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Les quatre saisons du bonheur – Stéphane barillet © 2009 · n’est pas tant le bonheur qui nous manque, mais la science du bonheur1, posant ainsi les bases de l’Art du Vivant

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Les quatre saisons du bonheur – Stéphane barillet © 2009

À LIRE – TRÈS IMPORTANTLe simple fait de lire le présent livre :

Vous donne le droit de :• Le diffuser gratuitement sur tout support,• L’offrir en cadeau à qui vous voulez,• L’utiliser comme un outil commercial sur votre site Internet ou

autre support.Ne vous donne pas le droit de :

• l’éditer sur un support papier ou électronique.• le vendre,• le diffuser sous forme de spam (courrier éléctronique non sollicité)• l’intégrer dans une chaîne d’argent.• modifier son contenu, sa couverture ou le nom de l’auteur,• l’utiliser pour faire des promesses médicales ou thérapeutiques mensongères punies par la loi.

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Remerciements de l’auteur :

Je remercie vivement toutes les personnes qui ont contribué à l’élaboration de cet ouvrage, amis ou ennemis. Une mention particulière pour l’ensemble de mes clients qui m’honorent en me faisant confiance dans l’accompagnement du dedans. Merci encore à ceux et celles qui ont eu la gentillesse de me lire et de m’encourager.

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Précision :

Au cours de ce livre, le lecteur remarquera que j’ai orthographié les saisons tantôt avec une majuscule, tantôt avec une minuscule. J’ai fait le choix de :

• la majuscule lorsqu’il s’agit de décrire les saisons naturelles (ex : en Automne…) ou leur personnification active (ex : l’Eté nous apprend que…).

• la minuscule lorsque les saisons représentent les diverses situations ponctuelles de la vie (ex : Nos printemps personnels… ou encore, ces petits moments d’hiver…)

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Table des matières

Printemps.......................................................15Le temps du possible :........................................ 16Les premiers pas :.............................................. 19Oser avoir envie :............................................... 21Patience et participation :.................................. 23Renaître en conscience :.....................................27Le désir et la peur :............................................ 30Le grand nettoyage de printemps :.....................33Vers un jardinage relationnel :.......................... 34Quitter son histoire personnelle :.......................37L’éloge du simple :............................................. 42Bienheureuse surprise :......................................43Armure ou cuirasse, prenez vos tickets ! ?......... 45

Eté...................................................................52Vivre imparfait :................................................. 53Paradoxe de la jouissance :............................... 56Récolter une vie responsable :........................... 58Amour d’été ne dure jamais ? :.......................... 63La beauté des laids :...........................................67La laideur des beaux :........................................ 70Avoir peur d’être heureux :................................ 76Papa, maman, l’Eté et moi :...............................78

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Automne.........................................................83Pourquoi ça recommence ?................................ 85La bourse ou la vie !...........................................88Sois normal et tais-toi !...................................... 91La fin des haricots :............................................94Bienheureuse dépression :..................................97Se tromper d’erreur :..........................................99Mourir pour apprendre à vivre :...................... 103Marcher sur la Lune :.......................................110Quand pépé s’en mêle :.................................... 113Va-t-en glaner…............................................... 114

Hiver..............................................................117Apprendre à se reposer :.................................. 118Et surtout, ne prends pas froid !.......................121L’épreuve transfigurée :................................... 123Du bon usage du froid :....................................126Vivre à en mourir :........................................... 129Réalité ou illusion ?..........................................133Pince-moi si je rêve !........................................139Vanité, vanité…................................................ 141

Conclusion...................................................147

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Introduction

Il y a quelques années, au cours d’une de mes conférences sur le bonheur, un drôle de concept me traversa l’esprit. Le genre d’intuition spontanée qui surgit de nulle part et surprend l’orateur lui-même. Sur le moment, je n’en mesurai pas vraiment l’importance, étant habitué à ces petites improvisations si communes aux conférenciers. Quelques jours plus tard, j’appris à ma grande surprise qu’un grand nombre de personnes de mon auditoire avaient été très interpellées par cette idée : L’existence humaine est soumise à des cycles réguliers comparables aux quatre saisons de la nature.

C’est triste d’oublier combien l’évidence des uns peut constituer une révolution pour les autres. Je dois reconnaître que cette inspiration inattendue me fit moi aussi beaucoup réfléchir. Au point de décider d’écrire un livre entier sur le sujet.

Ma quête de connaissances m’a mené aux portes de la Nature. Selon les sages, c’est le seul endroit de vérité. Dans son apparente simplicité, l’œuvre de Dieu contient la sagesse du monde

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qu’aucun livre ne saurait traduire. L’introspection et la contemplation en sont les véritables voies d’accès. Une expérience immédiate qui n’implique pas l’intellect. De cette manière, c’est dans la Nature que j’ai trouvé ma sécurité de base. Ce sentiment qui fait qu’on relève la tête malgré l’épreuve, et qui murmure à l’oreille des chevaux le mot magique tant espéré : Confiance !

La Nature est notre maître à tous et les saisons sont ses ministres. Elle contient tout ce qu’il est utile de savoir sur cette planète. Nous nous croyons trop différents de notre environnement. Nous avons rompu avec lui. L’exploitation des ressources naturelles nous fait oublier la profonde adhérence qui nous unit avec le monde. Notre distance avec les éléments ressemble à celle que nous entretenons avec nous-mêmes et avec la vie en général. Je suis étonné de constater comme je fais parfois office de règle de bon sens dans le cadre de mon cabinet. Le bon sens des anciens ne faisait pas de doute. Ils réglaient leurs actes sur les rythmes biologiques de la Nature, et se seraient bien gardés de s’en écarter. Il y avait là une connaissance directe et facile de ce qu’il convient de faire et de ne pas faire. Quand on retrouve ce bon sens de la Nature, on est surpris par un sentiment nouveau et inhabituel de confort psychologique. Comme si, soudainement, tout devenait plus simple.

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Je me souviens de la nonchalance de mon enfance, quand je n’avais pas à décider du comment et du pourquoi de ma journée. C’était supérieur à moi, c’était la volonté de mes parents. Il était bon de s’en remettre à cette prise en charge que les gens recherchent encore aujourd’hui maladroitement, alors qu’ils sont devenus adultes. Je n’ai pas eu d’enfance spécialement idéale, loin s’en faut, mais je peux retrouver dans la Nature ce sentiment de sécurité que j’avais autrefois. Un mécanisme qui s’occupait de tout et que je n’avais qu’à suivre pour être heureux.

Rechercher la facilité est une chose normale, mais il ne faut pas se tromper de facilité. Dans la Nature tout est responsabilité. Le petit oiseau doit prendre le risque de se poser pour manger. Le risque, c’est le prédateur qui l’attend, caché derrière le buisson. Ceux qui ne prennent jamais de risques sont-ils vraiment vivants ?

On entend dire fréquemment que la Nature est cruelle. Il appartient pourtant à la proie de s’enfuir à temps et de laisser son agresseur dépité par le destin. On s’insurge encore quand une biche se fait dévorer par des fauves sanguinaires après une course effrénée. Sait-on pourtant que les félins souffrent principalement de la faim ? La Nature leur a imposé l’obligation de courir après leur nourriture, alors que la plupart des herbivores n’ont qu’à se baisser pour s’alimenter. Vue sous cet angle, la notion de risque est largement partagée. Il est donc

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difficile d’affirmer que des privilèges sont accordés à certains et pas à d’autres.

Nous pouvons nous aussi bénéficier de cette prise de conscience pour évoluer en tant qu’être humain. En nous rappelant, par exemple, que quelle que soit notre condition, nos prises de risques favorisent notre croissance. Est-ce ce même bon sens qui pousse dame oiseau à jeter son petit hors du nid comme elle le jetterait dans les bras d’une Mère plus puissante qu’elle, et qui serait la vie ?

Voilà la sagesse immuable des volatiles. Pas de cruauté, ni absence d’affection, mais respect de l’Aîné qui prend la relève. L’Aîné, c’est le grand mécanisme universel qui nous a tous créés et dont l’occupation principale est de faire tourner ce monde. C’est quand nous sommes les serviteurs de la vie que nous sommes efficaces. Quand nous savons nous jeter à corps perdu dans l’existence, confiants dans l’inconnu filet qui nous empêchera de nous écraser. Les saisons nous guident comme elles guident par l’instinct les animaux vers leur refuge. Si nous savons écouter notre cœur, nous ne pouvons pas manquer notre chemin.

Décider du cours de sa vie sans tenir compte des influences environnantes qui se montrent à nous sous diverses formes - autrement dit des saisons - entraîne de douloureuses erreurs d’aiguillage. Chaque fois que nous croyons savoir, nous ne savons pas. Chaque fois que nous cherchons une solution, nous sommes assis

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dessus. C’est parce que nous utilisons notre mental en toutes circonstances. Un mental qui contrôle tellement qu’il ne laisse pas beaucoup de place au sentir.

Je le remarque souvent avec mes clients lorsque, après leur avoir demandé ce qu’ils ressentent, ils me répondent ce qu’ils pensent… La connaissance des saisons de la vie ne s’étudie donc pas comme un sujet cognitif mais s’expérimente par le biais du vivant présent dans chaque cellule de notre corps.

Les chamans appellent cela voir. C’est une vision qui ne se limite pas à la vue commune. Elle est globale et non dualiste, abolissant la définition d’un univers où tout est séparé. Certaines traditions en parlent comme d’une reliance.

En posant donc un regard différent, en osant voir les choses autrement, peut-être sommes-nous déjà heureux sans le savoir. Selon Maeterlinck, ce n’est pas tant le bonheur qui nous manque, mais la science du bonheur1, posant ainsi les bases de l’Art du Vivant. Cette science est difficile, convenons-en, parce qu’elle réclame le fameux lâcher-prise qui nous manque tant lorsque tout semble aller mal. L’invitation paradoxale de ce laisser-aller que tout contredit. Il se voit pourtant vérifié après des années de lutte qui n’ont mené nulle part.

1 La sagesse et la destinée, Maurice Maeterlinck, A Paris chez Eugène Fasquelle, 1898.

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On croit à tort que le sage se baisse par humilité. En fait, il est à genoux parce qu’il est vaincu par la vie. Réduit en lui-même à l’obéissance devant le mystère d’un univers qui le dépasse et le lui prouve. Pathétique perdant d’un combat qui l’opposait à un ami universel. Combien d’hommes ont ployé devant la force de l’amour ? Combien ont été désarmés face au cœur du monde qui apparaît quelquefois sous les traits de la Vierge et de l’Enfant ? Il ne nous appartient pas toujours de faire ce travail. Il nous est imposé la plupart du temps par un morceau de nous. Le filet tendre de notre conscience, seul capable d’entrer en résonance avec l’ordre divin.

En y regardant bien, nous aimons nager à contre-courant. C’est douloureux et épuisant mais c’est ainsi qu’on nous a appris à vivre. La Nature et ses saisons nous montent un autre chemin fait d’aisance, de paix et de joie. Il y a là un enseignement réel et disponible à qui veut bien s’en donner la peine.

Dans ce livre, nous laisserons de côté l’analogie classique qui associe les quatre saisons aux quatre périodes principales de la vie, (jeunesse-printemps, adulte-été, maturité-automne, vieillesse-hiver). Ce choix nous permettra de mettre en relief des saisons intermédiaires qui n’ont rien à voir avec la rotation terrestre. Elles se présentent plusieurs fois au cours d’une existence humaine. Ce sont des ambiances existentielles particulières. Lorsqu’elles

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sont détectées et correctement traduites, elles indiquent une direction ou un comportement que nous avons intérêt à suivre. Elles ne concourent pas à priver l’homme de son libre-arbitre, ni à le punir s’il ne se conforme pas aux directives suggérées. Elles l’invitent plutôt à une attitude d’adéquation consistant à suivre le courant avec passivité et confiance. Ce positionnement favorise également la connaissance de soi. Les événements qui se présentent à nous sont des baromètres nous indiquant où nous en sommes, et surtout qui nous sommes. Ce sont ces moments parfois très courts qui vont nous intéresser principalement dans ce livre.

Le bonheur est donc bien une science qui peut s’apprendre. Il procède d’une capacité d’alignement correct, faisant coïncider ce que nous sommes avec ce que nous faisons. Nous verrons pourquoi ceci est rendu difficile. Pourquoi nous avons tant de mal à nous orienter et à nous abandonner à la vie. Tant de mal à être heureux. Nous apprendrons comment les blessures de notre histoire contrarient notre capacité à nous laisser mener par la main.

Ainsi, quatre chapitres, un par saison, nous donnerons la température adéquate de cette initiation à l’Art du Vivant. Il faut bien en convenir, celui-ci ne s’acquiert pas sans un engagement profond à la transformation intérieure. Quant à l’ossature symbolique de cet ouvrage, elle a été

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largement influencée par mes thérapies personnelles, ainsi que par les traditions spirituelles que j’ai étudiées et pratiquées dans ma vie. En particulier l’alchimie, la gnose chrétienne et quelques voies orientales.

Enfin, il y aura peu de recettes dans ce livre. C’est bien les recettes, mais cela coupe l’expérience à la racine. J’ai préféré leur substituer quelques réflexions initiatiques colorées, humoristiques et simples. J’espère qu’elles amorceront chez le lecteur plus de sentir que de penser. C’est une proposition de retournement complet sur notre façon habituelle de négocier avec la vie. Un nouveau regard sur soi et sur l’au-delà de soi.

Il me reste à souhaiter au lecteur une bonne route à travers la sagesse des saisons de la vie.

Stéphane Barillet.

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Printemps

Il n’y a pas de commencement dans la Nature. Ni de fin non plus. Tout est perpétuellement en changement. Une mutation éternelle qui apparaît à nos sens si variée dans ses diverses manifestations, qu’elle a suscité en nous le besoin de les différencier et de les nommer. La réalité est loin du découpage systématique de la pensée humaine. Il n’y a jamais eu de saisons réellement distinctes les unes des autres. La Nature ne se soucie pas de cette angoisse compulsive qui nous pousse à dresser des barrières là où elles sont inutiles2. La Nature est Une et ses effets infinis. Elle fonctionne dans un même sens ou peut-être dans tous les sens à la fois. Elle est simple parce qu’elle est stable, répondant au Principe Créateur qui la généra pour une raison et un but qui nous échapperont toujours.

2 Soigner son âme , Dr. Jacques Vigne

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Cependant, c’est sans doute au Printemps que Dieu créa la Nature. Car effectivement, c’est durant cette période que les forces créatrices sont à l’apogée de leur puissance. Nul n’est exempt de cette influence si particulière qu’elle réveille les sens et nous rappelle notre origine. Tout pousse alors et s’élève, comme l’onde du lac s’étend à l’infini après qu’un caillou y a été jeté. C’est le fiat lux de la genèse du monde. L’instant primordial où le mâle éjacule, où la pensée émerge et donne naissance à tout ce qui existe.

Le temps du possible :

Le Printemps est le temps du possible. Les énergies en jeu donnent le pouvoir de la concrétisation, posant les bases d’une construction future. C’est le moment de tout oser, celui de vaincre aussi notre statisme congénital. Dans la Nature, c’est l’heure où la coquille casse, où la terre fissure. Poussé par je ne sais quel impératif, le feu de la Terre va gronder et encourager ses enfants à sortir du sol. Des naissances partout. Du vert jeune comme la jeunesse, et fragile tout autant. Tout va concourir à exalter la sève montante. Tout va être mu d’espoir et d’indicible joie. Le renouveau enfin. La vie qui se réchauffe après l’épreuve. Un message est donné ; il ne faut jamais croire que l’Hiver dure éternellement. La lumière revient

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toujours une fois le cycle accompli. C’est sur cette base que commence cet exposé sur la sagesse naturelle. L’oubli du printemps, auquel on ne croit plus ou qu’on ne sait plus saisir quand il se présente, est comme une grêle tenace dans la conscience. Nous l’entretenons souvent et l’alimentons de nos croyances négatives.

Dès l’enfance, printemps de notre vie à tous, nous avons baigné dans une atmosphère. J’appelle cela le microclimat familial parce qu’il est entretenu sous une serre de jardinier. Chaque famille revendique ses croyances et en général, celles-ci ne sont pas brillantes. Les querelles et soucis des aïeux façonnent le quotient familial dont on va hériter dès la naissance. Cela n’est une nouvelle pour personne. Ce qui peut l’être néanmoins, c’est que ce quotient va produire une météo, sorte de nuage perpétuel que chacun va entretenir inconsciemment pour lui donner raison. Chez nous, il pleut tout le temps ! Imaginez que le nuage se déplace, et tout le monde va le suivre pour rester en dessous. C’est le poids de ces habitudes qui nous fait ignorer le trou de ciel bleu apparaissant soudain, comme un ange frappant à notre porte et qu’on prendrait pour le démon.

La plupart du temps, le printemps de la vie se présente à nous d’une drôle de manière. Les fondations anciennes doivent céder la place aux jeunes boutures. Si nous n’avons pas senti les augures de cet effondrement à l’automne dernier,

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nous risquons fort d’être surpris quand la jeunesse viendra nous déloger dans nos acquis. C’est ce qui arrive fréquemment en entreprise quand le jeune diplômé provoque le licenciement du vieux placard qui se croyait insubmersible. Si le Printemps est la somme de tous les possibles, c’est également vrai pour le placard. La vie lui offrait, l’an dernier, la possibilité d’une mutation dans une autre région, qu’il a bien sûr refusée pour les raisons qu’on imagine. Ma maison, mon dodo, mon nuage… Un arbre qui retiendrait ses feuilles en Automne. Et c’est ainsi que les difficultés commencent parce qu’on n’a pas su écouter les saisons de la vie. Pourtant, l’offre de la Nature printanière est toujours généreuse et abondante. Elle sait mieux que nous ce dont nous avons besoin. C’est pourquoi quand une proposition de changement survient de manière inattendue, on peut estimer que le printemps de la vie n’est pas loin.

Ces dernières années, une nouvelle manne économique a vu le jour. Internet est devenu pour beaucoup de personnes une source de revenu qui a dépassé toute espérance. C’est une sorte de printemps professionnel inespéré qui autorise à présent la réalisation de nombreux rêves auparavant inconcevables. Quoiqu’on en pense, il y n’a pas que des arnaques sur Internet, mais si l’on prend le soin de se documenter et de se former durant quelques temps, il est possible d’exploiter des astuces peu connues et qui, pour certains, sont

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très rémunératrices. Telle ce tte personne qui, après quelques galères, a osé croire en une nouvelle vie. Il ne faut pas rêver, tout salaire demande du travail, mais si l’on s’en donne la peine, on peut changer de condition presque du jour au lendemain.

Les premiers pas :

Avec un peu d’attention, on peut sentir en soi le pouvoir impulsif du Printemps, comme un écho ancien des premières amours. Les primes aventures de l’enfant-héros qui prenait sans hésiter le risque de vivre à l’instar de ses envies. Pas de question superflue, pas de doute. Il court, trébuche et se rebelle contre sa mère. Fort de ses premiers pas, il tâtonne et se met en jambe, fragile comme un roseau sous la brise du Nord. Fébrile équilibre que son pas, mais vaillant et courageux devant l’obstacle qui se dresse devant lui. Dans sa jeune conscience, c’est la terre qui tremble ! Lui, est droit et tenace, printempiquement. Rien n’arrête l’enfant qui veut aller, si ce n’est la peur de sa mère. Cette peur peut être irrationnelle et illégitime. Jusqu’à secouer l’enfant dans les retranchements paisibles de ses expériences réussies. Jusqu’à lui saper le moral quand, pour la dixième fois il tombe et se relève dans les bras alarmés de sa génitrice. Laisse-moi me relever sinon, au jour de l’épreuve tardive, je t’appellerai encore d’entre les morts.

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Comment pouvons-nous percevoir l’arrivée de nos printemps personnels tant que demeure en nous la frilosité de nos premiers mouvements ? C’est la plus difficile saison pour le mental adulte parce qu’elle réclame une flexibilité hors du commun, dont seuls ont le secret les sages et les idiots. Pourtant, curieusement, c’est durant ce moment que tout peut réussir. Le plateau passe devant nous avec tant de victuailles que nous n’aurions pas assez d’une vie entière pour tout manger. Pourquoi laisser passer ce cadeau sous notre nez sans y toucher ? Pourquoi ne pas essayer la mangue quand il n’y a plus de poire ? Trop exotique ? Goûte avant de dire que c’est pas bon !

Nous ne connaissons pas nos goûts réels tant que nous n’avons pas contrarié nos habitudes. Regardons comme nous vivons toujours de la même façon. Observons notre tendance manifeste à refuser en bloc ce que nous ne connaissons pas, et qui vient pourtant à nous avec tant d’allégresse. Combien de printemps avons-nous refusé ? Combien de fois le plateau est-il passé devant nous et l’avons-nous laissé partir intact ? Ne touche à rien, sinon tu auras une fessée ! Et je me plains d’avoir les mains froides… Où sont mes mains ? À l’intérieur de mes bras. Elles n’ont pas grandi parce qu’on les a empêchées de grandir. On ne leur a pas permis de toucher alors maintenant, elles refusent d’y aller. Combien de printemps ? Quasiment tous.

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Oser avoir envie :

L’émergence vitale du Printemps est aussi vivace à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les bourrasques émotives sont exaltées et culminent en un relief désordonné. C’est tout et n’importe quoi ; la queue dressée au premier jupon qui passe ; la vulve humide à la première braguette bombée. Les regards vont bas. Ils remontent de la terre qui transpire d’une volupté artistique. C’est le joli temps d’aimer. Quand chaque chose prend couleur et parfum. Quand les foulards caressent les peaux fraîchement dénudées et encore blanches de la neige passée. J’ai envie, j’ai envie ! Écoutez encore ce cri qui vient des profondeurs ! Croyez en ce râle des abysses ! Il ne connaît nulle raison. Il est le sang. Il est la vie. N’avez-vous jamais marché d’un pas léger ? Eu ce sentiment agréable de ne pas avoir à s’en faire ? C’est le brusque retournement de situation, le vent qui tourne comme la roue du destin.

Quand j’ai quitté le nord de Paris pour m’installer en Bretagne, tous mes amis étaient à l’automne de leur vie, moi au printemps de la mienne. Ils ont voulu me retenir dans leur saison, pensant que j’étais fou de tout recommencer ailleurs. Ils étaient gras et j’étais pauvre. Je sortais d’un hiver épouvantable mais grâce auquel j’avais pu toucher le fond de mon être. Dans les mois qui suivirent, je me reconstruisis, petit à petit, mais

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assez rapidement quand même. Mes amis, quant à eux, ont tous connu des déboires, les uns après les autres, n’ayant pas voulu prévoir et anticiper les mouvements de leur propre vie. Pour moi, je n’avais pas raté ce printemps-là, pour une fois… Je n’ai pas eu non plus à faire beaucoup d’efforts, ce qui est caractéristique de cette saison. Les choses se mettent en place d’elles-mêmes. Il convient seulement d’être attentif et de planter nos graines au bon endroit et dans la bonne terre.

