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Il y a seulement trois décennies, l’ex- pression « communications autochtones » désignait seulement un petit nombre de minuscules stations de radiodiffusion com- munautaire établies dans des réserves et localités de l’Arctique. Aujourd’hui, un réseau de télévision autochtone national rejoint presque chaque ménage du Cana- da, et un réseau radiophonique autochtone national commencera bientôt à diffuser ses émissions dans la plupart des grandes villes canadiennes. Le succès des médias autochtones au Canada est un exemple extraordinaire de ce qui peut être accompli quand des élé- ments tels que les besoins, les occasions et la volonté politique convergent. En fait, il faudrait rédiger un texte beaucoup plus long pour bien raconter toute l’histoire des communications autochtones, mais cet aperçu donne une vue d’ensemble d’une des réussites les moins connues en matière de radiodiffusion canadienne. La télévision a vu le jour dans le Nord grâce aux séries d’émissions de Radio-Canada qui, de 1967 jusqu’au début des années 70, a présenté sur bande magnétoscopique des pro- grammes des réseaux du Sud aux résidents de vingt et une collectivités nordiques. Il n’y avait pas de contenu nordique. À cette période, Radio-Canada cherchait surtout à étendre sa portée jusqu’au Nord, et non pas à créer un service dans le Nord pour les gens du Nord. L’écart entre le Nord et le Sud au chapitre de la télévision a été comblé par la technologie en 1972, avec le lancement du satellite ANIK A-1. En 1973, Radio-Canada a commencé à offrir son service complet de télévision du Sud à toutes les régions du Canada, y compris le Nord, dans le but d’étendre l’ensemble de ses services de radio et de télévision à toutes les collectivités rurales et éloignées d’au moins 500 habitants. Il est presque impossible d’évaluer l’impact de l’arrivée soudaine des services de radiodif- fusion du Sud sur la langue, la culture et la vie quotidienne dans les centres traditionnels de l’Arctique. Au début, certains groupes, comme les habitants d’Igloolik, ont voté pour refuser la télévision lors d’une série de plébiscites de hameau, car ils craignaient qu’elle détériore irréversiblement leur mode de vie. De nom- breuses organisations autochtones nationales et régionales ont fait part de la même préoc- cupation et affirmé que les peuples autoch- tones avaient le droit de définir les services de radiodiffusion offerts sur leurs terres ances- trales et d’y contribuer. L’organisation Inuit Tapirisat du Canada (ITC, maintenant appelé Inuit Tapiriit Kanata- mi) formée depuis peu était décidée à faire en sorte que les Inuits ne deviennent pas simple- ment un nouveau marché pour les services en anglais et en français offerts dans le Sud. Elle a insisté pour que les collectivités soient auto- risées à définir leur propre contexte de com- munications et puissent apporter une contri- bution notable au système de radiodiffusion canadien. L’un des premiers grands énoncés Les racines nordiques d’un réseau national 1 La télédétection : une puissante source de renseignements pour l’Arctique canadien 6 Délimitation du plateau continental juridique dans l’Océan Arctique : Une confluence de droit, de science et de politique 9 Le changement de climat, CASES et une nouvelle génération de scientifiques de l’Arctique 13 Les événements fortuits et leur aboutissement : possibilités d’étudier l’Arctique et l’Antarctique 17 Critique de livres 19 Horizon 20 A U T O M N E / H I V E R 2 0 0 3 D A N S C E N U M É R O LES RACINES NORDIQUES D’UN RÉSEAU NATIONAL Terry Rudden

LES RACINES NORDIQUES D’UN RÉSEAU NATIONAL...aperçu donne une vue d’ensemble d’une ... possibilités d’étudier l’Arctique et l’Antarctique 17 Critique de livres 19

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Page 1: LES RACINES NORDIQUES D’UN RÉSEAU NATIONAL...aperçu donne une vue d’ensemble d’une ... possibilités d’étudier l’Arctique et l’Antarctique 17 Critique de livres 19

Il y a seulement trois décennies, l ’ex-pression « communications autochtones »désignait seulement un petit nombre deminuscules stations de radiodiffusion com-munautaire établies dans des réserves etlocalités de l’Arctique. Aujourd’hui, unréseau de télévision autochtone nationalrejoint presque chaque ménage du Cana-da, et un réseau radiophonique autochtonenational commencera bientôt à diffuserses émissions dans la plupart des grandesvilles canadiennes.

Le succès des médias autochtones auCanada est un exemple extraordinaire dece qui peut être accompli quand des élé-ments tels que les besoins, les occasions etla volonté politique convergent. En fait, ilfaudrait rédiger un texte beaucoup pluslong pour bien raconter toute l’histoire descommunications autochtones, mais cetaperçu donne une vue d’ensemble d’unedes réussites les moins connues en matièrede radiodiffusion canadienne.

La télévision a vu le jour dans le Nord grâceaux séries d’émissions de Radio-Canada qui,de 1967 jusqu’au début des années 70, aprésenté sur bande magnétoscopique des pro-grammes des réseaux du Sud aux résidents devingt et une collectivités nordiques. Il n’y avaitpas de contenu nordique. À cette période,Radio-Canada cherchait surtout à étendre saportée jusqu’au Nord, et non pas à créer unservice dans le Nord pour les gens du Nord.

L’écart entre le Nord et le Sud au chapitrede la télévision a été comblé par la technologie

en 1972, avec le lancement du satellite ANIKA-1. En 1973, Radio-Canada a commencé àoffrir son service complet de télévision du Sudà toutes les régions du Canada, y compris leNord, dans le but d’étendre l’ensemble de sesservices de radio et de télévision à toutes lescollectivités rurales et éloignées d’au moins500 habitants.

Il est presque impossible d’évaluer l’impactde l’arrivée soudaine des services de radiodif-fusion du Sud sur la langue, la culture et la viequotidienne dans les centres traditionnels del’Arctique. Au début, certains groupes, commeles habitants d’Igloolik, ont voté pour refuserla télévision lors d’une série de plébiscites dehameau, car ils craignaient qu’elle détérioreirréversiblement leur mode de vie. De nom-breuses organisations autochtones nationaleset régionales ont fait part de la même préoc-cupation et affirmé que les peuples autoch-tones avaient le droit de définir les services deradiodiffusion offerts sur leurs terres ances-trales et d’y contribuer.

L’organisation Inuit Tapirisat du Canada(ITC, maintenant appelé Inuit Tapiriit Kanata-mi) formée depuis peu était décidée à faire ensorte que les Inuits ne deviennent pas simple-ment un nouveau marché pour les services enanglais et en français offerts dans le Sud. Elle ainsisté pour que les collectivités soient auto-risées à définir leur propre contexte de com-munications et puissent apporter une contri-bution notable au système de radiodiffusioncanadien. L’un des premiers grands énoncés

Les racines nordiques

d’un réseau national 1

La télédétection:

une puissante source de renseignements

pour l’Arctique canadien 6

Délimitation du plateau continental

juridique dans l’Océan Arctique:

Une confluence de droit, de science

et de politique 9

Le changement de climat, CASES et

une nouvelle génération de scientifiques

de l’Arctique 13

Les événements fortuits et leur

aboutissement:

possibilités d’étudier l’Arctique et

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Terry Rudden

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de politique d’ITC demandait que le gouverne-ment fédéral garantisse le contrôle des Inuitssur l’extension des services de radio-télé-phone, de radio communautaire, de magnéto-scopie et de distribution de journaux dansl’Arctique.

Les Premières Nations et les Métis ont faitpart de craintes semblables. Face à cette situa-tion, le ministère du Secrétaire d’État a mis surpied le Programme des communications desAutochtones (PCA) en 1973, afin d’encou-rager les Autochtones à exprimer leurs pointsde vue et leurs souhaits, en créant des sociétésde communications. Le programme a financédes journaux communautaires, des services deradio portative et de radio communautaire et,à Iqaluit, une société cinématographique qui aeu du succès. Cependant, ces mesures pour-tant bien accueillies n’ont guère accru lacapacité de production médiatique dans lescollectivités du Nord.

Le premier vrai jalon au chapitre de laradiodiffusion dans le Nord a été posé en 1978,quand le ministère fédéral des Communica-tions (MDC) a lancé un programme de mise àl’essai d’applications satellite qui utilisait AnikB. L’un des points qui intéressait particuli-èrement le gouvernement était la possibilité d’appliquer la technique des satellites pourproduire et distribuer des émissions dansl’Arctique. L’Inuit Tapirisat du Canada a saisil’occasion et lancé le projet Inukshuk.

Inukshuk reliait six collectivités : Iqaluit,Pond Inlet, Igloolik, Baker Lake, Arviat etCambridge Bay. Si l’on se base sur les normesactuelles, ce proto-réseau était primitif : lessignaux vidéo et audio étaient transmis parsatellite à partir d’Iqaluit et captés à l’échellelocale dans les cinq autres collectivités. Le sonétait retransmis à partir des collectivités jus-qu’au studio d’Iqaluit, au moyen de lignestéléphoniques. Ainsi, les téléspectateurs pou-vaient voir ce qui se passait dans le studiod’Iqaluit et entendre les sons provenant desautres collectivités participantes.

Avec l’aide d’ingénieurs, de responsablesde l’ONF, de formateurs et réalisateurs indé-pendants et de stagiaires inuits, Inukshuk a

examiné un certain nombre de moyens d’uti-liser la vidéo dans les collectivités. Commepour les autres expériences de l’ONF au cha-pitre du développement communautaire parla vidéo (notamment le projet de l’île Fogo, àTerre-Neuve), on avait mis l’accent sur l’inter-activité entre des personnes réelles. Le tempsd’émission par satellite alloué au projet étaitpresque illimité. Dans l’ensemble des T.N.-O.,les services des incendies de volontaires ontutilisé le système pour tenir une réunion terri-toriale et parler des nouvelles techniques et dunouveau matériel de lutte contre les incendies.Des discussions communautaires fort animéesont eu lieu sur la revendication territoriale encours, la division du Nunavut et la perspectived’exploitation des ressources. À Noël, des élè-ves du secondaire à la résidence Ukkivik, àIqaluit, ont pu parler à des membres de leur

famille dans leur milieu, lors de séances émo-tionnelles où des parents, dans les collectivités,ont versé des larmes, se sentant soulagés carils pouvaient voir que leurs enfants se por-taient bien dans la grande ville.

Inukshuk ne ressemblait guère à la télévi-sion conventionnelle, et cela n’était pas sonbut. Ses réalisateurs ont évité les émissionsmises en blocs impeccables et cherché desfaçons innovatrices d’aider les gens des collec-tivités isolées à se parler au moyen de la nou-velle technologie.

Au fur et à mesure de l’évolution du projetInukshuk, le Conseil de la radiodiffusion et destélécommunications canadiennes (CRTC) arépondu aux préoccupations des gens du Nordet des Autochtones en chargeant Rheal Ther-rien de diriger un comité qui devait examiner

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Le réalisateurtechnique d’InuitBroadcastingCorporation, MichaelIpeelie, à Iqaluit.

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la possibilité d’étendre les services de radiodif-fusion aux collectivités du Nord et aux loca-lités éloignées. Après avoir mené une centained’entrevues et de séances de consultation avecles collectivités, le comité Therrien a recom-mandé, en 1980, qu’on utilise les satellitespour relayer des programmes de télévisioncanadiens vers le Nord et qu’on prenne auplus tôt des mesures pour permettre aux gensdu Nord d’utiliser la radiodiffusion pour pro-mouvoir leur langue et leur culture.

La publication du rapport Therrien a eulieu au moment où le projet Inukshuk prenaitfin comme prévu. D’après n’importe quelcritère, celui-ci avait eu du succès. L’intérêtdes collectivités et l’effectif-téléspectateursavaient été élevés. Bon nombre d’Inuits avai-ent reçu une formation en production télévi-suelle de base, et le projet avait prouvé qu’unréseau de télévision nordique était viable sur leplan technique et administratif. Compte tenude la réussite du projet et des recommanda-tions du rapport Therrien, ITC a obtenu uneprolongation de trois ans pour le projet Inuk-shuk et commencé à envisager une solution àplus long terme pour assurer les services deradiodiffusion dans le Nord.

L’intérêt à cet égard s’est accru en 1981,quand l’entreprise Les Communications parSatellite Canadien Inc. (Cancom) fut autoriséeà fournir des services de radio et de télévisionaux collectivités éloignées et mal desservies.Cancom a proposé d’introduire une bien plusvaste gamme de canaux télévisuels dans lacollectivité : la nécessité de créer une sourcepermanente de production d’émissions eninuktitut pour compenser la nouvelle vague deprogrammes en provenance du Sud était évi-dente. Il était aussi évident qu’ITC, en tantqu’organisme politique, ne pourrait pas con-tinuer à parrainer un service de télévisionindépendant.

