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LES RÉGIMES PATRIMONIAUX DES COUPLES EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ, EUROPÉEN ET COMPARÉ MARIEL REVILLARD EXPERTISE NOTARIALE

Les régimes patrimoniaux des couples en droit

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Le droit international privé de la famille devient de plus en plus complexe. L’évolution de la notion de famille est une des causes de cette difficulté illustrée par la diversité des couples internationaux de trois types : couples mariés, partenaires et concubins. Plus d’un couple sur deux dans le monde n’est pas uni par un mariage. Ces couples de nationalité différente se déplacent d’un État à un autre et possèdent des biens dans divers pays suscitant des conflits de lois. La question de leur régime patrimonial va se poser pendant toute leur vie commune.L’application à partir du 29 janvier 2019 des règlements européens sur les régimes matrimoniaux et sur les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés est venue ajouter une certaine complexité dans le domaine des régimes matrimoniaux. Trois systèmes cohabitent dans le temps : les principes de droit commun pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992, la pratique de la convention de La Haye pour les époux mariés à partir du 1er septembre 1992 jusqu’au 28 janvier 2019 et le règlement sur les régimes matrimoniaux pour les époux mariés ou qui désignent la loi applicable à leur régime matrimonial à partir du 29 janvier 2019.La détermination du régime patrimonial du couple est essentielle car les différences entre les lois internes sont importantes selon les États : le régime légal variant du régime de la séparation de biens au régime de la communauté universelle, les effets patrimoniaux du partenariat plus ou moins étendus, le statut de l’union de fait allant de l’assimilation à un mariage à une absence totale de reconnaissance juridique. Connaître le contenu des législations étrangères est indispensable.L’ouvrage, tenant compte des plus récentes interprétations de la doctrine et de la jurisprudence, expose dans une première partie le droit international privé et européen des régimes patrimoniaux des couples illustré de nombreux exemples et présente, dans une deuxième partie, le droit comparé relatif à une soixantaine de législations internes sur les régimes matrimoniaux, les effets patrimoniaux des partenariats et unions de fait.L’ouvrage s’adresse en premier lieu aux notaires et à leurs collaborateurs et permet aussi aux étudiants et aux praticiens de trouver une réponse concrète aux questions soulevées par les régimes patrimoniaux des couples internationaux.

Mariel Revillard, Docteur en droit, est ancienne juriste consultante au CRIDON de Lyon. Elle a publié de nombreux ouvrages et articles de droit international privé et européen.

www.defrenois.fr

ISBN 978-2-85623-363-4

Prix : 60 e

Les régimes patrimoniaux des coupLes en droit internationaL privé, européen et comparé Les régimes

patrimoniauxdes coupLes en droit internationaL privé, européen et comparé

Mariel reVillarD

EXPERTISENOTARIALE

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Mariel Revillard

Les régimespatrimoniaux

des couples en droitinternational privé,

européen et comparé

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Dans la même collection

BEAUVARLET P., Les servitudes, 2013.CAMOZ J.-Y., Les contrats immobiliers des collectivités territoriales, 2e éd., 2019.GARÇON J.-P., La TVA appliquée à l’immobilier, 2e éd., 2013.GENTILHOMME R., HERAIL M. et FOUCHÉ E., Fiscalité des mutations à titre gratuit et despartages, 2e éd., 2013.KRAJESKI D., Droit rural, 2e éd., 2016.LASNE Th. et LEVIAUXL., Comptabilité notariale, 2e éd., 2017.PÉRÈS C., Renonciations et successions : quelles pratiques ?, 2017.PIEDELIÈVRE S. et J., La publicité foncière, 2014.PIEDELIÈVRE J. et S., Les promesses immobilières, 2018.REVILLARD M., Droit international privé et européen : pratique notariale, 9e éd., 2018.REVILLARD M., Stratégie de transmission d’un patrimoine international, 2e éd., 2016.REVILLARD M., Les régimes patrimoniaux des couples en droit international privé,européen et comparé, 2020.RUET L., Les baux commerciaux, 5e éd., 2020.SAGAUT J.-F. et LATINA M., Déontologie notariale, 4e éd., 2019.Un an d’application de la réforme des contrats, Quel impact sur la pratique notariale ?,ouvrage collectif, 2017.

© 2020, Defrénois, Lextenso1, Parvis de La Défense92044 Paris La Défense Cedexwww.defrenois.frISBN : 978-2-85623-363-4

Page 5: Les régimes patrimoniaux des couples en droit

Sommaire

Liste des abréviations .................................................................................................. 7

Introduction ..................................................................................................................... 9

PREMIÈRE PARTIEDROIT INTERNATIONAL PRIVÉ ET EUROPÉEN DES RÉGIMES

PATRIMONIAUX DES COUPLES

Chapitre 1. Couples mariés ..................................................................................... 15

Chapitre 2. Partenaires enregistrés ...................................................................... 167

Chapitre 3. Unions de fait ....................................................................................... 207

DEUXIÈME PARTIEDROIT COMPARÉ : LES LÉGISLATIONS INTERNES DE DROIT

ÉTRANGER SUR LES RÉGIMES MATRIMONIAUX ET SUR LES EFFETSPATRIMONIAUX DES PARTENARIATS

Chapitre 1. Europe ...................................................................................................... 225

Chapitre 2. Afrique...................................................................................................... 299

Chapitre 3. Asie et Moyen-Orient......................................................................... 311

Chapitre 4. Amérique................................................................................................. 319

Chapitre 5. Océanie-Australie ................................................................................ 337

Annexes ............................................................................................................................. 339

Table des exemples ..................................................................................................... 463

Index alphabétique ...................................................................................................... 467

Table des matières ....................................................................................................... 473

