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TRESORS

DE L'ART

MONDIAL

^

Bulgarie

Photo © Musée Archéologique de Sofia, Bulgarie

L'art animal de l'ancienne Thrace

Détail d'une plaque d'argent réalisée par un artisan thrace à la fin du 4» siècle avant notre ère. On yvoit un lion accroupi sur sa proie, un cerf. Les orfèvres thraces de l'Antiquité ont su représenter desscènes de chasses miniatures remarquables, tout comme des scènes rituelles et des combatsd'animaux. Ces montrent une grande habileté dans l'expression du mouvement etl'expression dramatique, résultat obtenu grâce à une parfaite maîtrise de la stylisation. Aujourd'huiau musée archéologique de Sofia, cette plaque (longue de 8,7 cm) est l'un des nombreuxchefs-d'Juvre de l'art thrace découverts en Bulgarie.

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LeCourrier*^e ^ unesc°AOUT SEPTEMBRE 1978 31* ANNÉE

PUBLIE EN 19 LANGUES

Français Italien TurcAnglais Hindi OurdouEspagnol Tamoul CatalanRusse Persan MalaysienAllemand Hébreu Coréen

Arabe Néerlandais

Japonais Portugais

Mensuel publié par l'UNESCOOrganisation des Nations Uniespour l'Éducation,la Science et la Culture

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Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris

Belgique : Jean de Lannoy,202, avenue du Roi, Bruxelles 6

ABONNEMENT - 1 an : 35 francs français ; deuxans : 58 francs français. Payement par choquebancaire, mandat postal, CCP Paris 12598-48,à l'ordre de : Librairie de l'Unesco, Place deFontenoy - 75700 Paris.

Reliure pour une année : 24 francs.

Les articles et photos non copyright peuvent être reproduits àcondition d'etre accompagnés du nom de l'auteur et de lamention « Reproduits du Courrier de l'Unesco », en préci-

' sant la date du numéro. Trois justificatifs devront être envoyésà la direction du Courrier. Les photos non copyright serontfournies aux publications qui en feront la demande. Lesmanuscrits non sollicités par la Rédaction ne sont renvoyésque s'ils sont accompagnes d'un coupon-réponse internatio¬nal. Les articles paraissant dans le Courrier de l'Unescoexpriment l'opinion de leurs auteurs et non pas nécessaire¬ment celle de l'Unesco ou de la Rédaction. Les titres des arti¬

cles et les légendes des photos sont de la rédaction.

Bureau de la Rédaction :

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Rédacteur en chef :

René Caloz

Rédacteur en chef adjoint :Olga Rodel

Secrétaire de rédaction : Gillian Whitcomb

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Edition française :Edition anglaise : Howard Brabyn (Paris)Edition espagnole : Francisco Fernandez-Santos (Paris)Edition russe : Victor Goliachkov (Paris)Edition allemande : Werner Merkli (Berne)

Edition arabe : Abdel Moneim El Sawi (Le Caire)

Edition japonais/9 : Kazuo Akao (Tokyo)Edition italienne : Maria Remiddi (Rome)

Edition hindie : H.L. Sharma (Delhi)

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Edition portugaise : Benedicto Silva (Rio de Janeiro)Edition turque : Mefr'a Arkin (Istanbul)Edition ourdoue : Hakim Mohammed Saïd (Karachi)

Edition catalane : Cristian Rahola (Barcelone)Edition malaisiennö' : Azizah Hamzah (Kuala Lumpur)Edition coréenne : Lim Moon-Young (Séoul)

Rédacteurs adjoints :

Edition française :Edition anglaise : Roy MalkinEdition espagnole : Jorge Enrique Adoum

Documentation í Christiane Boucher

Illustration : Ariane BaileyMaquettes : Robert Jacquemin

Toute la correspondance concernant fa Rédaction doitêtre adressée au Rédacteur en Chef.

pages

18

46

LES SLAVES, CULTURE ET HISTOIREpar Dimitri Markov

AU SEUIL D'UN GRAND DESTIN

par Vladimir Koroliouk

13 LES NOCES DE LA TERRE ET DES HOMMES

par Alexandre Gura, Olga Ternovskaya et Nikita Tolstoï

ETONNANTES DECOUVERTES DES RESTAURATEURS RUSSESPhotos

22 LES GRANDS COURANTS SPIRITUELS ENTRE BYZANCE ,ET LE MONDE SLAVE

par Dimitr Anguelov et Gennady Litavrine

26 IL Y A 1000 ANS. UN VOYAGE SUR LA VOLGApar Ibn-Fadlan

28 LES SLAVES ET L'ORIENT

Un réseau millénaire d'échanges culturels et commerciauxpar Oljas Suleimenov

32 KIEV

gardienne des anciennes traditions de la culture slavepar louri Asseev

41 L'ART DE LA MORAVA

Une école de sensibilité et de grâce dans la Serbie du 15a sièclepar Svetozar Radojcic

43 DUBROVNIK

Porte ouverte sur le monde latin

par Vouk Voutcho

LE BOIS VIVANT

Photos

54 "L'AME SLAVE"

De la Baltique à la Mer Noire, une vaste communauté culturellepar Slavomir Wollman

59 Entre les Slaves et l'Occident

LE DIALOGUE DES ARTISTES ET DES SAVANTS

par Igor Belza

64 De Copernic à KorolevLA SAGA DE L'AVENTURE SPATIALE

par Bogdan Suchodo/ski

68 L'ART POPULAIRE EN BIELORUSSIE

par Evgueni/ Sakhouta

71 LES CICATRICES DE LA GUERRE

par Alexandre Flaker

73 NOS LECTEURS NOUS ECRIVENT

74 LATITUDES ET LONGITUDES

2 TRESORS DE L'ART MONDIALBULGARIE : Art animalier de l'ancienne Thrace

Notre couverture

Ces cavaliers, rois mages qui vont, guidés parune étoile, s'incliner devant Jésus à

Bethléem, forment un détail d'une Icône

russe de la Nativité du Christ (école de Pskov,15* siècle). Ils nous conduisent avec lyrismeet simplicité vers des sommets de l'art slave :Introduction à ce numéro du Courrier de

l'Unesco entièrement consacré à l'histoire descultures du monde slave, contribution au

programme de l'Unesco pour l'étude des,cultures.

Photo © Ed. Aurora, Leningrad

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LES SLAVES

culture

et histoire

Très célèbre pour les Innombrableshauts-reliefs personnages saints oulaïques, bestiaire fantastique quicouvrent ses murs, l'église Saint-Georges située à 200 km au Nord/Estde Moscou, à Yuriev Polsky, est unlieu de pèlerinage pour les historiensde l'art religieux. Achevée en 1234, àl'une des plus belles époques de l'artreligieux en Russie, sa construction aété entreprise sous la direction duPrince Sviatoslav Vsevolodovich. CI-

contre, ce masque à barbe pointue, quise trouve au portail nord de l'Eglise,pourrait être le portrait de ce prince.

par Dimitri Markov

LES peuples slaves sont, avec les peu¬ples latins et germains, un des grou¬pes ethniques principaux du conti¬

nent européen. On peut entendre parlerdes langues slaves sur les bords de la MerBlanche comme de l'Adriatique, dans lesvastes étendues qui vont de ta mer Baltiqueà l'Oural et, plus loin, jusqu'en Sibérie et enExtrême Orient.

Le chroniqueur gothique Jordan (11* siè¬cle) raconte que les "Antes" (brancheorientale des Slaves) avaient un dieu du

tonnerre, Peroun, qu'ils lui offraient ensacrifice des taureaux, croyaient aux sirè¬nes et adoraient les fleuves et les arbres.

Au Moyen-âge, les historiens byzantinssont unanimes à noter le courage et le sen¬timent de l'honneur qu'on trouve chez lestribus slaves, ainsi que leur hospitalité etsurtout leur amour de la liberté. A la diffé¬

rence du reste de l'Europe ancienne, cestribus n'ont pratiquement pas connu lerègne de l'esclavage.

En Europe, à la fin de l'Antiquité et audébut du Moyen-âge, les sociétés esclava¬gistes font place à des sociétés de type féo¬dal et à un autre type d'organisation del'Etat. Les Slaves participent à ce proces¬sus qui concerne toute l'Europe : il suffit derappeler la. formation d'Etats slaves tels quela Principauté de Moravie, la Russie deKiev, la République de Dubrovnik.

Ces Etats slaves avaient un grand poidspolitique auprès des pays voisins, non seu¬lement par leur puissance économique etmilitaire (en 911, le Prince de Kiev, Oleg, fit

DIMITRI MARKOV, Académicien, Directeurde l'Institut des Etudes slaves et balkaniquesauprès de l'Académie des Sciences de l'URSS,est président de l'Association internationalepour l'étude et la diffusion des cultures slaves.

accrocher son bouclier aux portes de Cons¬tantinople en souvenir de ses victoires),mais aussi à cause de leur culture originale,diversifiée et hautement développée.

Un de ces Etats, la Grande Moravie, faitinévitablement penser à la grande aventurede Cyrille et Méthode les civilisateurs,les créateurs de l'alphabet slave. Les deuxfrères, originaires de Salonique, poursuivi¬rent plus de vingt ans une activité qui com¬mença en 863, lorsqu'ils arrivèrent enMoravie à la demande du Prince Rostislav

pour y enseigner aux habitants la foi chré¬tienne dans la langue du pays.

Une vie des Saints fort ancienne rap¬

porte qu'après avoir entendu l'Empereurbyzantin lui souhaiter bon voyage, Cyrilledit : "Apprendre sans alphabet et sanslivres, c'est exactement comme si l'onnotait une conversation sur l'eau". Aussi,

avant de partir, mit-il au point l'alphabetslave avec l'aide de Méthode. L'activité de

Cyrille et Méthode eut un vaste retentisse¬ment en Moravie, en Pannonie et dansd'autres territoires des Slaves occidentaux.

Bien que leur entreprise se soit heurtée àl'hostilité farouche de l'Eglise catholique,elle'se développa bientôt en Bulgarie où seconcentra leur activité. La propagation del'écriture slave fut un événement historiqueconsidérable pour tous les peuples slaves.Elle fait par conséquent époque dans l'his¬toire de la culture mondiale.

On ne peut parler de la Russie de Kievsans évoquer l'extraordinaire essor des vil¬les, des métiers artisanaux, du commerce,le développement des contacts politiquesinternationaux. La culture artistique atteintalors un très haut niveau.

Il est impossible d'avoir une vue com¬plète de la culture mondiale si l'on n'a pasprésentes à l'esprit les réaliséesdans le monde slave à cette époque. Ces

qu'elles soient architecturales, lit

téraires, picturales ou autres, ont procuréun plaisir esthétique indéniable à des géné¬rations successives de Slaves et de non

Slaves.

Ecrit en un langage concis et pittores¬que, dans une forme poétique admirable, le"Dit de la campagne du Prince Igor" égalepar ses qualités artistiques et spirituellesdes comme les chansons des Nibe¬

lungen et la Chanson de Roland. L'fait parvenir jusqu'à nous le bruissementdes herbes de la steppe où, en 1185, lePrince Igor de Novgorod-Séverski s'élançacontre les Polovéts, le cliquetis des glaiveset la respiration haletante des chevaliers quis'affrontaient en un combat mortel... Le

"Dit du Prince Igor" est le témoin éloquentdes temps lointains, des sentiments et despensées des hommes qui habitaient la Rus¬sie médiévale.

De Dubrovnik, nous rappellerons le rôleque cette ville a joué dans le développe¬ment de l'humanisme européen. Cette ville-République a conservé durant plusieurs siè¬cles et malgré des guerres constantes, mal¬gré les remaniements successifs de sesfrontières, toute son indépendance. Elle futrivale de Venise en matière d'économie et

de culture. Rien d'étonnant à ce que leSénat vénitien ait émis un décret spécialdéclarant : "Chaque vendredi, étudier lemoyen d'anéantir Dubrovnik".

C'est là que des mathématiciens, despoètes, des historiens et des philosopheséminents ont conçu leur C'est icique, du 15" au 17« siècle, le travail et letalent d'architectes et d'ingénieurs, de tail¬leurs de pierre anonymes donnèrent nais¬sance à un ensemble architectural d'une

harmonie unique en son genre et qui, ausein d'une nature somptueuse, apparaîtcomme une huitième merveille du monde.

"Celui qui cherche le paradis sur terre doit waller à Dubrovnik", disait Bernard Shaw, f

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> La Forteresse de Dubrovnik et la Cour auPrince démontrent l'originalité de la civilisa¬tion dalmate, originalité due en particulier àses liens étroits avec la riche culture popu¬laire et avec le mode de vie si particulier desSlaves du sud.

L'apport intellectuel des Slaves n'est pasmoins riche et divers dans le domaine des

conceptions idéologiques. Des mouve¬ments européens anticléricaux et antiféo¬daux, qui ont suscité de vastes mouve¬ments des masses populaires, ont leursource chez les Slaves. Tel fut par exemplele mouvement des Bogomiles, en Bulgarie,dont l'héritage fut repris par les doctrinesdualistes d'Occident, celle des Cathares enparticulier. Il est significatif de constater àce propos que, dans les dialectes françaisdu Moyen-âge, le mot "Bougre", c'est-à-dire Bulgare, est utilisé pour désigner leshérétiques.

On peut citer encore la doctrine de JeanHus qui fut brûlé vif à Constance en 1415sur décision des autorités religieuses. Maisle bûcher de Jean Hus devait allumer la

flamme purificatrice de la Réforme danstoute l'Europe : Martin Luther lui-même se

Le

Kremlin

a

travers

les

âges

disait hussite I La doctrine de Hus fut à la

base de l'idéologie révolutionnaire des bur¬gers et de la paysannerie.

Au Moyen-âge, les peuples slaves eurentà subir le joug étranger. La Pologne et laRussie soutinrent les attaques incessantesdes voisins orientaux de l'Europe. Cela nefut pas sans marquer leur développementculturel.

Néanmoins, lorsque le courant de laRenaissance européenne rénova la culturedu Moyen-âge, les Slaves, dans les condi¬tions historiques qui leur étaient propres.

surent prendre une part active à ce grandmouvement de l'esprit.

Plusieurs générations d'hommes de laRenaissance ont élaboré une nouvelle

vision du monde, une nouvelle conceptionde l'homme. Ces idées se sont incarnées

dans des chefs-d' artistiques, elles

ont engendré des progrès scientifiques. Onpeut relever plusieurs noms slaves parmices penseurs et ces créateurs.

Citons en premier lieu Copernic (1473-1544) : il réfuta le modèle du monde consa¬

cré par l'Eglise et qui faisait autorité depuis

1500 ans. Sa théorie héliocentrique permitpar la suite à Giordano Bruno de repousserles frontières de l'univers encore plus loin,en supposant l'existence de systèmes solai¬res innombrables semblables au nôtre.

De nombreux faits témoignent del'importance accordée par ses contempo¬rains aux travaux de Copernic. Le jeuneComenius, notamment, était tombé en1614 à Heidelberg, sur le manuscrit "De larévolution des corps célestes". Sans hési¬ter, il l'acheta avec ses dernières écono¬mies. Après quoi, il dut faire à pied les cent

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kilomètres qui le séparaient de son domicileen Moravie.

Jan Amos Komenski ou Comenius

(1592-1670), est lui-même un savant slavedont l'apport à la culture des temps nou¬veaux est tout à fait exceptionnel. Ayantcompris l'importance de l'éducation pour latransformation de la société, il élabora

toute une doctrine pédagogique. C'estainsi qu'il fut avec trois siècles d'avance lecréateur de la méthode active pour l'ensei¬gnement des langues I Comenius se situeaux frontières'de deux grandes époques dela culture européenne : la Renaissance et leSiècle des Lumières.

Les Lumières, affirmant la puissance illi¬mitée de la raison, ont définitivementdétrôné la scolastique comme moyen uni- >

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Photo © APN, Pans

Le kremlin ou "forteresse", formait l'enceinte fortifiée des grandes villes russes duMoyen Age. Pskov, Novgorod, Smolensk et Rostov ont été bâties autour de kremlinsqui renfermaient nombre d'églises, les palais des princes et des gens d'église, lesbâtiments de l'Etat et l'arsenal. Le Kremlin de Moscou, le plus Important de tous, était àl'origine, vers 1156, une construction de bois mais il a été remanié maintes fois au coursdes siècles.

Photos (1) : Vue de Moscou à travers les souvenirs d'un voyageur allemand du 16* siècle,Aaan Olearius. (2) Le premier plan de Moscou, connu a ce jour, publié en 1566 par unambassadeur autrichien Slgismund Guerberstein, précieuse source Iconographique pourl'étude du plan urbain de l'ancienne Moscou. (3) Place centrale du Kremlin au 17* siècle.(4) Gravure du 16* siècle de tailleurs de pierre moscovites ; l'inscription signale que "cetété là (1367), le Grand-Duc Dimitri construisit Moscou en pierre et qu'à partir de cetemps là Moscou ne fut plus construit qu'en pierre". (5) Le Kremlin au 18* siècle, vu dela rive droite de la Moskova : gravure de Mikhaïl Makhaev.

Photo © APN, Moscou

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versel de connaissance et d'interprétationdu monde.

Dans le domaine des sciences au 18* siè¬

cle, la figure slave la plus remarquable estévidemment celle de Mikhaïl Lomonossov

(1711-1765). Grand savant russe, encyclo¬pédiste, Lomonossov possédait à la fois lestalents du physicien et du chimiste, ceuxdu géologue et du géographe, ceux del'historien et du philologue, de l'hommed'Etat et du poète... Il partage avec legrand Lavoisier la découverte de la loi deconservation de la masse.

C'est en Pologne que fut créé pour lapremière fois en Europe (en 1773) un minis¬tère laïque de l'Instruction : la commissiond'Education.

L'époque de la formation des nations estun chapitre d'une extrême importance dansl'histoire de la culture slave. Durant cette

période, qui se situe entre la deuxième moi¬tié du 18* siècle et la première moitié du19*, et que l'on nomme à juste titre l'épo¬que de la Renaissance nationale, le rôle dela culture dans la vie sociale a pris uneimportance considérable. La littérature,l'art et les sciences sont devenus le miroir

de la nation, sa carte de visite pour lesautres peuples et Etats.

L'essor des cultures slaves fut en grandepartie déterminé soit par les mouvementsde libération nationale, soit, comme enRussie, par les mouvements socio-politiques d'avant-garde. Ainsi la poésied'Alexandre Pouchkine a-t-elle exprimél'idéologie des Déc'embristes (1). La lutte

(1) En Russie, le soulèvement "décembriste", ainsinommé parce qu'il eut lieu le 18 décembre 1825, fut unerévolution de palais qui échoua contre l'autocratietsariste. On le regarde généralement comme le premieracte de la révolution russe.

des Tchèques pour la construction d'unThéâtre national à Prague, qui s'est dérou¬lée en suivant le mot d'ordre "Offert par lepeuple au peuple", est l'expression dumouvement national dans ce pays. Lesécrivains bulgares Christo Botev (2) etLuben Karavelov participèrent directementà la lutte armée pour la liberté et l'indépen¬dance nationale.

La Culture fut un facteur important dansla formation politique des masses populai¬res. Ainsi pour la comédie musicale de celuiqu'on appelle le père du théâtre polonais,W. Boguslavski, "Le miracle imaginaire, ouCracoviens et montagnards". Créée enmars 1794, elle fut pour les combattants dela révolte de Kostiuszko ce que fut le"Mariage de Figaro" de Beaumarchaispour les hommes de la Révolution fran¬çaise.

Chaque décennie du 19* siècle voit gran¬dir le rôle des cultures slaves dans l'évolu¬

tion culturelle de l'Europe et du Monde.L'exemple le plus évident est fourni par leslittératures, et plus spécialement la littéra¬ture russe. L. Tolstoï, F. Dostoïevski, I.

Tourgueniev eurent une grande influencesur le développement de la culture mon¬diale. A. Mickiewicz et Juliusz Slowaski

furent les éminents représentants de la cul¬ture polonaise, Tarass Chevtchenko celuide la culture ukrainienne...

La création musicale atteint elle aussi les

plus hauts sommets : Glinka, Chopin,Tchaïkovski, Moussorgski, Smetana etd'autres compositeurs slaves sont des gloi¬res non seulement nationales mais univer¬

selles.

(2) Dans une série d'ouvrages consacrés à d'éminentespersonnalités de la culture slave, l'Unesco a publié :Christo Botev par Vladimir Topentchakov, Unesco,Paris, 1977. Signalons dans la même série : MiroslavKrleza par Mirijan Matkovic, Unesco, Paris, 1977.

Le développement de l'art théâtral dansles pays slaves est lui aussi marqué par degrandes réalisations : ainsi le Théâtre d'Artde Moscou, créé en 1898 par les grandsmetteurs en scène Stanislavski etNémirovitch-Dantchenko.

Les grands mouvements sociaux et révo¬lutionnaires du 20* siècle, inspirés par laRévolution d'octobre en Russie, ont exercéune influence considérable sur la culture du

monde actuel, et sur celle des peuples sla¬ves tout particulièrement.

Les idées'dont ces cultures se nourris¬

sent ont donné la preuve de leur vitalitédans la lutte des peuples slaves ou non sla¬ves contre le fascisme, lequel apportait nonseulement la mort mais aussi la destruction

absurde de monuments millénaires.

Le programme de l'Unesco pour l'étudedes cultures est une importante contribu¬tion à l'efficacité des échanges culturels. Ilcomporte un projet slave qui répond àl'intérêt croissant de larges cercles de l'opi¬nion publique mondiale pour la cultureslave ancienne ainsi que pour les succèsremportés par les gouvernements slavesdans leur activité culturelle et économiqueactuelle.

A la réalisation du projet de l'Unesco surl'étude des cultures slaves prirent part deschercheurs, créateurs et travailleurs desmass-media et des institutions culturelles à

la fois en Europe, en Amérique et en Asie.La nécessité se fit tout naturellement sentir

de constituer une association internatio¬

nale. Cette association doit coordonner

l'étude interdisciplinaire des cultures slaveset la diffusion des connaissances sur les

pays slaves, leur vie actuelle, leur apport àla civilisation mondiale.

D.F. Markov

Un art qui veut apprendre à tous "à se mettre à l'écoute" de la Révolutiond'octobre 1917. Reproduisant les paroles de l'Internationale, ce plat en céramique,fait en 1919-1920 par Maria Lebedeva, décoratrice russe s'appelle "Chant d'octobre"

8

Photo © Editions Aurora, Leningrad

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Les Sarmates, peuplenomade qui parcourait lessteppes, de l'Oural à la merCaspienne aux 3*/4* siècles avantJ-C, fabriquaient de superbes spécimensde joaillerie. Cette plaque de poitrail en or,pour cheval, trouvée dans une sépulture d'unnoble sarmate, provient sans doute d'un ateliergrec ; les figures centrales représententDionysos et Athéna.

Photo © Edition "Progrès", Moscou

Au seuil

d'un grand destinpar Vladimir Koroliouk

LORSQUE l'empire romain fut anéantisous la poussée des Barbares, l'Eu¬rope féodale s'établit sur ses ruines

et sur ses cendres. Le rôle joué par les tri¬bus slaves dans cette grande migration depeuples fut notable.

Byzance, l'ancien Empire Romaind'Orient, fit une cure de jeunesse en allant

VLADIMIR KOROLIOUK, historien soviétique,chef du Département d'histoire ancienne etd'histoire médiévale à l'Institut des Etudes slaves

et balkaniques de l'Académie des Sciences del'URSS. Auteur de nombreuses études sur la

formation des Etats slaves, les origines des peu¬ples de l'Europe orientale et les relations entreEurope centrale et orientale aux 16'-18 siècles. Ilparticipa à la rédaction de l'ouvrage "Les Slavesde l'Orient" publié par l'Unesco en 1965.

au-devant de la nouvelle structure féodale

européenne. En Europe de l'Est, où les Sla¬ves étaient établis de longue date, toutcomme dans l'Europe du centre et du sud-est où les Slaves s'étaient solidement ins¬

tallés après les grandes invasions, les tribusslaves s'engagèrent sur la voie de la féodali-sjation. On constate l'apparition de gouver¬nements et de nationalités slaves.

La vie économique des Slaves a rejoint leniveau de celle des autres Européens enpremier lieu dans les domaines de la pro¬duction agricole, de l'artisanat et du com¬merce urbains.

Au premier abord, on pourrait penserque ce sont les nomades qui ont joué le rôleessentiel dans ces grandes migrations depeuples : les Sarmates, les Huns, les

Avars... Dans tous les documents écrits

anciens, les nombreuses campagnes desnomades sont éloquemment décrites : cesont des remparts romains qui s'effon¬drent, des villes assiégées, la populationdes provinces de l'Empire romain qui fuitou tombe sous la coupe des conquérants.Et il est surtout question de l'Europe dusud-est. D'après les récits dès témoins, leshordes de nomades ravagèrent les provin¬ces romaines, transformèrent tout en pâtu¬rages et prirent une partie des habitantscomme esclaves.

Or le système économique des nomadesne pouvait subsister sans l'agriculture.Lorsque les Avars se fixèrent, au 6* siècle,ils se tournèrent vers l'agriculture. Le travailde la population slave agricole et le sang

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i versé par les guerriers slaves incorporés à lahorde guerrière jouèrent un rôle décisifdans la naissance de cette puissanceredoutable que fut le Kaganat Avar. Maisles Etats d'origine nomade sont aussi éphé¬mères que puissants. La soumission desSlaves par les Avars aboutit en 622-23, à lapuissante révolte des Slaves, qui avaieat àleur tête Samo. La lutte contre les Slaves et

les Francs entraîna la chute de l'Etat Avar.

En 803, Charlemagne, l'Empereur desFrancs, vainquit définitivement le Kaganat.Les Avars cessèrent d'avoir une existence

politique.

Seuls les peuples d'agriculteurs telsqu'étaient les Slaves depuis les temps lesplus reculés (une petite partie d'entre euxétaient des éleveurs), pouvaient participer àla création de l'Europe féodale.

Le destin de peuples nomades commeles proto-bulgares et les Hongrois apparaîtdifférent, tout en étant lié incontestable¬ment à l'évolution des Slaves. Les proto-bulgares se sont fondus dans la sociétéagricole des Slaves ; l'ethnie hongroise,ayant absorbé les éléments slaves locauxqui se livraient à l'agriculture et leur ayantemprunté leur expérience, fit son entréedans l'histoire européenne en tant que peu¬ple d'agriculteurs.

Les premières sources écrites qui per¬mettent de se représenter approximative¬ment l'aire occupée par les Slaves dans lesvastes étendues de l'Europe orientale etune partie de l'Europe centrale datent despremiers siècles de notre ère. A partir decette époque et jusqu'à celle des grandesmigrations, on possède toute une séried'informations dont les plus intéressantessont contenues dans les de deux

historiens du 6* siècle : le Goth Jordan et le

Byzantin Procope de Césarée.

D'après les luvres des auteurs antiques,les territoires d'Europe centrale et d'Europeorientale se subdivisaient en deux régionsgéographiques : la Germanie et la Sarma-tie. Dans quelle région vivaient les Slaves ?Un certain nombre d'auteurs antiques puisd'auteurs byzantins rattachent les Slaves àla région de Sarmatie (ou Scythie) ; maisleurs contemporains mieux informés avan¬cent des opinions différentes.

Tacite, le grand historien romain du 1"siècle de notre ère, distingue nettement lesSlaves des habitants de la Sarmatie. Il se

fonde pour cela sur des critères en partieéconomiques. "Cependant, écrit-il, onpeut les ranger (les Vendes, les Slaves) plu¬tôt au nombre des Germains, car ils seconstruisent des maisons, portent des bou¬cliers, se déplacent à pied et d'ailleurs avecune grande rapidité ; tout cela les distingue

des Sarmates qui passent toute leur vie enchariot et à cheval".

Ces hésitations tiennent visiblement au

fait que les Slaves habitaient une région àpart, à la jonction de la Germanie et de laSarmatie, où convergeaient les influencesculturelles des peuples occidentaux etorientaux. Dans cette région, la zone boi¬sée et steppique d'Europe orientale et descontreforts des Carpathes, les Slaves coha¬bitaient avec les Baltes, ancêtres des Let¬tons et des Lituaniens actuels, cequ'atteste en partie la proche parenté deslangues slave et balte.

Les informations données par les histo¬riens du 6* siècle délimitent l'aire des Slaves

de façon encore plus précise. C'est unimmense territoire qui s'étend de la merBaltique aux Carpathes, au Dniepr, etmême jusqu'au Don et à ces régions où leDon se jette dans le "Lac Méotique" (lamer d'Azov).

Il.y a vingt ans furent découverts des ves¬tiges de la vie agraire et des produits del'artisanat des 5*-7* siècle avant J.C. On a

pu établir un lien entre les centres slaves etles foyers d'artisanat. Les découvertesd'archéologues ukrainiens et polonais per¬mettent à présent de voir la culture maté¬rielle des Slaves se développer sur une lon¬gue période, du début de notre èrejusqu'aux 10* et 11* siècles. Sur cetimmense territoire, et sur une période aussiétendue, on peut observer que la culturematérielle revêt une homogénéité fonda¬mentale en dépit des variantes locales :impossible de ne pas y voir une des mani¬festations de la communauté ethniqueslave.

L'unité des Slaves est évoquée aussidans des documents écrits. Les dénomina¬

tions des Slaves y sont diverses. Les témoi¬gnages les plus détaillés datent du 6* siè¬cle ; ils font état de deux dénominations

principales : les Antes et les Esclavons. Cesont de grandes fédérations politico-militaires de Slaves avec une noblesse à

leur tête et des chefs qui sont des chefsd'armées (ou des princes).

Antes et Esclavons, malgré quelques dif¬férences (avant tout dans les types de céra¬mique et les caractères des cités fortifiéesdu 6* siècle) étaient très proches les unsdes autres dans tous les domaines : forme

de vie, aspect extérieur et langue.

L'arrivée de Goths, de Huns et d'Avarsdans ces régions a détruit l'unité du peuple¬ment slave. Mais en dépit de cela, une lan¬gue commune et desmsemblables sesont conservées chez les Slaves. Et les

bases de la vie économiques sont restéesles mêmes. La communauté ethnique desSlaves a pour fondement leur continuumde langue et de structures parentales.

Les auteurs antiques témoignent ausside l'unité existant dans les croyancesmythologiques des Slaves. Dans lesmythes païens s'exprimait la consciencemythofogique d'une ethnie. "Pour tout lereste, chez ces deux tribus barbares (lesAntes et les Esclavons), la vie et les loissont semblables. Ils pensent qu'un dieu,créateur de la foudre, règne sur tous lesautres : et on lui apporte en sacrifice des .

taureaux, et on accomplit d'autres ritessacrés" (Procope de Césarée).

Malheureusement les documents ne per¬mettent pas de reconstituer le système descroyances mythologiques. La hiérarchiedes dieux, incarnations de la nature, estconservée dans la description de la réformeréalisée par le grand Prince Vladimir (10*siècle). Péroun, le dieu du tonnerre et de lafoudre, est porteur de la pluie vivifiantepour la nature et les semailles (le dieu Stri-bog est similaire à Péroun). C'est le dieu le

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plus important. Khors et Dadjbog sont lesdieux de l'aurore et du soleil. Volos (ou

Veles) est le dieu des troupeaux, le dieu del'élevage et du pâturage. Mokoch est ladéesse de la fécondité, celle aussi du filageet du tissage. D'après les chroniques lati¬nes et les fouilles entreprises sur certainssites archéologiques des 11*-12* siècles, lessystèmes des dieux païens se présentaientde manière quelque peu différente mais surune base identique.

Le folklore slave a conservé les traces de

nombreuses croyances : les Vilas, les Béré-guines sont les esprits des bois, des monta¬gnes, des fleuves et des lacs (c'est-à-direde l'eau). Larilo est une divinité qui apportela fertilité : il est associé au printemps.Koupala est selon toute apparence la divi¬nité du soleil. Des esprits comme "Lignée","Parturiente", "Aïeux", "Tchours","Dziady", "Domovoi" sont les ancêtresdéfunts du clan patriarcal et, plus tard, dela famille patriarcale slave. Mais la structuredes mythes slaves païens a été détruite parl'apparition du christianisme.

