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Chanoine Ch. Cordonnier Les Restaurations nécessaires I Conférences aux Dames —et Retraite pascale — données àNotre-DamedeParis LIBRAIRIE GABRIEL ENAULT 77, RUE DE RENNES - PARIS VIe

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Chanoine Ch. Cordonnier

Les Restaurations nécessaires — I —

Conférences aux Dames — et Retraite pascale — données à Notre-Dame de Paris

LIBRAIRIE GABRIEL ENAULT 77, RUE DE RENNES - PARIS VIe

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NOT RE-DAME DE PARIS

Conférences aux Dames CARÊME 1941

Chanoine C. CORDONNIER LES

RESTAURATIONS NÉCESSAIRES — I — RENDRE DIEU A LA FRANCE Pour répondre aux Aspirations

des Ames

É D I T I O N S BLOUD ET GAY 3, RUE GARANCIÈRE — PARIS VI

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Nihil obstat : Lutetiae Parisiorum,

Die 21 Februarii 1941. L. LABAUCHE.

Imprimatur : Lutetiae Parisiorum,

Die 26 Februarii 1941. V. DUPIN, v. g.

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I

POUR REPONDRE AUX BESOINS DES AMES

Lorsque les amis de JOB : ELIPHAZ, BALDAD et SOPHAR, apprirent les malheurs qui l'avaient ac- cablé, ils partirent chacun de leur pays et se con- certèrent pour venir le plaindre et le consoler. Ils s'approchèrent de lui. Ses traits étaient tellement changés qu'ils eurent peine d'abord à le recon- naître. Ils pleurèrent et selon la mode orientale, ayant déchiré leurs vêtements ils jetèrent de la poussière vers le ciel au-dessus de leurs têtes. Puis ils se tinrent assis auprès de lui sept jours et sept nuits sans oser lui adresser la parole (JOB, II, 2 et suiv.).

Ainsi, toute proportion gardée, avons-nous fait nous-mêmes.

Depuis l'heure où nous avons du constater la douloureuse défaite, nous nous sommes recueillis en silence et nous avons pleuré. Nous avions peine à reconnaître, marqué par l'incompréhen- sible défaite, le visage auguste et serein de la France d'autrefois. Les douleurs sont telles ; la France est si malheureuse qu'il nous eut semblé peu filial de lui rappeler qu'elle fut coupable et

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en quelque sorte cause de son infortune. Du reste que peuvent les paroles devant une telle misère ? Celles qui s' échangent d'habitude sont si vaines, si incomplètes, si éloignées de la vérité que le si- lence valait mieux.

Pourtant il ne peut être éternel. La vie s'agite au fond de nous-mêmes : elle reprend autour de nous. Il faut suivre ses appels, tenter de vaincre l'infortune par une activité nouvelle.

Le rôle de la parole alors, avant l'action future et pour rendre celle-ci plus féconde, ne consiste- rait-il pas à tenter d'expliquer la catastrophe ?

Or, ce qui s'est passé chez nous est tellement disproportionné à ce que nous avons légitime- ment conçu d'espérance, que la foi seule peut en fournir l'explication. La France semble en ce moment transformée en une tribune d'où retentit pour l'édification du monde un enseignement providentiel. Elle nous apparaît comme un de ces lieux tristement solennels et frappés de la foudre. L'important est donc de savoir comment la foudre fut attirée sur tant de grandeurs, com- ment elle détruisit en si peu de temps tant de pro- jets et ruina si vite tant de gloires passées. Dans le silence de vos demeures vous vous êtes souvent, j'en suis sûr, Mesdames, posé la lancinante ques- tion. Vous ne vous étonnerez donc pas qu'au nom du Ciel j'essaie d'y apporter une réponse et que de cette réponse j'aille puiser l'inspiration dans les maux que laisse derrière elle la catastrophe dont nous souffrons.

