeuxpianosop.73,

    Mazurkaop.68n°1

    ÉgalementAgitato:1erthèmedelaSonateop.35,CodadelaBalladeop.38,

    sectioncentraleduNocturneop.62n°2

    Parusenenregistrementsséparés22:

    1907 Schelling,Ernest (1876-1939) Suisse/USA avecn°21 Welte1908 Backhaus,Wilhelm (1884-1969) Allemagne avecEtuden°1 ?1926 Backhaus,Wilhelm (1884-1969) Allemagne avecEtuden°1 Gramophone1931 Radwan,Augustede (1867-1957) Pologne/France avecn°3,24 Ultraphone1931 Levitzki,Misha (1898-1941) Pologne? avecn°7,23 Gramophone1933 Elinson,Iso (1907-1964) Russie/GB isolé ColumbiaAllemagne1934 Backhaus,Wilhelm (1884-1969) Allemagne avecEtude1 Gramophone1937 Kreutzer,Leonid (1884-1953) Russie avecn°3,6,15,20 NipponColumbiaJapon1941 Chasins,Abraham (1903-1987) USA avec3 Master-ClassRecordingsUSA1945 Foldes,Andor (1913-1992) Hongrie/CH isolé ContinentalUSA1945 Orloff,Nikolai (1892-1964) Russie avecn°2,3,4 Decca1946 Schioler,Victor (1899-1967) Danemark avecn°3,7,16,22,23 TonoDK

    Cepréludeest l’undesplusdélicatsàenvisagersousl’angledel’interprétationcarsisanotation

    est trèsclaireapriori, il recèleunemultituded’enjeux; l’interprètedoit fairedeschoixcruciaux

    quantàlabattue,àl’accentuation,àl’équilibredesvoixetàlagestiondel’élan.Plusieursauteurs,

    dontlestextessontcomplémentaires,onttentéd’enpercerlessecrets:GiorgioPestelli23 ,Narcis

    Bonet24,RaoulKoczalski25.

    1FERRUCCIOBUSONI1920(0:41aveclareprisenonnotéeparlecompositeur)

    Chaque mesure paraît contractée sur elle-même, comme sous l’effet d’un stretto presque

    spasmodique; lesmesures se succèdentavecdepetits interstices. Telle sembleêtre la logiquede

    22Pourcequiestdel’inventairedesenregistrementsisolés,jesuisredevableaulivredePanigel-Beaufils:

    L’œuvredeF.Chopin,Discographiegénérale.Paris,EditiondelaRevuede
Disques,1949ainsiqu’àdiversessourcesdontleCHARMCentrefortheHistoryandAnalysisofRecordedMusic,quiestunpartenariatentretroisuniversités(RoyalHolloway,UniversityofLondon,King’sColledgeLondon)etl’UniversityofSheffield,ainsiqu’aucataloguecompletWelte,consultableenligne:http://www.welte-mignon.de/kat/index.php?action=List%20of%20WELTE%20MIGNON%20Piano%20Rolls&spracheZumLesen=english.23PESTELLIGiorgio:SulPreludioop.28no1(ActaMusicologica,1991Vol.LXIII).

    24BONET,Narcís:Questionssurlepremierpréludedechopinin

    Teoria.comhttp://www.teoria.com/res/pdf/articles/bonet/QUESTIONS_PRELUDE_CHOPIN.pdf.25KOCZALSKI,Raoul:FrédéricChopin,Conseilsd’InterprétationParis,BuchetChastel,1998.

  • 21

    l’agitatopratiquéparBusoni.Lavoixmédianenevibreréellementquesurlesmesures5et6oul’on

    remarquelesappogiatures.Onneperçoitpasderéelledifférenced’écrituresur18-19et20(pouces

    sur le temps). A 25, Busoni reprendda capo et cette fois-ci le stretto indiqué entre 17 et 20 est

    nettement plus perceptible. Curieusement, Wilhelm Backhaus avait enregistré à Londres le 19

    octobre 1908 une version «préludante» à la 1ère étude op. 10 endomajeur, avec exactement le

    mêmeplan,soitenrépétantlesmesures1-24unedeuxièmefoisavantl’enchaîneraveclasectionde

    25àlafin.Ilrécidiverale30octobre1933pourHisMaster’sVoice(voiravertissement).L’originede

    cetusageprovientdeKleczinsky:DasPréludeinC-durmusszweimalgespieltwerden,dasersteMal

    mitweniger, das zweite imMittelteilmit grösserer Eile. Gegen das Endewird dieGeschwindigkeit

    geringer26.

    1ALFREDCORTOT1926(0:36)

    Danscetteversion, l’agitato est rendupar laduréevariabledesnotesdupoucede lamaindroite

    (voixmédiane) au sein du phrasé construit par périodes de 8mesures. C’est la voixmédiane qui

    conduit le tout, sauf de 29 à la fin, où intervient une décélération assortie d’appuis sur les

    contretemps. La voix supérieure est discrète, la basse également. La pulsation est à un tempspar

    mesure, onneperçoit pasundeuxième temps. Lapériodequi vade9 à 16est pluspressante au

    départavantdecédersur14-15-16avantunstrettoabrupt,perceptiblesurtoutsur17et18. Ilya

    peudedifférenceentre lesmesures25-26et27-28. Lesdeuxdernièresmesures sontégrenéeset

    tenuesparlesdoigts,sanspédale.Lacoïncidenceentrepouceetbasseà18,19,20puis23,25et26

    n’estpascomplète.

    1ROBERTLORTAT1928(0:33)

    Lestroisniveaux(basse,mediumetvoixsupérieure)sontpresqueàparité,sauf lorsdustrettodès

    17;lanuancemezzofortevautdoncpourchaquevoix.Chaquegroupedemaindroiteestquasiment

    arrachésursadernièrenote.Laphrasedehuitmesuresfléchitsurlesdeuxdernières.Laconduitede

    la basse est peu perceptible, non seulement en raison des contraintes de la technique de

    reproduction sonore de l’époquemais aussi parce que l’interprète ne prend pas le temps de les

    installer ni de les dilater. 27-28 se présentent en écho à 25-26. La décélération finale est presque

    régulière.L’agitatoestrenduparlefluxdesgroupesdenotessurchaquemesure.

    1ALFREDCORTOT1933(0:38)

    Cortotrestefidèleàsesoptionsde1926;toutauplusprend-ilunpeuplusdetempsçàet là:à la

    mesure1,àlafindechaquepériode(15-16,24,32).Ledernierminerésonnepasdanslespectrede

    lamesureprécédente.

    26KLECZINSKY,Jan:Chopin’sgrössereWerke(Breitkopf&Härtel,1898),p.27.

  • 22

    1LEONIDKREUTZER1938(0:48,duréelapluslongue)

    C’estlaversionlapluslente;letexteyapparaittrèsétiréetchaloupétoutàlafois.Lanuancemezzo

    forteperdure,ycomprisà25oùunpianoestpourtantnoté.Lepoucedelamaindroitenecoïncide

    pasaveclabasseà18,19,20,23,25et26,ainsiquede29à32.Lafinestenrésonnancespectrale.

    1RAOULKOCZALSKI1939(0:35)

    Dans ses conseils publiés, Koczalski voit dans ce premier prélude un préambule d’une tendresse

    infinie.Ilditnotamment:Chopin,enécrivantagitato,avouluindiquersimplementl’expressiondece

    morceaumaisnonlemouvement.Onferadoncmieuxdelejouerplutôtlentementetdemodérerla

    sonorité.Nous sommes ici les témoinsde l’insuffisancedes indicationsdonnéesparChopin et déjà

    mentionnéeparKarolMikuli27. L’agitationestdueàunprocédédestringendo/allargandopolarisé

    par lemilieu de chaquemesure. Il s’agit donc d’une pensée à un temps légèrement subdivisé. Le

    débutesttrèslarge,lesdeuxpremièresmesuresaffirmentlabasse.Lestroisniveaux(basse-medium

    etsuperius)restentrelativementégauxjusqu’austretto.A29,lesdodelavoixsupérieuresonttrès

    légers,nullementappuyés;lapédaleestenlevéeenlibérantlesdeuxdernièresdouble-croches.

    1EGONPETRI1942(0:36)

    LedébutestassezprochedelaversionCortotde1926maisenmoinsardent;ilyalàquelquechose

    de plus placide. Le stretto, très actif, n’en est que plus agissant. La nuance piano de 25 ne se

    remarquepas.Entre29et32,ladécélérationestassezneutre,sanspointd’appuisurledodelavoix

    supérieureetsansl’effetdepédaleindiqué(libérationdesdeuxdernièresdouble-croches).