Idoles de pierre- Aux divinités slaves furent dédiées des Idoles le plus souvent en boiselles ne se sont malheureusement pas conservées et, plus rarement,en pierre. A gauche, une idole de pierre du 10* siècle d'un Dieu à 4visages, dont chacun est tourné vers l'une des 4 directions du monde.Sur le piller de face, la déesse de la Terre et de la fertilité ; l'idole a étéretrouvée dans une rivière en Ukraine. Au-dessus, une statue de pierreconnue sous le nom de "l'Idole de Chklov".

A vrai dire, le christianisme a répris à soncompte des cultes et des rituels païens. Dece fait, certaines "couches sédimentaires"des anciennes conceptions religieuses sla¬ves ont été conservées au Moyen-Age,dans le cadre de l'idéologie chrétiennedominante.

L'unité des croyances, la continuité de lalangue et des rites du mariage, le caractèrecommun de la culture matérielle montrent

objectivement l'existence d'une commu¬nauté slave.

C'est la localisation des Slaves (Vendes)

dans les documents cartographiques anti¬ques (les Tables de Peutinger) qui permetde parler d'une migration des Slaves vers leSud-Ouest au 3* siècle. L'immense flot de

Slaves ne déferla en Europe centrale et enEurope du Sud-est qu'aux 5"-7* siècles. LesSlaves se fixèrent dans les Balkans, lesAlpes Dinariques, Carniques et Juliennes etles Alpes du Sud, dans le bassin duDanube, sur les territoires situés à l'est del'Elbe. C'est le conflit avec les Slaves aux

6*-7* siècles, lors des migrations en Europedu Sud-Est, qui décida du destin del'Empire romain d'Orient. Cet empire anti¬que et esclavagiste devient alors l'EmpireByzantin, un état féodal du Moyen-Age.

Pour en revenir aux Antes et aux Escla¬

vons, il ressort des témoignages de Jordanet de Procope de Césarée que ces deuxpeuples eurent une importance égale dansles migrations des Slaves et leur implanta¬tion dans le Bassin du Danube et les Bal¬

kans. Ces deux fédérations de tribus, pro¬ches par la langue et les m avaientindubitablement une conscience ethniquefort développée. Mais quand, à la dernièreétape de leur migration, les Slaves se fixè¬rent en Europe du Sud-Est, le nom desEsclavons se répandit sur tout le territoireslave et celui des Antes disparut.

La cause de ces changements peut secomprendre. En effet, les Slaves n'avaientpas seulement à combattre les tribus ger¬maniques, finnoises et nomades : il s'yajoutait la confrontation majeure avecl'Empire Romain d'Orient. L'ethnie slaveresserra son unité, sa conscience ethniques'accrut.

Le brusque changement qui s'opéra dansle développement de cette conscience eth¬nique et s'exprima dans l'apparition d'unedénomination commune à toutes les tribus

slaves, se produisit au 6* et au début du 7*siècle.

Au sein de la communauté slave com¬

mence alors un processus complexe de for¬mation de trois branches : celles de l'Est,du Sud et de l'Ouest, qui se développentdans des conditions historiques, géogra¬phiques et économiques différentes. Dansles diverses régions se déroule un proces¬sus de fusion entre la population locale etles Slaves. Dans la branche du Sud vien¬

nent se fondre des Thraces et une partiedes lllyriens, dans la branche de l'Est, unepartie des Baltes et des Finnois. A la mêmeépoque commence la formation d'Etats etde peuples slaves. Les Slaves s'engagèrentrésolument sur la voie du féodalisme.

Ceux qui s'étaient, établis sur les territoi¬res de l'Empire byzantin et la zone de con¬tact avec cet Empire se développèrent kdavantage que ceux qui étaient restés dans r

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Détail montrant une arcature aveugle et des plaques de faïence ornant les murs de l'égliseSaint-Georges-sur-la-Montée, bâtie à Pskov, au 15* siècle.

> leur région d'origine. C'est sur ces territoi¬res que se constituèrent les premiers Etatsd'Europe centrale et d'Europe du Sud-Est :le premier Royaume bulgare et la GrandeMoravie. Ce n'est qu'au 10* et au début du1 1* siècles que l'ensemble des régions attei¬gnit le même niveau de développement.L'Etat slave le plus important fut la Russiede Kiev.

Dans les Etats constitués pendant la pre¬mière phase du féodalisme, les princes, lahaute noblesse, les chevaliers de la gardedes princes et des boyards, vivaient tous dutravail des paysans. Dans les régions fores¬tières, on était passé à l'agriculture delabour ; des animaux de trait y étaientemployés. Au 13* siècle, on peut déjà direque le labourage avait partout triomphé.

L'horticulture et la culture maraîchère

conservent leur importance dans l'écono¬mie. On connaissait la fève, les pois, leslentilles, les navets, \er pavot ; on faisaitpousser la carotte, l'ail, le concombre, ainsique le pommier et le poirier. La pêche etl'apiculture complétaient la nourriture despaysans, avec la cueillette largementrépandue des baies, des champignons etdes racines.

Le développement du labourage, avecson emploi des bêtes de trait, laisse suppo¬ser l'importance de l'élevage. Les Slavesemployaient b et chevaux. L'élevagedes vaches et des porcs représentait unebranche importante de l'économie. Celuides chèvres et des moutons était évidem¬

ment lié à l'agriculture, mais surtout dansles pâturages des Carpathes et des Bal¬kans.

Trois cycles : les rites et coutumes agrai¬res, ceux de l'élevage, ainsi que les ritesconcernant le mariage et la fécondité, serapportent directement au travail et aumode de vie de la paysannerie slave.

Les villes slaves, centres artisanaux etcommerciaux, apparurent aux 8* et 9° siè¬cles. L'essor des villes bulgares se produisitau 10* siècle. Au début du 11* siècle,

Byzance conquit la Bulgarie, de sorte quele développement des villes se poursuivitensuite surtout chez les Slaves de l'Ouest

et de l'Est. Les fortifications de,s villes com¬prennent remparts, fossés et tours. Lesportes sont particulièrement fortifiées.

La construction des fortifications était

conduite par les Slaves. Parmi les métiers,les métallurgistes, les forgerons, les serru¬riers, les armuriers, les potiers, les verriers,les maçons et même les savetiers et cor¬donniers constituaient des spécialités dis¬tinctes. Le bois était l'affaire des tourneurs

sur bois, des tonneliers, des charrons. L'artde la joaillerie était hautement développé.Les produits artisanaux russes et particuliè¬rement les dagues d'acier, les cotes demailles, les objets en or et les sculptures suros se répandirent sur les marchés d'Orientet d'Occident où ils étaient très appréciés.

On peut dire que l'essentiel, pour les vil¬les, était le lien plus ou moins étroit qui lesrattachait au marché régional capabled'absorber la production des artisans.L'apparition et la croissance des villes chezles Slaves témoignent donc d'un processusqui aboutit rapidement à séparer l'artisanatde l'agriculture, et qui avait commencé très ,tôt. Les villes a forte population d'artisanset de commerçants, placées sur les trajetsdes marchands étrangers, se transfor¬maient en d'importants centres commer¬ciaux et diplomatiques.

A Prague et à Wolyn, à Kiev et à Novgo¬rod viennent alors s'installer des ambassa¬des et des missionnaires. Des marchands

étrangers viennent vendre leurs produits.Ils échangent tissus, pierres précieuses,argent, bijoux et épices contre des

prisonniers-esclaves, des fourrures et desproduits artisanaux.

Les voies de transit vont, par la Volga, dela mer Caspienne à Novgorod et à la merBaltique. Les routes des "Varègues auxGrecs", celles de Kiev à Cracovie, Pragueet Ratisbonne, sont très animées. Onentend parler arabe, grec, allemand, nor¬mand, et bien sûr aussi la langue slave surles marchés comme à la cour des princes etdans l'aristocratie de Kiev, de Novgorod etde Smolensk. Les villes des Slaves du Sud

présentent à peu près les mêmes caracté¬ristiques. Dans les villes de Dalmatie, où lapopulation est romano-slave, les mar¬chands italiens sont alors en nombre

important.

Dans les grandes villes slaves, on chan¬tait déjà des sagas et des chants célébrantles princes et leurs exploits ; des bylines(épopées et rapsodies populaires) étaientinterprétées à la cour. Ces villes étaient évi¬demment des centres culturels et tout par¬ticulièrement des centres littéraires. Là se

développèrent aussi la peinture et l'archi¬tecture.

La création d'une écriture slave et d'une

langue littéraire commune à tous les Slaves(par Cyrille et Méthode, au 9* siècle) futune manifestation essentielle de la commu¬

nauté culturelle slave à l'époque du HautMoyen-Age. Les circonstances historiquesont fait que cette écriture s'est surtoutmaintenue et développée chez les Slavesde l'Est et du Sud. Les écrits sur écorce de

bouleau, découverts par les archéologuessoviétiques, sont un indice fort importantdu haut niveau culturel que la société del'ancienne Russie avait atteint, grâce enparticulier à l'existence de cette écritureslave (voir la photo page 25).

Vladimir Korollouk

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Les noces

de la terre

et des

hommespar Alexandre A. Gura,

Olga A. Ternovskaya

et Nikita I. Tolstoï

>1

*

sii

LA vie des Slaves est depuis long¬temps liée à l'agriculture. C'estpourquoi les rites magiques qui ac¬

compagnent les travaux agricoles jouentdans leur culture un rôle notable.

L'un de ces rites s'est conservé jusqu'àune époque récente. Cette fête de la mois¬son revôt des formes différentes selon les

groupes ethniques. Elle représente doncune source d'information importante pourreconstituer la genèse des peuples slaves.

Cette fôte (les "dojinki") se présentecomme un ensemble de rituels hiérarchisés,

répartis dans le temps et l'espace. Elle estconstituée par les différentes combinaisonsde trois rituels fondamentaux. Chacun de

ces rituels se rattache à un objet particulierque les moissonneuses confectionnaient àl'aide d'épis, de paille, de branches, defleurs, de fils et de rubans. Ces objets pré- W

I ? sentent un grand nombre de variantes. r

ALEXANDRE A. GURA, OLGA A. TER¬NOVSKAYA ET NIKITA I. TOLSTOI, appar¬tiennent au Service de Recherche de l'Institut

des Etudes slaves et balkaniques auprès del'Académie des Sciences de l'URSS. Sous la

direction de Nikita Tolstoï, ils poursuivent desrecherches sur l'aspect ethnographique et lin¬guistique des anciennes cultures slaves, y com¬pris les anciens rituels de mariage et autres tradi¬tions populaires.

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y L'un d'eux, appelé couronne, est unecoiffe confectionnée à l'aide d'épis, defleurs, de branches, de rubans... Le rituel

fondé sur le tressage des couronnes con¬tient toujours des éléments du rite nuptial :la fête des moissons revêtait elle-même la

forme d'une noce. La plus belle et la meil¬leure moissonneuse y tenait le rôle de lafiancée, le personnage principal. Le riteavait en particulier une signification magi¬que ; dans la chanson biélorusse de la mois¬son, on chante : "Maître, embrasse la maî¬

tresse plus souvent, le blé sera plus abon¬dant".

Dans cette variante, les personnagesavaient les mêmes noms que ceux du ritenuptial. Aussi la terminologie du mariage seretrouve-t-elle dans les rites de la moisson.

Le rituel de la couronne est bien connu en

Ukraine, dans le sud de la Biélorussie, enSlovaquie et en Pologne. En Bulgarie, iln'est pas caractéristique. On ne le rencon¬tre pas en Russie.

Autre objet rituel : la dernière gerbe oubien le mannequin de paille, en forme depoupée, qui remplit des fonctions identi¬ques. A la différence de la couronne, lagerbe n'est pas un attribut du personnageprincipal : elle est elle-même le héros. Aussiles noms qu'on lui donne, à elle ou au man¬nequin, sont-ils souvent anthropomor¬phes : la bonne femme, le grand-père, lacommère, la fiancée... Dans le Nord-Est de

la Russie, on traite la gerbe comme la maî¬tresse de maison.

Le rituel fondé sur la confection de la

gerbe est tout particulièrement répanduchez les Slaves de l'Ouest. On peut le trou¬ver aussi chez certains Slaves du Sud. Il est

répandu encore dans le nord et l'ouest de laRussie, et se rencontre également en Biélo¬russie.

Mais le rituel le plus Important, quiaccompagne la fin de la moisson chez lesSlaves, est lié au faisceau d'épis non mois¬sonnés. Les Slaves de l'Est et du Sud appel¬lent "barbe" (du protoslave bordât cet objetrituel. On donne aux épis une forme pré¬cise : par exemple on les tresse en natte, onles incline,- on les brise à demi, on en fait

des torsades, on les lie... après quois'accomplit une série d'actions magiques :les femmes font des culbutes dans les

champs, les jeunes gens se glissent sous lesépis courbés, une jeune fille danse devanteux, on les arrose de vodka ou d'eau, on ydépose un morceau de toile, des pierres, dupain et du sel...

Les Slaves du Sud coupent ou arrachentla "barbe" une fois que les rituels ont étéaccomplis. Les Slaves de l'Est, eux, laissentla "barbe" non coupée.

Dans la Russie du Nord, on trouve des

. archaïsmes dont l'origine est antérieure à

La moisson terminée, les

paysans de Sandomin etde Radom en Pologneplaçaient une couronnede blé sur la tête de la

plus belle jeune fille qui,suivie de tout le village etde la musique, la porte àl'église. Le prêtre ayantbéni la couronne, la

procession se rend à lamairie : le maire attache

au haut de la couronne un

coq qui se met à picorerles grains ; si le coqchante, la récolte sera

abondante. Le cortègearrive enfin devant la

porte du maître demaison qui distribue alorsdes présents aux paysansqui se sont distingues parleur assiduité.

En Moravle-

Tchecoslovaqule(à droite), la fin de

l'hiver est symbolisée parune figurine nommée"smartka" (la mort) ; onla noie dans la rivière le

dimanche des Rameaux.

En Bulgarie (en bas àgauche), la mort de l'hiverest mimée par un danseurmasqué.

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l'ère chrétienne : ainsi le rituel des mois¬

sons, lié à celui de la chasse aux mouches età l'introduction dans la maison d'un rameau

de bois vert.

Quant au mariage slave traditionnel, il aun cérémonial fort complexe : Les actesrituels et les représentations mythologiquess'y mêlent étroitement à la poésie rituelle,aux chansons, à la musique et à la danse.

Les parents, les amis, les proches dufiancé et de la fiancée deviennent pour untemps les personnages d'une représenta¬tion dans laquelle une place est attribuée àchacun : chacun est à la fois acteur et spec¬tateur. Il n'était pas rare que l'on fasse venirà la noce des musiciens professionnels, despleureuses, un ordonnateur principal, uneguérisseuse qui protégeait les jeunesmariés des maléfices, ou encore un boute-

en-train qui amusaitplaisanteries.

l'assistance par ses

Le rite du mariage commence par l'arri¬vée des marieurs dans la maison de la fian¬

cée. Ils s'entretiennent avec les parents enun language allégorique, se présententcomme des marchands, des chasseur» demartres ou de renards. Ils se disent à la

recherche d'une génisse qui s'est perdue,demandent si l'on n'a pas vu leur cane ouleur oie, proposent d'acheter une brebis, dublé... En de rares occasions, lorsqu'il estprévu que le marié ira vivre chez sa femme,les marieurs s'en vont chez lui ; parfoisc'est la fiancée qui vient elle-même offrir samain. La cérémonie de l'accord s'achève

par les fiançailles ; les futurs mariéss'apprêtent pour la noce et réunissent lesinvités.

Les fiançailles conclues, la situation de lafiancée se modifie : elle a pour ainsi direcessé d'être une jeune fille, sans être encoreune femme mariée. Elle n'a plus ses anciensliens de parenté et ne fréquente plus sesanciennes relations, mais n'a rien qui lesremplace. Dans le peuple, on considère quela fiancée est alors beaucoup plus exposéeà l'influence dangereuse des maléfices etdes forces Impures. C'est la raison pourlaquelle elle ne s'occupe pas des travauxménagers. Souvent, dans la crainte qu'onlui jette un sort, elle ne sort même pas de lamaison. Cette période Intermédiaire estmarquée extérieurement par des détailsdans le vêtement, la coiffe et la coiffure.

Dans la Russie du Nord commençaientalors les lamentations rituelles, obligatoi¬res, de la fiancée. Certaines se frottaient

même les yeux avec de l'oignon pour fairevenir les larmes... Après le mariage àl'église, les pleurs et les lamentations ces¬saient.

Chez tous les Slaves apparaît plus oumoins nettement une cérémonie particu¬lière qui se déroule la veille du mariage. EnRussie, c'est entourée de ses amies que fafiancée fait ses adieux à son état de jeunefille. Le bain rituel de la fiancée est connu

tant chez les Russes que chez les Slaves duSud. Chez les Russes, et particulièrementchez les Biélorusses, les Polonais et les Bul¬

gares, on défait avant les noces la natte dela fiancée. Les Slaves de l'Ouest et de l'Est

décorent un arbre nuptial. En Ukraine occi¬dentale, en Pologne, en Tchécoslovaquie eten Serbie, les jeunes filles tressent des cou¬ronnes. Les Slaves du Sud et les Slovaquesconfectionnent un drapeau nuptial. En Rus¬sie (surtout dans le Sud), en Biélorussie, en

Ukraine et en Bulgarie, a lieu la préparationrituelle du pain nuptial.

Ce pain nuptial est l'un des attributsessentiels du mariage slave. On prépare lapâte, on la décore, on cuit le pain qui seraoffert aux Invités de la noce. Cela s'accom¬

pagne de nombreux rites et chansons danslesquelles le pain est comparé au soleil et àla lune. Les fiancés s'Inclinent en un pro¬fond salut devant lui, l'embrassent. Les

parents en bénissent les jeunes mariées. Ilsviennent à leur rencontre avec du pain et dusel à leur retour de l'église, comme pourleur transmettre les traditions de l'hospita¬lité slave ; ils répandent sur eux des grainsde blé, leur souhaitant ainsi bonheur etrichesse.

Les chemins vers l'église et le trajetJusqu'à la maison du fiancé étaient considé¬rés comme dangereux. Ceux qui partici¬paient à la noce s'efforçaient donc de sepréserver contre les "mauvaises gens" sus¬ceptibles de leur jeter un mauvais sort.Chez les Slaves orientaux, par exemple, de Lnombreux récits racontent comment des"

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Les cent

baisers

Les "Luboks", ou gravurespopulaires apparues au 17* siècleen Russie sont instructives,

humoristiques, souventféeriques. Elles étaientdiffuséesà travers tout le pays par desmarchands ambulants. A gauchece "lubok" décrit un mariagepaysan : oncle Démiane adjureles fiancés de "rendre la vodka

moins amere" et les invités

scandent les cent baisers que lesfiancés doivent échanger ; lesenfants perchés sur le poêlepensent que croquer desnoisettes est beaucoup plusdrôle. A droite, un gâteau demariage significatif : Adam etEve devant l'arbre de vie.

, sorciers ont transformó en loups des nocesentières...

Un des actes rituels fondamentaux dans

le mariage est le changement de coiffure dela fiancée : la jeune épousée reçoit sa coiffede femme mariée.

Le cortège menant les jeunes mariés au litnuptial se déroule habituellement dans lamaison du fiancé. Mais cette nuit-là, les

mariés la passent en général dans un localnon chauffé : un appentis, une grange ouune étable I

Le jour suivant est consacré aux jeux etau rire. On taquine les jeunes mariés, oninflige des punitions aux marieurs. Les gensde la noce parcourent le village déguisésles hommes habillés en femmes et vice¬

versa. Ou bien l'on se déguise en tzigane...Parfois, par exemple dans la région duPolzssié biélorusse, on joue une vaste paro¬die des moments principaux de la noce.

La dernière partie du rite nuptial com¬porte enfin la toilette rituelle des jeunesmariés dans le bain après la nuit de noces,les épreuves rituelles de la jeune maîtressede maison et les visites de tous les parentsles uns chez les autres, pour des repas.

Encore aujourd'hui, dans la région duPolzssié, on célèbre en été. le 7 juillet (dunouveau calendrier), une ancienne fêteslave la fête d'Ivan Koupala. Elle corres¬pond à la Saint-Jean du calendrier religieux.Cette fête s'accompagne d'un rituel pitto¬resque qui s'est conservé depuis l'époquepaïenne, bien que la hiérarchie ecclésiasti¬que l'ait toujours combattu avec acharne¬ment.

La veille de la fête d'Ivan Koupala, à latombée de la nuit, on allume de grands feuxsur la rive d'un fleuve ou sur les collines. Le

plus souvent, on en allume trois. Aupara¬vant, les garçons et les filles ramassent destas de bois morts et de la paille... Parfois, ilsfont un mannequin de paille qu'ils brûlentensuite ou qu'ils noient dans le fleuve.

Le feu brûle jusqu'à minuit ou jusqu'aumatin. Quand il est près de s'éteindre, on

saute par-dessus, on frappe la terre de bran¬ches en feu, on s'ébat... Cette nuit-là, àl'aube, on ramasse des herbes et l'on se

raconte la légende de la "fleur de fougère"(les fougères n'ont pas de fleurs) dont larencontre porterait bonheur...

Les farces des jeunes villageois, qui sesont conservées jusqu'à nos jours, sont trèscurieuses et strictement déterminées par lerite. Les jeunes bouchent par exemple lacheminée pour que la fumée se répandedans la maison lorsqu'on allume le poêle.Ou bien ils enlèvent les battants d'un portailet les jettent dans le potager voisin. Ouencore ils tirent un seau d'eau du puits,avec une chaîne, et tendent la chaîne en tra¬vers de la route...

Tout comme les sauts par-dessus le feuou les branches brûlantes battant la terre,

ces farces avaient autrefois une significa¬tion rituelle (conjuration des démons, puri¬fication, fertilisation). Par la suite, elles

n'ont plus été qu'amusement. Tout le vil¬lage est alors en fête et personne n'y dort.

En Pologne, sur le cours inférieur du Bug,la veille de la Saint-Jean, les jeunes fillesposent sur l'eau des petites plaques de boisrondes portant des bougies allumées et depetites couronnes de fleurs ; elles y lisentl'avenir : si les ronds se mettent à tourner, il

y aura une noce l'année prochaine, sinon iln'y en aura pas. En Ukraine et en Biélorus¬sie, on lance des couronnes et on lit l'avenir

dans le mouvement des couronnes.

En Slovaquie, ce même soir, les jeunes fil¬les creusent un trou dans la terre, de leurs

pieds nus, puis y mettent du sucre et dupain. A l'aube, elles regardent ce qui s'estproduit : si le sucre et le pain sont intacts,elles resteront vieilles filles ; s'ils ont dis¬

paru, elles doivent se préparer à mourir. Sil'on y trouve des fourmis, elles épouserontun brave jeune homme ; s'il s'y trouve unétourneau, ce sera un veuf.

Tout comme les Poléchtchouks (les habi¬tants du Polzssié) et d'autres Slaves de

l'Est, les Slovaques se préservaient, le jourde la Saint-Jean, contre les sorcières, les

enchanteresses et les démons. Ce jour-là,d'après les anciennes croyances, la sorcièrepouvaient venir et prendre le lait desvaches. Aussi les Poléchtchouks posaient-Ils des orties sur le rebord des fenêtres et

sur le seuil de la maison : ainsi la sorcière

s'y piquerait et s'en irait.

Lea Slovaques apprécient (a vertu desherbes ramassées la nuit de la Saint-Jean :

Au moment de Noël, un spectaclereligieux très spécifique, appelé "Hérode",est toujours au c des coutumespopulaires polonaises. Il se déroule autourde la naissance du Christ et de la venue

des Rois mages. Les principaux rôles sontconfiés à Hérode, à la Mort et au Diable.Ici, ensemble de chant et de danse de

Kachoubie, dans le traditionnel spectaclede "Hérode".

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ils disent que, ce Jour-là, les herbes crientsans qu'on les entende : "Et moi aussi,prends-moi I Et moi aussi, prends mol I".Chez les Serbes, cette fête s'appelle la"Saint-Jean Cueilleur d'herbes". Les Bulga¬res, le "jour de Jean", ramassent des her¬bes et protègent les vaches et les champscontre les sorcières qui tentent de s'empa¬rer du lait et des récoltes ; et les jeunes fillesinterrogent alors l'avenir sur leur promis. Cejour-là, selon les Bulgare», Enio (Jean) a Jetéune houppelande sur ses épaules car on vavers la neige.

Le jour du solstice d'été. Croates et Slovè¬nes allument eux aussi des feux. Ainsi cette

fête populaire réunit-elle les Slaves et lesautres peuples d'Europe. Au Moyen-âge, enFrance, c'est le roi lui-même qui allumait unfeu la nuit de la Saint-Jean. Les feux Illumi¬naient aussi la nuit de la Saint-Jean au

Danemark, en Italie, en Ecosse, en Angle¬terre (à Londres, ils furent Interdits en1539).

Là où s'accomplit encore le rite du bain,les habitants Ignorent le sens et la destina¬tion magiques que .ce rite avait à l'origine.Mais ils se réjouissent de la lumière dusoleil, ils se réjouissent du feu, de l'été, dela récolte, des fleurs et des herbes et regar¬dent l'avenir avec espo.ir. Tout comme s'enréjouissent leurs lointains ancêtres slavesqui s'efforçaient d'avoir prise sur les forcesde la nature, sentant qu'ils étalent lesenfants de cette nature, les enfants des

bois, de l'eau, du soleil.

A. Gura

O. Temovskaya et N. Tobtol

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Photos S. Zimnokh © Editions d'Art figuratif, Moscou

Page de droite

Contraste saisissant entre ces deux expressions plastiques de la Fol enpays slave : d'un côté, un sentiment aigu de la distance qui sépare laterre du ciel, donnant au sujet représenté un caractère métaphysique. Del'autre, un art expressionniste, chargé de chaleur vivante. A gauche, leSauveur, Icône hiératique exécutée entre le 11* et le 13* siècle. Repeinte àdiverses époques, elle apparaît Ici, pour la première fols, dans sa versionoriginale. La découverte de cette icône, demeurée cachée pendant dessiècles, est fondamentale : en effet. Il n'existe que deux ou trois icônessemblables en Russie. Elle a été restaurée par les soins du MuséeRoublev en 1976-77. A droite, détail d'un personnage du grand retable del'église de Notre-Dame de Cracovie, en bois polychrome de Wit Stwosz,oeuvre exécutée entre 1477 et 1489.

Etonnantes découvertes

des restaurateurs russesGrâce aux patientes recherches des restaurateurs, on peut découvriraujourd'hui de véritables chefs-d'èuvre de la Russie ancienne. Plusieursfois repeinte, rénovée et mise au goût du Jour souvent trèsgrossièrement à diverses époques, une icône, couverte de suie et devernis, noircie, peut, une fois débarrassée des couches de peinturesurajoutées, redevenir un chef-d'tuvre. Les travaux de restauration desicônes ont débuté à la fin du siècle dernier. Des méthodes scientifiquessont certes utilisées, mais l'intuition et le talent du restaurateur

demeurent les garants du succès de l'entreprise, comme le souligne lemaître-restaurateur russe Savely Yamchikov. A titre d'exemple, lesphotos 1, 2 et 3 nous montrent trois phases successives de la restaurationde l'Apûtre Paul, Icône du 16* siècle, restaurée en 1970-73 par I. Gromovaaujourd'hui au Musée de laroslav-Rostov.

SUITE PAGE 21

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SUITE DE LA PAGE 18

Autre métamorphose (à droite), due auxrestaurateurs : comment imaginer sous lalaideur de ce repeint, une Icône du 13*siècle, consacrée à l'Assemblée de

l'Archange Michel, restaurée durant 7 ans(1962-1969) par Mme Baranova. Cette Icônese trouve maintenant au Musée russe

d'Etat de Leningrad. Magnifique exemplede restauration également : le Sauveur(voir page 19), Buvre magistralementrestaurée par M. Baroudzine.

Un grand moine artisteParmi les maîtres de l'Ecole de Moscou, ¡I faut nommer au

premier rang Andreï Roublev (1370-1430). Ses Icônes, et enparticulier La Trinité et Le Sauveur son des chefs-d' de lapeinture mondiale. Pureté morale, profonde poésie, perfectiondes rapports chromatiques, trouvent leur plein épanouissementchez Andréï Roublev. ¿'éloignant de la sévère contemplationbyzantine, l'icône du Sauveur (ci-dessous à droite) se définit parun air de calme concentration capable de susciter les émotions

ordinaires des hommes. Cette icône provient de l'Eglise de laDormition de Zvenigorod, près de Moscou. Elle est aujourd'huiconservée au Musée Trétiakov de Moscou. Ci-dessous, à gaucheminiature* du 16* siècle montrant Roublev décorant les murs de

l'Eglise du Sauveur au Monastère Saint-Andronikov où Roublevvécut ses dernières années. Le Musée Andreï Roublev est installé

dans la collégiale de ce monastère.

Page de gauche

Les frères Boris et Gleb

Icône du 14* siècle, conservée à la galerie Trétiakov deMoscou. Ces noms, célèbres dans l'histoire de la Russieancienne, sont ceux de deux princes qui moururenttragiquement en pleine jeunesse, de la main du princeSviatopolk, leur frère aîné. Leur culte fut très répandu dansla Russie du 11* au 13* siècle. Nombre d'églises leur sontconsacrées et leurs visages sont peints sur beaucoupd'icônes. Autour de Boris et Gleb, scènes de leur vieet de leur mort.

Photo © APN, Paris

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Les grands courants spirituelsentre Byzance et le monde slave

par Dimitr Anguelov

et Gennady Litavrine

ENTRE la civilisation byzantine et sesvoisins, l'interaction culturelle a étéintense jusqu'au 12* siècle. L'Empire

byzantin était alors en effet le pays le plusavancé d'Europe et du Proche-Orient,l'héritier de la culture antique et hellénisti¬que. Il constituait le noyau d'une vaste airedans laquelle la religion orthodoxe était laforme dominante de la vie spirituelle.

L'aire du christianisme oriental se consti¬

tua pour l'essentiel pendant les sièclesentourant "l'an mil". Elle engloba alors lesvastes étendues de l'Europe balkanique etorientale, tout en perdant des territoiresimportants ailleurs, au Proche-orient et enAfrique du Nord, à l'issue des conflits quiopposèrent Byzance au monde musulman(d'abord aux Arabes, ensuite aux Turcs).Du côté de l'Occident latin et de la

papauté, le schisme intervenu en 1054 futrendu manifeste par les croisades occiden¬tales vers l'Est et vers Byzance. Progressi¬vement, les traces de Byzance s'effacèrentsur les territoires perdus. Le temps etd'autres civilisations les firent ensuite dis¬

paraître presque totalement.

Le destin du christianisme oriental dans

les régions du Nord, où dominaient les Sla¬ves, fut très différent. L'interaction cultu¬relle entre Byzance et le monde Slave futparticulièrement stable et constante. Elle aduré presque autant que l'histoire millé¬naire de Byzance et a touché la grandemasse des Slaves. Seuls sont restés hors

de l'aire orthodoxe, suite aux événementsdes 9* et 10* siècles, les peuples slaves del'Ouest (les Polonais, les Tchèques, les Slo¬vaques, les Polabes et les Baltes), ainsi queles Croates et les Slovènes, tous intégrés àla sphère du christianisme occidental.

Le développement des relations entre lesSlaves et Byzance fut très complexe. L'ini¬tiative des contacts venait en général desSlaves. C'est au moment où la société

DIMITR ANGUELOV, eminent historien bul¬

gare est, depuis 1949, professeur d'histoire deByzance à l'Université de Sofia. Membre corres¬pondant de l'Académie des Sciences bulgare, ilest l'auteur de nombreuses études spécialiséessur l'histoire de la Bulgarie et de Byzance.

GENNADY UTAVRINE, eminent spécialistesoviétique en matière d'histoire des relationsentre Byzance et la Russie, est l'auteur d'unouvrage fondamental en trois volumes sur"l'Histoire de Byzance". Il est membre de larédaction de la revue soviétique "Byzantsky Vre-mennik" ("L'époque byzantine").

slave atteignit une certaine maturité, où seconstituèrent des Etats, que des liens soli¬des s'établirent avec Byzance.