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Liste des abréviations

ARERT Association du Réseau européen des registrestestamentaires

AJ famille Actualité juridique FamilleAJT Actualité juridique TravauxCASF Code de l’action sociale et des famillesC. civ. Code civilCEDH Cour européenne des droits de l’hommeC. fam. Code de la famille et de l’aide socialeC. mon. fin. Code monétaire et financierC. trav. Code du travailCGI Code général des impôtsCJCE Cour de justice des Communautés européennesCJUE Cour de justice de l’Union européenneCNUE Conseil des Notariats de l’Union européenneCSA Conseil supérieur de l’adoptionCSS Code de la sécurité socialeDr. famille Droit de la familleDr. et patr. Droit et patrimoineDr. et procéd. Droit et procédureDr. soc. Droit socialGAFI Groupe d’action financièreGaz. Pal. Gazette du PalaisGAJFDIP Grands arrêts de la jurisprudence française de droit

international privéJ.-Cl. Dr. int. Juris-Classeur Droit internationalJDI Journal de droit international (Clunet)LPA Les petites affichesMAI Mission pour l’adoption internationaleMIA Autorité centrale pour l’adoption internationaleOAA Organismes autorités et agréésRev. Administrer Administrer

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Rev. crit. DIP Revue critique de droit international privéRev. Huissiers Revue des huissiers de justiceRDI Revue de droit immobilierRERT Réseau européen des registres testamentairesRFDA Revue française de droit administratifRID comp. Revue internationale de droit comparéRJPF Revue juridique Personnes et FamilleRRJ Revue de recherche juridiqueRTD civ. Revue trimestrielle de droit civilRTD com. Revue trimestrielle de droit commercialTravaux Comité fr.DIP

Travaux du Comité français de droit internationalprivé

8 LES RÉGIMES PATRIMONIAUX DES COUPLES

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INTRODUCTION

1. Les questions de droit international privé de la famille deviennent de plusen plus complexes. L’évolution de la notion de famille est une des causesde cette difficulté illustrée notamment par la diversité des couples interna-tionaux de trois types : les couples mariés, les partenaires et les concubins.Cette confrontation des trois formes de vie en couple a été faite par leConseil d’État et le Conseil constitutionnel1. Ces institutions s’inter-nationalisent du fait de l’augmentation des couples mixtes, de la mobilitéde ces couples qui se déplacent d’un État à un autre et possèdent des biensdans différents États. Ces situations suscitent des conflits de lois et de juri-dictions.

2. Sur environ 122millions de mariages dans l’Union européenne 16millionssoit 13% sont internationaux. Sur 1million de divorces 13% présente-raient également des éléments internationaux. Dans le monde plus d’uncouple sur deux n’est pas uni par un mariage2. Des millions d’étrangersvivent en France et lorsqu’ils sont mariés ou vivent en couple leurs rapportspécuniaires sont affectés d’un élément d’extranéité suscitant des conflits delois. Dans ce contexte, la question de leur régime patrimonial va se poserpendant toute leur vie commune, à l’occasion de leur union s’ils envisagentd’établir une convention matrimoniale, d’un accroissement de leur patri-moine, d’un divorce ou de la rupture de leur partenariat ou de leur concu-binage et enfin de la préparation ou du règlement de leur succession.

3. L’importance de l’élément temporel dans les relations patrimoniales de cescouples doit être soulignée. Cette question se posera pendant toute la

1. Cons. const., 29 juill. 2011, nº 2011-155 QPC : JO, 30 juill. 2011, p. 13048, Dr. famille, oct. 2011,couples non mariés, 143 ; V. LARRIBAU-TERNEYRE, AJ famille, sept. 2011, pacte civil de solidarité,436, note J.-B. WALTER.

2. Le déclin du mariage et l’accroissement corrélatif du nombre de couples non mariés s’accé-lèrent depuis un demi-siècle. À titre d’exemple selon l’INSEE (http://insee.fr) en France en2017, 228 000 mariages ont été célébrés, dont 221 000 entre personnes de sexe différent et7 000 entre personnes de même sexe. La même année 194 000 PACS ont été conclus et envi-ron 550 000 couples se sont constitués sans aucune formalité. La même tendance se retrouvedans l’ensemble du monde occidental.

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durée de l’union chaque fois que le couple ou l’un d’entre eux effectueraun acte juridique. Or une fois déterminée la loi applicable au régime patri-monial du couple, quelles que soient les circonstances de rattachementretenues pour déterminer cette loi (loi de la résidence habituelle ou loinationale...) ces circonstances pourront varier au cours de leur union.Ceci souligne l’importance de la question du conflit mobile et de la perma-nence ou de la mutabilité du rattachement défini au jour de la célébrationde leur union.

4. Jusqu’à ces dernières années le règlement de ces situations transfrontièresconcernant les régimes patrimoniaux des couples internationaux relevaiten France du droit international privé traditionnel et de conventions inter-nationales telles que la convention de La Haye du 14mars 1978 sur la loiapplicable aux régimes matrimoniaux ou de conventions bilatérales(Pologne ex-Yougoslavie). L’application à compter du 29 janvier 2019 desrèglements européens du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux et lespartenariats enregistrés est venue ajouter une certaine complexité et l’har-monisation souhaitée n’est pas toujours synonyme de simplification. Lacoexistence du droit international privé européen avec les droits internatio-naux propres à chaque État membre et avec les conventions internationalesconclues entre les États membres les États tiers peut soulever de délicatesquestions.

5. L’adoption de ces règlements ne facilite pas le travail des praticiens qui doi-vent connaître au titre du droit international privé et européen des régimesmatrimoniaux trois systèmes qui vont cohabiter dans le temps : les principesde droit commun qui gouvernent les époux mariés avant le 1er septembre1992, la pratique de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régi-mes matrimoniaux concernant les époux mariés à compter du 1er septem-bre 1992 jusqu’au 28 janvier 2019 et le règlement sur les régimes matrimo-niaux applicables aux époux mariés ou qui désignent la loi applicable à leurrégime matrimonial à partir du 29 janvier 2019. La date du mariage estessentielle pour rechercher la loi applicable au régime matrimonial desépoux.