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C'est qu'en effet elle ne se contente pas de prolonger sa sombre réalité dans nos souvenirs, elle nous montre chaque jour de tristes épaves. Mutilés de toutes sortes, ils traînent des corps amoindris ou des cœurs meurtris aux lamentables conséquences. Nous nous arrêtons instinctive- ment en face de ces foyers dévastés, de ces vies diminuées, nous nous apitoyons sur ces ruines. Est-ce suffisant ? Ne devons-nous pas prêter l'oreille à la leçon que renferment ces douleurs ?

En voyant ces mutilations de tous genres, ne songeons-nous pas à d'autres mutilations ? Mu- tilations d'âmes celles-là, parce qu'autrement profondes, autrement désastreuses.

La guerre a privé une multitude d'êtres de l'épanouissement légitime de leur vie. C'est en- tendu. Mais une autre guerre a rendu cette der- nière possible et lamentable en privant les âmes de ce qui faisait leur vigueur et leur raison d'agir.

L'incrédulité, la prétention de l'orgueil con- temporain tellement féru de ses découvertes qu'il se croyait capable de défier l'avenir, l'édu- cation sans principe et sans idéal, les folles poursuites d'un bien-être sans limite, l'horreur de l'effort, et pour me résumer : la révolte contre tout ce qui parlait d'autorité ou évoquait la gêne, a contaminé nos consciences indivi- duelles et restreint d'autant notre vitalité natio- nale. Elle les a privées de ce qui pouvait seul orienter notre vie, c'est-à-dire DIEU. Un corps

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sans membre est réduit à l'impuissance, une âme sans Dieu est vouée à la stérilité, parce qu'à la solitude. Voilà ce qui apparaît immédiatement quand on se prend à réfléchir. Nous l'avons ou- blié : Il faudra le réapprendre si nous voulons refaire notre France mutilée, lui voir reconqué- rir son prestige d'antan. Il faudra retrouver le chemin qui l'a conduite jadis avec le secours de Dieu vers la Grandeur.

C'est la leçon que tous nous avons à retirer de nos malheurs.

Mais la Providence semble avoir déposé en vos âmes, à vous Mesdames, un besoin plus ur- gent et plus complet de la pensée divine. Ce be- soin se manifeste dans une foi plus spontanée, une pratique religieuse plus diligente, une piété plus fervente. Votre rôle, du reste, n'est-il pas souvent un rôle d'intermédiaire entre Dieu et nous ? Ce simple aperçu vous permet déjà de mesurer en échange de cette grâce du Ciel, l'étendue de vos responsabilités en cette matière, ainsi que des suites heureuses ou néfastes qui souligneront vos interventions ou vos insuffi- sances.

Nous avons besoin de Dieu. La nécessité de cette présence est inscrite dans l'aspiration de notre âme. Elle est indispensable pour éclairer nos consciences, pour ennoblir nos existences, pour supporter en les comprenant mieux les coups de l'adversité, pour nous assurer le par- don de nos fautes.

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Tel est, Mesdames, le programme que les cir- constances m'ont amené à vous proposer. Vous comprendrez facilement l'importance de cette Restauration nécessaire.

Ecoutons aujourd'hui les appels de notre nature. Vous verrez que :

1° Dieu en est l'auteur. 2° Vous constaterez ensuite que de l'oubli de

cette vérité date notre insuffisance personnelle et nationale. 3° Et vous en tirerez le sens et l'étendue de

vos devoirs en cette occurence.

Au début de ses Confessions, saint Augustin écrit : « Vous nous avez fait pour vous, Sei- gneur, et notre cœur connaîtra l'inquiétude, aussi longtemps qu'il ne se sera pas reposé en vous. »

Vous nous avez fait pour vous. Par consé- quent si nous nous écartons de vous nous nous écartons de notre destinée, nous faisons fausse route. Quelle preuve possédons-nous de ce plan divin ? Des paroles et des actes. Ecoutez com- ment successivement Dieu en a découvert la réalité.