Les premiers contacts historiquementattestés datent de la fin du 5° siècle, vers la

fin des grandes migrations, Iqrsque lespopulations slaves se -répandirent enEurope orientale, en Europe centrale etdans la péninsule balkanique. Au 7* siècle,les Slaves pénétrèrent dans le Nord decette péninsule et s'établirent de façon par¬ticulièrement dense en Mésie, en Macé¬

doine, en lllyrie et en Thrace du Nord. Unepartie des contingents slaves atteignit laThessalie, la Grèce centrale, le Pélopon¬nèse et les îles de la mer Egée. .

La lutte acharnée de Byzance contre lesSlaves eut désormais pour but non de leschasser, mais de les soumettre, d'en fairedes chrétiens, des sujets' obéissants del'Empire. ,- - .

Les contacts établis avec l'Empire, puisla dissémination des populations slavesdans ces territoires, furent une sorte decatalyseur. Le développement socials'accéléra. Les Slaves occupaient desrégions où l'on travaillait la terre depuis destemps très anciens, où existaient une agri¬culture intensive et une vie citadine déve¬

loppée. La population locale ne fut pas par¬tout, loin de là, repoussée vers le Sud.

L'implantation dans les Balkans eut ausside grandes conséquences sur le destin del'Empire lui-même. Les Slaves comblèrentle vide démographique qui s'était creusédans de nombreuses régions après les inva¬sions dévastatrices des Goths, des Huns,des Proto-Bulgares, des Avars et des Sla¬ves eux-mêmes.

Les colons slaves de la Mésie, régionprotégée par le Danube, la mer Noire et laligne des Balkans, se trouvèrent placésdans des conditions particulièrement favo¬rables. Là, avec la participation active etsous la prédominance politique provisoiredes Proto-Bulgares du khan Asparuh,numériquement peu importants mais bienorganisés sur le plan militaire, apparut pen¬dant le dernier quart du 7* siècle le premierEtat slave sur le sol byzantin : la Bulgarie.Byzance. établit avec elle des contactsétroits et constants pacifiques ou hosti¬les.

Avec les Slaves du groupe serbo-croate,des relations politiques s'établirent à peuprès au milieu du 9* siècle, au moment oùles Etats indépendants se formèrent àl'Ouest et au Nord-Ouest de la péninsule.Des relations semblables commencèrent à

s'établir avec les Russes après l'an 860.

Dans l'arsenal des diplomates et deshommes politiques byzantins, la christiani-sation était un des procédés les plus effica¬ces. Selon l'époque, le lieu et les circons¬tances, elle pouvait paraître comme unecondition préalable à l'expansion ultérieure,comme un moyen de s'assurer une neutra¬lité amicale, d'affirmer une présence politi¬que, de se faire des alliés ou des vassaux...Avec les Slaves des Balkans, qui se trou¬vaient plus loin que les frontières des pre¬miers Etats slaves, la christianisation fut unmoyen puissant de soumission et d'assimi¬lation. Les missionnaires précédaientl'armée byzantine ; ils la suivaient aussi.

Les hommes d'Etat et d'Eglise del'Empire avaient acquis une grande expé¬rience de la domination sur les peuplesvaincus. En répandant le christianismedans des pays et régions qui parlaient uneautre langue, ils accordaient aux néophy¬tes, contrairement à ce que fit l'Occidentlatin, le droit de rendre les services religieuxdans leur langue. Ils le faisaient en particu¬lier lorsque l'assimilation semblait politique¬

ment impossible. ^ . {i,Í "''/'La grande Moravie, qui avait devancé de

deux ans la naissance du Royaume- Bul¬gare, fut en 863 la première à recevoir offi¬ciellement de Byzance le christianisme.

C'est de cette période que date la. créa¬tion de l'alphabet slave par les frères Cyrilleet Méthode. Ces derniers traduisirent aussi

en langue slave toute la littérature liturgi¬que et canonique nécessaire au fonctionne¬ment normal de l'Eglise. Autour d'euxs'agrandit peu à peu un cercle de discipleset d'élèves slaves.

Ces événements jouèrent un rôle révolu¬tionnaire dans le développement ultérieurde la culture en Bulgarie, en Serbie et dansl'ancienne Russie. L'expansion de l'écriturecréée par Cyrille et Méthode à travers tousles pays slaves s'affirma à la fin. du 9* et au10* siècle. Ce fut surtout le royaume deBulgarie qui joua un rôle d'initiateur dans ladiffusion de cette écriture et de la littérature

en vieux slave à laquelle elle avait donnénaissance.

Au moment où la Bulgarie fut christiani¬sée, Byzance adopta toutefois une positiondifférente de celle qu'elle avait eue lors dela christianisation de la Grande Moravie. En

865, la Bulgarie adopta le christianisme,mais on ne mit à sa disposition ni ecclésias¬tiques de culture slave, ni traductions deslivres d'Eglise en langue slave. Dans ce

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Les peintures de l'église de Boïana, au pied dela montagne de Vitocha, au sud de Sofia enBulgarie, comptent parmi les chefs d'oeuvre dela peinture du 13* siècle. Les peintures datantde 1259 se distinguent délibérément de l'art ,byzantin. L'artiste bulgare des 13* et 14* sièclesaime une peinture réaliste et a une prédilectionpour les visages au type national accentué,comme en témoigne l'image de Saint Ephrem,moine et ascète au visage émacié par le jeûne.

pays slave, l'office devait être fait en grec.Ici se dévoilait un projet bien précis deshommes politiques de Byzance.

En 893 toutefois, la langue grecque, quiétait restée de longues années la langueofficielle, est proscrite. On introduit àl'Eglise le service religieux en langue slave,et les ecclésiastiques grecs sont écartés.L'activité féconde des écoles, organiséessous la direction de Clément et de Naoum

en Okhride et à Preslav, eut pour résultatd'élargir considérablement le cercle del'instruction. Ainsi furent posées les basesd'une culture autonome qui atteignit unhaut niveau pour l'époque. De Bulgarie,elle se répandit dans les pays slaves voisinset surtout en Serbie et en Russie.

La Bulgarie eut même son "Siècle d'or"en littérature. A cette époque sont attachésles noms d'écrivains de talent comme Jean

l'Exarque, le Moine Vaillant, l'évêque Cons¬tantin et d'autres, dont le Tsar Siméon(893-927) encourageait personnellementl'activité. Le fait que la langue écrite fûtproche de la langue populaire eut uneimportance non négligeable pour le déve¬loppement culturel de la Bulgarie. L'archi¬tecture, la peinture, la mosaïque, la cérami¬que, la verrerie et les arts appliqués prirentà cette époque un essor considérable. Cedéveloppement connut une nouvelle phaseà la fin du 12* siècle et au début du 13* parle renforcement des contacts culturels avec

Byzance, la Serbie et la Russie. A cetteépoque, on observe un processus analoguedans le développement culturel des princi¬pautés serbes: Les monuments remarqua¬bles de la culture serbe, notamment dans ledomaine littéraire, commencent à apparaî¬tre au 12* siècle.

L'essor de la culture serbe est d'abord lié

à l'arrivée au pouvoir de la dynastie desNemanya, plus particulièrement au gouver¬nement de Stephan (1196-1228) et à l'acti¬vité de son frère Sava. Celui-ci fonda sur le

Mont Athos un centre de culture serbe, lemonastère de Khilandar, et par la suitel'archevêché de Serbie.

Les contacts de la Russie avec Byzancene commencèrent à se développer vrai¬ment qu'un peu plus. tard. La Russie étaitsuffisamment éloignée de l'Empire pourque tout danger d'agression directe de lapart de Byzance fût exclu. A traversl'alliance avec les Petchénègues, la diplo¬matie de Byzance tentait de contrecarrerles entreprises gu'errières de la Russie. Ellene parvint toutefois pas à couper les Rus- ises de la mer Noire, ni à leur fermer l'accès j

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, aux marchés de l'Empire. Avant même saformation en un Etat unique, la Russie avaitnoué des liens commerciaux avec les colo¬

nies de Crimée qui appartenaient à l'Empire(Chersonese et Klimata). Puis des Russes,mi-marchands, mi-guerriers, s'ouvrirentl'accès aux centres commerciaux byzantinssitués sur la rive Sud de la mer Noire. En

860 une flotille avait jeté l'ancre sous lesmurs même de Constantinople. Byzancecédait peu à peu à la Russie dans les domai¬nes économique et politique, tout en exer¬çant sur elle une influence culturelle tou¬jours plus grande.

Dès les années soixante du 9* siècle, une

partie des notables russes adopta le chris¬tianisme. Au début du 10* siècle, Kiev, la

capitale de l'Ancienne Russie, possédaitson église chrétienne, celle de Saint-Elie.Au milieu de ce siècle, la veuve du princeIgor, Olga, qui régnait sur la Russie, revintchrétienne de Constantinople qu'elle avaitvisitée. En 989, la Russie adopta le christia¬nisme comme religion d'Etat.

La culture et la littérature bulgares, d'unetrès grande richesse à cette époque, jouè¬rent le rôle de médiateurs et de partenaires.Le développement culturel de la Russie leurdoit beaucoup.

Dès le début de la christianisation, Vladi-,

mir, grand prince de Kiev, utilisa l'écritureslave pour organiser et le service religieuxet l'administration. Les premiers cadres ins¬truits à ces fins furent certainement formés

avec l'aide des Etats orthodoxes slaves du

Sud.

Moins d'un demi-siècle après l'adoptiondu christianisme, la Russie de Kiev entame

son propre essor culturel, lequel atteint sonplus haut point au 12* siècle. L'instructionélémentaire se répand largement, ce donttémoignent les centaines de textes surécorce de bouleau que les archéologuessoviétiques découvrent chaque année etqui ont trait à la vie quotidienne. On cons¬truit des palais et des églises monumen¬taux. La peinture et les arts appliqués sontflorissants. Avec sa porte d'Or et sa cathé-trale Sainte-Sophie, Kiev, au 11* siècle,rivalise d'éclat et de grandeur avec Cons¬tantinople.

L'influence byzantine est manifeste dansla littérature édifiante, à caractère religieuxet moral, dans l'architecture de pierre, lesmosaïques et la verrerie d'art, la peintured'icônes, la peinture monumentale, l'illus¬tration des livres. Mais un siècle ou un siè¬

cle et demi après la christianisation, appa

raissent dans ces domaines à la fois une

école artistique originale, un language litté¬raire et un style bien particuliers. Les Slavesont assimilé les traditions de l'art et de la

culture païenne antérieures à la christiani¬sation ; ils ont transformé de façon créa¬trice les modèles byzantins et les ont adap¬tés à leurs goûts et à leurs besoins.

L'influence byzantine apparaît moinssensible dans les genres non religieux de lalittérature, en particulier dans les chroni¬ques, les didactiques et les descrip¬tions de voyages ; moins sensible égale¬ment dans la musique et le chant, dans lesarts appliqués, les arts de l'ornement, lesrites de fêtes, le vêtement et la décorationdes intérieurs. Dans le domaine de la vie

spirituelle, relativement éloigné de l'idéolo¬gie religieuse officielle, se manifestent avecéclat des traditions locales qui remontentaux temps les plus anciens. Aujourd'hui parexemple, si l'on ne connaît pas les tradi¬tions vivantes de la culture païenne slave,on ne peut comprendre ni le contenu deschants épiques serbes, ni le rituel des fêtespopulaires bulgares, ni la poésie épique (lesbylines) de l'Ancienne Russie.

En outre, l'attitude sélective de la société

slave envers la culture byzantine joua unrôle de frein dans le processus d'empruntculturel. Dans une certaine mesure, cetteattitude avait de part et d'autre une causepolitique. Les Byzantins ne mettaient pas àla disposition des Slaves ce qui leur parais¬sait dangereux pour des néophytes, parexemple les traités théologiques récentscontenant de nombreuses et âpres contro¬verses. De leur côté, les cercles dirigeantsdes pays nouvellement convertis n'accep¬taient pas ce qui leur semblait étranger etnuisible, par exemple le fait d'appeler deseunuques à la direction des affaires del'Etat, ou encore la passion pour les cour¬ses de chevaux.

I la civilisation byzan¬tine fut ainsi filtrée,c'était surtout parce

que certains de ses aspects paraissaientinadmissibles. Les divers recueils de droit

laïque composés du 8* au 14* siècle, large¬ment diffusés en Europe du Sud-Est, furentsoumis ici, dans leurs versions slaves, à descoupures, à des ajouts et à des modifica¬tions substantielles. En Russie, l'influencedu droit laïque byzantin demeura pratique¬ment imperceptible. Ici c'est la "RousskaïaPravda" qui faisait la loi, c'est-à-dire uncode juridique dont bon nombre de disposi¬tions dataient de l'époque païenne.

Dans l'Occident latin du 9* au 12* siècle,des cultures .-originales se développèrentdans tous jes Etats les plus importants mal¬gré l'action de nivellement qu'exerçait lecentre idéologique et religieux commun àtous ¡a papauté et malgré la domina¬tion dans la vie religieuse, les écrits admi¬nistratifs, les sciences et la culture, d'unelangue unique et incompréhensible pour lesmasses : le latin. Dans les pays slaves et

dans l'aire du christianisme oriental, la for¬

mation de cultures originales présentait descaractères qui contribuèrent encore plusfortement qu'en Occident à ce processus :la dépendance religieuse vis-à-vis de Cons¬tantinople était moins grande que celle despays occidentaux vis-à-vis de Rome.D'autre part, la langue des textes écrits etde l'instruction n'était pas le grec mais levieux slave, familier à l'ensemble de la

population en Bulgarie, en Serbie et enRussie.

Cinquante à cent ans après la christiani¬sation, ces pays possédaient tous une cul¬ture littéraire et artistique originale. Lors¬que Byzance parvint à reconquérir un pou¬voir sans partage dans les Balkans, à liqui¬der le royaume de Bulgarie, à soumettre lesprincipautés serbes, la conquête n'entraînapas une assimilation culturelle des Serbeset des Bulgares, ni même une transforma¬tion sensible de leurs traditions culturelles.

A cette époque, la culture originale des Sla¬ves était déjà formée. Le souvenir histori¬que qu'ils avaient d'un Etat indépendant,leur littérature et leur écriture, leurs coutu¬mes et leurs normes de vie, leur conscienceethnique enfin, tout devint le drapeaud'une lutte armée pour l'indépendance poli¬tique. Dans les années quatre-vingt du 12*siècle, la Bulgarie et la Serbie acquirent ànouveau leur indépendance en' tantqu'Etats.

Les conflits les plus âpres à l'intérieur del'aire orthodoxe se produisaient précisé¬ment là où l'Empire byzantin tentait avec leplus d'acharnement de transformer l'asso¬ciation culturelle, qu'il avait lui-même orga¬nisée, en un système politique et adminis¬tratif fonctionnant sous sa domination.

Ainsi l'individualité culturelle, ethnique ethistorique des Slaves de l'aire orthodoxeexcluait-elle leur assimilation à l'Empire dèsles 10*-11* siècles. Mais la formation de

cette individualité fut sans aucun doute

accélérée par l'adoption du christianisme;byzantin par ces peuples.

Il n'est donc pas fortuit que la sympathieprofonde, et réciproque, qui liait les Slavesdu Sud et de l'Est au peuple grec se soitconservée durant de nombreux siècles. Ce

n'est pas non plus un hasard si, après laréduction de l'aire orthodoxe européenneconsécutive à la chute de Byzance et despays slaves du Sud, les peuples vaincus parles Ottomans ont tourné vers la Russie les

plus clairs de leurs espoirs.D. Anguolov

et G. Utavrine

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Naissance d'un alphabetCyrille avec son frère Méthode entreprit la conversion desSlaves au christianisme. A cet effet, il Inventa l'alphabet dit"cyrillique". Il traduisit la Bible et les textes liturgiques grecsen langue slavonne. L'usage de cet alphabet se répand enRussie à travers la Bulgarie au X* siècle. Modifié au 17*siècle, sous Pierre le Grand, il est devenu l'alphabet russe.Cet alphabet est utilisé mâme chez certains peuples nonslaves comme les lakoutes, les Kazakhs, les Oudmourtes etles minorités de l'Extrême Nord et de l'Altaï. Un certain

nombre de textes écrits sur des écorces de bouleau,

découverts à Novgorod en 1951, prouvent quel'alphabétisation n'était pas réservée à une élite mais qu'elleavait atteint depuis longtemps les couches populaires.Photos (1). Manuscrit du 14* siècle. St Cyrille et St Méthode,apôtres des Slaves, transcrivant les Saintes Ecritures enlangue slavonne. (2) Détail d'une fresque d'une façaded'église du 13-14* siècle à Berenda, en Bulgarie, montrant

Photo © Ed. l'Artiste Bulgare, Sofia

St Cyrille le Philosophe. (3) Sculpture en bois du 18* sièclereprésentant St Clément d'Okhride, compagnon et disciplede Cyrille et Méthode. (4) Une lettre d'un petit garçon desept ans nommé Onphime, écrite sur écorce de bouleau il ya 750 ans à Novgorod. Dans la partie supérieure, l'alphabetsuivi de dessins d'Onphime et de ses amis. Au-dessous, unautoportrait d'Onphime terrassant un ennemi.

Photo © Courrier de l'Unesco. édition russe Photo © Ed. Littérature oour enfants. Moscou

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IL Y A 1000 ANS

Le voyage d'Ibn-Fadlansur la Volga

L'homme russe découvre-t-il dans

l'espace quasi infini qui l'entoure uneforme de liberté ? De tous temps lesRusses ont sillonné la Russie et

navigué sur ses fleuves. La Volga,longue de 3690 km, le plus long desfleuves de l'Europe, était jadisappelée Ra, dénommée Ityl auMoyen-Age, c'est à l'heure actuelle laprincipale artère fluviale russe.A droite, figure de proue en bois du18* siècle ornant les bateaux quinaviguaient sur la Volga.

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Ibn-Fadlan faisait partie de l'ambassade envoyée parle Califat arabe de Muktadir auprès du tsar desBulgares de la Kama et de la Volga en 921. Il visitala capitale des Khazars, Ityl, et la capitale de cetteprincipauté appelée "Grande Bulgarie". Cettecapitale se trouvait près de l'endroit où la Kama sejette dans la Volga et ses ruines se sont conservéesjusqu'à nos jours. Là comme à Ityl,. il vit des Slaves.Le texte que l'on va lire est extrait du livre intitulé"Le Voyage d'Ibn-Fadlan sur la Volga" (sous larédaction d'I. Ju. Kratchkovski, M.-L., 1939).

Jf Al vu les Russes lorsqu'ils vinrent s'installer avec leurs mar¬chandises sur les rives de l'Ityl, et jamais je n'ai rencontrédes individus aux membres aussi parfaits : ils font penser à-

des palmiers ; ils sont roux, n'ont ni veste, ni chemise, mais leshommes portent une tunique dont ils enveloppent l'un des côtésde leur corps et sous laquelle passe l'un de leurs bras. Ils ont tousavec eux un glaive, un couteau et une hache dont ils ne se sépa¬rent jamais ; leurs glaives sont larges et ondulés, les lames sont defabrication franque. Depuis le bout de leurs ongles jusquà leur cou,on peut voir peints des arbres verts, des portraits et d'autres cho¬ses. Toutes les femmes portent fixée à la poitrine une petite boîte'de fer ou de cuivre, d'argent ou d'or selon la condition et larichesse de leur mari ; et chacune de ces boîtes porte un anneauauquel est attaché un couteau. Elles portent au cou des chaînesd'or ou d'argent, car, lorsque le mari a 10 000 drachmes, il fait unechaîne à sa femme ; quand il en a 20 000, il lui en fait deux ; et, dela même façon, chaque fois qu'il a 10 000 drachmes de plus, ilajoute une nouvelle chaîne à sa femme, ce qui fait qu'on en voitsouvent avec de nombreuses chaînes au cou. Mais leur plus belleparure, ce sont des colliers verts en argile, faits de ces perles quel'on remarque parfois sur les vaisseaux : les hommes s'efforcent dese les procurer par tous les moyens, achètent une perle pour unedrachme, et les enfilent aux colliers de leurs femmes.

Ils arrivent de leur pays et jettent l'ancré dans l'Ityl, qui est unfleuve immense, et construisent sur ses rives de grandes maisonsde bois ; ils se groupent à dix, ou à vingt, ou davantage, dans lamême habitation. Ils ont chacun leur banc sur lequel ils s'asseyentpour commercer...

Quand les bateaux accostent, tout le monde sort de chez soiavec du pain, de la viande, du lait, de l'oignon et une boissonchaude, puis s'approche d'un grand poteau placé là, lequel a unvisage pareil à celui de l'homme ; tout autour, il y a de petites effi¬gies et, derrière ces effigies, de grands poteaux sont fichés dans laterre. L'homme s'approche alors de la grande effigie et lève lesyeux vers elle en disant : "O, Seigneur I Je viens de loin, j'ai avecmoi... tant de têtes de bétail, de zibelines, tant de peaux", jusqu'àce qu'il ait énuméré tout ce qu'il a apporté comme marchandises.Puis il dit : "Je viens foffrir ce présent" et dépose ce qu'il aapporté devant le poteau en ajoutant : "Je souhaite que tum'envoies un marchand avec des dinars et des drachmes quim'achètera tout ce que je veux vendre et ne contredira pas cha¬cune de mes paroles" ; et il s'en va. Si la vente est difficile et duretrop longtemps, il revient alors avec un autre présent unedeuxième, une troisième fois ; et, si ses désirs tardent encore à seréaliser, il apporte un cadeau à l'une des petites effigies en luidemandant d'intercéder pour lui : "Ceci est pour la femme denotre Seigneur et ses filles", et il ne laisse aucune des effigies sanslui avoir demandé et l'avoir priée d'intercéder en sa faveur... Maisla vente est souvent aisée et, lorsqu'il vend, il dit : "Mon Seigneura exaucé monv il faut l'en récompenser". Et il prend un certain .nombre debet de moutons, les tue, distribue une partie de la

aux pauvres et apporte le reste qu'il jette devant le grandpoteau et les petits tout autour ; puis il suspend les têtes desb*ufs et des moutons aux poteaux fichés dans la terre et, la nuittombée, les chiens viennent tout manger ; alors, celui qui a faitcela dit : "Mon Seigneur a daigné venir manger mon cadeau".

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Les Slaves

et

l'Orient

Un réseau millénaire

d'échanges culturelset commerciaux

par Oljas O. Suleimenov

Un cavalier mongol, d'après undessin du 17* siècle. Les Mongolsrapportèrent nombre de produitsnouveaux dans les pays slaves,notamment le boulier, le thé et

des produits médicinaux commela corne de biche et le ginseng.

Photo tirée du livre "Les Slaves et l'Orient", © Unesco, Paris

NOS connaissances sur les relations

les plus anciennes entre les Slaveset l'Orient ont pour source le folk:

lore, les données linguistiques et archéolo¬giques, les témoignages fragmentairesd'écrivains latins. Mais, à partir du 6* siècle,nous disposons de témoignages écrits trèsimportants, même s'ils sont, sur ces con¬tacts quelque peu disparates et morcelés.Ils portent sur la période où les Slaves com¬mencent à être bien connus à Byzance etoù, par l'intermédiaire des Grecs, on appriten Orient le nom même de "Slaves".

Les traditions de cette période, ainsid'ailleurs que les annales préislamiques,nous ont été conservées par les chroniques

OUAS O. SULEIMENOV, grand écrivain etpoète du Kazakhstan (URSS) écrit sestuvres en russe et en kazakh. Auteur de 10

volumes de poésie et de nombreuses études surles cultures slave et turque, il fait partie dugroupe international de rédacteurs de l'Unescopour la préparation de l'Histoire des civilisationsde l'Asie centrale.

plus tardives. C'est là que l'on trouve lespremières mentions des Slaves. Les autresarabes des 8* et 9* siècles appelaient déjà leDon "le fleuve slave" et la mer Noire "la

mer russe". Certains géographes arabes duhaut moyen-âge donnaient une telle exten¬sion à l'ethnonyme de Slave qu'ils yincluaient aussi des peuples d'origine ger¬manique.

Ce n'était pas une simple erreur desautres musulmans ; pas non plus le fait duhasard. Cela s'expliquait par la très grandeextension et l'intrication des voies mar¬

chandes connues des peuples slaves etorientaux. Cela s'expliquait aussi par le rôledécisif des peuples slaves dans les relationsentre Orient et Occident.

A partir du 8* siècle, les pays du Califatarabe commercent de plus en plus avec lespays de l'Europe orientale et du bord de laBaltique. Depuis le début, la navigation surla Volga y joue un rôle considérable. Enpassant par les riches cités commerçantesd'Ityl (dans la région de l'actuelle Astra¬khan) et de Bulgar (au sud de l'embou

chure de la Kama), les embarcations desmarchands orientaux remontaient vers le

nord. Ce qui les attirait, c'étaient les riches¬ses fabuleuses des pays septentrionaux et,en premier lieu, les fourrures : renardargenté, zibeline, martre, hermine,castor... Ces richesses étaient fort appré¬ciées à Bagdad et à Boukhara, au Khorezmet au Caire. Les poètes les célébraient ; etles rois, émirs et princes s'efforçaient de sesurpasser les uns les autres par l'opulencedes cadeaux venus des lointains territoires

du nord. On importait aussi d'Europe orien¬tale la cire, le miel, et des esclaves.

De leur côté, les pays slaves voyaientaffluer les objets orientaux. Ils recevaienten particulier des monnaies d'argent. Aussitrouve-t-on encore de nos jours, sur tout levaste territoire des Slaves de l'Ouest et de

l'Est, de nombreux trésors de monnaiesorientales remontant aux 8" et 9* siècles :ce sont les témoins muets de relations

commerciales animées.

Le commerce ne se limitait pas aux voya¬ges des négociants orientaux dans les terri-

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Photo tirée de "Histoire illustrée de l'URSS © APN, Moscou

Un ancôtre du rouble : la

"grivna". Pièce d'argent quiservait tout à la fois de

monnaie, de poids etd'ornement aux temps de laRussie Kievienne du 9* siècle.

Sur la Place Rouge, à Moscou,un des plus beaux monumentsde l'art orthodoxe : la basiliquede Basile-le-Bienheureux.

Voulant perpétuer dans lesouvenir de son peuple unevictoire décisive qui ouvrait àla Russie la voie de l'Oural et

de la Sibérie, Ivan le Terribleordonna de bâtir un monument

« de liesse et de

louange à Dieu ». L'impressiond'allégresse est donnée par lavive polychromie, lefoisonnement de

l'ornementation, la géométriesaccadée des lignes et desarcs. Cette abstraction

singulière n'est pas sansrappeler certains monumentsd'architecture orientale.

Photo © APN, Moscou

toires slaves. Les marchands slaves étaient

eux mêmes nombreux et bien connus dans

les différentes cités du Califat arabe. Leurs

vaisseaux descendaient la Volga et le Donen direction de la mer Caspienne et de lamer Noire. De là, les marchands slavestransportaient leurs marchandises à dos dechameau vers Bagdad.

L'essor des relations commerciales entre

les pays du Califat et les territoires slavesaiguisait l'intérêt des savants arabes àl'égard de ces voisins du nord. On trouvedéjà nombre de faits intéressants concer¬nant les Slaves chez les auteurs des 8* au

10* siècles. Les euvres des géographes ethistoriens arabes de cette époque contien¬nent ainsi des renseignements sur l'originedes Slaves, leurs relations avec les autrespeuples, leurs temples et leur religion, la vieet les mdes différentes tribus, les pre¬miers Etats slaves.

De leur côté, les Slaves puisaient leursconnaissances sur l'Orient autant dans

l'information orale contemporaine quedans les ouvrages historiques. Les chroni

ques et annales russes, polonaises et tchè¬ques composées aux 11* et 12" siècles (parexemple la chronique polonaise de GallusAnonymus et la chronique tchèque deCôme de Prague) contenaient des informa¬tions sur les civilisations de l'Orient anti¬

que : l'Egypte, l'Assyrie, la Médie, la Perse.La chronique russe du début du 12* siècle,connue sous le nom de "Chronique de Nes¬tor", fait état de la voie commerciale qui,par la Volga, mène à la mer Caspienne, etau-delà au Khorezm. L'ouvrage historiqued'un auteur polonais du 15* siècle, Jan Dlu-gosz, mentionne à plusieurs reprises lespeuples de l'Orient antique et médiéval.

Les tribus nomades belliqueuses quivivaient au nord des terres slaves, les Pet-

chénègues d'abord, puis les Polovtses quifirent souvent figure d'ennemis politiquesdes Slaves, ne faisaient pas obstacle auxcontacts culturels. Ils laissaient franchirleur territoire aux marchands slaves et

jouaient parfois le rôle d'intermédiaires.

Actuellement, l'étude des relations cultu¬relles entre les Slaves et l'Orient est mar

quée, me semble-t-il, par le réexamen criti¬que des idées reçues sur le rôle des peuplesturcs. C'est par l'intermédiaire de ces peu¬ples que, pendant fort longtemps s'est éta¬bli l'essentiel des contacts entre les Slaveset cette immense aire culturelle si diverse

que l'on nomme l'Orient.

Les Turcs nomades et sédentaires

étaient les voisins les plus proches des Sla¬ves du côté de l'Est. Si les relations des Sla¬

ves avec les Arabes, la Perse et l'ExtrêmeOrient ne sortaient pour ainsi dire pas, aumoyen-âge, des limites du négoce, parcontre les contacts entre Slaves et Turcs

étaient plus étroits et plus durables : il estimpossible d'étudier l'histoire des formesétatiques, de l'économie et de la culturechez les Slaves sans tenir compte du "fac¬teur turc" (1).

Mais jamais une complète harmonie n'a vrégné dans l'histoire des civilisations, de r

(1) Le nom de Turcs recouvre tout un ensemble de tri¬bus et de peuples, d'origines diverses, qui ont fait leurconjonction vers les 6*-8* siècles en Asie du centre et dunord-ouest.

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Embellie par la fantaisie, l'histoire del'expédition indienne d'Alexandre deMacédoine était très connue dans lemonde slave. Ci-dessus, une tète d'ivoire,tout récemment découverte dans le village

de Vergina, en Grèce, semblerait être leportrait du jeune Alexandre.

Créatures fabuleuses, ces hommes-bâtessont les héros d'un texte biélorusse du 16*

siècle, contant les épisodes de la vied'Alexandre.

, leur formation et de leur développement.Bien souvent, les représentants d'un paysse rendaient chez leurs voisins non pasavec une caravane de marchandises, mais

bardés de fer, le glaive à la main. Les con¬flits entre peuples tournaient parfois à latragédie pour l'un d'eux. C'est ce qui estarrivé aux Slaves de l'Est lorsque dévalè¬rent sur leurs terres, au début du 13* siècle,les nomades de la steppe conduits parBatu-Khan. La Russie de Kiev s'effondra,

ainsi que de nombreuses principautés rus¬ses. Les Slaves de l'Est, en luttant contre lejoug tataro-mongol, firent obstacle à lamarche de la Horde vers l'Ouest, mais leur

propre culture dut se développer sous unedomination étrangère pendant près de troissiècles. D'autre part le désir de libérationcontribua à l'unification de la Russie, à laformation d'un Etat centralisé, à l'appari¬tion et au développement de nouvelles for¬mes culturelles. Les contacts des Slaves

avec l'Orient se poursuivirent même sous lejoug tataro-móngol.

Après l'adoption du christianisme enRussie, la visite de l'Orient par les voya¬geurs s'est faite très souvent sous la formede "pèlerinage en Terre Sainte". Des récitsde pèlerins sur Constantinople, l'Empire deByzance et la Palestine sont introduits àpartir du 12* siècle dans les chroniques rus¬ses. Il existait depuis le 11* siècle un quar¬tier russe à Constantinople, où habitaientles marchands venus de Russie ; dans les

monastères, des colonies de moines russesse formaient. Certains de ces moines tra¬

duisaient dans leur langue les ouvragesgrecs ou recopiaient les écrits slaves duSud et les faisaient parvenir à Moscou. Ony trouve la première mention de l'arrivéedes Turcs au Moyen-Orient.

