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Les succursales en droit international et europ´ een. Kamal Lagtati To cite this version: Kamal Lagtati. Les succursales en droit international et europ´ een.. Droit. Universit´ e d’Auvergne - Clermont-Ferrand I, 2011. Fran¸cais. . HAL Id: tel-00942831 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00942831 Submitted on 6 Feb 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es.

Les succursales en droit international et européen

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  • Les succursales en droit international et europeen.

    Kamal Lagtati

    To cite this version:

    Kamal Lagtati. Les succursales en droit international et europeen.. Droit. UniversitedAuvergne - Clermont-Ferrand I, 2011. Francais. .

    HAL Id: tel-00942831

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00942831

    Submitted on 6 Feb 2014

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements denseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.

    https://hal.archives-ouvertes.frhttps://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00942831

  • UNIVERSIT DAUVERGNE CLERMONT-FERRAND I E.D. DES SCIENCES CONOMIQUES, JURIDIQUES ET DE GESTION

    (E.D. 245)

    T H S E

    POUR LE DOCTORAT EN DROIT PRIV

    prsente et soutenue publiquement

    par

    Kamal LAGTATI Le vendredi 25 mars 2011

    Titre :

    LES SUCCURSALES EN DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEN

    _______

    Directeur de recherche : Mademoiselle Marie-lodie ANCEL,

    Professeur lUniversit Paris-Est Crteil Val-de-Marne.

    ______

    Membres du jury :

    Mademoiselle Marie-lodie ANCEL,

    Professeur lUniversit Paris-Est Crteil Val-de-Marne.

    Monsieur Pierre BERLIOZ

    Professeur lUniversit de Reims Champagne-Ardenne, rapporteur.

    Monsieur Nicolas MATHEY,

    Professeur lUniversit Paris Descartes, rapporteur.

    Monsieur Jean STOUFFLET,

    Professeur mrite de lUniversit dAuvergne.

  • Principales abrviations

    2

    PRINCIPALES ABRVIATIONS

    AELE Association europenne de libre change AFDI Annuaire franais de droit international AGS Association de garantie des salaires al. alina AJDA Actualit juridique de droit administratif AMF Autorit des marchs financiers art. Article Ass. pl. Assemble plnire BCCI Banque of Credit and Commerce International BDCF Bulletin des conclusions fiscales BGB Brgerliches Gesetzbuch BRDA Bulletin rapide de droit des affaires Bull. civ. Bulletin civil Bull. crim. Bulletin criminel Bull. fisc. Bulletin fiscal Bull. Joly Bulletin Joly Socits CA Cour dappel CAA Cour administrative dappel Cah. dr. eur. Cahier de droit europen C. civ. Code civil C. com. Code de commerce C. mon. fin. Code montaire et financier CMF Conseil des marchs financiers Cass. civ. Arrt de la chambre civile de la Cour de cassation Cass. com. Arrt de la chambre commerciale de la Cour de

    cassation Cass. mix. Arrt de la chambre mixte de la Cour de cassation Cass. req. Arrt de la chambre des requtes de la Cour de

    cassation CECEI Comit des tablissements de crdits et des

    entreprises dinvestissement CGI Code gnral des impts ch. Chambre CJUE. Cour de justice de lUnion europenne chron. Chronique coll. Collection comm. Commentaire concl. Conclusion D. Recueil Dalloz DA Recueil Dalloz analytique D. affaires Recueil Dalloz Affaires doctr. Doctrine DP Recueil Dalloz priodique DPCI Droit et pratique du commerce international Dr. fisc. Revue Droit fiscal

  • Principales abrviations

    3

    Dr. Socits Revue Droit des socits d. Edition fasc. Fascicule GADIP Grands arrts de droit international priv Gaz. Pal Gazette du palais Ibid Ibidem (au mme endroit IECL International Encyclopedia of Comparative Law J.-Cl. Intern. Juris-Classeur international J-Cl. Europe Juris-Classeur Europe J.-Cl. Sts Juris-Classeur Socits JDI Journal de droit international J. Intl. Arb Journal of International Arbitration JOUE Journal officiel de lUnion europenne L.P.A Les petites affiches OCDE Organisation de coopration et de dveloppement

    conomique op. cit. Opere citato RCADI Recueil de cours de droit international RDAE Revue de droit des affaires europennes RDAI Revue de droit des affaires internationales RDBF Revue de droit bancaire et financier Rp. Communautaire Dalloz