6. La détermination du régime patrimonial du couple est d’autant plus essen-tielle que les différences entre les lois internes sont particulièrement impor-tantes. Au titre du régime légal, on passe du régime de séparation absoluedes biens dans les pays anglo-saxons, la plupart des États d’Amérique duNord et les pays de droit islamique au régime de la communauté universelledans certains pays d’Europe. Le régime matrimonial légal le plus répanduest cependant celui de la communauté d’acquêts dans les pays de droit latinmais d’autres régimes contractuels peuvent être adoptés par les époux. Lespays d’Europe de l’Est ont adopté au titre du régime légal la communautéd’acquêts. Enfin la participation aux acquêts est retenue au titre de régime

10 LES RÉGIMES PATRIMONIAUX DES COUPLES

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légal en Allemagne ou en Suisse. Le partenariat enregistré est une institu-tion qui est réglementée dans une quarantaine d’États. Les effets patrimo-niaux du partenariat sont plus ou moins étendus selon les législations avecsouvent la reconnaissance d’un régime légal qui l’accompagne. Le statut del’union de fait est divers selon les États, allant de l’assimilation à un mariagede fait à une absence totale de reconnaissance juridique. Ces observationssoulignent l’importance de la connaissance du contenu des législationsinternes de ces institutions qui fera l’objet de la deuxième partie de cetouvrage.

7. Un an après l’entrée en application des règlements européens qui ont étécomplétés par différents textes et nouvelles interprétations de la doctrine etla jurisprudence il nous a paru utile de présenter dans une première partiele droit international privé et européen des régimes patrimoniaux des cou-ples internationaux (couples mariés, partenaires enregistrés, unions de fait)illustré de nombreux exemples et dans une deuxième partie le droit com-paré concernant les législations internes de droit étranger sur les régimesmatrimoniaux et sur les effets patrimoniaux des partenariats et des unionsde fait.

INTRODUCTION 11

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PREMIÈRE PARTIE

DROIT INTERNATIONAL PRIVÉET EUROPÉEN DES RÉGIMESPATRIMONIAUX DES COUPLES

8. Le mariage, le partenariat et le concubinage sont les trois modes de conju-galité véritablement concurrents et entre lesquels des personnes de sexeopposé ou du même sexe ont le choix pour organiser leur vie commune.Le mariage n’est pas défini par le Code civil français mais ses conditions deformation et ses effets sont déterminés dans le Titre V du livre Ier. Lemariage est à la fois une institution et un acte juridique solennel ayantpour objet la formation d’une union légale célébrée par l’autorité compé-tente entre deux personnes de sexe opposé ou de même sexe.À l’opposé le Pacs et le concubinage sont définis dans le Code civil. L’arti-cle 515-1 du Code civil prévoit que « le Pacs est un contrat conclu par deuxpersonnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pourorganiser leur vie commune ». Suivent plusieurs dispositions qui réglemen-tent les conditions de sa formation et ses effets. Pour faire enregistrer leurpartenariat en France la loi n’exige pas que l’un ou les deux partenairessoient de nationalité française. Cependant si l’un d’eux ou les deux parte-naires sont étrangers ils doivent avoir leur résidence commune en France.Le concubinage est défini sous l’article 515-8 du Code civil comme « uneunion de fait caractérisée par une vie commune présentant un caractèrede stabilité et de continuité, entre deux personnes de sexe différent ou demême sexe qui vivent en couple », quelle que soit leur nationalité.

9. Le mariage et le Pacs constituent des actes juridiques à l’opposé du concu-binage qui est une situation de pur fait. Si ces trois modes de conjugalitésont proches, des différences existent dans leurs conditions de formationet dans leurs effets personnels et pécuniaires. Cette distinction entre cestrois types de couples, couples mariés, partenaires enregistrés et unions defait sera reprise dans cette présentation du droit international privé et euro-péen des régimes patrimoniaux des couples.

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CHAPITRE 1

Couples mariés

10. Des éléments d’extranéité s’insèrent de plus en plus souvent dans les rela-tions patrimoniales entre époux. On constate un nombre élevé de mariagesconclus entre personnes de nationalité différente, des époux de nationalitéfrançaise partent s’établir à l’étranger pour des raisons professionnelles ouacquièrent des biens à l’étranger. Ces différentes situations créent desconflits de lois en matière de régime matrimonial, et le notaire sera biensouvent le premier confronté à ces difficultés. Avant le mariage, les futursépoux s’adresseront à lui s’ils désirent rédiger un contrat de mariage. Pen-dant le mariage, le notaire devra, à l’occasion d’un acte juridique – unevente d’immeuble, par exemple – vérifier les pouvoirs des époux et détermi-ner au préalable leur régime matrimonial. Enfin, après la dissolution dumariage, il y aura lieu de liquider leur régime matrimonial pour procéderau partage des biens que les époux ont pu acquérir tant en France qu’àl’étranger.

11. Les difficultés provoquées par les régimes matrimoniaux sont fort ancien-nes. Sous l’ancien droit, la matière des régimes matrimoniaux était considé-rée comme « la famosissima quaestio » ; aujourd’hui, une jurisprudence etune doctrine abondantes témoignent que les régimes matrimoniaux restentl’une des parties principales du droit international privé1.