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Nous sommes aux premiers jours du monde. Adam est créé ; Dieu lui a adjoint une com- pagne. Il semblerait que, laissant ces deux êtres à leur précieux tête à tête, il dut regagner son Ciel. Il ne doit plus rien leur manquer puisque la création de la femme est venue corriger ce que pouvait laisser de pénible la solitude du pre- mier homme. Dieu s'en garde bien. Le voici, au contraire, qui vient s'associer à leur intimité. Pour la troubler ? Non certes, mais pour la com- pléter, lui donner tout son sens. Au milieu des joies renfermées dans ce jardin que la langue universelle a nommé le paradis terrestre, la pré- sence divine est indispensable. Dieu le sait ; il le prouve. Ainsi, dès le début, le bonheur de l'homme réclame la présence de Dieu. Et quand Dieu, blessé par le péché, ne pourra plus des- cendre au paradis terrestre, celui-ci se fermera ; le chérubin à l'épée flamboyante en défendra l'entrée.

Continuons. Enjambons rapidement quelques siècles. Voici une parole qui nous montrera l'op- portunité non seulement d'une présence divine auprès de nous, mais la nécessité d'une union plus intime de nos âmes avec lui.

Notre-Seigneur touchait à la fin de sa car- rière. Dans le cénacle, témoin du don merveil- leux de l'Eucharistie, c'est-à-dire du séjour de Dieu prolongé parmi nous jusqu'à la fin des

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siècles, il parle. Comme un mourant en un testa- ment sacré, choisit dans le trésor du passé et met en évidence les souvenirs dont il veut assu- rer la durée, Jésus résume en quelques mots par- tis du cœur l'enseignement semé au cours des années précédentes. Lui aussi va bientôt mou- rir. Le jour qui suivra celui qui s'achève en ces agapes fraternelles le verra livré à ses bour- reaux et à la mort affreuse qu'ils lui réservent. Il parle. En cette heure suprême où nul être ne saurait mentir, que dit-il ? Conformément à ses procédés divins, il puise dans une comparaison familière une leçon d'une portée grandiose. Il rappelle à ses auditeurs l'union nécessaire du rameau avec le tronc pour recevoir la sève et conserver la vie. Ainsi, dit-il, pensant à l'union que sa grâce prolongera en nous : « Je suis le cep ; vous êtes les sarments. Le sarment ne peut être fécond, s'il ne reste attaché au cep ; ni vous non plus, si vous ne restez en moi. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure celui- là porte des fruits, car sans moi vous ne pou- vez rien. Demeurez donc en moi et moi en vous. » Ainsi il ne s'agit plus seulement de bon- heur, il s'agit de l'utilisation de la vie.

D'après son témoignage, notre vie ne pro- duira rien ; j'entends rien d'important, de durable, d'éternel en un mot, c'est-à-dire rien qui vaille si nous ne lui sommes pas unis de

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façon à recevoir de Lui comme le rameau du cep, la sève fécondante.

Il va plus loin dans son désir d'union avec nous ; il nous a créés pour nous faire participer à sa vie. Dans le chapitre XVII de saint Jean son cœur s'exhale en une suprême prière. Il sup- plie son Père : « Qu'ils soient un, ô mon Père, comme vous et moi nous sommes un. Moi en vous et eux en moi, pour que ce soit la consom- mation dans l'unité. »

Pouvions-nous rêver pareille union ? Mais croyez-vous que si ce projet eût été facultatif ou chimère irréalisable, Jésus soit revenu si sou- vent sur cette union indispensable ? Elle fait, comme dit Bossuet, tellement les délices de son cœur, qu'il ne peut quitter un sujet qui lui plait si fort. Douteriez-vous, d'autre part, que sa prière eût été exaucée et qu'elle n'eut versé dans nos cœurs le besoin absolu de cette union avec Lui ? De sorte que vivre seuls, sans Lui, loin Lui, est un contresens, une contradiction.

Ainsi donc le Catholicisme, dans la pensée de son fondateur est, si j'ose m'exprimer ainsi, une entreprise d'union avec Dieu. On le méconnaît, ce Catholicisme, si, le considérant dans son as- pect extérieur, on ne voit en lui qu'une sorte d'ornement religieux ajouté à la vie humaine sans la modifier en son fond, un ensemble de rites observés comme des formalités de peu d'in-

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térêt en ce monde, ayant simplement pour but d'assurer le salut de l'autre.