    1ALFREDCORTOT1942(0:35)

    Ils’agitvisiblementdumêmeprojetqu’en1933maisavecpeut-êtreunpeuplusdenatureletune

    présenceaccruedelalignedebasse.Latechniqued’enregistrementyest-ellepourquelquechose?

    1ARTHURRUBINSTEIN1946(0:45)

    C’estenfaitlaseuleversionàdeuxtemps,quivadanslesensdecequepréconiseNarcisBonetdans

    son analyse28. C’était déjà l’optionpriseparRosenthal dans sonenregistrementde1929. Lepoint

    d’appuiest ici,systématiquement, lavoixsupérieure;avecunarrêtsur lemilieude lamesure.Les

    coïncidencesentrepouceetbassesonttrèsexactes,lesmesures25-26s’opposentà27-28,mêmesi

    l’indicationpianoneseremarquepasvraiment.L’avant-dernièremesureesttrèsdécélérée.

    1BENNOMOISEIWITCH1948(0:29)duréelapluscourte

    Lepoucede lamaindroite est ici ressenti comme le véritablepremier temps, la basse semble en

    levée.Lanuancemezzoforte tendau forte.Toute lapageest jouéed’unseul jet,Lescoïncidences

    27KOCZALSKI,Raoul:FrédéricChopin,Conseilsd’InterprétationIntroductionparJean-JacquesEigeldingerParis,

    BuchetChastel,1998.28http://www.teoria.com/res/pdf/articles/bonet/QUESTIONS_PRELUDE_CHOPIN.pdf.

  • 23

    entrebasseetpoucenesontconstatéesqu’à23,25et26;maisilyatellementpeud’espaceentre

    lesdeuxdoublescroches!

    POINTSD’OBSERVATIONPOURN°1:

    • Lapulsationest-ellepenséeàunouàdeuxtemps ?

    • Parquelmoyenl’interprètetraduit-ill’indicationagitato ?

    • Y-a-t-il coïncidence des basses et des pouces de la main droitequand il y a lieu et

    inversement ?

    • Lesmesures22-23-24sont-ellescomprisesendiminuendoousempreforte ?

    • Quelestl’usagedelapédaledanslesdernièresmesures ?

    • Y-a-t-ilrésonancespectraledesdeuxdernièresmesures ?

    QUESTIONSEDITORIALESPOURN°1:

    1) Au lieu du mezzo forte original, à la mesure 1, les éditions Breitkopf 1839, Kullak et

    Klindworth fontapparaître l’indicationdenuance : forte, (avantunsoufflet sur3et4,puis

    piùfortesur6etenfinmenoforteà9pourcedernier):Mikulirestefidèleaumezzoforte.

    2) Auxmesures18-19-20,oùdans l’original lepoucecoïncidepourcesmesuresavec labasse

    (cequiestlecasdepresquetoutesleséditionstellesqueMikuli,Joseffy,Debussy,Breitkopf

    Pugno),l’éditionBreitkopf1878(assuméeenl’occurrenceparLiszt)faitapparaîtreenossiale

    textedeChopinetmaintientconstamment le rythme initialdans le texteprincipal!Cortot

    quipublieletexteoriginalindique-àtort-queMikuliferaitlecontraire,parunenoteenpied

    depagedesonédition:Dansl’éditionMikuli,lerythmesyncopéinitialestconservéaucours

    decestroismesures);orilconfondMikuliavecLiszt…KullakditqueBreitkopfpoursuitdans

    lanotationdespremièresmesures,cequin’estentoutcaspasexactpourl’éditionoriginale

    de1839; dans l’éditionde1878, lesdeux versions apparaissent.Dans l’éditionUllsteinde

    LeonidKreutzer, lepoucenecoïncide jamaisavec labasse, reprenant le textearbitraireet

    fautifdeLiszt.

    3) A22-23-24:ces3mesuresportent l’indicationnonoriginaledecrescendodans leséditions

    Ullstein/Kreutzer,Joseffy,Kullak,Klindworth,Pugno,Scholtz(avecunsouffletsur3mesures)

    Kullak (soufflet sur 2 mesures). Cortot fait de même mais pour les mesures 23 et 24

    seulement.DansBreitkopf1839,lecrescendoseprolongejusqu’à24etl’indicationstrettode

    17nes’ytrouvepas;defactolepianode25seraainsicompriscommeunenuancesubite.

    4) A29-30-31-32,lesignedefindepédaleestplacédediversesmanièresdansleséditions:au

    milieude lamesuredansBreitkopf1839,sur l’avant-dernièredouble-crochedansd’autres,

    sur la dernière double-croche de la main droite pour d’autres encore…sous la dernière

    double-croche.

  • 24

    PRÉLUDE N° 2

    enlamineur

    Lentoà

    Danslamêmetonalité:Etudeop.10n°2,Valseop.34n°2,Mazurkaop.67n°4

    EgalementLento:Préluden°13,Valseop.34n°2,Etudeop.25n°7;Mazurkaop.63n°2

    Parusenenregistrementsséparés:

    1907 Zadora,Michaelvon (1882-1946) Pologne avec4,9,13,22 Welte

    1924 Chernikoff,Vladimir (1882-1940) Russie/France) isolé Columbia

    1945 Orloff,Nikolai (1892-1964) Russie avec1,3,4 Decca

    L’expressionpolyphoniquedesdouble-notesdelamaingauche,sadéambulation,l’écritureélargie

    posentdenombreuxproblèmesàl’exécutant.Quelrapporty-a-t-ilentrelesdeuxénoncés,enmi

    mineurpuisensimineur?FrankMartin,lorsqu’ilécrirason3èmePrélude(dédiéàDinuLipatti)en

    1948saurasesouvenirdel’écrituresiparticulièredecettepage.

    2FERRUCCIOBUSONI1920(1:50)

    Tout-oupresque-estnimbédepédaledanscetteversionclairementpenséeallabreve,dontlecours

    fluctueçàetlà.Lesnotesenpetitscaractèressontrenduesdemanièrediscrètementlyrique,quand

    bienmêmeellesnesontpastoutestraitéesàl’identique,certainesétantplusbrèvesqued’autres.A

    3,5et15ladernièrecrochedelamesureestfortementprolongée.Onconstateunecésureentre7

    et 8, soit avant de passer à la proposition en simineur. Lamesure 6 est pensée à 4 temps (pour

    détaillerrythmiquementavantdereconquérirlemouvementallabrevepuisd’élargirfortementlors

    deladeuxièmemoitiéde7.Entre18et19, lescrochessontcommerelancées.Lefa (ronde)de16

    resteseulaprèsl’extinctiondelamaingauche,suspendu,avantdepoursuivreenmonodie.A21,les

    accordsnerépètentpaslesnotesdesiautantausopranoqu’en-dessous.Seuleslestiercesmobiles

    sont entendues. L’avant-dernier accord est arpégé de bas en haut; le dernier accord n’est pas

    arpégé.

    2ALFREDCORTOT1926(2:05)

    Labattueestclairementà4tempsenunfluxrégulierdecroches.Lepianistesoigne lapolyphonie

    (explicitée par Chopin au moyen d’une graphie indiquant qu’il y a croisement des voix) mais les

    rencontresdessolenoctavesonnentplustenduesquelereste.L’entréedelamaindroitealeson

    plombéd’unvéritableglas.Lesnotesenpetitcaractèresontvocalisées,étiréesetorganiséescomme

    deux doubles croches. L’exposé de 8 (simineur) est plus intense. Cortot brise parfois les doubles

    notes de samain gauche, souvent lesmains ne sont pas simultanées. Le soufflet de 11 n’est pas

    réalisébienqu’ilsoitimpriméentrelesdeuxsystèmesdanssonéditiondetravail);parcontrecette

    mesureestjouéeriten.A12ilmanquelesdeuxièmeettroisièmetemps.Lamesure13,présentéeen

    nuancemeno,estaussiincomplète.Entre16et17ilyasuspensionmalgrélaliaisonsur5mesures.

    Lapédaleoriginalede18manque.Alafin,l’arpégésurmivadelanotelaplusgraveàlaplusaigüe.

  • 25

    L’indicationsostenutonesemblepasserefléterparticulièrementdansl’exécution.Lepointd’orgue

    estinexistant.