Depuis longtemps, l'imagination des Sla¬ves était captivée par l'Inde. L'histoire de lacampagne d'Alexandre de Macédoine,embellie par l'imagination locale, étaitrépandue chez les Slaves de l'Ouest et del'Est : il y était question de la conquêted'une contrée fabuleuse appelée "Alexan¬drie". Les informations sur le "pays desmerveilles" arrivèrent d'abord chez les Sla¬

ves indirectement, surtout par l'Asie cen¬trale, la Transcaucasie et la Perse. Le pre¬mier voyageur russe à avoir vu l'Inde de sespropres yeux fut un marchand de Tvernommé Afanassi Nikitine : il y séjourna de1466 à 1472. Il a décrit son expédition dansun livre intitulé "Voyage au-delà de troismers". A la différence de beaucoup devoyageurs, Nikitine a su se rapprocher desIndiens, a bien appris à connaître le pays etses coutumes.

Au 16* siècle, lorsque commence l'épo¬que des grandes découvertes géographi¬ques, l'Europe est bouleversée par cequ'elle apprend sur les trésors fabuleux del'Inde et de la Chine. Les Slaves se trouvent

être alors sans doute le maillon le plus

important dans les relations commercialeset culturelles qui se multiplient entrel'Europe occidentale et l'Orient. Au débutdu 16* siècle, Guérassimov, ambassadeurde Moscovie à Rome, présenta un projet derecherche d'une voie maritime septentrio¬nale vers la Chine. Le tsar Ivan le Terrible,

qui montrait de l'intérêt pour l'Orient, pro¬mit une forte récompense à qui parviendraiten Chine par les mers du Nord. Ces tentati¬ves ne cessèrent que dans la seconde moi

tié du 17* siècle, lorsqu'il fut reconnu défi¬nitivement impossible d'arriver en Chine dece côté, "en raison des grandes banquises,froidure et obscurité".

Les contacts toujours plus intenses entrepeuples slaves et peuples orientaux, l'inté¬rêt mutuel que ces peuples se montraienteurent pour conséquence l'établissementet le développement d'échanges culturels,l'interaction des cultures. Pour les noma¬

des orientaux, le fait même de fréquenterles peuples slaves a joué ainsi un grandrôle. Les nomades empruntaient graduelle¬ment à leurs voisins le mode de vie séden¬

taire.

Cependant l'influence culturelle se faisaitsouvent aussi par l'intermédiaire d'autrespeuples, et à travers tout un processus desédimentation où s'accumulaient quantitéd'éléments provenant de différentes cultu¬res. Et il n'était nullement obligatoirequ'une telle influence prenne la forme del'emprunt direct à une culture étrangère :beaucoup plus courants étaient l'empruntcréateur et la réélaboration.

Les Slaves, qui pratiquaient le travail dela terre depuis les temps les plus anciens,manifestèrent le plus vif intérêt pour l'agri¬culture des peuples orientaux. Le riz parvinten Europe des lointaines contrées del'Orient par l'intermédiaire de Byzance etdes Arabes : en Russie, on l'appelait le "milsarrasin". Au 17* siècle, le tsar Alexeï Mi-khaïlovitch fit faire près de Moscou un jar¬din où l'on essayait de faire pousser lesplantes rapportées d'Orient. Les ambassa¬deurs de Russie s'efforçaient toujours derapporter des pays orientaux de nouveauxspécimens de flore. Ils se virent plus d'unefois chargés de se procurer en Chine des"arbustes à thé".

On ramenait aussi d'Orient des animaux

rares : lions, tigres, chameaux, éléphants.Dès le 10» siècle, des chameaux avaient étéamenés en Pologne : le prince Miesko 1"en expédia un comme cadeau à l'empereurgermanique. Au 16" siècle, le Shah d'Iranoffrit à Ivan le Terrible plusieurs éléphants.En 1741, il en arriva d'un coup quatorze àSaint-Pétersbourg. On fit construire spé¬cialement pour ces animaux exotiques une"cour elephantine" où les soins étaientdonnés par des cornacs indiens. Dans lesvilles et villages, la venue de ces animauxexotiques s'annonçait de bouche à oreille.Leur aspect, modifié par l'imaginationpopulaire, trouva place dans la sculpturesur bois des paysans qui ornaient leursisbas des images sculptées d'animauxinconnus (voir l'article consacré à ce sujet,p. 46 de ce numéro).

On importait dans les pays slaves la pro¬duction de l'artisanat oriental, et, en

Orient, on estimait beaucoup celle desmaîtres-artisans slaves. Ce n'est pas unhasard si d'habiles ouvriers d'origine slavese trouvaient à la cour de nombreux poten¬tats orientaux. Au 13" siècle, à Karakorum,alors capitale de la Mongolie, travaillaittoute une colonie d'artisans russes. L'un

d'entre eux, l'orfèvre Kosma, fit pour lekhan Gujuk un trône et grava le sceau del'Etat dont on a conservé l'empreinte surune lettre du khan au pape.

Les relations culturelles avec les paysd'orient jouèrent également un grand rôledans le domaine de la vie quotidienne.

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L'histoire de la diffusion du thé est intéres¬

sante à cet égard. Les Russes virent du thépour la première fois en Mongolie, au coursd'une réception chez Altyn-Khan en 1616.On y fit boire aux envoyés de la Russie dulait et du beurre fondu, et il se trouvaitdedans "des feuilles inconnues". Les

envoyés refusèrent d'abord de prendre duthé comme cadeau pour le tsar. Ils y con¬sentirent ensuite, et c'est ainsi que cetteboisson fit son apparition en Russie bienavant d'être connue en Hollande ou en

Angleterre. Depuis, le thé a été longtempsle principal article d'exportation de Chineen Russie.

L'habitude de boire du thé, en mêmetemps que le mot chinois "tchai", s'estrépandue au 18" siècle de Russie en Asiecentrale, en Perse, en Turquie, en Syrie eten Egypte. La théière qui, dans son paysd'origine, la Chine, servait à réchauffer lesboissons alcoolisées, fut adaptée à l'infu¬sion du thé. Pour faire bouillir l'eau, on uti¬lisa le samovar, inventé en Russie. De nom¬breux peuples d'Orient le connurent alors àleur tour, et le samovar devint un objet trèspopulaire en Asie Centrale, en Turquie, enPerse et dans les pays arabes. Au Kashmiret ailleurs, il a conservé sa dénominationrusse.

Les Européens, et parmi eux les Slaves,ont reçu des peuples orientaux bon nombre

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Des

éléphantset des

ambassadeurs

Deux documents qui montrentl'intérêt réciproque qui s'établitentre les Slaves et l'Orient. A

gauche, une encre de chine d'unJaponais montrant unambassadeur russe, Nicolai

Rezanov, en poste au Japon en1804 et nommant

minutieusement tous les détails

de son costume. Des animaux

rares : lions, tigres, éléphants,furent envoyés par despotentats orientaux à de hautsdignitaires slaves. Des éléphantsen provenance de Persearrivèrent à Moscou et cet

événement fut commémoré

dans une gravure populaire (ci-dessus)

de .connaissances scientifiques, entreautres en mathématiques. Les chiffres quenous employons sont toujours appelés ara¬bes, bien que leur patrie soit en réalitél'Inde. Les Slaves, de leur côté, manifes¬taient une grande curiosité scientifiquepour l'Orient. Pierre le Grand a corrigé desa main une carte inexacte de la mer Cas¬

pienne et de l'Asie centrale. Au 17" siècle,le Croate Krizanic offrit son ouvrage l'His¬toire de la Sibérie à Jean Sobieski, roi de

Pologne, ce qui ne contribua pas peu à laconnaissance de l'Extrême-Orient chez les

Slaves de l'Ouest.

Les Slaves tenaient en haute estime la

médecine populaire orientale telle qu'elles'était constituée au cours de nombreux

siècles. Inversement, les Slaves ont joué unrôle important dans l'introduction de lamédecine scientifique en Orient. Ce sontdes médecins russes qui, au milieu du 19*siècle, fondèrent le premier hôpital duJapon. Le premier médecin de Mongoliefut un docteur russe, P. Chastine. Ses

méthodes de soins se répandirent si bienque, dans la langue mongole, les mots"médecin" et "Chastine" furent longtempsdes synonymes.

Les contacts séculaires avec l'Orient ont

laissé leur empreintes dans les langues sla¬ves. Les Slaves appartiennent historique- kment et génétiquement au groupe indo- f

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W européen. Leurs langues conservent donc' certains traits qui les rapprochent des lan¬

gues indo-iraniennes. Mais, en outre, ilexiste dans toutes les langues slaves denombreux éléments lexicaux et grammati¬caux d'origine orientale (en particulier tur¬que), tandis que toute une série de motsslaves a pénétré en Orient.

Sur le territoire des Slaves de l'Ouest se

sont conservés des sites où ont vécu des

peuples orientaux anciens, par exemple desKaraïms. Et un épisode curieux s'est pro¬duit en plein vingtième siècle : un orienta¬liste polonais vint voir les Karaïms dans leurpays. Dans une maison, il lut à haute voixun très ancien dictionnaire polovtse ; il eutla stupéfaction d'entendre la fille du maîtrede maison, âgée de sept ans, donner desexplications sur le texte. De génération engénération se transmettait dans cettefamille une langue qui avait existé bien dessiècles auparavant.

L'architecture slave a subi une forte

influence de l'Orient. A l'époque où elle seconstitue, la tradition byzantine y joue ungrand rôle. Par la suite, les bâtiments desSlaves du Sud sont marqués de l'influencemusulmane introduite par les Turcs.L'influence orientale est moins sensible

dans les pays slaves de l'Ouest, en Pologneet en Tchécoslovaquie. Toutefois, on peutvoir même là, à côté des vieilles églisesgothiques, de nombreux monuments detype oriental. En Ukraine et en Pologne,des édifices ont été bâtis par des architec¬tes arméniens.

Les motifs orientaux se sont renforcés

dans l'art architectural russe aprèsl'annexion des Royaumes de Kazan etd'Astrakhan. Bâtie sous le règne d'Ivan leTerrible sur la place Rouge, à Moscou, lacélèbre cathédrale de Saint Basile qui estconstruite dans le style national russe, aégalement emprunté certains élémentsorientaux.

On découvre aussi des traces d'échangesavec l'Orient dans le folklore russe ancien :

certaines bylines (épopées ou rapsodiespopulaires) font partiellement écho auxépopées turques. Dans certaines d'entreelles, on trouve des héros portant desnoms turcs et les événements décrits reflè¬

tent l'histoire des relations entre les "Bon¬

nets Noirs" et les Petchénègues.

Cet échange de nombreux éléments cul¬turels entre peuples slaves et orientaux n'apas eu pour seul effet un enrichissementmutuel ; il a été un acquis de la civilisationmondiale. De même qu'aujourd'hui on nes'étonne pas de voir un Indien en turbandans les rues de Prague ou un Européen àcheveux blonds dans la foule bruyante d'unbazar oriental, de même semble normal et

courant le fait qu'un satellite artificiel indiensoit mis sur orbite par une fusée soviétiqueou que se pratiquent sur les bords de la Bal¬tique les méthodes de l'antique médecinetibétaine.

Toute grande culture est le fruit d'inter¬action et de croisements avec de nombreu¬

ses autres, grandes et petites. Les tentati¬ves d'isolement ont toujours fini par unedégradation. L'histoire en garde des exem¬ples. L'emprunt créateur est une conditionnécessaire du développement culturel.

Ollas SuMmaoov

Bas-relief de pierreprovenant du Monastèredes Grottes de Kiev,

montrant la déesse Cybôle,mère de tous les dieux dans

la mythologie grecque, surun chariot traîné par des'1lions. Dans la Russie

chrétienne de Kiev au 11*

siècle, on utilisait très

souvent, pour orner leséglises, des motifsmythologiques copiés surdes bas-reliefs antiques du1" siècle avant J-C.

KIEVgardienne

des anciennes traditions

de la culture slave

par louri Asseev

IOURI ASSEEV, architecte soviétique, profes¬seur d'histoire de l'architecture, est l'assistantdu Recteur de l'Institut d'Art de Kiev.

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LJT ÉTAT d'ancienne Russie s'étendaitde la mer Blanche à la mer Noire et

des Carpates aux steppes arroséespar la Volga. Son essor commença au 10"siècle, après l'unification des tribus slavesde l'Est autour de Kiev. Il se prolongea jus¬que vers 1130. Alors, le développement dela féodalité entraîna un processus de mor¬cellement. C'est à" cette époque del'ancienne Russie qu'ont été réalisées lésruvres les plus importantes de l'art et del'architecture.

Ce fut "l'âge d'or" de l'art russe ancien.Il est chanté dans les bylines et les cuvreslittéraires du temps. Le cycle de bylines qui

ijacontent la vie des preux de la Russie kié-vienne (llya de Mourom, Dobrynia Nikitichet Aliocha Popovitch) est très caractéristi¬que à ce point de vue. Ces bylines, conser¬vées depuis des siècles dans la mémoirepopulaire, montrent les vifs sentiments defierté et d'admiration que l'on éprouvait àl'époque pour la grandeur et la puissancede l'Etat kiévien.

L'art russe a trois sources essentielles : le

riche héritage culturel des tribus slaves del'Est ; les problèmes posés par les condi-,tions de vie et les exigences de l'Etat enancienne Russie ; l'assimilation de l'expé¬rience artistique et ¡technique des autrespays, et surtout da Byzance, gardienne desgrandes traditions de la culture antique.

La conscience d'appartenir à un paysgrand et illustre se retrouve dans l'ouvragedu métropolite de Kiev, Hilarión : "De la loiet de la grâce". A propos des princes rus¬ses, l'auteur s'exclamait : "Ce n'était pasune mauvaise terre obscure qu'ils gouver¬naient, mais la Terre russe qui est célèbreaux quatre coins de l'Univers".

L'adoption du christianisme en 989 rap¬procha la Russie des pays du monde chré¬tien et surtout orthodoxe. Ce fut une étapedécisive pour le développement de l'artrusse ancien. L'écriture fut introduite en

Russie à cette époque et le christianisme setrouva ainsi adopté dans la propre languedu pays. Ce fait stimula considérablementl'originalité de l'art féodal, et en particulierl'art religieux.

L'esthétique russe ancienne est remar¬quable par son caractère patriotique, qui amarqué en particulier la poésie lyrique.L'amour pour la terre natale, pour la naturedu pays, est un leitmotiv de l'art russeancien, et surtout de l'épopée. Les chroni¬ques russes en sont imprégnées. C'estl'essence du célèbre "Dit de la campagned'Igor". Et dans le "Chant du désastre de laTerre russe", l'auteur célèbre ainsi sa terrenatale : "O, terre russe, comme tu esbelle I Toutes tes beautés nous enchan¬

tent : nous enchantent tes lacs nombreux.

tes rivières et tes sources vénérables, tes

montagnes escarpées, tes hautes collines,tes chênaies touffues, tes champs merveil¬leux, tes bêtes de toute sorte et tes oiseauxinnombrables, tes grandes villes, tesbourgs admirables, tes cloîtres, tes égli¬ses I..."

La construction de villes, de forteresseset de châteaux avait beaucoup d'impor¬tance. Ainsi se perfectionnait, se dévelop¬pait le talent des architectes russes. LaRussie étant un pays de forêts, la plupartdes édifices des premières périodes furentconstruits en bois.

La ville russe ancienne était constituée

d'un centre fortifié (le "diétinets"), où setrouvaient les résidences du prince, desboïars et de leurs gardes, d'une "ville péri¬phérique" où vivait, à l'abri des remparts, lamajeure partie de la population, et de"bourgades" (ou "koldy"), peuplées demarchands et d'artisans. Les villes les plusimportantes de Russie (Kiev, Novgorod,Smolensk, Tchernigov, Vladimir-Volynsk...) comptaient aux 11"-12" sièclesplusieurs dizaines de milliers d'habitants.Elles comptaient parmi les plus peupléesd'Europe.

Ces villes étaient embellies par les iensembles de bâtiments en bois que for- 1

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> maient les palais des princes et des boïars,ainsi que par un grand nombre d'églises etde monastères en bois et en pierre. A l'épo¬que de la foire s'y rassemblaient des mar¬chands venus d'Allemagne et du Khorezm,d'Italie et du Califat, de Scandinavie et deByzance. Les marchands de Kiev, de Nov¬gorod et de Smolensk faisaient de longsvoyage en mer. Grâce à ces échanges, lesobjets d'art de nombreux peuples arrivaienten Russie. Leur influence se faisait sentir

dans la variété des thèmes et des techni¬

ques, dans le niveau professionnel desartistes.

Au 10» siècle, le niveau de la productionartisanale russe s'éleva fortement. A Kiev,on recensait soixante métiers artisanaux.

Les bijoux de cette ville étaient particulière¬ment réputés : le poète byzantin Tstétsisles chante et Théophile de Paderborn, écri¬vain allemand de la seconde moitié du 10°

siècle, auteur d'un grand traité sur la tech¬nique de la joaillerie, les place très haut.

"Nulle part, nous n'avons rencontrépareille beauté" disaient les étrangers quivenaient à Kiev. Pour un "kolt" petiteparure de femme un maître artisan mon¬tait jusqu'à 5000 petits anneaux de 0,06 cmde diamètre et sertissait dans chacun d'eux

une perle minuscule de 0,04 cm. Sur 8 cm2,un joailler faisant 120 petites fleurs en ormontées sur de fines tiges dorées...

En 945, on mentionne pour la premièrefois l'édification d'un palais en pierre. Maisce sera seulement à la fin du 10" siècle quela pierre se répandra. Cette architecturemontre déjà les particularités des techni¬ques de construction russes, différentesdes byzantines, et des formes architectura¬les propres à l'école russe ancienne. Laforme des coupoles qui couronnent leséglises est ainsi inspirée, selon de nom¬breux chercheurs, par les casques desguerriers russes. Elle semble tout à fait spé¬cifique.

Le trésor le plus précieux de la Russie deKiev est la cathédrale Sainte-Sophie. Saconstruction, si l'on en croit la chroniquerusse la plus ancienne, le "Récit des annéespassées" commença en 1037 à l'endroit où,un an plus tôt, laroslav le Sage avait défini¬tivement écrasé les Petchénègues. Sousles ajouts postérieurs et les surélévationsdes 17"-18* siècles, la cathédrale a parfaite¬ment conservé ses formes primitives.

Edifiée en souvenir de la victoire rempor¬tée sur les Petchénègues et devenue lesymbole de la nouvelle unification de laRussie sous le pouvoir du prince de Kiev, lacathédrale Sainte-Sophie est remarquablepar son architecture grandiose et harmo¬nieuse, ses vives couleurs intérieures, l'élande ses formes.

Les deux tours où se trouvent les esca¬

liers menant aux tribunes sont décorées de

fresques très intéressantes. De nombreu¬ses scènes représentent les divertissementsprinciers : luttes, courses, chasses, fau¬conniers, mais aussi danseurs et musiciens.On voit représentée sous les tribunes lafamille de laroslav le Sage : Anne, devenuereine de France, Elisabeth, reine de Nor¬vège, et Anastasie, reine de Hongrie.

On a découvert à Sainte-Sophie, sousdes inscriptions plus tardives, environ2000 m2 de fresques du 11* siècle qui ontété restaurées ; ces fresques couvraient à

Miniature datant de 1056 illustrant l'Evangéliaire d'Ostromir, gouverneurdes terres de Novgorod. Elle représente Saint-Marc et fut découverte parhasard au 18° siècle dans la garde-robe de Catherine la Grande. Elle estconservée à la Bibliothèque publique Saltikov Tchédrine de Leningrad.

Dès le 11* siècle, les contemporains furent émerveillés par la majesté dela cathédrale Sainte Sophie de Kiev, rivale de Sainte Sophie deConstantinople, et frappés par la beauté de ses fresques et de sesmosaïques disposées selon une ordonnance précise, raisonnée.A droite, détail d'une fresque d'inspiration nettement byzantine, datantdu 11* siècle : visite de la Vierge Marie à sa cousine Elisabeth, mère deSaint-Jean-Baptiste.

l'origine une surface beaucoup plus impor¬tante.

Des mosaïques couvrent les piliers, lesvoûtes et les murs de la nef centrale inon¬

dée de lumière par la partie orientale. Ellesproduisent un effet particulièrement saisis¬sant. La composition en mosaïque quireprésente l'Eucharistie et les Pères del'Eglise dans l'abside centrale est exécutéede main de maître. Certains des personna¬ges : Saint Laurent, Saint Grégoire Pala-

, mas et Saint Jean Chrysostome, sont con¬sidérés comme des chefs d' de cet

art.

Il s'est conservé à Sainte-Sophie environ650 m2 de mosaïques. De l'avis du spécia¬liste soviétique Viktor N. Lazarev, huit maî¬tres au moins ont participé à leur exécu¬tion. La richesse de leur palette apparaîtvraiment étonnante. On a recensé 177

nuances de couleurs différentes, parmi les¬quelles la couleur verte compte à elle seule34 nuances, la jaune 23 et même la grise9...

A Tchernigov, la cathédrale du Sauveur,commencée dans les années 1035-1036

selon la chronique, est un autre monumentcélèbre de la Russie de Kiev. Son plan enlongueur la distingue de la cathédraleSainte Sophie.

Une nouvelle étape dans l'art et l'archi¬tecture de la Russie kiévienne est franchie

au milieu du 11* siècle. A cette époque,sous l'influence de la féodalité qui se déve¬loppe, certaines régions russes deviennentplus puissantes, leurs centres s'agrandis¬sent et se construisent. On observe, dans lapolitique des princes établis dans cesrégions, une tendance à s'isoler de Kiev.L'influence de l'Eglise va croissant, la cons¬truction de monastères prend de l'ampleur.'

Pourtant, Kiev reste comme auparavantla capitale de la Russie. C'est de là que lesinfluences culturelles et artistiques se diffu¬sent dans toute les terres de l'ancienne

Russie. A cette époque se forme, à la Laurede Kiev (le "monastère des grottes"), uncentre culturel important fondé sur l'art etsur l'architecture.

Avec ses coupoles d'or, ses mosaïqueset ses fresques, la cathédrale Saint-Michel(1107-1113) constitue un magnifiqueensemble d'art monumental. Comme à

Sainte Sophie et à la Laure, il y avait dansl'abside principale une grande compositionreprésentant la communion des apôtres.

L' "Eucharistie" de Saint-Michel se dis¬

tinguait sensiblement de celle de Sainte-Sophie. On sent ici une plus grande libertédans le groupement des personnages. Uneplus grande attention est accordée auxtraits évoquant la psychologie desapôtres ;la gamme de couleurs se fait intense etvive ; la linéarité est renforcée. Ces particu-

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larités, aussi bien que les inscriptions, per¬mettent de reconnaître dans les mosaïquesde Saint-Michel le pinceau de maîtreslocaux. Certains chercheurs tiennent pourl'un des auteurs de ces mosaïques un grandpeintre russe qui vécut autour de 1100,Alipi.

La vie et les travaux d'Alipi sont racontésen détail dans le "Paterik" de la Laure de

Kiev, recueil de récits consacré à ce centred'un point de vue aussi bien religieux queculturel. Alipi, d'après le Paterik, ne pei¬gnait pas d'icônes "pour s'enrichir". Il col¬lectionnait avec soin les vieilles icônes exé¬

cutées par d'autres maîtres, et les restau¬rait. Ses propres suvres étaient si bellesque les anciens Kiéviens les croyaient pein¬tes avec l'aide des anges et prêtaient auxcouleurs qu'utilisait Alipi des vertus curati¬ves.

La sculpture païenne nous est connuepar de nombreuses découvertes archéolo¬giques et par les sources littéraires. On peutsans doute expliquer par l'attachementqu'on lui portait, l'installation sur la placecentrale de Kiev des statues antiques rap¬portées de Chersonese par le prince Vladi¬mir.

C'est sans doute pour cette raison quel'église byzantine désapprouvait la sculp¬ture à thèmes : à Sainte-Sophie de Kiev, àla cathédrale de Sauveur de Tchernigov, la

sculpture se limite à des motifs ornemen¬taux.

Novgorod fut également un centre archi¬tectural important. Ses églises et monastè¬res du début du 12* siècle ont été bien con¬

servées jusqu'à nos jours : la cathédraleSaint-Nicolas-Thaumaturge (1113), lesmonastères Saint-Antoine (1117) et Saint-

Georges (1119). On y voit d'une partl'influence d'édifices comme la Laure de

Kiev : ce sont des monuments dont les

coupoles terminées par une croix reposentsur six piliers. Mais on y reconnaît d'autrepart la tradition de la cathédrale Sainte-Sophie de Novgorod : formes puissantes,plastique sévère des façades et des tours,couronnement de l'église par trois ou cinqcoupoles. L'architecture de la cathédraledu monastère Saint-Georges est particuliè¬rement majestueuse.

Dans la cathédrale du monastère de

Saint-Antoine (1125), les fresques ont étépartiellement préservées. Elles rappellentpar leur caractère la peinture romane, maisanticipent par certaines de leurs particulari¬tés (leur manière libre et énergique) sur plu¬sieurs traits qui caractérisent la peinturenovgorodienne des époques suivantes.

Le fondateur de ce monastère fut

Antoine le Romain. La légende dit qu'ilquitta Rome, traversa la Méditerranée et laBaltique sur une meule et arriva à Novgo

rod. Des pêcheurs de Novgorod attrapè¬rent un tonneau plein d'objets précieuxqu'Antoine, en partant de Rome, avait jetéà l'eau. C'est sur ces trésors que fut érigé lemonastère.

Malgré son caractère typiquementmédiéval, cette légende recèle un fond devérité : les affaires d'Antoine qui sont par¬venues jusqu'à nous proviennent effective¬ment d'Europe occidentale ; de plus lalégende reflète les contacts très étroitsqu'avait Novgorod avec l'Europe occiden¬tale, contacts que l'on connaît bien, tantpar les sources écrites que par les donnéesde l'archéologie.

La peinture de chevalet russe de la fin du10* siècle et de la première moitié du 11*siècle ne nous est pas parvenue. Il estcependant fait mention, dans les chroni¬ques, des icônes qui ornaient les premièreséglises. Au 1 1* siècle et même au début du12*, des icônes furent apportées deByzance en Russie en grande quantité. Aces modèles d'icônes d'origine byzantinese rattache la célèbre Vierge de Vladimir,qui joua un grand rôle dans le développe¬ment de la peinture russe ancienne.

Des icônes russes se répandirent dans lespays voisins. Elles y étaient très estimées.Tel fut le destin de l'icône de Czestochowa,

si célèbre en Pologne. .

L'art du livre et de la miniature atteignit I

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La cathédrale Sainte Sophie de Kiev,placée sous la double invocation de laSainte Sagesse de Dieu et de la ViergeMarie, a été élevée en 1037 par laroslav leSage ; admirable travail d'architectes et demilliers de bâtisseurs anonymes. Elle étaitsurmontée primitivement de treizecoupoles symbolisant le Christ et sesdisciples. Les toitures et les coupoles ontété refaites en style baroque au 17* siècle.Les fresques des escaliers illustrent desscènes de la vie à la cour princièrescènes de chasses, acrobates, histrions

seul exemple que l'on puisse voir enRussie de peintures de maurs dans unsanctuaire. Ici, jeux de cirque à l'Instar deceux qu'on offrait à Noël à l'EmpereurConstantin.

Photo © Académie d'Art de l'URSS, Leningrad

un très haut niveau dans la Russie de Kiev.

On aimait depuis longtemps les livres enRussie, on les conservait, on les ornaitrichement. Comme le dit un chroniqueurdu 11* siècle, les livres, "ce sont des fleu¬ves qui abreuvent l'Univers, ce sont dessources de sagesse, car il y a en eux uneprofondeur insondable".

Le plus ancien des livres russes estI' "Evangile d'Ostromir". Il fut écrit en1056-1057, à Kiev, par le diacre Grigori pourOstromir, posadnik de Novgorod. Ce livreest orné de nombreuses enluminures, fleu¬rons et miniatures qui représentent lesEvangélistes.

On trouve des portraits intéressants de lafamille du prince laropolk Izfaslavovitchdans le "Code de Gertrude" composé entre1078 et 1087. Le "Code de Gertrude" ou

"psautier de Trêves" est aujourd'hui con¬servé en Italie (à Cividale, Lombardie). Il futécrit en latin à la demande d'Egbert, arche¬vêque de Trêves, à la fin du 10* siècle. Centans plus tard, le manuscrit échut à Ger¬trude, princesse de Pologne qui avaitépousé le prince de Kiev, Iziaslav larosla-vitch, fils de laroslav le Sage. La nouvellepropriétaire du manuscrit y fit ajouter touteune série de miniatures, parmi lesquellesnous trouvons les portraits du fils d'iziaslavet de Gertrude, laropolk, et de sa femmeIrène.

La période historique de l'ancienne Rus¬sie qui commence dans les années 1 130 esthabituellement appelée période du morcel¬lement féodal. C'est à cette époque que seformèrent, dans certaines principautés, descentres d'art et de culture unis par unemême tradition russe et reflétant aussi bien

les tendances et les goûts locaux que lescaractères généraux du mouvement artisti¬que de ce temps. Comme le dit l'académi¬cien Boris A. Rybakov, "la Russie du 12*siècle fut un peu le co-auteur des diversesformes du style roman..."

Vers les environs de 1130, on cesse deconstruire, comme cela se faisait dans laRussie de Kiev, en mélangeant les maté¬riaux (brique et pierre). Les architectes,dans chacune des régions où ils'travaillent,utilisent les matériaux locaux. En Dniéprieet en Volynie, on construit en briques ;dans les régions de Galitch et de Vladimir-Souzdal, on utilise la pierre locale, le mar¬bre, et on orne les façades des bâtimentsde sculptures en pierre blanche : unegrande force d'expression est atteinte dansdes chefs-d'euvre comme l'église del'Intercession de la Nerl (1165) et la cathé¬drale Saint-Dimitri de Vladimir (1194-1197).

Les icônes de Dimitri Solouski à Dimi-

trov, celles de la Vierge de la Laure, cellesde la Dormition'de Novgorod sont de mer¬veilleux monuments de la peinture des 12*et 13* siècles (elles sont toutes conservées

à la galerie Trétiakov de Moscou).

Mais il y a une grande communauté decaractère dans l'art russe ancien de la

période du morcellement féodal. Tous cesarts régionaux ont la même source : l'art dela Russie de Kiev. Cette culture a donc une

grande importance pour le développementartistique ultérieur des peuples russe, ukrai¬nien et biélorusse qui se constituèrent plus"tard à partir d'un seul peuple russe ancien.

louri Assaev

Pages couleur

Page de droite

Icône représentant l'entrée de Jésus àJérusalem : ruvre majeure de l'Ecolede Novgorod, datant de la fin du 15*début du 16* siècle. L'art de Novgorodatteignit son apogée au 15* siècle àMoscou. Cette icône allie la spiritualitéde l'école de Moscou au colorisme

éclatant et expressif de l'école deNovgorod. Les tours et les muraillescensées représenter Jérusalem sontcelles de Novgorod. Jésus rassemblades disciples parmi lesquels il choisit12 privilégiés qu'il nomma Apôtres etqui furent les témoins de sa vie. Il

monte vers Jérusalem où de grandstourments l'attendent.

Photo Bob Saler © Rapho, Paris

Pages centrales

Etre peintre d'icônes était unsacerdoce. Aussi ces peintres étaient-ils des moines. Les deux plus grandspeintres d'icônes furent Théophane leGrec (seconde moitié du 14* siècle) etAndreï Roublev (voir page 21). Un autregrand maître moscovite fut MaîtreDenis, appelé aussi Dionysios (1440-1508). Il peignit avec un sens aigu de lamagnificence et de la splendeur et lesouci de l'esthétique. Il se rattachecependant à Roublev par unespiritualité perceptible dans le dessinallongé des personnages. Cette icônede Maître Denis provient de l'Eglise dela Dormition, au Kremlin, Moscou ;aujourd'hui conservée à la GalerieTrétiakov, elle représente leMétropolite Alexis tenant l'Evangile dela main gauche. Les scèneshagiographiques'se lisent de gauche àdroite et de haut en bas. Elle a été

peinte vers 1483.