La solution était la création d’un organ-isme de production inuit indépendant. L’InuitBroadcasting Corporation (IBC) a donc étéconstituée en 1981 et autorisée par le CRTC àproduire et à distribuer des émissions de télévi-sion en inuktitut.

L’une des premières initiatives du nouveautélédiffuseur fut la publication d’un documentde travail présentant sa vision et ses buts àlong terme. Le ministère des Communicationset le CRTC voulaient fournir une réponse aurapport Therrien. IBC leur a soumis un certainnombre de recommandations, c’est-à-dire:� Un programme de financement pour tous

les radiodiffuseurs inuits (IBC, TaqramiutNipingat dans le nord du Québec, la sociétéOkalaKatiget créée depuis peu au Labrador);

� La reconnaissance des radiodiffuseurs au-tochtones dans la Loi sur la radiodiffusion;

� Une politique spéciale du CRTC qui re-connaisse et appuie les radiodiffuseursautochtones;

� La création d’un transpondeur exclusif(une voie de satellite exclusivement con-sacrée aux programmes du Nord) pour leNord. Ces buts étaient considérés comme parti-

culièrement ambitieux quand IBC publia sondocument de travail. Il importe de signalerque chacun de ces buts a été atteint et mêmedépassé.

IBC a atteint le premier de ses buts le 10mars 1983, lors de l’annonce introduisant leProgramme d’accès des Autochtones du Nordà la radiotélédiffusion (PAANR), qui a fournien quatre ans 33,1 M$ à treize organisationsautochtones du Nord pour qu’elles puissentproduire des émissions de radio ou de télévi-sion, ou les deux. Contrairement aux autresprogrammes de contributions pour les médiasautochtones, qui en général finançaient desprojets spécifiques, le PAANR a permis auxradiodiffuseurs de mettre sur pied des orga-nismes permanents, de créer des infrastruc-tures de gouvernance et de gestion, de monterdes installations de production et de concevoirdes grilles-horaires.

Le programme avait ses limites. Le finan-cement était basé sur l’hypothèse que le coûtde production d’une heure d’émissions pour latélévision se chiffrait à 5 000 $. Cependant, en1983 le coût réel d’une heure de program-mation à Radio-Canada atteignait 36 000 $,soit plus de cinq fois le montant déterminé parle PAANR. Le financement était aussi lié aux

niveaux de production : IBC devait produirecinq heures d’émissions en inuktitut parsemaine. Pourtant, pour la première fois IBCet les autres radiodiffuseurs autochtonesavaient une base de financement relativementsolide et l’assurance d’obtenir un soutien pen-dant encore au moins quatre ans.

Pour pouvoir produire cinq heures d’émis-sions de qualité radiodiffusion chaque se-maine, IBC a entrepris la mise sur pied de cinqcentres de production dotés d’un personnelinuit, dans le cadre d’un ambitieux program-me de formation de deux ans. Les émissionsd’Inukshuk étaient moins structurées que lesémissions traditionnelles pour la télévision.Elles mettaient l’accent sur la participation descollectivités, et non pas sur la valeur desœuvres. Mais une entreprise conventionnellede production télévisuelle demande un per-sonnel technique bien formé (opérateurs,monteurs, aiguilleurs, enregistreurs de son,éclairagistes), des producteurs de contenu(recherchistes, rédacteurs, réalisateurs, pro-ducteurs, journalistes, personnel d’antenne),des gestionnaires, des administrateurs et unconseil d’administration efficace. Le pro-gramme de formation d’IBC qui ne pouvaitcompter sur un collège communautaire offrantdes cours de radiodiffusion et journalisme etrecourir à un bassin de radiodiffuseurs conve-nablement formés, a tenté de répondre à tousces besoins. En 1983, 18 stagiaires de cinq col-lectivités ont commencé à suivre le programmeintensif, et seize ont terminé le cours deux ansplus tard. Bon nombre d’entre eux travaillentencore dans le secteur de la radiodiffusion.

La formation de ces stagiaires était enplusieurs points différente de ce qu’offraient laplupart des programmes de formation dans leNord. Les participants créaient réellement unréseau de télévision, produisaient de vraiesémissions pour de vrais auditoires et devaientrespecter des délais serrés. Leur apprentissageétait soigneusement examiné par le public.Leurs amis et les membres de leur famille fai-saient de bon gré une critique détaillée de leurtravail. Et après chaque émission diffusée deBaker Lake, les stagiaires allumaient leurradio BP et écoutaient les commentaires des

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gens sur leur programme. Dans le Nord, il n’ya pas d’écart entre les télédiffuseurs et leurauditoire, comme il en existe dans le Sud.

Les stagiaires ont reçu leur baptême du feuà la Conférence circumpolaire inuit de 1983, àIqaluit, quand le nouveau réseau a assuré latélédiffusion intégrale en direct des délibéra-tions et la vidéotransmission aux journalistesdes quatre coins du monde. C’était une opéra-tion de radiodiffusion d’une ampleur encorejamais atteinte dans l’Arctique de l’Est, maisles nouveaux producteurs ont fait un excellenttravail : le nouveau réseau inuit a suscitépresque autant l’intérêt de la presse interna-tionale à la conférence comme telle.

Au cours des trois années suivantes, IBC aaffiné de nombreux éléments de l’apparenceet du style qui caractérisent encore le réseau.Ses programmes ont été diffusés par Radio-Canada, ce qui demandait des présentationsde trente minutes et un plus haut niveau dequalité technique par rapport à la norme envigueur au temps du projet Inukshuk. Pour lapremière fois, l’entreprise a conçu et produitdes séries d’émissions hebdomadaires. Deuxdes programmes d’IBC qui ont duré le pluslongtemps ont été diffusés pour la premièrefois ces années-là : Qaggiq, une émissiond’actualités régionale, qui en est à sa dix-neuvième année, et Kippingujautiit, qui pré-sente des divertissements et récits, et qui en està sa quinzième saison.

L’un des programmes les plus connus d’IBCa été lancé en 1986. Lorsqu’elle a créé l’émis-sion, IBC avait ciblé comme auditoire essentielles enfants, car son objectif général était lapromotion et la préservation de la langue. Ap-rès deux années de recherche, d’essais auprèsde groupes témoins et de formation spécialiséepour une équipe établie à Iqaluit, le réseau alancé Takuginai, sa série primée d’émissionsdestinées aux enfants inuits. Même si le pro-gramme utilise des marionnettes, des récitsillustrés par des graphiques, des personnagesou décors réels, des procédés d’animation etdes effets spéciaux, il constitue beaucoup plusqu’un clone nordique de Sesame Street : trèsdrôle, parfois insolent, il reflète toujours les

valeurs et traditions inuites. Certains ani-maux, par exemple, peuvent parler – maisseulement ceux qu’on ne chasse et qu’on nemange pas. Takuginai, qui en est à sa trei-zième année, a donné lieu à la publication delivres, à la création d’affiches, de lunettes desoleil et de messages d’intérêt public, et mêmeà une tournée des vedettes pour les marion-nettes. En 2000, Leetia Ineak, réalisatrice duprogramme, a reçu un prix national d’excel-lence décerné aux Autochtones pour les an-nées consacrées à la création des marionnettesde la série.

Une fois son personnel formé, ses studiosaménagés et sa grille-horaire établie, IBC s’estattaquée au défi suivant : la distribution desprogrammes.

La Politique de radiotélédiffusion dansle Nord de 1983 déclarait dans ses principesque les Autochtones du Nord devraient avoirun «accès équitable» aux systèmes de distribu-tion d’émissions dans le Nord, afin de préser-ver et d’enrichir leur culture et leur langue.Elle ne définissait pas le terme « accès équi-table », ayant laissé cette responsabilité auxpropriétaires des systèmes distribution. Dansle Nord, cela signifiait qu’on comptait sur laSociété Radio-Canada.

En général, Radio-Canada appuyait IBC etses objectifs, mais sa propre programmationpour le Nord avait préséance. Les programmesd’IBC figuraient en dernier sur la liste et lagrille-horaire. Les téléspectateurs devaientattendre jusqu’à 23 heures ou minuit pourregarder les programmes d’IBC qui pouvaientêtre déplacés chaque fois qu’un match dehockey se prolongeait. Rosemarie Kuptana,qui était alors présidente d’IBC, a déclaré auCRTC que le Bon Dieu avait fait du territoireinuit la terre du soleil de minuit – et que, poursa part, Radio-Canada en avait fait la terre dela télévision de minuit.

Malgré la tranche horaire tardive, plu-sieurs sondages indépendants menés auprèsde l’auditoire ont confirmé qu’IBC attiraitjusqu’à 95 p. 100 des téléspectateurs inuits.Mais il était évident que cela ne pourrait durer.Le Service du Nord de Radio-Canada comptaitétendre sa propre programmation pour le

Nord, et les programmes d’IBC étaient de plusen plus souvent déplacés.

Tous les radiodiffuseurs autochtones duNord, partout au Canada, étaient confrontés àdes problèmes semblables. La solution avaitété proposée par IBC en 1982 : un transpon-deur exclusif pour le Nord, une voie par satel-lite consacrée uniquement au Nord pourgarantir l’accès à IBC et aux autres radiodif-fuseurs du Nord.

Six années de lobbyisme dirigé ont finale-ment donné des résultats, en 1988, quand laministre des Communications, Flora Mac-Donald, a consacré 10M$ à la création de Tele-vision Northern Canada (TVNC), un réseaupan-nordique établi par les gens du Nord pourles gens du Nord. Après trois années con-sacrées à la recherche, à la conception et àl’installation, le nouveau réseau fut lancé en1992 et les radiodiffuseurs autochtones ontfinalement eu leur propre système de distribu-tion dont ils avaient grandement besoin etqu’ils souhaitaient obtenir depuis longtemps.

TVNC a fourni à IBC et aux autres radiodif-fuseurs un canal pour leurs séries d’émissionset leur a donné la possibilité de retourner à laprogrammation expérimentale, dans l’espritdu projet Inukshuk. Un exemple unique à cetégard : « Connecting the North », un sympo-sium de trois jours sur les nouvelles communi-cations et le Nord qui intégrait des techno-logies de pointe – les vidéoconférences, latélémédecine et le transfert de données sur leWeb – à la radiodiffusion. Le programmecomprenait des présentations de porte-paroledes gouvernements, d’éducateurs et de forma-teurs, de professionnels de la santé, d’organi-sations politiques autochtones, de spécialistesen développement économique, de gens d’af-faires et de radiodiffuseurs des quatre coins dumonde. Des groupes de discussion locaux,dans 27 collectivités, ont regardé le sympo-sium sur TVNC. Avec l’aide d’un animateur, ilsont débattu les questions soulevées sur lesondes et fait des commentaires et recomman-dations par téléphone et télécopieur à l’inten-tion des responsables du symposium. À sa

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séance finale, le symposium a relié les leadersinuits John Amagoalik et Jose Kusugak, à Iqa-luit, à des panélistes du réseau Tanami, enAustralie, pour qu’ils puissent parler de leursrevendications territoriales et autres prob-lèmes de territoire.

«Connecting the North» a donné un exem-ple du potentiel réel des radiodiffuseurs duNord – esprit communautaire, interactif etsignificatif. Le symposium a créé un modèleinnovateur pour l’utilisation d’un réseau detélévision comme un outil favorisant la con-sultation bilatérale des collectivités – commel’avait fait le projet Inukshuk une décennie plustôt. Grâce à ce genre de programmation ingé-nieuse, le nouveau réseau commença à attirerl’attention de certains milieux surprenants.

TVNC a toujours visé un auditoire nor-dique. Mais les réseaux dont les émissions sontdiffusées par satellite peuvent être captés partoute personne qui possède l’antenne para-bolique appropriée. À la grande surprise detout le monde, TVNC a commencé à recevoirdu courrier des téléspectateurs ainsi que desdemandes de bandes vidéo et de renseigne-ments provenant de toutes les régions du Suddu Canada, des États-Unis, et même de l’Amé-rique du Sud et de l’Amérique centrale. TVNCsuscitait, semble-t-il, un intérêt au delà duNord.

