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Geneviève Cotty LES SOUVENIRS DE GENEVIEVE mamie-blogueuse ***************************************************************** Des histoires et des récits sur la vie à Athis-Mons et Juvisy sur Orge dans les années 40 et 50 EDITION DANDYLAN ON THE WEB

Les souvenirs de Geneviève

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Les souvenirs de Geneviève

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Page 1: Les souvenirs de Geneviève

Geneviève Cotty

LES SOUVENIRS DE GENEVIEVEmamie-blogueuse

*****************************************************************

Des histoires et des récits sur la vieà Athis-Mons et Juvisy sur Orge

dans les années 40 et 50

EDITION DANDYLAN ON THE WEB

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LES SOUVENIRS DE GENEVIEVE

• Bombardement d’ATHIS-JUVISY du 17/18 Avril 1944• Août 1944 - ATHIS libérée (ou…presque)• Autres souvenirs…… d’une période troublée.• Toujours des souvenirs d’une période troublée…• Encore des souvenirs anciens … Le MORT-RU• Quelques explications concernant le quartier Voltaire de JUVISY/ATHIS

dans les années 1920 - 1930

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Ce mémorable 18 AvrilBOMBARDEMENT d’ATHIS-JUVISY du 17/18 Avril 1944

Souvenirs… Souvenirs…

’habitais alors avec ma mère à JUVISY-sur-ORGE, avenue du Miroir, c’est-à-dire à la limite d’ATHIS très près à vol d’oiseau de la gare de triage. J

Depuis quelques mois, les allemands avaient bien des soucis avec le front russe notamment et les Français commençaient à reprendre espoir… Vint Pâques 1944. Le Lundi de Pâques 9 avril, la gare de VILLENEUVE-St-GEORGES a été bombardée et nous avions eu très peur. Pendant une semaine, il y a eu alertes sur alertes … Nous avions décidé de ne pas quitter la maison, sauf un soir où nous sommes parties dans un abri vers le Parc de JUVISY. Nous étions une cinquantaine dans cet abri.

Nous sommes donc partis par les jardins, en escaladant des murs hauts (je me demande toujours comment j’ai fait…). Nous avons traversé ce qu’on appelait Les Forges d’Athis et nous sommes arrivés dans le haut d’Athis (vers le haut de la côte d’Avaucourt). Là, j’ai rencontré mon patron, Mr. Baumann et des collègues qui essayaient de savoir ce que j’étais devenue. Soulagé de me voir en vie, mon patron m’a copieusement « incendiée » car je n’avais pas obéi aux ordres qui étaient : "en cas d’alerte grave, rejoindre immédiatement le commissariat" ! C’était un comble ! Sur le moment, j’ai trouvé ça tellement injuste que j’ai pleuré ! Et j’ai appris que deux collègues, le Secrétaire de Police et un Gardien que Mr.Baumann avaient envoyés vers chez nous à ma recherche, venaient de sauter sur une bombe à retardement. Le Secrétaire de Police avait été tué et le gardien grièvement blessé. Nous étions tous très tristes. Le Secrétaire de Police était un Alsacien qui, pour ne pas être Allemand, avait préféré tout abandonner en Alsace et venir en France avec sa femme et ses deux petites filles… et seulement deux valises. Ce sont des choses qu’on n’oublie pas.

La solidarité jouant à fond, nous avons pu être logées d’abord dans un hôtel à ABLON, puis dans une villa à ABLON dont les propriétaires n’ont jamais voulu encaisser un centime de loyer… et ce jusqu’en 1946. Par contre, les services publics n’ont pas été à la hauteur ! Ça, c’est une autre histoire…

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3D’autres bombardements ont eu lieu après celui-ci au cours

duquel bon nombre de nos voisins avaient été tués… J’avais toujours très peur quand j’entendais les sirènes…

Dans ce bombardement d’Athis-Juvisy, il y eut d’innombrables dégâts et des morts dont beaucoup par les bombes à retardement. Beaucoup de personnes ont été portées disparues car elles s’étaient réfugiées sur les bords de l’Orge et elles ont été ensevelies complètement par la vase comme par des sables mouvants.