C’est important de trouver son lieu. Je vois tant de gens qui persistent à rester dans une région qui ne leur convient pas. Ils s’acharnent parce qu’ils sont nés là ou bien c’est le conjoint qui ne veut pas quitter ses parents. Ils n’osent jamais. Mais quand toutes nos tentatives sont soldées par des échecs ou des résultats qui ne sont pas proportionnels à nos efforts, il faut se poser la question du lieu. Nous croyons, par exemple, que pour réussir une activité, il est nécessaire de vivre dans une grande ville. Ce genre d’idée est une aberration. Je pense au contraire que plus le projet est fou, plus il a de chance de réussir parce que là où les autres n’osent pas aller, la terre est encore vierge et fertile. Si nous plantons toujours notre tente là où d’autres sont passés avant nous, la terre sera fatiguée et produira peu de fruits. Je connais des professionnels qui se sont installés dans des endroits extrêmement retirés et ont doublé leur chiffre d’affaire. En Martinique, au sud de l’île, il y a une vieille dame qui vend des

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tartes à l’oignon depuis trente ans dans une cabane de tôle, non loin de sa petite maison. Pas d’enseigne. Toujours les mêmes tartes. Toujours en rupture de stock. Elle a osé. Les gens font la queue chez elle et viennent de partout. C’est la magicienne du Printemps éternel. La reine de la tarte à l’oignon. Elle est restée telle quelle sans chercher à se développer. Comme ces petites orchidées himalayennes, si rares et fragiles, aux bords arides des grands versants montagneux. Certains risquent leur vie pour les voir, car leur spectacle n’est pas fréquent.

Patience et participation :

Quand on fait ce qu’on aime, la réussite ne manque jamais d’arriver si l’on y travaille suffisamment longtemps. L’univers concourt à organiser les choses dans le bon sens. Les opportunités se présentent toujours. Le Printemps est très explicite et sa venue ponctuée de signes. Cependant, nous sommes très doués pour trouver les nombreuses raisons qui nous empêcheront de réaliser nos rêves. Un proverbe dit que quand on veut vraiment faire quelque chose, on trouve des solutions ; et quand on ne veut pas vraiment, on trouve des excuses… Le manque d’argent en fait partie. Nous croyons qu’il nous faut beaucoup de

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moyens pour mettre en œuvre un projet. Il n’y a rien de plus faux. Si l’on se réfère au Printemps, on remarque tout est encore fragile. Ce qui concourt à solidifier l’édifice provient de l’environnement et des influences extérieures. Dans la vie, c’est la même chose. Un ami me disait ceci : Avant d’investir, je commence toujours avec ce que j’ai déjà. Cette parole m’avait paru si sage que je l’ai retenue et appliquée par la suite avec beaucoup de succès. Même si, selon Georges Brassens, le temps ne fait rien à l’affaire3, les plus belles réalisations demandent du temps et le concours des autres. Savons-nous attendre et laisser faire l’âge ? Acceptons-nous la participation des êtres et des choses qui nous entourent ?

Cum patientia ! (sois patient). C’était une des devises latines des alchimistes d’autrefois. On imagine mal aujourd’hui la lenteur du rythme de vie de nos aïeux. Imaginons un monde sans moyens de transport rapide, sans avions ni trains pour nous véhiculer. Une vie sans téléphone ni internet. Une époque où pour communiquer, nous devions consumer des jours, des mois, ou bien des années. Ils seraient choqués, les anciens, par notre machinale rapidité. Nous serions perdus dans ces époques reculées où la marche du temps était toute autre. Il ne sert à rien de courir. La relativité

3 Le temps ne fait rien à l’affaire , Georges Brassens, 1962, Editions Mus.

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générale d’Einstein a démontré que notre relation au temps varie en fonction de paramètres aléatoires. C’est ainsi que certaines heures peuvent durer une éternité, pendant que les amoureux savourent la douce carence d’une étreinte qui passe trop vite.

En négligeant le temps et en voulant tout rapidement, comme nous y encourage notre société contemporaine, nous agrandissons en nous la peur fondamentale de celui que j’appelle le mort vivant ; ce demi-humain qui pourrait bien être notre voisin, organise sa vie sur un rythme si pressé qu’il alimente, sans le savoir, le système morbide dont il se croit maître, et dont il est, en fait, l’esclave. Ce cercle vicieux est invisible à la plupart. Seuls les êtres immobiles et tranquilles en ont conscience parce qu’ils ont eu le courage de vérifier un jour qu’en ralentissant, tout marche aussi bien qu’avant… Si ce n’est mieux. Les sages nous disent que nous sommes morts. Que nous ne venons pas au monde vivants. Être vivant résulte d’un processus initiatique qui appelle une deuxième naissance. Naître à maintenant.

De la sorte, la plupart d’entre nous sont en vie, mais non encore vivants. Jésus incite à laisser les morts enterrer leurs morts4. Etre vivant est un art lent. Parce que le langage de la Nature est composé exclusivement de présent. De plus, elle

4(Luc 9-60)

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parle doucement, ce qui signifie que pour l’entendre, nous devons cesser toute agitation. Prendre le temps de vivre, et si rien ne se passe, attendre comme les animaux savent attendre le Printemps avec sérénité. Être disponible seulement et guetter les premiers signes du changement.

C’est là le grand secret de la Nature que les alchimistes avaient découvert. En comprenant que le changement est inéluctable, ils se sont aperçus que le monde tourne comme un serpent qui se mord la queue. Que le vide appelle le plein et que le plein appelle le vide. Que tout ne peut pas toujours aller mal. Sur ce constat, les alchimistes abandonnèrent l’idée d’être les auteurs et les réalisateurs de leur Grand-Œuvre. En stoppant tout contrôle, ils comprirent que c’est la Nature qui fait tout. Mettre la matière première en condition d’évoluer et laisser se faire l’ouvrage, telle serait la recette de la pierre philosophale. Une recette que suit inlassablement la Nature depuis l’aube des temps, et dont on trouve des exemples partout au Printemps.

L’équilibre précaire de la nouvelle floraison va devoir bénéficier d’un facteur chance non négligeable et de la participation des éléments en perpétuel devenir. A notre niveau humain, les temps du démarrage sont donc risqués, mais après tout, qui ne risque rien, n’a rien !

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Renaître en conscience :

Que de dangers, Monseigneur, à naître en votre monde ! Je me souviens de la sensation que j’ai eue quand je suis sorti du ventre de ma mère. Quelle immensité froide alentour ! Un grand vide sidéral et des sensations kinesthésiques sordides. Douleurs partout. Avant, il n’y avait ni intérieur, ni extérieur. Ou bien l’extérieur était moi. Ma mère-peau. Moi-l’univers. Total, plein, divinement relié. Puis d’un coup, l’horreur du monde qui prend feu et qui se contracte. Des bruits intenses recouvrant le tam-tam si reposant. C’est l’apocalypse. La fin du monde. L’irrésistible besoin d’en sortir pour échapper à une mort certaine. Comment pourrais-je mourir avant d’être né ? Les eaux du déluge recouvrent tout et je suffoque dans l’étroit passage brûlant. Je perds connaissance, je crois… Ensuite il fait si froid dans le désert vide et sans repère. Je vais mettre des mois entiers à comprendre qu’il y a, maintenant, le haut et le bas. Le ciel et la terre. L’autre et moi. Grande épreuve que ce printemps-là. Grande chance pour celui qui est bien accueilli.

La naissance est le moment crucial. Il déterminera notre façon d’aborder la vie, notre manière de cueillir les prochains printemps. Ceux qui nous mettent au monde devraient avoir suivi un parcours thérapeutique. Ils sauraient ainsi tout ce qu’il ne faut pas faire. L’enfant qu’on éloigne immédiatement de sa mère est condamné à la

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névrose. À moins qu’il ne décide, plus tard, d’aller soigner cela chez un thérapeute. Les anciens ne commettaient pas ces erreurs brutales. L’enfant devrait être déposé aussitôt sur le sein de sa mère ou dans les bras de son père, afin de pouvoir gérer le cataclysme dont il vient d’être l’objet. Il n’y a pas de meilleure couveuse que le sein d’une mère. La chaleur de son corps est l’élément naturel à la prompte consolation postnatale. Progressivement, l’enfant va s’habituer au changement qui s’impose et naturellement trouver de lui-même le chemin vers l’autonomie. Quand on sépare l’enfant de sa mère dès les premiers instants, on agrandit la fissure angoissante du grand chamboulement qui vient de se produire pour lui, alors qu’il n’a pas encore la capacité de conscientiser l’événement.

L’intérêt de revivre sa naissance à l’âge adulte est que cela donne enfin du sens au traumatisme initial. Pour comprendre cela, imaginez que vous preniez des coups sur la tête sans qu’on vous dise pourquoi. Cette situation, issue de la naissance, et traduite comme une injustice primordiale par le nourrisson, engendrera chez lui une révolte. Celle-ci pourra provoquer ensuite, selon les circonstances, des colères et des réactions inconscientes très diverses dans sa future vie d’adulte5. Les cas nombreux des enfants qui pleurent toutes les nuits jusqu’à un âge avancé

5 Psychologie transpersonnelle, Stanislav Grof

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devraient nous faire réagir sur la manière dont nous organisons les naissances.

Nous avons perdu le sacré. Nous ne savons plus crier au ciel la joie du nouveau-né. On accouchait autrefois à même le sol. L’enfant pouvait alors sentir l’onde rassurante de la terre et s’y conformer dès sa première respiration. Qu’y a-t-il dans les couveuses artificielles qui justifie un tel enfermement ? Les pousses périssent parfois dans la bataille souterraine et la plupart des spermatozoïdes ne terminent pas leur course à bon port. Faisons-nous preuve d’intelligence en refusant de voir que pour produire un arbre, la Nature a recommencé mille fois ? Aujourd’hui, nous voulons contrôler la vie par des moyens artificiels. Nous refusons l’erreur. Interdiction de se tromper. Pourtant, nous verrons bientôt c’est sans doute la seule école qui vaille la peine.

Comme l’enfant reçoit le sacre de la terre au contact du ventre maternel, il le reçoit du ciel par le biais de son père. Celui-ci, fierté oblige, porte l’enfant aux nues, à bout de bras, et célèbre ainsi la victoire de la vie. Quelle folie anime donc ces hommes qui renient l’enfant du sexe féminin ? L’accueil du père est tout aussi important que celui de la mère. Il pose son empreinte digitale et sa marque d’amour, futur bastion de stabilité et de force aux heures creuses. La mère, quant à elle, représente l’univers. Si elle gère sa progéniture comme un facteur de vieillissement prématuré,

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l’enfant, à qui, bien sûr on refusera le sein, considérera que le monde est hostile. Une mère qui n’aime pas son enfant va mettre au monde un glaçon. Patrie ou terre d’exil, c’est la naissance qui le décide. La première terre générera les autres. Si elle est sèche, nous ne saurons pas voir les oasis. Si les yeux de la mère sont durs et les mains du père calleuses et violentes, nous éviterons les printemps de nos vies, et la marche du monde sera comme un exode insensé.

Le désir et la peur :

Pourquoi sommes-nous aveugles devant le nouveau ? Pourquoi n’ai-je pas pris cet avion vers un ailleurs qui m’appelait ? Les nuits du Sud sont, dit-on, rosées et sujettes à l’aurore boréale. Le chant du grillon rappelle la circulation des vapeurs dans les veines de la terre. Et les matins où le soleil frise à travers les persiennes, les draps de coton épais sentent la lavande et le jasmin. Terre lointaine, si loin de mes pauvres habitudes. Barrière infranchissable… Une autre fois, j’ai refusé le concours amoureux de la belle inconnue parisienne au balcon largement pourvu. C’était aussi le printemps de ma vie, et sa jupe légère laissait deviner des cuisses généreuses, prêtes à s’offrir comme un bouquet convivial. Posé là tel un pot, j’ai lorgné de travers ces expériences que je n’ai pas

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saisies. Un pot sans patte et sans fleurs qui croit que tout est sérieux dans ce bas monde, qu’il faut forcément s’engager, alors que la saison ne s’y prête pas. Si j’avais su.

Printemps léger aux mœurs sommaires, c’est le temps de goûter et de flâner. L’heure de découvrir ce qu’on ne connaît pas. La minute d’une vérité passagère mais dont l’intensité forte restera intacte au souvenir. C’est le temps où l’on dit : Et alors, Quelle importance ? ! Chacun est sensible à ce réveil soudain de la vie, mais combien peu lui donnent une suite favorable. Il n’y a qu’à regarder le fleuve humain sitôt la douce saison venue. Les femmes du Printemps se dévoilent et se dessaisissent des fourrures du froid. Elles déambulent nonchalamment sans autre but que d’être regardées. Et l’homme à l’œil moite se frotte les mains quand la mode raccourcit l’habit de Vénus. Il traque la souris et la siffle au comptoir des troquets. Elle gémit de n’être qu’une image, un soufflet excitant, mais le lendemain, elle recommence son ouvrage et conduit droit sur les rails de son érotique nature. C’est ainsi qu’au Printemps, le monde rejoue inconsciemment la grande scène primitive des temps du commencement. Sans le savoir, chacun est relié à l’attraction irrévocable du nouveau, l’appel insensé du mélange. L’amour qui explique tout.

Dans notre monde compliqué, il n’est pas aisé de rencontrer l’âme sœur. D’ailleurs, existe-t-

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elle ? Les moyens de communication n’ont jamais été aussi développés et malgré cela, les gens sont de plus en plus seuls. Mes clients se plaignent de leur solitude, mais ils ne font pas grand chose pour en sortir. Ils croient que l’amour finira un jour par frapper à leur porte. C’est une manière de croire au père Noël. Beaucoup pensent aussi qu’il est dégradant de se faire aider. Je considère qu’il n’y a jamais eu autant de moyens qu’aujourd’hui pour rencontrer des gens. Cependant, utiliser ces moyens n’est pas encore une évidence pour tous. Cela peut leur apparaître comme la preuve qu’ils ne sont pas à la hauteur s’ils n’y parviennent pas par eux-mêmes. Pour ma part, je considère que la véritable valeur d’un être ne se mesure pas seulement à ses victoires. Elle se mesure aussi par sa capacité à accepter d’avoir besoin d’aide.

C’est une forme d’humilité que j’essaye de développer chez mes clients célibataires. En les encourageant à s’inscrire dans des agences matrimoniales ou sur des sites de rencontres Internet, je les aide à faire le premier pas. Ensuite, il faut désamorcer les croyances négatives relatives à ce genre de démarche : ça ne marchera jamais ; je n’y connais rien à l’informatique ; je fais trop de fautes d’orthographe ; mes copines m’ont dit que ; y a que des obsédés sur ces sites… En réalité, beaucoup de gens réussissent leur démarche de rencontre, mais l’expérience montre que cela dépend beaucoup de leur façon de penser et de

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vivre. Et puis, une fois de plus, on ne peut pas savoir jouer du piano sans méthode. Messieurs, il y a vraiment des trucs à connaître pour frayer son chemin. Les gens prospères sont toujours ceux qui savent demander des conseils… et les appliquer.

Le grand nettoyage de printemps :

Le Printemps est le grand rituel de passage. Il marque l’avènement de la Lumière après l’obscurité de l’Hiver. On savait, il y a longtemps, marquer les phases existentielles par des rites symboliques. Ceux-ci permettaient d’assurer les ponts délicats et transitoires de la vie tels que l’adolescence et la retraite, la maternité et la paternité, sans oublier la naissance et la mort. Les rites n’ont plus cours de nos jours et leur absence met notre civilisation en dangereux porte-à-faux. Résultat, les jeunes ont peur. Il semblait important aux anciens d’insister lourdement sur les phases transformatrices de la Nature. C’était essentiel, pour eux, à la bonne intégration du processus. Je ne m’étendrai pas sur ces rites dont on trouvera la description, toutes cultures confondues, dans les meilleurs manuels ethnologiques. Je souhaitais simplement rappeler l’importance des rituels à l’archaïsme nécessaire et parfois théâtral.

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Il y a donc un temps pour nettoyer les écuries et les malles à chapeaux. On l’appelle le grand nettoyage de printemps et c’est un rituel. Tout ce qu’on a rassemblé durant le cycle précédent doit être sorti et trié à l’air libre de la douce saison. Il fait encore assez frais pour ne pas suer sang et eau, mais le temps presse et le travail n’attendra pas les grandes chaleurs de l’Eté. C’est maintenant qu’il faut balayer la grange et vider le grenier. C’est la folle épopée du Printemps. Elle donne envie de vivre et de tenter l’aventure. En jetant ce qui doit l’être, en vendant ce qui peut encore servir, et en gardant le strict nécessaire, on s’assure de beaux jours. Le Printemps doit faire de la place. Il va en falloir pour laisser venir le nouveau qui s’annonce déjà. Faire de la place n’est pas chose aisée. Quel que soit le domaine concerné, le Printemps de la vie impose des changements drastiques. En jetant les vieilles lettres au canal, et en congédiant les sacs à mulets, la route est plus légère. Depuis combien de temps n’avez-vous pas fait de tri dans vos amis ?

Vers un jardinage relationnel :

La relation, c’est comme un potager, il faut s’en occuper. Or, nous passons notre temps à nous ennuyer avec des gens qui, en retour, s’ennuient avec nous. Regardez toutes ces personnes qui se

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réunissent uniquement parce qu’elles sont de la même famille. Nous connaissons tous ces repas trop longs au cours desquels on entend toujours les mêmes blagues ou les mêmes slogans. Ça ronronne et ça radote des histoires identiques depuis des siècles et des siècles. On croit injustement qu’un lien familial doit automatiquement engendrer de bonnes relations.

Souvent, la peur du rejet engendre les mauvais compromis. En effet, il est psychologiquement difficile de rompre avec la famille, tout ou partie. Et la plupart du temps, ce n’est pas nécessaire, fort heureusement. Mais si les relations deviennent douloureuses ou relèvent de la torture morale, voire du harcèlement, à quoi bon insister et forcer les choses ? Même si cela provoque une culpabilité énorme et la peur d’être définitivement isolé, l’expérience démontre que nous finissons toujours par trouver notre vraie famille ainsi que Jésus nous l’a enseigné dans l’Evangile. Un jour qu’il parlait près du Jourdain devant une grande foule, on vint lui annoncer que sa famille venait d’arriver et qu’elle souhaitait être à ses côtés. Il répondit que sa famille était déjà là, et que c’était tous ceux qui appliquaient la parole de Dieu…

Avec les amis, c’est la même chose ; on croit toujours qu’il n’y a qu’eux au monde. Cette croyance nous entraîne à taire ce que nous pensons vraiment par crainte d’être rejetés.

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Amorcer son printemps, c’est donc aussi dresser la liste de tout ce que nous n’avons jamais osé dire à certaines personnes, et le faire finalement. Si elle est accomplie avec tact et sans lourdeur tragique, cette démarche n’est pas forcément vindicative. Car les gens honnêtes apprécient de s’entendre dire ce qu’ils ne pouvaient deviner par eux-mêmes. Pourquoi ne m’en as-tu jamais parlé ? Ceci est à la base de toute communication efficace6. C’est pourquoi en communiquant son ressenti sans incrimination arbitraire, on ne perd pas toujours l’affection de ceux à qui on a quelque chose de déplaisant à dire. Si c’est le cas, on n’a rien perdu.

Autre registre d’assainissement, le contrat marital. Quand on se marie, on n’épouse pas une personne, mais une tribu entière. Partant, il est donc difficile de se disputer tranquillement dans un couple. Si ce n’est pas beau-papa qui s’en mêle, c’est belle-maman. Que ces personnes soient absentes, géographiquement éloignées ou même décédées, cela ne change pas grand-chose car : Il y a un fantôme sous chaque dent ! disait ma grand-mère.

C’est pourquoi le printemps du couple, c’est aussi la témérité qui sait faire face aux assauts des monstres familiaux. C’est ta mère ou moi ! Pauvre citronnelle. Croyais-tu épouser un prince au joli mois de Mai ? Il ne faut pas se marier au temps de

6 Les relations durables, Gérard Apfeldorfer

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la Vierge, ça porte malheur. Tradition ancienne que les anciens comprenaient. Le Printemps est volage et n’est pas encore mûr pour les choses sérieuses. C’est encore trop jeune. On doit attendre l’été de la vie, être disponible seulement à l’expérience, et puis espérer en la moitié d’orange bénie qui viendra bientôt. En signant précipitamment les parchemins d’un été qui n’est pas encore là, on brûle les étapes. Et Icare s’effondre pour avoir voulu monter trop vite et trop haut. Brûler ses ailes, c’est ne pas avoir vécu sa jeunesse. Ne pas avoir flirté suffisamment avec la vie.

Quitter son histoire personnelle :

La thérapie selon les anciens est très différente des formes conventionnelles. On s’en rend compte lorsque, après des années d’analyse, on finit par tourner autour d’une gamelle que l’on connaît par cœur. C’est un bla-bla mental qui, finalement, ne change pas grand-chose à nos difficultés. Disons que l’on se connaît mieux, ce qui n’est déjà pas si mal. En revanche, lorsqu’il s’agit de viser la transformation, l’accompagnement thérapeutique implique un autre positionnement. Il va falloir laisser de la place. Accepter de disparaître momentanément et résister à l’envie de modeler le client à sa propre image ou à celle d’une théorie quelconque. Ne pas chercher non plus à lui

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épargner les erreurs que l’on a cru commettre soi-même. Seulement suggérer pour qu’un sens émerge en son temps. Patienter inlassablement.

Il m’a fallu beaucoup désapprendre pour être capable d’appliquer cela, et c’est exactement ce que réclame l’énergie du Printemps dans la vie d’une personne qui veut se remettre en question. Les vieilles barbes de notre histoire passée doivent mourir pour que naisse une conscience régénérée par la nouveauté. Nous verrons comment cela se déroule au chapitre de l’Automne. Les souvenirs du passé conditionnent notre quotidien, comme des fantômes récurrents orchestrant notre manière de construire le présent et ce, même lorsque nous avons suivi un parcours thérapeutique. Ce problème s’explique par l’approche partielle des thérapies, ignorant dans leurs cliniques la dimension quantique de l’être humain. En se limitant uniquement à une investigation psychologique, le thérapeute analytique peut passer à côté d’une réalité plus profonde, et empêcher ainsi son client de contacter des espaces intérieurs de plus en plus vastes7. Ceux qui détiennent précisément la solution à son problème.

Certaines approches psycho-corporelles ont pourtant intégré l’idée de conscience cellulaire, mais quelquefois de façon insuffisante. Trop rationnelles dans leur approche, elles se servant du corps

7 Une nouvelle thérapie sensitive , Jean Malher

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comme un simple indicateur d’émotions. Elles pourraient aller beaucoup plus loin en ouvrant un accès à la nature superlumineuse du corps. Cette théorie relativement récente invite les biologistes et les physiciens à se rejoindre après des années de mépris mutuel. On considère à présent que la conscience ne peut plus être localisée uniquement dans le cerveau, mais répartie à l’ensemble des molécules du corps à la manière d’un hologramme. Une façon de rejoindre la pensée des anciens lorsqu’ils affirmaient que tout est dans l’Un, et un dans le Tout. On pourra consulter, pour de plus amples informations, les livres du Pr. Régis Dutheil8, ceux du psychologue Stanilslav Grof9 ou encore cette formation de psychologie transpersonnelle occidentale.

Ce cheminement est mystique. Il dépasse la dualité corps-esprit. On le retrouve dans diverses traditions. Amener le client à faire l’expérience de cet ailleurs-en-soi qui élude tout raisonnement, coïncide avec ce que les chamans entendent par quitter son histoire personnelle10.

L’homme s’identifie à l’éducation qu’il a reçue. Il l’a remet rarement en question. Elle

8 L’homme superlumineux et La médecine superlumineuse , Pr. Régis Dutheil, Brigitte Dutheil 9 Voir note 6.10 Voyage à Ixtlan , Carlos Castaneda, Editions Gallimard folio, 1988.