    Rpertoire de droit communautaire Dalloz

    Rp. International Dalloz

    Rpertoire de droit international Dalloz

    Rp. Sts Dalloz

    Rpertoire de droit des socits Dalloz

    RGDA Revue gnrale de droit des assurances RGDIP Revue gnrale de droit international public RIDC Revue internationale de droit compar RLD civ. Revue Lamy de droit civil RLDA Revue Lamy de droit des affaires Rev. Socits Revue des socits Rec. Recueil des arrts de la Cour de justice et du

    Tribunal de premire instance de lU.E RID comp. Revue internationale de droit compar RID co. Revue internationale de droit conomique Riv. dir.int. civ. e proc.

    Rivista di diritto internationazionale civile e processuale

    RMCUE Revue du march commun et de lUnion europenne

    RJC Revue de jurisprudence commerciale RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires RJS Revue de jurisprudence sociale RPC Revue des procdures collectives RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial RTD eur. Revue trimestrielle de droit europen RUU Rgles et Usances uniformes de la Chambre du

  • Principales abrviations

    4

    commerce international Tb.I Tribunal dinstance TGI Tribunal de grande instance TCFDIP Travaux du Comit Franais de droit international

    priv TFUE Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne vol. Volume v. Voir YPIL Yearbook Private International Law

  • Sommaire

    5

    SOMMAIRE

    PREMIRE PARTIE :

    LA CRATION DES SUCCURSALES TRANGRES

    Titre 1 : LES CONDITIONS GNRALES DACCS AU MARCH

    FRANAIS PAR VOIE DE SUCCURSALE

    Chapitre 1 : Limmatriculation des succursales : un moyen de dclarer la maison mre

    trangre

    Chapitre 2 : La protection des socits franaises contre la concurrence trangre

    Titre 2 :

    LES CONDITIONS SPCIFIQUES DACCS CERTAINES ACTIVITS : Lagrment des succursales

    Chapitre 1 :

    Lagrment administratif des succursales des tablissements de crdit et de socits dassurance de pays tiers

    Chapitre 2 :

    Lagrment unique bnficiant aux succursales europennes du secteur financier

    DEUXIME PARTIE : LE FONCTIONNEMENT DES SUCCURSALES

    TRANGRES

    Titre 1 : Le rgime juridique des succursales trangres

    Chapitre 1 :

    Les succursales, chef de comptence internationale dans les litiges les mettant en cause vis--vis des tiers

    Chapitre 2 :

    Les succursales, critre dapplication du droit substantiel aux rapports avec les tiers

  • Sommaire

    6

    Titre 2 : Le rgime fiscal des succursales trangres

    Chapitre 1 :

    Limposition des succursales trangres

    Chapitre 2 : La discrimination des succursales trangres

    TROISIME PARTIE :

    LA DISPARITION DES SUCCURSALES TRANGRES

    Titre 1 :

    La disparition des succursales trangres aprs la mise en faillite de la maison mre

    Chapitre 1 :

    Les succursales face la faillite internationale de la maison mre

    Chapitre 2 : Les succursales face linsolvabilit communautaire de la maison mre

    Titre 2 :

    La disparition des succursales trangres aprs une mesure de nationalisation

    Chapitre 1 :

    La nationalisation de la maison mre trangre

    Chapitre 2 : La nationalisation de la succursale trangre

  • Introduction gnrale

    7

    INTRODUCTION GNRALE

    1. Vue gnrale. La succursale forme de rayonnement extrieur de

    lentreprise 1 est un moyen pour une socit dtendre ses activits ltranger.