Les membres de TVNC ont commencé à sedemander s’il pourrait y avoir un marchéimportant pour les programmes autochtonesdans le Sud. La distribution plus étendueprésentait de nets avantages : comme les tarifspour les annonceurs sont basés sur la taille del’auditoire, un auditoire du Sud allait faireaugmenter les recettes publicitaires. Les entre-prises de câblodistribution font payer leursabonnés pour leurs services; si TVNC pouvaitfournir un service qui intéresserait un nombresuffisant de téléspectateurs du Sud, les recettesdes entreprises de câblodistribution fourni-raient un soutien aux organismes de radiodif-fusion. Une programmation supplémentaireserait nécessaire : mais un canal autochtonenational établi sur les bases du réseau TVNCpourrait fournir une tribune aux centaines de

rédacteurs, réalisateurs et producteurs qui tra-vaillent dans le Sud du Canada et qui n’ontpas accès à la distribution.

En juin 1997, le conseil d’administration deTVNC a voté pour demander la mise sur piedd’un réseau de télévision autochtone national.Pendant les deux années suivantes, les radio-diffuseurs ont repris le lobbyisme dirigé persis-tant qui leur avait fait obtenir leur licenceTVNC huit années plus tôt. Ils ont recueilli desappuis pour le concept de réseau nationalauprès des organisations autochtones natio-nales, des leaders des milieux culturels, despoliticiens, promoteurs, éducateurs et autresradiodiffuseurs. Et surtout, ils ont fait menerun sondage Angus Reid qui a confirmé que 66 p. 100 des Canadiens étaient en faveur d’unréseau de télévision autochtone national,même si cela signifiait qu’il faudrait déplacerun service existant. Encore plus surprenant,68 p. 100 des Canadiens ont dit qu’ils consenti-raient à payer un supplément de quinze centspar mois sur leur facture de câblodistributionpour pouvoir capter un réseau autochtone.

Leur lobbyisme et leur recherche ont portéfruit en février 1999, quand le CRTC a accordéune licence d’exploitation au Aboriginal Peo-ples Television Network (APTN), le chargeantainsi de transmettre ses émissions comme ser-vice de base des entreprises de distribution. Lepermis donnait à APTN le mandat de « propo-ser à l’ensemble des Canadiens une fenêtresur la vie des Autochtones».

Maintenant, APTN transmet les program-mes produits par IBC et d’autres radiodiffu-seurs qui reçoivent l’aide financière du PAANRà un effectif potentiel de plus de huit millionsde téléspectateurs. Le service est obligatoire;tous les câblodistributeurs de plus d’une cer-taine taille doivent l’offrir comme partie deleur forfait de base. Chaque abonné paye 15cents par mois, ce qui est parfois moins que leprix d’une canette de coke et d’un paquet decroustilles par année.

On envisage même une distribution plusétendue. APTN compte transmettre son signalsur le Web, ce qui signifie que ses programmesseront sur le World Wide Web, en temps réel –au moment de leur diffusion – et en mode

consultable-récupérable. Le réseau convoiteaussi les marchés des États-Unis, de l’Australieet de la Nouvelle-Zélande, et il examine lapossibilité de créer un réseau autochtoneinternational. Grâce au numérique et à latechnique des satellites, ses ambitions sem-blent illimitées.

Les changements significatifs amènentleurs propres défis. Certains auditoires duNord se sont plaints du fait que le nouveauAPTN ne semblait pas « nordique » comme l’était TVNC. Avec ses émissions de luxe bienprésentées, il semble beaucoup s’intéresser auSud, comparativement à TVNC. De nombreuxtéléspectateurs inuits se demandent pourquoiil y a tellement d’émissions « indiennes ». Enrevanche, des téléspectateurs inuits du Sud sedemandent pourquoi il y a tellement d’émis-sions inuites en inuktitut, sur un réseau na-tional. La nécessité de répondre aux attentesde plusieurs auditoires différents présentera undéfi pour APTN et ses membres-contributeurs,y compris IBC.

Depuis l’arrivée d’APTN, les programmesd’IBC ont une dimension nationale; ils re-joignent un public jamais atteint auparavant,génèrent ses plus considérables recettes et sontsur le point de conquérir de nouveaux mar-chés et de se lancer dans de nouveaux secteursde programmation. À ce jour, IBC mise encorebeaucoup sur le contenu communautaire.Comme les radiodiffuseurs profilent leur audi-toire et sont façonnés par celui-ci, il seraintéressant de surveiller l’évolution d’une IBCqui équilibre les besoins de ses auditoires dudébut en ce qui a trait aux émissions locales, àla couverture communautaire et à la télévisionen langue inuktitut, avec ceux d’un vasteauditoire urbain du Sud, à prédominance noninuite, en ce qui concerne le réseau de télévi-sion national qu’IBC a aidé à créer.

Cependant, leur succès passé augure bienpour l’avenir. À partir de leurs débuts, lors-qu’ils menaient une expérience par satellitesous la protection d’ITC, jusqu’au moment oùils ont joué un rôle majeur dans la création dupremier réseau de télévision autochtone aumonde, les radiodiffuseurs inuits ont été lesleaders de la croissance des communications

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autochtones au Canada, un mouvement qui ainspiré les peuples autochtones et leur a fournides modèles, dans le monde entier. Comme les émissions en inuktitut sont maintenantoffertes chaque jour dans huit millions de foyers canadiens et vu la perspective de distri-

bution à l’échelle internationale, IBC est peut-être le meilleur exemple de l’une des plusgrandes forces des Inuits – la capacité d’adap-ter à leurs propres besoins et objectifs lesmeilleures nouvelles technologies provenantd’autres cultures.

Terry Rudden est spécialiste de la radio-diffusion autochtone et du développementorganisationnel.

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Il y a près d’un tiers de siècle débutait l’ère del’accessibilité des images de la Terre captéesdans l’espace pour les établissements com-merciaux et le grand public, avec l’arrivée dusatellite Landsat-1 de la NASA (alors appeléERTS-1). La résolution des images était d’unequalité raisonnable pour l’époque (80 m), etune nouvelle perspective de la planète où nousvivons venait de naître. Par la suite, les inté-ressés ont eu accès à une mine de nouveauxrenseignements provenant des quatre coins dumonde, ce qui a permis la mise au point d’ap-plications passionnantes. Cela n’a jamais étéaussi vrai pour l’Arctique quand, dans lesannées 70, l’exploration et le développementont atteint des niveaux sans précédent. Lesrenseignements en provenance de la régionarctique étaient si rares que les chercheurs etles entreprises d’exploration utilisaient lesimages de satellites météorologiques d’unerésolution à l’échelle du km pour fournir desdétails sur les terres, même avant l’arrivée deLandsat-1.

Le Centre canadien de télédétection (CCT)créé depuis peu était le premier organisme del’extérieur des États-Unis qui fut autorisé àrecevoir directement ces nouvelles imagesfournies par Landsat-1 qui appartenaient auxÉtats-Unis. Ce fait a marqué l’histoire desnombreuses percées technologiques réaliséesau Canada. L’une d’elles a été la mise sur piedde stations terriennes de réception par Mac-Donald Detwiler and Associates, de Vancou-ver. Deux stations de réception, une à PrinceAlbert, en Saskatchewan, et plus tard une àShoe Cove, à Terre-Neuve, ont reçu des don-

nées de satellite portant sur une grande partiede l’Amérique du Nord. La station de ShoeCove a été abandonnée et remplacée, en 1985par la station satellite de Gatineau située àCantley, au Québec.

Dans les années 70, la souveraineté et lasurveillance dans l’Arctique sont devenues desquestions importantes pour le gouvernement.Cela a donné lieu à la mission RADARSAT-1, lesatellite-radar à antenne synthétique (SAR)

à vocation civile le plus perfectionné au mo-ment de son lancement, en novembre 1995.1

RADARSAT-1 est en activité depuis cette dateet, lorsque ce texte a été rédigé, il avait effec-tué plus de 40 000 orbites circumterrestres.Dans une orbite quasi polaire (comme ceux dela plupart des satellites d’observation de laTerre), les orbites de satellite convergent auxhautes latitudes, là où les passages répétés àun point particulier de la Terre sont plus

L A T É L É D É T E C T I O N :U N E P U I S S A N T E S O U R C E D E R E N S E I G N E M E N T S

P O U R L ’ A R C T I Q U E C A N A D I E N Paul Budkewitsch

internationale de changement de date. La couverturenuageuse et l’obscurité totale n’empêchent pas RADARSAT-1 de recueillir des données. Les blocs de glacerugueuse de plusieurs années sont montrés dans des tonsvifs, alors que les zones étroites et les petits bancs montrésdans des tons foncés sont les fractures de l’année en courset les clairières d’eau libre qui ont été recongelées.

Dix-huit images de l’ensemble du pôle ont été recueilliespar RADARSAT-1 à diverses fins depuis le début, en 1997.La plus récente est une image de RADARSAT-1 en modefaisceau prolongé (faisceau 4) haute incidence, acquise à00 h 30 T.U. le 1er janvier 2003. Cette image montre laglace de mer de l’océan Arctique dans la zone la plusseptentrionale de 30° de latitude où des parties de cetteglace sont au 31 décembre 2002, à cause de la ligne

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fréquents qu’aux latitudes moins élevées. Parconséquent, dans l’Arctique, les possibilitésd’acquérir des images optiques sans nuagessont beaucoup plus grandes qu’aux latitudesmoins élevées. Cependant, la couverture nua-geuse ne cache pas le terrain pour les radarsimageurs. C’est pourquoi RADARSAT-1 estsouvent appelé satellite « tout temps », capablede fonctionner le jour ou la nuit et dans l’obs-curité, durant les mois d’hiver dans l’Arctique.Et la couverture de neige sèche n’empêche pasle radar de capter les images. Donc, le satellitefabriqué au Canada est réellement bien adaptéà notre environnement nordique.

Les stations terriennes de réception du CCTont recueilli, traité et archivé des donnéesd’une douzaine de missions réalisées pour leCanada, l’Agence spatiale européenne, laFrance, le Japon et les États-Unis. Les missionsen cours comprennent les plate-formes NOAAAVHRR (radiomètre à très haute résolutionperfectionné de la US National Oceanic andAtmospheric Administration), Landsat-5 et -7,RADARSAT-1, la plate-forme européenne ERS-2(satellite d’exploration des ressources terres-tres) et celle d’ENVISAT. Ces partenariats inter-nationaux sont importants pour les Canadienspuisqu’ils fournissent des données non seule-ment pour l’Arctique, mais aussi pour l’en-semble du Canada. Des archives de 30 annéesrenferment une collection impressionnante,irremplaçable, de données de satellites quifournissent des renseignements de base auxclients des gouvernements et des établisse-ments commerciaux. Les intéressés peuventfaire des recherches dans les données d’ar-chives pour le Canada, au moyen du Cata-logue canadien d’images d’observation de laterre (CEOCat2), un catalogue d’images endirect qui permet de naviguer dans les don-nées historiques. Ce n’est que récemment queles responsables ont constaté que la préserva-tion de ces images du passé était essentiellepour les études en rapport avec le changement

de climat qui demandent des ensembles dedonnées recueillies pour certaines périodes.L’avenir indiquera pour quelles autres appli-cations ces images du passé d’une très grandevaleur seront nécessaires. Grâce à GeoGratis3,le public peut avoir accès à bon nombred’images de plus de douze mois captées parLandsat, alors que les données de la NOAAAVHRR peuvent être obtenues peu après leuracquisition. Chaque année, des données deLandsat représentant environ six téraoctetssont recueillies et archivées par liaison descen-dante directe au-dessus du Canada, ce quiéquivaut à 20 000–30 000 images. Une quan-tité plus impressionnante, soit environ 22téraoctets de données par année captées etenregistrées par RADARSAT-1 dans le mondeentier, est également recueillie et archivée.

Afin de soutenir les dossiers qui intéressentles gouvernements et les programmes desministères, le CCT continue de fournir des ser-vices de réception, de développement d’appli-cations et d’accès au nom du gouvernementfédéral. Cependant, les données de satellitescomme telles ne sont pas des renseignements.Donc, le développement d’applications avec lacollaboration des autres ministères du gouver-nement, des universités et de l’industrie est unélément majeur du mandat du CCT. Ces activi-tés constituent une partie importante de lamise en place d’un vigoureux secteur de la té-lédétection au Canada et de l’acquisition d’unesolide base de connaissances pour le bien pub-lic. Une autre percée technologique réalisée auCanada est la création du service rapide d’ima-gerie «Quicklook» de Landsat-1, en 1972. Dansle cadre d’expériences menées plus tard, desimages de Quicklook ont été directement en-voyées par télécopieur aux navires qui circu-laient dans l’Arctique, pour servir d’aides à lanavigation. Aujourd’hui, le Service canadiendes glaces, qui fait partie d’EnvironnementCanada, est le plus grand utilisateur de don-nées de RADARSAT-1, d’ERS et d’ENVISAT auCanada. Ce service fournit en temps presqueréel des renseignements pertinents sur l’état dela glace de mer aux navires qui circulent dans

les eaux arctiques, ce qui leur permet de choi-sir des itinéraires plus convenables et plussûrs. En fait, les mines de zinc-plomb Polariset Nanisivik sont rentables en partie en raisondes énormes économies réalisées en ce qui atrait au transport maritime du concentré deminerai destiné à l’exportation.