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l’influence durant parfois toute la durée de sa vie. Or, il y a un renouvellement réel dans la Nature. L’arbre de l’année dernière n’est plus celui de cette année. Il est différent. Il a changé. A ce qu’il me semble, je crois que c’est ce que préconise le développement personnel. Et d’une manière plus générale, c’est ce que réclament les gens. Le problème est de leur faire entendre que ce changement nécessitera une mutation, ou encore une transmutation, dont ils sont prêts à accueillir l’idée, mais pas toujours les résultats concrets. En fait, ils veulent changer en restant les mêmes, ce qui est un non-sens à la fois compréhensible, légitime, mais aberrant. C’est la fameuse histoire du beurre et de l’argent du beurre, ou de cette cliente qui se plaignait de solitude, et passait son temps à agresser les autres pour les faire fuir.

Pour changer, il va falloir y laisser des plumes. La Nature le démontre chaque année. C’est une loi incontournable. Si l’on veut changer, il va falloir se dépouiller comme un oignon. Perdre ses vieilles feuilles avec confiance, et bien sûr, passer par l’Hiver. Une attitude qui tourne résolument le dos au passé comme des pages que l’on arrache d’un cahier qui a trop servi. Je crois que c’est cela qui est le plus dur. Et les gens le sentent inconsciemment quand ils stoppent leur thérapie au moment où celle-ci se met à fonctionner.

Si nous ne désobéissons jamais aux usages acquis, nous sommes incapables de nous laisser

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toucher par quelque chose de neuf. Les thérapeutes qui ne sortent jamais de leurs ornières théoriques, peuvent entraîner des fixations psychologiques ou comportementales graves chez leurs clients les plus malléables. Au même titre d’ailleurs qu’une personne qui ne remet pas en question la toute-puissance de son éducation, et la retransmet à ses propres enfants sans discernement. Pour favoriser chez son client une ouverture vers l’inconnu, le thérapeute a sans doute besoin lui aussi d’accepter l’inconnaissabilité qui se présente à lui. Accueillir l’émergence d’un étonnement, même si cela dément ses acquis personnels. Quelque chose qui présente les signes incontestables d’une nouvelle génération. Renaître à soi-même.

Le grand silence intérieur d’un thérapeute accompli, lui permet d’utiliser une totale créativité au profit de son client, au-delà même de tous les repères cliniques ordinairement admis. Un bon thérapeute est donc, à mon goût, un artiste (et non un technicien) qui sait utiliser sa spontanéité intuitive, même quand celle-ci lui suggère des attitudes ou des actes peu orthodoxes. Cette inclination autorise la gestion d’un espace thérapeutique où le nouveau prend toute sa signification.

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L’éloge du simple :

Le passé est mort et ne reviendra plus. Quelquefois, il me suffit de répondre au doute d’une personne par un Et pourquoi pas ? pour voir immédiatement s’illuminer son visage, preuve tangible que l’énergie a bougé dans son corps, et qu’un nouveau printemps se dresse en elle en criant son nom. Bonjour, je m’appelle Possible !

Le possible des uns est l’extravagance des autres, et c’est pour cela qu’il est possible. Je m’étonne toujours de constater le succès d’artistes étrangers capables de vendre à des milliers de dollars des œuvres que je qualifierais volontiers d’indécentes, mais que d’autres s’arrachent avec ferveur. Tel ce génie japonais qui vend des étrons frais dans des boîtes de conserve cabossées et mises ensuite sous cloches de verre… Succès international pour les uns, signe de déchéance pour les autres. Comme quoi, mon ami avait raison de faire avec ce qu’il avait déjà. Comme quoi, les plus grandes idées sont souvent aussi les plus simples.

Atteindre l’essence du bonheur naturel demande une simplification. Quelle que soit la discipline envisagée, cela dénote toujours qu’une évolution notable a eu lieu. On connaît bien à ce titre le geste précis et efficace du vieil artisan qui opère avec peu de choses, et toujours dans l’extrême sobriété du mouvement. Son art frôle alors le sacré et lui fait rejoindre les cimes du

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contemplatif. Ce dernier, touché par la même grâce, cherchera lui aussi à simplifier sa pratique. Progressivement, les rites extérieurs le fatigueront. Ce ne sera pas dû à la paresse mais à une inadéquation imposée par le dedans. Certains religieux accoutumés aux états extatiques sont parfois contraints de partir en ermitage, car il leur paraît soudain insupportable de participer à des rites réguliers. Le passage de la complexité à l’essentiel peut s’avérer douloureux, mais il ne saurait utiliser une autre voie que celle de la simplicité.

Bienheureuse surprise :

Si la Nature prend son temps, il nous faut à nous aussi une période creuse avant le retour de la chaleur printanière. Dans notre civilisation, nous ne sommes pas habitués à attendre. Nous remplaçons rapidement ce qui est démodé et voyageons à des vitesses qui nous empêchent d’être présents à ce que nous faisons. Une des origines de la souffrance tient dans cette ignorance moderne du temps nécessaire au changement. Comme au niveau de la vie humaine, ce temps est indéfinissable et relatif, nous sommes contraints de nous en tenir aux signes annonciateurs du renouveau. Le fameux printemps de l’histoire. Or, si l’on a eu le malheur de s’habituer à l’hiver, ou bien de le considérer comme

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un état fixe ou une fatalité, on va certainement ignorer le cycle suivant, et tous les autres ensuite. Notre vie ressemblera alors à une épreuve qui n’en finit jamais et qui se renouvelle perpétuellement.

On a beaucoup parlé des signes depuis l'excellent roman L’alchimiste11 de Paulo Coelho, mais faire une religion des signes est, selon moi, aussi inefficace que d’aller pêcher le gardon en haute mer. On risque de remplir ses filets d’amertume. De plus, traditionnellement, l’oracle est un nectar précieux qui distille sa précieuse liqueur seulement aux nez raffinés. Se mystifier soi-même est donc courant dans les coulisses d’un certain new-age, toujours prêt à transformer à la hausse le moindre événement anodin. Dans ce domaine, même avec la plus grande prudence, il est difficile de faire la part entre ce qui vient à moi spontanément, et ce que je provoque inconsciemment parce que j’en ai envie à tout prix. Le seul moyen de ne pas se tromper - si l’on peut dire - est donc de miser sur la surprise.

Quand nous sommes surpris, c’est le signe que quelque chose vient nous cueillir dans nos retranchements. A contrario, quand nos expériences semblent identiques, il y a fort à penser que nous en sommes les seuls acteurs. Les contextes déjà vécus sont en effet très rassurants même s’ils sont synonymes de souffrances. Nous

11 L’alchimiste , Paulo Coelho

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préférons une douleur bien connue parce que nous en connaissons déjà l’issue, plutôt qu’un bonheur dont l’ambiance nous mènera vers un ailleurs plein d’hypothèses. C’est tragique mais si humain. Le chien battu ne s’éloignera jamais de son maître, et l’on sait bien que les enfants maltraités finissent toujours par trouver cela normal. Plus tard, quand le train de l’amour printanier s’arrêtera devant eux pour les emmener au paradis terrestre, ils refuseront de monter dedans, préférant courir après les trains en marche qui ne s’arrêtent jamais.

Les sages disent que le ciel déverse sur nous des montagnes de cadeaux. Qu’il passe son temps à nous proposer le plateau de l’abondance par le langage des signes communs à toute l’humanité. Mais, dédaignant le geste, nous préférons baver devant les reality shows ou regarder les belles maisons que nous ne pouvons pas nous offrir.

Armure ou cuirasse, prenez vos tickets ! ?

Parlons des défenses et des armes qui les sanctionnent. Nos printemps successifs sont arrêtés dans le cours naturel de leur évolution à cause des barrages que nous construisons pour nous défendre. Sans le savoir, nous court-circuitons la bonne marche des événements et des rencontres qui sont censés favoriser notre développement

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personnel. Ceux-ci étant synonymes de changements, les laisser traverser notre vie signifierait que nous accepterions de changer nous aussi, ou bien d’être changés par eux, ce qui veut dire la même chose. Aussi, sommes-nous des êtres contrariants et peu flexibles. Quasi-incapables de faire preuve d’adaptation. Les croyances négatives sur la vie que nous devons à nos blessures sont si implantées, que nous résistons à tout ce qui pourrait les menacer. Et quand un nouveau printemps pointe le bout de son nez, nous mettons tout en œuvre pour saboter le prompt déroulement de l’inattendu qu’il annonce. En d’autres termes, on appelle cela cracher dans la soupe.

Sans nous en rendre compte, nous marchons entourés de fils barbelés. Le premier inconnu qui s’approche a forcément une sale gueule et mérite de s’électrocuter contre la palissade minée qui nous sert de visage. Une thérapie peut aider au repérage de nos systèmes de défense. Ces mécanismes qui sont tenus de nous protéger contre les agressions du monde extérieur, et que nous avons tendance à ériger en qualité, sont aussi nos propres tombeaux. L’autre est dangereux. Face à ce constat, plusieurs solutions s’offrent à nous.

Il y a l’absent. Vous me voyez mais je crois le contraire. Il va longer les murs, regarder ses godasses et se faire aussi petit que le microcosme de Dante. Voulez-vous lui parler qu’il faudra prendre rendez-vous, car il ne passe jamais deux fois au

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même endroit de peur d’être repéré. Et s’il vient, il sera tellement en avance pour sonder les lieux, que si vous arrivez deux minutes en retard, il sera déjà parti prétextant que vous l’avez oublié.

Il y a le souriant. Il sifflote et paraît toujours content. Fait mine de s’intéresser aux monuments et ne manque pas de fouiller dans sa poche quand vous le regardez de trop près. Tout le monde voit que j’ai l’air en sécurité dans ce monde parfait. En réalité, il pense le contraire et c’est pour cela qu’il est toujours d’accord avec vous. Comme il est aimable et poli ! Surtout avec les gens agressifs avec lesquels il ne risquera pas la confrontation.

Il y a le rigide. Avec une destination en tête, il s’efforce de montrer qu’il va quelque part. Il ne regarde ni à droite, ni à gauche, incapable de changer de plan en cours de route. Je suis occupé, moi ! Il ne reconnaît personne car le danger serait grand de devoir s’arrêter pour dire bonjour. Ses lunettes de soleil justifient sa cécité. Même en pleine nuit.

Il y a le méchant. Il fait peur à voir. Sa démarche dénote de sa force, du moins aimerait-il qu’on le croie. Il provoque du regard, ne cède aucune parcelle de son trottoir. Il terrifie autant qu’il est terrifié. Je vous déteste tous. En fait, il refuse d’avoir besoin des autres et ne saurait recevoir l’affection qui lui a tant manquée autrefois.

Il y a le crade. Il crache par terre et se gratte les parties en public. Empestant sous les bras et

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revendiquant la grève de la brosse à dents, on ne saurait l’aimer bien longtemps. Je vous emmerde et ça vous apprendra. Quoi de meilleure protection que la puanteur ! Même les chiens lui foutent la paix.

Il y a le cool. Rien ne l’arrête. S’assoit sur les parcmètres, pisse sur les camélias de Monsieur le Maire, et met sa musique à donf pendant que vous vous efforcez de faire la sieste. Yo man ! I am in-destructible ! Il vous glisse entre les doigts, le joint au bec, et vous pouvez toujours courir derrière parce qu’il est en skate et vous à pieds.

Il y a le snob. C’est un monde, que dis-je, un univers entre lui et vous. Il est si haut et vous si bas. Les vicissitudes de la lie sociale ne concernent pas ce noble au regard froid. Le rictus de sa bouche est particulièrement significatif du dégoût que vous lui suscitez. Sauf quand vous l’aidez par hasard à remplacer une roue de voiture qu’il ne saurait toucher. Tenez mon brave pour votre peine !

Il y a la star. Il faut qu’on la regarde. Elle est si belle et indispensable au décor. Elle prend toute la place parce qu’elle est le monde entier. Son numéro est si bien rodé que vous tomberez sous son charme, dût-elle en mourir. I want be loved by you. Caméléon des sentiments, elle saura trouver chez vous la corde sensible et vous la jouer symphoniquement.

Il y a l’idiot. Pour qu’on le laisse tranquille, il ne comprend jamais rien. Même son prénom

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l’étonne. On ne peut rien lui demander car sa tête est plus creuse qu’un gymnase. Les sons s’y étouffent et vous confondent. Vos idées sont pour lui des mots croisés sans cases noires. Tu vois bien que je n’en vaux pas la peine.

Enfin, il y a le bavard. Il a bien compris qu’en saoulant les gens, il se fait détester. Le problème est qu’il ne s’en rend pas forcément compte. C’est une encyclopédie vivante qui déverse sur vous les douze tomes de la vie du Général De Gaulle le temps d’acheter un paquet de clopes. C’est un hypnotiseur qui vous endort. Fais dodo Colas mon p’tit frère…

Ces quelques personnes, dans lesquelles nous pouvons tous nous retrouver, ne sont pas authentiques. Elles jouent ce rôle depuis l’enfance parce qu’elles n’ont pas eu d’autres choix. La plupart du temps, nous n’avons plus besoin de ces carapaces. Ce qui était vrai jadis ne l’est plus maintenant. En faisant l’expérience de tomber les masques et de fondre les armures au creuset du Printemps, on peut vivre l’expérience d’une nudité salvatrice. Au risque de choquer, j’affirme que la sécurité suprême est la vulnérabilité. Une vulnérabilité consentie.

Le fer attire le fer et l’enclume le marteau. N’avez-vous pas remarqué comme l’on fait très attention aux tout-petits qu’on croise dans la rue ? Le monde prendra donc soin de celui qui marche tout nu. Vulnérabilité n’est pas égale à fragilité.

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L’arbuste qui devient un chêne le prouve. Il y a un proverbe chinois qui dit que l’homme le plus fort n’est pas celui qui ne tombe jamais, mais celui qui se relève le plus vite. En somme, on n’est jamais aussi fort que lorsqu’on accepte vraiment ses faiblesses.

****

Après l’attente du long Hiver, les choses s’amorcent enfin. En acceptant le nouveau par intuition ou parce qu’il s’est imposé à nous, il va falloir le chérir et le protéger. Tout est encore en friche au Printemps. Les nombreux périls du chemin sont des menaces mortelles pour les âmes en chantier. Ces huiles essentielles si volatiles qu’à la moindre secousse, elles rendent l’esprit si chèrement acquis. Ce n’est pas le moment de lâcher le morceau. Si le Printemps est facile, les racines sont encore trop jeunes pour s’abandonner à la sérénité de l’âge. Il faut à l’effort redoubler de constance. Ne pas s’arrêter, et considérer les premiers signes comme autant d’encouragements. Vigilance et prudence sont les mères-vertus du Printemps. La pitance est bonne mais la concurrence est grande. Courir au soleil et aux étoiles procure une force aveugle aux faibles, mais, les autres printemps voudront aussi leur part, et nous devrons nous défendre.

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Finalement, on peut induire l’idée que le printemps humain n’est pas seulement un univers de changement radical . Il est aussi une paire de lunettes que nous enlevons parce que des signes nous y invitent et surtout nous y autorisent. Ces signes sont des appels du destin, des synchronismes évidents, des rencontres bouleversantes à en perdre les bras, des possibilités de nous montrer sans nos habits de clown. Le signe véritable est la formule de l’attraction terrestre qui tombe sur la tête de Newton durant son sommeil. Une surprise onirique. Un appel tangible de la Nature, aux formes étonnantes, qu’il convient à chacun de rencontrer par soi-même. Le souffle du renouveau s’adresse à nous dans la langue verte12 des cabalistes du Moyen Âge, que seul le décodeur naturel de notre innocence sait traduire. Cette innocence est ancestrale, elle est la science des sciences et plus puérile qu’un jeu de bois. Si nous retrouvons la candeur de nos débuts et déposons notre cœur dedans, la formidable aventure de notre vie ne pourra plus jamais rater le moindre printemps.

12 La chevalerie amoureuse , Pierre Dujols

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Eté

Au commencement était le Verbe. Puis vint la lumière. De celle-ci la chaleur et finalement le feu. Dans cette chaîne ininterrompue, l’énergie divine a parcouru le cycle descendant, et sur la Terre, tous les êtres ont grandi. La volonté du Ciel s’est faite chair et tout fut créé. Plénitude, accomplissement, zénith, l’Eté nous apporte la récompense à nos efforts. Le sommet après l’ascension difficile de la jeunesse. Une nouvelle idée va jaillir et resplendir au firmament de la Nature ; la beauté.

L’Eté est un pic pour l’existence. Un cap. Un état presque stable. On se trouve à l’apogée d’un processus évolutif qui trouve sa limite, et qui doit se préparer au déclin qui s’annonce. Oh non, déjà ? Je venais à peine de le rencontrer ! Tragique aveu devant le mutable destin. Plainte chétive face au grand mouvement giratoire des saisons. C’est qu’il y a une fin à tout, mais au sommet de sa propre gloire, on peut vouloir ignorer l’usure irrévocable du temps. Un succès qui s’arrête. Le terme du voyage.

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C’est donc encore dans cette sagesse des saisons que nous allons trouver les repères nécessaires pour nous guider. Des mouvements parfois imperceptibles et qui peuvent échapper aux investigateurs aveugles. Car il est bon de rappeler que l’été de la vie peut avoir plusieurs visages et se présenter plus d’une fois au cours de l’existence. Cette remarque qui vaut pour les autres saisons, prend pourtant ici un relief particulier, tant l’Eté est marqué du sceau de l’abondance. Notons que cette abondance peut se vivre également de l’intérieur, et ne pas correspondre forcément à l’opulence matérielle. En effet, la richesse spirituelle qui survient après un long travail de maturation donne au sage des fruits plus goûteux que ceux des vergers estivaux, même s’il neige dehors… Mais qu’advient-il si nous nous laissons griser par les effluves d’un bonheur qui tarde à mûrir ?

Vivre imparfait :

Aidez-moi à être parfait monsieur le thérapeute ! Grand Dieu ! Que puis-je répondre à cela si ce n’est proposer une balade au parc du coin, et dire à mon client : Montre-moi ici quelque chose de parfait ! Des nœuds, des creux et des bouts tordus.

Nous sommes pour la plupart blessés ou abîmés. Or, pour qu’une plaie guérisse, il faut la

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laisser à l’air libre. L’admettre. La Nature est un grand médecin et la lumière répare. Je me souviens d’une séance de thérapie au cours de laquelle il me fallut bercer une cliente qui, semble-t-il, ne l’avait jamais été. Elle avait passé des années en analyse sans compter les stages et les formations. C’était une personnalité solaire, intelligente et sincèrement lucide, capable d’expliquer le moindre de ses schémas psychologiques. Cependant, en elle vivait un bébé délaissé dont on pouvait entendre les gémissements lointains s’élever imperceptiblement. Il lui fallut beaucoup de temps et de courage pour accepter cela. Elle qui était devenue une grande adulte bien raisonnable, fière de sa réalisation personnelle, solidement ancrée dans la vie, possédait en elle la blessure fondamentale qu’aucune théorie n’aurait jamais soulagée. Pour calmer l’enfant, je l’ai serrée contre moi et me suis transformé en louve. Elle a pleuré longtemps. Le temps qu’il faut au bébé pour trouver naturellement le besoin d’aller à nouveau galoper au-delà du jardin. Elle m’a lâché comme rassasiée. C’était ce qui lui manquait. De tout temps, du plus loin de sa venue au monde. Sa joie est revenue et elle a brûlé ses cahiers.

A travers cet exemple, on peut comprendre la valeur considérable du toucher thérapeutique13. Parfois plus agissant que les mots. La main parle le

13 Le toucher libérateur , Jean-Louis Abrassart

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langage commun à toutes les espèces. On peut soigner n’importe quoi, même une pierre, avec les mains de l’amour. Personnellement, je ne m’autorise pas toujours à toucher les autres parce que j’ai les mains froides. Je pense que cela est forcément désagréable, ce que l’expérience a pourtant démenti maintes fois. C’est ma blessure. Cependant, toucher quelqu’un, malgré l’interdit psychanalytique, est une expérience rare qui n’est pas systématiquement corporelle. Je peux toucher avec mes yeux, avec mes mots ou avec tout mon être. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’une personne nous a touchés, par exemple à l’occasion d’un présent reçu ? Les animaux se lèchent et se frottent. Toute la Nature est en contact incessant. Le toucher est une langue universelle comprise par tous les genres vivants de la création. La qualité du toucher nous permet cet échange ineffable avec tout ce qui respire. Etre en relation signifie toucher. Etre incarné signifie sentir le frottement de la vie contre nous. Quand nous avons le courage de montrer nos bosses, nous devenons alors disponibles à tout et à tous. Comme ce fruit pas beau mais plein de soleil qui n’attend que la main du cueilleur pour illuminer ensuite son palais.

Dans notre société progressiste, la quête de perfection nous idiotise. A bien y regarder, les fruits les plus goûteux sont ceux qui ont des taches. Quand je vais au supermarché parce que j’ai perdu ma capacité à me baisser, je regarde ces jolies

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boules de billards bien lissées qui portent le nom douteux de tomates, mais dont le goût insipide, une fois dans mon assiette, trahira leur beauté. C’est ainsi qu’il nous est proposé de vivre aujourd’hui. Comme des boules de billard bien lissées.

Tu la montres ta croûte ou pas ? Quand j’étais petit, j’avais des bleus plein les jambes et je me moquais pas mal de ma coupe en bol et des croquignoles séchées de mes yeux matinaux. C’était le temps où le nombre de billes dans mon cartable comptait plus que ce que pouvait penser la concierge de mon immeuble. Un temps où je savais encore m’asseoir par terre sans mettre une couverture sur le sol. L’Eté, on allait dans l’eau, et ensuite on se roulait dans le sable. Que nous importait de ressembler à des poissons panés et d’avoir du goémon plein la raie des fesses. C’était le temps naturel. On n’avait jamais froid. On n’avait jamais chaud. En contact direct avec les grands courants de la vie qui donne le La sans jamais se tromper. Telle est la sagesse de l’enfance, naturellement reliée aux saisons.

Paradoxe de la jouissance :

J’ai parlé d’anticipation au chapitre précédent. Ici, plus que jamais, cette qualité va nous apprendre à vivre au présent… mais sans oublier demain. Ce qui constitue en fait un

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paradoxe. Comment, en effet, associer nonchalance et profit de l’instant, tout en restant vigilant ? Jouissance et plaisir sont pourtant les mamelles de la saison chaude. Mais dans l’éphémère moment de volupté, on peut en oublier le temps et sa course irrémédiable. On peut vouloir jouir encore et plus, sans pondération. C’est alors que survient le dangereux changement, catastrophe imprévue du destin qui fait parler la fourmi de notre enfance : Et bien chantez, maintenant !

Le succès est grisant, tout le monde le sait. L’escalade monstrueuse de l’ambition a conduit l’humanité vers des comportements autodestructeurs. Que ce soit au niveau écologique ou psychologique, on mène aujourd’hui sa barque aux dépens de toute éthique élémentaire. Dans les milieux artistiques, par exemple, on construit des vedettes artificielles. Promues dès leur découverte à des carrières instantanées, elles bénéficient d’une célébrité non conforme à leur valeur réelle. Fleurs éparses que la moindre brise effeuille, et premières victimes de leur naïveté, elles seront bientôt remplacées par de nouveaux produits plus en vogue et financièrement porteurs. Que reste-t-il de nos amours ?14 Le pâle souvenir d’un été plus rapide que les autres. Mais le mal est déjà fait pour ces Narcisses prématurément révoqués, et qu’on retrouve bientôt nantis de mort, tapis dans l’oubli.