Photo Bob Saler © Rapho, Paris

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Hilft i

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Photos © Miodrag Djordjevic, Bibliothèque publique Saltikov - Tchedrine, Leningrad

L'Ecole de la Morava, âge d'or de l'art serbede la fin du Moyen-Age, a laissé lestémoignages d'un langage pictural humain,parfois entièrement coupé des dogmes del'école de Constantinople. Sur les fresques,les ¡cônes, les miniatures, on peut reconnaîtredes gens du peuple, des visages proches etfamiliers. Tels ces quatre Evangelistas (enhaut des deux pages), miniature exécutée parMaître Radoslav provenant d'un Evangéliaireserbe datant de 1429, conservé à la

Bibliothèque publique Saltikov Tchédrinede Leningrad. Les quatre Evangelistasécoutent la parole de Dieu que leur dicte àl'oreille l'esprit de la Sagesse divine.L'iconographie traditionnelle leur attribue lesanimaux de la vision d'Ezéchiel et de

l'Apocalypse, de gauche à droite : un bBufaccompagne Saint-Luc ; un lion, Saint-Marc ;un ange Saint-Mathieu ; un aigle, Saint-Jean.

A gauche, détail de fresque du 14* siècle, ditedes "Sarrazins", provenant de l'Eglise deSaint Archange à Lesnovo, en Yougoslavie,dans la province de Macédoine. LesSarrazins, nom donné parfois aux Mulsumansen Occident, eurent des contacts avec les

Slaves du Sud, contacts souvent trèsconflictuels. '

L'artde la Morava

Une école de sensibilité et de grâcedans la Serbie du 15e siècle

par Svetozar Radojcic

LfART ancien de la Serbie commence

à s'épanouir vers la fin du 12* siècle.Il entre en décadence à partir de

Photo © Centre culturel Yougoslave, Paris

SVETOZAR RADOJCIC, eminent historiend'art, professeur d'histoire de l'art à l'Universitéde Belgrade, est l'auteur de nombreuses étudeset recherches sur l'art médiéval en Serbie.

1459, quand les envahisseurs turcs occu¬pent Smederevo, capitale de la dernièreprincipauté serbe. Cet art national va survi¬vre sous le joug ottoman jusqu'aux premiè¬res décennies du 18* siècle. Quand les

Turcs se retireront du bassin du Danube,

les artistes serbes de l'époque du baroque .tardif vont adopter l'art "européen". y

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> Auparavant, l'art de la Serbie faisait par¬tie intégrante de la culture byzantine chré¬tienne. Il a connu à ce titre un sort singu¬lier.

Après la débâcle de "la grande Serbie"en 1371 et l'extinction de la dynastie deStefan Nemanjia, les familles princières desLazarevic et des Brankovic essayent de semaintenir dans l'étroit territoire qui s'étendentre la Save et le Danube au nord et lesdeux Morava au sud. (Ces deux rivières,

qui finissent par se joindre pour se jeterdans le Danube, ne doivent pas être con¬fondues avec le fleuve homonyme, quicoule dans la Tchécoslovaquie actuelle etd'après lequel on désigne la vaste région dela Moravie).

Sur ce territoire des Morava méridiona¬

les, où se livraient le combat entre le chris¬tianisme européen et l'Islam envahissant, le"despotat" (ce terme, emprunté à la hiérar¬chie princière de Byzance, ne comporteaucune acception péjorative) n'aura qu'unedurée courte : entre 1402 et 1459, il est ladernière oasis de la chrétienté libre dans les

Balkans. C'est l'époque où la Serbie méri¬dionale devient l'asile de myriades d'émi-grants venus de Byzance, du Mont Athos,de Macédoine, de Bulgarie et d'Albanie.

C'est là que convergent de nombreuxprinces ayant perdu leurs terres, des évo¬ques sans évêchés, des moines sansmonastères, des seigneurs sans fiefs etsans châteaux, et, avec eux, une suitenombreuse d'écrivains, d'architectes, depeintres, de musiciens et de chanteurs,toute une population d'artistes vivantautour des puissants et des riches de cemonde.

HTEFAN Lazarevic, fils

^^^^^Ä I du prince LazareiH tombé en 1389 sur le

champ de bataille de Kosovo où les Turcsl'emportent définitivement sur les Serbes,est un représentant typique de son épo¬que : despote de l'empire byzantin et che¬valier ayant prêté serment au roi de Hon¬grie, vassal du Sultan et commandant enchef d'une armée, guerrier et au surpluspoète lui-même, il ralliait autour de lui, à sacour de Belgrade, un grand nombre d'écri¬vains, car il aimait la littérature. Pour le flat¬ter, ses contemporains l'appellent "le nou¬veau Ptolémée". Il est à l'origine de l'écoledite de Resava, d'après le nom du monas¬tère qui en était le siège et de la rivièreauprès de laquelle se trouvait le monas¬tère : école non de simples copistes,comme on le dit à la légère, mais de "tra¬ducteurs", ainsi que la désignent ses con¬temporains.

Or en même temps, une école, encoreplus considérable, se formait sous lesmêmes auspices. On a dit parfois que l'artétait un produit de temps paisibles et heu¬reux : rien de plus faux, et cette naissanced'une école qui enseigne la sensibilité et. lagrâce au milieu d'un temps de malheur et

qui savait bien qu'elle courait à sa perte, entémoigne largement. Cette école porte,dans l'histoire de l'art serbe ancien, le nomd'Ecole de la Morava.

A partir du 12* siècle, la recherche esthé¬tique serbe s'exerce toujours sur deuxplans : la beauté extérieure et la beautéintérieure. Ces deux tendances à caractères

opposés, et de valeur inégale, vont attein¬dre l'une et l'autre leur expression la pluséclatante sous le despotat serbe. Leur con¬traste est surtout prononcé dans l'architec¬ture.

Les églises aux espaces intérieurs parfai¬tement conçus et aux façades somptueu¬ses convenaient bien aux offices liturgiqueset au faste spectaculaire des cérémonies.Ces espaces allongés s'y terminaient endemi-cercle, surmontés, en haut, par lesconques de leurs absides et par les calottesde leurs nombreuses coupoles : l'ensembleétait adapté aux besoins d'une représenta¬tion liturgique complexe, avec ses protago¬nistes, ses deux ch et ses cortègesmerveilleux, tels qu'on les voit dans lesfresques de l'époque. Les compartiments,passages et cloisons de ces églises étaientnon seulement fonctionnels, mais offraientaussi une parfaite acoustique.

Toute récente est la découverte de la

musique vocale qui, à sa manière complé¬tait la beauté des églises de la Morava :c'est en effet seulement après la deuxièmeguerre mondiale qu'on a déchiffré lesmanuscrits serbes de la fin du 14* et du

début du 15» siècle, comportant des anno¬tations musicales, et que l'on a transcrit cesnotations dans notre système d'écrituremoderne. Deux cortèges souvent illustréspar les peintures anciennes la "Grandeentrée" et la "Communion des apôtres"s'accompagnent désormais, en plus desparoles connues, d'une ambiance musicalequi donne aux gestes des personnagespeints un rythme étrange, qu'on dirait infini

une musique qui n'est pas de ce mondeet qui imprègne les fidèles d'une foi cons¬tante.

Les personnages singuliers des "maîtresde chapelle", aux vêtements richementornés et aux étranges tricornes blancs,nous sont déjà familiers par les fresques lesplus anciennes, remontant au milieu du 14*siècle : à partir de ce siècle, leurs nomsmêmes nous sont connus Stefan, Isaija,Joakim ainsi que les morceaux qu'ils ontcomposés.

Mais la beauté de l'espace sacré et emplide musique s'agrémente également d'unepeinture murale nouvelle. La délicatessesubtile des modulations musicales se

retrouve dans les fresques. On renonce auxtraits de pinceau puissants et roides. Lafigure humaine, stylisée, d'une plasticitémarquée et ressemblant presque à unesculpture, perd ses particularités d'individuterrestre.

La peinture de la Morava s'éloigne désor¬mais de ce qui caractérisait les fresquesanciennes. Elle reprend les techniques lesplus subtiles de la peinture sur bois : lesmouvements sont vus et fixés d'une

manière saisissante, cependant que lesgestes restent doux et harmonieux. Danscette peinture du despotat serbe, on repré¬sente de préférence des scènes de la vieterrestre du Christ : les saints guerriers, les

moines, les évêques, les prêcheurs sontreprésentés comme des "hommes célesteset des anges terrestres", tout en beautéextérieure et en perfection intérieure. Ils'agit là d'hommes et d'un univers qui nepouvaient exister qu'en peinture, en littéra¬ture et en musique.

Cet art reflète largement le mysticismedu christianisme oriental. L'émerveillement

devant la Révélation donne à l'expressionartistique une qualité quasi dramatique. Lesanctuaire est caché derrière une cloison

architecturale à laquelle sont accrochéesles ¡cônes : cette iconostase, à l'instar del'antique "scenae frons" des théâtres, atrois portes occultées par de riches tentu¬res : à des moments rituels précis, ces ten¬tures sont soulevées. Dans les grandes égli¬ses, il y avait toute une décoration de lapierre, jadis polychrome : de larges bandesornementales, des arcades, de grandesrosaces et des bas-reliefs plats, surtoutautour des fenêtres. Les motifs décoratifs

sont d'une grande variété : des rubansentrelacés, des anges, des animaux fabu¬leux, des figures énigmatiques et aumilieu de tout cela, comme au monastèrede Kalenic par exemple, le centaure Chiron,maître de musique d'Achille.

ANCIENNE oppositionentre beauté extérieure

J et beauté intérieurereparaît constamment dans les @uvres del'Ecole de la Morava : dans son architec¬

ture, ses fresques, ses icônes, sa riche bro¬derie, son orfèvrerie et surtout dans sesminiatures. Les ornements servaient tou¬

jours à exprimer une beauté extérieure quicachait les valeurs plus hautes, profondé¬ment mystiques et à peine perceptibles, dela beauté intérieure.

Cette grande vision d'un monde parfait,évoquée à l'heure du péril le plus extrême,exerçait un attrait extraordinaire sur lemonde chrétien byzantin survivant : auxintellectuels spiritualises qui, au 15* siècle,erraient entre l'Italie et les steppes lointai¬nes de la Russie, elle apportait une pro¬messe.

Dans cette petite Serbie du 15* siècle, unart à la fois seigneurial et monacal, né ducontraste entre luxe et ascèse, a su fairecoïncider les deux types de beauté. Leschemins de l'art européen se diversifiaientdonc : alors que l'Occident reniait la pen¬sée et l'art médiévaux, l'Orient s'y tenaitavec persévérance. Il se montrait sceptiqueà l'égard de la matière, de la nature et de laraison humaine, et aussi envers la spiritua¬lité de la fin de l'Antiquité, à laquelle ilempruntait pourtant son art : cet art oùseule la forme ressemble à la réalité et n'est

en fait que symbole, allégorie spirituelle.Les écrivains qu'étreignent les Muses, dansles miniatures de Maître Radoslav, sont

peut-être les meilleurs exemples de cetteculture traditionaliste complexe qui a donctrouvé dans la peinture son expression laplus achevée.

Svetozar Radojclc

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DUBROVNIKPorte ouverte sur le monde latin

par Vouk Voutcho

Photos Nenad Gattin © Presses universitaires Liber, Zagreb

Depuis la période médiévale, Dubrovnik, ville de Yougoslavie (Croatie), dressée sur un rocher sur la côtedalmate, assurait le contact entre l'orient et l'occident. La ville eut beaucoup à souffrir d'un tremblementde terre en 1667, qui détruisit partiellement le port et les remparts qui entouraient la vieille ville (ci-dessusà droite). Il reste encore des vestiges d'une magnifique enceinte (vue aérienne ci-dessus à gauche).

LA septième décennie du 17" sièclen'a pas été heureuse pour l'Europe.Au long de ces dix années, toutes

sortes de catastrophes et de fléaux s'abatti¬rent en vagues successives de Londresjusqu'en Asie Mineure et de la Sicile auxpays Scandinaves. Les guerres s'ajoutèrentaux épidémies. Les victimes se comptèrentpar centaines de milliers.

Il se trouvait pourtant, sur la carte del'Europe, une ville orgueilleuse qui jouissaitdes progrès de la fortune et de la paix. Ses

VOUK VOUTCHO, écrivain yougoslave, a étu¬dié la mise en scène de théâtre, cinéma, radio ettélévision à l'Académie de Belgrade. Auteur depoèmes, nouvelles, essais et critiques, notam¬ment sur les arts du spectacle. A publié enFrance aux Editions du Seuil "Les voleurs de

feu". Actuellement rédacteur en chef de

DANAS, revue des Yougoslaves en France.

Citoyens pouvaient penser que la douceurde leur Adriatique les protégerait toujours.Cette ville, l'une des plus belles de son siè¬cle, s'était donné le nom de Dubrovnik etportait brodée sur son drapeau l'inscriptionLibertas.

Le mercredi 6 avril 1667, le MercrediSaint, vit le jour se lever sous un ciel d'azuret sur une mer calme. A huit heures du

matin, le ciel était encore transparent ; lamer léchait doucement le pied des fortifica¬tions de la ville. Les gentilshommes déam¬bulaient devant le palais en attendant lacloche du Grand Conseil, l'assemblée qui,en cette veille de Pâques, devait gracier lescondamnés. Dans la chapelle du palais, enprésence du Prince et des grands dignitai¬res, la cérémonie religieuse s'achevait. Lesderniers mots de l'évêque furent de recon¬naissance pour la prospérité et la paix quirégneraient longtemps encore sur la petiteRépublique.

A cet instant, sous ce ciel pur et au bordde cette mer paisible, la terre se mit sou¬dain à trembler. Dans un vacarme

effrayant, en quelques instants, la villeentière se transforma en un amas de ruines.

Tout ce qui faisait la fierté des habitants,les palais, les monuments, les églises et lesmurailles, tout ce que le savoir, l'amour etla fortune avaient érigé au long des siècles,tout s'écroula comme un château de car¬

tes.

Le prince souverain de la République,toute sa suite et les plus hauts fonctionnai¬res de l'Etat trouvèrent sous les décombres

une mort soudaine. Les trois-quarts de lapopulation de la ville partagèrent ce destin.Sur l'île voisine de Lopud, frappée elle aussipar le séisme, quatre cents seulement desquatorze mille habitants survécurent.

Un malheur n'arrive jamais seul. Après letremblement de terre, l'incendie et le raz-de-marée, survinrent les pillards. Des

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, semaines durant, ils dépouillèrent les cada¬vres et les ruines. Tous les ennemis de

Dubrovnik, qui jusqu'alors n'avaient pasosé toucher à la puissante forteresse, setrouvèrent soudain à ses frontières pour lacurée, sur le continent comme à l'entréedes ports.

La chronique de cette ville est celle deperpétuelles renaissances. La catastrophequi venait de s'abattre sur Dubrovnik neconstituait pas le premier de ses malheurs.Deux siècles plus tôt à peine, la ville avaitdéjà vécu et surmonté un tremblement deterre meurtrier auquel s'était ajoutée uneépidémie de peste. Déjà sa population avaitété décimée. Mais les fureurs de la nature

et d'un destin contraire furent impuissantsà faire disparaître cette ville. Dubrovnikresta une cité incomparable.

Nombreuses sont aujourd'hui les villesdu monde qui peuvent s'enorgueillir de leurcosmopolitisme, de posséder un esprit quistimule l'interpénétration de cultures hété¬rogènes. Il en existe pourtant très peu oùl'héritage culturel de l'Est et de l'Ouest aitconduit à un tel enrichissement mutuel.

Cette ville n'est pas remarquable seulementpour sa force vitale et sa résistance auxépreuves. Elle fait penser à une sorte degemme polie pendant des siècles à la foispar l'Orient et l'Occident.

Au moment de la grande invasion de laDalmatie par les Avaro-Slaves, vers 614après J.C., le bourg d'Epidaurus qui porteà présent le nom de Cavtat, non loin de laDubrovnik actuelle, fut rasé jusqu'au sol.Les rescapés de ce massacre, si l'on encroit la tradition, fondèrent alors sur la côterocheuse, à deux heures de marche à peineplus au nord, une nouvelle colonie qu'ilsbaptisèrent Ragusium.

Le nom est issu d'un mot latin désignantun escarpement. Au voisinage immédiat decet établissement latin se trouvait une colo¬

nie spécifiquement slave appelée Dubrov¬nik, ce qui signifie la forêt. La lente fusionde ces deux colonies en une ville unique fitdisparaître graduellement l'antagonismedes deux populations, de sorte que la dou¬ble cité de Ragusium-Dubrovnik se fonditau début du 13* siècle en une véritable

communauté ethnique.

Sous l'expression de communauté ethni¬que, il faut entendre ici une coexistenceethnique, culturelle et religieuse qui sub¬siste aujourd'hui encore.

Dubrovnik sut au cours de sa longue his¬

toire transformer ses handicaps en avanta¬ges, faire de sa pauvreté native un trésor,apaiser les belliqueux, réconcilier les diver¬ses religions comme les intérêts économi¬ques opposés... en faisant le plus vasteusage de l'antique proverbe local, "unemauvaise dispute vaut toujours mieuxqu'une bonne guerre".

Dès la fondation de la cité, la navigationet le commerce constituèrent ses bases

matérielles. Les Dubrovnikois s'occupèrentd'abord de pêche et d'agriculture puis, deplus en plus, de commerce maritime. Au 9*siècle déjà, ils atteignaient les côtes de la

Mer Noire et, au nord, parvenaientjusqu'en Angleterre d'où ils s'élançaienttoujours plus loin sur l'Océan. Au début du13" siècle, la flotte avait grossi et la petiteRépublique disputait efficacement à Venisel'hégémonie des mers. Enfin, grâce à sadiplomatie et à son habileté, Dubrovnikétait devenue au 14* siècle une capitalemaritime.

L'aridité naturelle de son arrière-payspoussait nécessairement la ville aux échan¬ges marchands, ce qui explique queDubrovnik devint rapidement le principalcomptoir commercial de la péninsule balka¬nique, joua un rôle en Italie même, ainsique dans les autres pays de la Méditerra¬née. Le déplacement du trafic maritime decette mer vers l'Océan Atlantique ne portapas un préjudice notable à l'activité com¬merciale et économique de la ville. C'estpendant le 16* siècle et la première moitiédu 17* qu'elle connut l'apogée de sa pros¬périté.

Depuis toujours, Dubrovnik achetait trèscher sa liberté aux Vénitiens, aux Byzan¬tins, aux Turcs et aux royaumes slaves dunord. Les royaumes serbes, en particulier,convoitaient le petit état indépendant.Celui-ci ne les attirait pas seulement par sesrichesses venues des quatre coins dumonde, mais surtout par le débouché sur lamer qu'il constituait. Pourtant cette mer,comme un mirage, s'éloignait sans cessedevant les rois serbes dont toutes les tenta

tives pour déclencher une guerre ouvertecontre Dubrovnik avortèrent. De puissantsprotecteurs accouraient chaque fois ausecours de la République, les tsars des Sla¬ves comme les rois des Latins.

Enfin, après deux siècles d'alarmes, il setrouva un souverain serbe pour compren¬dre la grandeur de cette ville. Le tsar serbeDusan, grand homme d'Etat et encore plusgrand envahisseur, choisit de remplacerl'épée brandie par la main tendue. Commeles autres souverains slaves, comme tous

les Slaves, Dusan était hanté par Dubrov¬nik. Mais dans son esprit, paradoxalement,ce joyau était une relique. A peine cou¬ronné tsar, Dusan, en 1346, partait enambassade de paix vers Dubrovnik.

Ce fut un de ces moments comme l'His¬

toire n'en offre que rarement. La rencontredu tsar Dusan et du patriciat de Dubrovniksous les lambris dorés de la salle du Grand

Conseil marquait un tournant décisif dansl'évolution de l'Etat serbe et de tout le

monde slave. Avec elle une voie nouvelle

s'ouvrait, artère précieuse qui allait échan¬ger pendant des siècles le sang de deux tra¬ditions fort différentes. Cette liaison fruc¬

tueuse avec la petite République, enfant dela civilisation occidentale, ouvrait pour lesSlaves une porte sur la culture européenne.

Les anciennes chroniques rapportentque quelques dignitaires serbes poussèrentobstinément le tsar Dusan à entrer ", en

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Le Palais Sponza, dont la constructionfut achevée en 1520, est l'édifice

profane le plus Impressionnant deDubrovnik. Destiné à l'origine àrenfermer les douanes de la

République, il abritait, aux étagessupérieurs, des ateliers de monnaie etdes entrepôts à grain. La galerie durez-de-chaussée, construite dans le

style Renaissance de Toscane, s'ouvresur de larges arcades aux proportionsparfaites. Les' fenêtres de l'étagesupérieur présentent tous les traits dugothique vénitien. Au-dessus, dans uneniche, la statue de Saint Biaise, patronde la ville, ce même Saint Biaise qui,dans une peinture du début du 16*siècle, porte la ville de Dubrovnik entreses bras : élément d'un tryptique deNikola Bozidarevic se trouvant à

l'église dominicaine de Dubrovnik.

guerre avec Dubrovnik et à.conquérir cetteville-trésor. Mais il s'y refusa chaque foiscatégoriquement. Plutôt que de brandir leglaive, il confirma les franchises centenai¬res de la ville et combla de riches présentsles églises et les monastères. Plutôt que defouler aux pieds l'oriflamme de SaintVlaho, protecteur de la cité, il envoya lesjeunes Slaves fréquenter les établissementset recevoir l'éducation du petit état. Trans¬mises par les mémorialistes, les paroles deDusan sont arrivées jusqu'à nous : "Je res¬pecte le sénat de Dubrovnik pour ses vertusinsignes. Par son érudition latine, par sarichesse et son commerce, Dubrovnikmérite de constituer un exemple pour l'édi¬fication et la prospérité de mon règne, desorte que cette admirable ville sera lecomptoir commercial de tous les territoiresqui forment mon royaume"

Dès sa création, Dubrovnik paya cher saliberté. Lorsqu'en 1806 elle tomba sous ladomination de Napoléon et, en 1808, cessad'exister comme République libre, il se pro¬duisit dans cette ville indomptable quelquechose qui n'a pas d'autre exemple dansl'histoire. En signe de protestation, et afinque leurs descendants ne soient pas lesesclaves de l'étranger, les patriciensdubrovnikois fomentèrent contre lés enva¬

hisseurs le plus étonnant complot de tousles temps. Toutes les grandes familles deDubrovnik prirent 1a décision de cesserd'engendrer. De ce moment jusqu'à 1813,

jusqu'à l'insurrection et à la libération de laville, aucun enfant ne naquit dans lanoblesse dubrovnikoise...

"Pendant sa longue histoire de 12 siè¬cles, Dubrovnik n'a jamais tnarchandé leprix de sa liberté. Cette passion d'indépen¬dance était-elle l'effet d'une situation géo¬graphique particulière, au carrefour desinfluences du monde entier 7 Sans doute.

Mais pas seulement. Dubrovnik a su résis¬ter si longtemps aux menaces et aux dan¬gers de l'est et de l'ouest grâce à son inser¬tion dans ce qui est devenu la Croatied'aujourd'hui, à son lien avec l'arrière-pays,véritable cordon ombilical, linguistique etculturel. A l'époque de la Renaissance sur¬tout, la littérature croate a fleuri à Dubrov¬nik et a laissé des monuments dans le

domaine du théâtre et de la poésie, aussiimportants que les chefs-d' architec¬turaux de la ville. Ainsi, en se nourrissantdu génie artistique croate, Dubrovnik a faitentrer la Croatie dans la grande famille de la

. Renaissance occidentale."

Les auteurs d'anciens récits de voyagesdécrivent avec extase leur première rencon¬tre avec la ville lorsqu'on y arrive de la mer :"Sous vos yeux, écrit l'un d'eux, se déploieun tableau enchanteur : les îles alignéescomme des bateaux jusqu'au port deDubrovnik... Le bateau rampe sur les eauxcalmes, contourne le phare et, dirait-on,entre dans un pays de merveilles..."

Le sortilège n'a rien perdu de sa puis¬sance avec les siècles. Le voyageur con¬temporain pénètre comme dans unemachine à remonter le temps quand il ren¬contre ces marbres et ces granits illuminéspar le soleil éternel.

La ville est coupée en deux par le Stra-dun, longue rue principale à l'emplacementde laquelle se trouvait, il y huit siècles unbras de mer séparant la colonie slave del'établissement latin. Il y a sept cents ansque ce canal a été comblé et transformé enune artère centrale, "condamnant" lesLatins et les Slaves à vivre à jamais sous lesmêmes cieux. Les uns et les autres y virentun arrêt du destin et y trouvèrent leur avan¬tage. Grâce à quoi leur ville est devenueleur orgueil, grâce à quoi sur le Stradund'aujourd'hui, surtout durant les moisd'été, le passant peut entendre parler entrois douzaines de langues différentes.

Dubrovnik est restée ce qu'elle étaitautrefois avec ses palais ravissants, ses pla¬ces, fontaines et églises. Les Jeux théâ¬traux et musicaux, qui y réunissent chaqueété les grands interprètes du monde entier,témoignent de cet esprit cosmopolite tradi¬tionnel. Cette porte sur la Méditerranée, lesSlaves et, à notre époque, les Yougosla¬ves l'ont préservée comme une relique.Le souvenir s'y perpétue de la rigueur desanciens fondateurs de la petite République.

Ici, au bord de cette Méditerranée qui futautrefois le berceau de plusieurs civilisa¬tions, se déroule encore le plus précieuxéchange de traditions. Là où l'histoire ducontinent européen commença, là se per¬pétue son enrichissement.

VoukVoutcho

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A l'origine était la forêt. Les hommes vivaient en symbiose avecelle. C'est le bois qui fournit les maisons, les ustensiles, lesmeubles, chauffe le poêle et alimente les saunas. Les provincesdes pays slaves connaissent des villes en bois. Le monastère deNikolo-Karelskl, bâti au 16* siècle à l'emplacement de l'actuelleSeverodvinsk, dans le golfe d'Arkhangel au bord de la MerBlanche, fut transformé en forteresse en 1692. Une tour

octogonale fut ajoutée (photo ci-contre), une palissade et destours de guet, le tout construit en bois. Il s'agit là d'un rareexemple de fortification médiévale russe. Aussi cet ensemble fut-il transféré au Musée de Kolomenskoe dans les environs de

Moscou. A gauche, un soleil en bois. Ce soleil, au 18* siècle,ornait le mât des bateaux russes qui parcouraient les fleuves. Adroite, une femme-oiseau, la "slrine", génie tutélaire de lamaison, ailes déployées pour mieux protéger, nichait au-dessusdes fenêtres des anciennes isbas russes. L'Unesco, en

collaboration avec l'Association internationale pour l'Etude et laDiffusion des Cultures slaves, prépare un album consacré àl'histoire de l'architecture et de la sculpture slaves en bois, sousla direction du professeur polonais Andrej Ryszkiewicz, avec laparticipation de spécialistes du bois de Biélorussie, Bulgarie,Pologne, Russie, Tchécoslovaquie, Ukraine et Yougoslavie.

Le bois

p

vivantARMI les différents objets qu'utilisait la paysannerie tradi¬tionnelle dans sa vie quotidienne, le rouet occupe une placede choix et ce n'est pas là un hasard.

La femme de la campagne passait de longs mois assise à sonrouet. Les fiancés en offraient un à leur promise. C'est pourquoi lesrouets étaient souvent décorés de scènes se rapportant à la céré¬monie du mariage : l'arrivée du fiancé chez la fiancée, l'entrevueinitiale, les rendez-vous, les promenades des jeunes gens. Un rouetneuf distinguait la maîtresse de maison parmi ses amies lorsqu'ellesse réunissaient pour les veillées durant les longues soiréesd'automne et d'hiver. Les beaux rouets se transmettaient par héri- ktage de mère à fille, de grand'mère à petite-fille. f

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L'espritdu bois

En-haut, le "domovoï", du mot dorn, signifiant maisonen Russe. Il s'agit d'un esprit quelquefois trèsfamilier de la maison. Figurine en bois, à l'extrémitéd'un poteau, cette sculpture de facture très moderne,trouvée dans les fouilles de Novgorod.(URSS) date du14* siècle. Ci-dessus, le "Péché originel", détail d'uneIconostase de style baroque de l'Eglise Sainte-Marina àPlovdiv, en Bulgarie. A droite, une sculpture d'unartiste contemporain bulgare, Anton Doncev, évoquantla fécondité sous toutes ses formes, humaine, animale

et végétale.

y Dans la région de Kaline (URSS), les archéologues ont décou¬vert un rouet intact datant du second millénaire avant J.C. La

forme ressemble beaucoup à celle des rouets du 19* siècle...

Non seulement sa forme, mais aussi les scènes qui y sont pein¬tes permettent de déterminer l'origine d'un rouet. Par exemple lesartisans de la région de Vologda préféraient pour ornementation degrandes figures géométriques : cercles, triangles, lignes brisées.

Les peintres de Mezen dessinaient, d'un simple trait noir surfond brun, des troupes de chevaux et de rennes courant, des filesd'oiseaux en plein vol. Dans la région du lac Onega, on aimait toutparticulièrement représenter des fleurs et des bouquets luxuriantssur un fond vivement contrasté. Certains rouets, décorés par despeintres établis dans le bassin de la Dvina septentrionale, présen¬tent des décorations très expressives et aux couleurs éclatantes.Les sujets très variés représentent des animaux et des oiseaux fan¬tastiques, des plantes extraordinaires.

On utilisait le bois non seulement pour construire les maisons etles bâtiments qui les entouraient, mais aussi pour confectionnerdes ¡mages saintes, bâtir des églises, construire des bateaux, pourfaire des meubles. Avec le bois, on fabriquait aussi des jouets et dela vaisselle. On décorait d'objets en bois les maisons et les mâtsdes navires.

L'une des figurations les plus intéressantes et les plus répanduesde la sculpture sur bois orne les maisons construites dans la régionde la Volga : c'est celle de la Béréguinia (la "Protectrice"). C'est enquelque sorte l'ancêtre de la Protectrice que l'on sculptait sur lesnavires sous la forme d'une sirène (ce type d'ornement est aussidénommé "sculpture navale"). Ce personnage est apparu à l'épo¬que très reculée où l'on croyait en la puissance bénéfique d'unedivinité qui protégeait les hommes, durant leur navigation, desmauvais esprits de la nature. Dans le Nord, l'équivalent de la Pro¬tectrice est "l'Okhloupén", une grosse poutre de mélèze qui cou¬ronne le faîte de l'isba, et à l'extrémité de laquelle on donne l'allureà demi fantastique d'un cheval, d'une cane ou d'un renne.

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On considérait à l'origine que c'étaient là des animaux sacrés,des divinités bienveillantes. Mais de longs siècles ont donné à cesidoles anciennes une forme si achevée que les habitants, oublieuxde la symbolique première, en firent à la fois un élément indispen¬sable d'une structure de bois complexe, et l'ornement obligé detoute maison. Jusqu'à nos jours, dans les contrées lointaines duNord, les villages ont conservé de telles isbas. Dans certainsendroits, même actuellement, on prend les "Okhloupén" de vieuxbâtiments pour les placer sur les isbas neuves.

L'isba paysanne était également décorée de l'oiseau de paradis"Sirin" qui perpétue à travers les siècles l'écho des anciennescroyances païennes. Un autre personnage fantastique est le lionqui tient dans sa gueule ouverte le bout de sa longue queue. Satête évoque plutôt celle d'un chien : les artistes des campagnes neconnaissaient les animaux exotiques que par ouï-dire et les repré¬sentaient d'après l'idée qu'ils s'en faisaient. Le tendance à "habil¬ler" l'isba de sculptures sur bois apparaissait aussi dans la décora¬tion des chambranles de fenêtres. Elle rappelle les anciennes ser¬viettes brodées aux bords en dentelle, dont on décorait, selon lacoutume russe, les icônes ou les portraits.