1. G. DROZ, Les régimes matrimoniaux en droit international privé comparé, Recueil des cours de l’Aca-démie de droit international de La Haye, vol. III, 1974, t. 143, pp. 1 à 138 ; Rép. Int. Dalloz,2e éd., 1998, Vo régimes matrimoniaux ; M. REVILLARD, J.-Cl. Dr. int. Fasc. 556 et J.-Cl. not. rép.,Vo contrat de mariage, Fasc. 20, Régimes matrimoniaux, droit international privé français ;H. GAUDEMET-TALLON, « Les conflits de lois en matière de régimes matrimoniaux, tendancesactuelles du droit comparé », Travaux Comité fr. DIP, 1969-1971, p. 205 ; G. WIEDERKEHR, Lesconflits de lois en matière de régime matrimonial, Dalloz, 1967 ; « Le droit international privé des

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En effet, le régime matrimonial se situe par sa nature à un carrefour de plu-sieurs catégories de rattachement : il constitue un effet du mariage, règle lespouvoirs des époux quant à leurs biens et n’est donc pas étranger à l’état et àla capacité des personnes ; il est indissociable également du régime des bienset des successions et concerne directement le droit des contrats puisqu’ilrésulte de l’accord des époux. Doit-on le rattacher à l’une des institutionsauxquelles il est lié ou le considérer comme une catégorie autonome ?

12. La détermination du régime matrimonial des époux est d’autant plusimportante que les différences entre les lois internes sont particulièrementimportantes2. Les pays de droit anglo-saxons connaissent le régime de laséparation de biens. Au sein de l’Europe, le régime matrimonial légaladopté par les différents États varie du régime de la séparation de biensau régime de la communauté universelle. Les pays de droit latin ont unepréférence pour les régimes de communauté de biens mais d’autres régi-mes contractuels peuvent être adoptés par les époux.

13. La même diversité se retrouve dans le choix de la règle de conflit de lois :rattachement à la loi nationale commune des époux ou à celle du mari, loidu domicile, loi de situation des biens, loi d’autonomie. Ces divergencesmettent en évidence les difficultés que peuvent susciter la déterminationet le domaine de la loi applicable au régime matrimonial. Il convient desouligner ici l’importance de l’élément temporel dans les relations patrimo-niales. La question du régime matrimonial des époux se posera pendanttoute la durée du mariage, chaque fois que les époux feront un acte juri-dique. Or, dès le moment du mariage, on veut déterminer la loi applicableau régime matrimonial des époux : et quelles que soient les circonstancesde rattachement retenues pour déterminer cette loi – nationalité desépoux, du mari, domicile matrimonial, situation des biens – ces circonstan-ces pourront varier au cours du mariage (changement de nationalité ou dedomicile) ; cela souligne l’importance du problème du conflit mobile et de lapermanence ou de la mutabilité du rattachement défini au jour du mariage.

14. Enfin, en cas de décès de l’un des époux, le régime matrimonial devra êtreliquidé en même temps que la succession. Bien souvent, la loi applicable au

régimes matrimoniaux : problèmes d’actualité » ; Travaux Comité fr. DIP, 1987-1988, éd. CNRS,pp. 223 et s. ; H. BATIFFOL et P. LAGARDE, Droit international privé, 7e éd., t. II, nos 618 et s. ; LEUCK,Le statut matrimonial et la vie internationale, 75e Congrès des notaires de France, La Baule, 1978 ;UINL, Régimes matrimoniaux, successions et libéralités, droit international privé et droit comparé, 1979,t. I et t. II ; M. VERWILGHEN et P. VAN DEN EYNDE, Répertoire pratique de droit belge, complément, t. VI,Régimes matrimoniaux (droit international), 1983 ; M. MARTINET, J.-J. FIORA et E. DETOLEDO,rapport au 88e Congrès des notaires de France, Grenoble, 1992. V. MARMEY-RAVAU et F. VARIN,115e Congrès des notaires de France, Bruxelles, 2019, rapport p. 789, nº 3160 et s.

2. V. infra nº 272, Tableau du régime matrimonial légal des principaux pays et la deuxième par-tie de l’ouvrage, Droit comparé : les législations internes de droit étranger sur les régimes matrimoniauxet sur les effets patrimoniaux des partenariats.

16 LES RÉGIMES PATRIMONIAUX DES COUPLES

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régime matrimonial ne coïncide pas avec la loi applicable à la successionalors que ces situations sont intimement liées et que certains systèmes étran-gers se servent du mécanisme successoral pour compléter le jeu du régimematrimonial. Cela pose le problème délicat de la délimitation de la loi durégime matrimonial et de la loi successorale.

15. Le droit commun et la convention de LaHaye sur la loi applicable aux régi-mes matrimoniaux. La détermination de la loi applicable au régime matri-monial des époux mariés avant le 1er septembre 1992 relève de la règle deconflit jurisprudentielle fondée sur l’autonomie de la volonté. Or l’entréeen vigueur en France de la convention de LaHaye du 14mars 1978 sur laloi applicable aux régimes matrimoniaux le 1er septembre 1992 a boule-versé cette partie du droit international privé notarial. Les solutions rete-nues par la convention deviennent les solutions de droit internationalprivé pour tous les mariages célébrés à partir du 1er septembre 1992.

Mais un grand nombre de couples mariés avant cette date vont encore setrouver soumis au système antérieur de droit commun.

16. Règlements du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux et sur les effetspatrimoniaux des partenariats enregistrés. Deux règlements européens l’unrelatif aux régimes matrimoniaux, l’autre aux effets patrimoniaux des par-tenariats enregistrés ont été adoptés. Nous procéderons à l’analyse de cesrèglements relatifs à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance etl’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux par leConseil de l’Union européenne dans le cadre d’une procédure de coopé-ration renforcée3 qui lie à ce jour les 18 États suivants : Allemagne, Autri-che, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Espagne, Finlande, France,Grèce, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, République tchèque,Slovénie et Suède. L’Estonie a déjà annoncé sa volonté de prendre part à lacoopération. Ces règlements sont applicables le 29 janvier 2019 pour lesépoux mariés ou qui ont désigné la loi applicable à leur régime matrimo-nial ou des partenaires enregistrés qui ont désigné la loi applicable auxeffets patrimoniaux de leur partenariat enregistré à partir de cette date.Ces règlements représentent le droit européen en cette matière à partirdu 29 janvier 20194.