Nous n’avons rien retrouvé provenant de notre maison, ni objets, ni photos. Rien. A la place de cette grande maison, il y avait un immense trou… rempli d’eau. Tous mes souvenirs sont partis en une heure. Mais il y a tout de même eu un miracle : nous avons retrouvé absolument intact un paquet bien ficelé, pas déchiré du tout, dans lequel ma mère avait rangé les objets personnels de mon frère, pris sur lui après sa mort et qui avaient été rendus à mes Parents… (mon frère tué en juin 1940 comme je l’ai dit plus haut). Il lui restait donc quelque chose de son fils…

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Petits souvenirs d’une période troublée….Août 1944 - ATHIS libérée (ou…presque) -le 24 Août je crois -

out le monde était en effervescence, les Américains étaient entrés dans Athis. J’étais jeune et mes réflexes étaient… ce qu’ils étaient ! La peur au ventre, je me suis mise à pédaler

tellement vite pour traverser ce carrefour et attraper l’Avenue Jules Vallès que personne, pas même un champion aurait pu faire mieux. Je ne commandais pas mes jambes, elles « partaient » toutes seules ! Je ne pouvais pas freiner, je ne pouvais pas descendre de bicyclette… je serais tombée !!! Ma grande honte c’est d’avoir entendu un homme qui était dans son jardin dire : « ben dis-donc, elle n’a pas peur la petite » ! Oh que si j’avais peur !

T

Je ne méritais aucun compliment, ce qui me faisait pédaler, ce n’était pas le courage, mais une « trouille » atroce….

Quand j’ai enfin pu descendre de mon vélo, à hauteur du haut de la côte d’Avaucourt, je tremblais tellement que je me suis assise au bord de la route ! Impossible d’aller plus loin dans l’immédiat… Héroïne malgré moi !

Courage, fuyons !

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Autres souvenirs…… d’une période troublée.

8 Avril. Comme tous les ans, cette date me rappelle quelque chose ! C’était il y a soixante trois ans. Oh là là, quelle nuit celle du 17 au 18 avril. Souvenir impérissable que j’ai déjà

raconté.1

Mais il y eut les lendemains…Le Val d’ATHIS en ruines, les rescapés cherchant les membres

de leur famille, les amis, les voisins, et ces bombes à retardement qui nous empêchaient d’aller sur nos décombres.

Les particuliers n’avaient plus le droit de circuler dans cette zone, seules les équipes de déblaiement (pompiers, scouts, etc..) étaient autorisées. Il y eut encore des morts les jours suivants parmi ceux-ci.

Nous nous retrouvions donc sans rien d’autre que ce que nous avions sur nous pour partir aux abris ! Mais surtout, il y avait tous ceux qui cherchaient leurs proches.

Je travaillais au commissariat d’Athis et mon bureau avait été « réquisitionné » pour y entreposer tout ce qui était retrouvé dans les décombres des maisons et qui pouvait être utile pour l’identification des personnes dont on était sans nouvelles : vêtements, papiers d’état-civil, livrets de famille, petits objets, enfin tout ce qui pouvait éventuellement servir à mettre un nom sur les corps retrouvés…..

Il s’était mis à faire chaud et il se dégageait des décombres une odeur atroce dont tout ce qu’on apportait dans mon bureau était imprégné… Je n’insiste pas… mais quand il me fallait aller dans ce bureau pour accompagner les familles recherchant un des leurs, j’en étais malade….Et le désespoir de tous ces gens…Chercher les siens dans cet amalgame, quelle horreur! ATHIS et JUVISY, comme tant d’autres Villes, ont vraiment été martyres…

D’autres petits souvenirs… certains heureux !

Il y a eu cette femme âgée, retrouvée dans les décombres de sa maison au bout de dix jours. Elle s’était mise à l’abri dans son sous-sol; sa maison s’était écroulée et sa famille la croyait morte. Mais non ! Quand les sauveteurs l’ont enfin entendue et ont pu la dégager, elle a eu assez de forces pour leur dire : « Ben, vous en

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6avez mis un temps ! » Elle a secoué la poussière qu’elle avait sur elle et voilà …Miracle non ? Sa cave contenait un tonneau de vin et c’est ce qui lui avait permis de tenir le coup !