    Les socits qui ont atteint un degr de prosprit ont toujours cherch conqurir

    dautres marchs locaux, voire internationaux. Face linternationalisation du

    commerce qui a connu une expansion sans prcdent aprs la seconde guerre

    mondiale2, les entrepreneurs ont t obligs de faire voluer leur forme

    dexploitation en fonction des opportunits du march. Ainsi, sest trs vite fait

    sentir le besoin dimplanter des structures et techniques capables de rapprocher les

    socits commerciales de leurs clients ltranger, et surtout de sduire ces

    derniers en leur proposant des services de proximit. Cette internationalisation

    acclre des socits commerciales a oblig les banques partenaires tendre

    leurs rseaux ltranger3. Ces rseaux prennent souvent la forme de succursales.

    La cration dune succursale sinscrit dans le cadre de limplantation-cration

    qui consiste simplanter dans un pays sans modifier son rattachement avec son

    pays dorigine4. Le fait de choisir la succursale peut prsenter plusieurs intrts.

    Elle permet aux socits trangres, souhaitant dvelopper une activit dans un

    pays, dassurer une prsence permanente. Elle permet aussi de ne plus dpendre

    de rseaux de distribution mal contrls par la maison mre5. La succursale nest

    pas un simple instrument de distribution de produits fabriqus dans le pays de la

    maison mre, elle a une activit productrice propre6. En implantant des

    1 J. HAMEL et G. LAGARDE, Trait de droit commercial, t.1, Paris, Dalloz, 1958, n 219. 2 V. notamment R. SANDRETTO, Le commerce international, Paris, 1995, p. 8 ; v. aussi J. PAUWELYN, The transformations of world trade , Michigan Law Review, vol. 104, oct. 2005. 3 V. notamment, E. SAUTTER, Rle des rseaux trangers des grandes banques franaises , Banque, 1982, p. 59 ; B. MAROIS, Les relations maisons mres/implantations trangres dans les groupes bancaires , Banque, 1986, p. 442 ; A. LVY-LANG, La mondialisation des activits bancaires, la banque franaise dans le monde , AFB, Rflexions, 1995, p. 41 ; P.-B. RUFFINI, Les banques multinationales : de la multinationalisation des banques au systme transnational, P.U.F 1983, p. 32. B. MAROIS, Linternationalisation des banques, Economica, 1979, p. 116 ; J.-P. MATTOUT, Droit bancaire international, 4e d., Revue Banque, 2009, n 2. 4 J. BGUIN et autres, Droit du commerce international, Litec, 2005, n 792. 5 D. FERRIER, Droit de la distribution, 5e d., Litec, 2008, n 70 6 J. STOUFFLET, Succursales et filiales de socits trangres, in Festchrift fr Hermann JARRHEI, zum 80. Geburtstag, 19 August 1974, Herausgeben vom Institut fr Vlkerrecht und auslndisches ffentliches Recht der Universitt z Koln, Carl Heymanns Verlag KG Kln Berlin Bonn Mnchen, 1974, p. 297.

  • Introduction gnrale

    8

    succursales la maison mre en matrise totalement les activits grce au pouvoir

    exerc sur les personnes places la tte de ceux-ci : les grants de succursales7.

    Enfin, la succursale constitue, pour une entreprise, le moyen le plus adquat pour

    tendre ses activits ltranger car elle nexige pas de grands investissements.

    Pour cette raison, elle a connu et connat encore une grande expansion dans

    certains secteurs comme la banque, lassurance, lagroalimentaire, les

    tlcommunications et le voyage.

    2. Origine. Le terme succursale est emprunt au latin mdival :

    succursus , (au secours, et succurrere aider, secourir8 ; ou courir vers, do

    porter secours)9. Dans le monde marchand actuel, on peut se demander si cest la

    maison mre qui aide la succursale ou si cest plutt la succursale qui aide la

    maison mre. Daprs MOULY, la succursale serait une petite pice au secours

    dun grand ensemble 10.