3. Règlement (UE) du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcéedans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécu-tion des décisions en matière de régimes matrimoniaux JOUE 8 juill. 2016 L. 183-1. Règle-ment (UE) du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans ledomaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution desdécisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés JOUE 8 juill. 2016L. 183-30. Annexes, p. 348 et s. et 381 et s.

4. M. REVILLARD, 9e éd., nº 565 et s. et infra no 187 et s.

COUPLES MARIÉS 17

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17. L’adoption de ces règlements ne va peut-être pas faciliter le travail des pra-ticiens. Dans le cadre du droit international privé et européen des régimesmatrimoniaux, les praticiens doivent connaître trois systèmes juridiques dif-férents : les principes de droit commun applicables aux époux mariés avantle 1er septembre 1992, la pratique de la convention de LaHaye sur la loiapplicable aux régimes matrimoniaux visant les époux mariés à partir du1er septembre 1992 et le règlement sur les régimes matrimoniaux applicableaux époux mariés à partir du 29 janvier 2019.C’est pourquoi nous examinerons successivement le droit commun (section 2),la convention de LaHaye (section 3) le règlement du 24 juin 2016 (section 4)et nous présenterons un tableau sur le régime légal matrimonial en vigueurdans les principaux pays (section 5).

18. Points particuliers. Avant d’exposer ces trois systèmes applicables aux cou-ples mariés, nous examinerons dans une section préliminaire (section 1) lesdifférentes questions intéressant le patrimoine des époux qui n’entrent pasdans le cadre de la loi du régime matrimonial mais qui peuvent souleverdes difficultés dans la pratique. Elles concernent le régime primaire, ledroit temporaire au logement, la polygamie et le mariage entre personnesde même sexe.

Section 1. — Propos introductifs

19. Le régime primaire. La loi du 13 juillet 1965 a institué dans le chapitre duCode civil relatif aux devoirs et aux droits respectifs des époux, unensemble de règles générales désignées par l’expression de « régime pri-maire » ou de « statut fondamental ». En droit interne, ces dispositionssont applicables par le seul effet du mariage, quel que soit le régime matri-monial des époux (art. 226). La convention de La Haye ne s’est pas pronon-cée sur ce que le droit français et d’autres droits étrangers appellent lerégime primaire ou le statut primaire. Les solutions ci-après gardent touteleur importance jusqu’à l’application le 29 janvier 2019 du règlement surles régimes matrimoniaux. En effet celui-ci étend la catégorie jurispruden-tielle du régime matrimonial au régime primaire impératif mais ce rattache-ment n’est pas global et supposera d’établir des distinctions parmi les dispo-sitions du régime primaire5.

20. Loi applicable au régime primaire. En droit international privé, si on consi-dère le statut fondamental impératif contenu dans les articles 214 à 226comme un effet direct du mariage, il fait partie des effets personnels du

5. M. REVILLARD, 9e éd., nº 576 « Le régime primaire et le règlement » et infra no 203 et s.

18 LES RÉGIMES PATRIMONIAUX DES COUPLES

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mariage régi par la loi nationale des époux et en cas de nationalité diffé-rente, par la loi du domicile commun effectif. Toutefois certaines de cesrègles semblent présenter un caractère de loi de police qui conduit à lesappliquer à des époux étrangers établis en France : la loi étrangère norma-lement compétente sera écartée si elle n’assure pas de manière suffisantel’indépendance des époux ou la sauvegarde des intérêts du ménage.

21. Loi de police. Le caractère de loi de police a été reconnu à l’article 215alinéa 3 sur le droit de disposer du logement de la famille et des meublesmeublants dont il est garni6. Cette promotion juridique du logement fami-lial s’applique à toutes les familles résidant sur le territoire français, quellesque soient les lois auxquelles sont soumis les effets personnels ou pécuniai-res du mariage.

Dans l’intérêt du crédit public, le caractère de loi de police a également étéreconnu à l’article 220 visant les pouvoirs ménagers des époux de mêmequ’aux règles relatives aux comptes de dépôt et de titres et aux présomp-tions de pouvoirs prévues par les articles 221 et 222. L’exercice en Franced’une profession séparée et son corollaire le droit de disposer des gains etsalaires prévu à l’article 223 sont une autre application du régime primairequi doit être respectée en toute hypothèse en France au titre de loi depolice assurant le minimum d’indépendance aux époux.

Les articles 217 et 219 et 220-1 à 220-3 répondent à des situations matrimo-niales de crise et sont appliquées soit au titre des lois de police soit au titrede l’urgence.

22. Autres rattachements. À l’inverse la doctrine a rattaché à la loi des effets dumariage certaines autres règles du statut primaire, qui touchent directe-ment aux effets personnels du mariage telles que les articles 222 (obligationde fidélité, de secours et d’assistance) et l’article 215, alinéa 1 et 2 sur lacommunauté de vie et le choix de la résidence de la famille.

La contribution aux charges du mariage sur le fondement de l’article 214du Code civil relève selon la jurisprudence de la Cour de cassation de laconvention de LaHaye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obliga-tions alimentaires et des autres conventions internationales et règlementseuropéens adoptés en la matière.

23. Jurisprudence de la Cour de cassation. Ces difficultés de qualification expli-quent sans doute que la Cour de cassation a successivement rattaché lerégime matrimonial primaire au statut personnel en évoquant « les disposi-tions prohibitives édictées par les règles du statut matrimonial de base rele-vant de la loi française des effets du mariage »7 et a admis deux années plus

6. Jurisprudence citée M. REVILLARD, 9e éd., sous nº 147 et s.7. Cass. 1re civ., 22 oct. 1985, JDI 1986, p. 1005, note G. WIIEDERKEHR.

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tard que « les règles relatives aux devoirs et droits respectifs des épouxénoncées par les articles 212 et suivants du Code civil sont d’applicationterritoriale »8. Cela signifie que « toutes les règles françaises du régimematrimonial primaire ou statut de base sont des lois de police ou des loisd’application immédiate applicables par le seul effet du mariage, quel quesoit le régime matrimonial des époux ».