On le méconnaît aussi et de façon plus fu- neste, quand on se contente d'une piété mala- droite, multipliant ses dévotions, se chargeant de pratiques routinières, le tout demeurant à la surface d'une âme dont la vitalité n'en est pas fortifiée.

Voilà quelques-unes de ses paroles. Quels furent ses actes ?

Quelques jours après sa Résurrection il avait rejoint ses Apôtres. Le travail de toute leur nuit sur le lac de Tibériade avait été infructueux. Il leur donne, pour la pêche, de nouvelles indica- tions, et leurs filets, miraculeusement, se rem- plissent de poissons au point de se rompre. Re- venus sur la rive les Douze trouvent des char- bons allumés, attendant quelques-uns des pois- sons capturés, et du pain. Familièrement Jésus s'assied à leur table et partage leur frugal repas.

Ainsi il veille sur chacun de vos actes. Son entrée dans vos âmes et l'âme de vos enfants au jour du baptême, les grâces qu'il multiplie, ses sacrements admirablement adaptés aux diverses époques de votre existence, ses avis, ses conseils, ses commandements, ses pardons, ses espérances

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en sont le témoignage. Jetez vous aussi les filets dans votre âme. Dans le flot de vos souvenirs du passé tout parle de Dieu. Il a été mêlé à tous les événements qui vous concernent. Il a veillé, il a réparé, il a pardonné. Il est revenu quand vous l'avez chassé, il vous a guéries, il a utilisé même vos fautes. Vous aviez tout détruit peut-être, il a tout reconstruit. A la lettre, comme une mère anxieuse s'assied au chevet de son enfant ma- lade, il a rempli votre existence de sa présence bénie.

Pourquoi ce luxe de dévouement versé sur votre vie entière, sinon pour qu'à la question qu'il vous pose : « M'aimes-tu » vous répondiez spontanément au dedans de votre âme conquise ces paroles qui sont pour vous lumineuses et pour Lui bienfaisantes : « Vous qui savez tout, Seigneur, vous savez que je vous aime. »

Allons plus loin encore. De crainte que vous n'entendiez pas au milieu des bruits du monde son appel toujours discret, il a marqué de son empreinte la Création entière. Si nous voulions la voir ! Si nous savions lire dans ce livre splen- dide où tout parle de Lui ! reconnaître que c'est quelque chose de sa lumière qui nous éclaire par son soleil ; que c'est sa vertu vivifiante qui

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entre en nos poitrines avec le souffle des brises ; que c'est sa beauté qui rayonne à nos yeux dans la splendeur de la nature ou les magnificences de l'art ; que c'est un reflet de sa sagesse qui séduit nos pensées dans les spéculations de la science; que c'est surtout un écoulement de sa bonté qui fait tressaillir nos cœurs dans les effu- sions des tendresses légitimes ! De sorte que cet être, dont nous disons qu'on ne peut ni le voir, ni le saisir, ni l'entendre, ni le toucher est en réalité celui dont la présence nous est la plus apparente.

Les saints savaient jouir de cette intimité. Vous n'avez pas oublié comment François d'Assise associe chaque être de la création à son can- tique d'amour divin, comment François de Sales avait des larmes de reconnaissance aux yeux pour avoir vu dans la concorde des pigeons et des petits oiseaux mangeant sous sa fenêtre les grains qu'il venait de leur jeter, l'emblème de la sollicitude providentielle ; comment le saint Curé d'Ars, aux joues profondément sil- lonnées par les ravages de la pénitence s'atten- drissait au spectacle de la nature et y puisait des comparaisons touchantes. Et tant d'autres !

Cette veine de poésie ne sort-elle pas du reste tout entière de l'Evangile ? Avez-vous compris l'émotion qui se traduisait sur les lèvres du Maître quand il disait : « Regardez les oiseaux

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du Ciel ; ils ne sèment pas, ils n'amassent pas dans les greniers, et votre Père céleste leur donne la pâture. Regardez les lis des champs, ils ne filent pas, ils ne travaillent pas : cependant je vous le dis : Salomon dans toute sa magnifi- cence n'était pas vêtu comme l'un d'eux ! » Quelle poésie discrète et pénétrante comme un parfum dans ces mots ! Quel hymne de grati- tude à la vigilance divine !