Les autres ministères du gouvernementfédéral qui utilisent les services d’imagerie parsatellite incluent l’Agence spatiale canadi-enne, le ministère des Pêches et Océans, Res-sources naturelles Canada et Parcs Canada.Parcs Canada, par exemple, a mené une étudedernièrement sur la santé écologique des ter-res à parcs du Nord à l’aide de composites dedonnées de la NOAA AVHRR. À partir d’unensemble de données portant sur dix ans, lesauteurs ont constaté un rapport prévisibleentre le moment de la disparition de la glacedes lacs et la croissance rapide de la végéta-tion au début de l’été.4 Les effets des change-ments annuels et les tendances à long termedes habitats de l’Arctique influent sur le com-portement des oiseaux reproducteurs et desanimaux brouteurs.

L’industrie primaire (métaux précieux etde base, diamants et pétrole, etc.), compte deplus en plus sur les données obtenues par télé-détection qui lui apportent une aide en luifournissant des renseignements sur l’exploita-tion des ressources à divers stades, soit depuisl’étape de l’exploration jusqu’à celles de l’exa-men des conséquences environnementales, dela planification des sites miniers et de la re-mise en état du terrain. Les autres applicationsdans l’Arctique incluent la détermination del’état de la glace de mer, la création de mo-dèles d’élévation numériques, la surveillancede la couverture neigeuse et des changementsdans la végétation, l’étude de la dynamiquedes processus propres aux climats froids et duflux des glaciers. La croissance rapide des col-lectivités autochtones dans le Nord peut êtresuivie d’une manière idéale et rentable à desfins de planification municipale et de déve-loppement, à l’aide de satellites à très haute

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1 Les intéressés peuvent trouver d’autres textes surl’histoire de la télédétection au Canada sur le siteccrs.nrcan.gc.ca/ccrs/org/history/history_f.html(23 juillet 2003).

2 ceocat.ccrs.nrcan.gc.ca/cgi-bin/client_acc/ceocate/holdings.phtml (23 juillet 2003). 3 geogratis.cgdi.gc.ca (23 juillet 2003).

4 Satellite Monitoring of Northern Ecosystems, 2002(B. Sparling, J. Wilmshurst, J. Tuckwell et T.Naughten).

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résolution qui souvent offrent des images de lamême qualité que la photographie aérienne.

L’Arctique demeure une région où il est dif-ficile d’obtenir de l’information sur le terrainou d’autres sources et où les renseignementscoûtent cher. La télédétection peut permettrede surmonter ces difficultés, pour les raisonssuivantes: � Les satellites d’observation de la Terre peu-

vent recueillir des données d’une manièresystématique, synoptique et répétitive;

� Les données sont acquises dans un cadrede référence spatial, et elles comprennentdes précisions géophysiques et thématiquespropres au terrain, qui ne sont pas fourniessur les cartes topographiques;

� L’information est actualisée, quantitativeet impartiale.Le Canada figure parmi les premières

nations qui ont exploré l’espace, ayant lancéen 1962 un petit satellite. Alouette-1 a examinél’ionosphère pour permettre de mieux com-prendre les communications radio dans l’ex-trême Nord. À cette période, seuls l’Unionsoviétique et les États-Unis, motivés par lespolitiques de la Guerre froide, avaient mis aupoint des techniques spatiales. Aujourd’hui, laliste des pays qui possèdent des satellites d’ob-servation de la Terre inclut également le Bré-sil, la Chine, l’Union européenne, l’Inde, Israëlet le Japon. Les investissements du Canada et

le leadership qu’il a assuré à cet égard dans le passé ont été bénéfiques pour notre indus-trie aérospatiale, et les perfectionnements etl’information technologiques ont profité àl’ensemble des Canadiens. L’exploration etl’exploitation des ressources ont repris dans leNord, et de nouvelles questions sont soulevéesà cause des répercussions évidentes des acti-vités humaines et des changements environ-nementaux sur la région polaire. Comme ja-mais auparavant, les capteurs des satellitessont sur le point de fournir des renseigne-ments stratégiques grandement nécessairespour l’exploitation et la surveillance du Nord.

Les stations de réception situées dans leshautes latitudes sont avantagées parce que lacommunication directe avec un satellite estpossible à chaque orbite. La Norvège a recon-nu cet avantage et tiré profit de sa haute lati-tude et de sa proximité par rapport au pôle, àSvalbard. Actuellement, SvalSat exploite unsystème d’antennes réceptrices à Longyear-byen (N78) pour des clients des quatre coinsdu monde, y compris les États-Unis. Au Cana-da, une station de réception, à Resolute Bay,Nunavut (N75), par exemple, serait à 22 deg-rés plus au nord que notre actuelle station laplus septentrionale, à Prince Albert, et auraittous les mêmes avantages géographiquesrelatifs qui existent à Svalbard. Des groupes del’étranger ont déjà fait des demandes de ren-

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Vue sur le sud-est le 9 juillet 1999, montrant l’ensemble dela plus grande partie de la région polaire, obtenue à l’aidede SeaWiFS (scanneur à grand champ pour l’observationdes mers) à partir d’une altitude orbitale de 705 km (lasphéricité de la Terre est exagérée dans cette perspective).

La plus grande partie de l’archipel de l’Arctique de l’Ouestest libre de nuages, et cette image inclut le cap MorrisJesup (Grœnland) près du coin inférieur gauche jusqu’audelta du Mackenzie, T.N.-O., au premier plan, à droite.

seignements à cet égard, mais actuellement, àcause de la diminution du soutien accordé ànotre infrastructure de réception au sol, il estpresque impossible d’envisager un engage-ment canadien. Un investissement de ce genrepourrait apporter des avantages à long termedurables au Nord dans un secteur de hautetechnologie.

Lorsque les programmes gouvernemen-taux sont modifiés, on risque de perdre de vueles avantages du maintien de solides compé-tences dans des disciplines de base. Dans biendes domaines, on peut prouver que les sys-tèmes courants ou opérationnels actuellementutilisés, conçus grâce au soutien accordé dansle passé aux expériences et études à haut ris-que qui ne semblaient pas pouvoir apporterdes avantages immédiats. Après avoir enre-gistré une telle avance depuis les débuts decette ère technologique, ne perdons pas lasolide base que nous avons acquise dans ledomaine de la télédétection, maintenant aumoment où des capteurs plus techniquementperfectionnés sont déployés presque chaqueannée et fournissent des données nouvelles etuniques. Avec son énorme masse terrestrepolaire, le Canada peut continuer de jouer unrôle incitatif en rapport avec les politiques etpratiques d’observation de la Terre à l’échellemondiale. Nous ne devrions pas laisser cettecapacité diminuer, car il est essentiel de pren-dre en main les dossiers circumpolaires ac-tuels et futurs.

Paul Budkewitsch est spécialiste en télé-détection au Centre canadien de télédétec-tion, Ressources naturelles Canada.

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Figure 1L’océan Arctique, montrant les États côtiers quil’entourent, leurs limites de 200 milles nautiquescombinées et les élévations sous-marines qui pourraientfigurer dans la détermination de la limite extérieure duplateau continental juridique, conformément auxdispositions de l’Article 76 de l’UNCLOS: calotte desTchouktches, complexe Alpha–Mendeleev, dorsaleLomonosov, plateau Morris Jesup et plateau Yermak.

D’ici environ une décennie, la carte des pou-voirs exercés sur l’océan Arctique sera sansdoute grandement révisée, à mesure que lescinq États qui entourent cet océan établirontles limites extérieures de leur plateau conti-nental juridique au-delà des 200 milles nau-tiques. La Fédération de Russie a été le premierde ces États à essayer d’engager ce processus,et les résultats de cette tentative n’ont pasrépondu aux attentes. Le présent article com-mence par une courte description des procé-dures à suivre pour établir les limites exté-rieures. Ensuite, il décrit l’approche russe et laréaction de ses voisins de la zone arctique. Etpour terminer, il présente une courte discus-sion sur les leçons retenues suite à l’interven-tion de la Russie et les répercussions que celle-ci a entraînées pour les autres États arctiques.

I N T R O D U C T I O N : L E P L A T E A U

C O N T I N E N T A LJ U R I D I Q U E

L’océan Arctique est une mer semi-fermée en-tourée de masses de terres qui font partie duCanada, du Groenland, de la Norvège, de laRussie ou des États-Unis (Figure 1). Dans lesrégions adjacentes aux marges continentalesdes cinq États côtiers, le lit marin a des carac-téristiques qui, conformément aux dispositionsde l’Article 76 de la Convention des NationsUnies sur le droit de la mer (UNCLOS), peu-vent valider l’exercice de certains droits desouveraineté au-delà de l’habituelle limite de200 milles nautiques (mn). La zone où cesdroits de souveraineté s’appliquent s’appelleplateau continental juridique, terme à ne pasconfondre avec le plateau continental physio-graphique.

L’Article 76 définit les critères bathymét-riques et géologiques que doit remplir un Étatcôtier pour pouvoir étendre des éléments deson pouvoir national au-delà de 200 mn et

pour définir la limite extérieure de la zone àlaquelle il compte étendre son pouvoir. Engénéral, cela demande la collecte et l’analysedes observations qui indiquent la profondeuret la forme du lit marin ainsi que l’épaisseurdes sédiments. Cette limite extérieure ainsi queles renseignements justificatifs doivent êtreindiqués dans une présentation soumise à laCommission des limites du plateau continental(CLCS), un organisme élu regroupant 21 spé-cialistes en géologie, géophysique ou hydro-graphie. Cette présentation doit être faite dansun délai de dix ans après la date d’entrée envigueur de l’UNCLOS pour cet État en parti-culier. La principale fonction de la CLCS con-siste à examiner le contenu de la présentationet à faire des recommandations en ce qui a

trait à l’admissibilité de la limite extérieureenvisagée.

Lorsque la limite extérieure de son plateaucontinental juridique au-delà de 200 mn a étéapprouvée, un État côtier peut commencer àexercer des droits de souveraineté considé-rables dans la région étendue : un pouvoir surles ressources biologiques et non biologiquesdu lit marin et du sous-sol; un contrôle surl’emplacement et l’utilisation des câbles etpipelines sous-marins, des îles artificielles, desinstallations et des structures; la réglementa-tion des forages; la lutte contre la pollution dumilieu marin et la prévention de cette pol-lution; ainsi que la réglementation de larecherche scientifique en milieu marin. L’Arti-cle 76 est donc une déclaration relevant du

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D É L I M I T A T I O N D U P L A T E A U C O N T I N E N T A LJ U R I D I Q U E D A N S L ’ O C É A N A R C T I Q U E :

U N E C O N F L U E N C E D E D R O I T ,D E S C I E N C E E T D E P O L I T I Q U E

Ron Macnab

Mer de Sibériede l’Est

Mer desLaptev

Mer desTchouktches

Mer deKara

Calotte desTchouktches

Bassin Canada

Mer deBeaufort

DORSALE MENDELEYEV

DORSALE ALPHADORSALE LOMONOSOV

DORSALE MÉDIO-OCÉANIQUE DE L’ARCT IQUE

Mer duGroenland

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droit maritime international qui a une impor-tance considérable pour les États côtiersautorisés.

A P P L I C A T I O N D EL ’ A R T I C L E 7 6

D A N S L ’ O C É A NA R C T I Q U E

Comme dans les autres parties du monde oùde multiples États côtiers bordent un océancommun, la détermination des limites exté-rieures dans l’océan Arctique est compliquéepar plusieurs facteurs : perspectives de conver-gence et de chevauchement des revendica-tions concernant le plateau continental;échéanciers nationaux non synchronisés pour

la ratification de l’UNCLOS et l’application del’Article 76; ensembles de données inadéquatsou incompatibles; différences entre certainsÉtats relativement à leur style et à leurs cri-tères d’interprétation; et connaissance limitéedu potentiel qu’offrent les ressources du litmarin.