Il y a eu cette petite chatte sortie fièrement des décombres avec sa nichée nouvellement arrivée sur cette terre … qui n’a pas dû lui sembler une terre d’accueil.

Mais il y a eu aussi tous ceux qu’on n’a pas retrouvés, portés à jamais disparus. J’ai retrouvé comme collègue, dans les années 1970, une ancienne voisine de l’Avenue du Miroir à ATHIS. Elle n’avait jamais retrouvé ses parents et sa sœur…

Quelques souvenirs (pas très agréables)…

Évidemment, nous avons manqué de tout, même de l’essentiel, après ce bombardement : pas de vêtements de rechange et impossibilité d’en avoir puisqu’il fallait des points de textile, des bons de chaussures etc… en un mot tout ce que nous n’avions pas pour en obtenir d’autres.

Mais la solidarité a dans l’ensemble été importante; les personnes qui n’avaient pas été touchées par ce désastre, ou très peu touchées, ont partagé ce qu’elles avaient avec les sinistrés…C’était réconfortant.

Ce qui l’était moins, ça a été le pillage des décombres ! Comment peut-on piller des gens qui déjà n’ont plus rien ! Malheureusement, je crois que dans toutes les catastrophes ça se passe comme ça … Ceux qui pillaient allaient sur les décombres alors que c’était interdit étant donné le danger. Ce qu’ils volaient, ils le revendaient au prix du marché noir… Les trafiquants n’ont pas de conscience !

Autre petit souvenir de cette époque troublée.

En temps de guerre, tout est dangereux, même… le saucisson !

Cela se passe au cours de l’hiver 1940/1941 au Marché des GRAVILLIERS

Un dimanche matin, au début de l’occupation allemande, j’aidais des amis qui vendaient de la parfumerie sur le marché des Gravilliers. Juste en face d’eux se trouvait une charcuterie dont l’étal,

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7moins bien achalandé qu’avant-guerre, vous donnait quand même faim ! Mais voilà, si on pouvait regarder, on ne pouvait ni toucher, ni acheter si on n’avait pas ces fichus tickets d’alimentation. Et ce charcutier ne détestait pas trop l’armée d’occupation, ni le marché noir….Il avait cette réputation qui n’était pas usurpée d’ailleurs je crois… C’est ce qui se disait.

Arrive un client qui, bien entendu, voulait acheter de la nourriture…C’était un homme d’une trentaine d’années, pas plus agressif qu’un autre . Le charcutier lui dit qu’il ne pouvait rien lui vendre etc… etc… La conversation s’envenime et les poings commencent à s’agiter d’un côté comme de l’autre ! Et tout à coup, le client furieux attrape une énorme MORTADELLE (je crois que c’est le nom de ces saucissons qui font 10 cm de diamètre) et frappe avec sur la tête du charcutier ! Au tapis le charcutier, complètement assommé. Je ne sais pas s’il voyait des étoiles, mais les spectateurs présents (dont j’étais) étaient partis d’un grand éclat de rire… Petite revanche peut-être en ce temps où une simple petite rondelle de saucisson était la bienvenue !

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8Toujours des souvenirs d’une période troublée….

uin 1940.….Après cette « drôle de guerre », les allemands gagnent du terrain et approchent de Paris. Mon père, mobilisé à PARIS, passe Avenue du Miroir à la maison, son régiment se

repliant en province. Toutes les administrations ont déjà quitté la capitale. Mon père demande à ma mère et à moi de quitter la maison, ce que nous allons faire….Nous allons donc rejoindre sur les routes les flots de réfugiés…C’est l’Exode… Et puis l’Occupation…