    2ROBERTLORTAT1928(1:48)

    La polyphonie est prise en compte. Les deux premières mesures s’organisent en un

    stringendo/allargando. Les notes en petits caractères sont traitées en levée de la suivante. Le

    décalagedesmains est presque constant. CommeCortot, Lortat confèreun sonde glas à lamain

    droite.Lamesure8(deuxièmepropositionautondeladominante)n’estpasdansuneintensitéqui

    diffère de ce qui précède. A 11, le soufflet indiqué semble se refléter plutôt a posteriori dans

    l’évolutiondelamaingauche.Mêmeconstatà16.A19,lapauseestécourtée.L’arpègementsurle

    mipart,commechezCortoten1926,depuislanotelaplusgrave.

    2ALFREDCORTOT1933(2:16)duréelapluslongue

    C’estsensiblementlemêmeprojetqu’en1926,toutefoissanslestempsmanquantsde12et13!Le

    souffletde11estpeuperceptible.Lamesure17survienttoujoursaprèsunesuspension;cequisuit

    est plus étiré qu’en 1926. A 14 et 15, puis 18 et 19, les notes graves fa et mi ressortent

    particulièrement.Onconstateunecésureavantl’arpègementdel’avant-dernièremesure.

    2LEONIDKREUTZER1938(1:56)

    Lamaingaucheestclaudicante, lessolprennent l’aspectd’unesyncopeoffrant résistance.Tout le

    parcours est très fluctuant, tantôt accélérant (13, début de 14) tantôt retardant (fin de 16). On

    constatepeudedécalagesentrelesmains.A7,Kreutzerdiminueetralentitpouratteindrel’exposé

    ensimineur.Lesouffletde11n’estpasprisencompte.A18,leslentandon’estpasperceptible.Le

    dernieraccordn’estpasarpégé.A19,lapauseestécourtée.Lepointd’orguedelafinestinexistant.

    2RAOULKOCZALSKI1939(1:25)duréelapluscourte

    Iciils’agitclairementd’unCbarré(allabreve):Koczalskiconduitlediscoursàdeuxtemps.Ledébit

    est régulier, les décalages entre main gauche et main droite sont fréquents. La polyphonie est

    soignée. Lesnotesenpetit caractère sont en levéede la suivante. Lamesure8estdans lamême

    nuance que ce qui précède. Lesmesures 16 et 17 s’enchaînent sans la suspension pratiquée par

    Cortot.Lapédalede18estpriseencompte.Lediminuendonotéde13à18sevoitinterrompuà16.

    Lesdeuxsouffletssontperceptibles,surtoutà11.Onperçoitl’indicationsostenutoparuneintensité

    rehaussée.Lesarpègementsdelafinsonttrèsserrésetenrythme.

    2EGONPETRI1942(1:35)

    Peut-être inspiré par Koczalski, Petri tient compte du et adopte un tempo plus rapide que la

    plupart de ses collègues. Il ne pratique pas les décalages entre les mains mais ralentit en fin de

    période.Lesouffletde11nes’entendpas.A13,aulieud’undiminuendo,ilyaplutôtaugmentation

    del’intensité.16-17sontenchaînées,sanssuspension.Lesnotesenpetitscaractèressontenlevée

  • 26

    mais vocalisées. Le slentando est observé. La pédale originale également. Le sostenuto ne se

    remarquepasparticulièrement.L’arpègementestconformeàlanotationoriginale.

    2ALFREDCORTOT1942(2:01)

    Cetteversionest trèsprochedecellede1933.Cequi ladistingueest lesointoutparticuliermisà

    conduirelediminuendoquivade13à18.

    2ARTHURRUBINSTEIN1946(1:52)commeMoiseiwitch

    Rubinsteinconduitsonpréludeà4temps(àlanoire).Ledébitestrégulier,moinsrapidequedansles

    versionsdeKoczalskietPetri.Iln’yapasdedécalages.Danslapériodeensimineur,lamaindroitese

    faitplusintense,presquecuivrée.Lesouffletn’apparaîtpas.Lediminuendoquicommenceà13n’est

    agissant que depuis le fa grave aumilieu de lamesure 14. Les notes en petits caractères sont en

    levéeetplutôtserrées.Lesostenutonesemblepasseremarquer.L’arpègementestavantletemps.

    A 14, on entend un si # au lieu d’un si ♮ sur la dernière croche. 16 et 17 s’enchaînent sans

    suspension.Lapédaleoriginalede18-19n’estpaspriseencompte; lepointd’orguede la finnon

    plus.

    2BENNOMOISEIWITCH1948(1:52,commeRubinstein)

    Moiseiwitch pense à la noire et semble moins soucieux de polyphonie que de faire amplement

    sonnerdesquintesàvidecaverneuses,exaltéesparunepédalegénéreuse.Lanuanceestquasiforte

    au début puis più dolce dès 8 (si mineur). Les notes en petit caractère sont en levée serrée. Le

    souffletde11estprisencompte.Leslentandoesttraitéenrinforzando.A20,piùpiano,cequifait

    apparaître lesostenutoparcontrasteaveccequivientd’êtrejoué.Lamesure17estforte.A19, la

    pause est couverte par la résonance de ce qui précède. L’arpègement de l’avant-dernièremesure

    partdelanotelaplusgravemais,commedansl’enregistrementdeKreutzer,Moiseiwitchplaquele

    dernieraccord.

    POINTSD’OBSERVATIONPOURN°2:

    • Labattueest-elleà (allabreve)ouàlanoire ?

    • Lapolyphonie(voixcroisées)est-elleexpriméeauplansonore?

    • Ya-t-ildifférenced’intensitéà9,etsiouidansquelsens?

    • Lessouffletsde11et16sont-ilsperceptiblesetdequellemanière?

    • Commel’indicationsostenutosemanifeste-t-elle?

    • Commentestorganisélediminuendode13à18?

    • Commentleslentando(18)est-iltraduit?

    • Laseulepédaleoriginale(18-19)est-elleobservée?

  • 27

    • Depuisquellenotedel’accordl’arpègementa-t-illieu?

    • Ledernieraccordest-ilplaquéouarpégé ?

    QUESTIONSEDITORIALESPOURN°2:

    1) Lapolyphoniede lamain gaucheestnotéeparChopindemanièreexplicitedans lesdeux

    premièresmesuresenfaisantsecroiserlesvoix,cequisevoitparladirectiondesqueuesde

    chaquecroche.Ceciestvisibledansla1èreéditionBreitkopf1839(reprisparPugno,Debussy,

    KreutzeretCortot)maispasdans la1èreéditionfrançaise(A.Catelin)de lamêmeannéeni

    dans la 1ère édition anglaise (Wessel) de 1840. La notation polyphonique n’apparaît ni

    dansMikulinidansJoseffy.

    2) Lesnotesenpetitscaractèresprésentesà5,10,17et19apparaissentparfoisassortiesd'un

    trait (non original) qui barre la hampe de la croche, suggérant une exécution serrée

    (acciaccatura).C’estlecasdeBreitkopf,Kullak,Pugno,Joseffy,Debussy,Pugno,Kreutzeret

    Cortot(danscederniercasavecconseild'exécutioncommedeuxdoublescroches).

    3) De14à19setrouveunelongueliaison,cequiestlecasdansBreitkopfetMikuli.Parcontre,

    dansKullak, Joseffy,Debussy,Pugno,KreutzeretCortot,unenouvelle liaison commenceà

    17.

    4) Seules deuxmesures (18-19) contiennent une indication de pédale, dans le texte original

    (repris par Breitkopf Mikuli Joseffy Debussy Pugno Cortot). Mais Ullstein/Kreutzer fait

    d’autrespropositions.Pugnoproposeunepédaleàlafin.

    5) Toutesleséditionsn’indiquentpasl’arpègementdel’avant-dernieraccord,parexempleles

    1èreséditionsCatelinetWessel(reprisparJoseffy,Debussy,Cortot).