L'étrange fantaisie populaire trouvait encore son expressiondans les ruches. Les ruches étaient taillées dans des billots de bois

auxquels on donnait par exemple la forme d'un ours ; cet ours dis¬simulait sous sa patte gauche une ouverture par où le miel étaitextrait. Ou bien c'étaient des ruches décorées d'un relief représen¬tant une femme ; la bouche et les yeux de cette femme servaientde portes de sortie aux abeilles. Dans l'écorce, on creusait des réci¬pients en forme de canard pour les boissons alcoolisées. On repré¬sentait aussi l'oiseau de "bonté". Dans les villages du Nord, cesoiseaux étaient placés sous le plafond, dans le "beau" coin del'isba, au-dessus d'une grande table et du bat-flanc le long desmurs. Sous l'effet de la vapeur du samovar, l'oiseau tournait enrond d'un mouvement régulier et majestueux comme s'il cou¬vrait du regard l'isba dans laquelle le bois inerte avait repris vie sousla main de l'artiste paysan.

La Dobraïa, littéralement "celle-qul-est-bonne",ou oiseau de bonté, né de l'imaginationcréatrice de l'artisan slave, s'est acclimaté dans

pratiquement toutes les isbas du monde slave.Suspendu au-dessus de la table, l'oiseau tourneIndéfiniment.

Le rouet est indissolublement lié à la maison et au

foyer. Les Slaves en firent de très riches en boissculpté, tourné, doré, incrusté, polychrome,pyrogravé. Les plus grandes dames ne dédaignaientpas de filer. Cadeau de noces, il était porteur demessages symboliques. La double Image de cetteplanche de rouet russe du siècle passé suggère lafondation d'un foyer : l'arbre familial conjugue labranche offerte par la femme au tronc apporté parl'homme ; branche et tronc réunis portent des fruitset évoquent l'accomplissement du mariage.

Cet ancêtre du fer à repasser sorte de calandre pourlisser le linge provient de Biélorussie. L'artisan,volontairement ou non, obtint en sculptant cet objet uneffet singulier : un ours sur ses 4 pattes (il sert d'anse)contemple un paysage où les arbres et les animauxsont couchés.

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Photo © APN, Moscou

Dans l'une des nombreuses îles du lac Oneganie Kiji, en Carélie se trouve un enclos

paroissial avec deux remarquables églises enbois du 18* siècle. On a aménagé là un muséeen plein air regroupant les bâtiments religieuxet profanes. La construction la plus singulièreest celle de l'église de la Transfiguration,édifiée en 1714 par des charpentiers anonymesqui n'utilisèrent pas un seul clou. L'église estsurmontée de 22 coupoles dont on voit undétail sur la photo.

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Détail de la façade d'une isba de Vologda,distante de 300 km de Moscou : dentelles

ajourées semblables à celles qui ornent leslinges qu'on suspend en draperie au-dessusdes icônes dans les maisons.

Les églises peuvent n'être que de'simples isbas surmontées d'une petitecoupole et pourvues d'un campanile,telle cette petite chapelle polonaise du19* siècle.

L'Eglise de Sainte Parasceve, dans levillage d'Alexandrovka, en Ukraineméridionale, fut construite au 18* siècle.Sainte Parasceve (dont le nom est lié au

vendredi, jour de la préparation de la Pâque)a pour but de rappeler le souvenir de laPassion du Sauveur, crucifié un Vendredi.

Ce moulin à vent tout en

bois de la région deKharkov en Ukraine,

construit au début de ce

siècle, a été transporté auMusée d'Architecture et

des traditions populaires deKiev (URSS). Les moulins à

vent, très séduisants pourl' abritent une

machinerie à plusieursétages : deux ou troisrangées de brochestravaillent à des niveaux

différents. Photo de

l'intérieur d'un moulin de

Moguilev, en Biélorussie.

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Pour accueillir

les abeilles

Joyeuses ou sévères, réalistes oucaricaturales, les ruches du monde slave

proposent aux abeilles des parcourssinguliers : elles entrent dans le nombrild'un ours en Russie, sortent par les yeuxd'une femme en Biélorussie, leur miel estrecueilli sous la calotte d'un ermite en

Pologne. Ailleurs, des ruchers, tantôt vontpar couple comme en Pologne, enTchécoslovaquie, tantôt sont des figuressolitaires, tel ce personnage enturbannéde Yougoslavie.

Pologne Pologne

Russie

Biélorussie Tchécoslovaquie

Yougoslavie

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Trois sculptures religieuses, trois pays slaves, trois stylesdifférents. En haut à droite, le roi David, prophète, poète etmusicien : d'un artiste anonyme de Smolensk, en Russie(18" siècle). Ci-dessus, Pierre, premier apôtre du Christ, tel que l'aimaginé, au 19", un artiste du village de Gorodiché, dans la régionde Brest-Litovsk, en Biélorussie. Ci-contre, à droite. Saint JeanNépomucene, prélat tchèque du 14* siècle, confesseur de la ReineJeanne, femme de l'empereur Venceslas IV, vu par un artistepolonais de la région de Limanova, au 19" siècle.

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Jean Hus, réformateur religieuxtchèque (1369-1415) fut considéréen Bohème comme un grandrésistant et un défenseur des

droits de l'homme, admiré pour

avoir eu le courage de sesconvictions, pour avoir refusé dese rétracter malgré les pressionsdes prélats et des princes. LucasCranach, peintre allemand du 16*siècle, le place dans sa gravure ensymétrie parfaite aux côtés deMartin Luther, réformateur

protestant allemand (1483-1546).Cet anachronisme s'explique parle fait que dans l'esprit del'artiste, ces deux hommes ont

toujours cherché à défendre lavérité.

"L'AME SLAVE"De la Baltique à la Mer Noire, une vaste communauté culturelle

par Slavomir Wollman

L^IDÉE que les slaves formaient untout s'est répandue fort tôt dans le

I monde non slave, dès les huitpremiers siècles de notre ère. On avaitconscience de la relative unité que mon¬traient la langue, la culture populaire, lescaractéristiques sociales et ethniques desSlaves. De nombreuses descriptions en ontété faites, justement à l'époque de la puis¬sante expansion territoriale des Slaves. Acette époque, ce groupe de tribus indo¬européennes n'avait encore ni écriture, niles autres outils de communication régu-

SLAVOMIR WOLLMAN, spécialiste tchécos¬lovaque de littérature slave comparée. Sous-directeur de la Revue "Slavia" (revue de philolo¬

gie slave). Membre du Comité international desSlavistes. Vice-président de l'Association inter¬nationale pour l'Etude et la Diffusion des Cultu¬res slaves. En 1968-69 fut professeur à l'Univer¬sité de Californie, Los Angeles, USA.

(ière indispensable pour que s'affirme uneconscience unificatrice sur l'immense

espace étendu de la rive occidentale del'Elbe à la Volga, de Rujana (Rügen) auPéloponnèse, de l'Italie du Nord à la Syrie.

Le nom générique des Slaves, Slovène,est indubitablement ancien et slave de for¬mation. Mais, là encore, ce sont avant toutles historiens grecs et latins, puis germani¬ques, à commencer par Pseudocaesariende Nazianze, Procope et Jordanes, qui enont fait une dénomination commune. Cesécrivains, et à leur suite, les voyageurs ara¬bes, s'accordent dans la description physi¬que des Slaves au seuil de l'ère historique :ce sont des hommes élancés, de hautetaille, aux cheveux blonds. On a aussiessayé d'en saisir le "caractère national". :"Ces peuples, Slaves et Antes, écrivaitProcope, historien de l'empereur Justinien,ne sont point soumis au pouvoir d'un seulhomme, mais depuis les anciens temps

vivent en démocratie et pour cette raisonexaminent toujours en commun les affairesagréables et difficiles... Ils n'ont nulleméchanceté ou malice, mais sontsincères..."

En même temps, on parlait du caractèrebelliqueux et de la bravoure des Slaves.Leurs adversaires, à l'époque du hautmoyen âge, les appelaient cruels dès queles Slaves employaient à leur tour lesmoyens coutumiers dans la partie déjà"civilisée", c'est-à-dire romanisée del'Europe.

Ainsi, dès les temps les plus anciens seformait la notion d'une "unité slave", d'un"caractère slave" et même d'une "âme

slave". Cette notion, mêlant les faits et lesproduits de l'imagination, était passable¬ment incohérente. Plus d'une fois, elle

tourna au mirage ou se trouva intégrée àdivers mythes sur le thème de l'oppositionOuest/ Est.

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Les Slaves adoptaient d'ailleurs quelque¬fois les caractéristiques que les étrangersleur donnaient et qui prenaient place à côtéde leurs propres représentations, s'inté-grant à leur propre expérience. La cons¬cience d'une communauté d'origine, d'uneparenté linguistique, et l'expérience tou¬jours accrue d'une commune destinée his¬torique ont marqué les plus anciens monu¬ments littéraires slaves. Elles se retrouvent

sous des formes variables tout au long del'histoire.

Mais en même temps, et cela dès le hautmoyen âge, se déroule un processus de for¬mation, de transformation et de cristallisa¬tion de peuples slaves distincts. Ce proces¬sus est la prémisse indispensable au déve¬loppement de relations culturelles, politi¬ques et autres entre Slaves. Cette dialecti¬que de l'intégration et de la différenciationest essentielle pour comprendre les liensqui s'établissent entre les peuples slaves àpartir du 9* siècle, et jusqu'au 19* siècle oùils deviennent objet d'étude scientifique.

En 1826, Pavel Jozef Safarik fit paraître àBuda son "Histoire de la langue et de la lit¬térature slaves dans tous les dialectes".

C'était la première tentative sérieuse pourmontrer le développement de la cultureslave dans son ensemble, avec ses ressem¬blances et ses divergences. Le sujet et laconception de l'ouvrage, sa langue, le lieuet la date d'édition eux-mêmes et enfin la

personnalité de l'auteur sont tout à faitsignificatifs.

L'auteur était slovaque d'origine. Poètedans sa jeunesse, il enseigna ensuite dansun lycée serbe à Novi Sad dans une pro¬vince serbe placée sous la domination desHabsbourg. Par sa biographie, Safarik estun savant tchèque et il prend position con¬tre l'usage d'une langue littéraire slovaquedistincte du. tchèque. Or l'apparition decette langue reflète justement à cette épo¬que le processus de formation d'une nationslovaque autonome, ce qui va avoir pourconséquence la rupture de l'ancienne unitélinguistique tchécoslovaque.

Ainsi Safarik appartient-il de droit à l'his¬toire de deux cultures et de deux littéra¬

tures : la tchèque et la slovaque. Ce n'estpas du tout une exception, ni pour l'épo¬que, ni pour l'histoire culturelle slave dansson ensemble. Les bilingues, les auteurs endeux langues, ou, en un sens plus large, leshommes de culture ¡nterslave ne sont pasrares. Ils ont toujours joué un grand rôledans les liaisons culturelles entre les Sla¬

ves.

Les frères Constantin (Cyrille etMéthode), Grecs de Salonique qui, selon laVie des Saints, "parlaient couramment leslave" créent en Grande Moravie la pre¬mière langue littéraire slave (basée sur ledialecte slave parlé dans leur ville natale).Ils créent aussi la littérature slave la plusancienne, littérature que leurs disciplesmoraves transmettront aux groupes duSud. De là, des centaines d'écrivains,d'artistes et d'artisans vont, jusqu'au 16*siècle, aller s'établir en Russie et participerà l'essor culturel des Slaves de l'Est. L'évê-

que tchèque Vojtech, qui devient un dessaints patrons de la Pologne (sous le nomde Saint Adalbert) et l'écrivain humaniste

Bartolomej Paprocki, un Polonais quis'intégra à la vie culturelle tchèque, ne sont

que deux des innombrables exemples dedouble appartenance qui caractérisent lesrelations culturelles polono-tchèquesdepuis le haut moyen âge jusqu'à la Renais¬sance et même au-delà. Au 17* siècle, cettetradition est reprise par Komenski (Come¬nius). Komenski dirigeait la puissante colo¬nie protestante de l'Union des Frères Mora¬ves chassés de leur patrie par la Contre-Réforme. Cette colonie s'était établie dans

la ville polonaise de Leszno. Comme exem¬ple d'appartenance serbo-ukrainienne, onpeut citer Emanuil Kasacinski, ancien élèvedu Grand Séminaire de Kiev, qui fut le fon¬dateur du théâtre slavo-serbe dans la pre¬mière moitié du 18* siècle.

Outre les personnages de ce type, il fautévoquer, bien entendu, une masse d'inter¬médiaires dont le nom ne s'est pas con¬servé. Vivant entre les cultures slaves, ilstiraient parti de la parenté des langues etdes conditions d'assimilation relativement

favorables dans un autre pays slave : ycompris le flot continu de baladins, de jon¬gleurs, de chanteurs, de joueurs de gusli et

autres comédiens ambulants issus du peu¬ple. Bien avant l'émancipation des actuel¬les nations slaves, bien avant Safarik, ilscontribuèrent à ce qu'un ami de celui-ciJan Kollar (1793-1852), l'un des représen¬tants de la double appartenance aux littéra¬tures tchèques et slovaque, a appelé la"mutualité slave".

Il est caractéristique également queI' "Histoire" de Safarik ait été publiée dansla capitale hongroise qui était un centreimportant de la renaissance nationale nonseulement pour les Hongrois, mais aussipour les autres Slaves. En dehors de Buda,il y eut de semblables centres culturelsinterslaves à Vienne, Leipzig, Dresde, Cluj,Venise et, par la suite, à Istanbul et Paris.De la sorte, les relations culturelles entrepeuples slaves acquéraient d'embléel'échelle européenne, s'intégraient auxéchanges culturels européens et mondiaux.Safarik, poète et connaisseur hors pair desa langue, a écrit intentionnellement son"Histoire" en allemand pour qu'elle servemieux à l'instruction non seulement des

Comenius, nom latinisé de

l'humaniste tchèque JanAmos Komenski (Moravie

1592-Amsterdam 1670).

Fuyant le régime depersécution instauré parl'empereur catholiqueFerdinand II, il se réfugia àLezno en Pologne en 1628.Précurseur de la penséemoderne dans le domaine

de la pédagogie, sarenommée dépassa lesfrontières à la suite de la

publication de ses traitésprônant l'école à tempscomplet et proposant denouvelles méthodes

pédagogiques. Il fut invité àexposer ses idées enAngleterre, en Suède et enHongrie. Ayant perdu tousses biens lors de l'incendie

de Lezno en 1652,

Comenius se réfugia àAmsterdam. Le Sénat

d'Amsterdam assura la

publication de sesPhoto (1) Comenius,

gravure de David Loggan,en page de titre d'uneanthologie de textespédagogiques intitulés"Didáctica Opera Omnia".Photo (2) Comenius

envisage quatre degrésd'instruction : les écoles

maternelles, l'écolenationale réunissant les

enfants de toutes

conditions de 6 à 12 ans, le

gymnase et l'université.Photo (3) Gravure horstexte d'"Orbis Sensualium

Pictus" (le monde en

images), précurseur desmanuels scolaires illustrés.

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cercles cultivés slaves, mais aussi desmilieux non slaves et tout particulièrementdes jeunes. En outre, Safarik voulait com¬pléter les connaissances, élargir l'horizonlittéraire proposé à l'époque au public delangue allemande.

Les traductions et adaptations de sonlivre en Europe occidentale et en Amériqueconfirment toute l'actualité de son travail.

Les thèses sur la littérature mondiale pro¬posées un an plus tard par Goethe visaientle même objectif : inclure l'iuvre d'unpeuple dans le contexte culturel mondial aumoment où le monde, après la Révolutionfrançaise et avec la formation des nationsmodernes en tant que sujets souverains del'histoire, était entré dans une nouvelle voiede développement.

Le mouvement d'émancipation desnations slaves visait à leur constitution, leurautodétermination ou à leur renaissance,autrement dit à leur libération des "prisonsdes peuples" qu'étaient l'Empire ottoman,celui des tsars et celui des Habsbourg. Ilvisait aussi à leur entraide mutuelle. Ce

mouvement trouvait certes un pointd'appui dans les idées de Johann GottfriedHerder, écrivain allemand du 18* siècle, quiavait prédit aux Slaves un brillant avenir.Mais le sentiment de la parenté slave, de lacommunauté des peuples slaves, celui de lavaleur de leur langue et de leur culture, ycompris la culture populaire, s'appuyait surune expérience millénaire ; de même, l'idéed'une coopération culturelle et de sa néces¬sité dans la lutte pour la liberté nationale etsociale. L'historien saxon Widukind notait

déjà en 967 que les Slaves oubliaient touteespèce de souffrances au nom de leur

Fondé par Jean de Rila,au 10* siècle, au cuur des

monts Rhodope dominantla plaine de Sofia enBulgarie, le monastère deRila fut plusieurs foisdétruit et reconstruit. La

tour du Prince Hreljo (14*siècle) qui fut le donjondu monastère fortifié de

Rila, est le bâtiment le

plus ancien de l'ensemblearchitectural. La plupartdes structures existantes

datent des 18*-19* siècles,

époque de la Renaissancenationale bulgare (1762)où l'essor économiquedes bourgeoisies locales,la relative indépendancedes villes, les contacts

avec l'Europe occidentaleont contribué à libérer les

arts et la culture.

Fresques, icônes,iconostases sculptées,une bibliothèque de 16.000volumes d'incunables

rares sont la richesse de

ce monastère. Il resta

tout au long del'occupation turque unhaut lieu de la culture

bulgare.

chère liberté ("omnem miseriam carae

libertatis posteponendes").

Cette tendance permanente s'est affir¬mée avec une force nouvelle au moment

précis où Herder attribuait aux Slaves uncaractère angélique... Même Kollar qui, autemps douloureux de la Sainte-Alliance,appelait la communauté culturelle slave"une douce brebis dans la vie des

peuples", ne partageait sans doute pascette opinion de Herder : le programme dela "mutualité slave" était avant tout un pro¬gramme de lutte, pour une libération quiétait en cours et qui, dans les insurrectionspaysannes du 18* siècle, possédait déjà cecaractère interslave.

On peut citer la participation de Polonaisà la révolte populaire dirigée par Pougat-chev. Pouchkine l'a rappelée fort à proposaprès la défaite du soulèvement desDécembristes en 1825, après celle del'insurrection polonaise de 1830-1831, lesdeux plus importante actions entreprisescontre la tyrannie tsariste. Les paroles dePouchkine contiennent une allusion aux

associations secrètes de Russie, d'Ukraine

et de Pologne qui avaient pour programmel'affranchissement des Slaves. L'une de

ces associations s'était d'ailleurs baptisée"Société des Slaves unis".

Ainsi, fes idées et l'exemple de la Révolu¬tion française avaient conservé leur valeur,même à l'époque où triomphaient les"anciens régimes". Il faut ajouter que cesidées de libération étaient tombées dans les

pays slaves sur un terrain favorable, pré¬paré par les générations antérieures. En1775 déjà, sept mille paysans armés, quis'étaient soulevés en Tchécoslovaquie

orientale, avaient inscrit sur leurs drapeaux"La liberté ou la mort", devise qui estcomme une préfiguration de la Révolutionfrançaise.

Pour avoir participé à des cercles d'étu¬diants clandestins à Wilno, le jeune poètepolonais Adam Mickiewicz fut expulsé enRussie. Les autorités tsaristes espéraientainsi paralyser l'activité d'un des militantsdu mouvement de libération polonais et leramener à la raison. Mais l'imprévoyantetyrannie suscita par là-même le rapproche¬ment de Mickiewicz avec les Décembristes

et ceux qui les soutenaient. Elle créa lesconditions d'un rapprochement amical etd'une collaboration créatrice entre les deux

plus grands poètes slaves de ce temps, lePolonais Mickiewicz et le Russe Pouchkine.

Il ne fait pas de doute que tous deux seconfortèrent mutuellement dans leurs idées

sur l'importance de la création poétiquepour la littérature nouvelle, authentique-ment nationale, qu'ils forgeaient. Cela s'estmanifesté clairement dans les "Chants des

Slaves du Sud" de Pouchkine, dans les"Dziady" et dans "Pan Tadeusz" de Mic¬kiewicz.

L'intérêt manifesté pour le folklore, sa¡ collecte et sa mise en forme littéraire (sou¬

vent avec la conscience poétiquementexprimée de la communauté slave) devientun courant puissant et durable. Le mouve¬ment, ici, a commencé avec Ivan Cesmicski(Janus Pannonius) qui, dans la secondemoitié du 15* siècle, a exprimé en verslatins tout le pittoresque des chansons etlamentations croates.

C'est de cette vieille tradition slave queSUITE PAGE 72

Page de droite

En Pologne, à Cracovie, le château de Wavel,médiéval à l'origine, devient, aux 14*, 15* et16* siècles, résidence ducale et royale. Lesarchitectes consacrent leurs soins à embellir

les châteaux. A Wavel, l'iuvre qui en résulteest un amalgame des styles de l'architectureitalienne avec des solutions proposées pardes artisans locaux. Dans les années 1516-

1517, Wavel s'enrichit de la chapelleSigismond, lieu de culte destiné à servir demausolée au roi, proclamant sa grandeur etsa puissance. L'esprit d'humour irrespectueuxne manqua pas de s'y manifester, en logeantdans les caissons supérieurs, invisibles auxfidèles, des figures grotesques peu décentes.En haut à droite, une mitre dorée offerte parles tsars Jean et Pierre et la Tsarine Sophieau Métropolite de Kiev, Guédène Sviatopolk.Cette mitre a été exécutée d'urgence par desjoailliers moscovites à partir d'éléments deprovenances diverses : franges dorées de'vêtements sacerdotaux, châssis

d'Evangéliaire... Ci-contre : peinture naïveanonyme du 19* siècle. Un cosaque joue de labandoura, instrument à cordes employéencore en Orient et dans certains pays slaves.Près de lui son indispensable cheval ; autourde lui les objets qui serviront pour la route àce cosaque ukrainien qui partage le sort debeaucoup sur cette terre russe où l'appel del'espace a existé de tout temps.

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ENTRE LES SLAVES ET L'OCCIDENT

Le dialoguedes artistes

et des savantspar Igor Belza

IGOR BELZA, savant soviétique, pédagogue,historien de la musique, spécialiste des culturesslaves. Membre de l'Institut des Etudes slaves etbalkaniques auprès de l'Académie des Sciencesde l'URSS. Rédacteur en chef de la Revue "Lec¬tures de Dante". Auteur de nombreux articlessur les cultures slaves.

LES liens entre l'Occident et les paysslaves se sont tout naturellement

multipliés et renforcés au cours dessiècles. Certains de ces liens sont notoires,comme le sont nombre d'apports dumonde slave à l'Occident. D'autres restent

trop ignorés.

On connaît bien, par exemple, la Polo¬naise Maria Sklodowska, qui a décquvert,avec son futur mari Pierre Curie, le phéno- wmène de la radioactivité produite par la*

Les Sorabes, Slaves de Lusace, que les Allemands appelaient Wendes, sont lesdescendants d'un peuple slave établi au 9* siècle dans le bassin de l'Elbe, entre les villesde Dresde et de Cottbus, dans l'actuelle République démocratique d'Allemagne. Ils nesont plus que 100 000 environ. La Lusace jouit de l'autonomie culturelle : des écrivains, despoètes, des musiciens, maintiennent en vie la culture des Sorabes. Ci-dessous, jeunesfemmes sorabes en costume traditionnel.

Page de gauche

Parmi les manuscrits de l'époqued'Ivan Alexandre (1331-1371) celui dit

des "Quatre Evangiles du Tsar Ivan-Alexandre" (ou Evangéliaire deLondres) est un des plus importants.En 1356, à Tirnovo, en Bulgarie, lemoine Siméon, calligraphie consommé,copia à l'intention de ce tsar unevangéliaire enrichi d'enluminures. Laminiature représente le Jugementdernier. Dans la partie inférieure àgauche, l'artiste a peint Ivan Alexandreaux côtés de la Vierge Marie. En-bas, àdroite, une enluminure d'un manuscrit

du 14* siècle "Liber Viaticus". Dans ce

manuscrit, les illustrations n'ont rien à

voir avec le texte, ce qui donne lieu àune explosion d'imagination créatricecomme en témoigne cette scènequotidienne de la vie des bergers. Enbas, à gauche, Satan ayant revêtu unhabit de moine. Miniature extraite du

Codex de Jena de la fin du 15* siècle.

Le sujet, férocement satirique retracele pouvoir oppresseur des prélats quiredoutaient un bouleversement social

provoqué par les doctrines de JeanHus.

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Photo V. Zamaraev © Photokhronika Tass

Voltaire par PouchkineA l'exemple de Catherine II, Pouchkine futséduit par les encyclopédistes français, enparticulier par la prose critique etphilosophique de Voltaire.

Pouchkine

par PouchkineL'un des autoportraits du célèbre écrivainrusse où il s'est plu à Imaginer savieillesse. Il mourait à l'âge de 38 ans.

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"Un phénomène extraordinaire et unemanifestation peut-être unique de l'âmerusse" dit Gogol, "le commencement descommencements" notera Dostoïevski à

propos d'Alexandre Pouchkine. Novatrice,son luvre unit pour la première fois laculture littéraire et la prosodie auxtraditions de la langue et de l'espritpopulaires. Son existence brève maistumultueuse le conduisit à la puretragédie. Il épousa Natalya Goncharova en1831. "Je suis obligé de fréquenter lemonde, ma femme est très à la mode,

tout cela nécessite de l'argent, mais del'argent je ne peux m'en procurer que parle travail et le travail veut la solitude..."

disait-il. C'est en défendant l'honneur de

sa femme qu'il fut mortellement blessé aucours d'un duel en 1837.

Mickiewicz

par PouchkineUn écrivain romantique russe rencontre unécrivain romantique polonais en 1826.Tous les deux proclament une foipathétique dans le destin de leurs nations,et puisent au cLur du folklore, les véritésvivantes de la culture populaire.

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k désagrégation de la matière. Mais on sait' peut-être moins que Lomonossov (écrivain

et savant russe, 1711-1765) et Lavoisier(chimiste français, 1743-1794) découvrirentindépendamment l'un de l'autre la loi deconservation de la masse.

On connaît bien René Descartes, père durationalisme philosophique. On ne sait pastoujours que Descartes eut pour contem¬porains les "frères polonais" dont les cen¬taines d'ouvrages (en particulier ceux deSzymon Budny et de Wolcogen) furentpubliés en 1656 à Amsterdam sous le titregénéral de "Bibliotheca Fratum Polono-rum". Or ils exercèrent une sérieuse

influence sur Spinoza, philosophe hollan-

Mickiewicz

par DelacroixLa peinture romantique du deuxième quartdu 19* siècle se forma en partie sousl'influence de Géricault et de Delacroix.

Mickiewicz, lui, occupa la chaire delittérature slave au Collège de France àParis.

dais du 17* siècle, (en particulier sur son"Ethique") ainsi que sur John Locke (philo¬sophe anglais, 1632-1704), dont l'guvre àson tour Contribua au développement de lapensée matérialiste en France.

Il faut rappeler ici également le nom de"l'instituteur du peuple", l'auteur de la"Grande Didactique" qui a connu une dif¬fusion tant en Occident que dans les paysslaves : le pédagogue tchèque Jan AmosKomenski, dit Comenius, contemporaindes "frères polonais". Comenius considé¬rait que les principes de l'humanismedevaient être assimilés dès le plus jeune âgeet avait mis au point un système harmo¬nieux d'éducation scolaire. Il n'est pas diffi¬cile de trouver l'écho de ses conceptionsdans les �uvres du Suisse Pestalozzi.

A mesure qu'on étudie l'histoire cultu¬relle des peuples slaves, des figures remar¬quables sortent peu à peu de l'ombre. C'estainsi qu'on a appris beaucoup en étudiantl'activité de Franciszek Skorina, premierimprimeur de Biélorussie, qui avait reçu enOccident une éducation très poussée ; ouencore celle du "philosophe vagabond"

de Chopin-, il nota dans son jour¬nal : "Rien de banal, une composition par¬faite. Il est difficile de trouver quelquechose d'aussi achevé... Comme chez

Mozart, il y a là des airs qui semblent surgird'eux-mêmes, comme si on les entendaitdéjà à l'avance". Plus tard, il fit un parallèleentre Chopin et Dante.

C'est sous l'aspect du "plus grand despoètes" ("altissima poeta") que Delacroixreprésenta Chopin, aussi bien sur le "pla¬fond d'Homère" dans la bibliothèque duSénat à Paris, que sur un dessin fait proba¬blement peu de temps après la mort dumusicien, dessin qui porte l'inscription"Cher Chopin".

On peut légitimement parler d'une com¬munauté de vues et d'aspiration des deuxmaîtres. Delacroix a peint "La barque deDante", "Les massacres de Scio", "Laliberté guidant le peuple", "La Grèce expi¬rant à Missolonghi"... Ses allientune perception romantique de la nature àune dénonciation véhémente de l'injustice.

Dans les sonates de Chopin, dans sesBallades, sa Fantaisie et même dans de

Chopinpar DelacroixDelacroix, tout au long deson Journal exprime sonadmiration pour Chopin.Ainsi Chopin, couronnéde lauriers comme Dante,

qui reprenait à soncompte la couronne deVirgile, tel le dessinaDelacroix en ajoutant cessimples mots : "CherChopin".

d'Ukraine Sv (comme il se nommait

lui-même) : Grigori Skovoroda. Les nomsde Sko'rina et de Skovoroda sont

aujourd'hui intégrés à l'histoire de l'huma¬nisme européen.

L'exemple le plus éclatant est peut-êtrefourni par l'amitié de Delacroix et de Cho¬pin. Comme on sait, le célèbre peintre fran¬çais fréquentait de nombreux écrivains,peintres et compositeurs. Il était très liéavec certains d'entre eux. Mais, pour lui, leplus grand de tous était Chopin. Pendantles dernières années de la vie de Chopin,Delacroix rendait souvent visite au "grandhomme mourant". Peu de temps après lamort de son ami, ayant écouté plusieurs

nombreux préludes et études, Delacroixn'entendait pas seulement des "exclama¬tion de colère" dantesques, mais aussi desappels implacables à la lutte.

Les chefsd' de la littérature occi¬

dentale ont vite exercé une grandeinfluence sur les créateurs slaves. Pouch¬

kine, parlant des cimes de la littératuremondiale, nommait Goethe à la suite deDante, de Shakespeare et de Milton. Lethème de Faust cette recherche éperduede l'absolu sur terre a été repris parfoisde manière originale dans la littératureslave. Un exemple curieux est le très beauroman de Mikhaïl Boulgakov "Le Maître et iMarguerite", où l'auteur inverse le thème I

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_ LI tACmC *V M'VW'i

St. Pétersbourgou la portelargementouverte

sur l'EuropeSaint-Pétersbourg est enelle-même un décor de

théâtre. Cette ville devint

au 19* siècle le haut lieu de

la danse et au théâtre Kirov

dansèrent la fameuse

Pavlova et Vatslav Nijinski.A gauche, extraits d'unenotation de la chorégraphiede Nijinski pour "Le Sacredu Printemps", ballet créépar Serge Diaguilev pourses Ballets russes. Ces

notations datées de 1913

sont signées ValentineHugo peintre et décoratricede théâtre française.

> de Faust au point que l'on a pu dire de cettequ'elle était un anti-Faust.

L'association des noms de Tourguenievet de Flaubert peut être, à bien des égards,considérée comme un symbole. Stendhal anoté que, pour bien traduire les duvresd'un écrivain, il fallait avant tout l'aimer. Onen a un admirable exemple avec la traduc¬tion que fit Tourgueniev de "La légende deSaint Julien l'Hospitalier" de Flaubert,

Des centaines de personnages de la

"Comédie humaine'.' de Balzac hantent les

uuvres de Gogol et de Tourgueniev, deDostoïevski et de Tchékhov. En dépit deleurs particularités nationales très mar¬quées, les émotions, les sentiments et lesdrames de ces personnages sont devenusle bien commun de l'humanité. De même

pour la protestation contre l'injusticesociale et, souvent, sa dénonciation satiri¬que, portées à une force extrême dansles "Ames mortes" et le "Révizor" de

Gogol.

"Je vous envoie un nouveau chargementde contrebande" écrivait le comte Fikel-

mon, ambassadeur d'Autriche, à Pouch¬kine, en lui faisant parvenir un nouveauroman de Balzac dont le tsar Nicolas 1er

interdisait la diffusion en Russie. En 1850,Vaclav Bendl écrivait dans la "Revue du

Musée Tchèque" que "le nom de Pouch¬kine était devenu le symbole de tous lesinsoumis".