Cette approche globale ne résout pas tous les problèmes. Mais il nous paraîtpossible d’admettre que le régime primaire est d’application immédiate surle territoire français pour tous les époux soumis à des lois étrangères. Cemême statut peut d’ailleurs suivre au titre du statut personnel des épouxfrançais vivant à l’étranger. Cette dernière solution permet de concilier lesdeux arrêts de la première chambre civile du 22 octobre 1985 et du 20 octo-bre 1987.

24. Régimes primaires étrangers. L’application en France des régimes primai-res étrangers a été rarement envisagée alors que des dispositions du mêmetype figurent dans les régimes primaires établis dans de nombreux pays,Pays-Bas, Allemagne, Espagne, Italie ou en Suisse. Au Québec au titre dustatut primaire le patrimoine familial vise la composition du patrimoinedes époux et leur est imposé sans égard à leur régime matrimonial9.

25. Droit temporaire au logement. La loi nº 2005-1135 du 3 décembre 2001 ainstitué un droit au logement du conjoint survivant prévu par l’article 763dans les termes suivants :

« Si, à l’époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, àtitre d’habitation principale, un logement appartenant aux époux oudépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant uneannée, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, com-pris dans la succession, qui le garnit.

« Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariageet non droits successoraux ».

« Le présent article est d’ordre public ». À quelle règle de conflit doit-onsoumettre le droit au logement temporaire ? Le texte exclut la qualificationde droit successoral. La qualification de droit réel doit être écartée puisquele conjoint survivant n’a pas d’usufruit du logement mais une simple jouis-sance analysée comme une créance personnelle. Il ne s’agit pas non plusd’un droit relevant du régime matrimonial puisqu’il intervient à la mortdu conjoint, il s’agit d’un effet posthume du mariage lié à la qualitéd’époux comme l’indique l’article 763 alinéa 3 du Code civil : « Les droitsprévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits

8. Cass. 1re civ., 20 oct. 1987, JDI 1988, p. 447, note A. HUET, Rev. crit. DIP, p. 325, obs. Y. LEQUETTE.9. Cf. infra, deuxième partie de cet ouvrage.

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successoraux ». Selon la jurisprudence la loi des effets du mariage est la loinationale commune des époux, à défaut la loi du domicile commun, àdéfaut la loi du for10.

De plus, selon l’article 763, alinéa 4 du Code civil le droit temporaire aulogement est d’ordre public. Cette impérativité de droit interne peut êtrereproduite en droit international privé de la même manière que le régimeprimaire relève de la loi des effets du mariage mais est une loi de policed’application territoriale11.

Enfin on peut penser que le droit temporaire au logement entre dans ledomaine du règlement régime matrimonial car il s’agit bien d’un droitd’un des époux à l’égard des biens compris à ce titre dans le domaine del’article 27-d du règlement.

Exemple 1 : Droit temporaire au logement du conjoint survivant de nationalité britannique. –Des époux britanniques sont propriétaires d’une maison à Oxford et d’un apparte-ment à Paris qui est leur habitation principale. L’application de la loi des effets dumariage ne permettrait pas au conjoint survivant de bénéficier du droit temporaireau logement puisque la loi française n’est pas applicable. En revanche, l’habitationprincipale est située à Paris. Au titre de loi de police, les articles 763 et suivants duCode civil pourront s’appliquer parce que l’immeuble est en France.

26. Polygamie et régime matrimonial des époux. La polygamie sert d’illustra-tion à l’effet atténué de l’ordre public dans le cadre des droits des conjointssurvivants dans une famille polygamique. « L’ordre public français, en rai-son de ses effets atténués ne s’oppose pas à ce qu’un mariage polygamiquecontracté régulièrement à l’étranger selon la loi locale produise en Francedes effets d’ordre successoral au bénéfice d’une seconde épouse et de sesenfants légitimes »12.

Mais au préalable se posera la question du régime matrimonial applicable àces mariages polygamiques. La solution logique serait de considérer queseul un régime de séparation de biens est compatible avec la polygamie.C’est probablement la raison pour laquelle le régime de la séparation debiens est le régime « légal » en droit musulman. Cependant il n’y a pas deraison d’écarter le jeu de la règle de conflit de lois en matière de régimematrimonial. Ceci peut être illustré dans l’exemple suivant.

10. Arrêt Rivière, Cass. 1re civ., 17 avr. 1953, GAJFDIP, nº 26.11. H. PÉROZ et E. FONGARO, Droit international privé patrimonial de la famille, 2e éd., LGDJ, 2017,

nº 404 et s. ; P. LAGARDE, Répertoire de droit international, Dalloz, v. Règlement nº 2016/1103 surles régimes matrimoniaux, nº 125.

12. M. REVILLARD, 9e éd., nº 959.

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Exemple 2 : Polygamie et régime matrimonial. – Un Algérien Ali Bensad de statut musul-man se marie une première fois avec une Algérienne de même statut en 1990, lecouple vit en Algérie jusqu’en 1997 et les époux sont donc placés sous le régimealgérien de la séparation de biens. Cet Algérien prend une seconde épouse de statutmusulman en Algérie en 2000 et les époux s’établissent aussitôt en France après lemariage. Si l’on fait jouer la règle de conflit de lois issue de la convention deLaHaye, les époux ayant fixé leur première résidence habituelle en France à lasuite de leur mariage sont placés sous le régime légal français de communauté d’ac-quêts. (On peut imaginer la situation renouvelée avec une troisième épouse dans unmariage contracté bien entendu en Algérie.) Dans une telle situation il a été proposéen utilisant l’article 6 de la convention de LaHaye d’écarter la loi française et lerégime légal français en choisissant la loi algérienne et le régime légal algérien dela séparation de biens en donnant un effet rétroactif à cette déclaration13. Mais siun décès survient avant d’avoir procéder à ce changement de loi applicable, lenotaire se trouvera dans une situation délicate pour la liquidation des différents régi-mes matrimoniaux. La solution issue du bon sens serait de considérer que seul lerégime de séparation de biens est compatible avec la polygamie mais il n’est pasexclu qu’une épouse survivante demande l’application du régime français de com-munauté d’acquêts et la stricte application de la règle de conflit de lois française. Àce jour il n’y a pas de jurisprudence sur ce point.