14 Que reste-t-il de nos amours, Charles Trenet, 1942.

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La stabilité n’est plus de ce monde. Tout change, tournoie et mute à la mesure des tumultes mondains. A grand coup de spots publicitaires, on fabrique de la gloriole en série. On affiche, comme si l’Eté durait toujours, l’éternelle star de demain. On oublie ceux qui travaillent dur depuis longtemps. Ceux qui ont appris, et qui se sont formés. Ceux qui, en fait, mériteraient leur été. Misérables devant la pauvre reconnaissance qu’on leur accorde. Malheureux mangeurs d’une soupe à la grimace qu’on leur sert. Dépités au fait du génie qui les anime et n’est pas entendu. Cette époque, dus-je radoter, nourrit ses vases de fleurs plastoc, et ne prépare pas les vieux jours du talent. Que vaut donc, dans ce cas, une jouissance imméritée ?

Récolter une vie responsable :

L’Eté n’est pas artificiel quant à lui. Il couronne l’effort passé en une célébration de justes faits et récompenses. Il a fallu de lourds sacrifices à la jeune graine pour accéder au soleil après les couloirs de la terre. C’est d’ailleurs ce qui lui confère force et honneur. La droiture d’une vie bien réglée et conforme à l’universelle harmonie. A cet instant béni, notre cœur se tient prêt pour la moisson. Porteurs de la connaissance naturelle, et dans la sécurité d’un moment bien choisi, nous pouvons récolter.

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Des récoltes, j’en ai connu. De toutes sortes. Les hautes et les basses. Et chaque fois, l’incontournable interrogation : Pourquoi moi ? La Nature nous amène à ne pas répondre immédiatement à cette question, mais à constater d’abord le malaise que celle-ci engendre. Nous prenons le problème à l’envers chaque fois que nous essayons de nous soustraire à notre entière responsabilité. Quand nous nous posons en victime, ou quand nous séparons les choses en mettant de la distance entre elles et nous, nous ne pouvons pas comprendre ce qui nous arrive. On constate aujourd’hui un regain d’intérêt pour la prise en charge. On cherche chez l’autre la cause de ses propres tourments. Quoi qu’il arrive, il faut un responsable, mais ce n’est jamais nous.

Le téléphone sonne.- Bonjour Monsieur le thérapeute.- Bonjour Madame.- Puis-je vous poser une question ?- Bien sûr, je vous écoute.- J’aimerais savoir quelle est la différence entre un psychiatre et un thérapeute ?- L’un est médecin, l’autre pas forcément.- Ah, donc vous n’êtes pas médecin ? !- Non Madame.- Ah… mais comment travaillez-vous exactement ?- Et si vous me posiez la vraie question qui vous préoccupe, Madame ?- Faites-vous des feuilles de remboursement ?

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Notre santé est notre patrimoine. Elle nous appartient. Notre état psychologique est une affaire personnelle. Je ne crois pas qu’il y ait deux médecines à deux vitesses, comme on l’entend dire souvent. Il y a seulement deux catégories de personnes. Celles qui assument leurs responsabilités, et celles qui ne les assument pas. Quand on prend en charge sa santé, physique et psychologique, on s’aperçoit qu’on devient capable, et de changer, et de guérir. Tant que nous considérons la maladie et la dépression comme des facteurs extérieurs, nous ne pouvons pas aller mieux, même pris en charge à cent pour cent. La maladie et la dépression sont des signaux indiquant que quelque chose est en train de bouger en nous. Que quelque chose parle dans notre profondeur et veut être entendu.

Ceux qui veulent tout avoir sans rien donner, qui veulent qu’on les guérisse sans qu’ils aient à faire le moindre effort physique, psychologique ou financier, sont non seulement incurables, mais aveugles et désespérément sourds. Les procès régulièrement intentés contre le corps médical en sont un exemple. Les plaignants croient sans doute que rien de fâcheux ne devrait jamais leur arriver. S’identifiant à des machines qu’on répare, ils vont chez le médecin comme on va chez le garagiste. Il arrive sans doute que des négligences graves soient commises, comme dans tous les corps de métiers, mais cela ne doit pas nous faire oublier la

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question pertinente quand, malheureusement, nous y sommes confrontés. En quoi suis-je responsable de cette situation ?

C’est une question d’Eté parce qu’elle réclame le plus de luminosité possible. Une question très irritante en soi car un événement absurde n’engendre ordinairement que colère et révolte. D’un point de vue spirituel - donc vertical - tout ce qui nous arrive trouve son origine à l’intérieur de nous. Les anciens nous apprennent que le monde dans lequel nous vivons n’est autre que celui que nous voulons voir, la plupart du temps inconsciemment. Un monde à notre image. De fait, les événements qui ponctuent notre vie sont réduits à de simples conjectures. Un univers théâtral intérieur qui prolonge nos croyances relatives sur la vie et déforme notre objectivité. Nous n’avons pas conscience de ces automatismes primaires qui remontent, pour la plupart, à la petite enfance.

C’est pourquoi, devant des situations qui appelleraient bien volontiers notre décharge en responsabilité, nous pouvons trouver le courage qui permet d’assumer les choses bien au delà de ce qui se fait habituellement. Il ne s’agit pas de dire que nous avons choisi de souffrir ou qu’il n’y a jamais d’injustices. Il s’agit de renverser radicalement le questionnement et chercher à l’intérieur de soi la racine du mal. Un dicton chinois affirme à ce titre que l’idiot cherche la cause de ses problèmes chez les autres, alors que le sage s’examine lui-même.

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Je conviens que cette dynamique psychologique ne soit pas à la portée de tout le monde et qu’elle puisse facilement choquer ou révolter. Mais c’est pourtant le seul moyen de régler efficacement ses problèmes. Accéder à la maturité de l’adulte par une prise en charge totale de ses propres responsabilités. Quitter définitivement le rôle de la victime systématique. Beaucoup de gens confondent le fait d’être responsable avec celui d’être fautif ou coupable. Ce rapprochement fréquent nous empêche de trouver le chemin de l’autonomie. Etre responsable n’est pas tout prendre sur son dos. Je ne suis pas responsable de la faute de l’autre. Je suis responsable dans le fait d’être le sujet de la faute de l’autre. Ce qui n’est pas la même chose. Responsable également d’avoir participé à ce qui m’arrive et peut-être, tout au fond de moi, de l’avoir en partie provoqué ou recherché.

Les physiciens, ainsi que certains médecins, commencent à admettre l’existence de l’énergie humaine et de ses conséquences mécaniques dans le phénomène d’attraction des corps15. Cela signifie que nous sommes susceptibles d’attirer à nous des événements et des êtres qui nous ressemblent. C'est la loi d'attraction. Nos épreuves deviennent alors des appels de la meilleure partie de nous, à moins que ce ne soit l’écho de notre obscurité la

15 Les énergies vibratoires et le mystère de la vie , Dr. Hervé Staub

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plus ignorée. Quoi qu’il en soit, c’est avant tout un encouragement à nous poser enfin les bonnes questions. Des appels à la vocation parfois. Un recul nécessaire devant une vie subie alors qu’elle devrait être jouée. Une petite sonnette d’alarme qui vient nous rappeler le pourquoi de notre présence sur Terre. La cloche du préau qui tinte et ordonne le retour en classe des élèves dissipés par la récréation…

Je dois préciser, encore une fois, qu’il s’agit là d’une vision verticale de la vie, sachant qu’il est indispensable, pour le bon sens commun, de ne pas tomber dans l’exagération. Ce serait le cas par exemple en refusant de considérer l’enfant maltraité comme une victime, ou encore en faisant de ces informations une généralité froide et indifférente au regard des multiples exemples d’injustice qui peuplent le monde.

Amour d’été ne dure jamais ? :

Quand tout va bien, nous désirons que cela continue. Parmi les nombreuses causes engendrant la souffrance, le refus tient le palmarès. Il constitue la tenace expression de notre ignorance des lois fondamentales de la vie. Les bouddhistes possèdent l’antidote qui convient. Ils l’ont appelé impermanence qui est la prise de conscience que

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tout meurt un jour, et que rien n’échappe à la transformation. C’est à l’été de la vie qu’il convient de s’en souvenir.

Car l’Eté est un sourire trompeur. Il nous fait croire qu’il est éternel. Amour, gloire et beauté que d’aucuns obtiennent et d’autres non. Il nous faut apprendre à goûter du fruit quand il y en a, et ne pas pleurer durant la disette. La sagesse aidant, nous pouvons jouir du paradis offert, mais seulement pour un temps. Un instant de vie n’est véritablement gratifiant que lorsque nous avons intégré sa fin prochaine. S’enfoncer profondément dans cette réalité nous donne l’avantage sur la situation dramatique du déclin.

De nos jours, l’exemple de ceux qui parviennent au faîte d’une certaine réussite à peu de frais, entraîne les gens à vouloir leur ressembler. Sans considération pour leur vocation profonde et leurs besoins réels, ils s’imaginent pouvoir devenir n’importe qui du jour au lendemain. Un pommier a-t-il jamais produit une fraise ? Mon instructeur d’alchimie disait souvent que les gens ont la vie qu’ils doivent avoir parce qu’elle les reflète, et si on leur en donnait une autre, ils ne la supporteraient pas. Il entrait là en contradiction avec tout ce qu’on peut affirmer en général. C’est ainsi parce que peu de personnes se connaissent suffisamment bien pour pouvoir apprécier leur vie. L’insatisfaction notoire que nous cultivons envers nous-même nous rend donc prisonniers des modèles stériles que

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propose le monde. Etre à sa place semble être le seul moyen efficace pour être heureux. Mais pour cela, il nous faut arrêter de nous comparer.

Je me souviens de ce chef d’entreprise qui vint me consulter un jour, au bout du rouleau. Il se plaignait de ne jamais parvenir à exécuter correctement les ouvrages qu’on lui commandait, et se mettait dans des situations qu’il était incapable de mener à bon terme. Cela entraînait chez lui un profond sentiment de dévalorisation et il pensait tout naturellement avoir des problèmes à régler. Après quelques entretiens, il lui est apparu qu’il plaçait toujours la barre trop haut, en ne tenant jamais compte de ses limites, ni de ses goûts personnels. L’influence de son père lui avait insufflé une ambition telle, qu’il ne savait jamais s’arrêter. A la tête d’une entreprise de quinze employés, et toujours en déplacement ou dans les paperasses, il n’avait plus le temps de bricoler dans l’atelier, comme il aimait à le faire de préférence. Etant plus manuel que gestionnaire, l’envergure de son entreprise ne lui convenait pas. Il décida donc de vendre une part de ses activités à un groupe capable de les gérer. Puis il conserva près de lui trois ou quatre personnes de confiance dans le cadre d’une société plus réduite, mais conforme à ses aspirations réelles. Il retrouva le goût de travailler parce qu’il eut l’intelligence de faire coïncider les contours de sa vie avec les contours

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de sa personnalité, et cela indépendamment de la mode ou des conseils avisés de son comptable.

L’Eté est la saison difficile du discernement. Difficile parce que les apparences sont trompeuses. Tout va bien alors pourquoi s’en faire ? Le chiffre d’affaire est à la hausse. L’ambiance est à la fête et à la satisfaction des plaisirs, profitons-en… Investissons, agrandissons-nous, nous avons le vent en poupe ! Erreur et vanité. Le sage se serait calmé et satisfait du résultat déjà obtenu. Parce que le sage se connaît.

Le contentement nous manque cruellement. Toujours plus semble être le cri de guerre de ce siècle. Les révolutions légitimes d’hier font maintenant place à des revendications absurdes et inconsidérées. On ne sait plus s’arrêter à l’apogée d’une réalisation comme le préconiserait l’Eté. On veut tout manger et parfois plus que l’appétit ne le permet. Juste comme ça, parce que c’est dans l’air du temps. La répartition des richesses planétaires est catastrophique. La famine et la maladie déciment les trois quarts de la population mondiale et chose étrange, la suralimentation des pays riches est responsable d’une forte part de leur coefficient de mortalité. Les conséquences d’une telle gestion sont dramatiques pour le genre humain et conduisent celui-ci à émettre des conclusions négatives sur l’existence. Le bonheur, ça ne dure jamais bien longtemps ! Que de revers de fortune auraient pu être évités à notre époque par la

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connaissance et l’application des lois de la Nature. Tant de choses iraient mieux si nous savions partager.

L’Eté est donc paradoxalement propice à l’apprentissage du déclin. C’est justement durant ce temps de plénitude qu’il faut préparer la stabilité de l’édifice réalisé. Quel que soit le domaine de la vie concerné, pour faire durer les choses, il n’y a pas d’autre moyen que d’avoir constamment en tête le moment de la fin. En adoptant cette attitude, on a des chances de conserver durablement ses acquis. C’est un peu vieillot comme idée, mais se contenter de ce qu’on a déjà permet de le garder longtemps. Quand j’embrasse ma compagne, je pense toujours que c’est peut-être la dernière fois. Rien de saugrenu là-dedans, juste du réalisme. Cela me permet d’apprécier pleinement le présent et de continuer à alimenter cet amour qui peut prendre fin à tout moment. Une manière d’en prendre soin.

La beauté des laids :

Ô bel Eté ! Que de trésors partout au temps des grandes chaleurs. Quels médiocres présents nous offrent les clubs de vacances concentrationnaires pour riches détenus de la vie. L’Eté, c’est l’été pour tous, si chacun le veut bien. Rappelons à cet effet l’ode d’un poète antique et inconnu : Mes yeux remplis de suaves couleurs et

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mes narines encombrées de senteurs milliardaires. Je suis riche. Riche de voir, de sentir et de respirer. Vêtu de plus d’habits qu’un roi persan si je me roule dans la prairie aux herbes veloutées. Debout sur la souche de l’arbre séculaire, je contemple, rieur, les vastes horizons de mon royaume. Nature ma déesse, je suis ton nabab et ton serviteur16.

Les couleurs de l’Eté sont disponibles à qui veut bien les voir. Quand la conscience s’éveille, le monde entier devient richesse. Les oiseaux du ciel, des jouets. L’univers est en fête. Feux d’artifices et carnavals se succèdent partout. On décore sa vie et la Nature est en liesse. Le temps est venu de se faire beau car en Eté, même la Nature se pare. Qu’y a-t-il de mal à cela ? Rien si ce n’est que la beauté puisse être mal interprétée par un genre humain plus avide de superficialité que d’authenticité.

De nos jours, on décore les surfaces. On se refait le portrait comme si les rides du temps étaient inconvenantes. La beauté et les acquis matériels forment les bases de nos préoccupations, et nous cherchons à nous distinguer par toutes sortes d’artifices extérieurs ; vêtements, automobiles, attitudes, chirurgies… Qu’avons-nous de si laid ? La beauté d’une personnalité généreuse, même recouverte de haillons, ne suffit-elle pas amplement ? Celle-ci caractérise l’homme de cœur. Il est beau et attirant. On ne saurait expliquer ni

16 Archives privées.

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comprendre comment cela est possible. Il est si simple et ses attraits si légers ; mais sa présence et sa vue provoquent un indicible appel à le rencontrer, à le toucher, à l’aimer. Nous voulons tous être aimés, et nous croyons que c’est en recouvrant notre peau de jolis papiers cadeaux et de breloques, que nous séduirons la galerie. Piètre sentiment et douloureux avenir en perspective pour les dévots de la forme. L’être qui se connaît a appris à pacifier ses démons. Il ne les a pas laissés dans l’ombre de sa conscience. Il les a intégrés en lui en faisant de sa personne une unité. L’union faisant la force, ce rassemblement intérieur a produit une énergie colossale et lumineuse, perçue de tous. Comme un soleil d’été qui donne envie de rencontrer les autres et de participer à leur vie. Cet être n’est pas devenu parfait, mais l’acceptation inconditionnelle de sa nature l’a rendu meilleur. Il rayonne d’une lumière invisible aux sens mais que chacun peut percevoir subtilement. Il est beau mais sans le vouloir. La connaissance de lui-même et son voyage intérieur sont ses looks. Un tel être va susciter une admiration, engendrer une envie de lui ressembler. On va envier sa sérénité et son maintien. On va chercher à le connaître pour qu’il délivre son secret, parce qu’au fond, chacun aspire à la beauté intérieure. Malheureusement, la plupart du temps, cette recherche est maladroite car elle est braquée comme un projecteur sur l’extériorité et la superficialité.

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Par un retour sur soi, le chercheur de bonheur va découvrir ce qu’on pourrait appeler la libre circulation de l’énergie interne. C’est elle qui dépasse les limites de notre enveloppe et nous rend beaux de manière indéfinissable. C’est elle que chacun va sentir comme une puissance étrange. Comme le végétal qui laisse mûrir le fruit dont il est porteur, nous pouvons favoriser notre été personnel en déployant notre intériorité. Telle une source secrète qui fuserait du puits de notre conscience. Un jaillissement rendu possible par la confiance accordée à notre originalité et à notre spécificité unique.

La laideur des beaux :

Certaines personnes supportent mal les caves ou les greniers parce que c’est toujours là que se tiennent les monstres et les fantômes. Ceux qu’on rencontre parfois dans les rêves. Ceux dont on avait peur étant enfant. En réalité, ces monstres ne sont ni plus ni moins que des facettes non reconnues de nous-même. Leur donner une forme hideuse nous évite de les rencontrer. Nous les refusons car ils ne sont pas conformes à l’image que nous nous faisons de nous. C’est pourquoi ils nous apparaissent aussi repoussants. Pourtant, ne nous y trompons pas, nous les rendons visibles à

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autrui, sans nous en apercevoir. Nos comportements mal adaptés trahissent leur présence. Pour ne pas les assumer, nous préférons les projeter sur les autres, maculant ainsi le monde extérieur de nos propres tares. Alors, encore une fois, nous devenons laids, malgré nos déguisements.

L’intériorité a toujours fait peur parce qu’elle est associée à la nuit et à la profondeur. Rester à la surface des choses nous permet d’éviter la descente vertigineuse vers le centre de nous-mêmes. L’endroit qui contient notre vérité et nos mensonges. La grotte où se cachent nos secrets les plus intimes. Les réalités que nous ne voulons pas admettre. Pourtant la profondeur recèle aussi nos potentialités cachées. Des énergies que nous ne laissons pas remonter et qui ne peuvent alors ni germer, ni fleurir.

Certains thérapeutes17, dont je fais partie, pensent que l’inconscient ne contient pas seulement le refoulement de nos laideurs, mais également celui de notre beauté intérieure. Notre génie. C’est comme si nous avions un million d’euros en banque sans jamais y toucher. Ce qui revient à dire que notre profondeur n’est pas seulement un lieu de cauchemars et de débauche, mais aussi un coffre au trésor. Empêchez une fleur de produire les

17 Pour une psychologie de l’éveil , Dr. John Welwood.

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couleurs que lui commande la Nature, et vous la verrez dépérir.

Avez-vous déjà visité les coulisses de la télévision ? Derrière l’apparente magnificence du décor se cache souvent un environnement négligé. Les efforts sont mis dans les lumières et le maquillage. La façade, les paillettes et le gros son. Une fois le cirque terminé, et la parade éventée, chacun retrouve ses slips sales et ses chaussettes trouées. Ses problèmes de tous les jours. Ephémère beauté de l’apparence. C’est la leçon de l’Eté qui fait si mal quand on s’est cru éternel. Une sournoise vieillesse qu’on a récusée jusqu’à l’épuisement. Le glas sordide du temps qui passe et ne laisse pas le choix. Entretenir abusivement l’extérieur de sa personne revient à vouloir subjuguer la mort. On refuse de vieillir et de voir le temps effacer toutes nos traces. On peut comprendre donc, mais c’est parfois trop tard, que c’est uniquement le voyage intérieur qui procure la jeunesse éternelle. La beauté intérieure ne flétrit pas, elle dure. Les costumes, eux - et notre peau en est un - périssent. Cela ne peut qu’engendrer haine et peur. L’impermanence de la beauté extérieure est ainsi perçue comme un danger d’où émerge la méfiance. Celle-ci favorise ensuite la division et enferme les gens dans une course folle à l’image. Des corps en deux dimensions.

Nous passons à côté de notre propre beauté en voulant ressembler à celle des autres. D’un point

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de vue spirituel, le rejet de notre authenticité est un blasphème. Nous pouvons critiquer le clonage, mais celui-ci a débuté il y a bien longtemps. Sa réalisation effective dans les laboratoires biologiques n’est que le résultat d’un processus psychologique dramatiquement avancé. On voit des clones partout. Politiquement, religieusement, artistiquement… Des champs entiers de pousses identiques, passablement rangées. Cars bondés de touristes à l’objectif télévisuel sensible, qui mitraillent systématiquement le monument aux morts du JT, et s’inclinent devant le présentateur comme jadis les lépreux aux pieds du Christ. Sur le petit écran, c’est en Eté que les gens dépensent et se dépensent, parfois sans compter. L’argent se montre alors, et se démontre aussi, comme une piqûre à notre insatisfaction. Il y a ceux qui partent en vacances et ceux qui les regardent partir. Il y a ceux qui voudraient bien mais ne peuvent pas. Verraient-ils les choses autrement sans le petit écran ? C’est la blessure de notre civilisation et elle mérite bien toute notre compassion. On n’en a jamais assez. Toujours à l’affût d’un gain supplémentaire, un billet de loterie à gratter. Une occasion nouvelle de baver, de mater la souffrance ou la richesse du voisin. Le soleil d’été fait briller ses pièces d’or aux premières pages des médias racoleurs, pendant qu’un vieux dicton nous rappelle que nous gagnons seulement l’argent que nous sommes capables de gérer.

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Mais alors, comme on a pu rater son printemps, ne peut-on pas aussi gâcher son été ? En croyant que nous n’avons pas assez d’or pour être heureux, ou que nous ne sommes pas assez beaux pour être aimés, nous passons à côté de toutes les merveilles que nous offre la vie toute l’année. En croyant qu’une parcelle de terre nous comblera, nous nous privons de l’avantageuse gratuité géographique de notre planète. En croyant que nous sommes incomplets, et qu’il nous manque encore quelque chose à consommer pour être enfin heureux, nous dressons la table des puissants, et assurons la retraite de leur descendance…

Vacances, j’oublie tout, plus rien à faire du tout…18

Savez-vous comment les anciens faisaient bronzette. Compassion, charité, innocence, vulnérabilité, imperfection. Le bronzage des touristes va durer deux semaines, celui du sage, toute l’éternité. Quand il pleut dans ma vie et que je manque de soleil, je n’ai qu’à regarder la photo d’un tibétain en train de sourire pour me sentir illuminé. C’est seulement une image certes, mais sa lumière ne me fera pas souffrir comme une mauvaise

18 Extrait de la chanson Vacances, j’oublie tout, Marc Ricci, 1994.

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insolation. Elle va me transfigurer. Va installer un soleil d’été tout au fond de mon âme.