Des spécialistes anglais du théâtre m'ontdéclaré au cours d'un entretien que l'euvredramatique de Tchékhov représentait ungrand événement dans l'histoire du théâtre.Tchékhov, disaient-ils, a fondé le principedu "non-vedettariat" en ne plaçant pas aucentre de ses un personnage éclip¬sant tous les autres : "Le choix judicieux del'acteur (vedette) qui joue Hamlet assure lesuccès du spectacle... Ni dans la Cerisaie,ni dans Les Trois sours, ni même dans LaMouette il n'y a de personnage central ausens communément admis de ce terme :

c'est un système de personnages liés entreeux qui se développe".

Il n'est pas besoin d'insister surl'audience que se sont acquises en Occi¬dent les nuvres des classiques de la littéra¬ture polonaise ou russe, ou sur la diffusiondes grands écrivains italiens, français,anglais, allemands, espagnols ou scandina-

Ci-dessus, Olga Knipper Tchekova dans lerôle de Pernelle du "Tartuffe" de Molière.

Elle faisait partie de la troupe du théâtred'art académique de Moscou. Elle épousale célèbre écrivain russe, Anton Tchékov,en 1901 après avoir joué dans quelquesunes de ses pièces.

A gauche, Shakespeare vu à travers leprisme d'un grand metteur en scène russe,Georgel Tovstonogov au théâtre Gorki àLeningrad dans "Henri IV" (premièrepartie).

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ves dans les pays slaves. Ce n'est pas seu¬lement la puissance des images, mais lalangue même des peuples slaves qui a attirél'attention des maîtres de la littérature occi¬

dentale : Mérimée, célébrant Pouchkine, apu dire qu'aucune langue européenne, àl'exception du latin, n'était à même de ren¬dre la beauté et la concision des vers russes

dans le poème "Antchar". Et l'écrivainfrançais en traduisit à titre d'exemple unpassage dans la langue de Virgile...

Dans le domaine musical, les relationsculturelles de l'Occident avec les Slaves ont

été depuis longtemps particulièrement pro¬fondes et diverses.

La musique de Glinka, de Borodine, deMoussorgski, de Tchaïkovski, de Rimski-Korsakov, de Chopin, de Szymanowski, deSmétana, de Dvorak, de Janacek estentrée dans le répertoire universel, maisGlinka et Rimski-Korsakov ont, par exem¬ple, développé des thèmes espagnols ;Rimski-Korsakov a pris, pour l'une des scè¬nes de son opéra "Sevilla", un sujet tiré dela vie de l'ancienne Rome. Szymanowski arecréé des personnages du moyen âge sici¬lien ; Dvorak a mis en musique, dans sa"Neuvième symphonie", des tableaux del'épopée indienne de Hayawata, d'aprèsLongfellow ; Rakhmaninov et Miaskovskiont puisé dans l'nuvre poétique d'EdgarPoe.

Il faut aussi évoquer les "slavismes" quel'on trouve déjà chez Bach, mais davantageencore chez les quatre grands classiquesviennois : Haydn, Mozart, Beethovenet Schubert. Dans les "quatuors Razu-movski" de Beethoven, écrits sur com¬mande du mécène russe, se reconnaissentdes mélodies de chants populaires russes.Haydn, qui était originaire du bourg croatede Trstnik, rebaptisé par les autorités autri¬chiennes Rohrau (selon certaines informa¬

tions, sa langue maternelle aurait été lecroate), et à sa suite Mozart et d'autrescompositeurs viennois encore, ont suapprécier et utiliser la beauté et la richesseémotives des airs tchèques, slovaques,polonais, ukrainiens, que l'on pouvaitentendre sur le territoire de la "monarchie

en patchwork" des Habsbourg.

Lorsque Tchaikovski voulut, dans son"intermède pastoral" de la "Dame dePique", écrire une musique dans l'esprit deMozart et de son époque, il prit un thèmedans un concerto pour piano de Mozart. Orce thème n'était autre que la tendre mélo¬die de la chanson lyrique tchèque "Melajsem holoubka" ("J'avais un tour¬tereau")...

Par la suite également, la musique slaven'a cessé d'attirer l'attention de l'Occident.

On connaît la brillante orchestration des

"Tableaux d'une exposition" de Mous¬sorgski réalisée par Ravel qui, de même queson aîné Debussy, appréciait vivement lamusique du "groupe des Cinq" (Cui,Rimski-Korsakov, Balakireff, Glazounov,Borodine). L'estime n'était pas à sens uni¬que : les complètes de Debussy etde Ravel on été éditées récemment à Mos-,

cou en de nombreux volumes. Les musico¬

logues russes ont consacré bien des mono¬graphies à ces si typiquement occi¬dentales.

Igor Belia

Un exemple de gravurepopulaire du 17' siècle où lasatire s'exerce contre Pierre le

Grand sous la forme d'un chat à

cause du port des moustaches.L'augmentation des impôtssuscitait des révoltes dans tous

les pays. La protestation desmasses populaires se confondaitavec la lutte de la "vieille-

croyance" dont les disciples,persécutés pour avoir refusé deréviser la liturgie, devinrent lesymbole de la lutte contrel'asservissement, d'où l'humour

féroce de la gravure.

Leningrad est la deuxième ville de l'URSS, située surle delta de la Neva. C'est la ville de Pierre le Grand,de la Grande Catherine et de Lénine. Ville-héros,

ville-musée par elle-même, il suffit de regarderl'enfilade des palais jaunes ou verts amande, lescanaux ombragés, les chevaux d'airain, les sphinx etson Cavalier de Bronze. Leningrad reste l'une desplus belles villes du monde. Ci-dessus le Canald'Hiver.

Le Musée de l'Ermitage, l'un des 50musées de Leningrad est l'un des plusbeaux musées du monde. Construit à la

demande de Catherine II, désireuse d'avoir

un palais spécial pour ses collections, ilfut bâti entre 1764 et 1767 et ouvert au

public pour la première fois en 1852. C'està l'Ermitage que l'on voit des collectionséblouissantes d'art oriental, notamment

en provenance des steppes de l'Asiecentrale, un ensemble somptueux de

peintures européennes depuis l'époque duMoyen Age, et des collections de pierrestaillées et de joyaux Inestimables. Ci-dessus, l'entrée du Musée.

Les fonctionnaires russes sous Pierre le

Grand se virent interdire le port de labarbe. Ils devaient également troquer larobe orientale pour l'habit à l'européenne.En fin de compte, le port de la barbe futtoléré moyennant une taxe spéciale qui nefrappait ni les prêtres ni les paysans. Surcettre gravure un barbier coupe la barbed'un vieux croyant.

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Ces deux sphères côte à côte évoquenten quelque sorte la conquête de l'espacedepuis l'astrolabe arabe du 11* siècle (ci-contre) qu'utilisait l'étudiant Copernicpour ses observations et calculsastronomiques à l'Université Jagellone àCracovia, jusqu'à la jonction desvaisseaux cosmiques de la cabinesoviétique Soyuz-19 et du vaisseauspatial américain Apollo, le 17 juillet1975. Cette maquette figurant cetévénement est exposée de façonpermanente au Pavillon du Cosmos (àdroite) à l'Exposition des Réalisations del'Economie nationale de l'URSS.

DE COPERNIC A KOROLEV

La sagade Faventure

spatiale

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par Bogdan Suchodolski

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Photo I. Gavrilov © APN, Moscou

LJT HOMME et l'espace. Aujourd'hui,ces mots évoquent pour nous uncosmonaute qui fait le tour de la

Terre dans son vaisseau spatial et, parfois,quittant ce refuge à la fois fragile et sûr, selivre à une promenade à demi fantastiquesur un fond d'étoiles. Mais pour en arriver àcette promenade, il a fallu parcourir un longet difficile voyage : découvrir les lois quirégissent l'Univers et créer les moyenstechniques qui permettent de bondir versles astres.

Pour que l'homme puisse vaincre l'obsta¬cle de l'attraction terrestre, il lui a fallud'abord connaître le monde et multiplierses propres forces. Des savants de diffé¬rentes époques et de divers pays ont con¬sacré leurs efforts à ces tâches où espoirset rêves, fantaisies philosophiques et poéti¬ques venaient se mêler aux calculs mathé¬matiques les plus exacts.

BOGDAN SUCHODOLSKI, philosophe polo¬nais, spécialiste de l'histoire des sciences, estmembre du Praesidium de l'Académie des

Sciences de Pologne. Il est l'auteur de nom¬breux ouvrages sur les aspects sociologiques dela science, de la technologie et de l'art, et sur lesproblèmes de pédagogie.

Au moyen-âge et à la Renaissance, desPolonais ont frayé la voie. Au 13* siècle,Vitello élabora une théorie philosophique etscientifique qui englobait la structure del'existence, les principes du raisonnementmathématique, l'analyse des phénomènesnaturels (surtout de la physiologie et de lapsychologie de l'homme) et l'astronomie.De ce vaste ensemble n'est parvenu

jusqu'à nous qu'un traité sur la perspective,recopié à maintes reprises au moyen-âge etréédité de nombreuses fois au 16* siècle.

Kepler utilisa ces travaux dans ses propresrecherches. La conception de la lumière deVitello était à la fois métaphysique ("lumendivinum", "lumière divine") et physique.La lumière devenait en quelque sorte uneforme de l'existence de la nature et de

l'homme capable de la voir.

Nicolas Copernic réalisa le pas décisif,mais son système héliocentrique est en faitaussi une audacieuse philosophie de lalumière de la lumière du soleil comme

source universelle de vie. On réduit parfoisà tort la théorie de Copernic à la thèse selonlaquelle la Terre tourne au sein de l'uni¬vers : or Copernic ne se borna pas à attri¬buer un mouvement à la Terre mais, et

c'est le plus important, il fixa aussi le soleil IIl ne s'insurgea donc pas seulement contrela tradition philosophique qui représentait

la Terre comme le centre fixe de l'Univers, ilréfuta aussi nombre de théories fondées

sur la perception sensible, selon lesquellesce n'était pas la Terre qui tournait, mais leSoleil.

La théorie de Copernic trouva de nom¬breux continuateurs, notamment en Polo¬gne. Jan Hevelius (1611-1687), dans sonlaboratoire privé, menait des observationsnombreuses et complexes. Il se rendit célè'bre en Europe par un ouvrage qui décrivaitla surface de la Lune ("Sélénographie",1647) et qui était illustré de fort belles car¬tes. C'était une novatrice. La longuenostalgie des hommes à l'égard du satelliteargenté de la Terre y trouvait une issuedans une description détaillée fondée surdes recherches minutieuses et opiniâtres.

Dans le même temps où un astronomethéoricien travaillait à élucider les secrets

de la Lune, un autre homme, un ingénieur,réfléchissait aux possibilités d'y parvenir.Ce technicien était Kazimekz Semenowicz,

dont l' consacrée à la balistique(1650) fut traduite en de nombreuses lan¬

gues. Semenowicz n'y exposait rien moinsqu'un projet de fusée à plusieurs étages ILes représentations astronomiques de laLune élaborées par Hevelius et les décou- kvertes techniques intuitives de Semeno- V

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peut être que partielle, paraissait alors pourle moins hardie. Sa justesse ne fut confir¬mée que dans les siècles suivants.

Il faut ici mentionner deux personnagesremarquables : le premier, R. Boskovic(1711-1787), était un savant croate dont lestravaux liaient étroitement la théorie de

Newton et la philosophie de Liebniz. Ilscontenaient même les germes de la futurethéorie de la relativité et de la géométrienon euclidienne, des tentatives pour élabo¬rer un modèle mathématique de la matière,conçu dans une perspective dynamique etnon pas mécaniste, enfin une esquisse dephilosophie de l'Univers différente de cellequi était généralement admise...

L'autre personnalité est M. Lomonossov(1711-1765), grand savant encyclopédisterusse, membre de l'Académie des Sciences

de Saint-Pétersbourg et fondateur de l'Uni¬versité de Moscou. Ses recherches en chi¬

mie et en physique ont ouvert la voie à lathéorie corpusculaire de la matière. Sa phi¬losophie s'opposait aussi bien au rationa¬lisme cartésien qu'à l'empirisme de Locke.Elle visait au dépassement d'une concep¬tion purement mécaniste du monde.

Au 19" siècle, des progrès importantfurent accomplis dans cette voie. Lemathématicien russe N. Lobatchevski

(1792-1856), que l'on appelle le "Copernicde la géométrie", fut l'un des créateurs dela géométrie non euclidienne. Son systèmejoua par la suite un rôle important dans ledéveloppement de la science contempo¬raine.

L'astronome polonais Nicolas Copernic (1473-1543) démontra que,contrairement aux idées admises jusqu'alors, la terre n'occupe pas lecentre de l'univers. Du point de vue philosophique, la doctrine nouvellede Copernic favorisa l'émancipation de la cosmologie par rapport à lathéologie en ruinant la thèse géocentriste. Ci-dessus, portrait deCopernicus (nom qu'il avait adopté) par Edme de Boulonois, graveurbruxellois du 17* siècle.

Deux hommes

parmi les étoiles

>wicz constituaient à cette époque unensemble unique de recherches.

L'évêque John Wilkins, auteur des"Mathematical magies" (1648) et l'un desfondateurs de la Royal Society britannique,fut l'un des divulgateurs de la théorie deCopernic à l'étranger et en Pologne. Wil¬kins tira des idées de Copernic des conclu¬sions qui débordaient de loin le cadre del'astronomie. Il posa un problème nou¬veau : celui des vols interplanétaires.

Wilkins écrivait que des ailes d'une struc¬ture appropriée permettraient peut-êtred'effectuer des vols dans l'espace lointain.Cependant, il exprimait lui-même sa préfé¬rence pour une autre solution : la construc¬tion d'un "char volant". Ce faisant, l'auteurfondait ses calculs sur le traité de mécani¬

que de Galilée.Le poète français Cyrano de Bergerac se

présentait lui-même comme un continua¬teur convaincu de Copernic. Cyrano deBergerac est en particulier l'auteur d'unroman fantastique qui parut après sa morten 1655. Son titre, "l'Histoire comique desEtats et Empires du Soleil", est lourd designification. L'auteur y raconte commentun jour, après une conversation scientifi¬que qu'il avait eue avec des amis, il étaitrevenu chez lui, incapable de se contenterde traités scientifiques trop secs.

Empli du désir de vérifier dans les faits sila Terre tournait et s'il existait une vie dans

les mondes lointains, il eut recours à uneidée originale : il attacha tout autour de luides récipients pleins de rosée en supposantque, sous l'action des rayons du soleil,cette rosée se transformerait en vapeur. Ceprocédé lui permettrait de monter dans leshautes couches de l'atmosphère.

Bien que cette partie du roman, commed'ailleurs beaucoup d'autres, contienne deshypothèses fantaisistes, cela ne diminue enrien la portée du livre. Pardonnons seserreurs à Cyrano de Bergerac, car, aprèstout, il vivait à une époque où la théorie del'attraction était encore embryonnaire.L'important est que, en reconnaissantl'existence d'une multitude de mondes,Cyrano de Bergerac porta un coup à la pen¬sée conservatrice.

Dans le domaine purement scientifique,un autre pas fut accompli par les pays sla¬ves au 18* siècle. A cette époque, dans lapartie occidentale de l'Europe, les sciencesde la nature se développaient par l'applica¬tion des méthodes empiriques et rationalis¬tes à certains domaines sélectionnés. Chez

les Slaves on utilisait ces méthodes non

seulement dans des recherches partielles,mais aussi pour tenter d'effectuer déjà I

une synthèse interdisciplinaire capabled'expliquer l'Univers en tant qu'entitédynamique. Cette vision d'ensemble dumonde, dont la démonstration exacte ne

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Un peu plus tard intervient Tsiolkovski,un Russe d'origine polonaise, le premierconstructeur de fusées spatiales. Il publiaen 1903 un ouvrage intitulé "L'étude del'espace cosmique à l'aide d'appareils àréaction", dans lequel était exposée la pre¬mière théorie du mouvement des fusées

dans les espaces gravitationnels et non gra¬vitationnels. Cet ouvrage permit d'utiliserles fusées dans les vols spatiaux. En 1929,Tsiolkovski publia un second ouvrage toutaussi novateur, "Les vaisseaux1 spatiaux",qui posait les fondements des vols interpla¬nétaires.

L'activité de Tsiolkovski met en somme

un terme à la longue période pré-spatiale del'histoire humaine. On peut dire qu'elleinaugure une nouvelle ère : celle qui devaitvoir se développer les expériences dansl'espace. Un pas en avant décisif futaccompli par la jeune génération de cher¬cheurs, de techniciens et de pilotes. Unmérite particulier revient en ce domaine auSoviétique S. P. Korolev, qui fut le créateurdes énormes fusées porteuses permettantde lancer des satellites artificiels de la Lune

et du Soleil, d'accomplir des vols en direc¬tion de la Lune, de Vénus et de Mars, etd'envoyer des cosmonautes dans l'espace.

L'activité de Korolev, la construction despremiers spoutniks, les vols et les sortiesdans l'espace ont parachevé ce parcours decinq siècles : d'une conception intuitive etthéorique de l'Univers à son explorationpratique.

Bogdan Suchodolski

Ci-dessous à gauche, planche de l'Histoire comique des Etats etEmpires du Soleil (1662). de Cyrano de Bergerac. La rosée mise en petitsrécipients, attachés à la ceinture, devait sous l'action des rayons dusoleil, se transformer en vapeur et l'emporter vers les astres. D'uneconception intuitive fort discutable à une réalité concrète : 300 ans. YurlGagarine devint le premier homme à voyager dans l'espace. Ci-dessous,médaille frappée en URSS en souvenir de cet exploit mémorable.

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Il fut pour les Russes, ditPouchkine, la "premièreuniversité" : Mikhail Lomonossov,

écrivain et savant russe, passantde travaux théoriques sur lafoudre à la réforme de la poésierusse, du vers syllabo-tonique à laconstitution de la matière. Sur

son initiative fut fondée, en 1755,

l'université de Moscou. A gauche,portrait de Lomonossov par unpeintre anonyme.

"Système astral deCopernicus", thème du vitraildécorant la "maison de la

Médecine" à Cracovie. suvre

de Stanislaw Wyspianski (1869-1907), artiste polonais, peintre,graveur et auteur dramatique.Ci-dessous, détail du projet dece vitrail représentant Apollon,symbole du soleil.

Photo Stanislaw Lopatka © Musée national de Cracovie

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La Première Bible en langue BiélorusseL'histoire de la langue et de la culture biélorusses est liée à Franciszek Skorina.Il naquit à Polotsk en 1490, obtint, à 16 ans, le diplôme de "bachelier dans lessept arts libéraux". En 1512, il reçut le titre de Docteur en Médecine àl'Université de Padoue. Il entreprit un périple de six ans à travers l'Europe qui luipermit d'acquérir une culture solide d'humaniste. En 1517, il devint imprimeur.Le premier ouvrage imprimé ne fut rien moins que la Bible, qu'il traduisit danssa langue maternelle le biélorusse, devançant, en ce genre d'entreprise, lestravaux de Jacques I* d'Angleterre et de Martin Luther en Allemagne. "Dieum'a mis au monde avec cette langue", écrivit-il, "elle doit devenir aussi celledes livres". Il grava lui-même entre 1517 et 1519 les planches illustrées de cetteBible. Selon les spécialistes, la Bible de Skorina, admirablement imprimée etillustrée est parmi les plus beaux livres que l'on connaisse et peut soutenir lacomparaison avec les meilleures éditions allemandes du 16* siècle. Ci-dessus,une des illustrations de la Bible représentant le combat de Samson contre lelion ; ci-dessous, un épisode de "l'Exode" : où Yahvé demande à MoTse de luibâtir un sanctuaire : « Tu feras aussi un propitiatoire d'or pur, de deux coudéeset demie de large. Tu façonneras au marteau deux chérubins d'or aux deuxextrémités du propitiatoire. »

Photos © Gravures de Franciszek Skorina, Ed. Biélorusse, Minsk

L'ART

POPULAIRE

EN

BIELO¬

RUSSIE

par Evguenii M. Sakhouta

LJTART décoratif populaire est un do¬maine remarquable de l'histoire de laculture en Biélorussie. Bien que les

produits de cet artisanat populaire aient denombreux points communs avec ceux deses voisins immédiats (Russes, Ukrainiens,Lituaniens, Polonais), les particularités dudéveloppement sociopolitique et culturel,ainsi que des conditions naturelles différen¬tes ont donné à l'art populaire de Biélorus¬sie une grande originalité.

En effet, cet art n'a pratiquement pasrevêtu le caractère de métier constitué. Il

EVGUENII M. SAKHOUTA, historien d'art,est membre de l'Institut d'Art, d'Ethnographie etde Traditions populaires auprès de l'Académiedes Sciences de la République socialiste soviéti¬que de Biélorussie. Il est l'auteur de nombreusespublications sur les arts populaires en Biélorus¬sie.

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"Mets-moi dans la boue et je seraiprince" dit le grain de seigle dans unproverbe biélorusse. En effet, onsème lorsque la neige disparaît et quela terre est encore toute mouillée. Ce

premier grain semé est celui del'ultime gerbe cueillie à l'automnedernier. La paille est prélevée et miseen forme de croix sur le sol "afin quele Christ ne se mouille pas les piedsquand il viendra bénir la Terre". Al'époque de la moisson, la toutepremière poignée de seigle est nouéeen ceinture autour de la taille de celui

qui cultive la terre, (photoci-dessous). La moisson terminée, la

dernière poignée est rapportée aufoyer et le cycle recommence...Mais les artisans biélorusses savent,

avec la paille du seigle, créer despuvres incomparables. Les plusprodigieuses sont, sans nul doute, lesiconostases de paille des églises de larégion de Pinsk. A gauche, un détaild'une iconostase du 18* siècle. Dans

la pénombre de l'église, le fidèledistingue-t-il la paille tressée de l'orrepoussé 7

est toujours resté de façon privilégiée austade de la production domestique. C'estpourquoi il était demeuré profondémenttraditionnel encore au début de notre siè¬

cle.

Dans les objets en bois, les plus répan¬dus, les artisans obtenaient une expressi¬vité artistique même avec les grands objetstaillés dans la masse : les mortiers, lescanots, les ruches, les tonneaux... Il n'étaitpas rare que les formes données à la vais¬selle taillée au burin présentent des motifszoomorphes. Les salières peuvent avoir laforme d'un canard. Des têtes de cheval ou

d'oiseau, des queues ou des crêtes de coqdonnent leur forme à des anses de cruches.

Les rouets, les battoirs et aussi les"tsourki" (bâtons de 30 à 40 cm servant à

attacher les gerbes) portaient eux-mêmesdes reliefs sculptés. La décoration desoutils du travail féminin était très répan¬due : le rouet, dans la région de Brest-Litovsk, les "tsourki" dans la région dePolessié, portaient des gravures géométri¬ques.

L'un des métiers artisanaux les plusanciens est la poterie. Des centres de céra¬mique existaient dans la région de Vitebsk,près de Pinsk et aux environs de Minsk. On

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y faisait des pots, des acuelles, des"zbanki" (cruches), des "sparichi" (vasesjumelés), des "sloiTci" (bocaux)... Dans cer¬tains centres, on faisait de la vaisselle à ver¬nis noir qui avait l'apparence de la fonte.C'est là une curieuse survivance de la pré¬histoire : ni la forme, ni le décor n'en ontchangé depuis l'âge du fer.

D'autres potiers étaient connus pour leurhabileté à faire des récipients en formed'ours, de lion, de bélier. Ils modelaientaussi des figurines originales : "coqs","canettes", "cavaliers", "brebis", "pou¬pées".

Avec le travail du bois et la poterie, le tis¬sage est sans doute la forme d'art populairela plus répandue en Biélorussie. L'art dutissage était pratiquement obligatoire pourles paysannes. Napperons, serviettes,"abrussy" (nappes) étaient tissés en motifsgéométriques de deux ou trois couleurs :carreaux, losanges, hexagones... Ailleurs,on aimait les napperons dits "passiastyé"(à rayures) évoquant un arc-en-ciel (ils sonttrès répandus en Pologne). Dans les orne¬ments vestimentaires dominaient égale¬ment les motifs géométriques réalisés dansune gamme de blancs - noirs - rouges.

Il existe depuis toujours des ustensilestressés en paille, en écorce de bouleau,osier ou racines. Les objets en paille sontparticulièrement beaux. De grands ustensi¬les de ménage se distinguent par leur formesculpturale et l'alternance rythmique deraies brunes d'osier ou de coudrier sur le

fond doré de la paille. Les qualités artisti¬ques de ce matériau simple et largementrépandu se sont particulièrement manifes¬tées dans les objets décoratifs. On tressaiten paille toutes sortes de jouets, on en fai¬sait des coffrets ornés de torsades,d'incrustations en relief et en forme de

losanges. Le sommet de cet art est atteintavec les portails d'autel de Vavoulitch et deLéméchevitch (dans la région de Pinsk) quidatent du 18* siècle. Faits dans ce matériau

ordinaire, ils n'avaient pas moins belleallure, dans l'intérieur de la petite église devillage, qu'un traditionnel portail en boisdoré.

La peinture décorative s'est surtout dis¬tinguée dans l'ornementation des coffres.Dans la seconde moitié du 19" siècle, ceux-

ci commencent à se répandre rapidementet jouent alors un rôle important dans lerituel de la noce. La demande, devenant

très grande, a provoqué la création d'ate¬liers spécialisés.

Comme l'art populaire avait d'abord uncaractère utilitaire, les changements socio-économiques ne pouvaient manquerd'exercer sur lui leur influence. Ainsi les

productions artisanales tombent-elles sou¬vent en décadence dans la seconde moitié

du 19* siècle. Certaines, comme les tissusimprimés à la main, disparaissent complè¬tement.

A l'époque soviétique, la profonde muta¬tion de la vie rurale et l'élévation du niveau

de vie ont, pendant un certain temps, déva¬lorisé les objets utilitaires traditionnels. Onn'avait plus à faire soi-même la vaisselle, lesmeubles, les vêtements, les outils de tra¬vail. Mais se posa alors le problème de lapréservation des métiers artisanaux tradi

tionnels. De nouvelles voies de développe¬ment furent recherchées pour l'art popu¬laire.

Un décret du gouvernement soviétique"Sur les mesures d'aide à la productionartisanale" permet d'organiser, dès 1919,des expositions d'artisans et d'artistes. Lesproblèmes de l'art populaire sont largementdébattus dans la presse. Les échantillonssont recueillis par les musées ethnographi¬ques régionaux. La fondation de maisonsde l'art populaire a également contribué à lapréservation et au développement de cesactivités.

En Biélorussie, comme dans toutel'Union Soviétique, l'art populaire est sur¬tout représenté par les @uvres d'artisansqui se groupent autour des centres de pro¬duction artisanale, des maisons de l'artpopulaire et des manufactures d'objetsd'art. Leur production est aujourd'huiessentiellement utilisée comme "objetsd'arts" et souvenirs. Les changements lesplus frappants se sont produits dans le tres¬sage de la paille : ces objets décoratifs sontdésormais largement répandus, non seule¬ment dans le pays mais aussi à l'étranger.

On voit renaître la céramique ancienne.Le tissage, le genre d'art populaire le plusdiffusé, connaît lui aussi une seconde nais¬sance. La gamme traditionnelle bicolore outricolore est devenue polychrome, les tis¬seuses expertes font des compositionsornementales complexes qui utilisent large¬ment les motifs végétaux.

La plupart des sculpteurs sur bois fontaujourd'hui des objets de petite taille. Ilstravaillent sur des thèmes folkloriques, his¬toriques ou quotidiens. Ils essaient deredonner vie aux ustensiles de ménage tra¬ditionnels. Quant à la sculpture architectu¬rale, elle est, elle aussi, très répandue.

L'art populaire et les métiers artisanauxsont donc actuellement l'objet d'unegrande attention. Si autrefois, dans lemilieu rural, le maintien des traditions et del'originalité nationale étaient naturels etspontanés, souvent dans le cadre familial,aujourd'hui, ce sont les artisans profession¬nels, les historiens de l'art, les animateursdes maisons de l'art populaire et les travail¬leurs de l'industrie d'art qui assument cettetâche. Un musée d'art populaire a étéouvert à Raoubitchi, près de Minsk, et unmusée de l'artisanat ancien et des métiers

d'art populaire à Zaslavl : ils constituent enmême temps des centres où se perfection¬nent les méthodes, en liaison avec lesouvriers d'art locaux.

E.M. Sakhouta

LES

CICATRICES

DELA

GUERRE

par Alexandre Flaker

DURANT la guerre, les cultures sla¬ves ont subi des pertes énormes.De magnifiques monuments archi¬

tecturaux ont disparu sous les bombarde¬ments : ainsi la Bibliothèque nationale deBelgrade où se trouvaient des incunables etdes manuscrits inestimables. Les nazis pil¬laient systématiquement les musées,emportaient les archives. Et des villes entiè¬res ont été pratiquement rasées : Lenin¬grad, Kiev, Minsk, Varsovie...

De dures persécutions ont atteint tousles intellectuels slaves. Parmi les écrivains

victimes de la terreur, on peut relever en1942 le nom d'un représentant connu de

j'avant-garde littéraire tchèque, Vladislavvancura et ceux de tout un groupe d'écri¬vains et de critiques littéraires croates fusil¬lés en 1941, dont August Cesarec ; le nomd'Ivan Goran-Kovacic, sauvagement assas¬siné ; celui du poète bulgare Nikola JonkovVapcarov, fusillé en 1942, mais qui a réussiavant de mourir à adresser un poignantappel à sa femme et à tout son peuple.Dans les rangs des armées de libérationnationale ont trouvé la mort les poètes Slo¬vènes Karel Destovnik-Kajuh et Miran Jare,le prosateur croate de Bosnie Hasan Kikic,le critique littéraire serbe Milos Savkovic, lepoète macédonien Koco Racin et beau-

ALEXANDRE FLAKER, professeur de littéra¬ture russe à l'Université de Zagreb(Yougoslavie), est Vice-président de l'Associa¬tion internationale pour l'Etude et la Diffusiondes Cultures slaves.

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La dernière guerre mondiale laissa descicatrices profondes dans le monde slave.Une image expressive de cette douleurprofonde est due au pinceau de l'artistesoviétique Boris Prorokov. Cette encre deChine fait partie d'une série intitulée "Cecine doit plus se répéter". Un grand nombred'artistes et d'écrivains slaves perdirentleur vie dans la lutte contre la barbarie

hitlérienne. Prorokov, lui, eut les deux

jambes coupées.

Cette fresque représentant laMère de Dieu provient de laCollégiale Saint-Nicolas deNovgorod. Elle a servi de cible auxoccupants pendant la deuxièmeguerre mondiale. Imagesymbolique de la' destruction desnombreuses éuvres d'art au

moment de l'invasion hitlérienne.

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> coup d'autres. La Yougoslavie, à elle seule,a perdu plus de 75 écrivains ; bien des jeu¬nes poètes y ont trouvé la mort, au front oudans les rangs des partisans.

La deuxième guerre mondiale a laissé destraces indélébiles dans la culture de tous les

pays d'Europe. Mais cette époque de des¬tructions massives, de massacres sans pré¬cédent a été aussi une époque de renouvel¬lement. On a vu naître de nouvelles valeurs

littéraires et artistiques ; les fondementsd'une vie vraiment humaine ont été eux-

mêmes appréciés de façon différente ; denouvelles perspectives se sont dessinéesdans les relations entre les hommes, les

peuples, les Etats. En ce "temps des loups"ont pu fleurir une littérature et un art vouésau combat pour "la lumière" du monde àvenir, à la résistance contre "la nuit" de labarbarie civilisée moderne.

Si la culture est "la mémoire du genrehumain" (selon l'expression de l'écrivainsoviétique Léonov), il est parfaitementcompréhensible que la culture des peuples

se souvienne de tels sacrifices. Durant ce

"temps des loups" de l'histoire européenneet mondiale, ces peuples ont alors recons¬truit leur vie sur des bases nouvelles. Ce

sang a été "la nuit et les ténèbres (1)" desannées quarante de notre siècle. Les thè¬mes et l'esprit du temps de guerre s'enten¬dent encore dans la littérature polonaisecontemporaine, depuis "La SemaineSainte" d'Andrzejewski, qui décrit la tragé¬die du ghetto de Varsovie, jusqu'aux toutesdernières Buvres en prose réaliste de MironBialoszewski.