L’Article 76 repose peut-être sur des fonde-ments scientifiques et techniques, mais la dé-cision de le faire appliquer est surtout une af-faire politique, et différents États seront moti-vés par des différents facteurs – certains sontinternes, d’autres externes (p. ex., au moinsun chef d’un petit État côtier qui quittait sonposte aurait apparemment saisi l’Article 76

comme une occasion de dorer son blason enaugmentant sensiblement la taille du territoiremaritime de son pays). Cela pourrait poser desdifficultés si l’on veut coordonner les activitésde délimitation entre États voisins : si le choixdu moment et les conditions semblent conven-ables pour certains, ils peuvent ne pas l’êtrepour d’autres.

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Figure 2La carte bathymétrique internationale de l’océan Arctique(CBIOA) dressée pour la première fois en 2000 à partir detoutes les observations bathymétriques du domaine public,qui a été actualisée avec de nouveaux renseignements.Pour plus de précisions, voir ngdc.noaa.gov/mgg/bathymetry/arctic/arctic.html.

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Figure 4Les zones en couleurs pâles indiquent les endroits et lataille des extensions du plateau continental revendiquéespar la Russie dans la région des hautes mers circonscritepar les limites de 200 milles combinées des États côtiers del’Arctique (ligne grasse).

Dans le cas de l’océan Arctique, seulementdeux États sur cinq – la Norvège et la Russie –ont ratifié l’UNCLOS, et on fixera à 2009l’échéance pour la présentation qu’ils devrontsoumettre. Le Danemark aurait apparemmentadopté une loi qui permettra la ratificationd’ici à la fin de cette année, ce qui porteraitson échéance à 2013. Le Canada et les É.-U.n’ont encore rien ratifié même si apparem-ment, dans le second pays, on favorise de plus en plus la ratification au plus tôt. Donc,les nations arctiques occuperont vraisem-blablement différentes positions dans le cycled’application.

Les questions de données sont particulière-ment problématiques dans l’Arctique, à causedes difficultés inhérentes à la cartographied’un océan qui est recouvert par les glaces enpermanence. Ces dernières années, cette situa-tion a incité les chercheurs qui s’intéressentaux dossiers polaires à entreprendre des initia-tives informelles afin de regrouper les ensem-bles de données disponibles qui décrivent leplancher océanique et ses sédiments. Le but :favoriser une perception commune de l’étatdu lit marin, laquelle influerait sur la détermi-nation des limites extérieures, et ainsi réduireles conflits entre des États qui pourraient ten-ter d’étendre leurs pouvoirs respectifs à lamême partie du plancher océanique. Ces ini-tiatives ont donné des résultats mitigés : unenouvelle carte internationale grandementaméliorée de la bathymétrie arctique a étédressée à partir de sources de données pub-liques (Figure 2), mais on sait qu’il y a desensembles de données classifiées qui rehaus-seraient certainement la qualité de ce produit.Parallèlement, les responsables sont en trainde constituer une base de données interna-tionale sur les observations sismiques. Cepen-dant, l’idée de dresser une carte détaillée del’épaisseur des sédiments n’aboutira pas avantlongtemps : on sait qu’il existe une grandequantité de données d’observation, mais laplupart de ces données sont classifiées car ellesont été recueillies à des fins de défense, et il estpeu probable qu’elles deviennent disponiblesdans un proche avenir.

Il y a environ trois ans, une équipe de

chercheurs canadiens a utilisé de l’informa-tion publique pour établir une série de limitesextérieures hypothétiques dans l’océan Arc-tique. Cette analyse a conclu que l’ensembledes plateaux continentaux des cinq Étatscôtiers pourrait occuper la plus grande partiede l’océan Arctique, sauf pour deux « trous debeigne » (Figure 3). Cela a donné lieu à desconjectures intéressantes, et à vrai dire spécu-latives, sur la façon dont l’ensemble de larégion pourrait être réparti entre les cinqÉtats. Pour le moment, la question de la ré-partition demeure théorique, mais il faudral’examiner à l’avenir.

L A P R É S E N T A T I O ND E L A R U S S I E

En décembre 2001 – bien avant son échéancede 2009 – la Fédération de Russie est devenuele premier et, jusqu’ici le seul, État côtier quiait soumis une présentation sur le plateau con-tinental qui devra être examinée par la CLCS.Cette présentation avait une vaste portée géo-graphique; elle demandait l’extension despouvoirs à quatre zones distinctes des océansPacifique et Arctique dans le Nord. Cependant,cet article traite seulement de l’océan Arctiquecentral (Figure 4). Tout compte fait, cetterevendication englobait une zone à peu prèstriangulaire dont l’apex se situe au pôle Nord;la frontière est était une ligne droite approxi-mativement définie par le 169e méridien, alorsque la frontière ouest irrégulière, établie con-formément aux dispositions de l’Article 76,bordait le flanc nord de la dorsale médio-océanique de l’Arctique (également appeléedorsale Gakkel).

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Figure 3Résultats d’une étude faite par des universitaires publiéeen 2001, qui montre comment les plateaux continentauxcombinés des cinq États qui les entourent pourraientoccuper la plus grande partie de l’océan Arctique, saufpour deux «trous de beigne». La plus petite ouverture estun composite des limites extérieures du Canada, de laRussie et des É.-U. La plus grande ouverture est uncomposite des limites extérieures du Danemark, de laNorvège et de la Russie.

2500 metres200 milles marinsLimites

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Figure 5Vue agrandie du bassin de l’Eurasie, qui compare desportions des limites extérieures montrées dans les figures 3et 4. Les limites ne correspondent pas à tous les endroitsparce qu’elles ont été déterminées d’une manièreindépendante par deux groupes qui ont utilisé des bases dedonnées distinctes et appliqué différents critères dans leurinterprétation. La ligne tracée en 2001 représente unelimite extérieure combinée pour le Danemark, la Norvègeet la Russie. D’un autre côté, la limite extérieure soumisepar la Russie a été établie uniquement pour ce pays, et elleintègre les limites bilatérales provisoires (indiquées par desastérisques) dont la position finale est sujette auxnégociations avec les États voisins.

La comparaison de la limite extérieurerusse avec celle obtenue en 2001 par l’équipecanadienne révèle des divergences notables àcertains endroits (Figure 5). Il y a deux expli-cations possibles pour ces écarts : (1) différentsensembles de données – l’un public, et l’autreclassifié – ont été utilisés pour décrire la pro-fondeur et l’épaisseur des sédiments; (2) destechniques et critères différents ont été utiliséspour analyser et interpréter cette information– ce qui ne surprend guère, compte tenu desnombreuses ambiguïtés de l’Article 76.

La présentation de la Russie a suscité desoppositions formelles de la part de cinq Étatsvoisins, bien que seulement trois – le Canada,le Danemark et les E.-U. – aient spécifique-ment mentionné la composante du centre del’Arctique. Le Canada et le Danemark ont tousdeux indiqué que des données justificativessupplémentaires seraient nécessaires pour queles responsables puissent évaluer convenable-ment la présentation et que les recommanda-tions de la CLCS ne causeraient pas de préju-dice à la délimitation du plateau continentalentre eux et la Fédération de Russie. Les E.-U.se sont montrés beaucoup plus intransigeants,ayant déclaré dans leur note verbale au sous-secrétaire général des N.U. que la présentationavait des défauts majeurs et demandé si sescritères et interprétations géologiques étaientacceptés comme valides selon les opinions sci-entifiques éclairées. Ensuite, ils ont fait un exa-men critique des bases techniques et scien-tifiques de la présentation de la Russie.

Des préoccupations officieuses ont aussi étésignalées dans certains milieux de la commu-nauté scientifique internationale qui ont faitpart de leur crainte que la Russie étende sespouvoirs à un segment substantiel des hautesmers arctiques où elle aurait le droit de régle-menter la recherche scientifique marine, etnotamment les forages en mer.

Dans son examen de la présentation de laRussie, la CLCS a noté les préoccupations duCanada et du Danemark et confirmé que sesrecommandations ne nuiraient pas à la déter-mination des frontières entre ces deux États etla Fédération de Russie. Quant aux préoccupa-tions des É.-U., il a été indiqué que la CLCS

n’avait pas tenu compte des points scienti-fiques soulevés par ce pays, les ayant considé-rées comme des interventions de tiers nonautorisées par l’UNCLOS. Il semble néanmoinsque la CLCS ait adopté une approche scien-tifique quelque peu rigoureuse lorsqu’elle aévalué la présentation de la Russie : bien que letexte intégral de ses recommendations n’aitpas été rendu public, il a été indiqué que laCLCS avait des craintes relativement à la con-formité des ensembles de données qui ont étéprésentés pour justifier l’inclusion de segmentsdes dorsales Lomonosov et Mendeleyev dansles limites extérieures envisagées. Ainsi, lors-

qu’elle a rendu sa décision, durant la secondepartie de 2002, la CLCS a recommandé la révi-sion de la composante de la présentation con-cernant le centre de l’Arctique et la soumissionde données justificatives supplémentaires.

Faute de dispositions prévoyant des appelsou la contestation des décisions de la CLCS, laFédération de Russie a convoqué une assem-blée scientifique internationale en juin de cetteannée, pour examiner les points litigieux enrapport avec l’application de l’Article 76 dansl’océan Arctique. À cette assemblée, des con-férenciers russes ont décrit les raisons scien-tifiques invoquées dans leur présentationnationale, et des conférenciers d’autres paysavaient été invités à présenter des points devue complémentaires ou contraires. Commeon pouvait s’y attendre, les participants amé-ricains soutenaient en général le point de vuede leur pays, comme il avait été expliqué ausous-secrétaire général des N.U. À la fin del’assemblée, comme les points de vue des deuxcôtés étaient fermement ancrés, un haut-fonc-tionnaire de Moscou a exprimé la nette inten-tion de continuer à défendre la présentation dela Fédération de Russie.

L E Ç O N S E TR É P E R C U S S I O N S

P O U R L E S A U T R E SÉ T A T S

Dans le contexte arctique, quand un plateaucontinental étendu doit être réparti entreplusieurs États voisins, il est peut-être inévi-table que les différents États dressent des scé-narios concurrents puisqu’ils tentent d’obtenirles limites extérieures les plus avantageuses.Cela sera particulièrement vrai si chaque Étatapplique à sa façon l’Article 76 en appliquantdes procédures analytiques particulières à desbases de données différentes de celles de sesvoisins. Si cela engendre une situation où l’ap-plication par l’un des États est perçue commepouvant nuire aux intérêts d’un autre État, laCLCS n’interviendra pas pour régler le prob-lème, mais elle laissera les parties chercherune résolution mutuellement satisfaisante.

La meilleure façon d’éviter ce genre deconflits serait vraisemblablement que les États

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Isobathe de 2500 mètresPlateau extérieurPlateau extérieur, présentation de la Russie

Plateau de la

Mer de Barents

Dorsale Lomonosov

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voisins consentent à travailler ensemble encombinant et en simplifiant tous les ensemblesde données disponibles pour la région qui lesintéresse, et en harmonisant leurs procéduresanalytiques. Grâce à l’utilisation de bases dedonnées communes et aux interprétationspartagées, une telle coopération devrait aiderles États à concevoir une perspective com-mune de leur plateau continental et à parvenirà une entente qui faciliterait la résolution deséventuels désaccords. Idéalement, cela facili-terait aussi la préparation de présentationscoordonnées – et peut-être même conjointes –à soumettre à la CLCS.

Même si les pays acceptent de travaillerensemble en vue de l’application coordonnéeou conjointe de l’Article 76, ils doivent quandmême faire face aux difficultés inhérentes à laconciliation des exigences juridiques et scien-tifiques de l’Article, et à la rédaction de pré-sentations qui résisteront à l’examen minu-tieux de la CLCS. Les intéressés conviennent engénéral que l’Article 76, avec ses hypothèsessimplificatrices et sa terminologie ambiguë,constitue un texte de loi et de science embar-rassant qui fait qu’il est difficile, dans certainescirconstances, de tirer des conclusions claireset sans équivoque. La CLCS a essayé d’amé-

liorer la situation en préparant des directivesqui tentent de fournir des éclaircissements surles dispositions de l’Article. Le fait que la ver-sion anglaise de ces directives doive utiliser120 pages pour expliquer le sens des 639 motsde l’Article en dit long. Dans les cas où l’Arti-cle n’est pas assez clair, on ne sait pas encoredans quelle mesure les directives seront obli-gatoires pour les États qui soumettront uneprésentation et qui auront des difficultés légi-times à accepter les recommandations de laCLCS.