Autrefois, l’Eté chantait sa joie. On s’amusait dehors. Tous ensemble autour de l’arbre-maître pour le grand pique-nique annuel ! Tôt le matin, les hommes cuisaient le mouton et le cochon de lait. L’allure altière du masculin s’affairant avec fierté à une tâche virile, faisait plaisir à voir. Comportement rustre, mais clair, des hommes entre eux autour du feu, toujours sensibles cependant au regard des femmes préparant plus loin les tables enrubannées. Leurs jupons volant au vent d’un bonheur léger, elles nourrissaient des yeux les enfants galopant de-ci de-là dans le verger. Mais laissons parler le journal intime19 : Il fera beau cet après-midi ; je ferai bronzer mes mollets. Oncle Nestor jouera du violon et nous danserons la gigue... Coude à coude, main dans la main, solidarité sainte d’une saine humanité. Mais déjà les épices montent en l’air et les estomacs gargouillent. On va prendre l’apéritif et parler bon train, de tout et de rien. Tout le monde participe à la collation. Même les guêpes si friandes en la saison. Ces deux-là, ils s’aiment ! Quand la sieste viendra et que les anciens ronfleront à l’ombre, ils s’éclipseront en douce dans les taillis pour consommer les anges. Ainsi allait la vie, banale mais pleine. Suffisant et complet Eté.

19 Archives privées.

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De nos jours, les vacances sont devenues un problème. On ne sait plus quoi faire pour s’occuper. Les famille s’agglutinent dans des parcs pour animaux savants. De gros budgets sont engloutis dans les attractions abrutissantes des vendeurs de rêve. Avons-nous besoin de tant d’agitation pour être heureux ? Rappelons que le mot vacance vient du latin vacare qui signifie être vide. Une racine dérivée donnera également le mot vacuité. Je laisse le lecteur en tirer ses propres conclusions…

Avoir peur d’être heureux :

Des gens viennent me voir, pensant qu’ils ont des problèmes psychologiques. Très souvent, ils n’en ont pas. Ils ont juste peur. Après un quart d’heure de conversation, la vie de cette cliente me paraît conforme à ses besoins dans la mesure où elle conclut elle-même qu’elle a tout pour être heureuse. Qu’est-ce qui cloche alors ? Tout simplement que cette femme refuse les saisons. Elle refuse de jouir de son été, d’y prendre du plaisir, pour éviter la frustration du déclin. Sa devise est qu’il vaut mieux ne pas connaître le bonheur plutôt que d’y goûter temporairement. Si ce genre de personne était aux commandes de la Nature, le monde ressemblerait à un désert sans fin. C’est pourquoi quand l’été de la vie est là, il faut savoir

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s’abandonner à la fête qui l’accompagne. S’abandonner signifie ne pas gâcher le présent à cause de l’avenir. Et si ceci, et si cela… La formule est fréquente et nous l’avons tous expérimentée un jour ou l’autre. Les hypothèses que nous dressons sur l’avenir sont le plus sûr moyen de contrarier le bon déroulement de notre destinée.

Notre volonté n’est pas un outil adapté au bonheur. Elle favorise le doute et les erreurs d’appréciations. J’ai parlé plus haut de vigilance, ce qui n’est pas à confondre avec contrôle. Le besoin de contrôler enferme l’être humain dans une prison de souffrances. Tout ce que nous croyons mettre en œuvre dans le but de nous protéger des aléas de l’existence, se retourne finalement contre nous. Nous refusons de comprendre que les fluctuations de la vie sont des nécessités parfaitement orchestrées par une volonté supérieure, dont le champ de vision est infiniment plus développé que le nôtre. Nous en remettre seulement à notre jugement peut donc s‘avérer dangereux et stupide. Les difficultés rencontrées dans la vie ne sont que l’expression de notre cécité, de notre perpétuel besoin de restreindre les choses à la mesure de notre vision étroite. Refusant de voir plus loin que le bout de notre nez, nous pestons en criant à l’injustice dès que quelque chose ne tourne pas comme nous l’avions prévu.

Connaissez-vous l’histoire de cet homme qui rata son avion et qui, le soir même, apprit que celui-

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ci s’était écrasé ? Je vous pose une autre question ; à votre avis, combien de fois avons-nous été sauvés par les contretemps et autres petits tracas du quotidien ? C’est une chose à laquelle je pense chaque fois que j’ai le sentiment qu’un événement me détourne de mon chemin. Chaque fois que quelque chose n’a pas fonctionné, je me demande si je n’ai pas été sauvé à mon insu. En observant plus attentivement le déroulement de notre vie, nous pouvons constater et noter tous ces moments difficiles qui se sont révélés être, par la suite, des bénédictions. C’était un mal pour un bien, dit l’expression populaire, laquelle d’ailleurs peut être inversée. Une jolie fleur dans une peau d’vache, une jolie vache déguisée en fleur…20

Papa, maman, l’Eté et moi :

Ces dernières années, la fonction symbolique du père semble s’être beaucoup atténuée. L’institution a favorisé l’éveil d’une nouvelle psychologie féminine qui, à mon sens, se trompe de combat. Il était nécessaire que la femme retrouve le statut d’une personne à part entière, mais la manière dont elle s’y prend n’est pas toujours bien située. D’après Marie-Madeleine Davy, les femmes veulent devenir des personnes

20 Une jolie fleur , Georges Brassens

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en singeant les hommes21. L’égalité des sexes est donc une utopie stérile. De même que ni l’homme ni la femme ne sont supérieurs l’un à l’autre. Aucun des deux ne peut faire l’économie de l’autre. Ils sont complémentaires, chacun dans leur polarité, mais résolument différents.

Dans mon cabinet, j’entends des hommes et des femmes s’acharner sur le sexe opposé. Ils pensent que l’échec de leur relation sentimentale induit forcément l’échec de la relation parentale. Ils confondent le statut et la fonction, ce qui traduit bien sur quelles fondations ils ont construit leur mariage. Ils ne comprennent pas qu’en s’insultant mutuellement devant leurs enfants, ils salissent ces derniers également. Ils ignorent les fonctions symboliques extrêmement importantes qu’ils doivent incarner pour leur progéniture. Les enfants ne devraient pas être mêlés aux histoires des adultes. Trop fréquemment, ils sont utilisés comme des armes de combat.

En cas de séparation, le devoir d’un père ou d’une mère, en particulier celui ou celle qui a la garde des enfants, consiste à les protéger d’une dégradation morale du parent opposé. Même si celui-ci n’est pas une personne respectable parce qu’il a commis des fautes ou des erreurs, ses enfants ont besoin d’avoir de lui une image positive. Il peut paraître difficile à des gens de parler

21 Les chemins de la profondeur , Marie-Madeleine Davy

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positivement d’un tiers qui les a fait souffrir ou qui refuse d’assumer ses responsabilités. Dans ce contexte, ils doivent se faire aider par un thérapeute. J’invite souvent ces personnes culpabilisées par la rupture d’un mauvais mariage, à entendre que l’enfant a son propre chemin à faire avec l’autre parent, et que, tant qu’il n’est pas réellement en danger, cela ne les concerne pas.

Restaurer la confiance entre les deux sexes et reformuler peut-être les fondations de la vie familiale, permettrait l’émergence de nouveaux comportements au cœur d’une époque marquée par la disparition des traditions ancestrales. Apprendre aux gens à s’organiser en tenant compte des facteurs de monoparentalité et des organisations complexes de la famille recomposée, contribuerait à diminuer le dangereux écart qui s’instaure actuellement entre les hommes et les femmes.

Dans le travail thérapeutique, ceux-ci vont rencontrer la force de leur sexe respectif. Elle, va expérimenter la puissance de sa douceur. Lui, va développer une virilité authentique. Féminité n’est pas synonyme de faiblesse. Virilité ne signifie pas machisme. Ces mauvaises croyances montre le mauvais chemin. Celui qu’aurait dû flécher les parents durant l’enfance. Mais il aurait fallu pour cela qu’ils aient eu conscience de leur responsabilité. C’est grâce à la qualité de la relation parentale qu’un enfant va s’épanouir. Il faut aux parents beaucoup de tact pour aider leurs enfants à

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traverser les complexes psychologiques générateurs de confusion. Quand le père incarne l’ordre et les limites, l’enfant peut se reposer sur cette structure, même si elle lui paraît trop rigide. Et lorsque la mère assume sa douceur, l’enfant peut s’y blottir confiant comme il se blottira plus tard sous les ailes de la vie en cas de coup dur.

***

C’est l’Eté qui nous apprend à poser des limites et surtout à les respecter. La connaissance des saisons et des lois de la Nature forcent en nous le respect. Nous conformer à ces lois nous donne un sentiment de sécurité. Le monde d’aujourd’hui en a bien besoin. Il n’y a pas de pensée rétrograde dans ce discours. En suivant au pas la Nature, nous rencontrons un espace où chacun est à sa place.

C’est le sentiment que j’ai eu en apprenant à danser la salsa. Danse d’été par excellence, on y voit l’homme et la femme intimement mêlés en un tourbillon de beauté et de grâce. Ceux qui pensent que c’est une danse de machos, n’ont pas suffisamment observé le soin considérable porté à la femme. C’est l’homme qui guide - et non commande - avec une volonté sensuelle et respectueuse qui met la danseuse en valeur. Celle-ci, lâchant tout contrôle, est parfaitement abandonnée à son partenaire, et synchronisée à sa créativité. Elle se prête corps et âme aux fioritures

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artistiques naissant d’elles-mêmes de cette musicale alchimie. En bon serviteur, le danseur va redoubler d’effort et d’ingéniosité pour produire un miracle.

Les planètes, dans leur amour acharné, tournent autour du soleil pendant que l’orchestral univers fait sonner ses cuivres latinos. Divine harmonia mundi. Inutiles inventions du mental quand tout est donné dès l’origine. Immuable mouvement que l’humanité veut ignorer et dévier, comme s’il y avait quelque chose d’autre après l’Eté…

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Automne

Tout se termine un jour, dit l’Automne. Les bonnes comme les mauvaises choses. Et s’il est une manifestation qui dure éternellement, c’est seulement la marche de la Nature. Elle recommence chaque année. Stable dans ses changements, durable dans sa volonté de remettre constamment la main à l’ouvrage. Telle Pénélope, elle semble ne jamais parvenir au faîte du travail que Dieu lui a confié. Faisant et défaisant l’œuvre avec minutie et régularité, la voilà sujette au monotone train-train cosmo-tellurique et régulier des saisons. C’est un chant qui se répète. Une mélopée mystique. Un mantra. Cela doit-il mener quelque part ? Les alchimistes pensaient que oui. Ils décrivaient le processus inlassable de la Nature comme le grand projet de Dieu. Une sorte de routine qui, à force de rabâcher, doit conduire le monde à la perfection. Solve et coagula (dissous et coagule).

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On sait qu’une lame plusieurs fois chauffée, puis trempée, acquiert dureté et souplesse. Les forgerons connaissent bien les vertus de la réitération. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Recommencer de multiples fois la même opération porte la matière sur laquelle on travaille à un degrés supérieur de maturité. Ce degré ne peut être atteint que par la répétition. Comme une leçon ou un exercice que l’on va ressasser durant des années jusqu’à s’en rendre maître. Un retour à la case départ du Jeu de l’Oie de notre enfance. Ce jeu de lois nous rappelant la maturité nécessaire pour passer les épreuves de la vie, et accéder sans tricher aux étapes suivantes. Il est le jeu de la vie et fait de nous des feuilles d’arbres acceptant de tomber régulièrement aux différents automnes de l’existence, pour grandir. Il donne du sens à tous nos échecs. Or, échouer c’est aussi s’entraîner pour accumuler des expériences. C’est pourquoi nous pouvons choisir de considérer nos épreuves comme des moyens de transformation permettant de nous situer dans le processus d’apprentissage du vivant. Devant notre auto-apitoiement, le sage nous invite à nous réjouir qu’à travers nos épreuves, la vie daigne nous apprendre plus qu’à un autre… Jésus ne nous a-t-il pas prévenus du danger qui guète les tièdes ? Une vie dans laquelle il ne se passe rien est une vie pour rien.

Il semble donc qu’avant de construire sur du solide, nous ayons besoin de faire de multiples

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tentatives. De goûter à différentes choses temporairement. L’Automne est la saison idéale pour cela. Une période où tout s’effondre pour que nous renaissions ensuite, meilleurs qu’avant. Nous forçant à lâcher ce qui est périmé. Autant de fois qu’il le faudra jusqu’à ce que la leçon soit assimilée. Une leçon qui veut nous apprendre qui nous sommes vraiment en nous faisant précisément parcourir des chemins qui ne nous n’aurions pas choisis délibérément. Insolite ou non, cette méthode d’enseignement présente un avantage. C’est une transmission par expérimentation directe. Une manière de nous apprendre à nous respecter par le vécu. A ne plus nous trahir.

Comment donc trouver la bonne voie de notre vie sans essayer divers sentiers ? Et comment le savoir sans les arpenter, parfois même plusieurs fois de suite pour être sûr ? C’est ainsi qu’après tous les châteaux de sable que nous avons pris pour des forteresses inébranlables mais pourtant vaincues, vient le temps où nous faisons de nos vies des villages tranquilles et ouverts sur le monde. Que d’automnes ont pu passer avant d’en arriver là.

Pourquoi ça recommence ?

Dans le milieu du développement personnel, il est de bon ton de partir à la recherche de nos schémas répétitifs en vue de les désamorcer.

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Apparemment et contre toute logique, nous reformulons toujours les mêmes problématiques. Nos choix et nos rencontres nous amènent à revivre les mêmes expériences. Quand bien même les acteurs de nos scénarios changeraient, la trame elle, reste identique. Nous pouvons changer de pays, de conjoint ou de travail, nous retrouvons partout la souffrance à laquelle nous voulons échapper. Devant ce constat navrant, une conscience insuffisamment aiguisée choisit de se croire atteinte de malédiction, d’envoûtement ; ou bien elle formule une croyance générale négative sur la vie, et se pose en victime d’un monde injuste et pervers. Réaction agressive du mauvais perdant dont le dé diabolique le conduit toujours sur la même case : retour au départ. A force, les répétitions vont nous amener à nous poser des questions plus fondamentales. Autrement dit, qu’ai-je à comprendre dans les répétitions de ma vie ?

A partir du moment où cette réflexion est posée, nous retrouvons cinquante pour cent de notre libre-arbitre. La fréquentation d’un thérapeute permettra ensuite de préciser les choses. Mais cette théorie séduisante ne doit pas nous faire oublier pourtant l’impérieuse nécessité de l’expérience existentielle. Bien que nous ayons détecté que certaines situations se renouvellent sans cesse et nous font souffrir, il peut arriver que nous ayons besoin d’une immersion répétitive. Beaucoup de thérapeutes tentent d’extraire leurs clients d’un

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processus qui apparaît dangereux à leur système de valeurs. Il n’y a pas forcément d’échec thérapeutique quand le client récidive malgré le travail de conscientisation effectué.

Je me souviens de cette cliente qui entretenait avec les hommes des relations destructrices l’amenant à souffrir beaucoup. Elle avait effectué plusieurs thérapies, et profondément exploré ses modes de fonctionnement. Elle se connaissait très bien, mais la vérité dérangeante qu’elle portait en elle, était qu’elle avait besoin de se confronter à des situations extrêmes à répétition pour se sentir vivante. Sa difficulté était qu’elle n’admettait pas la distance séparant l’idéal psychologique qu’elle s’était imposé à elle-même, de ce qu’elle était capable de faire en réalité. De même qu’on peut saisir intellectuellement l’enjeu du cheminement christique, et ne jamais le réaliser. En s’identifiant à des idées arrêtées, on risque de se mettre en situation d’exil et de répudier sa part d’authenticité. Pour accompagner ce genre de situation, il faudrait admettre que la souffrance est quelquefois recherchée pour l’apport d’énergie qu’elle engendre dans un contexte où l’ennui est redouté.

J’ai laissé entendre à cette cliente qu’elle avait peut-être besoin d’admettre son penchant pour les sports extrêmes. Que ce n’était pas plus fou de faire du surf parmi les requins que de se frotter à des histoires d’amour rocambolesques et variées.

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D’ailleurs, le fou n’est-il pas celui qui ignore sa propre folie ? Une autre cliente me demanda un jour pourquoi elle continuait à agir dans un sens qu’elle savait mauvais pour elle. Je lui ai répondu que c’était sans doute parce qu’elle n’avait pas encore assez souffert…

La bourse ou la vie !

Petit, petit, petit, voilà mon programme. Vous voulez être heureux ? Soyez petits, baissez-vous encore et encore, jusqu’à sentir l’écorce et le champignon du présent. Nous blâmons nos longues existences, mais le papillon, lui qui mourra au crépuscule, sait croquer simplement dans la vie. Il ne regrette pas les longs mois passés dans la larve rampante, grotesque forme, prémices d’une liberté absolue qui se préparait… Naître une seconde fois. Pourtant, on peut imaginer la détresse de l’insecte devant le phénomène subit de sa propre métamorphose. Passer de la larve au papillon représente un changement exceptionnel et sans doute inimaginable. Comme lui, n’a-t-on pas le sentiment de mourir devant le changement ? Comme lui, ne sentons-nous pas notre ventre se déchirer quand l’environnement bascule. Il mute mais ne sait pas pourquoi. Il change mais ne sait pas vers quoi. Il a peur. En vérité, il est difficile de

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convaincre quiconque n’a pas vécu lui-même ce processus de transformation. Laisser sa vieille peau derrière soi demande du courage et peut-être une certaine folie. Mon instructeur d’alchimie me dit un jour que si on lui avait dit par où il passerait pour évoluer, il n’y serait jamais allé. M’expliquant ainsi la nécessité de l’ignorance dans le travail intérieur, je compris à travers mon propre cheminement que l’absence de compréhension est parfois indispensable pour assurer certains passages délicats. En thérapie, des clients hésitent devant l’abîme parce qu’ils ont, disent-ils, besoin de savoir ce qui les attend avant d’en faire l’expérience. Mais c’est impossible. La traversée doit être vécue et non pensée.

Quelle importance de vivre un jour, un jour seulement22, mais complètement libre ? C’est ce que je réponds aux clients qui considèrent avoir gâché leur vie en commençant leur thérapie à 60 ans. Réussir sa vie n’est pas l’avoir vécue sans problème, c’est avoir eu le courage de se poser les bonnes questions, ne serait-ce que durant cinq minutes. Les mourants le savent en comprenant l’essentiel juste avant de trépasser. Il y a là, me direz-vous, une grande abnégation à trouver dans cette sagesse des saisons. Nous qui prolongeons tout et n’accordons pas au vieillard de mourir de sa belle mort. Le changement est une perspective

22 Inspiré de La chanson de Jacky , Jacques Brel.

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atroce pour la plupart d’entre nous. Nous imaginons que ce sont les choses qui durent longtemps qui nous rendront heureux et bien portants. En nous accrochant à tout ce que nous croyons posséder. Il n’y a pas de plus grande erreur. Le bonheur est dans le changement et, plus particulièrement, dans la transformation. La Nature le démontre chaque Automne.

Pierre qui roule n’amasse pas mousse, disait-on autrefois. La mousse alourdit aussi considérablement. Elle est susceptible d’incruster les choses. Dans nos vies, nous avons besoin de mouvements qui nous empêchent de nous endormir. En évitant cette stagnation qui nous éteint en même temps qu’elle nous rassure, nous pouvons comprendre l’enjeu véritable de la vie qui est de faire des expériences. Mais nous n’aimons pas cela. Et pour nous en empêcher, nous nous encombrons inconsciemment de toutes sortes de choses. Passons des accords qui nous menottent. Signons des contrats qui nous ligotent.

Voyons nos amours et la fadeur des souvenirs associés. Qu’ils sont devenus ternes les jolis rubans prisonniers de nos tiroirs. A quoi servent donc les lingots que nous croyons amasser dans nos banques ? La Nature, elle, ne fait pas de réserve. Elle pourvoit tout simplement. En transformant et recyclant inlassablement, elle ne compte que sur elle-même. Ne produit rien qui ne soit biodégradable. Elle est la confiance et la foi.

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Aucun animal n’amasse plus qu’il ne peut consommer car, contrairement à nous, il sait qu’après l’Hiver, il y aura le Printemps. Il sait que durant l’Eté, la nature est abondante. Richesses et beautés qu’aucun trésor humain ne peut égaler. Pourquoi s’embarrasserait-il d’un sac à dos plein de provisions ? Le rythme est là. Nous avons besoin de nous en souvenir pour favoriser notre évolution vers le bonheur. Aider également au déblayage nécessaire des vieilleries que nous traînons derrière nous. Garder toujours à l’esprit quelque projet nouveau. Etre toujours prêt à tout recommencer. Quand je ne vais pas bien, à l’aube d’une nouvelle tentative, je me rappelle que tout ne peut pas toujours rater !

Sois normal et tais-toi !

Beaucoup de livres de développement humain sont aujourd’hui à la disposition du grand public. Ils offrent des recettes de bien-être très utiles, mais sans toujours préciser qu’une véritable santé psychologique passe d’abord par l’entière acceptation de ce que nous sommes. C’est d’ailleurs, semble-t-il, l’avis de tous les sages. Ils affirment avoir atteint la plus haute réalisation humaine au moment où ils ont assumé avec totalité leur propre imperfection. Etre sage n’est donc pas être parfait, c’est plutôt se connaître suffisamment

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pour ne plus se raconter d’histoires, ne plus se mentir ni essayer de sauver la face. C’est regarder profondément en soi et accepter avec humilité les limites que nous imposent notre nature profonde et les blessures de notre histoire. Quand cette vision est assumée, quelque chose se produit sans effort. L’homme change, sans l’avoir provoqué, comprenant alors que toute la difficulté de la quête revient à accepter l’inacceptable, à regarder sans jugement les méandres de la profondeur en soi, à décider de voir clairement, sans compromis. Nous pouvons faire l’effort de tolérer les situations que nous engendrons, si finalement elles nous apparaissent nécessaires dans notre cheminement. Il faut accepter, et c’est difficile, que notre conscience profonde choisisse parfois le sentier abrupt. Ce qui signifie que pour faire l’expérience de l’altitude, des personnes ont besoin d’aller au sommet du Mont-Blanc, alors que d’autres se contentent de monter sur un tabouret…

L’énergie de l’Automne nous invite à lâcher-prise. Nos blessures sont ce qu’elles sont. Le prodigieux développement de la psychologie occidentale a conduit les chercheurs et les praticiens de la relation d’aide à inventer des modèles théoriques dont l’ambition est de décrire les normes de la santé psychique. Il n’a pas échappé à certains le danger de cette normose23 ou

23 Eléments de psychologie spirituelle , Jacques Vigne

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maladie de la normalité qui, dans certains domaine comme par exemple celui de l’amincissement, a déjà fait beaucoup de dégâts. Ce qui pousse à l’étonnement quand tel spécialiste de la communication ou du développement personnel ne reflètent pas le fond de son discours quand on le fréquente de près… En Orient, certains maîtres spirituels présentent des comportements pour le moins étranges ; quand ils ne sont pas carrément étrangers à leurs propres enseignements. Cela doit nous interroger sur l’imperfection humaine et nous rappeler qu’avant d’être quoique ce soit, nous sommes avant tout des humains.

En ne cherchant plus à nous conformer à des idéaux inventés par d’autres, nous conservons ce qui fait la richesse de notre personnalité, sans culpabilité. Ainsi sont sauves la diversité et la créativité. Autant de thèmes qui font de chaque séance de thérapie un nouveau défi à l’équilibre précaire de la nature humaine. Chaque automne nous indique donc le moment où cet équilibre va rompre. C’est le lama tibétain qui, d’un geste, efface le mandala solaire qui lui a coûté tant d’efforts et d’application. C’est le vent du solstice qui emporte avec lui les dernières senteurs de l’Eté. C’est la nuit qui prend le pas sur le jour. Le zénith décroissant qui roussit les couleurs paysannes.