JAprès un périple un peu « bousculé », nous retrouvons notre

maison intacte…A première vue, nous n’aurions pas dû partir ! Et notre vie sous l’occupation essaie de s’organiser. Ma mère commence déjà par tuer poules et lapins qu’elle ne peut plus nourrir, ne trouvant ni grain, ni fourrage. Puisque nous ne pouvons pas les nourrir, ce sont eux qui nous nourriront…certains après être passés par des bocaux de conserve… La vie est dure pour tout le monde…

La nourriture devient un gros sujet de préoccupation…Ma grand-mère envoie à ma mère des graines de haricots (qu’elle lui affirme être « nains »). Bon, plus de massif de fleurs devant la maison, les haricots remplacent avantageusement…Oui, mais…ils sont loin d’être nains et au bout de peu de temps, maman est obligée de mettre à chacun des rames sur lesquelles ils vont monter allègrement. Nous sommes loin de ce joli massif de bégonias que nous admirions tant !

Je passe sous silence ces fameux rutabagas dont on a beaucoup parlé ! C’est pas que le goût était mauvais, mais il faut bien avouer que pour calmer la faim, on doit trouver mieux ! Enfin, notre potager contenait un peu de tout et nous avions de la chance d’avoir un jardin…Il y avait bien la corvée doryphores…ça, sous l’Occupation, c’était une saine occupation !!! Très prenante !!tous les matins on allait à la chasse en fourrageant dans les pommes de terre « feuille par feuille »… Il fallait écraser ces bestioles…Et le soir, il fallait recommencer (elles se reproduisent à une cadence vertigineuse)…Fallait vraiment avoir envie de manger des pommes de terre, ou peut-être ne pas avoir grande chose à manger… ce qui était le cas.

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Restrictions, restrictions… Tout nous était mesuré « à minima ». Beurre, viande, sucre, huile, pain etc… tout ceci n’était plus que de vagues souvenirs. Et en plus, restrictions de gaz, restrictions d’électricité… ce qui nous faisait dire « Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui, on prend un bain ou on fait le pot-au-feu » ? Les deux réclamant un certain temps de chauffage, il fallait choisir. Mais, comme on n’avait pas de viande, le pot-au-feu n’était pas d’actualité….le bain non plus d’ailleurs, il faisait froid dans les maisons sans chauffage ! On essayait de prendre tout ça avec un peu d’humour, sans doute parce que ma mère et moi n’étions que deux femmes. Mais pour les hommes et les enfants, les restrictions étaient beaucoup plus dures à supporter. Il fallait faire preuve de beaucoup d’imagination…

Au bord du Miroir, le cochon de minuit …

Nous avions des amis qui habitaient au bord du Miroir et qui avaient pu avoir un cochon vivant ! Quelle aubaine. Le sort de ce cochon avait été décidé en petit comité : il devait mourir d’un coup de pistolet (pas très permis ça, par la main d’un gardien de la paix) le soir à minuit, quand tout dormait aux alentours….Nous assistions à l’opération… Oui, mais voilà, notre tireur ne devait pas être d’élite, il a raté le cochon….Qui a déjà entendu un cochon qui a peur ? Les sirènes le jour du bombardement ont fait moins de bruit ! Ce cochon a braillé de toutes ses forces nous mettant tous en transe ! Notre tireur a pu rapidement le faire taire définitivement, mais nous n’étions pas très tranquilles….et notre ami a cru bon de faire des largesses en distribuant le lendemain quelques côtelettes aux voisins proches de chez lui…On ne sait jamais…Quel souvenir, quelle émotion !

Un vêtement pour deux… qui sort aujourd’hui ?…

Les lendemains du 18 avril 1944 - Plus de vêtements ni autre chose d’ailleurs…

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10Comme je l’ai déjà dit, la solidarité a été présente.

Heureusement car les services officiels ont été débordés et pas très à la hauteur.