Les États qui ne soumettent pas de présen-tation ont peut-être de bonnes raisons dedemander des précisions sur les présentationsdes autres États et la façon dont la CLCS les atraitées. Dans le contexte arctique, par exem-ple, le contenu de la présentation d’un Étatcôtier et les questions qu’elle signale à la CLCSpeuvent influer sur la stratégie des autres Étatsqui prépareront leur propre présentation. Ce-pendant, d’après les règles actuelles sur la pro-cédure que doit suivre la CLCS, aucune disposi-tion ne régit la divulgation systématique de telsrenseignements. Par conséquent, lorsqu’unÉtat déterminera son approche en rapportavec l’Article 76, il pourrait lui être difficile detenir compte de l’expérience d’un autre État.

C O N C L U S I O N S

Sur le plan juridique, scientifique et politique,la délimitation du plateau continental juri-dique dans l’océan Arctique est une affairepotentiellement complexe qui a déjà montrédes désaccords majeurs entre deux principauxintervenants sur la façon d’accomplir latâche. Si les cinq États côtiers pouvaient con-venir qu’il est dans leur intérêt de s’abstenird’exacerber la situation, ils auraient avantageà promouvoir une plus grande collaborationentre eux afin a) d’établir une position com-mune relativement à l’application de l’Article76, et b) de faire front commun dans leursdémarches auprès de la Commission des limi-tes du plateau continental.

RemerciementsL’information fournie dans cet article provientde divers textes et présentations orales de l’au-teur et de ses divers collègues, du site Web dela Division des affaires océaniques (DAO) desNations-Unies et de rapports obtenus de di-verses sources bien informées.

Ron Macnab est géophysicien (Commis-sion géologique du Canada, retraité) àDartmouth, N.-É.

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L E C H A N G E M E N T D E C L I M A T , C A S E S E T U N E N O U V E L L E G É N É R A T I O N

D E S C I E N T I F I Q U E S D E L ’ A R C T I Q U ELucette Barber, David Barber et Martin Fortier

Un soir de tempête, Chicken Little sortit surson perron. Il leva les yeux vers le ciel et s’ex-clama: «Le climat change! Le climat change!».Cette analogie pourrait être appropriée, carune sélection au hasard de citations récentes àpropos du réchauffement planétaire donneraità peu près ce qui suit :« Le changement de climat détruira laplanète ! ... On n’a pas à se soucier du ré-chauffement du globe – rappelez-vous queles dinosaures étaient des animaux à sangfroid et ont vécu à une époque où la Terreétait beaucoup plus chaude!»« Bah – le réchauffement du globe, on en a

besoin – Je vis à Winnipeg et j’aimeraisbien que mon milieu se réchauffe!»« Le réchauffement du globe est peut-êtreréel, mais c’est un phénomène naturel dusystème climatique – nous les humains, quimaîtrisons les technologies, n’avons pas ànous en soucier. Nous nous adapterons!».

Si à première vue ces citations semblentêtre davantage liées à l’attitude de Chicken Lit-tle qu’à la climatologie, elle reflètent sansdoute la vaste gamme de perceptions des lec-teurs de ce périodique – et donc, du grand public.Pourquoi un sujet aussi potentiellement signi-ficatif comme le réchauffement du globe et le

changement de climat engendre-t-il une sigrande diversité d’opinions? L’une des raisons:les opinions diffèrent selon qu’elles proviennentdu secteur des ressources en carbone, de l’a-griculture, de l’exploitation minière, de l’agri-culture vivrière, des scientifiques ou du public.

Chacune est influencée d’une manière dif-férente et reflète une interprétation différentede la situation complexe que présentent lesmédias, la communauté scientifique et les ser-vices de renseignement au public.

Il n’est donc pas surprenant, vu l’incerti-tude qui transparaît dans les impressions des scientifiques sur le changement de climat,

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Polynie du plateau du Mackenzie-Cap Bathurst

que nous devions nous attendre à ce que lagamme d’opinions demeure vaste.

Comme les décideurs tiennent compte del’opinion publique, l’adoption de saines poli-tiques à propos de questions aussi complexesque le changement de climat, de questionslourdes d’incertitude qui suscitent des opinionspubliques diversifiées, devient très difficile.Dans ces circonstances, les gouvernements etles décideurs optent souvent pour une dé-marche préventive : au lieu d’attendre que laquestion soit entièrement comprise, ils déci-dent d’agir pour éviter d’éventuels dégâts en-vironnementaux irréversibles. Cette démarchedemande un examen continuel de la scienceen rapport avec le changement de climat etdes aspects relatifs à l’atténuation et à l’adap-tation. Par exemple, bon nombre de décideursestiment que les preuves fournies par leGroupe d’experts intergouvernemental surl’évolution du climat (GIEC) sont assez conva-incantes pour justifier la prise de mesures etque l’inaction n’est pas l’une des options àchoisir, compte tenu du temps à prévoir si l’onveut atténuer les effets de l’augmentation desgaz de serre, adopter des stratégies préconi-sant les énergies de remplacement, etc.

Partout dans le monde, les gouvernementsinvestissent des ressources considérables danstous les aspects de la climatologie. Cela aamélioré notre compréhension des phéno-mènes à grande échelle comme l’oscillationaustrale El Niño (ENSO), l’oscillation nord-atlantique (ONA) et l’oscillation arctique

(OA). Ces mouvements atmosphériques àl’échelle des hémisphères fournissent un cadrepour comprendre des parties de la variabilitéobservée dans les systèmes physiques et bio-logiques qui caractérisent la planète. En outre,ce travail apporte des preuves directes quijouent en faveur et contre les prédictions sur lavariabilité du climat et les changements. Aufur et à mesure de son évolution, nous nousperfectionnons en ce qui a trait à la modélisa-tion du système climatique à l’aide de modèlesde climat locaux, régionaux, hémisphériqueset planétaires (MCG).

L’un des aspects intéressants des analysesselon le modèle de climat du globe est l’accordcontinuel entre les différents MCG selon lequelnous pouvons nous attendre à voir les signesles plus précoces et les plus marqués duchangement de climat planétaire dans leshautes latitudes – l’Arctique et l’Antarctique.Les raisons incluent une variété de méca-nismes de rétroaction propres à l’ensemble dessystèmes océans/mers glace/atmosphère dansles hautes latitudes. Actuellement, le Centrecanadien de modélisation et d’analyse du cli-mat (CCMAC) à Victoria, prédit que dès 2050 iln’y aura plus de glace l’été. Même si les débatsse poursuivent à propos de l’exactitude de cesprévisions, ces résultats de modèles sont con-formes aux réductions qui ont été observéesdans l’étendue aérienne de la glace de mer etaux observations faites par les Inuvialuits qui

vivent dans les régions les plus affectées parles températures moyennes annuelles les plusélevées.

À mesure que la science continuera d’af-finer et d’établir les priorités quant aux aspectsdu système climatique qui devraient êtresoumis au plus tôt à un examen scientifiquesoutenu, les décideurs et gestionnaires conti-nuent d’élaborer des approches sur la façonde se préparer et de s’adapter à la variabilité etau changement de climat. Pendant que ceprocessus se déroule, l’opinion publique estencore davantage influencée par le scénariode Chicken Little que par la prise de décisionséclairées. C’est à cause de la complexité descommunications en rapport avec les preuvesscientifiques du changement de climat et detous les autres aléas de la prise de décisionspar des humains.

Pourquoi le changement de climat dansl’Arctique est-il si important pour nous?

Les mécanismes de rétroaction dont nousavons parlé rendent les régions polaires trèssensibles aux faibles changements de la tem-pérature atmosphérique moyenne annuelle.Bien que plusieurs aient été identifiés, le mé-canisme de rétroaction glace de mer-albédosemble particulièrement significatif. À mesureque l’étendue de la glace de mer diminue(notamment au printemps et à l’automne) uneplus grande quantité d’énergie est transféréede l’atmosphère à l’océan (et vice versa). Cetterétroaction positive fait augmenter la tempé-rature atmosphérique régionale, ce qui réduitdavantage la concentration de glace (pour-centage de couverture par unité de surface).

Des preuves récentes laissent supposer quecela a déjà commencé. Entre 1978 et 1998, l’étendue aérienne de glace de mer au-dessusde la totalité de l’hémisphère nord a diminuéen moyenne de 34 600 km2 par année (Par-kinson et al., 1999). Cette réduction est spa-tialement hétérogène et inclut de plus grandesdiminutions à certains endroits (p. ex., lesmers des Tchouktches et des Laptev) ainsi quede légères augmentations ailleurs (p. ex., labaie de Baffin).

Dans l’Arctique canadien, les observationsdes concentrations aériennes de glace de mer

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NUNAVUT

Stamuki

Mer deBeaufort

Aklavik Inuvik

Tuktoyaktuk

Holman

Paulatuk

Kugluktuk

Sachs Harbour

A Banquise aularge des côtesB Glace de riveC Polynie

TERRITOIREDU YUKON TERRITOIRES DU NORD-OUEST

île Banks

île VictoriaPolynie deprintemps

Chenal de séparationen hiver

GolfeAmundsen

Détroit de M’Clure

Cap Bathurst

Cap Parry

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sont régionalement complexes. Dans l’Arc-tique de l’Ouest, les réductions sont consi-dérables (p. ex., Barber et al., 2003, Serreze etal., 2003), dans la baie de Baffin, la quantitéde glace de mer augmente, surtout à cause dela polynie des eaux du Nord (Barber et al.,2001), dans l’archipel canadien, il n’y a pas dechangements systématiques, et dans la baied’Hudson, des réductions systématiques ontété constatées (Alt et al., 2002, Stirling et al.,1999). Dans l’ensemble, les concentrationsaugmentent dans l’Arctique de l’Est, peut-êtreà cause d’une augmentation de l’écoulementde la glace du centre de l’Arctique vers les îlesde l’Arctique et la baie de Baffin, et elles di-minuent considérablement dans la mer deBeaufort et la baie d’Hudson. Cette réductionde la glace de mer est directement liée à lavariabilité et au changement de climat et ellepermet d’affirmer qu’en fait les MCG four-nissent des renseignements exacts lorsqu’ilsindiquent que les premiers et les plus solidesindicateurs du réchauffement planétaireseront ressentis dans les régions polaires.

L’évaluation des effets de l’actuelle vari-abilité dans la couverture de glace de mer surles écosystèmes marins de l’Arctique et le cli-mat régional demande une sensible améliora-tion de notre compréhension des liens entrel’eau douce et la glace de mer, la glace de meret le climat, et la glace de mer et les flux bio-géochimiques. Nous devons surtout recueillirdes données pour les régions côtières peu pro-fondes du plateau continental (30 p. 100 dubassin arctique) où la variabilité dans l’éten-due, l’épaisseur et la durée du couvert de glaceest la plus prononcée et où les réseaux tro-phiques marins de l’Arctique sont les plus vul-nérables au changement.

Les conséquences environnementales,

socio-économiques et géopolitiques d’uneéventuelle réduction soutenue de la glace demer dans l’Arctique seront considérables : lesécosystèmes marins seront déplacés, un nou-vel océan s’ouvrira à l’exploitation, le ré-chauffement du climat pourrait s’accélérer, lacirculation océanique globale pourrait êtremodifiée et le mode de vie traditionnel chan-gera. Compte tenu de ses responsabilités enrapport avec l’Arctique, et en tant que paysqui sera parmi les premiers touchés, le Canadadevrait diriger l’effort international croissantpour les études sur l’océan Arctique. Danscette optique, en mars 2001 le Conseil derecherches en sciences naturelles et en géniedu Canada (CRSNG) a financé le réseau derecherche CASES pour qu’il mène l’Étudeinternationale du plateau continental arctiquecanadien (CASES), un effort internationalsous leadership canadien qui devrait permet-tre de comprendre les conséquences biogéo-chimiques et écologiques de la variabilité etdes changements dans la glace de mer sur leplateau du Mackenzie (cases.quebec-ocean.ulaval.ca).

Un but central du programme de terrain deCASES est d’étudier le pré-conditionnementd’automne et d’hiver de l’écosystème de poly-nies du plateau du Mackenzie-Cap Bathurstpar les décharges minimales automnales ethivernales du fleuve Mackenzie, et son déve-loppement printanier et estival en réponse àl’intense courant d’eau douce et à la disloca-tion variable de la banquise. La région d’étudeétant inaccessible à partir des ports du Sudavant août lorsque la glace se retire, la seulemanière d’atteindre ce but consiste à fairehiverner le nouveau brise-glace de recherchecanadien dans la zone (voir Méridien, au-tomne-hiver 2002). L’hivernage qui dureratoute une année commencera en septembre2003. Lors d’une expédition préparatoire dansla zone d’étude en septembre–octobre 2002,on a amarré des courantomètres, des profilsde CT et des pièges à sédiments, déployé desbouées dérivantes et transporté des échantil-lons biogéochimiques sur un navire.