Il serait bon pour l’artiste de quitter la scène au sommet de sa gloire. Son souvenir vivace dans nos cœurs, encore et toujours… A travers le temps

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et les époques, ceux qui sont partis prématurément, on en parle encore. Ceux qui s’accrochent à leurs planches nous fatiguent.

La fin des haricots :

Ce qui amène souvent les gens en thérapie, ce sont les deuils. Séparations, divorces, décès, perte de situation professionnelle, perte du sens de la vie. Tout ce qui nous contraint à nous séparer de quelque chose ou de quelqu’un pour lequel nous exprimions de l’attachement. L’énergie de l’Automne est précisément la période qui nous renseigne le plus sur ces matières. Dans certains cas, ce ne sont pas vraiment les deuils qui nous font souffrir, mais plutôt la surprise que ceux-ci occasionnent. Nous ne voulons pas anticiper ce genre de chose. Nous préférons croire en l’immuable stabilité de nos situations. D’ailleurs, il n’est pas faux de dire que la stabilité est notre principale occupation. Même quand nous voyageons beaucoup. En effet, s’attacher au mouvement est la même chose que s’attacher à l’immobilité. C’est toujours de l’attachement. Lorsqu’il convient d’expérimenter un changement, notre être est mobilisé dans sa profondeur. Cette mobilisation est susceptible de créer des remous désagréables.

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On ne peut pas faire l’économie de l’école de la vie. Dans l’institution scolaire, il arrive que nous redoublions, ou bien que nous sautions des classes. Il peut arriver aussi que nous fassions l’école buissonnière pour échapper à notre destin. Mais dans la vie, quand cela arrive, nous le payons, et la plupart du temps sous la forme d’un coup dur, d’une maladie ou encore d’une dépression. Ce qui doit être appris le sera, de gré ou de force. Ce dont nous sommes faits doit germer. Non pas comme une volonté supérieure qui nous imposerait son rythme, mais plutôt comme une nécessité pour notre identité secrète de réaliser une opération particulière, ou bien d’apprendre quelque chose de précis, dans un ordre précis, et en totale synchronicité avec les courants évolutifs du monde.

Ce n’est pas toujours ce que nous avions prévu, mais cela fait partie du plan de la Nature. Chacun est censé y trouver sa place comme les saisons se suivent méthodiquement. Le deuil participe à cela en nous rapprochant de notre destin. Non pas celui de la bohémienne faisant de notre vie un fatras superstitieux d’événements aléatoires dans lequel nous n’avons aucune responsabilité, mais plutôt celui qui fait s’accorder ce que nous sommes à ce que nous faisons. C’est dire combien la vie des autres ne nous conviendrait pas, et c’est pourtant ce sur quoi nous fantasmons, appuyés par la mode, les médias et autres influences collectives. Les difficultés que le deuil

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met en place sont autant de balises susceptibles de nous réorienter dans la bonne direction. C’est-à-dire vers nous-mêmes. La plupart du temps, cette direction est celle qui nous conviendrait le mieux, mais comme nous sommes pollués par toutes sortes de fausses croyances, nous négligeons le conseil et préférons nous obstiner dans des voies sans issue. Au bout d’un moment, ce comportement nous conduit dans le fossé ou bien devant la porte d’un thérapeute.

Le changement est là et il va bien falloir s’y accoutumer. On appelle cela la capacité d’adaptation. Il suffit d’observer le contraste des couleurs de l’Automne pour voir s’opérer un changement de direction. L’amoncellement des feuilles sur le sol et leur dégradation progressive nous fait sentir l’énergie du vieillissement. Les anciennes structures s’écroulent sous le poids de leur propre maturité. Une nécessité vitale que la Nature engendre pour se régénérer plus tard. Après cet abandon qui fait tomber la pluie du désœuvrement sur la Nature, survient une phase transitoire de décoloration. Les poètes chantent la beauté des forêts d’automne, dont les cimes jadis verdoyantes prennent soudain la couleur cuivrée de la terre humide, écho de la grande dépression climatique qui s’amorce lentement.

Nous pouvons sentir alors la bruine timide de l’Automne au carrefour de l'existence, quand le vent tourne apparemment à notre désavantage.

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Cela nous glace le sang car nous sentons l’inéluctable virage qui s’annonce. Le déclin qui va nous conduire au sépulcre. Nos réalisations autrefois glorieuses, vouées maintenant au sort définitif de l’oubli. Ça fait mal. Comme une main qui s’ouvre et doit faire l’expérience du vide.

Bienheureuse dépression :

La dépression est le grand malaise du siècle. On commence, grâce à une littérature largement fournie, à appréhender le phénomène d’une manière différente.24 Alors qu’auparavant on parlait de maladie et la traitait comme telle, on évoque aujourd’hui la possibilité d’une réaction positive du dedans, visant à nous sortir d’une situation qui ne nous convient plus. C’est l’appel d’un automne intérieur que nous nous refusons à amorcer et qui, malgré notre entêtement, fait entendre ses droits. La meilleure partie de nous lassée d’être trahie par de mauvais compromis. Notre véritable valeur non ajustée à la réalité de sa condition.

Quand nous sommes terriblement en décalage avec nos besoins profonds, notre personnalité se trouve fractionnée en différentes parties antagonistes. Cette scission intérieure

24 Des bienfaits de la dépression , Pierre Fedida

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provoque une crise psycho-physiologique comparable à une manifestation populaire. Une révolte intérieure devant l’injustice d’une situation devenue intolérable. Si cette manif n’est pas entendue par le gouvernement, il y a un risque de soulèvement, de révolution ou de mutinerie. La dépression. C’est ainsi que le poids des habitudes nous entraîne à ignorer les changements qui s’imposent aux diverses phases de notre vie. Si ces transformations ne sont pas anticipées ou accompagnées, elles nous sont imposées avec violence, nous laissant alors terrifiés devant leur imposante soudaineté.

Il peut être difficile de croire que des zones de nous puissent se soulever à notre insu et contre notre propre décision. Ce serait bien mal connaître la nature multidimensionnelle de l’être humain. La plupart des gens se croient tout seuls à l’intérieur. Ils affirment moi je sans jamais se demander qui parle ? Sauf peut-être quand ils font un lapsus malheureux ou se contredisent avec toute la mauvaise foi qu’on peut imaginer. Nous oublions trop souvent que nous sommes constitués de multiples influences qui, depuis l’enfance, se sont frayées un chemin dans notre conscience au point de fusionner à l’intérieur de ce que nous nommons notre personnalité. Ce qui nous amène à formuler constamment des opinions que nous n’avons jamais vérifiées et dont, pour la plupart, nous ne sommes pas les auteurs. Il suffit en effet de demander à

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quelqu’un de préciser sa pensée pour s’apercevoir que celle-ci est vide de sens, autrement dit qu’elle n’est pas habitée.

Je compare souvent l’être humain à un immeuble à plusieurs étages. Dans chaque appartement vit une famille différente avec des intérêts différents. Chaque étage représente les barreaux d’une échelle de valeurs qui communiquent très difficilement entre eux. La connaissance multidimensionnelle de l’homme permet à chacun de prendre ses responsabilités et d’assumer la complexité du fonctionnement humain avec largesse et bienveillance envers soi-même. C’est sans doute ce que réclame la dépression quand nous avons trop longtemps négligé ce que nous sommes vraiment, et peu importe ce que cela implique.

Se tromper d’erreur :

J’ai toujours eu peur de me tromper. Le spectre de l’erreur rend nos choix difficiles. Rester ou partir. Jeter ou garder. Autant de questions qui reflètent notre incapacité à faire confiance à la vie. Avec un peu d’expérience et de recul, je ne suis pas certain de m’être jamais trompé. Sans doute en ai-je eu le sentiment, voilà tout. Nous passons tous par des chemins si différents. En choisissant rarement les événements qui viennent à nous, et que nous

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traversons avec plus ou moins d’adresse, notre vie peut nous apparaître comme un vaste kaléidoscope incertain. Une combinaison sordide faite de bonnes et de mauvaises surprises. Cette situation fait la joie des médiums et des voyants de tous acabits. Toujours prêts à entretenir l’absence de responsabilité chez leurs clients, ils exploitent la fragilité humaine en faisant la démonstration d’une certaine sensibilité qui inspire confiance. Quand l’autre a mordu à l’hameçon, les prédictions pleuvent, soumettant le crédule à une vie programmée d’avance.

D’un autre côté, on ne peut blâmer ces gens qui cherchent à savoir ce qui les attend. Il est très confortable d’imaginer une vie où tout est déterminé à l’avance et surtout d’imaginer que d’autres sont capables d’en lire le plan. Quand la prédiction se réalise, le gogo félicite son voyant et se voit renforcé dans sa conviction que c’est bien comme cela que les choses fonctionnent. Cependant, dans les coulisses de l’inconscient, la peur du lendemain va grandissante tout autant que la distance séparant la personne de sa propre responsabilité. Il n’est pas rare de voir le client consulter deux ou trois autres voyants, dans la foulée, pour vérifier une prédiction. L’intensité de l’intrigue augmente alors devant les réponses contradictoires et plonge notre gogo dans la plus grande perplexité. Tout ce cinéma servira à masquer le plus longtemps possible le fait que la vie que nous avons est à

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notre image. Un moyen astucieux de pouvoir continuer à accuser le destin, les autres ou même Dieu, quand nous ne sommes pas prêts à prendre en charge la totalité de ce qui nous arrive.

Des oracles existent pourtant qui, correctement utilisés, permettent au consultant de réfléchir sainement sur sa vie. Mais il doit alors faire l’effort de méditer sur son problème et prendre finalement le risque d’une décision personnelle. Ce qui est l’inverse de la situation décrite plus haut. Certains professionnels, astrologues, tarologues ou praticiens du Yi-king25 savent laisser à leurs clients leurs responsabilités. Peu enclins à faire des prédictions, ils commentent ce qu’ils perçoivent comme des ambiances ou des configurations potentielles, tout en précisant à leurs clients que l’aboutissement des événements n’est jamais irrémédiable. Si la personne change, son destin changera. La chance n’est donc pas une fatalité, mais le produit d’un travail sur soi.

Notre façon de naviguer à travers les tumultes de la vie va donc dépendre de notre vision des choses. Je le répète - il le faut parfois -, en considérant nos expériences douloureuses comme des ratages plutôt que des apprentissages, nous en perdons le bénéfice. Se tromper de chemin permet 25 Le Yi-King ou « Livre des transformations » est un oracle chinois datant du premier millénaire avant l’ère chrétienne, utilisant des baguettes ou des pièces de monnaie qui formeront des idéogrammes symboliques à interpréter.

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de connaître le terrain une bonne fois pour toutes, l’ensemble prenant alors une valeur pédagogique. Pourquoi donc affirmer que notre vie est un échec parce que son cours a échappé à notre contrôle ? Ne pas avoir la vie qu’on a souhaitée ne signifie pas qu’on l’ait ratée. Rater, c’est peut-être tout simplement ne pas avoir su accompagner le mouvement. Mais là encore, on ne doit pas tout confondre. Peut-être avons-nous besoin de rencontrer des obstacles jusqu’à ce que nous sachions qui nous sommes, ce qui nous aidera à nous abandonner, et plus tard, à nous aligner…

L’énergie de l’Automne nous invite à nous laisser tomber malgré la peur de nous écraser. Elle nous dit que nous pouvons expérimenter notre légèreté comme la feuille qui se laisse choir dans un balancement docile et lent. C’est la mousse qui nous accueillera tel un lit de douceur. La terre criera bravo pour célébrer notre témérité. Dès le contact au sol, nous pourrons sourire au ciel, vautré dans une conscience nouvelle et régénérée. L’épreuve suprême du lâcher-prise. Le dénominateur commun de ceux qui réussissent toujours. Passer du haut vers le bas est très douloureux pour la plupart d’entre nous. Nous associons cette descente à une chute originelle. C’est précisément comme un processus de mort. S’abandonner, c’est mourir un peu. C’est laisser derrière nous les situations fanées, acte qui en soi, nous demande un effort considérable. Quand les roses flétries de nos vases

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font triste mine, nous savons les jeter. De même qu’il est facile de changer l’eau du bocal à poissons. Mais renouveler l’air que nous respirons est bien souvent au-delà de nos forces. Les saisons de la vie sont là pour nous le rappeler. L’Automne est l’annonce de la retraite. Retour à soi pour amorcer la fin de sa vie, ou bien repli à tout âge devant des situations qui n’ont plus cours, ou qui ont bien travaillé. Allez ! On passe à autre chose.

Mourir pour apprendre à vivre :

Vendredi après-midi. Quinze heures. Le sac est fait et les dernières salutations au village apache ont sonné. Par respect, chacun est rentré chez lui pour marquer le moment solennel. Les visages sont graves mais joyeux. On va passer le temps assis en rond à raconter les exploits des anciens aux enfants qui ne comprennent pas la tournure de cette journée exceptionnelle. Car le vieux va partir mourir dans la montagne… Il fume, au sommet des tipis, d’étranges volutes. Les herbes spéciales sont de rigueur aux foyers pour invoquer les bons esprits du dernier départ. Les seniors qui connaissent les paroles magiques réciteront durant des heures. Le vieux est sorti. Il est seul mais tous sont avec lui. Depuis quelques semaines, il sentait venir la fin. Comme un état serein que seule la sagesse

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amérindienne permet. Ce n’est pas tant qu’il va mourir de vieillesse, car il est encore assez vigoureux pour parcourir le grand canyon du non-retour, mais il ne veut plus être à la charge de ses fils. Fierté de guerrier oblige. Le temps est venu de visiter le royaume de ses ancêtres. Accompagné par les vivants et attendu par les morts, notre vieux chef se sent parfaitement à l’aise dans cette traditionnelle décision. S’allongeant avec courage après une marche harassante dans la plaine, il attendra que son animal tutélaire et protecteur vienne lui ôter la vie. L’esprit du grizzly s’abattra sur lui et ce sera une juste rétribution à la Nature pour tout ce qu’elle lui aura apporté durant sa vie…

De pareilles choses sont arrivées et forcent notre respect devant un tel abandon. Quand la mort est à ce point intégrée, on ne saurait douter un instant de la qualité de la vie. La vieillesse est un problème pour nos sociétés modernes. Nous parquons les vieux dans des établissements très coûteux parce que l’individualisme a envahi nos consciences. Jadis, le vieux était dépositaire de la connaissance. On le prenait en charge et réclamait ses conseils en temps de crise. Aujourd’hui, méprisé comme un objet usagé, on l’abrutit prématurément. Avec le système de la sécurité sociale, les gens se programment très tôt à la sénilité. Cette société fabrique des vieux bébés croulants et gâteux parce qu’ils savent qu’on leur changera les couches quoiqu’il arrive. Le vieux a

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perdu sa dignité et sa vigilance parce qu’on l’y a encouragé.

Je suis toujours très triste de voir tous ces jeunes gens d’aujourd’hui s’occuper déjà de leur retraite bien avant d’avoir goûté les joies du travail et de l’existence. Si pour eux le mot travail est une malédiction, c’est bien dommage. A peine sortis de l’école qu’ils parlent déjà de ce qu’ils feront lorsqu’ils seront vieux ! Et pour ceux qui travaillent dans l’espoir que la vie s’écoule le plus rapidement possible jusqu’à la retraite, on peut craindre une dégénérescence précoce. Personnellement, je vis ma retraite tous les jours ayant appris à façonner ma vie en alternant travail, loisirs et repos d’une manière qui me paraît équilibrée. Ainsi, en vivant plus le moment présent et en me rappelant que je suis susceptible de mourir demain, je ne me soucie ni de ma retraite, ni d’une vieillesse hypothétique et je suis heureux.

L’Automne nous invite à finir les choses. Ce que nous avons commencé et laissé en plan. Fatigue ou lâcheté, peu importe. Ce qui compte, c’est qu’une chose soit accomplie pour laisser de la place au nouveau. Les dossiers non bouclés sont des boulets à nos chevilles. Ils ralentissent nos efforts pour aller de l’avant. Nous n’imaginons pas comme ils peuvent parasiter nos projets et notre liberté. C’est une glu invisible à l’origine de toutes nos difficultés. Elle s’infiltre entre nous et nos possibilités comme un créancier particulièrement

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tenace, capable de nous poursuivre au bout du monde. Posons-nous la question suivante : Ai-je déjà fait quelque chose d’accompli ?

Si élémentaire soit-elle, cette question risque d’entraîner de longues heures de réflexion. Je vais vous donner un indice. Nous savons qu’une chose est accomplie quand nous pouvons mourir la conscience tranquille. Il n’y a pas de place ici pour les mauvaises excuses ou les arrangements scabreux. La conscience est une lumière que tous possèdent. Elle est l’étincelle de vie dans notre profondeur, qui ne souffre aucun mensonge. Ainsi, qui que nous soyons, et malgré nos perpétuelles justifications, nous savons toujours où nous en sommes. Nous n’aurons pas forcément le courage de nous dévoiler, ni d’accepter nos responsabilités à cent pour cent, mais au fond de nous, nous ne pouvons pas mentir. L’inconscience n’est parfois qu’une excuse qui reflète notre mauvaise foi. Aussi, en nous posant vraiment la question, nous savons où et comment nous avons triché.

Remédier à cela et finir les choses peut se faire de différentes manières. Peut-être conviendrait-il dans un premier temps de dresser une liste de nos manquements ou de tout ce que nous avons laissé en chantier. Puis, une à une, régler chaque histoire par des actes symboliques ou réels. S’il s’agit d’une relation non achevée, nous pouvons très bien téléphoner à la personne concernée si c’est possible, ou bien tenter de la

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rencontrer, ou encore lui écrire une lettre, même fictive, dans laquelle nous soulageons notre conscience en mettant les choses à plat. Il est fort à penser qu’elle aussi ressentira les effets de cette décision et sera libérée. Si un projet est en cours et a été jeté aux oubliettes, nous devons le libérer. Par exemple, nous avons pu commencer à écrire un livre et ne jamais le finir ? Jetons la disquette à la poubelle et écrasons définitivement le fichier sur le disque dur. Si le livre est terminé et n’a pas trouvé preneur chez un éditeur, éditons-le nous-mêmes ou faisons-en faire pour nous et notre entourage quelques exemplaires par un imprimeur quel qu’en soit le prix. Notre vieux projet sera terminé, nous pourrons le classer et passer à autre chose.

L’Automne nous indique donc la période où le vieil Indien doit faire son baluchon après avoir réglé ses affaires. Nous pouvons nous préparer à mourir chaque jour en prenant l’habitude de ne pas laisser traîner les choses. Les Indiens nous exhortent à ne pas laisser le soleil se coucher sans nous être réconciliés avec notre frère. L’Automne nous préserve des fantômes du passé. Il nous apprend à ouvrir la main pour dire adieu.

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Hummm !!!

Que rencontre la feuille qui tombe de l’arbre ? L’humus. Etymologiquement, ce mot signifie la terre. Une terre en recomposition. Les alchimistes portaient une vénération sans bornes au processus de la putréfaction. Ils considéraient que les mécanismes de la décomposition des corps ouvraient les portes des secrets de la Nature26. La Pierre Philosophale procéderait de ce genre de mouvement de la matière, une transformation étonnante qui passerait par le stade désordonné du pourrissement. C’est ainsi que la materia prima, après l’épreuve de la décomposition, renaît de ses cendres tel le phénix. Au Tibet, on dit que les plus belles fleurs poussent sur de la m… Les agriculteurs de toutes les époques ne contrediront pas cet axiome. Pourtant, nous avons de l’aversion pour les déchets que nous produisons, alors qu’ils constituent la base du recyclage de la matière dans la Nature.

Humus a donné humanité. Peut-être pour nous rappeler constamment notre origine. La Bible raconte que Dieu a créé l’homme avec une poignée de terre sur laquelle il a soufflé. Par extension, d’autres mots découlent de cette racine comme par exemple humidité ou encore humilité. S’abaisser au niveau du sol est donc bien différent de se

26 La Nature dévoilée , Frater Homérus

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rabaisser. De même que l’humilité ne doit pas être vécue comme une humiliation. Ces confusions sont fréquentes et l’on en voit les effets dans les supermarchés lorsque la ménagère a du mal à ramasser le paquet de nouilles qu’elle vient de faire tomber. Pour beaucoup, ce qui est à terre est dévalorisé.

L’humilité des saints et des humbles ne laisse personne indifférent. Leur rencontre peut nous bouleverser au point de provoquer la peur. Un homme authentique ne s’embarrasse pas de signes extérieurs de richesse. Ni appellation, ni titre, ni grade. Il cherche à l’intérieur de lui-même la source primordiale de toutes choses. Son effacement volontaire au monde va paradoxalement le faire rayonner d’une étrange lueur qui, à son insu, fera grande impression. C’est parce qu’il renonce à briller qu’il brille vraiment. Cette nécessité de dépouillement n’est pas forcément un choix. La fréquentation de lui-même et le courage d’affronter les bas-fonds de sa propre humanité, font de lui un être en présence. Aguerri à la démarche folle de privilégier sa vie intérieure, il va vivre une transmutation lente de sa personnalité. Là où les autres voient le vide et la sécheresse du désert intérieur, il va découvrir l’oasis insoupçonnée de l’essence commune aux êtres27. Le centre vital. Le noyau essentiel qui libère l’énergie colossale de

27 Le Désert intérieur , Marie-Madeleine Davy

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l’amour. C’est dans le repli à soi qu’il le trouve. Dans cet abandon à ce qu’il est. Total et absolu. Au lieu de gravir l’échelle des privilèges mondains, il va suivre le sentier obscur vers ses propres racines. Tout en bas.

Marcher sur la Lune :

De nos jours, les gens sont coupés du bas. Je reçois des clients qui croient avoir des problèmes dans leur tête alors qu’en réalité, ils les ont dans leurs pieds. Je le remarque à leur démarche hésitante et à leurs discours alambiqués. Les mots sont vides et les pas lointains. Ils sont coupés en deux, trop préoccupés par leur buste ou la grosseur de leur tête. Cherchant à faire de belles phrases, ils s’étonnent que je m’endorme, ce qui est pour moi un signe que leur énergie ne circule pas correctement.

Une des étapes les plus importantes de ma thérapie a été d’investir mes jambes. Toute l’énergie de mon corps était en haut, coincée dans l’étau d’une personnalité rigide et fort soucieuse de son image. Je savais depuis longtemps que j’avais du mal à tenir debout, n’ayant pas de contact sérieux avec mes racines. J’ai passé une bonne partie de ma jeunesse à errer, ce qui est le résultat d’un manque d’ancrage conséquent. Etre ancré signifie trouver sa terre et y planter sa maison. Idéalement,

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c’est la structure même de notre famille d’accueil - nos propres parents - qui doit favoriser notre sentiment d’appartenance au monde. Dans mon cas, le rejet de ma mère dès ma conception n’a pas favorisé cet accueil. Un enfant rejeté va rejouer constamment ce rejet durant sa vie, jusqu’à ce qu’il comprenne que sa mère n’est pas le monde. Et si son père a manqué d’assise ou d’autorité, le phénomène est amplifié. Devenu très tôt, et pour cause, un rebelle de l’incarnation, j’ai investi toute mon énergie dans la recherche spirituelle en dirigeant principalement mes efforts vers le haut. Résultat, un ego boursouflé, révolté et inadapté aux situations les plus basiques, négation des valeurs élémentaires de l’existence telles que remplir son assiette ou trouver un logis.