Moi, j’étais partie à l’abri tout habillée puisque je n’étais pas encore couchée. Ma mère était en combinaison sous son manteau ! Pour avoir d’autres vêtements, il nous fallait obtenir des « bons de textiles ». Le bombardement ayant eu lieu le 18 avril 1944, nous avons touché des bons de textiles….à l’automne 1944. Je ne suis pas certaine que tout ceci soit bien logique, mais le plus triste (ou risible, c’est comme on veut), pour ma mère et moi, nous avons touché, pour toutes les deux (à nous partager vraisemblablement):

- 1 bon de robe

- 1 bon de manteau

- 1 bon de chemise (à l’époque on en portait)

- 1 bon de combinaison

En résumé, nous ne pouvions pas sortir ensemble ! « Prête-moi ta chemise, je te prêterai ma combinaison… »

Dans quelle tête une idée pareille avait-elle pu germer ? Heureusement que nous avions de la famille et des amis.

« S’empresser de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer »…

D’autres petits inconvénients -

Les chaussures à semelles de bois (tiens, moi, ça m’avantageait…en hauteur)

Les tissus qui se froissaient, on disait qu’il y avait du bois dedans…Tous les jours avant de partir travailler, je repassais ma jupe (je dis bien « ma » je n’en avais qu’une !) J’avais acheté un joli petit ensemble pour aller au mariage d’une amie. Un jour, j’ai pris une

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11averse sur le dos, mon ensemble a perdu dix centimètres ! Je l’ai bien regretté….surtout que pour en avoir un autre, ce n’était pas certain !

Et tant d’autres inconvénients… Comment peut-on s’imaginer qu’on ait pu tenir si longtemps : le froid l’hiver, le manque de nourriture…Et chez moi l’annonce de la mort de mon frère tué en Juin 1940 ce que nous n’avons appris qu’en 1942.. Et le bombardement du 18 avril pour finir. Je crois vraiment que l’espoir fait vivre !

Et notre jeunesse dans tout ça ?

Nos plus belles années….qu’en reste-t-il ? Simplement un rêve et un souhait :

- qu’on ne revoie plus jamais une telle horreur.

On arrive à parler légèrement de cette période, mais c’est peut-être pour masquer un peu mieux ce qu’on ressent. Simple pudeur.

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Encore des souvenirs anciens … Le MORT-RU

orsque mes parents sont arrivés à Juvisy en 1927, nous habitions rue de la Paix ; notre maison se trouvait être la dernière de cette rue, pas encore reconnue comme on disait

alors. Nous étions séparés d’Athis par le Mort Rû, petit ruisseau qui portait bien son nom et qui, en allant tranquillement se jeter dans l’Orge un peu plus loin, délimitait notre jardin pour la plus grande joie de mon frère et moi ! Pas tout à fait mort d’ailleurs le ruisseau, puisqu’on pouvait y attraper des sangsues, des têtards et autres êtres vivants guère plus ragoûtants… Et, malgré les interdits de nos parents, on ne s’en privait pas !

L

Un petit pont de bois vermoulu (oh combien) nous permettait d’aller sur Athis; en empruntant à droite de chez nous l’avenue du Miroir qui se trouvait partie sur Athis, partie sur JUVISY (à gauche du pont). Nous allions chez des commerçants Rue de Juvisy (pharmacie LEGROS entre autres) et surtout, nous allions chercher de l’eau potable à une borne-fontaine qui se trouvait à l’angle de la rue de Juvisy et de la rue du Miroir… Comme je l’ai dit, notre rue « n’étant pas reconnue » par les services municipaux, nous n’avions pas l’eau, hormis une pompe qui rendait bien service pour tout, sauf que l’eau qu’elle nous donnait était impropre à la consommation.

Alors, quelle expédition ! Lorsque nos parents allaient chercher l’eau à la fontaine, il n’y avait aucun problème….Mais quand mon frère et moi étions de corvée avec chacun notre petit broc, c’était une autre histoire ! Les gamins du quartier qui trouvaient que ces petits parisiens leur prenaient leur eau, attendaient que nous approchions de la maison pour… cracher dans nos récipients. Et mes parents étaient obligés de se fâcher, ce qui réjouissait ces gosses … Nous ne sommes pas restés ennemis très longtemps, j’en ai quand même un mauvais souvenir ! Mais bon , les souvenirs ne sont pas tous agréables et tout ça n’était pas bien grave… Il n’y avait pas de voitures à brûler à l’époque !