  • 28

    PRÉLUDE N° 3

    ensolmajeur

    Vivaceà

    Danslamêmetonalité:Andantespianatoop.22,Nocturneop.37n°2,Mazurkaop.50n°1

    EgalementVivace:Préludes11et19,Etudeop.25n°5etn°8,Valseop.34n°3

    Parusenenregistrementsséparés:

    1918 Avani-Carreras,Maria (1872-1966) Italie/USA avec6 Welte1927 Bowen,York (1884-1941) GB avec20et23 VocaltonGB1928 Kartun,Léon (1895-1981) France isolé OdéonFR1929 Pachmann,Vladimirde (1848-1933) Ukraine avec6 Gramophone1930 Hambourg,Mark (1879-1960) Russie avec6,7,15puis17 Gramophone1931 Brailowski,Alexander (1896-1976) Ukraine avec6puis15 Polydor1931 Radwan,Augustede (1867-1957) Pologne/France avec1et24 Ultraphone1933 Niedzielski,Stanislas (1905-1975) Pologne avec3 Gramophone1936 Rosenthal,Moritz (1862-1946) Pologne avec6et7 Gramophone1937 Kreutzer,Leonid (1884-1953) Russie/Allemagne/Japon avec1,6,15,20 NipponColumbia1939 Bor,Hilda (1910-1993) Angleterre isolé Columbia1940 Stary,Liesl (?) Autriche/Inde avec16 HMV1941 Chasins,Abraham (1903-1987) USA avec1 Master-ClassRec1945 Orloff,Nikolai (1892-1964) Russie avec1,2,4 DeccaGB1946 Schioler,Victor (1899-1967) Danemark avec1,7,16,22,23 TonoDK1949 Scheyne,Mikhail (?) USA avec4,13,22 AllegroUSA1949 Spagnolo,Paolo (1930-2012) Italie avec4,6,7,10,14 Cetra

    Lemotifdelamaindroiteest issudescrêtesquiaffleurentdanslamaingauche.Ceprélude,qui

    portel’indicationleggieramente(sic)necontientaucuneindicationdepédaled’origine.

    3FERRUCCIOBUSONI1920(1:33avecreprisenonnotéeparlecompositeur)

    L’écoute de cet enregistrement conduira à un constat plutôt surprenant: les deux mesures

    d’introduction(soitlepremiermotifdemaingauche)sontaunombredetrois;idemà27,avantde

    reprendredacapo!

    Pensée à C barré, la main gauche ne vise pas l’égalité absolue mais plutôt une impression de

    tourbillonnement.Lefluxn’estdoncpasstrictementréguléetimpressionneparsonélan.Lesmains

    semblent peu soucieuses de simultanéité absolue: est-ce dû à la technique de reproduction par

    rouleaux?Lamesure30estdupliquée.L’avant-dernieraccordestarpégédebasenhaut;ledernier

    n’est pas arpégé. Busoni récidive donc puisqu’il s’agit du même traitement qu’à la fin du 2ème

    Prélude.

    3ALFREDCORTOT1926(0:56)

    L’exécution est clairement à , leggiermente comme indiqué par l’auteur. Tout est ici volubile,

    frémissant, jaillissant; c’est dû àune réactivationpermanentede l’élan; nous sommesà l’opposé

    d’unasservissementmécanique.Lamaingauche,enrobéed’unepédaleparcimonieuse,atteintàune

  • 29

    bellemaîtrisedufluxetduson.Lesnotessol-si-mi-résedistinguentdufluxgénéral;ellesaffleurent

    délicatement.A11,Cortotcèdelégèrement,avantderéactiverà12(commeilleferaaussià26);à

    16,ladouble-noteenintervalledetritonestbrisée;suitunépanchementà17,presqueà4temps;

    élargi sur 24-25-26; le soufflet de 18 n’est pas pris en compte. Les arpègements vont du grave à

    l’aigu,delamaingaucheàlamaindroiteetnonparallèlement,voiresimultanémententrelesmains.

    3ROBERTLORTAT1928(0:50)

    Trèsrapide,Lortatmetmanifestementtoutesonambitionàfairepreuved’unedextéritéaccomplie;

    ilenrésulteunactequisembleplussportifquepoétique.Lesattaquesde7etde9sontfortement

    accentuées. Le soufflet de 18 n’apparaît pas. Il cède à 25. CommeCortot, Lortat arpège entre les

    deuxmainsetrenforcelesongravesurledernieraccord.

    3ALFREDCORTOT1933(0:59)duréelapluslongue

    Mêmeprojet,sensiblement,qu’en1926.PourtantCortotsembleéprouverdeladifficultéàmaîtriser

    lesongénérépar lamaingauche; ilsepeutque leréglagede l’instrumentde1933nesoitpasde

    natureàfavoriserl’égalitéetlecalibragedesdouble-croches.De20à26,unegrandeattentionest

    accordée au timbre du superius; le débit perd en volubilité. L’arpègement finalmélange plus les

    deuxmainsqu’antérieurement.

    3LEONIDKREUTZER1938(0:58)

    La main gauche de Kreutzer est bien dominée; elle vise l’égalité autant dans le débit que dans

    l’émission. A 7-8-9-10, les accords de main droite sont posés en prenant le temps d’évaluer la

    pressionquisiedàleursfonctionsharmoniquesrespectives.Lesoufflets’entendclairement,Kreutzer

    estl’undesraresquirendjusticeàcetindice.Lorsdelarepriseàdeuxmains(28-31)l’égalitésonore

    estmoinsbiendominée.Kreutzerrajouteunsolgraveavantledernieraccord.

    3RAOULKOCZALSKI1939(0:56)

    Koczalski débute ici avec fort peu de pédale; il y en aura pourtant de plus en plus jusqu’à la fin.

    L’exécutionsembleunpeuproblématiqueicioulà,particulièremententre28et31,lorsdesdoubles

    croches où les deuxmains sont à l’unisson. Koczalski brise le triton de 16 comme l’avait déjà fait

    Cortot avant lui. Les arpèges de la fin sont serrés et rigoureux, sans point d’orgue.Durant tout le

    morceau, les anacrouses en double-croche semblent soucieuses de chanter, ce qui affaiblit leur

    vivacité.

    3EGONPETRI1942(0:53)

    L’exécutionesticitrèsdominéeetassurée,sanstoutefoisquel’onseprenneàsongerspontanément

    à l’indicationvivace. Il ya réactivationdu tempoà12;à17et18,Petridiminueetnesemblepas

    avoir vu de soufflet dans son édition. A 20, les accords sont arpégés. De 28 à 31, un soin tout

    particulier est accordé à l’alchimie sonore de cette reprise à deux mains: l’usage de la pédale,

  • 30

    intermittent, permet de faire moduler le son lors de ses déplacements en divers registres.

    L’arpègementfinalesteffectuésimultanémentauxdeuxmains.

    3ALFREDCORTOT1942(0:58)

    Dans cette nouvelle version, la vivacité est certes moindre qu’en 1926 mais les intentions n’ont

    généralement guère changé. La réalisation est problématique: Cortot oscille entre le quasi senza

    pedaleetunepédaleplusabondante;àchaquefoisqu’ilrecourtàcettedeuxièmemanière,leson

    pâtitd’unsurcroîtd’expansionindésirable,peut-êtreamplifiéparlesmicrophones.

    3ARTHURRUBINSTEIN1946(0:49,duréelaplusrapide)

    Très à l’aise dans cette écriture, Rubinstein semble avancer sans avoir à se préoccuper. Il rend

    sensible la variété de la pression harmonique, opposant les mesures 8 (accord parfait) et 10

    (septièmededominante). Ilpratiquequelquesalanguissementssur lesdouble-crochesà11,17et

    25.Lesouffletde17-18n’estpasprisencompte, ilyaclairementdiminuendo.Entre28et31,son

    briosemblequelquepeutourneràladémonstrationsportive,cequinuitaudiminuendo.Lesaccords

    delafinsontserrés,lesmainssemélangeant.

    3BENNOMOISIEWITCH1948(0:54)

    Cetteexécutionnereflètepasprécisémentl’indicationoriginale: leggieramente.Lesanacrousesen

    double-crochessonticitrèsincisives.Moiseiwitchopposeluiaussilesaccordsde8etde10(moins

    fortsurcettedernièremesure).CommeKreutzer,iltientcomptedusouffletde17-18etnediminue

    pas. Il arpège l’accord de 21. A 31, le diminuendo est bien venu; mais pourquoi isoler par une

    articulationlederniersonsidecequiprécède?A32,l’arpègementestsubitopiùforte;unebasse

    estrajoutéeàladernièremesure.

    POINTSD’OBSERVATIONPOURN°3:

    • Lapulsationest-elleà ouà4noires?

    • Commentl’indicationVivaceest-ellerestituée?

    • Leggieramente(sic):letoucherl’est-il?

    • Ledébitdesdouble-crochesest-ilmesuréouflexible,égaloujaillissant?

    • Y-a-t-ildifférenciationentrelesdeuxcasharmoniquesquesont8et10?