Le contact du sol - poser les pieds sur terre - a donc été salutaire pour mon développement ultérieur. J’ai compris que la nourriture que l’on recherche au ciel par le biais d’une certaine culture intellectuelle ou spirituelle, doit être trouvée également dans les entrailles de la terre. Dans ces choses simples de la vie que sont le manger et le boire. Se chauffer et se vêtir. La négation des besoins vitaux entraîne les gens à établir une relation malade à la réalité et au bon sens. Comme de s’endetter pour un ordinateur alors que l’ouvre-boîtes ne fonctionne plus. On devrait donc comprendre qu’il faut d’abord avoir établi sa vie sur

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des bases concrètes et solides avant de songer au développement spirituel de sa personne28.

- J’ai besoin de faire une thérapie avec vous mais je n’ai pas assez d’argent.- Pourquoi n’avez-vous pas assez d’argent ?- Parce que je ne touche que le RMI et que ça n’est pas suffisant.- Ce n’est donc pas d’une thérapie dont vous avez besoin mais de trouver du travail !- Mais je pensais qu’une thérapie m’aiderait à en trouver…- Vous prenez vos problèmes à l’envers. Trouvez d’abord du travail et revenez me voir quand vous pourrez me payer !

Quinze jours plus tard, cette personne reprenait rendez-vous. Mes réponses l’avaient bousculée dans ses fondations. Ensuite, chaque séance a été pour elle le moyen de reformuler ses priorités, ce qui lui a permis de progresser et de bâtir une vie plus sécurisante. Symboliquement, elle était en train de se noyer dans le petit bain. Savez-vous ce qu’elle a fait ? Elle s’est prise en main et a suivi une formation pour lancer son entreprise sur Internet. Il y a des gens comme ça. Vous leur chatouillez un peu les pieds, et les voilà qui s’envolent vers les sommets.

28 La Voie et ses pièges , Arnaud Desjardins

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Quand pépé s’en mêle :

L’humidité de la terre automnale renvoie notre attention vers la base. Après avoir joui des délices du ciel, pendant ce temps que durent les lourdes chaleurs de l’Eté, l’énergie naturelle commence à décroître. Nos racines sont notre histoire. Elles témoignent du bagage dont nous avons hérité à la naissance. Certains legs familiaux sont capables d’influencer notre vie durant de longues années, en mal ou en bien. Vouloir s’en affranchir trop rapidement n’est pas toujours une bonne idée car les apparences sont trompeuses.

Mon parcours thérapeutique m’a amené à travailler sur ma généalogie. J’ai découvert une chose étonnante. Certains ancêtres sont plus intéressants que d’autres, et en particulier ceux dont la réputation laisse à désirer. En effet, il suffit parfois de gratter un peu l’historiette familiale pour y déceler des incohérences étranges. Chacun doit en tirer les conclusions qui s’imposent. Nous avons peut-être pour tâche, non pas de réparer forcément les fautes de nos ancêtres, mais de servir aussi de véhicule à l’œuvre particulière qu’ils n’ont pu ou su réaliser. Et cela tombe bien car, en général, ces inclinations familiales nous procurent un plaisir naturel.

Les feuilles qui périssent et tombent au pied de l’arbre serviront d’engrais aux prochaines. D’un point de vue purement biologique, notre corps est le

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résultat de tous les corps qui nous ont précédés dans la famille. Ainsi, nous portons dans nos cellules une histoire vécue et à vivre. Celle de toute notre lignée. A nous de faire fructifier au mieux notre patrimoine. Et quelle meilleure façon pour exorciser une faute familiale que d’aller chercher chez son auteur sa plus belle qualité et nous l’approprier ? Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, tu vois, je n’ai pas oublié…29

Va-t-en glaner…

J’aime aller ramasser des châtaignes à la basse saison. Je retrouve dans ce geste simple et naturaliste un sentiment d’appartenance à la terre. Se baisser pour recueillir au sol le fruit fraîchement tombé ravive en moi des forces essentielles. La puissante odeur ascendante du sol captive alors tout mon être. Je sens partout la terre et son amour, celui que connaissent les glaneurs.

Vous savez, ces petits malins de la vie qui ont compris que le système achète plus qu’il ne peut consommer. Ils n’ont plus qu’à se baisser ensuite pour prendre ce que les honnêtes gens piétinent. Je les trouve courageux, les glaneurs. Jamais assortis de la moindre honte, ils savent attendre la fin des marchés et se mêler aux oiseaux

29 Extrait de la chanson Les feuilles mortes, Yves Montand

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et aux chiens, tapant de-ci de-là quelque nourriture. N’allons pas croire qu’ils sont tous pauvres. Les poubelles sont pour eux des îles au trésor, et les cageots abandonnés des maraîchers, des frégates. La gratuité, c’est leur passion. Nous ne connaissons pas la sagesse de ces petites gens, ni la profondeur de leur cœur. La modestie de leur condition les rend proches de tout ce que notre modernisme méconnaît. Bien sûr, ils n’ont pas lu beaucoup de livres, mais ils savent encore vous serrer la main en vous regardant droit dans les yeux. Il y a toujours plein à manger chez eux pour la bonne raison qu’ils ne font pas de réserves. Les dates de péremption des aliments qu’ils glanent ne le permettraient pas. Alors ils cuisent tout et ensuite, ils distribuent.

Des glaneurs, on en trouve dans toutes les disciplines. Nous le sommes tous d’une certaine façon lorsque nous nous approprions les idées des autres. Ne dit-on pas glaner des informations quand on cherche à savoir quelque chose par la voix du peuple ? Nos convictions du moment sur les sujets les plus importants ne sont la plupart du temps que du glanage intellectuel. Etant des êtres de questionnement, nous voulons des réponses, et à travers elles, la stabilité intérieure. Un sentiment d’adhérence à quelque chose sur quoi nous reposer. Il peut s’agir d’idées politiques, philosophiques, religieuses, sociales ou encore psychologiques. Ces idées sont faites pour nous rassurer. En fait, toute croyance limite un champ

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d’expérience plus vaste. La science en fait quotidiennement les frais chaque fois qu’une nouvelle théorie est remplacée par une autre. Dans certains domaines, le changement ne pose pas de problème particulier, et la certitude d’hier est remplacée par la possibilité de demain.

***

Au soir d’Automne, quand les scarabées tapissent les lits de feuilles entassées, la terre se réchauffe et prépare le grand repos. Les étoiles inondent le firmament jusqu’aux branches les plus secrètes de l’arbre dépouillé. Alors il sait, ayant lâché sa parure comme une pucelle se dévoile, que sa nudité annonce l’alcôve des mystères à venir. C’est aux premiers froids que les amants se retrouvent. Pendant que la faune et la flore s’endorment, le feu lui, jaillira bientôt des cheminées, parce que, sans doute, Dieu lui aussi, a besoin de se reposer.

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Hiver

Le gel et la blancheur neigeuse des paysages laissent à penser que tout est endormi. La mort partout et la solitude glaciale assombrissent les âmes. On se renferme en quête d’un peu de chaleur. On s’emmitoufle chez soi en écoutant des vieux vinyles, passablement concentré sur un polar jauni qui n’en finit pas de redondances. Au coin du feu ou devant le petit écran, la somnolence nous envahit et favorise la rumination nostalgique des remember musicaux.

Il fait froid en Hiver. Mais la Nature est enceinte d’un prochain renouvellement. Elle possède les traits sereins de la future mère, celle à qui Dieu a donné le pouvoir de la fécondité. Elle l’exprime parfois si bien par l’exhibition presque outrageante de sa proéminence ventrale. Elle est pleine et belle, comme s’il ne lui manquait plus rien. N’allons pas croire que la grossesse soit un calvaire. Les femmes assument pour la plupart

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viscéralement le rôle que la Nature leur a donné. Devant l’étrange état biologique, l’homme ne peut que constater, sans l’expliquer, les variations d’humeur de son épouse qu’il reconnaît de moins en moins. Cette distance qu’elle met entre elle et le monde pour protéger son petit, le rend hargneux et jaloux. L’attention qui lui revenait de droit auparavant, il va devoir la partager avec sa semence devenue chair, son enfant. C’est ainsi qu’il sera consacré homme. Par l’abnégation de ses propres besoins infantiles, au profit du miracle de la vie dont il est l’acteur et l’agent. Si les hommes connaissaient la valeur cosmique et religieuse de leur sperme, ils se conduiraient autrement que ces enfants querelleurs qui croient gouverner le monde. La femme est le lieu du sacré. Le vase ou Graal servant de domicile à la semence créatrice. L’Hiver revient chaque fois nous rappeler l’importance de la nuit, du silence et du repos avant l’éclosion de la vie. Attendre.

Apprendre à se reposer :

Quand j’ai annoncé à un ami que je terminais ce livre par l’Hiver, il m’a dit que c’était triste. Ce à quoi j’ai répondu qu’il devrait soigner son hiver ! C’est effectivement le cas de nombreuses personnes. La grisaille de la saison froide nous fait oublier les bénéfices de la lenteur et

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de l’introspection. L’Hiver nous encourage à l’arrêt momentané de nos activités. Quand nos ancêtres vivaient uniquement de l’agriculture, l’Hiver était le temps du repos. Le moyen de reprendre des forces et de se régénérer. Dans cette société ultra-rapide, on ne prend plus le temps de s’asseoir et de réfléchir. On ne sait plus respirer. Chaque fois que je fais une conférence, j’invite mes auditeurs à prendre régulièrement une pause et à souffler. Au début, c’est surprenant, mais finalement chacun apprécie cette dilettante qui permet de retrouver une attention neuve pour la suite. Je leur dis de relâcher les fesses, les épaules et les mâchoires, ce qui me soulage moi aussi quand la tension est trop forte. D’autres fois, je leur propose de bailler et de faire des grimaces ce qui provoque des rires et une grande décontraction générale. Je n’oublie pas d’appliquer cela à moi-même en osant parler simplement et en lâchant parfois des gauloiseries.

Il arrive que les conférenciers utilisent un langage très élaboré parce que leur souci est de paraître savants. Cela peut se comprendre quand on se prend au sérieux ou qu’on manque de confiance en soi. Je crois qu’en pleine conférence, on ne devrait pas hésiter à déclarer des pauses de quelques secondes, le temps de regarder les gens et de leur sourire. Ce sont ces petits temps d’hiver qui soulagent la vie de toutes ses exigences.

J’ai écouté un jour dans un auditorium une thérapeute parlant des mérites de la jachère

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psychologique. Pour les agriculteurs, il s’agit de laisser reposer la terre sans la cultiver, afin qu’elle élimine d’elle-même ses parasites. La thérapeute expliquait qu’elle s’imposait régulièrement des temps morts durant lesquels elle ne faisait absolument rien, cela ayant pour effet d’harmoniser son être d’une manière très simple et naturelle. Nous avons donc besoin de nombreux moments où il ne se passe rien. Ces temps de pause angoissants où il est inutile de s’agiter dans de quelconques projets qui ne verront jamais le jour. Je parle d’angoisse parce que c’est l’impression que nous avons chaque fois qu’un ralentissement de nos activités se fait sentir. Par habitude et par peur, nous cherchons à réagir immédiatement et à prendre le contre-pied de la situation. Ce qui finit par nous enliser un peu plus encore. Notre folie du contrôle nous fait oublier que pour faire de bonnes crêpes, il faut laisser reposer la pâte. C’est une loi naturelle que nous cherchons toujours à contourner et qui produit fatalement des incidents dans nos vies.

Qu’il s’agisse de trouver un nouvel emploi ou un nouvel amour, la précipitation est mauvaise conseillère. Nous voulons combler le vide à tout prix, cédant ainsi à la panique. La meilleure réaction serait d’accepter l’hiver de la vie comme un moyen de se reposer et de faire le point. Ne pas considérer cette saison comme un danger mortel mais comme un temps que nous offre l’existence pour prendre

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des vacances après un éventuel tumulte. C’est une invitation à la patience confiante. Jamais l’hiver de la vie ne nous met en danger. Au contraire, c’est durant cette période que nous sommes protégés par le destin. Le danger vient plutôt de notre réaction fébrile à vouloir garder le contrôle sur les événements. Si l’on est capable de gérer le temps mort qui s’annonce, on verra le printemps prochain d’ici peu, chargé de victuailles plus abondantes qu’on n’aurait pu l’imaginer.

Et surtout, ne prends pas froid !

Si je m’écoutais, je recevrais mes clients partout. Dans les bars, dans les bois, sous la pluie ou sur un bateau. Pourquoi ? Parce que dehors, c’est de la vie, c’est du concret. Mais je suis trop lâche pour cela. Trop attaché à mon petit confort. Trop loin de la foi avec laquelle Jésus a calmé la tempête devant ses apôtres. J’ai pourtant passé ma vie professionnelle à transgresser pour évoluer. Peut-être pas suffisamment encore. C’était en tout cas la seule possibilité pour un analyste qui voulait toucher ou s’autoriser à l’être. On dit que toute découverte est précédée d’une transgression, ce que j’ai pu vérifier personnellement. Curieusement, en me calquant sur la Nature et en osant marcher hors des sentiers battus, que d’aucuns nomment

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initiatiques, j’ai trouvé des horizons qui ne sont pas nouveaux, mais simplement inexploités

Quoi qu’il en soit, le thérapeute ne devrait pas s’identifier à un bricoleur de l’esprit. Témoin silencieux du prodigieux ouvrage qui s’opère dans son cabinet, il pourrait être apôtre, accoucheur d’âme, alchimiste. Humble serviteur des lois de l’évolution, il assisterait en présence et vigilance au miracle des éléments en perpétuel changement chez son client. Il apprendrait à attendre. Quand ça change, ça souffre. Mais une souffrance acceptée vaut pour moitié. Et quand elle est partagée, elle diminue encore. C’est étrange, mais nous souffrons parfois simplement parce que nous mettons un gros manteau en Eté, et rien en Hiver. C’est là que la sagesse antique intervient : T’as qu’à enlever ton manteau, pomme à l’eau !

Il n’y avait pas pensé. Quand il était petit, sa mère avait toujours peur qu’il attrape froid. Elle ne lui permettait pas de sentir par lui-même les nécessités des saisons. En grandissant, il a gardé l’habitude de se couvrir en toute chose ; amour, travail, santé… Toute une vie ressemblant à un hiver sans fin. Faites l’expérience de laisser un enfant convenir du nombre de pulls qu’il doit endosser. Naturellement, il le saura et ce, jusqu’à la fin de ses jours. Mais à cause des limites de nos éducateurs, nous avons du mal à nous adapter à notre environnement. A convenir instinctivement de la bonne réaction. Lorsque nous sentons qu’un

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changement doit avoir lieu, nous n’osons pas parce que nous doutons. Ce doute n’est pas le nôtre en réalité. Il est celui du père ou de la mère qui nous a empêchés d’enlever notre blouson quand nous avions trop chaud. Pas étonnant qu’à l’âge adulte, nous ne sachions plus à quel saint saisonnier nous vouer. Pas étonnant que la peur fasse trembler plus que le froid.

Les changements que nous souhaitons, ou dont nous sentons la nécessité, se heurtent donc aux saisons des autres. Dans certaines familles où cette malédiction dure depuis des siècles, rien ne change jamais parce qu’on alimente le processus. C’est ainsi que les problèmes perdurent. Un vieux proverbe dit qu’une peine qui dure longtemps est une peine cultivée. Au regard des saisons familiales, j’en suis persuadé. Je vois beaucoup de peines cultivées, d’hivers interminables ou d’espoirs déçus parce qu’on ne sait pas planter les graines de sa vie au bon moment, et rarement en fonction de ses besoins réels.

L’épreuve transfigurée :

Il y a des hivers majeurs et d’autres mineurs. J’en ai connu un gros quand j’ai divorcé. Je peux dire que cette épreuve m’a littéralement consumé. J’ai perdu douze kilos en quinze jours. Mon lit était

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trempé d’une sueur nauséabonde chaque matin, et le reste de mon poids partait dans les larmes que je versais quotidiennement. A cette époque, j’ai cru que j’allais mourir de chagrin… et de faim. Ma situation socio-économique dégringolait en chute libre sans me laisser le moindre sursis. En fait, tout s’écroula, radicalement. Je vécus alors dans un isolement et un dénuement matériel quasi érémitiques durant un an. Aucune perspective en vue ni possibilité de me retourner. Un véritable désert affectif, malgré la présence inconditionnelle de quelques amis. Un horizon extérieur complètement bouché. Rien ne semblait vouloir fonctionner pour me sortir de là. Face à cette situation incontournable, je me suis assis dans le silence et me suis dit : puisqu’il n’y a plus rien à faire, je vais attendre et méditer.

Curieusement, je me sentais protégé, sans trop savoir par quoi. D’ailleurs, il ne m’est rien arrivé de si grave durant cette période glacière. Des petits coups de chances, très succincts mais suffisants, me permirent de manger à ma faim et de payer mes factures en attendant que le jour se lève enfin. Avec le recul, et malgré la profonde souffrance qui m’animait, je crois que cette époque a été l’une des plus belles de mon existence. Non pas au niveau des apparences qui auraient pu sembler catastrophiques - et elles l’étaient d’une certaine manière - mais du point de vue de la vie intérieure. J’ai connu une véritable transformation, comme une

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initiation devant préparer l’avenir. Le contenu de ce livre est, en partie, le résultat de cette épreuve.

Sans ce break important, je n’aurais pas trouvé en moi les ressources qui donnent aujourd’hui du sens à ma vie. Sans cet hiver glacial et presque insoutenable, je n’aurais pas développé les qualités humaines qui permettent à un homme d’en accompagner un autre sur un chemin de libération. La suite ? Des circonstances hasardeuses ou des synchronicités positives me guidèrent vers une reconstruction progressive de ma vie. Une possibilité enfin de stabiliser mon existence sur des bases solides et sécurisantes, résultat d’une bonne jachère. J’avais changé. Tout avait changé.

Je pense qu’il est important pour un thérapeute de rendre parfois témoignage de sa vie et des événements qu’il a traversés. Il y a une grande pudeur dans les milieux du développement personnel à ce sujet. Cependant, dans certains cas, et à petite dose, j’ai pu remarquer que l’anecdote personnelle assure à celui qui l’entend un puissant sentiment d’accueil qui renforce son espoir et sa confiance. On peut trouver des substituts intéressants par l’utilisation de contes ou de petites histoires zen. A ce propos, laissez-moi vous offrir un cadeau supplémentaire. C’est un recueil de petites histoires zen que j’ai eu le temps d’écrire précisément durant ma période glacière. Je m’en sert encore parfois aujourd’hui sans préciser que

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j’en suis l’auteur. L’important est que le client entende à travers elles qu’il est possible de traverser les crises de la vie, et surtout qu’il sente que celui qui lui propose de le faire sait de quoi il parle.

Du bon usage du froid :

Quand le vent se retire, la panique envahit le navigateur. Celui-ci peut alors décider de sortir les rames et s’épuiser inutilement. Quand les choses se refroidissent ou perdent de leur intensité, nous avons l’habitude de réagir trop vite sans laisser le temps à la situation d’évoluer d’elle-même. C’est le cas lorsque survient l’hiver de la vie. Et c’est là que l’expérience du thérapeute va être déterminante, car il va pouvoir encourager son client à se détendre là où la majorité des gens se mettent à courir dans tous les sens à la recherche d’une solution. Cette attitude n’est pas un encouragement au laxisme car il y a résolument des situations qui appellent une réaction rapide ; mais dans le cas présent, la panique n’est pas de mise.

Lorsqu’on est pris sous une avalanche, il convient d’économiser son air et d’attendre les secours dans le calme. On nous enseigne l’inverse dès la petite école. Je suis amusé d‘entendre comment, de nos jours, les journaux télévisés parlent de la météo en Hiver. Dès qu’il tombe trois

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mètres de neige quelque part, c’est le désastre. La fin du monde est proche et l’on montre les pauvres riverains, la pelle à la main, tristes victimes d’une intempérie sauvage et impitoyable. Tout juste si le présentateur ne se met pas à pleurer… Nos ancêtres doivent étouffer de rire dans leur tombe devant une telle stupidité collective.

L’Hiver n’est pas une calamité. Si nous parvenons à admettre que le froid est aussi nécessaire que le chaud, notre vision de l’existence va changer positivement. Ce changement n’est bien souvent que le résultat d’un regard différent sur les choses. Une bonne partie de mon travail consiste à dédramatiser les faits qui me sont relatés. Parfois, il est utile de normaliser certains événements, ce qui revient à les refroidir quelque peu. La reformulation est une technique très répandue parmi les thérapeutes. Je n’y contredirai pas, et préciserai même que cela vient en aide à des clients que leur histoire a rendu coutumiers de l’exagération. La personne extrémiste a tendance à grossir les choses et à faire une montagne d’une banalité. Sa vision d’elle-même ou des autres devient disproportionnée au regard de la réalité. En d’autres termes, elle s’échauffe manque de sang-froid. Cela se vérifie en cas de crise sociale. Dans certains pays, une anarchie momentanée entraîne de graves échauffourées. Pillages, meurtres et viols sont systématiquement au programme.

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L’hiver de la vie nous amène à revisiter notre position. Le gel qui s’annonce nous contraint à ne plus fuir nos responsabilités, à ne plus gaspiller inutilement nos ressources personnelles dans de vaines pensées ou agissements. Ceux qui connaissent le froid savent l’importance d’une bonne isolation. S’isoler, c’est accepter de ralentir et de prendre une pause. Un repos. Il n’y a pas meilleure méthode pour protéger son feu interne que de se mettre en boule, se replier sur soi comme les petits animaux qui hibernent. C’est le temps de la réflexion saine qui oublie momentanément l’action. On met de l’eau sur le feu. La méditation donne à ce moment sacré où tout semble dormir, une qualité exceptionnelle et régénératrice. Rien à faire, ni à paraître. Juste le présent, vaste comme une conscience vigilante.

Seule la circulation sanguine semble rythmer la course de ce moment exceptionnel. Par de fluides pulsations, elle s’étale en glissade sur les champs blancs immaculés du silence hivernal. Le banc, dehors, seul et glabre, témoin muet du temps, s’évanouit lui aussi sous la neige qui le recouvre, et donne à ses formes une allure cadavérique. Le givre de la fenêtre se confond avec le verre, formant des vitraux à faire pâlir Notre-Dame. Les sons, partout étouffés, consacrent la vie intérieure qui se fait alors plus bruyante que jamais. Bientôt, on ne peut plus sortir car le vent cinglant, comme un chant qui remplit l’espace, fouette le visage d’un geste qui

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encourage le repli. Inflexible Nature qui ordonne à toute chose de se taire.

Vivre à en mourir :

La mort partout ? C’est la vision que nous avons de l’Hiver. Cette mort que nous attendons sans jamais y penser vraiment. La seule certitude qu’offre la vie. Cruelle échéance. A quoi cela sert-il de vivre puisqu’il faut mourir enfin ? Les sages affirment que ce qui motive nos actes est précisément la peur de la mort. Comme si nos agissements et nos courses à la réalisation ne servaient en définitive qu’à exorciser le fatal résultat. Comme le sexe, la mort est tabou. On évite d’en parler et surtout d’y penser. Pour certains psychanalystes, c’est la somme de toutes les peurs, le creuset initial de toutes nos angoisses. Je partage assez cet avis sans lui concéder pourtant le côté macabre que traduit l’esprit désacralisé de notre monde moderne.