Comprenez-vous alors pourquoi aussi loin que nous remontions dans l'histoire, nous voyons la pensée des mortels préoccupée de retrouver son Dieu ? Comment les penseurs, relevant par- tout dans la création immense la trace d'un maître invisible, sans pouvoir reconnaître son nom, multipliaient les hypothèses et soulevaient tant de systèmes ? Pourquoi les simples éprou- vaient un sentiment d'effroi devant cette divinité dont ils percevaient l'existence mais dont le si- lence depuis la première faute ainsi que leur avaient successivement enseigné leurs pères, ren- dait la personnalité redoutable ? L'hommage le plus précieux qu'ils pouvaient lui offrir n'était pas leur affection, dont elle n'aurait eu que faire, mais des sacrifices sanglants qui tentaient d'apaiser son courroux. De longs siècles ont ainsi vécu dans la pensée et la crainte du Dieu méconnu.

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Ce qui est indispensable à la vie individuelle ne le serait-il pas à la vie des sociétés ? Voici votre famille. Vous savez avec quelle ferveur vous l'avez fondée, quelle allégresse a présidé à votre choix, quelle espérance à son établisse- ment.

Voici un peuple, notre peuple, notre France. Un passé déjà long lui donnait le droit de croire à sa durée. Mais pour vivre, une famille, une nation comme les individus doit se soumettre à des lois. La première, la plus indispensable, c'est de fondre les multiples volontés qui com- posent cette famille ou ce peuple en une seule, car la division a toujours été cause de ruine. Mais comment fondre dans l'unité les multiples volontés différentes les unes des autres, oppo- sées, hostiles souvent, poussées par les passions à se révolter pour profiter à la faveur du trouble d'avantages même illégitimes ?

Comment ceux qui n'ont rien, ou peu de chose, mille fois plus nombreux que ceux qui pos- sèdent ne les dépouilleraient-ils pas ? Et com- ment ceux-ci, par orgueil, par besoin de domi- ner, ou simplement pour affirmer leur supério- rité ne les fouleraient-ils aux pieds ?

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Ce n'est pas tout. Il n'y a pas seulement dans une société des grands et des petits, des riches et des pauvres. Il y a, il doit y avoir un pouvoir et des sujets, le droit de commander et le devoir d'obéir. Problème politique à côté du problème social. Or, qui ne sent là un nouveau péril ? Voici le pouvoir ; il s'appuie sur la loi, elle lui confère la force. Qui l'empêchera de succomber à la plus formidable des tentations : l'ivresse d'abuser de cette force pour satisfaire ses inté- rêts ? En face de cet orgueil, voici un autre or- gueil non moins détestable, et non moins dan- gereux, un peuple à qui l'on dit, et qui le croit volontiers, que l'obéissance, le travail et l'effort sont inutiles ; qui regarde au-dessus de soi et croit découvrir la jouissance sans la fatigue ; qui envie d'abord, qui menace ensuite. Comment faire pour que ces deux lions ne se dévorent pas ? Qui mettra au cœur des chefs l'humilité, la modération, le désintéressement, le dévoue- ment à la cause publique ? Qui montrera au peuple les mensonges des mauvais bergers et sauvera chez lui la virilité, la liberté, l'hon- neur ?

Je vous défie de répondre à ces angoisses, si vous ne rétablissez pas Dieu. Car sans lui, les droits n'ont point de base, les devoirs point de sanctions, les vertus point de motifs, mais les passions aussi pas de frein.

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Je vais plus loin et je vous dis : on n'a pas encore inventé et on ne peut concevoir de so- ciété, qui n'ait le sacrifice à sa base et dans toute sa durée.