    • Perçoit-onlesouffletà17-18?

    • L’unissonàdeuxmainsprivilégie-t-ill’unedesmains?

    • Arpègementfinal:commentest-ilréalisé?Debasenhaut,simultanémentauxdeuxmains?

  • 31

    QUESTIONSEDITORIALESPOURN°3:

    1) Certainséditeurs(commeKullakouScholtz)publient l’indicationCplutôtque (soit:alla

    breve).

    2) Cortot,plutôtquel’accentcouchésur3,placedestiretssurlesdeuxpremièresattaquesde

    lamaindroite.

    3) Cortotplacedessouffletssur9-10;Pugnoseulementsur9.

    4) A17,Kreutzerréécritlerythmedespetitesnotes.

    5) A 17-18, le soufflet en crescendo conduisant à l’accord de do majeurn’existe pas dans

    l’éditionCatelinnidansKullak,Pugno,Debussy(quirajouteunaccentsurl'accord),Kreutzer,

    Cortot.

    6) Lalongueliaisonde28à32estfragmentéechezPugnoetbeaucoupd’autres.

    7) Rajoutd’unepédaleàlafin:c’estlecasdeKullak,MikulietJoseffy,

    8) Deuxpédalessuccessives:Kreutzer,Cortotsurdeuxdernièreslignes.

    9) Breitkopf,DebussyetPugnosont fidèlesà l’originalquin’apasunseulsignedepédaleau

    coursdumorceau.

  • 32

    PRÉLUDE N° 4

    enmimineur

    Largoà

    Danslamêmetonalité:1erConcertoop.11,Nocturneop.72n°1,Valseposthume

    EgalementLargo:Préludesn°9et20,1èreBalladeop.23(début),Sonateop.58,3èmemt.

    Parusenenregistrementsséparés:

    1907 Zadora,Michaelvon (1882-1946) Pologne avec2,9,13,22 Welte

    1920 Hallock-Greenewalt,M.-E. (1871-1950) Syrie avec7,20 Columbia1937 Kraus,Lily (1903-1986) Hongrie isolé Parlophone1937 Mayerl,Billy (1869-1947) Angleterre avec6,20 Columbia1945 Orloff,Nikolai (1892-1964) Russie avec1,2,3 Decca1948 Stompka,Henrik (1901-1964) Pologne avec7,8 MuyaPologne1949 Scheyne,Mikhail (?) USA avec3,13,22 AllegroUSA1949 Spagnolo,Paolo (1930-2012) Italie avec3,6,7,10,14 Cetra

    Une exécution non avisée ne songera qu’à la pression harmonique (verticale) de cette piècecélèbre,quifutexécutéelorsdesfunéraillesdesonauteur.Icilepoidsdifférenciédechaquevoixcompte pour exprimer la pression horizontale qui vient en compléter la réalisation, un peu à lamanièred’unquatuoràcordes.AlfredCortotfaisaitunrapprochemententrecettepageetl’Ariosodolentedel’op.110deBeethoven.

    4FERRUCCIOBUSONI1920(2:09,duréelapluslongue)

    Nousne sommespasalla breve, la battueest à 4 temps. Les crochesdemain gauche sontplutôt

    égales,nonregroupéesparquatre.Ellessontparfoisunpeuélargiesquandsurvientunenoireà la

    maindroite.Alamesure2,ilsembleyavoirunsoucid’accentuerlepremiermidemaingauche.A9,

    lefluxsefaitsubitementplusallantetunpeudétaché,lemélismedemaindroiteinsistantsurréqui

    estappoggiature.De10àlafinde11,retourprogressifautempo initial.A12,lederniertrioletest

    trèsétiré.Lestretto,indiquédèslemilieude16(ouseperçoitunfortritenuto),n’intervientquedès

    ledeuxièmetempsdenoirede17.Letempoprincipalrevientà19.Onconstateà21desaccordsde

    trois sons dans la main gauche (do-mi-sol) puis des liaisons de deux en deux, à cheval sur les

    changementsharmoniques.

    4ALFREDCORTOT1926(1:54)

    Cortotarpègelespremiersaccordsdemaingauchedechaquemesureetfaitoccasionnellementde

    mêmesouscertainesnoiresdemaindroite(à3).Nombreuxsontlesdécalagesentrelesmains.A9,

    lessouffletssontassortisd’unimportantallargando.A11, ilreproduit lamaingauchede10.A12,

    l’avant-dernièrenotedutrioletestpenséetenuto.A13,larepriseestpiùforte.A17,lamaingauche

    vauneoctaveplusbas.A19, lanoteenpetitcaractère formeavec lasuivanteungroupededeux

    croches. L’indication smorz. équivaut ici à un élargissement. Lors des trois derniers accords, la

    résonancedelamaingaucheestinterrompueavantterme,presqueaussitôtaprèsl’émission.Point

  • 33

    destrettode16à18maislesouffletde20-21estprisencompte.Lepointd’orguesurlesilencede

    23nel’estpas,pasplusqueledernier.

    4ROBERTLORTAT1928(1:43)

    Ici les décalages entre les mains sont légion; par contre les accords ne sont pas arpégés,

    contrairementà laversiondeCortot. Lesnotesenpetit caractères (11et19) sont jouéesavant le

    temps,enlevée.A14-15,grandcrescendodemaingauche.Lesouffletde20-21n’esttraduitquepar

    la main droite. Le point d’orgue sur le silence de 23 est omis; celui du dernier accord dure 3

    blanches.

    4ALFREDCORTOT1933(1:49)

    Cetteversionestentoutpointsemblableàcellede1926.Seuledifférence:lestrettode16à18est

    iciperceptible.

    4LEONIDKREUTZER1938(1:51)

    La pulsation est pensée à la noire. La levée est prise in tempo. Il n’y a pas dedécalages entre les

    mains.Lesouffletde12estjouéàl’inversedelanotation,soitendiminuant.A15,lamaingauche

    augmente fortement. Le stretto de 16 à 18 est pris a contrario, soit allargando. La note en petit

    caractère de 19 est en levée avant le temps. Le soufflet de 21 n’est pas pris en compte. Le point

    d’orguesurlesilenceestignoré,celuisurledernieraccorddure3blanches.

    4RAOULKOCZALSKI1939(1:20,duréelaplusrapide)

    Koczalski joueà ,nettementplusrapidementquesescollèguesétudiésprécédemment.La levée

    du début est presque in tempo. Des décalages entre lesmains sont constatés assez souvent. Les

    souffletsde9n’affectentpasletempo.A11,lanoteenpetitcaractère,prisesurletemps,estbrève.

    Lestretto de16n’estpasprisen compte; il estpourtant sur toutes leséditions…En revanche, le

    smorz.l’est,assortid’unrallentando.Lesouffletde20-21estagissant.Lesdeuxpointsd’orguesont

    ignorés.

    4EGONPETRI1942(1:48)

    Sobre,mesuré,sansdécalages,Petriplacelanoteenpetitcaractèresurletemps,toutenluidonnant

    unebrèvedurée.A15,samaingauchefaituncresc.Lestrettode16à18apparaît.Lesouffletde20-

    21n’estpasprisencompte.Lepointd’orguesurlesilenceestignoré,celuisurledernieraccorddure

    3blanches.

    4ALFREDCORTOT1942(1:34)

    Visiblementinfluencéparl’enregistrementdeKoczalski,Cortotadopteiciuntempoplusrapideque

    danssesdeuxversionsantérieures.Ultérieurement,sestempide1955et1957renouerontavecles

  • 34

    langueurs de 1926… Pour le reste, tout est semblable, si ce n’est que les décalages et les

    arpègements de main gauche sont ici beaucoup plus discrets. Le stretto, absent en 1926, qui

    affleuraiten1933esticinettementprisencompte.

    4ARTHURRUBINSTEIN1946(1:45)

    Rubinsteinadopte iciunpartiparisdegrandesobriété, tantdans l’expressionquedans le rythme.

    Point de décalages, d’arpègements ou d’alanguissements. Aucun stretto à 16. La note en petit

    caractèrede19estpriseenlevée,commeLortatetKreutzerl’avaientfaitauparavant.Pasdepoint

    d’orguesurlesilencede23.Lepointd’orguefinaldure3blanches.