Certaines traditions spirituelles affirment qu’on meurt comme on s’endort. C’est une information intéressante qui confirme la grande relativité qu’impose l’Hiver. Les expériences métaphysiques qu’occasionnent certaines techniques respiratoires, donnent l’impression de

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pouvoir revivre naissances et morts à volonté30. Il est donc possible d’atteindre à un état de conscience non duel, dans lequel la vie et la mort sont concomitants. L’homme du commun admet comme vérité ce que lui transmettent ses sens. C’est pourquoi il finit par croire que le soleil se couche et que la mort est une fin. En élargissant nos champs de conscience et en poussant plus loin les limites de l’entendement humain, nous pouvons apprendre à considérer les choses sous des angles différents. Ce qui donnera à notre évolution une impulsion nouvelle dans les domaines les plus variés.

Durant une crise majeure de mon existence, j’ai pensé à me suicider. Je voulais en finir avec l’incarnation, tout en pressentant qu’il s’agissait d’une méprise. Je me souviens avoir insulté Dieu, lui jetant au visage que sa création n’était qu’une sombre mascarade. Le désespoir peut conduire aux portes de l’enfer. Je crois qu’il ne faut pas sous-estimer non plus l’éventail des souffrances qu’ont connues certaines personnes, et qui pourraient aisément justifier un rejet violent et spontané de la vie. L’effet inverse se produit aussi. Sous l’effet de douleurs morales ou physiques particulièrement vives, des hommes et des femmes, jusque-là insensibles à l’espace intérieur, ont rencontré le sacré. Certains l’ont qualifié de religieux, d’autres de

30 Rebirth, le pouvoir libérateur du souffle , René Sidelsky

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spirituel. Dans tous les cas, l’appel du haut s’est fait entendre dans les fossés de la misère31.

L’orientation spirituelle de la vie apparaît donc souvent dans le lit de la souffrance, et ce n’est pas une raison valable pour en nier les fondements. Les rationalistes ont cette fâcheuse habitude de traduire toute vocation sacrée comme une formation réactionnelle, ou encore une fuite de la réalité. Ils n’ont pas toujours tort, mais dénigrer systématiquement toute transformation humaine sous prétexte qu’elle procède d’une difficulté existentielle, est une conclusion qui n’appartient qu’à ceux qui n’en ont pas fait l'expérience. On ne peut donc les en blâmer.

Je me souviendrai toujours de cette réponse donnée à la mort qui m’appelait à la suivre. J’étais entré en méditation et j’entendais son chant lancinant, comme celui des sirènes mythologiques capables d’attirer à elles, vers les récifs, les marins en périls. Viens me disait-elle, suis-moi dans mon royaume où la souffrance n’est qu’un souvenir. Je tentais de résister à cette sournoise proposition qui trouvait en moi des partisans solides et puis, soudain, le déclic : Si tu me veux, viens me chercher. Je suis prêt et je t’attends. Tu sais cueillir les hommes par surprise dans les recoins les plus secrets du monde et nul n’a jamais pu t’échapper. 31 Une vie bouleversée, Etty Hillesum . L’histoire d’une jeune femme morte à Auschwitz ayant décrit son chemin spirituel dans un journal intime.

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Si tu me veux, tu feras le chemin, mais je n’irai pas vers toi !

Aussitôt, j’ai senti en moi un changement. Quelque chose de différent venait de se produire, et ce que j’avais pris pour la mort s’est tu définitivement. Cet épisode a marqué un tournant décisif dans mon existence. J’ai compris que la bobine du film s’était cassée, soudainement, me laissant là devant l’écran blanc de mon cinéma intérieur, et que c’était ça la réalité. Un écran blanc sur lequel on peut projeter toutes sortes de films. Un lac gelé où il est dangereux de s’aventurer sous peine de voir se rompre la glace sous ses pieds, et de mourir de froid dans une eau inhospitalière. Nous croyons que c’est solide et hop ! c’est la chute irrévocable dans les abysses sous-marins de notre antarctique personnel.

Nous sommes tellement affairés que nous ne prenons plus le temps d’observer les phénomènes naturels. Si nous savions regarder la mort en face, nous serions obligés d’admettre son importance et son utilité. Et peut-être nous apercevrions-nous que nous avons bien plus peur de vivre que de mourir. Il est entendu qu’il est très difficile de perdre un être cher, surtout quand l’âge considéré normal n’a pas encore sonné. Et pourtant, chaque jour, des millions de nos cellules meurent et se recomposent à notre insu, rendant la mort quasi-permanente au coeur de notre vie. Cette vision globale de la vie et de la mort a, de tout

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temps, été pratiquée par les mystiques, les chamans et les alchimistes, rejoints bien plus tard par les physiciens quantiques32. Nous pouvons donc aujourd’hui être pleinement conscients de l’illusion que notre corps est un tout fini qui disparaîtra un jour dans un dernier souffle. Une réalité plus complexe nous attend au carrefour des sciences nouvelles, jetant un pont décisif entre le progrès scientifique actuel et la sagesse immuable des anciens. Il est sans doute difficile de croire que plusieurs corps nous hébergent successivement dans une seule existence, mais c’est pourtant une réalité qui traduit, encore une fois, l’insuffisance de nos systèmes de perception sensorielle.

Réalité ou illusion ?

La physique quantique reconsidère notre capacité à expérimenter le réel, et valide, nous l’avons vu, la pensée des premiers alchimistes qui voyaient le monde comme un piège illusoire. Selon eux, nous serions constamment en train de rêver sans nous en apercevoir. Prenant cet enchevêtrement de phénomènes qu’est notre quotidien pour un réalité concrète, nous serions en fait les jouets d’une sorte d’hologramme comparable au programme informatique du film Matrix. Cette

32 Le tao de la physique , Fritjof Capra

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trilogie américaine m’a profondément troublé car elle valide de façon claire ce que les sages essaient de nous dire depuis des millénaires. Dans ce scénario futuriste et très pessimiste, on nous montre une population mondiale prisonnière d’un programme cybernétique créant l’illusion d’une existence naturelle. En réalité, l’humanité est aliénée et exploitée comme une matière première réduite à l’état d’esclavage. Chaque être humain est enfermé dans une sorte de cocon et relié à divers tuyaux par un processus qui va alimenter les machines qui ont conçu le système. Les humains sont ainsi cultivés comme des plantes et utilisés en tant que sources d’énergie. Pendant ce temps, on injecte dans leur cerveau un programme bio-informatique qui va générer des visions particulièrement réalistes de la vie qu’ils croient mener. Comme un rêve en boucle, les humains croient être éveillés et libres, alors qu’ils sont reliés au plus pervers des systèmes d’exploitation.

Sans tomber dans l’exagération – quoique ! - il y a dans ce film, une allusion très saisissante au message du Christ et de tous les saints hommes qui, à travers l’histoire, nous ont invités à nous réveiller. Dans Matrix, cet homme est Néo, un prophète éminemment doué, capable de voir en clair l’horreur de la réalité, et qui s’est réveillé à sa condition d’être libre. Il se battra à son tour pour délivrer ses semblables, en ayant conscience que la difficulté pour y parvenir consistera à leur paraître

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crédible. Imaginons qu’un Néo frappe un jour à notre porte et tente de nous persuader que nous sommes en train de rêver. Il y a fort à penser que nous lui rirons au nez et que nous le reconduirons gentiment en pensant qu’un doux illuminé s’est échappé de l’asile voisin.

En transposant un peu cette histoire à notre niveau, le processus initiatique est une sorte de réveil qui tranche les liens négatifs que nous entretenons avec la réalité. Ce peut être avec notre famille, notre histoire, nos proches ou la plupart des idées reçues que nous cultivons inconsciemment. Ce réveil va être douloureux car il implique un passage difficile, une initiation. Le dépositaire et le transmetteur de celle-ci est bien sûr le thérapeute, si tant est qu’il ait accompli lui-même ce voyage dans le réel, en sacrifiant au passage la logique rationnelle qui fonde la plupart des théories psychologiques modernes. Voir cette réalité comporte de nombreux défis et il est parfois plus confortable de rêver que d’ouvrir les yeux. Dans Matrix, un des camarades de Néo choisira de retourner dans la matrice parce que tout y était plus facile. Nous avons tous en nous cette lâcheté qui consiste à réfuter le réel parce que celui-ci nous dérange. Il est très difficile d’assumer l’éveil, et tous ceux qui ont été suffisamment loin dans ce cheminement en ont payé le prix.

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Les rêves lucides :

A ce stade, nous sommes prêts à envisager que nous regardons le monde avec plusieurs paires de lunettes. Celles-ci sont nos croyances et notre besoin de facilité. En déplaçant sensiblement de quelques degrés l’axe visuel qui nous sert à observer les choses, nous allons découvrir un monde différent dont la relativité peut être extrêmement déstabilisante. C’est le cas des phases du sommeil.

Il est habituel pour tout un chacun d’aller se coucher le soir, de perdre conscience, et de se réveiller le matin en retrouvant sa lucidité. Ce sentiment confère une impression de réalité au cœur de la routine dont nous sommes l’objet. Mais au fond, l’endormissement est peut-être le réveil à une autre réalité. On a tendance à considérer les rêves comme des événements non réels, des illusions que chacun va décider d’expliquer à sa manière. Ce qui nous intéresse ici à travers le rêve est la notion de réalité. Lorsqu’elle nous apparaît flagrante, nous la cautionnons entièrement. Or, tout le monde a déjà fait l’expérience de l’illusion d’optique ou des tours de passe-passe des prestidigitateurs. Nous sommes sûrs que la boule est là, et elle n’y est plus… Pourtant nous l’avons vue de nos yeux. Mais pouvons-nous prêter à nos yeux une fiabilité absolue ? Est-ce que nos sens ont ce pouvoir, que nous leur concédons, de capter

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véritablement toutes les facettes de la réalité ? La réponse à ces questions est sans aucun doute, non. Ce qui est vrai des choses dites concrètes, l’est également des choses abstraites. L’inconscient en est une preuve puisque quelque chose en nous possède le loisir de s’exprimer sans nous demander notre avis. C’est troublant mais on ne peut l’ignorer à moins d’être particulièrement bouché ou d’une extrême mauvaise foi…

Qu’est-ce donc que le réel si nous ne pouvons compter sur nos organes des sens pour nous le dire ? Je n’aurai pas la prétention de répondre à cette question mais je peux témoigner d’un phénomène fort étrange, qui s’est manifesté à moi durant des années sans que je tente de le provoquer, et qui a remis en question de façon définitive ma manière de percevoir la réalité. Il s’agit du rêve lucide. Dans ma jeunesse, je n’en parlais pas de peur d’être taxé de déséquilibré. Jusqu’à ce que je découvre que d’autres personnes vivaient les mêmes expériences et que des chercheurs en avaient même fait une discipline33. Plus tard, j’ai eu accès à des enseignements traitant du développement de la lucidité onirique. Quelques explications s’imposent.

La plupart du temps, nous rêvons sans remettre en question la réalité des faits oniriques.

33 S’éveillez en rêvant, introduction au rêve lucide de Stephen Laberge

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En d’autres termes, nous ne savons pas que nous sommes en train de rêver. Nous pouvons avoir dans le rêve une expérience très complète au niveau sensoriel, au point de générer des frayeurs intenses quand les choses tournent mal. Malgré certains détails irrationnels, comme le fait de voler ou de se faire transpercer par une épée sans douleur, nous ne remettons pas en question la validité de l’événement. Ce phénomène est caractéristique des réactions émotionnelles que nous éprouvons devant les films de cinéma. Sachant que les actions sont fictives et que les personnages sont des acteurs jouant la comédie, nous sommes capables d’éprouver de la joie, de la peur, de la tristesse ou de la colère vis-à-vis de certaines scènes, comme si elles étaient réelles.

Cette comparaison est très pratique pour comprendre ce qui se passe la nuit quand nous rêvons. Notre mental projette lui aussi son cinéma intérieur et nous nous laissons prendre au jeu. Nous avons beau le savoir, chaque nuit, nous nous faisons avoir. Les enseignements cités plus haut invitent à la même relativisation mais, cette fois, dans le contexte de la vie diurne. La difficulté devient donc la suivante : Comment puis-je considérer que je suis en train de rêver puisque je sais pertinemment que je suis réveillé ? En s’accoutumant progressivement à l’idée que toute expérience sensorielle n’est qu’une traduction de notre cerveau, nous prenons conscience qu’il n’y a

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aucune différence entre la nuit et le jour, la vie et la mort. Nous touchons le réel.

Pince-moi si je rêve !

Le contenu des rêves lucides reste parfaitement analysable d’un point de vue psychologique. Cependant, aucun psy conventionnel ne peut expliquer le phénomène. Il appartient au registre des états de conscience modifiés, que les mystiques connaissent et expérimentent au moyen de ce qu’ils appellent le corps de Gloire. La réalité de ce dernier nous éloigne passablement des théories classiques relatives à la vie psychique. Elle nous rapproche de la dimension initiatique et, plus conventionnellement, de la physique quantique, seule science capable pour l’instant d’envisager la possibilité d’expériences multidimensionnelles.

Ces expériences m’ont profondément troublé. Avec le temps, j’ai appris à contrôler ces états intermédiaires, ce qui me permet aujourd’hui de faire des rêves lucides sans être emporté par le scénario. Le fait de se rendre compte qu’on est en train de rêver permet de diriger plus ou moins ses rêves. C’est une discipline qui s’apprend. L’indicateur onirique se présente sous la forme d’une ambiguïté. Par exemple, je suis en train de

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rêver et, comme tout le monde, je prends cela pour la réalité. Puis soudain, je m’aperçois que ma main comporte six doigts au lieu de cinq. C’est le signe que ma conscience a choisi pour me faire savoir que je suis en train de rêver. A partir de là, je reprends les rênes du rêve et peux, à mon gré ou presque, orienter les événements qui le composent.

C’est une bonne manière d’aller à la rencontre de ses propres démons, qui ne sont, nous l’avons vu, que des parties de nous non encore intégrées. Aux côtés des bénéfices que l’art analytique nous apporte en matière de rêves, il y a également une possibilité d’explorer ceux-ci en temps réel, au moment même où ils se jouent. J’ai réglé ainsi beaucoup de choses et je crois que la science du rêve est certainement la science de demain. Une possibilité d’exploration de l’humain, autant qu’un moyen d’action directe sur nos névroses. Nous pourrions comparer cela à la possibilité d’entrer dans un film cinématographique et d’y jouer un rôle déterminant dans le déroulement du scénario. L’implication de cette maîtrise est de taille puisque nous avons dit plus haut qu’il n’y a peut-être pas de différence entre le rêve et la réalité. Cela expliquerait-il que nous ayons la possibilité de manier les événements du quotidien, comme un rêveur pourrait le faire chaque nuit s’il accédait à la lucidité onirique ?

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Vanité, vanité…

Ne pas se fier aux apparences, voilà le principal message de l’Hiver. Quand tout semble dormir en surface, la profondeur du sol est pourtant le lieu d’une activité colossale. Quand rien ne semble bouger dans notre vie, c’est parce que nous sommes trop aveugles ou trop suffisants pour sentir ce qui se prépare pour nous dans l’ombre du grand mécanisme universel. Sa grande discrétion nous effraie et nous donne le sentiment d’être abandonnés, seul à seul avec notre propre égocentrisme, désolés devant l’effondrement de notre toute-puissance, écrasés par notre insignifiance. Mais les lois de la Nature étant plus lentes que nos idées, l’ouvrage se parfait pourtant imperceptiblement, nous laissant ensuite pantois et honteux d’avoir eu si peu de foi quand surviennent les premiers bourgeons. Le héros a tremblé mais l’homme a grandi.

Nous devrions nous accorder plus spécifiquement aux rythmes de la Nature et savoir découvrir, même dans des moments très courts, quelle saison prédomine sur l’autre. C’est une sagesse ancienne. Une connaissance oubliée que seule l’expérience procure. L’Hiver ne doit pas être seulement associé au pèlerinage intérieur que suscitent la douleur et l’affliction. Nous avons su tirer parti de cette saison pour promouvoir des activités sportives et ludiques que ne connaissaient

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Les quatre saisons du bonheur – Stéphane barillet © 2009

pas les anciens. L’Hiver est aujourd’hui une source de plaisirs variés même si cela nous conduit à rencontrer la Nature d’une façon trop superficielle. Là où nous pourrions profiter d’un paysage ouvert et vaste, nous préférons nous agglutiner sur des pistes de ski rapides qui rappellent par trop les rails de nos existences quotidiennes. On fait la queue aux remonte-pentes comme toute l’année au supermarché. On s’engueule pour les mêmes raisons mesquines et tous les bénéfices de ces congés préfabriqués s’envolent dans le stress des bouchons de retour de vacances.

Je me suis trouvé un jour en haut d’une montagne enneigée. Je percevais au bas des vallées des centaines de petits points noirs dévalant les pentes en traçant des routes serpentines de leurs skis fartés. De là où j’étais, rien ne différenciait ces fourmis humaines, si ridiculement minuscules au regard du panorama montagneux tout autour. D’un revers imaginaire de la main, je me suis amusé à balayer cette marée noire comme on le ferait d’une colonne de moucherons agglutinés sur une table. La majesté des pics rocheux n’en fut pas troublée, et je compris alors combien peu d’importance nous avons devant l’immensité du monde. Chacun de ces petits points noirs devait bien entendu penser le contraire, mais il me suffisait de quelques centaines de mètres d’altitude pour réduire à néant ces ego minuscules.

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Inversement, qu’auraient-ils vu en regardant dans ma direction ? Une montagne sans la moindre trace d’humanité. Fondue dans le décor du sommet, ma vie avait-elle une quelconque valeur pour ceux qui allaient bientôt rejoindre leur télésiège pour une ultime remontée ? Nous nous donnons beaucoup trop d’importance. Nous croyons que nous sommes indispensables à la bonne marche du monde. L’uniformité de l’Hiver nous rappelle que nous faisons partie du Tout. Comme un grand manteau qui nous recouvre tous, et dont l’étiquette au col laisse entrevoir la marque de fabrique : Humanité.

Cherchant constamment à sortir du lot par tous les moyens possibles, nous ne sommes plus attentifs au reste du monde. Nous rêvons d’immortaliser notre personne ou notre image. Notre nom doit être gravé dans les mémoires pour l’éternité. Les rois et les puissants érigent des monuments à la gloire de leur règne, mais on oublie qu’on doit le souvenir des pyramides à ceux qui les ont bâties et n’ont pas signé leur labeur. Sage résolution de l’humble ouvrier. Auguste lumière de la Tradition. Anonymat sublime de celui qui s’efface devant son œuvre. Qu’est-ce au juste que le nom d’un homme ?

J’ai connu des personnes qui ont passé leur vie à être untel au lieu d’être elles-mêmes. Toutes les familles ont leur histoire. La recherche généalogique conduit à de troublantes découvertes quant à l’origine des noms de famille. Quand on

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associe celui-ci à un prénom, on met en mouvement une équation énergétique qui va imprimer et influencer la destinée. Ainsi, sans nous en rendre compte, nous sommes les jouets de forces inconscientes issues de ce que j’ai appelé plus haut le quotient familial. Ces forces vont concourir à donner un certain relief à notre vie. Nous croyons en avoir choisi les options, mais nous répondons en fait à des impulsions qui ne nous appartiennent pas. Effrayante perspective que d’incarner un rôle que nous n’avons pas délibérément négocié. Il est parfois utile d’interroger nos nom et prénom pour voir ce qu’ils cachent. En demandant à nos parents ce qui motiva le choix de notre prénom, nous risquons d’avoir de grosses surprises. Quand la réponse ne peut venir de là, nous ferons bien de questionner la mythologie ou un bon dictionnaire des saints. Une fois terminé cet exercice avec son lot incontournable de révélations, nous pourrons nous désidentifier des projections liées à notre patronyme, et retrouver la liberté d’en choisir l’usage.

Dans la plupart des traditions spirituelles, le maître rebaptise son nouveau disciple d’un nom initiatique. Celui-ci va remplacer, aux yeux de la communauté spirituelle, l’identité profane du postulant, en vue d’éteindre son ancienne personnalité et, plus important encore, de réduire son ego. C’est un moyen radical qu’ont trouvé les sages pour aider le disciple à rompre plus

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facilement avec des engrammes familiaux capables de perturber son initiation. Une manière d’en terminer avec son histoire personnelle et de tourner le dos à sa propre vanité. De plus, ce nouveau nom possède en général une connotation extrêmement positive allant dans le sens d’un déploiement spirituel particulier. Les traditions occidentales souscrivent elles aussi à ce genre de pratique. On aurait tort de voir là uniquement la marque d’un quelconque lavage de cerveau, même si certaines sectes utilisent ce procédé à des fins négatives. Il y a des brebis galeuses dans toutes les corporations… En Hiver, tout se ressemble. Les arbres effeuillés ne permettent pas qu’on les identifie. Chaque végétal a fait table rase de ses signes distinctifs. C’est cela l’Hiver. La Nature se dénude pendant que nous nous couvrons.

***

Voici ce que l’Hiver veut nous dire : En ces temps frileux, ne traverse pas le lac. Fais une cabane, un bon feu dedans, et assieds-toi tranquillement. Quand la chaleur sera revenue, les eaux redeviendront limpides et fluides. Tu pourras alors traverser le grand fleuve de la vie sur une bonne barque étanche, et rejoindre le nouveau monde qui t’attend de l’autre côté. Les collines seront alors verdoyantes et pleines de fruits. Fort de ta méditation, tu apprécieras d’avoir consacré ce

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temps d’inactivité à la recherche de la source intarissable de ton être. Pendant que la neige tombait dehors, tu descendais dans les profondeurs moites de la terre. Aussi immobile que les jours glacés dans ton apparence extérieure, tu connus pourtant les péripéties d’un voyage aux milles couleurs, dans des contrées jamais visitées auparavant, des pays remplis de richesses incomparables, un puits si profond et généreux logé tout en bas, là où l’on n’accède qu’avec son cœur. C’est la promesse d’un hiver réussi.

Que devenons-nous une fois dépouillés de nos habits, titres et noms ? Et bien, nous devenons nous. Tels que nous sommes vraiment, ni meilleurs, ni pires, mais authentiques. Un être humain que sa nouvelle naissance va sauver du naufrage auquel il était destiné. Cette mort nécessaire, avant l’heure, que symbolise l’Hiver, lui donnera une seconde chance. La possibilité de tout reprendre à zéro et de faire enfin de vrais choix. Comme le serpent qui change de peau et renouvelle sa propre vie, l’homme neuf qui a passé l’épreuve du froid, ne sera plus jamais le même. Il portera fièrement son cheminement dans l’éclat nouveau d’un regard transfiguré. Car oui, il aura contemplé l’essentiel, accompli les épreuves cardinales des saisons, jusqu’à en mourir à lui-même dans un éternel sourire.

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Conclusion

Le cycle est accompli. Chaque rotation de la roue enrichit l’ensemble. Un processus inénarrable qui perdure depuis l’aube des temps. Dans sa grande simplicité, l’ingénieuse Nature nous propose de la suivre. L’ouvrage qui pourrait paraître routinier, n’est en fait qu’une progression merveilleuse vers la Connaissance exacte du pourquoi et du comment du monde. En s’imprégnant du parcours généreux des saisons, nous pouvons toucher du doigt la sagesse des anciens. Comme une carte au trésor, elle nous guide pas à pas vers un chemin de transformation qui n’a de limite que notre imagination.

Cette sapience des premiers alchimistes donne au plus humble des hommes le format d’une vie facile parce que conforme aux lois naturelles. Et pour le chercheur d’absolu, elle balise la voie et sécurise sa progression au cœur de lui-même.

De la sorte, chacun y trouve son comptant.

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