27. Les mariages entre personnes de même sexe. Le mariage entre personnesde même sexe introduit en droit français dans la loi du 17mai 2013 neconstitue pas une nouveauté au regard du droit comparé14. Au 1er janvier2020, 27 pays autorisent le mariage entre personnes de même sexe : Afriquedu Sud, Allemagne, Argentine, Autriche, Australie, Belgique, Brésil,Canada, Colombie, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France,Irlande, Islande, Luxembourg, Malte, Mexique (à Mexico et dans 10 Étatsfédéraux), Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni etIrlande du Nord, Suède, Taïwan, Uruguay.

28. La loi du 17mai 2013 a établi des règles de conflit de lois sous les arti-cles 202-1 et 202-2 du Code civil visant les conditions de fond et de formedu mariage et a prévu sous l’article 21 la reconnaissance en France dumariage entre personnes de même sexe célébré avant l’entrée en vigueurde la loi. Le mariage entre personnes de même sexe est largement ouvert àdes ressortissants étrangers. À la suite de ces mariages régulièrementcontractés le régime matrimonial de ces époux ou épouses de même sexesera déterminé suivant la date de leur mariage conformément à la

13. M. REVILLARD, « Premier bilan d’application de la convention de La Haye du 14mars 1978 surla loi applicable aux régimes matrimoniaux », in E Pluribus Unum : Liber amicorum GeorgesA.L. Droz, A. Borras et Kluwer Law International, 1996, p. 369 et s.

14. M. REVILLARD, 9e éd., nº 167 et s.

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Convention de La Haye si le mariage a été célébré avant le 29 janvier 2019et selon le règlement régime matrimonial s’il a été célébré à partir du29 janvier 2019.

29. Toutefois l’élargissement de la possibilité de contracter un mariage entrepersonnes de même sexe en présence de l’interdiction de la loi personnellede l’un des époux multiplie les mariages boiteux qui ne seront pas recon-nus dans l’État d’origine du ressortissant étranger si la loi prohibe ou neconnaît pas le mariage entre personnes de même sexe.En revanche le mariage célébré en France conformément à la règle deconflit de lois sera reconnu dans les pays qui ont adopté une législationsur le mariage entre personnes de même sexe. En revanche en présenced’un mariage boiteux de réelles difficultés se poseront lors de la liquidationdu régime matrimonial du couple. Dans son devoir de conseil le notairedevra avertir ces époux des conséquences patrimoniales de leur mariagenon reconnu dans leur pays d’origine.

Exemple 3 : Mariage entre personnes de même sexe marocain et français. – Youssef Fasi denationalité marocaine et Luc Mignon de nationalité française vivant ensemble depuisplusieurs années et domiciliés en France souhaitent se marier. Leur projet est-il réa-lisable ? Quel sera leur régime matrimonial ?

À la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 201515 ce mariage franco-marocain entre personnes de même sexe peut être valablement célébré en Franceen vertu de l’article 201-2 alinéa 2 du Code civil. Si les époux n’ont pas établi decontrat de mariage, la loi applicable à leur régime matrimonial sera, selon l’article 26du règlement régime matrimonial, la loi française, loi de la première résidence habi-tuelle commune des époux après la célébration du mariage et leur régime matrimo-nial sera le régime légal français de la communauté d’acquêts. Toutefois il convien-dra d’avertir les époux qu’il s’agira d’un mariage boiteux reconnu en France maisqui n’aura pas d’effet au Maroc. C’est pourquoi, il serait prudent de conseiller auxépoux de faire un contrat de mariage et de choisir un régime de séparation de biens.

30. L’article 21 de la loi du 17mai 2013 a validé de façon rétroactive les maria-ges entre personnes de même sexe célébrés à l’étranger et la qualitéd’époux ou d’épouses s’établira au titre du régime matrimonial et dudroit successoral. On rappellera que la reconnaissance du mariage requiert

15. Cass. 1re civ., 28 janv. 2015 cité note 109, M. REVILLARD, 9e éd., nº 181 et s. La Cour de cassationa validé un mariage franco-marocain entre personnes de même sexe considérant que laConvention franco-marocaine du 10 août 1981 ne peut faire obstacle au mariage entre per-sonnes de même sexe si le futur époux marocain a un lien de rattachement avec la France telque son domicile.

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la transcription de celui-ci dans les conditions prévues aux articles 171-5 et171-7 du Code civil.

Section 2. — Mariage célébré avant le 1er septembre 1992 : droitcommun

31. Les principes de droit commun en matière de régime matrimonial concer-nent tous les époux mariés avant le 1er septembre 199216 et visent deux caté-gories de problèmes, la détermination du régime matrimonial légal (§ 1) etle changement de régime matrimonial (§ 2). Cette dernière question n’ad’ailleurs pas été abordée dans la convention de LaHaye. Les problèmesrelatifs à l’établissement d’un contrat de mariage relèvent, à partir du1er septembre 1992 jusqu’au 28 janvier 2019, de l’article 3 de la conventionde La Haye et seront examinés dans le cadre de la désignation de la loiapplicable17.