    4BENNOMOISEIWITSCH1948(2:02,duréelapluslongue)

    Sans décalages,Moiseiwitsch commence forte. Ilmarque fortement les notes demain gauchequi

    sont mouvantes (par exemple le ténor 8-9). Il arpège à 10. Son traitement des notes en petits

    caractères est circonstancié: à 11, elle est courte etsurvient sur le temps; à 19 elle est en levée

    avant le temps. Le stretto n’est pas pris en compte. De 13 à 15, Moiseiwitsch joue più piano

    qu’auparavant.A12,ilnefaitquediminuerverslafindelamesure.A16ilpratiquelecercardella

    nota29.Lepointd’orgueestignoré,lavibrationseprolongeetenvahitlesilenceinduitparlapause;

    ledernieraccordnedurequ’unenoireavantquenecommencelepréluden°5…

    POINTSD’OBSERVATIONPOURN°4:

    • Lapulsationest-elleà commenotéouplutôtà4temps?

    • Lalevéedudébutest-elleprolongéeouintempo?

    • Y-a-t-ildesdécalagesentrelesmains?

    • Lesaccordsdemaingauchesont-ilsdifférenciés,exprimantunetramecontrapunctique(horizontal),

    oureflètent-ilsplutôtunpotentielharmonique(vertical)?

    • Ledoest-ilappuyéà12,exprimantl’accentcouché?

    • Lestrettode16est-ilagissant?

    • Quelle exécution pour les notes en petit caractères de 11 et 19? Avant ou sur le temps, brève ou

    longue?

    • Lesouffletde20-21s’entend-il?

    • Commentlesmorzandoest-ilexprimé?

    29 Ilcercardellanota:unabbellimentovocale 'cacciniano'oltre lesogliedelBarocco,LivioMarcaletti,Rivista

    ItalianadiMusicologia,Vol.49(2014),pp.27-53.

  • 35

    QUESTIONSEDITORIALESPOURN°4:

    1) A16, l’indicationstretton’existepasdansUllstein.Elleestpresquepartoutailleurs,parfois

    aveclestiretsquiindiquentjusqu’àquelendroitelles’applique(commeBreitkopfetPugno)

    parfoissansceux-ci(Mikuli,JoseffyCortot,Debussy).

    2) Soufflet de 20-21 : Kullak; Cortot et Kreutzer l’omettent (pour ce dernier, suivi d’un

    diminuendo).Laplupartdesautresl’impriment(Breitkopf,Mikuli,Joseffy,Debussy,Pugno).

  • 36

    PRÉLUDE N° 5

    enrémajeur

    Allegromoltoà3/8

    Danslamêmetonalité:Mazurkaop.33n°2

    EgalementAllegromolto:Préludesn°10,18

    Parusenenregistrementsséparés:

    1926 Leginska,Ethel (1886-1970) Angleterre avec15 Columbia

    CommeBachl’asouventfait,Chopinlivreiciuntyped’écriturequisembleàdeuxvoixalorsquela

    polyphoniequienrésulte -par le jeudes intervallesdisjoints, laperceptionderegistresdiverset

    lesnotestenuesdanslesvoixmédianes-esttrèssubtile.

    5FERRUCCIOBUSONI1920(0:25,duréelapluscourte)

    Aprèsunlégerappuisurlepremiersi,ledéroulementatteintrapidementsonrythmedecroisière.Le

    jeu,trèsfuyant,estparticulièrementclairentre5et12,quasisenzapedale.Entre13et20,lesnotes

    delavoixintérieuren’affleurentpresquepas(particulièrementlessi).Lesdernièresmesuresde34à

    36sontavecpédale,encrescendo.A la finquiesten fortecommeécritparChopin, labassede la

    dernièremesureestjouéeaprèsl’accordetnonavantcommenotéparl’auteur.

    5ALFREDCORTOT1926(0:32)

    Lefluxdesdoublescrochesesticitrèségal,presqueisorythmique.Cortotnerecourtpresquepasàla

    pédalequiresteinsoupçonnablelaplupartdutemps.Lesnotestenueslesontde1à14;ellesnele

    sont pas de 13 à 16. Les indications cresc et dim, ainsi que les soufflets sont très discrètement

    perceptibles.Lafinn’estpasencrescendomaisexactementàl’inverse,endiminuendo.Lefortedes

    deuxderniersaccordsesticipiano.Lapédaleoriginalede34à37n’estpasobservée.

    5ROBERTLORTAT1928(0:31)

    Lefluxestgénéralementégalmaisonconstateuninfléchissementdudébità12,16,20et28.Lortat

    fait clairement usage de la pédale. Les notes tenues le sont de 1 à 4 mais pas de 13 à 16. Les

    intentionsdecrescendodiminuendosontplusmarquéesquechezCortotIde1926.De33à36,seul

    lesouffletendiminuendoestprisencompte.Lafinn’estpasforte:commedanslaversiondeCortot

    Ide1926,elleestpiano.

  • 37

    5ALFREDCORTOT1933(0:36)

    L’esthétiquesonoredecenouvelenregistrementestpassablementmodifiéeparrapportàcellede

    1926.Lefluxn’estplussisystématiquementégal;ils’estquelquepeuassoupli.L’usagedelapédale

    apparaîtmais celle qui tient de 34 à 37 n’est pas prise en compte. Les cresc etdim ainsi que les

    souffletssontplusperceptibles.Lafinesttoujoursendiminuendoetlesdeuxderniersaccordssont

    piano.Ladernièremesuren’estpasdansladispositionoriginale.

    5LEONIDKREUTZER1938(0:44,duréelapluslongue)

    AécoutercetenregistrementdeLeonidKreutzer,onpeineàcroirequ’ils’agitd’unAllegromolto.Le

    flux semble improvisé, en constant réajustement au détour des intervalles disjoints et des

    implications harmoniques sous-jacentes. L’exécution n’est pas exempte de scories. Kreutzer fait

    usagede lapédale. Il tient lescrochesde1à4etde17à20maisonnediscernepas laprésence

    éventuelledenoirestenuessurledeuxièmetempsdechaquemesurede13à16etde29à32.La

    pédaleoriginalede34à36estignorée.Lesouffletsurlesmêmesmesuresvaensensinverse:nous

    sommes en diminuendo, comme Cortot. Les accords de la fin sont mezzo forte. Kreutzer est

    déroutantdansceprélude.Defait,lefortefinalestdanstoutesleséditions;maiscellesdeCortotet

    deKreutzer indiquentégalementpentreparenthèses.Or l’éditionUllstein/Kreutzerestde1923et

    celledeSenart/Cortotde1926…Sepeut-ilqueCortotaitconnul’éditionUllstein?

    5RAOULKOCZALSKI1939(0:38)

    Là aussi, l’indicationAllegromolto ne serait pas facile à deviner pour qui ne la connaîtrait pas. Le

    tempoadoptéparKoczalskiestmodéré,pournepasdire...prudent.Lefluxestrelativementégalà

    partquelqueslégersassouplissements.Lapédaleestabondante.Lescresc./dim.etlessouffletssont

    prisencompte.Ilyadesincertitudesquantautextejoué,dontonnesauraitdires’ilestimputableà

    unelecturefautiveouàl’exécutiondumoment.Parexemple:à16,onentendunla#surladernière

    doublecrocheaulieudela♮;ouencoreà27,unlaaulieudufa#…RaoulKoczalskitientcomptede

    la pédale originale de 34 à 37 et esquisse, durant ces mesures, un crescendo discret. Les deux

    derniersaccordssontnéanmoinspianoiciégalement,commeCortotetKreutzerl’avaientfait.

    5EGONPETRI1942(0:30)

    Dans un flux égal, Petri confère une grande pression horizontale au discours. Il adopte un tempo

    rapide.Lapédaleestassezabondante,reflétantlanotationdeChopin.Lesindicationscresc./dim.et

    lessouffletssontperceptiblestoutenrestantassezdiscrets.Lecrescendofinaletlapédaleoriginale

    sur les mêmes mesures sont constatés, bien que la pédale s’interrompe exactement sur la note

    d’arrivée dans l’aigu, contrairement à la notation qui prévoyait une résonance générale. Les deux

    derniersaccordssontforte.

    5ALFREDCORTOT1942(0:34)

    Audébutduprélude,Cortotsemblereveniràsonoptionde1926,soituneexécutionsanspédale.De

    17à20, il varie l’expression,étirant le fluxpourexalter lesnotesoscillantes (si - laetsib - la)en

    recourantàl’esthétiquepratiquéedansl’enregistrementde1933.Pourlereste,l’usagedelapédale

  • 38

    est constaté même s’il n’est pas exactement celui qui apparaît dans les premières éditions. Les

    indicationscrescendo/diminuendoet lessouffletssontdiscrètementperceptiblesmais lecrescendo

    de la finn’est toujourspasprisencompte; cependant sur lesmêmesmesures lapédaleoriginale

    apparaîtpour lapremièrefoisdans lesenregistrementsdeCortot.Lesdeuxaccordsconclusifssont

    toujourspiano.Lescrochesnesontpastenuessur1,2et3maislesontde17à20.Lesnoiresde13à

    17etde29à32nelesontpas;ellesn’apparaissentquedanspeud’éditions.