Sacrifice du laboureur, qui dès la petite aube part, la hotte sur le dos, et va engraisser la terre de ses sueurs : sans cela pas de pain ni de vin. Sacrifice du mineur qui descendra dans les en- trailles de la terre pour lui arracher ses trésors ; sans cela pas de minerai, ni houille, ni fer, ni or ; aucune vie industrielle. Sacrifice de l'em- ployé des postes, des télégraphes, du chemin de fer, qui veille, voyage, travaille pendant que nous dormons : sans cela les relations sociales seraient supprimées ou marcheraient au ralenti. Sacrifice du magistrat, de l'avocat, de l'homme d'affaires, qui étudient nos conflits et cherchent le moyen de les apaiser pour nous assurer la paix. Sacrifice de l'orateur, du poète, qui tra- vaillent pour mettre un peu d'idéal dans notre terre à terre, celui du soldat qui meurt pour nous garder la liberté et l'honneur. Sacrifice du prêtre, qui renonce à la famille, à la fortune pour qu'au milieu de tant de fatigues nous n'ou- blions pas le vrai but de notre existence et le soutien divin. Sacrifice de la mère, qui expose son temps, sa santé, pour entretenir la vie. Voilà

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la société. Or, je vous défie de faire accepter par l'ensemble cette loi primordiale de l'oubli de soi et du sacrifice, si vous ne l'y décidez par une considération surnaturelle. Nous l'avons trop vu, hélas ! toutes ces années dernières où l'on pro- clamait, sans se soucier des résultats, le droit de chacun à poursuivre en tout ses aises, accep- tant et prônant comme une maxime infaillible, mais dont l'erreur n'a point tardé à se manifes- ter, que le bonheur ici-bas consistait à ne pas travailler. De là à instituer un ministère des loisirs, il n'y avait qu'un pas ; vous en avez connu le douloureux lendemain.

J'ajoute ceci. Plus la pensée de Dieu domine les masses, plus son habitation est réelle au sein d'une société, plus il est la base reconnue des lois, le soutien des pouvoirs, le régulateur des mœurs publiques et privées, plus la paix, l'ordre sont profonds, plus la civilisation monte, plus le bonheur s'étend. Non pas, certes, qu'une so- ciété semblable ne connaisse plus de misères : toujours la société sera imparfaite, puisqu'elle se compose d'êtres imparfaits ; toujours la terre où elle se meut restera le séjour des larmes, mais il n'est pas à craindre que ces misères passent à l'état aigu, ni que les plaintes indivi- duelles ne se résolvent en catastrophe sociale. C'est là surtout qu'apparaît le bienfait de la pensée de Dieu et l'opportunité d'une religion

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qui nous en apporte la majesté. Sans discussion, sans contrainte elle atteint toutes les âmes ; celles qui commandent comme celles qui obéis- sent, celles qui possèdent comme celles qui sont pauvres, celles qui souffrent aujourd'hui ou souffriront demain, celles qui travaillent comme celles qui luttent. A sa voix, la passion doit cé- der au devoir, l'autorité ne connaît jamais la ty- rannie et, dans l'exercice de sa force, la liberté peut s'épanouir car les excès doivent être évités, et le peuple se repose plein d'énergie, récom- pensé déjà par les biens qu'il conquiert dans le bonheur réservé au séjour d'ici-bas.

Voulez-vous, Mesdames, dans le silence de vos demeures, armées des constatations d'une actualité poignante, revivre quelques instants ces vérités; vous serez peut-être étonnées d'avoir rencontré et suivi tant de philosophies diverses, impuissantes et prétentieuses, alors qu'il n'en est qu'une en somme : celle que nous rappelait jadis notre sainte Jeanne d'Arc, quand elle écrivait sur son blason : « Messire Dieu, pre- mier servi. »

II

Hélas ! qu'en avons-nous fait? Reprenons en détail ce que nous avons dit du

besoin des âmes individuelles ou des sociétés.

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Je m'adresse donc à vous, Mesdames, dont la foi m'est connue et je vous confesse que quand j'entends célébrer parfois les progrès de l'Eglise et l'accroissement du règne de Jésus-Christ ; quand j'entends avec émotion chanter dans nos temples le : « Christus vivit, Christus regnat, Christus imperat » je ne puis m'empêcher de res- sentir une impression pénible, dont vous ne me tiendrez pas rigueur.