C'est ce même esprit qui a rendu possi¬ble le renouveau du film polonais, de Kawa-lerowitcz à Wajda, et celui du film yougos¬lave avec Veljko Bulajic. Le thème de laguerre imprègne encore le roman soviéti¬que toutes les de KonstantinSimonov ou de Jurij Bondarev. Il inspireaussi Olés Goncar dans la littérature ukrai¬

nienne et Vasyl Bykau dans la littérature

biélorusse. C'est à lui qu'est revenu l'écri¬vain croate Miroslav Krleza (2), tandis queles romans du monténégrin Mihailo Lalicillustrent une approche nouvelle des événe¬ments du temps de guerre. Maintes sculp¬tures et ensembles architecturaux natio¬

naux sont inspirés par des thèmes tels quel'oppression de l'homme, sa résistance àtoutes les formes de contrainte et de ter¬

reur, sa libération de la peur et des mena¬ces de guerre.

Ces idées, ces principes se sont doncintégrés au paysage d'innombrables villeset villages polonais, yougoslaves, russes,ukrainiens ou biélorusses. Les batailles et

les souffrances semblent déjà anciennes,mais elles demeurent inoubliables. Elles ont

été celles de peuples entiers, et, en fin decompte, de toute l'humanité.

Alexandre Raker

(1) Selon l'expression d'Ivan Goran-Kovacic (¿a fossecommune).

(2) Dans une série d'ouvrages consacrés à d'éminentespersonnalités de la culture slave, l'Unesco a publiéMiroslav Krleza par Marijan Matkovic, Unesco, Paris1977.

sortent tout droit Pouchkine, Mickiewicz,

Kollar le Tchèque et Stur, le créateurde la langue littéraire slovaque, et VukKaradzic, le créateur de la langue littérairecommune aux Serbes et aux Croates, et lepoète ukrainien Chevtchenko, et biend'autres grandes figures de la culture slaveau 19* siècle.

Ce recours aux traditions slaves est aussi

la source du mouvement qui vise à créerune nouvelle musique nationale. Dans unepremière étape, cette musique s'exprimepar la composition de "chants populaires"qui souvent naissent d'une création com¬mune interslave : ainsi en Russie, à la fron¬tière du 18* et du 19* siècles, avec la partici¬pation de musiciens tchèques.

L'@uvre de Tchaïkovski, ses contactsvivants avec les autres Slaves, en particu¬lier les Tchèques, les "Danses slaves" deDvorak, la longue activité de Suk commecompositeur et chef d'orchestre en Russie,ne sont que quelques exemples. C'est dansce courant d'assimilation et de réélabora¬

tion des traditions qu'apparaissent lesde compositeurs de réputation

mondiale : depuis les opéras de Smetana,de Glinka et de Moniusko jusqu'au"Pétrouchka" de Stravinski.

L' du compositeur tchèque LeosJanacek est un bon exemple de communi¬cation culturelle interslave. Sa cantate

"Tarass Boulba" est écrite d'après unpoème ukrainien de Chevtchenko, sonopéra "Katia Kabanova" est composé surle texte du dramaturge russe Ostrovski, letitre d'un autre opéra, "De la maison desmorts", indique assez que le sujet en a étéinspiré par l' de Dostoïevski ; enfin,sa "Messe glagolithique" a pour fonde¬ment la littérature slavonne et la musiquerusse ancienne. En même temps, toutesces prennent appui sur la traditionvivante de la musique populaire slave queJanacek étudiait avec soin.

"L'AME SLAVE"

Suite de la page 56

Aujourd'hui, on peut voir ce processus àl' chez certains peuples slaves quiachèvent leur formation culturelle nationale

propre : chez les Slovaques par exemple.

Le sentiment d'appartenance à unemême famille était naturel à des gens qui secomprenaient sans traduction et savaient lagrande similitude des destinées historiquesde leurs pays. C'est la raison pour laquellece sentiment, tout en subissant diversestransformations sociales, historiques et spi¬rituelles, est toujours revenu à la surface,du 9" au 19" siècle. Ce sentiment accompa¬gnait le constant développement des thè¬mes et formes de la création artistique, toutparticulièrement dans le peuple, avecl'intervention de larges couches de la popu¬lation ; il s'est manifesté lors de l'adoptiondu christianisme et lorqu'ont été créées lesbases d'une écriture et d'une littérature. Il a

favorisé la diffusion des courants héréti¬

ques : bogomiles, hussites, ariens et "frè¬res moraves". Il a concouru à l'expansionet à une transformation originale de la cul¬ture aux temps de l'humanisme, de laRenaissance et du baroque. Il s'est imposéavec une nouvelle puissance lorsque furentassimilées idées et formes du romantisme.

Le fondateur de la poésie tchèquemoderne, Karel Hynek Macha, contempo¬rain de Mickiewicz et de Pouchkine, pour¬rait ressembler, vu de loin, à un byronisteachevé. Or, étudié de plus près, il apparaîtavant tout comme un continuateur du pré-romantisme et du romantisme polonais. Etce n'est là qu'un des nombreux exemplesanalogues de participation slave à un mou¬vement qui concerne le monde entier, anti¬cipant sur lui ou venant à sa suite. L'espritde "mutualité" anime ainsi la participationmassive des acteurs, chanteurs et metteursen scène tchèques a la fondation de théâ¬tres nationaux chez les Slaves du Sud,

chez les Slovènes et les Croates ; grâce aquoi ces théâtres acquirent précisément uncaractère européen.

L'idée du rapprochement des Slaves,contenue à l'époque dans les de sinombreux écrivains, était étroitement liée àl'idée de la lutte pour la vérité, pour laliberté de tous, pour le bien général. A laveille de la révolution de 1848, Taras Chevt¬chenko célébrait dans un même poèmeSafarik et Jean Hus, le père spirituel de lagrande révolution nationale et antiféodale.En 1848 même, l'année des tempêtes, lepoète slovaque Karol Kuzmany chanteceux "qui ont pris feu et flamme pour lavérité et sont prêts à lui faire le sacrificesuprême, ceux qui consacrent leur vie à lalutte pour les droits de l'homme". Son verscélèbre sur la "chère liberté" était directe¬

ment associé dans les esprits contempo¬rains au "liberté chérie" des Parisiens de

1848.

C'est là quelque chose de parfaitementnaturel. Il n'existait pas de "monde slave"isolé et replié sur lui-même : les meilleursreprésentants de la culture slave avaientdéjà conscience que la coopération cultu¬relle entre Slaves n'avait de sens quelorsqu'elle servait des fins humaines univer¬selles, "l'amélioration générale des choseshumaines" fondée sur la liberté et l'égalitéde tous, comme l'avait proclamé deuxcents ans plus tôt Jan Amos Komenski. Eneffet, Comenius, le réformateur de l'école,le fondateur de la science pédagogique, estaussi l'auteur profondément humaniste dela doctrine de la Pansophie : la paix et lajustice universelle seront obtenues par laconnaissance mutuelle des peuples, parleur coopération culturelle et scientifique,grâce à l'instruction générale de tous sansconsidération de race, de religion, de natio¬nalité, de sexe ou d'origine sociale.

La noble pensée du "professeur de paix"peut toujours servir d'étalon lorsqu'onentreprend de définir la valeur des relationsinterculturelles, où que ce soit.

Slavomlr Wollman

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Nos

lecteurs

nous

écrivent

DU BON EMPLOI

DES ICEBERGS

Dans le numéro de février du Courrier de

l'Unesco, mon article "Du bon emploi desicebergs" a dû être coupé dans sa longueur,avec mon autorisation. Ce remaniement quin'a pas pu m'être soumis, a provoqué la dis¬parition de quelques précisions et de quel¬ques chiffres, que je considère commeimportants.

Tous les chiffres publiés, même récem¬ment, concernant les quantités d'eau exis¬tant sur la Terre sont très approximatifs.Mais on estime en général que la quantitétotale est environ 1 500 millions Km3, dont2,7 % (environ 40 millions Km3) en eaudouce. On estime également que le volumetotal de l'eau douce sous forme de glace estde l'ordre de 30 millions km3 (90 % l'Antarc¬

tique, 9 % le Groenland, 1 % les glaciers demontagne). Il reste donc sous forme d'eaudouce liquide, environ 10 millions Km3.

Le rapport eau douce glace/eau douceliquide est donc de l'ordre de 70 % sousforme de glace et 30 % sous forme liquide.

Cette eau (liquide) se répartit en : eaux desurface (cours d'eau, lacs, marécages,etc.) ; eaux souterraines (nappes phréati¬ques, nappes profondes, etc.); eaux diffuses(dans le sol, dans les roches et le sable, dansles plantes, etc.) ; eaux atmosphériques (ensuspension, nuages, brouillard, etc.).

Les quantités estimées pour ces différen¬tes "réserves" d'eau, ou pour les différentesfo'rmes d'eau en mouvement, sont encoretrès variables d'une publication à l'autre, trèsapproximatives, et très incertaines.

L'un des chiffres les plus précis est, dansl'état actuel de nos connaissances, le volumede la calotte glaciaire du Groenland (mesuréavec précision essentiellement par les Expé¬ditions Polaires Françaises) ; vient ensuitecelui de la calotte glaciaire de l'Antarctique(mesuré par un certain nombre d'expéditionsdepuis l'Année géophysique internationale,c'est-à-dire depuis 1957).

Paul Emile Victor

Paris

CHASSES ROYALES

Je viens de relire un article paru dans lenuméro d'octobre 1971 du Courrier de

l'Unesco, intitulé "Les grandes chasses duroi sassanide". Le bas-relief du 5e siècle

après J.-C, représenté en page 38 (photo 2)est décrit ; cependant, dites-vous, l'inten¬tion du sculpteur n'a pas été éclaircie.

J'ai été très intrigué et curieux de trouverune signification à cette scène de quatre per¬sonnages superposés qui semblent être cou¬chés devant une rangée d'éléphants en mar¬che. Après avoir examiné les autres illustra¬tions de l'article, je crois avoir trouvé la solu¬tion.

Les quatre personnages ne sont pas entrain de faire une marche militaire, comme ilsemblerait. En fait, ils ouvrent une portepour permettre aux éléphants et aux chas¬seurs d'entrer dans la zone de chasse royalequi, comme on le voit, était entièrement fer¬mée. Dans le coin inférieur gauche, on peutapercevoir la silhouette d'un petit chien.

Je suis arrivé à cette conclusion en com¬

parant ce bas-relief à celui figurant en page35 (photo 1).

Félicitations pour l'excellent choix des arti¬cles. J'aimerais lire un jour un article surAlexandre le Grand et un sur la récente

découverte de la tombe de son père, Philippede Macédoine, à Vergina, en Grèce.

Walter MarquesRio de Janeiro - Brésil

N.D.L.R. Non seulement nous avons

répondu à votre v en publiant en page 2de notre numéro de juillet 1978 la photo duportrait présumé de Philippe <fe Macédoine,mais vous trouverez d'autre part dans le pré¬sent numéro, en page 30, le portrait de sonfus Alexandre le Grand. Tous deux provien¬nent des campagnes de fouilles dirigées parle professeur Manolis Andronicos, auteur de

l'article sur le Parthenon, intitulé "Une anti¬que démocratie inscrite dans le marbre", quenous avons publié en octobre 1977.

L'ATOME POUR LA PAIX

Félicitations pour votre numéro de juin1978, "Energies pour demain", qui passe en'revue les aspects les plus intéressants de ceproblème. Cependant, une question n'a pasété traitée, celle des . quantités énormesd'énergie nucléaire que l'on stocke pour lesarmements et qui, fort heureusement, n'ontpas encore été utilisées. Selon les donnéesfournies par l'Institut international de recher'che sur la Paix de Stockholm (SIPRI), l'éner¬gie nucléaire accumulée est 1 million de foissupérieure à celle de la bombe d'Hiroshima.

Si la voix de la sagesse se fait entendre, sile monde finit par persuader les puissancesnucléaires de procéder au désarmement etde placer le plutonium sous la haute surveil¬lance de l'Agence des Nations Unies pourl'Energie Atomique, alors l'humanité dispo¬sera d'une source incalculable d'énergiepour les années à venir.

A. Loeff

Rotterdam - Pays-Bas

DOCTEUR AU FEMININ

Dans le numéro de juillet 1978, un articleest consacré à Elena Lucretia Cornaro Pîsco-

pia, première femme au monde ayant obtenuun doctorat, il y a 300 ans, à l'Université dePadoue. Mais elle n'a pas été la première.Une autre femme l'a devancée, il s'agitd'Hypatie, philosophe et mathématiciennegrecque, professeur à Alexandrie au 5* siècleaprès J.-C. Fille d'un mathématicien, elle futcélèbre par son savoir en mathématiques,astronomie et philosophie, et par son élo¬quence. Elle écrivit divers ouvrages, dont uncommentaire sur les sections coniquesd'Apollonios de Perga.

Elle ouvrit une école où elle acquit unegrande réputation de professeur. Elle futtuée par des chrétiens fanatiques en 415 - Unsermon avait été prononcé par l'Archevêqued'Alexandrie contre les "femmes péche¬resses", où allusion était faite à Hypatie quiavait l'audace de faire la leçon aux hommes,excita les moines qui la poursuivirent et lamassacrèrent.

Otto Ottesen

Sandefjord - Norvège

IL Y A EXIL ET EXIL

J'ai lu avec intérêt, et non sans sympathie,l'appel de M. Amadou-Mahtar M'Bow pourle retour des nuvres d'art dans leur paysd'origine (Courrier de l'Unesco, juillet 1978).Il faut toutefois faire une distinction entre les

objets acquis de manière illégitime et ceuxque l'on a sauvés, réparés, puis exposésavec le soin le plus extrême et qui auraientété autrement perdus à jamais.

Il y a quelques années, j'ai visité, à New-York, le musée des Cloîtres de Fort Tryon.Jusque là, je pensais que les Américainsétaient du genre à "rafler des babioles sansvaleur", mais, après avoir' vu les tapisseriesqu'ils ont rassemblées une par une, net¬toyées et remontées pour faire un ensemble,je n'ai pu m'empêcher de me dire "S'ils enprennent soin ainsi, alors bravo I"

D.M. SkippingsYarmouth, Norfolk - Royaume-Uni

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Lectures

Publications Unesco

EducationRéformes et innovations éducatives en

Afrique 12 FF

Une nouvelle approche de l'éducation debase : Radio Santa Maria 15 FF

Terminologie : Education spéciale 42 FF

La planification du programme scolaire12 FF

Répertoire : Services de documentationet d'information pédagogiques 10 FF

Bibliographie : Rapports de la Confé¬rence internationale de l'éducation, 197510 FF

Systèmes et politique : la fonction del'information dans l'amélioration des

systèmes d'éducation 12 FF

L'INCE et la formation technique et pro-fessiqnnelle au Venezuela 14 FF

L'éducation des travailleurs migrants etde leurs familles 8 FF

Expériences d'éducation populaire auPortugal 1974-1976 8 FF

Sciences sociales

Manuel sur la communication sociale en

matière de population et de développe¬ment 18 FF

L'infrastructure des sciences sociales en

Asie, Il :

Afghanistan, Indonésie, Japon, Républi¬que de Corée, Népal 8 FF

La perception de l'environnement :lignes directrices méthodologiques pourles études sur le terrain 24 FF

Quatre applications du modèle Unescode simulation de l'éducation 10 FF

Sciences

Effets de l'urbanisation ef de l'industriali¬

sation sur le régime hydrologique et surla qualité de l'eau 135 FF

Culture

Guide pour la sécurité des biens culturels12 FF

Documentation

Manuel des échanges internationaux depublications 28 FF

Répertoire des services de documenta¬tion, de bibliothèque et d'archives d'Afri¬que 60 FF

Vocabulaire des conférences 15 FF

Moyens d'informationLes émissions radiodiffusés vers l'étran¬

ger et la compréhension internationale8 FF

Actes de la Conférence internationale

d'Etats sur la distribution de signaux por¬teurs de programmes transmis par satel¬lite 70 FF

Pour mieux connaître

Les Nations Unies

Un Répertoire des Systèmes et Servicesd'informatique des Nations Unies vient d'êtrepublié par le Bureau interorganisation pour lessystèmes d'information des Nations Unies(BIO). Cet ouvrage de 250 pages contient plus,d'une centaine de rubriques consacrées auxDroits de l'homme, à l'industrie, à la science, à lasociologie, etc. Publié en anglais (les éditionsfrançaise et espagnole paraîtront ' en find'année), ce répertoire est fourni gratuitementaux organisations, universités et bibliothèques.S'adresser au Directeur, Secrétariat du BIO,Palais des Nations, CH-1211, Genève 10, Suisse.

Pour le développement

industriel dans le tiers

monde

Un don de 1 million en provenance de l'ArabieSaoudite, une promesse de plus d'un million duRoyaume-Uni, des contributions du Burundi etdu Venezuela, portent à 9 millions et demi dedollars les disponibilités du Fonds des NationsUnies pour le développement industriel. Créé parl'Assemblée générale des Nations Unies en1976, le Fonds est alimenté par des contributionsvolontaires. Les sommes ainsi recueillies sont

utilisées par l'Organisation des Nations Unies auprofit du développement industriel dans les paysen voie de développement.

Mise en commun

des recherches

technologiques

Neuf pays africains (Ghana, Kenya, Madagas¬car, Nigeria, Ouganda, République Unie duCameroun, Sénégal, Soudan et Zaïre) ont cons¬titué une Association d'organisations africainesde recherches technologiques et industrielles.

L'Unesco institue

le prix international

Simon Bolivar

Le prix international Simon Bolivar a été insti¬tué par l'Unesco avec l'apport financier du gou¬vernement vénézuélien pour récompenser uneactivité méritoire conforme aux idéaux de Boli¬

var (1783-1830) El Libertador (le libérateur) de<

l'Amérique latine.

Ce prix honorera tous les deux ans une contri¬bution à la liberté, à l'indépendance et à ladignité des peuples ainsi qu'au renforcement dela solidarité entre les nations se traduisant par lapromotion de leur développement ou de l'avène¬ment d'un nouvel ordre économique, social etculturel international. Le prix (pas moins de30 000 dollars) sera décerné pour la première foisle 24 juillet 1983, date du bicentenaire de la nais¬sance de Simon Bolivar, à une ou plusieurs per¬sonnalités, sur la base des candidatures présen¬tées par les Etats membres de l'Unesco ou par

ses membres associés, ainsi que par les organi¬sations intergouvernementales ou non gouver¬nementales ayant avec l'Unesco des relations deconsultation ou de coopération. Le jury interna¬tional comprendra un représentant du Directeurgénéral de l'Unesco, une personnalité nomméepar le gouvernement vénézuélien et cinq autresreprésentants de différentes régions du mondedésignés à titre personnel par le Directeur géné¬ral.

Sauver les Moines

Un plan d'action pour sauver les moines (pho¬ques à ventre blanc) qui vivent en Méditerranéeet sont menacés par la pollution, la captureextensive et la destruction de leur milieu, a été

approuvé lors d'une réunion convoquée par legouvernement grec sous les auspices de laGrèce, du Programme des Nations Unies pourl'Environnement (PNUE), de l'Union internatio¬nale pour la conservation de la nature et de sesressources (UICN) et de l'Université de Guelph(Canada). Ce plan sera associé aux projets desauvetage des moines de Turquie et de la Médi¬terranée occidentale.

Le Courrier de l'Unesco

en coréen

Nous avons le plaisir d'annoncer à nos lec¬teurs la naissance d'une nouvelle édition linguis¬tique de notre revue mensuelle. Le premier,numéro du "Courrier de l'Unesco" en languecoréenne vient en effet de paraître à Séoul. Il estpublié par les soins de la Commission nationalecoréenne pour l'Unesco, P.O. Box central 64,Séoul, République de Corée. Le lancement enjuin 1978 de cette nouvelle édition porte à 19 lenombre des éditions linguistiques du "Courrierde l'Unesco" : français, anglais, espagnol,russe, allemand, arabe, japonais, italien, hindi,tamoul, hébreu, persan, néerlandais, portugais,turc, ourdou, catalan, bahasa-malaisien etcoréen.' Lelancement d'une 20* édition fien kis-wahili) est encore envisagé pour cette année.

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Chapitre II : du 1er au 4e siècle, les premièresreprésentations du Bouddha sous laforme humaine.

Chapitre III : du 4e au 8e siècle, l'image duBouddha parvenue à maturité et à sondéveloppement le plus raffiné.

Ces trois chapitres ont trait plus particu¬lièrement à l'Inde et au Pakistan.

VGE OF THE Bcivilisation et d'art ï

UDDHA

>ouddhiquesChapitre IV : Les autres régions de l'Asiesont étudiées, depuis l'implantation dubouddhisme jusqu'au 8e siècle.

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ALGÉRIE. Institut pédagogique national, 11, rue Ali Haddad,Alger, Société nationale d'édition et diffusion (SNED), 3 bdZirout Youcef, Alger. - RÉP. FED. D'ALLEMAGNE. UnescoKurier (Édition allemande seulement : Colmantstrasse, 22, 5300Bonn. Pour les cartes scientifiques seulement : Geo Center,Postfach 800830, 7000 Stuttgart 80. Autres publications : S.Karger GmbH, Karger Buchhandlung, Angerhofstr. 9, Postfach2, D-8034 Germering/Munchen. - RÉP. DÉM. ALLEMANDE.Buchhaus Leipzig, Postfach, 140, Leipzig. InternationaleBuchhandlungen, en R.D.A. AUTRICHE. 0' Franz Hain,Verlags-und Kommissionbuchhandlung, Industriehof Stadlau,Dr Otto Neurath - Gasse, 1220 Vienne. BELGIQUE. Ag. pourles publications de l'Unesco et pour l'édition française du"Courrier" : Jean de Lannoy, 202, Avenue du Roi, 1060Bruxelles, CCP 000-0070823-13. Edition néerlandaise seulement :N.V. handelmaatschappij Keesing, Keesinglaan 2-18,21000Deurne-Antwerpen. RÉP. POP. DU BÉNIN. Librairienationale, B.P. 294. Porto Novo. - BRÉSIL. Fundación GetúlioVargas, Editora-Divisao de Vendas, Caixa Postal 9.052-ZC-02,Praia de Botafogo, 188 Rio de Janeiro RJ BULGARIE.Hemus, Kantora Literatura, bd Rousky 6, Sofia.CAMEROUN. Le secrétaire général de la Commission nationalede la République unie du Cameroun pour l'Unesco, B.P. N°1600,Yaounde. - CANADA. Renouf Publishing Co. Ltd., 2182 St.Catherine Street West, Montréal, Que H3H IM7. - CHILI.Bibliocentro Ltda., Casilla 13731 Constitución n° 7, Santiago(21). - RÉP. POP. DU CONGO. Librairie populaire B.P. 577Brazzaville. - COTE-D'IVOIRE. Centre d'édition et de diffusionafricaines. B.P. 4541. Abidjan-Plateau. - DANEMARK. EjnarMunksgaard Ltd., 6, Nörregade, 1165 Copenhague K.EGYPTE (RÉP. ARABE D'l. National Centre for UnescoPublications, N" 1, Talaat Harb Street, Tahrir Square, Le Caire.- ESPAGNE. Ediciones Liber. Apartado 17, Ondárroa

(Viscaya) ; Sr. A. González Donaire, Aptdo de Correos 341, LaCoruna. Librería Al -Andalus, Roldana, 1 y 3, Sevilla 4. Mundi-Prensa Libros, S.A. Castello 37,. Madrid 1. LITEXSA, LibreríaTécnica Extranjera, Tuset, 8-10 (Edificio Monitor) Barcelona.Mundi-Prensa Libros, S A., Castello 37, Madrid 1. ÉTATS-UNIS. Umpub. Box 433, Murray Hill Station, New York, N.Y.10016. FINLANDE. Akateeminen Kinjakauppa, Keskuskatu1, 00100 Helsinki. - FRANCE. Librairie Unesco 7-9, place deFontenoy, 75700 Paris. C.C.P. 12.598.48 - GRÈCE. Librairiesinternationales. HAÏTI. Librairie A la Caravelle, 26, rue Roux,B.P. 111, Port-au-Prince. - HAUTE-VOLTA. Lib. Attie B.P.64, Ouagadougou. Librairie Catholique « Jeunessed'Afrique ». Ouagadougou. HONGRIE. AkadémiaiKonyvesbolt, Vàci U.22, Budapest V., A.K.V. KönyvtarosokBoltja. Népkoztasasag utja 16, Budapest VI. INDE. OrientLongman Ltd. : Kamani Marg. Ballard Estate. Bombay 400 038 ;17 Chittaranjan Avenue, Calcutta 13 ; 36a Anna Salai, MountRoad, Madras 2. B-3/7 Asaf Ali Road, Nouvelle-Delhi 1, 80/1Mahatma Gandhi Road, Bangalore-560001, 3-5-820 Hyderguda,Hyderabad-500001 . Publications Section, Ministry of Educationand Social Welfare, 511, C-Wing, Shastri Bhavan, Nouvelle-Delhi-110001 ; Oxford Book and Stationery Co., 17 Park Street,Calcutta 700016; Scindia House, Nouvelle-Delhi 110001. -IRAN. Commission nationale iranienne pour l'Unesco, sv.Iranchahr Chomali N° 300 ; B.P. 1533, Téhéran, KharazmiePublishing and Distribution Co. 28 Vessal Shirazi St, ShahrezaAvenue, P.O. Box 314/1486, Téhéran. - IRLANDE. TheEducational Co. of Ir. Ltd., Ballymount Road Walkinstown,Dublin 12. ISRAËL. Emanuel Brown, formerly Blumstein'sBookstores : 35, Allenby Road et 48, Nachtat Benjamin Street,Tel-Aviv ; 9 Shlomzion Hamalka Street, Jérusalem. ITALIE.Licosa ÍLibrena Commissionaria Sansoni, S.p.A.) viaLamarmora, 45, Casella Postale 552, 50121 Florence.JAPON. Eastern Book Service Inc. C.P.O Box 1728, Tokyo 10092. - LIBAN. Librairies Antione, A. Naufal et Frères ; B.P. 656,Beyrouth. - LUXEMBOURG. Líbrame Paul Brück, 22, Grand-Rue, Luxembourg. MADAGASCAR1. Toutes lespublications : Commission nationale de la Rép. dém. deMadagascar pour l'Unesco, Ministère de l'Éducation nationale,Tananarive. MAU. Librairie populaire du Mail, B.P. 28,Bamako. MAROC. Librairie « Aux belles images », 282,avenue Mohammed-V, Rabat, C.C.P. 68-74. « Courrier del'Unesco » : pour les membres du corps enseignant :Commission nationale marocaine pour l'Unesco 20, ZenkatMourabitine. Rabat (C.C.P. 324-45). - MARTINIQUE. Librairie« Au Boul' Mich », 1, rue Perrinon, et 66, av. du Parquet, 972,Fort-de-France. MAURICE. Nalanda Co. Ltd., 30, BourbonStreet ; Port-Louis. - MEXIQUE. SABSA, Servicios aBibliotecas, S.A., Insurgentes Sur N° 1032-401, México 12, -MONACO. British Library, 30, boulevard des Moulins, Monte-Carlo. MOZAMBIQUE. Instituto Nacional do livro e do

Disco (INLD), Avenida 24 de Julho, 1921 r/ceT andar, Maputo.- NIGER. Librairie Mauclert, B.P. 868, Niamey. - NORVEGE.Toutes les publications : Johan Grundt Tanum (Booksellers),Karl Johans gate 41/43, Oslo 1 . Pour le « Courrier » seulement :A.S. Narvesens, Litteraturtjeneste Box 6125 Oslo 6.NOUVELLE-CALÉDONIE. Reprex S.A.R.L., B.P. 1572,Nouméa PARAGUAY. Agencia de diaros y revistas, Sra.Nelly de Garcia Astillero, Pte. Franco N° 580 Asunción.PAYS-BAS. « Unesco Koerier » (Édition néerlandaiseseulement) Systemen Keesing, Ruysdaelstraat 71-75.Amsterdam-1007. Agent pour les autres éditions et toutes lespublications de l'Unesco,: N.V. Martinus Nijhoff, LangeVoorhout 9. 's-Gravenhage - POLOGNE. ORPAN-Import.Palac kultury i Nauki, 00-901 Varsovie, Ars-Polona-Ruch,Krakowskie - Przedmiescie N°7, 00-068 Varsovie.PORTUGAL. Dias El- Andrade Ltda. Livrana Portugal, rue doCormo, 70, Lisbonne. - ROUMANIE. ILEXIM. Romlibri, Str.Biserica Amzei N° 5-7, P.O.B. 134-135, Bucarest. Abonnementsaux périodiques : Rompresfilatelia calea Victonei 29, Bucarest.- ROYAUME-UNI. H. M. Stationery Office P.O. Box 569,Londres S.E. 1 SÉNÉGAL. La Maison du Livre, 13, av.Roume, B.P. 20-60, Dakar, Librairie Clalrafnque, B.P. 2005,Dakar, Librairie « Le Sénégal » B.P. 1954, Dakar.SEYCHELLES. New Service Ltd., Kingsgate House, P.O. Box131, Mahé. SUÉDE. Toutes les publications : A/B CE.Fritzes Kungl. Hovbokhandel, Fredsgatan, 2, Box 16356, 103-27Stockholm, 16. Pour le « Courrier » seulement : Svenska FN-Forbundet, Skolgrand 2, Box 150-50, S-10465 Stockholm-Postgiro 184692. SUISSE. Toutes publications. EuropaVerlag, 5, Ramistrasse, Zurich. C.C.P. 80-23383. Librairie Payot,6, rue Grenus, 1211, Genève 11. C.C.P. : 12.236. - SYRIE.Librairie Sayegh Immeuble Diab, rue du Parlement, B.P. 704,Damas. - TCHÉCOSLOVAQUIE. S.N.T.L., Spalena 51,Prague 1 (Exposition permanente) ; Zahracini Literatura, 11Soukenicka, Prague 1. Pour la Slovaquie seulement : Alfa VerlagPublishers, Hurbanovo nam. 6, 893 31 Bratislava. TOGO.Librairie Évangélique, B.P. 1164, Lomé, Librairie du Bon Pasteur,B.P. 1164, Lomé, Librairie Moderne, B.P. 777, Lomé. - 'TRINIDAD ET TOBAGO. Comission Nationale pour l'Unesco,18 Alexandra Street, St. Clair, Trinidad, W.l. - TUNISIE.Société tunisienne de diffusion, 5, avenue de Carthage, Tunis;- TURQUIE. Librairie Hachette, 469 Istiklal Caddesi ; Beyoglu,Istambul. U.R.S.S. Mejdunarodnaya Kniga, Moscou, G-200- URUGUAY. Editorial Losada Uruguaya, S.A. LibreríaLosada, Maldonado, 1092, Colonia 1340, Montevideo.YOUGOSLAVIE. Jugoslovenska Knjiga, Trg RerJublike 5/8,'P.O.B. 36, 1 1-001 Belgrade. Dreavna Zalozba Slovenije. Titova C25, P.O.B. 50, 61-000 Ljubljana. - RÉP. DU ZAIRE. La librairie,Institut national d'études politiques, B.P. 2307, Kinshasa.Commission nationale de la Rép. du Zaire pour l'Unesco,Ministère de l'Éducation nationale, Kinshasa.

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Une icône

d'avant garde

Créateur de la peinture non figurative, Casimir Malevitch (né à Kiev en 1878, mort à Leningrad en 1935)entend considérer la peinture comme un objet et non comme une représentation du réel, décision qui le con¬duit vers l'abstraction. Il est le chef de file de l'école suprématiste (nom donné à l'abstraction géométrique).Rectangles, cercles et croix aboutissent à la conséquence la plus absolue : ce fameux tableau "le Carréblanc sur fond blanc". L'utilisation des formes tubulaires pour interpréter le corps humain sont manifestesdans cette "tête de paysan" (huile de 1910 conservée au musée russe de Leningrad). Cette oeuvre montre laconviction du peintre que l'art recèle une force morale qui plonge ses racines dans les peintures d'icônes.

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Photo Mus6e russe de Leningrad. URSS