Ce Mort-Rû, dont l’eau n’était pourtant pas attirante, attirait tous les gamins et tous sont tombés dedans un jour ou l’autre en

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13attrapant des sangsues ! Les planches du pont étaient disjointes, vermoulues et… il fallait faire attention où on mettait ses pieds ! Lorsqu’on courait dessus, ce n’était pas évident … et on passait facilement au travers avec bain forcé à l’arrivée. Oh, ce n’était pas profond, mais quelle vase ! « Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés… » Je crois qu’il n’y a eu aucune exception.

Pour ceux qui étaient amateurs d’abricots disons « gratuits » si vous voyez ce que je veux dire, le bain était assuré aussi. Deux braves personnes, déjà âgées, avaient dans leur jardin un magnifique abricotier dont des branches croulaient sous le poids des fruits pas faciles à cueillir : ces branches étaient au-dessus du Mort Rû. Déjà que pour des jeunes ce n’était pas facile, il faut admettre que pour ces gens c’était très difficile… Alors les gosses, pas tous heureusement, s’en occupaient, mais pas toujours avec succès… Leur récolte et eux-mêmes étaient bien mouillés et avaient un goût de vase… le goût du péché en l’occurrence !

Mes parents ne voulaient pas qu’on aille jouer dans la rue, mais qu’est-ce qu’on le regrettait ! On trouvait extraordinaire la vie que ces enfants avaient, ils n’avaient peur de rien.

Ils étaient turbulents, inventifs, mais très gentils. Pour leur faire plaisir, ma mère leur faisait écouter l’arrivée du Tour de France à la TSF (nous étions privilégiés). Ils étaient assis sur le mur et ma mère ouvrait grand la fenêtre et mettait le poste à tue-tête ! Tout Athis-Juvisy pouvait en profiter !

Et puis, enfin nous avons eu l’eau courante, le tout-à-l’égout, une rue bien faite et un pont sur le Mort-Rû et toute la rue du Miroir a été reliée. Et ensuite, mais je ne sais plus à quelle époque, sans doute après la guerre, le Mort-Rû a été recouvert…

Nous avons quitté la rue de la Paix en 1935 pour aller… rue du Miroir ! Mais toujours sur Juvisy dans une maison toute neuve qui a cessé de vivre le 18 avril 1944 ! Notre ancienne maison de la rue de la Paix en a fait autant … Tous les souvenirs palpables sont partis ce jour-là…

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14Avant-guerre des commerces s’étaient installés rue de Juvisy,

sur Athis, dont LA BRIARDE (laiterie, crèmerie, épicerie). Tout le quartier était bien pratique et agréable.

Athis n’a pas toujours été la grande ville qu’elle est devenue ! Il est difficile de s’imaginer que c’était presque la campagne ! Et que les enfants avaient les mêmes jeux qu’à la campagne ! Faut-il le regretter ? Personnellement, je ne le pense pas…le progrès a du bon, même si on « y laisse un peu des plumes parfois »…

Depuis l’Avenue du Miroir

Aller au « champ d’aviation d’Orly » était une très grande promenade que nous faisions assez souvent le Jeudi, à pieds bien entendu ! Il y avait environ cinq kilomètres. C’était donc la grande sortie. On emportait le goûter… un vrai bonheur quoi !

De l’Avenue du Miroir, après avoir emprunté une partie de l’Avenue de l’Orge, on traversait les anciennes forges et on prenait d’autres raccourcis dont je ne me souviens plus… Tout ceci dans la joie et la bonne humeur !

Arrivés à Orly, (en réalité le champ d’aviation se trouvait sur ATHIS-MONS et sur PARAY-VIEILLE-POSTE et pas tellement sur ORLY), nous avions la joie de voir de très près ces petits avions de tourisme, de les voir manœuvrer et faire des acrobaties ! L’aviation n’était pas encore bien vieille et tout nous émerveillait. On s’approchait des grands hangars… C’était formidable … On traînait beaucoup plus les pieds pour revenir….