Je me demande si c'est bien vrai, si c'est vrai au moins comme cela devrait l'être.

Christus vivit : le Christ vit. Et cette explica- tion qui dans la bouche de saint Paul lui don- nait tout son sens : « Mihi vivere Christus est » : ma vie, c'est le Christ, le Christ connu, le Christ aimé, suivi et proclamé. Est-ce bien sûr ?

Essayez, en effet, de réaliser dans votre es- prit le contenu de cette phrase formidable qui représente la merveille des merveilles : le Christ vivant en vous, et vous faisant vivre comme lui ; puis rentrez en vous-mêmes, regar- dez autour de vous ; le Christ est-il vraiment le centre, le cœur, la passion de toute votre vie ?

« Ceux-là, disait un jour Newman, guettent la venue du Christ, qui ont pour lui une dévo- tion tendre et inquiète, qui se nourrissent de sa pensée et vivent de son sourire. Avides de ses éloges, prompts à deviner ses intentions, jaloux de son honneur, ils le voient en toutes choses,

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l'attendent dans tous les événements. » En est-il ainsi pour vous ?

Tient-il seulement la place qui lui convient dans votre existence ? Est-il un maître dont cha- cune des volontés est sacrée ? Est-il un ami dont vous avez besoin de sentir la présence, d'en- tendre la voix, un conquérant dont vous tâchez d'agrandir l'empire et dont vous vous disputez les faveurs ? Je voudrais avoir le droit de faire le tour de vos âmes chrétiennes, et de leur poser en son nom la troublante question : « Vos autem, quem me esse dicitis ? » qui suis-je pour vous ? Mais j'ai peur que la réponse que vous lui feriez ne soit pas, tant s'en faut, identique à celle où l'apôtre lui donnait dans un acte de foi l'assu- rance de l'abandon total de sa vie.

Il y a des hommes qui ont exercé une sorte de fascination sur leurs contemporains. Origène par exemple sur ses disciples, et sur le meilleur d'entre eux : Grégoire le Thaumaturge. Plus près de nous, et l'évocation de ce nom à une époque comme la nôtre, ne peut se faire sans un certain tressaillement : Napoléon I sur ses gre- nadiers, au point qu'aux premiers jours de la Restauration ces mêmes soldats versaient reli- gieusement dans leurs verres les cendres de son drapeau proscrit.

Le Christ ne demande rien de semblable. Il se contenterait d'un attachement, fondé sur l'im-

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portance de sa personne et la conviction du bien- fait que, mêlée à la nôtre, elle donnerait à nos actes. Le lui accordez-vous ?

Et vous êtes parmi les meilleures !... Si je songe maintenant à la multitude, au

grand nombre, l'idée qu'il a de Notre-Seigneur est bien vague et bien irréelle. Rien dans le sou- venir qu'il garde de lui ne rappelle l'empreinte ineffaçable, vive et brûlante dont certaines per- sonnes rencontrées sur le chemin de l'existence ont marqué notre cœur ou notre esprit. Relisez donc lentement, et si vous pouvez, en vous refu- sant à l'enthousiasme la merveilleuse apos- trophe, qui garde encore très chauds les accents que Lacordaire laissait tomber du haut de cette chaire, sur la tombe de Jésus, gardée par l'amour. Est-ce que tout cela n'est pas trop beau pour être vrai ? Est-ce que l'on peut méditer cette page, sans éprouver du malaise, en son- geant à l'immense foule indifférente, la décla- mer sans ironie dans une église, en avertissant les fidèles que l'orateur a voulu parler pour eux, et traduire leurs propres sentiments ?

Maxime du Camp écrivait à la fin du siècle dernier, en pensant à l'attitude dont je parle en ce moment : « Ils ne croient guère à Dieu. » Petite phrase qui exagère, qui n'est pourtant pas sans quelque vraisemblance.