    5ARTHURRUBINSTEIN1946(0:27)

    Ici letempoest,àn’enpasdouter,unAllegromoltoquasipresto!Lefluxestrégulier,c’est leplus

    rapidedetouslesenregistrementsanalysés.Ilconfineàladémonstrationetparaîtassezpeuinspiré.

    Lapédaleestutiliséemaiscen’estpascelleindiquéeparl’auteur.Lescrochessonttenuesmaisles

    noiresnelesontpas.Les indicationscrescetdim.ainsiquelessoufflets indiquéssontperceptibles

    surtoutenphaseascendante.Lecrescendode la fin,sans lapédaleoriginalequiestsoncorollaire,

    s’entendbienmaisilaboutit,curieusement,surunréaiguplutôtquesurlefa#quiestnoté.

    5BENNOMOISEIWITCH1948(0:33)

    Ici le tempoestbeletbienunAllegromolto,mêmesiMoiseiwitchcommenceunpeuau-dessous,

    dans une manière assouplie qui pourrait -à première écoute- rappeler l’approche de Kreutzer. Il

    atteintsonrythmedecroisièreverslamesure5;pours’ytenir,àpartauretourdesquatrepremières

    mesures(de17à20).Lescrochestenutosontfortementperceptiblesmaislesnoiresnelesontpas.

    Sanslapédaleoriginale,lafinestencrescendo,sansquecelui-cisoitconduitjusqu’aubout.Lesdeux

    derniersaccordssontforte.Unrenforcementdesbassesestconstatésurladernièremesure.

    POINTSD’OBSERVATIONPOURN°5:

    • S’agit-ild’unAllegromolto?

    • Lefluxdesdouble-crochesvise-t-ill’isorythmieouest-ilassoupli?

    • Quelestl’usagedelapédaleengénéral?

    • Distingue-t-onlesnotestenuesaudébut,àlafinetde13à16?

    • Lescresc/dimsont-ilsdiscrets,absentsoutrèspatents?

    • Lessouffletsdudébutetde17-20s’entendent-ils?

    • Lesouffletfinal(encrescendo)est-ilassuméouesquivé,voirenié?

    • Lapédalespectraled’originede34à37est-elleobservée?

    • Lesderniersaccordssont-ilsforte?

    QUESTIONSEDITORIALESPOURn°5:

    1) A13,14,15,16leshampesdenoiressurledeuxièmetempsdelamaindroiten’apparaissent

    pasdanslaplupartdeséditionsanciennes.Cedétailfigurenéanmoinsdanslemanuscrit.

  • 39

    2) A 34-37, la longue pédale de la finn’apparaît ni dans Kullak, Ullstein/Kreutzer ou

    Senart/Cortot.ElleestprésentedansBreitkopf,Mikuli, Joseffy,Debussy,Pugnoetd’autres

    encore.

    3) Le forte finalqui se trouvedûmentdansBreitkopf, Kullak,Mikuli, Joseffy,Debussy,Pugno,

    estégalementimpriméparCortot(quiproposepianoentreparenthèses)alorsqueKreutzer

    imprimepiano(etmetlanuanceoriginaleforteentreparenthèses).

  • 40

    PRÉLUDE N° 6

    ensimineur

    Lentoassaià3/4

    Danslamêmetonalité:Scherzoop.20,Sonateensimineurop.58

    AucunautrecasdeLentoassaidansl’œuvredeChopinidentifié.

    Parusenenregistrementsséparés:

    1905 Adam-Benard,Eugénie (1861-1925) France/USA avec7 Welte1907 Fryer,HerbertG. (1877-1957) Angleterre avec11 Welte1918 Avani-Carreras,Maria (1872-1966) Italie/USA avec3 Welte1920 Zadora,Michaelvon (1882-1946) Pologne,Allemagne avec7,13,23 VoxoùPolydor1926 Rosenthal,Moritz (1862-1946) Pologne(Lwow) avec7,11,23 EdisonUSA1929 Pachmann,Vladimirde (1848-1933) Ukraine avec3 HMV1930 Hambourg,Mark (1879-1960) Russie avec3,7,15puis17 HMV?1931 Brailowski,Alexander (1896-1976) Ukraine avec3puis15 Polydor1933 Pachmann,Vladimirde (1848-1933) Ukraine isolé HMV1933 Niedzielski,Stanislas (1905-1975) Pologne avec3 Gramophone1936 Kagen,Sergei (1909-1964) Russie avec7et20 Gramophone1936 Rosenthal,Moritz (1862-1946) Pologne(Lwow) avec3,7 EdisonUSA1937 Mayerl,Billy (1869-1947) Angleterre avec4,20 ColumbiaGB1937 Kreutzer,Leonid (1884-1953) Russie avec1,3,15,20 NipponColumbiaJapon1943 Ungar,Imre (1909-1972) Hongrie avec7,17,20,23 RadiolaHongrie1948 Turner,Ray (1903-1976) USA avec7 CapitolUSA1949 Spagnolo,Paolo (1930-2012) Italie avec3,4,7,10,14 Cetra

    Commedans l’Etudeop. 25n° 7 endo#mineur, lamain gauchedéploie une formede

    lyrismequiévoqueunchantdevioloncelle;maisicilamaindroiterépèteinlassablement

    uneliaisondedeuxendeuxcrochesdontlapremièreestaccentuée.

    6FERRUCCIOBUSONI1920(2:02,duréelapluslongue,àlalimiteduvraisemblable).

    L’indication Lento assai semble ici plus observée qu’on ne l’entend d’ordinaire; de fait, une

    comparaisondesminutages le confirme.Engénéral,dans cetteversion, lesquatredouble-croches

    ascendantessemanifestentsousuneformederésistanceparétirementalorsquelestroiscrochesà

    la fin de lamesure suivante se détendent en sens inverse. Typique desmodifications de texte de

    Busoni,l’ajoutd’unréàlamaindroite(troisièmetempsde1)pourexalterlefrottementavecleré#

    et-probablement-parsoucid’homogénéitéaveclestempsquiprécèdentetsuivent.Dèsledernier

    tempsde6etlorsdesdeuxpremierstempsde7,letempoestsubitementplusallant.A8lefa#de

    maingaucheseprolongeau-delàdesadurée,unpeucommeunpointd’orgue,avantd’enchaîner

    avec la levée qui suit, très élargie. A 12, le premier temps est fortement accentué, comme pour

    marquer une conquête. 13 et 14 sont des mesures très élargies. A 15, le tempo reprend. A 17,

    l’indicationsostenutosemblesignifier:pluslargement.A18,ledeuxièmetempsestostensiblement

    enrésolution.A21,lemêmedétaildedictionestreproduit(bienqu’iln’yaitpointdesostenuto)et

    lesdernièresnotessonttrèsdétaillées,allantjusqu’àdétacherlesdeuxdernièresdouble-croches.A

    24,descésuress’intercalententrechaquegroupededeuxcroches(maindroite).

  • 41

    6ALFREDCORTOT1926(1:49)

    Dans son premier enregistrement de ce prélude, Cortot livre une conduite de main gauche

    particulièrementcontorsionnée,àpeuprèsuniquedanstoutel’histoiredel’interprétationdecette

    pièce.Ils’agitd’untempononmesurable,quinesembled’ailleursnullementLentoassai;àchaque

    crochepourraitsurvenirunstringendo,unallargando,untenuto.Ilyalàunsoucidedictionquiest

    patent. Est-on vraiment sotto voce? On peut en douter, tout en gardant à l’esprit le fait que la

    techniqued’enregistrementdel’époqueavaitsescontraintes.A11onentendundiminuendoquiest

    àl’opposédusouffletindiquéparl’auteur.A13,forte,puismeno.A14,lemidelamaingauchevibre

    jusqu’àlafindelamesure,alorsqu’ilyaunsilencedenoire.L’indicationsostenutode17setraduit

    parunallargando.A24,Cortotralentitfortementjusqu’àlafin.