Ces petits avions (qui nous semblaient si grands), ces exercices, ces loopings, on les voyait aussi de notre maison Avenue du Miroir. De la chambre de mon frère qui se trouvait au premier étage, nous apercevions les hangars disparus maintenant. Et l’excitation, c’était quand on voyait des ballons dirigeables. On se précipitait à la fenêtre ou dans le jardin pour les regarder… Tout ceci faisait rêver… D’autres avions sont venus plus tard, beaucoup moins innocents et dont le bruit n’annonçait rien de bon dans l’immédiat…

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15Je me souviens aussi du bruit, mais ça c’était un peu

énervant, qui nous arrivait suivant le vent ! Les bruits provenant des bancs d’essais de l’usine GNOME ET RHONE située à Paray-Vieille-Poste sans doute ? Très lassant … de même que ceux provenant de la gare de triage de Juvisy/Athis qui se trouvait à deux cents mètres de chez nous à vol d’oiseau : les ordres de manœuvre étaient criés dans des haut-parleurs et se mêlaient au bruit des wagons qu’on raccrochait etc. La nuit surtout, c’était pénible. Est-ce que cela existe toujours, ou bien a-t-on trouvé un autre système pour donner les ordres ?

Souvenirs d’enfance, souvenirs d’une époque qui semble peut-être pour certains venir des temps les plus reculés… Les progrès sont venus mais il a fallu payer très cher pour cela.

ORLY, après avoir été un «champ d’aviation», a été un «camp d’aviation» puis un grand aéroport où on va toujours en promenade admirer les gros avions et rêver… La roue tourne…

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16Quelques explications concernant le quartier Voltaire de

JUVISY/ATHIS dans les années 1920 - 1930 -

'ai repris le plan et… j’espère que tout le monde comprendra. Un petit morceau de l’Avenue Voltaire est effectivement sur Athis, mais les parcelles de pavillons n’étaient pas coupées en

deux entre les deux villes. Entre l’Avenue Voltaire à JUVISY et l’Avenue Jean Jaurès à ATHIS, la délimitation était faite par le MORT RU qui, à l’époque, n’était pas recouvert.

JNotre première maison à Juvisy, se trouvait à l’angle de la

Rue de la Paix et de la rue du Miroir. La rue de la Paix se terminait à cet angle. Notre jardin était séparé d’un voisin qui habitait Avenue du Miroir sur Athis (à droite en allant en direction de la Rue de Juvisy) par le MORT RU. Toute la partie que j’ai « hachurée » en rouge sur le plan, représente le Mort Rû. Pour aller de l’Avenue du Miroir (Juvisy) à l’Avenue du Miroir (Athis) il fallait traverser par un affreux petit pont de bois ! Sur l’Avenue Voltaire, il y avait également un pont mais qui se confondait avec l’Avenue mieux faite que la rue de la Paix. Ce n’est que vers les années 1932/1935 que le pont de bois a été supprimé, les rues bien faites… Les terrains vagues ont commencé à se construire. Notre nouvelle villa a été construite en 1934 je crois.

Je pense que depuis que le Mort-Rû a été recouvert (il était un peu insalubre!!!), la rue de la Paix a été prolongée.

Je me souviens très bien du Temple protestant, il était sur Athis. Peut-être existe-t-il toujours ?

La rue Voltaire commençait à l’Avenue de l’Orge (qui s’est appelée après guerre Avenue du 18 Avril si j’ai bonne mémoire) et se terminait à droite par la Rue des Gaulois sur Juvisy et à gauche par la Rue de Juvisy sur Athis.

Elle coupait droite l’Avenue de la République (sur Juvisy) et l’Avenue Jean Jaurès (sur Athis). Ces deux Avenues étant dans le prolongement l’une de l’autre.

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17Je crois qu’on ne peut pas trop dissocier Athis de Juvisy, que

ce soit par leurs délimitations ou le sort qui leur a été réservé en avril 1944 !

Si mes explications ne sont pas très claires, je m’en excuse ! Je ne suis pas géomètre, je ne travaille qu’avec mes souvenirs…qui commencent à dater un peu ! Mais c’est bien agréable de se retremper dans cet univers de Jeunesse….

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