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Mais voici que ces dispositions personnelles ont eu une répercussion désolante sur votre société. Elles ont permis qu'une législation sans entrailles imposât à de multiples générations d'enfants, de grandir dans l'ignorance presque complète de la pensée religieuse. Les écoles offi- cielles ont pour consigne de s'en tenir à ce sujet à ce que l'on appelle une neutralité absolue, comme si le problème de nos destinées, comme si la personne du Christ, les transformations opérées par sa doctrine, l'action menée par son Eglise ne rentraient ni dans le domaine de la philosophie ni dans celui de l'histoire ! A la fa- veur de cet oubli volontaire, nos programmes scolaires ne prévoient aucune heure de liberté où l'on puisse enseigner ces choses ; les examens n'ont aucune interrogation sur ces matières pourtant prépondérantes. Nos enfants doivent se bourrer la tête de faits, qu'ils oublieront du reste très vite, parce qu'ils n'auront sur leur vie aucune influence immédiate et ils resteront ignorants de choses qui ont eu sur la marche du du monde un retentissement indéniable. Ils par- tiront ainsi dans la vie, dépourvus d'un bagage, qui leur serait autrement utile que tant d'autres,

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dont l'encombrement ne tardera pas à se faire sentir, et qui leur aurait apporté pour les jours de joie comme pour les jours plus nombreux d'épreuve une lumière et un réconfort.

Nous avons même vu pire. Car si certaines familles peu fortunées, à qui pensait surtout, on veut' l'espérer, l'organisation scolaire mo- derne, se trouvent forcées par leur situation de s'alimenter intellectuellement à ces sources gra- tuites, que d'autres chrétiennes, dont l'amour- propre pourtant est en tant de circonstances au- trement chatouilleux, renoncent à faire donner dans des établissements religieux une éducation plus complète, et acceptent de recueillir comme des pauvres l'aumône de l'Etat ! Vous-mêmes, Mesdames, dans l'éducation que vous donnez à vos enfants, avez-vous gardé le grand souci de faire pénétrer en leurs cœurs, tout de suite, par vos mains, les connaissances que vous avez re- çues de vos mères, jadis soucieuses de cette for- mation initiale, ou bien ne trouvez-vous pas exagérée, passée de mode, comme vous dites, cette initiation à la piété ?

Et les petits enfants de France, mères chré- tiennes assez imprudentes pour ne pas vous en émouvoir, s'en vont dans la vie, depuis plusieurs générations, sans connaître le seul ami capable de les soutenir dans les luttes inévitables de l'existence.

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Les conséquences de cet état de choses n'ont pas tardé à se faire sentir. Je sais qu'en parlant ainsi je vais provoquer un certain étonnement. Pourtant rentrez en vous-mêmes et voyez.

Il manque à beaucoup de vos contemporains la paix. Je ne parle pas seulement de cette paix extérieure vers laquelle nous aspirons tous, mais ce calme, cette certitude d'un appui supérieur sur lequel ils puissent se reposer. Ils sont trou- blés, ils s'agitent. Il leur manque quelqu'un. Vous-mêmes ne l'avez-vous pas éprouvé ? Or, quand avez-vous connu cet état, sinon quand, par le péché, vous vous êtes éloignées de Dieu ? Rappelez-vous le calme de vos années d'inno- cence et rappelez-vous aussi la douleur très spé- ciale de vos premiers remords.

Dieu disparu, la lumière s'est éteinte, la lu- mière des grandes, des belles révélations émou- vantes, consolantes. Ce ne sont pas, hélas ! les incrédules qui nous stupéfient par leur igno- rance doublée de leur obstination à décrier nos dogmes. Parmi vous, que d'oubli ; que de confu- sions, par suite que de vides dans vos existences. J'ajoute : que de tristesses aussi. Car vous avez beau faire : envolées les convictions d'autrefois, s'envolent aussi dans la tristesse les certitudes

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TABLE DES MATIÈRES

Pages I. Un appel à la foi 3 II. Un regard vers le ciel . . . . . . 2 5

III. Un souhait filial 41 IV. Une justice à rétablir . . . . . 59 V. Une protestation de fidélité..... 77

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