Le navire et les camps déployés sur la ban-quise permettront l’échantillonnage durant

toute l’année de l’interface océan-mer glace-atmosphère et de l’écosystème du plateau quis’y rattache. L’échantillonnage à partir dunavire sera réalisé le long d’une série de tran-sects sur l’ensemble du plateau, ajustés saison-nièrement en fonction de l’expansion-réduc-tion de la zone d’eau libre (navigable). Denombreuses opérations de télédétection parsatellite sont prévues. Les données en tempsréel qui facilitent les opérations sur le terrainseront reçues à bord du navire.

Cette expérience sur le terrain fait partied’une série d’initiatives canadiennes et inter-nationales visant à aider les scientifiques àcomprendre les interrapports complexes entrele changement de climat, la glace de mer etles écosystèmes marins en se basant sur lespolynies (zones d’eau libre entourées de glacede mer où il devrait y avoir de la glace demer). Même si ces projets ont des buts scien-tifiques, nous avons mis sur pied un pro-gramme d’approche pour inspirer la pro-chaine génération de scientifiques qui s’inté-resseront à l’Arctique et à faire connaître aupublic canadien les preuves du changement declimat dans l’Arctique. Le programme Écoles àbord rassemblera les gens du Nord, les élèvesdes écoles publiques et des scientifiques pourqu’ils fassent un examen interactif des preuvesrelatives au changement de climat dans l’Arc-tique et prévoient des mesures d’adaptation.

É C O L E S À B O R D

Écoles à bord est une initiative nationale quia pour but d’intéresser les écoles et les collec-tivités à la science marine arctique. Ce pro-gramme pilote encourages les écoles secon-daires à inclure la science arctique dans leursprogrammes d’études et leur donne la possi-bilité de faire une demande pour désigner unélève, un enseignant, ou les deux, qui par-ticiperont à une étude sur le terrain en Arc-tique. Le programme a trois composantes.

Le réseau Écoles à bord

Les écoles intéressées qui incluront une com-posante de science arctique dans leur pro-gramme d’études se joindront au réseau Écolesà bord. Ce réseau est un outil de communica-tion qui leur donne accès à des ressources, leur

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permet de prendre contact avec des scien-tifiques du domaine, les aide à trouver deschercheurs canadiens intéressés par l’Arctiquequi peuvent faire des présentations à l’école etles renseigne sur les possibilités de participer àdes programmes sur le terrain dans l’Arctiquedirigés par des universitaires reconnus et deschercheurs des gouvernements.

Le programme sur le terrain

Une équipe d’étudiants du secondaire et deCEGEP des diverses régions du Canada serasélectionnée pour participer à l’un des pro-grammes de recherche permanents à bord dubrise-glace de recherche canadien. Les pro-grammes à bord incluront des travaux sur leterrain réalisés avec l’aide d’étudiants dip-lômés, des conférences animées par des scien-tifiques des universités et des gouvernementsqui sont réputés à l’échelle nationale et inter-nationale, des projets de groupe et des présen-tations. Une visite dans une collectivité duNord initiera les étudiants à la culture et ausavoir du Nord – ce qu’on appelle maintenantInuit Qaujimajatuqangit (voir Méridien,printemps-été 2003). Le programme éducatifmontrera aux étudiants les « deux façons desavoir » : la méthode autochtone et l’approchescientifique pour la compréhension des com-plexités du milieu marin de l’Arctique. L’é-change culturel entre des étudiants de toutesles régions du Canada donnera de multiplesperspectives au programme.

Le forum des étudiants Écoles à bord

Ce forum sera une réunion conventionnelle ouen ligne; tout dépendra des budgets. Idéale-ment, les étudiants assisteront au forum sur lascience (une réunion de suivi pour le pro-gramme de recherche), où il parleront de leurexpérience et communiqueront leurs idées à des scientifiques, des intervenants et desdécideurs.

Les objectifs d’Écoles à bord sont: � étendre l’enseignement des sciences arc-

tiques dans les programmes d’études desécoles secondaires, partout dans le pays;

� sensibiliser davantage les gens aux ques-tions rattachées au changement de climatdans l’Arctique;

� faire connaître davantage les projets derecherche dirigés par des Canadiens;

� initier les étudiants à la conception et àl’application de la recherche;

� faire participer les étudiants de toutes lesrégions du pays à une expérience éduca-tive unique;

� promouvoir la compréhension des mé-thodes scientifiques et de l’approche desAutochtones en ce qui a trait aux questionsenvironnementales complexes;

� promouvoir la formation de partenariatsentre les écoles secondaires et les établisse-ments de recherche (universitaires et gou-vernementaux);

� inspirer la prochaine génération de scien-tifiques.

Programme d’opérations pour 2003–2004

En 2003–2004, Écoles à bord inaugurera sonpremier programme d’opérations sur le ter-rain qui sera intégré à la mission hivernale dubrise-glace CASES. CASES a fourni 12 cou-chettes à bord du navire, pour deux expédi-tions d’une semaine prévues pour la fin defévrier et la mi-mars 2004. Les étudiantsapprendront à connaître les objectifs et lesméthodes utilisées pour une gamme d’étudesscientifiques allant de la microbiologie à la climatologie. Écoles à bord cible les écoles quisouhaitent étendre leur programme de sci-ences et les élèves qui s’intéressent à la recher-che et aimeraient vivre une expérience en sci-ence marine arctique sur le terrain.

En créant un lien entre les enseignants enscience et les chercheurs des universités et desgouvernements et leurs programmes, Écoles àbord espère susciter un intérêt pour les tra-vaux de recherche de calibre internationalaccomplis par des scientifiques canadiensdans le Nord et donner aux étudiants la possi-bilité de faire l’expérience des travaux scien-tifiques sur le terrain. En outre, les contactsétablis par l’entremise d’Écoles à bord peuventdonner lieu à la création de partenariats delongue durée entre les écoles publiques et lesgroupes des universités canadiennes et desgouvernements qui font de la recherche. Voiciune paraphrase qui reflète les propos d’unmembre de la Division des écoles 59 du nord

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de la Colombie-Britannique : « On mesurera lesuccès de ce programme pendant une longuepériode après le retour des étudiants quiauront participé aux expéditions. On évaluerale programme d’après la connaissance accruedes questions environnementales qui affectentl’Arctique et les longues relations qui se créentavec les organismes de recherche, les univer-sités, les promoteurs et les médias.»

La collaboration entre les équipes de cher-cheurs, les organismes gouvernementaux et leréseau d’écoles publiques crée une situationqui profite à tous les intervenants, en soulig-nant les activités de recherche primordiales dece pays et en permettant à la prochaine géné-ration de scientifiques et de décideurs de vivreune expérience unique. « L’océan Arctique et l’Arctique changentrapidement à cause du réchauffement duclimat. Et pourtant, sur le plan scientifiqueces régions sont encore celles où on a lemoins étudié la biote sur la Terre. Les spé-cialistes de l’Arctique seront beaucoup endemande au cours des prochaines décen-nies, et l’objectif central des réseaux derecherche comme l’Étude internationale duplateau continental arctique canadien(CASES) consiste à former la prochainegénération de scientifiques canadiens quis’intéresseront à l’Arctique. Le programmed’Écoles à bord est un excellent moyen defaire savoir aux étudiants du secondairequ’ils peuvent se préparer une carrièreenrichissante dans un domaine derecherche fascinant.»

– Louis Fortier, expert scientifique en chef, CASES

Pour de plus amples renseignements, commu-niquer avec Lucette Barber à l’adresse [email protected] ou consultez notre site Web (cases.quebec-ocean.ulaval.ca/school.asp).

Lucette Barber est gestionnaire de projetpour Écoles à bord; David Barber est titu-laire de chaire de recherche du Canada enscience des systèmes de l’Arctique à l’Uni-versité du Manitoba. Martin Fortier est lecoordonnateur scientifique de CASES àl’Université Laval.

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Je pense qu’au cours de notre carrière, nousnous rendons tous compte de l’importance descontacts quand nous voulons passer à laprochaine étape. Parfois, nous trouvons descontacts par hasard. Et nous pouvons aussiagir sur les conseils d’une personne. C’est cequi a changé ma vie.

L E D É B U T

Quand j’ai obtenu ma maîtrise en biologiemarine, les seuls emplois auxquels je pouvaisaspirer étaient des postes à contrat à courtterme, mal rémunérés. J’ai abandonné marecherche et j’ai voyagé avec mon mari,Glenn, pendant un an. Ensuite, j’ai eu lachance de trouver un emploi dans le servicede M. Ed Bousfield, au Musée canadien de lanature, une société d’État de l’administrationfédérale canadienne. Après cinq années detravaux à contrat, j’ai obtenu le statut moinsfragile «pour une période déterminée». J’avaisalors un pied dans la porte. Peu après, ledirecteur du Musée m’a proposé de me perfec-tionner en suivant le programme de Ph.D àl’Université Carleton à Ottawa, Canada. Celane me tentait guère car j’avais deux jeunesenfants. Mais, je me suis dit que je n’avais pasle choix et que je devais accepter. Et en fin decompte, contrairement à ce que j’avais cru,j’ai terminé le programme d’études sans tropde difficultés. L’aide de mon mari était essen-tielle, et à cette étape j’avais de l’expérience enrecherche. Cette formation m’a permis d’ob-tenir un emploi permanent et a donné lieu àune rencontre fortuite avec M. John Oliver.

Quand je préparais mon doctorat, monconseiller, M. Henry Howden, m’a suggéré depasser un certain temps sur les côtes de l’Amé-rique du Nord pour me familiariser avec lecomportement des animaux sur lesquels je fai-sais des études. Lors d’une visite aux MossLanding Marine Laboratories, à MontereyBay, en Californie, j’ai rencontré mon collègue

Peter Slattery, qui m’a invitée à participer à unvoyage de recherche en Alaska l’année sui-vante. Durant cette croisière, j’ai eu la chancede rencontrer le chef du laboratoire de faunebenthique de Moss Landing, John Oliver, qui atransformé ma vie. John qui me connaissaitdepuis seulement une semaine m’a invitée àaller en Antarctique, m’a proposé un pro-gramme de recherche arctique et m’a dit queje devais « penser grand ». Comme je l’ai con-staté peu de temps après, avec sa vivacité, sontalent et son enthousiasme pour la science M.Oliver inspire les gens qui l’entourent, et il aprobablement changé l’orientation d’autresétudiants.

Oliver n’était pas du genre à se contenterde faire des suggestions. L’année suivante, leMusée canadien de la nature lui a fourni descrédits pour faire de la recherche dans l’Ext-rême-Arctique canadien. Avec l’aide de sesétudiants, Rikk Kvitek et Hunter Lenihan, nousavons mis sur pied un programme de re-cherche collective qui fonctionne depuis neuf

ans. Les talents de Rikk Kvitek, Hunter Leni-han, Stacy Kim de Moss Landing et de SteveBlasco de la Commission géologique du Cana-da ont grandement contribué à la réussite denotre recherche. L’année suivante, M. Oliver aconcrétisé son idée de m’emmener en Antarc-tique, et j’y suis retournée huit fois. Et nousobtiendrons bientôt une nouvelle subventionde trois ans.

L A B O N N ED É C I S I O N

La recherche en Arctique et en Antarctique esttrès stimulante. C’est une activité très exi-geante sur le plan physique, car nous faisonsde la plongée sous-marine dans des eaux rem-plies de glace, à des températures sous zéro.Cependant, le caractère exotique de ce travailcaptive le public. L’Office of Polar Programs dela National Science Foundation (NSF) appuiela recherche américaine en Arctique et enAntarctiquec, et il m’a fourni une généreuseaide pour ma collaboration au travail de mescollègues de Moss Landing. Notre recherche

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L E S É V É N E M E N T S F O R T U I T S E T L E U R A B O U T I S S E M E N T :

P O S S I B I L I T É S D ’ É T U D I E R L ’ A R C T I Q U E E T L ’ A N T A R C T I Q U E

Kathy Conlan

Kathy Conlan. Photo: Greg Leibert.