    6ROBERTLORTAT1928(1:36)

    Si l’onchercheunexemplepour illustrer l’artdudécalageentre lesdeuxmains,de ladissociation

    entrechantetaccompagnement,ontient làundocumentàpeuprèsunique.Lànonplus,cen’est

    pas à un Lento assai que l’on pense. Les doubles croches accélèrent commemues par un ressort

    dissimulésousuneécritured’apparenceégale.Latroisièmeproposition(mesures5à8)quiestde4

    mesuressevoitlittéralementpropulséeversl’avant.Parfois(commeà11et12)lavocalisationsefait

    aumoyenduprocédéque leschanteursappellent«couvrir» lavoix.Est-onsottovoce?C’estpeu

    vraisemblable,tantlasonoritéestcuivrée.A8,lessouffletssemblentindiquercresc.puisdim.mais

    Lortatn’enretientquelediminuendo.Entre13et14, lesdeuxarpègessontforte.Lesostenutoest

    trèsélargietinsistant.

    6ALFREDCORTOT1933(1:49)

    C’estsensiblementlemêmeprojetqu’en1926maisavecinfinimentplusdesobriétédansladiction

    et dans les intentions. Certains aspects bien reconnaissables persistent néanmoins mais ils

    apparaissentbienmodérésencomparaison.

    6LEONIDKREUTZER1938(1:48)

    Parendroits,onpeutdirequeLeonidKreutzerrestitueunLentoassai.Est-cesottovoce?Nousn’en

    sommespas loin. Iln’yapasdedécalagesdanscetteversiontrèsexpressiveoùtoutapparaîtavec

    plusdesobriétéquechezCortot.A13,lesarpègesproposentdeuxfoislanuanceforte.Lesostenuto

    setraduitparunallargando.L’accentdutroisièmetempsde22nes’entendpas.

    6RAOULKOCZALSKI1939(1:32,versionlaplusrapide)

    IcileLentoassain’estpasletempoauquelonpenserait.Koczalskiesttrèsallant;c’estleplusrapide

    detouteslesversionsanalysées.Letonsottovoceestcrédible,àpartledébutdusouffletquiesttrès

    présentàlamaingauche.Lesaccentsdedeuxendeuxnesontpasaudibles.Koczalskipressesurles

    troiscrochesde2etde4.Ilyadesdécalages,sansquecelasoitaussifréquentquedanslecasde

    Lortat.A13,lesnuancessontsuccessivementfortepuispiano.Lesostenutoestallargando,comme

    danslaversiondeKreutzer.Ladeuxièmefois,c’estlamêmeexpressionquiestproposée.Lapédale

  • 42

    delafin,quipourraitindiquer(c’estcertesambigu)qu’elleestàtenirdurantplusieursmesures,n’est

    pasenvisagéesouscetangle.

    6EGONPETRI1942(1:44)

    Cen’estpasvraimentd’unLentoassaiqu’ils’agit.Mais indubitablementlesottovoceaétéprisen

    compte.L’accentuationdedeuxendeuxestobservée,ellerestediscrète.Pointdedécalagesentre

    lesmains.A11,piùforteetcelapourconduireà13,oùPetrirestedanslamêmenuancefortepour

    lesdeuxarpèges.Lesostenuton’estpasiciunallargandomaisuneintensitéaccrue.L’accentde22

    est présent. Lapédalede23est prise en compte. La conduitede lamain gauched’EgonPetri est

    toutedesobriétéetdelyrismecontenu.

    6ALFREDCORTOT1942(1:33)

    Danscettenouvelleversion,Cortotestencoreplussobrequ’en1933.Ilyestbeaucoupplusallant.

    Faut-ilyvoirl’influencedeKoczalski?

    6ARTHURRUBINSTEIN1946(1:47)

    ArthurRubinsteinaffiched’embléeunpartiprisdesobriété.Ilcultiveunchantcontenu;c’estavant

    toutleclassicismequ’ilretientdecettepage,ced’autantqu’ilnepratiqueaucundécalageentreles

    mains.Lesonestpresquesottovoce,mais ilnes’agitpasvraimentd’unLentoassai…mêmesi les

    mesures13et14sonttrèsdilatées(enmezzofortepourlesdeuxarpèges).L’accentuationdedeux

    endeuxestindiscernable.Lesostenutosereflètedansl’intensitéaccruedelanuance.L’accentde22

    estdiscrètementappuyé.

    6BENNOMOISEIWITCH1948(1:48)

    Comme on pouvait s’y attendre avecMoiseiwitch, nous n’entendons pas un sotto voce, pas plus

    qu’unLentoassai,dumoinsaudébut; car lesdeuxdernières lignes (dès19) irontdeplusenplus

    lentement.

    A 13, 14, 15 et 16 il accentue fortement les notes mi de la main gauche, ce qui souligne

    l’enchaînementaveclesarpègesquiprécédaient(oùlemisupérieurétaitlatiercedel’accorddedo).

    L’accentde22neseremarquepas.Lesostenutosereflèteparl’intensitéduton.

    En conclusion, personne (à part -peut-être- Busoni et Rosenthaldans son enregistrement de

    quelquespréludes)nesemblevraimentprendreencomptel’indicationLentoassai,dumoinspasau

    début(Kreutzermisàpart).Certainsyparviennentenfindeprélude(Moiseiwitch).Lesostenutoest

    pris comme un allargando par tous les interprètes sauf Petri, Rubinstein et Moiseiwitch qui

    intensifientleton.

  • 43

    POINTSD’OBSERVATIONPOURN°6:

    • Letempochoisipeut-ilévoquerl’indicationLentoassai?

    • L’accentuationdedeuxendeuxest-elleperceptible?

    • Y-a-t-ildesdécalagesentrelesmains?

    • Letongénéralest-ilsottovoce?

    • Comment l’indication Sostenuto est-elle comprise? Plus lentement, (comme Busoni), allargando

    (commeKoczalskietKreutzer)ouencore:avecuneintensitéaccrue(commePetri)?

    • Lorsqu’ilyaretour,à21,dumotifindiquésostenutoà17,l’expressionest-elleidentiqueouvariée?

    • A13,lesdeuxarpègesdemaingauchesont-ilsd’abordfortepuispiano?

    • L’accentsurletroisièmetempsde22s’entend-il?

    • Lapédalede23seprolonge-telleverslafin?

    • Le silence de l’avant-dernière mesure équivaut-il à une coupure par-dessus le si tenu de la main

    gauche?

    QUESTIONSEDITORIALESPOURN°6:

    1) Kullakproposelanoireà66danssonédition,cequiestplutôtrapidepourunLentoassai...

    2) Alamesure14,lesigned’arrêtdelapédaleapparaîtdiversement:surlederniersilencede

    croche (Mikuli), sur la dernière noire (Breitkopf Joseffy Pugno Kreutzer Cortot). L’édition

    Debussynel’indiquepas.

    3) Surlederniertempsde14,Kullakindiqueunaccentdontonignorelaprovenance.

    4) Sur la plupart des éditions apparaît à 23 apparaît un signe de pédale sans ultérieur signe

    d'étouffement.Dansla1èreéditionWessel1838,cesigneapparaîtàlafinduPrélude;dans

    d’autres-commeKullak-cesigneapparaîtjusteavantledo#demaingaucheà23.

    5) A17,Kreutzern'indiquepas:sostenuto.Maisd’autreséditionsindiquentdeuxfoissostenuto

    (à17età21),commeBreitkopf1878etKullak.

    6) A 15, Pugno indique : tre corde; puis à 22 :una corda. Plusieurs éditions (Klindworth par

    exemple)préconisentunppppourlesquatredernièrescroches.

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    PRÉLUDE N° 7

    enlamajeur

    Andantinoà¾

    Danslamêmetonalité:Polonaiseop.40n°1

    EgalementAndantino:Balladeop.38;Impromptuop.36,Etudeposthumeenfamin.

    Parusenenregistrementsséparés:

    1905 Adam-Benard,Eugénie (1861-1925) France/USA avec6 Welte1920 Zadora,Michaelvon (1882-1946) Pologne/Allemagne avec6,13,23 Polydor1920 Hallock-Greenewalt,M.-E. (1871-1950) Syrie avec4,20 ColumbiaUSA1920 Liebling,Georges (1865-1966) Allemagne isolé Parlophone1922 Busoni,Ferruccio (1866-1924) Italie isolé Columbia1926 Rosenthal,Moritz (1862-1946) Pologne avec6,11,23 EdisonUSA1930 Hambo