§ 1. Le régime légal

32. En droit positif français, le régime matrimonial légal relève de la loi d’auto-nomie, c’est-à-dire de la loi que les époux ont implicitement choisie. L’ori-gine de cette règle remonte à 1525. Elle est évoquée dans une consultationcélèbre de Charles Dumoulin, avocat de Paris, donnée à l’occasion de ladétermination du régime matrimonial des époux de Ganay. Ceux-ci, mariéssans contrat, avaient fixé leur domicile à Paris, mais possédaient des bienstant à Paris que dans le Lyonnais. Ils désiraient que l’ensemble de leur patri-moine soit soumis à la loi de leur domicile parisien. Charles Dumoulinanalysa le régime légal comme une sorte de contrat tacite : en choisissantleur domicile, remarqua-t-il, les époux avaient exprimé leur volonté de sesoumettre à l’application de la coutume de leur domicile.Le système de l’autonomie de la volonté, célèbre depuis Dumoulin, adonné lieu à une abondante jurisprudence. Nous rechercherons comment,en pratique, s’effectue la mise en œuvre de ce rattachement.

16. Sur une question de conflit interne de loi concernant des époux de statut civil coutumierkanak mariés en Nouvelle-Calédonie : Cass. 1re civ. 10 juin 2015, nº 14-14599, Rev. crit.DIP 2016, p. 506, notes V. PARISOT, l’absence de régime matrimonial des époux de statut cou-tumier kanak : les époux du moins dans leurs rapports avec les tiers ne sont soumis à aucunrégime matrimonial particulier et sont assimilées à des indivisaires.

17. Infra no 89 et s.

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A. Détermination du rattachement

33. Le rattachement. Suivant les règles françaises de conflit de lois, le régimematrimonial d’époux mariés sans contrat est déterminé par la règle de l’au-tonomie de la volonté. La volonté présumée des époux doit être recherchéepour la détermination du régime matrimonial que s’il n’existe pas dechoix exprès fait par les conjoints18. En rappelant que la déterminationdu régime matrimonial d’époux mariés sans contrat, en l’espèce époux ira-niens mariés le 13 octobre 1988 avant l’entrée en vigueur de la conventionde La Haye et installés en France relève des règles de conflit de droit com-mun, la Cour de cassation, le 28mars 2012, précise que l’acte de remise dedot versée par le mari était un élément de l’acte de mariage qui condi-tionne le consentement des époux, mais ne revêt pas le caractère d’uncontrat de mariage19. Pour l’appréciation de cette volonté, le premier

18. Pour une Kétouba et un mariage conclu sous le régime dit Meghorachimes de Castille adoptépar les conjoints, Cass. 1re civ., 6 juill. 1988, D. 1988. IR, p. 211 ; Rev. crit. DIP 1989, 360, noteG. KHAIRALLAH ; JDI 1989, 715, note G. WIEDERKEHR ; CA Paris, 14 juin 1995, Rev. crit. DIP 1997,41, note P. GANNAGÉ. Il en est de même du contrat de mariage établi au Liban entre une Polo-naise et un Libanais emportant adoption de la séparation de biens avec clause de dot selon laloi musulmane (CA Paris, 14 juin 1995, D. 1996 jurispr. p. 156 note F. BOULANGER ; Rev. crit. DIP1997, p. 41, note L. GANNAGÉ confirmé par Cass. 1re civ., 2 déc. 1997, JCPN 1998, p. 1302, noteG.WIEDERKERH ; Rev. crit. DIP 1998, p. 632, note P. GANNAGÉ). En revanche, la stipulation de dotou la remise de dot figurant dans un acte de mariage célébré selon la forme musulmane enTunisie, en Algérie, en Iran ou en Égypte par exemple ne permet pas de considérer que lesépoux sont placés sous le régime musulman de séparation de biens alors qu’ils se sont instal-lés en France aussitôt après leur mariage. Selon les principes de droit international privé fran-çais, le régime français de communauté d’acquêts leur est applicable. La stipulation de dotn’est prévue qu’au titre de condition de validité du mariage lui-même et ne peut être assimi-lée à un contrat de mariage d’ailleurs inconnu du droit musulman. En dehors de la stipula-tion de dot, l’acte de mariage ainsi établi ne contient pas de référence à la gestion de leursbiens. La distinction doit s’établir sur cette base pour considérer qu’il y a eu choix d’unrégime matrimonial. La solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt du 7 avr.1998 (D. 1998, jurispr. p. 287 par B. AUDIT ; Rev. crit. DIP 1998, p. 644, note D. ANNOUSSAM)qui a considéré que le Nikah indien est à la fois acte et contrat de mariage suscite, de sérieusesréserves. Sur un nouveau pourvoi dans la même affaire, la Première chambre civile a retenuque l’acte deMaher de consentement à mariage est considéré comme un contrat de mariage(Cass. 1re civ., 22 nov. 2005 : Bull. civ. I, no 430, p. 360 ; JDI 2006, p. 1365, note M. C. NAJAR ; surl’ensemble de cette question v. G. KHAIRALLAH, « La volonté dans le droit international privécommun des régimes matrimoniaux », Liber amicorum Mariel Revillard, Defrénois, 2007, p. 197et s., no 9 et s.). V. M. REVILLARD, J.-Cl. Dr. int., Fasc. 556, no 18. Cass. 1re civ., 24 mai 2018, nº 17-20 110, D (rejet) ; « Conséquences lors de la liquidation du régime matrimonial du choix durégime dans un État tiers (Mali) », Defrénois flash, nº 25, 2018, 145x9.

19. Cass. 1re civ., 28 mars 2012, Dr. famille juill.-août 2012, comm. 129 obs. M. FARGE, Defrénois 2012,p. 519, note M. REVILLARD. Dans une décision du 19 déc. 2012 concernant les époux maréssous l’empire de la convention de LaHaye, la Cour de cassation affirme clairement que ladésignation de la loi applicable au régime matrimonial ne peut résulter d’un acte de mariagereligieux à défaut de choix exprès (Cass. 1re civ., 19 déc. 2012, nº 12-16-633 F+P+B+l, JurisDatanº 2012-030403, Dr. famillemars 2013, comm. 47, p. 37, note L. ABADIE, Defrénois flash nº 116, 8nº 2013, 16.

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