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antarctique a aidé à convaincre la NationalScience Foundation de traiter les déchets à lastation McMurdo, la plus grande base del’Antarctique. Notre recherche arctique aprouvé que l’érosion par la glace peut avoir uneffet positif sur la diversité benthique et nous avalu une invitation de la part de collègues alle-mands à étudier le rétablissement des coloniesaprès l’érosion, en Antarctique.

Contrairement aux autres pays, le Canadan’a pas de programme central de recherchepolaire. Le Conseil de recherches en sciencesnaturelles et en génie du Canada, qui financeles travaux scientifiques des universités, exa-mine les propositions en matière de recherchepolaire et leur accorde un traitement égal àcelles qui concernent des études dans unmilieu plus chaud. Cependant, le coût destravaux dans l’Arctique a considérablementaugmenté, et le gouvernement fédéral n’aguère accru son soutien. En outre, le Canadan’a pas de base pour la recherche en Antarc-tique, mais il encourage la collaboration bipo-laire par l’entremise du Programme d’échan-ges Arctique-Antarctique. Des pays comme lesÉtats-Unis, l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande,l’Australie, la Grande-Bretagne et le Japon ontconsacré d’énormes ressources à l’étude del’environnement antarctique et s’intéressentaussi à l’Arctique. Ils invitent les étrangers àparticiper à leurs programmes de recherche,ce qui permet à des Canadiens de faire de larecherche antarctique ou bipolaire. L’étude duréchauffement climatique est l’un des do-maines qui attire les chercheurs, et nousavons maintenant de solides preuves que lapéninsule antarctique et l’Arctique de l’Ouestcanadien se réchauffent.

Le Musée canadien de la nature appuiebeaucoup mon travail de recherche et de pro-motion. Ainsi je peux étudier les commu-nautés benthiques de nombreux systèmes,enseigner la biologie marine sur les côtesatlantique et pacifique et diffuser les résultatsde mes travaux dans les médias et les exposi-tions du musée. Cette dernière fonction, la vul-garisation scientifique, est essentielle pour tousles scientifiques. Plus d’une fois j’ai entendu

dire que si vous ne pouvez pas expliquer auxprofanes en quoi consiste votre recherche, laquestion n’est pas claire dans votre esprit.

A M B A S S A D R I C EP O L A I R E

Suite à mes travaux dans l’Antarctique, je suisdevenue ambassadrice pour le monde polaire.Je suis membre du Comité canadien de larecherche antarctique et je représente main-tenant le Canada au sein du groupe de travailsur la biologie du CSRA, le Comité scientifiquepour les recherches antarctiques. Ces comitésdonnent des moyens pour constituer desréseaux, influencer la politique et concevoir denouvelles initiatives scientifiques pour l’An-tarctique. Mon rôle au sein de ces comités aintéressé Geoff Green et Angela Holmes, fon-dateurs de Students on Ice, un organisme quioffre des expéditions d’apprentissage en milieupolaire pour adolescents. Ils m’ont invitée àdevenir membre de l’équipe éducative. Stu-dents on Ice m’a fait connaître une nouvellefaçon d’interpréter le monde polaire par l’en-tremise des jeunes, et j’ai participé à des voya-ges épatants, dans le Nord et le Sud.

C A R P E D I E M

L’Arctique et l’Antarctique ont un pouvoird’attraction qui incite les gens à y retournersouvent. C’est peut-être parce qu’ils font énor-mément ressentir l’effet d’un milieu sauvageet des grands espaces. C’est peut-être parcequ’ils donnent la possibilité de s’intégrer à uneculture différente ou une occasion unique defaire des recherches en région polaire. Lesexpéditions apportent une expérience quitransforme votre vie, et vous devez saisir l’oc-casion si elle se présente. Vous devez travaillerfort et prendre vous-même l’initiative, maisparfois vous avez besoin d’aide. J’espère vousavoir montré des moyens de concrétiser vosambitions. Cherchez des gens comme JohnOliver et écoutez leurs suggestions, fixez-vousun objectif et «pensez grand».

Kathy Conlan est biologiste des milieuxmarins au Musée canadien de la nature.

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R E S S O U R C E SP O L A I R E S

Vu le regain d’intérêt pour l’exploitation pét-rolière et gazière dans l’Arctique et la recon-naissance du fait que les régions polaires sontdes systèmes d’alerte précoce pour le réchauf-fement du climat, les chercheurs canadiens etétrangers mettent encore une fois l’accent surl’Arctique. Les universités canadiennes quiappuient la recherche dans le Nord ont unréseau appelé Association des universitéscanadiennes en études nordiques (AUCEN)(uottawa.ca/associations/aucen-acuns). LaCommission canadienne des affaires polairesest une source utile de renseignements sur lesdossiers polaires (polarcom.gc.ca). Un nou-veau centre de formation circumpolaire vir-tuel, l’Université de l’Arctique, est en train dedevenir opérationnel (urova.fi/home/uarctic).Des subventions de recherche dans le Nordsont accordées par le Northern Research Insti-tute (yukoncollege.yk.ca/programs/nri), leChurchill Northern Studies Centre (churchillmb.net/~cnsc), l’Arctic Institute of North America(ucalgary.ca/aina), l’Aurora Research Institute(aurresint.nt.ca) et l’Institut de recherche duNunavut (pooka.nunanet.com/research). Lecentre fédéral de soutien logistique pour larecherche arctique est l’Étude du plateau con-tinental polaire (ÉPCP); (polar.nrcan.gc.ca), lameilleure ressource pour les étudiants qui veulent savoir qui fait quoi dans l’Extrême-Arctique canadien.

Cet article est reproduit grâce à l’autorisationde Science’s Next Wave, nextwave.sciencemag.org/ca. Copyright 2002, American Associationfor the Advancement of Science.

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Arctic Justice: On Trial for Murder, PondInlet, 1923, Sheilagh D. Grant. Presses desuniversités McGill-Queens. xx 342 pages. ISBN0-7735-2337-5.

Arctic Justice est un livre fascinant pour tousceux qui s’intéressent au Nord canadien etsurtout aux problèmes que peuvent poser lesrapports avec les peuples autochtones duCanada à la société dominante qui a établi lesrègles et coutumes que ces derniers doiventrespecter, en tant que partie de l’ensemble dela société.

Le professeur Grant a raconté, d’après laperspective des Inuits, l’histoire de la mort ducommerçant blanc, Robert Janes, dans descirconstances qui, selon les lois et valeurscanadiennes, font penser à un meurtre. Dansce contexte, l’exécution de Janes par un grouped’Inuits peut être considérée comme un acteraisonnable visant à protéger le minusculegroupe social de Pond Inlet qui rendait possi-ble la vie dans le dur milieu où ces gens vi-vaient. Une grande partie de la Common Law,qui sert de base à la loi au Canada, s’inspire

des coutumes anglaises, mais notre loi ne pré-voyait pas les coutumes autochtones, peuimporte si celles-ci semblaient raisonnablesaux Inuits.

Rien dans le droit canadien et l’adminis-tration de la justice canadienne ne prévoyaitpour l’exécution un traitement moins rigou-reux que celui qui est accordé à un meurtrepour lequel la peine habituelle était la mort.Au procès, on avait désigné un avocat pour lapartie poursuivante et un autre pour la dé-fense. Les deux se sont montrés compréhensifsenvers les trois accusés, Nuqallaq, Aatitaaq etUlulyarnaat. L’avocat de la défense a insistépour que Nuqallaq soit acquitté. La partiepoursuivante recommanda qu’il soit déclarécoupable d’homicide involontaire, infractionassortie d’une peine moins lourde que celleprévue pour un meurtre, et indiqua au juryqu’elle pouvait recommander que la courfasse preuve de clémence envers les accusés.Le jury a déclaré Nuqallaq coupable d’homi-cide involontaire, mais n’a fait aucune recom-mandation concernant la clémence. Nuqallaqa été condamné à dix ans d’emprisonnementau pénitencier de Stony Mountain. Uluyarnaata été condamné à deux ans de travaux forcésen milieu surveillé de près à Pond Inlet. Lesaccusations contre Aatitaaq ont été retirées.

Le professeur Grant attache beaucoupd’importance à la décision sans précédent desoumettre les trois Inuits à un procès pourmeurtre et au souci politique international duCanada d’établir sa souveraineté sur l’Arc-tique – ce qu’elle appelle la politique de la sou-veraineté arctique. Elle ne fournit pas depreuves convaincantes à cet égard. Son livrecondamne âprement « l’absence d’occupationréelle» des îles de l’Arctique – ou d’une grandepartie du reste de l’Arctique canadien – par leCanada de l’époque. Cependant, aucun paysn’a contesté directement notre revendicationde souveraineté sur les îles de l’Arctique. Seulela Norvège aurait pu revendiquer un territoire– les îles Sverdrup – en prétendant qu’elle lesavait découvertes, après que le Royaume-Uni

eut transmis leur titre de propriété au Canada,en 1870. La Norvège n’a jamais réclamé lasouveraineté et la réclamation qu’elle auraitpu faire a été réglée par un paiement en ar-gent comptant effectué par le Canada en 1930.À l’évidence, la Norvège n’a pas sérieusementtenté d’établir sa souveraineté sur des îles duNord canadien.

La critique du professeur Grant qui laissesupposer que l’administration canadiennedans les Territoires du Nord-Ouest était inadé-quate au moment de l’épisode de Pond Inlet –et pendant de nombreuses années par la suite– est sévère, mais pas injuste. Elle fait cetteallusion en mentionnant « la règle du triumvi-rat » imposée par la Compagnie de la Baied’Hudson, la GRC et les Églises, « la premièrephase de l’occupation coloniale de l’île de Baf-fin ». En fait, le Canada n’avait pas de réellepolitique sur l’Arctique avant la SecondeGuerre mondiale, et la période d’après-guerrea clairement montré au gouvernement St-Laurent, qu’il ne s’en souciait pas, en 1948.C’est seulement après cela que le Canada a élaboré une politique qui traitait le Nordcomme une partie du Canada.

L’autonomie gouvernementale dans lesTerritoires du Nord-Ouest et le Nunavut a éta-bli un système selon lequel les gens – Autoch-tones et autres – sont chargés de la loi et del’administration. Mais bon nombre d’aspectsde l’adaptation à la nouvelle gamme de prob-lèmes n’ont pas encore été convenablementpris en main. Le livre du professeur Grant etl’intérêt qu’il accorde aux différentes perspec-tives sociales ainsi qu’aux problèmes qu’ellespeuvent poser est important de nos jours, et ille sera encore pendant longtemps, et passeulement dans le Nord.

Gordon Robertson a été sous-ministre duNord canadien et Ressources nationales(1953–1963) et greffier du Conseil privé etsecrétaire du Cabinet (1963– 1975).

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C R I T I Q U E D E L I V R E SGordon Robertson

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est publié par la Commission canadienne des affairespolaires.

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Rédacteur : John BennettTraduction : Suzanne RebetezConception graphique : Eiko Emori Inc.

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C O N S E I L D ’ A D M I N I S T R A T I O NJocelyn BarrettRichard Binder (Vice-Chairperson)Peter Johnson (Chairperson)Piers McDonaldGordon Miles Leah Otak Mike Robinson

H O R I Z O N

Le bilan net du carbone desécosystèmes nordiques aquatiques etterrestres et leurs interactions 27–28 octobre 2003 Université d’Helsinki, Helsinki, Finlande

Harry [email protected] R. [email protected]/ml/lammi/alasivut/Workshop_2003.html

2e symposium annuel des Dirigeablesvers l’Arctique 21–23 octobre 2003 Hôtel Fort Garry, Winnipeg, Manitoba, Canada umanitoba.ca/transport_institute/ Tél. : (204) 474-9842

Marges nordiques: Zones de transition en mutationChurchill Northern Studies Centre, Churchill,Manitoba, Canada 25 février – 1 mars 2004

LeeAnn Fishback, Scientific CoordinatorChurchill Northern Studies CentreP.O. Box 610, Churchill, ManitobaR0B 0E0 Canada Courriel : [email protected]

Année polaire internationale2007–2008Un certain nombre d’organismes qui coordon-nent les activités scientifiques arctiques etantarctiques et de pays intéressés par les ques-tions polaires envisagent de commémorerl’année polaire internationale (API) en 2007–2008, qui marquera le 50e anniversaire del’Année géophysique internationale et le 125e

anniversaire de la première API. Par l’entrem-ise de la Commission canadienne des affairespolaires (CCAP), le Canada a entamé despourparlers en vue de formuler l’engagementnational dans l’API. La CCAP invite tous lesintéressés à participer au Forum sur l’API situéà polarcom.gc.ca ou de communiquer avecelle.

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