    3. Une histoire ancienne. Limplantation des succursales est un

    phnomne assez ancien. Il remonte lAntiquit. La premire entreprise

    succursales connue fut celle de Muras, cre et gre par une famille dhommes

    daffaires babyloniens lpoque perse. Son sige central tait situ Nippur

    (aujourdhui Nuffer), 100 km du sud de Babylone11. Au Moyen ge, le

    succursalisme , si lon peut appeler ainsi le recours des succursales, sest

    dvelopp dans deux domaines. Dans le commerce maritime, dabord : les

    commerants hansatiques ouvraient des comptoirs dans les ports de la Baltique et

    de la mer du Nord. Dans le domaine bancaire, ensuite : les premiers furent les

    Florentins qui crrent les premires banques succursales. Il sagissait des

    familles Bardi, Perruzi et Acciailli. Les Perruzi de Florence ont t les marchands

    qui ont le plus dvelopp la socit succursales. Le capital tait constitu par le

    7 D. FERRIER, op. cit. n 71. 8 Dictionnaire Le petit Larousse. 9 Trsor de la langue franaise informatis, v Succursale , tymologie, consultable au site : http://atilf.atilf.fr 10 Ch. MOULY, Rapport de clture , in Les succursales bancaires, Actes de la journe dtudes du 9 mai 1995, A.E.D.B.F, Bruylant, 1996. 11 Une telle information vient de la dcouverte non loin de Nippur, dune partie des archives constitues par sept cent trente tablettes en terre cuite crites en akkadien. G. GARDSIA Les archives de Muras, une famille dhommes daffaires babyloniens lpoque perse, Thse, paris, 1946.

    http://atilf.atilf.fr/

  • Introduction gnrale

    9

    corpo (capital social) que fournissaient les associs, en majorit des membres de

    la famille. cot de ce corpo, figure un sopracorpo, constitu des dpts privs

    de tiers, remboursables vue. La socit des Perruzi oprait de Londres Chypre

    par lintermdiaire de succursales12.

    cette poque, le monde musulman connaissait, sous le rgne des

    Abbassides, une activit commerciale intense, tant intrieure quinternationale13.

    En matire bancaire, le sarraf (le changeur) constituait un lment cl du march.

    Au IXme sicle, il se transforma en banquier, soutenu par de riches marchands

    dtenteurs de capitaux investir. Le commerce de banque avait conquis le monde

    musulman ; il y introduisait la politique du crdit mais sur dautres bases que

    celles grecques et romaines, du fait de linterdiction de lusure. Dans le monde

    musulman des banques, le centre tait Bagdad et les succursales se partageaient

    les autres villes de lEmpire. Il tait possible par exemple dmettre un chque

    Bagdad et de lencaisser au Maroc14.

    Dans le monde occidental, les Mdicis ont jou, la fin du Moyen ge, un

    rle considrable dans le domaine bancaire. Ils ont cre des agences dans les

    principales villes europennes. Il y avait aussi des banquiers gnois ou vnitiens

    disperss sur le pourtour mditerranen15. De plus, certains ordres religieux, tels

    les Templiers du fait de leur rpartition gographique tendue, pouvaient

    facilement assurer ce rle. Plus tard, ce fut galement lorigine de la fortune de

    certaines dynasties bancaires comme celle des Rothschild, constitue initialement

    de cinq frres installs dans cinq villes diffrentes dEurope16 afin de constituer un

    rseau bancaire familial. Malgr limportance de ces expriences, le

    succursalisme ne connatra son succs qu partir du XIXe sicle, grce la

    naissance de la grande industrie et lamlioration des moyens de transport.

    12 M.-H. RENAUT, Histoire du droit des affaires, Ellipses, 2006, p. 35. 13 AL-MUQADDASI, Ahsan al-taqasim fi maarifat al-aqaalim, Ed. M.J. de Goeje, Leyde, 1906 ; IBN KHURRADADHBEH, Kitab al-Masalik wal-mamalik, Ed. M.J. de Goeje, Leyde, 1889 ; AL-YAQUBI, Kitab al-Buldan, Ed. M.J. de Goeje, Bibliotheca Geographorm Arabicorum, Leyde, 1892 ; Yaqut, Mujam al-Buldan, Le Caire, 1906. 14 H. ABDEL-HAMID, Politique, Droit et Commerce dans la civilisation musulmane , Revue de lassociation Mditerranes, Le centre dEtudes Internationales sur la Romanit et avec le concours de la Facult de Droit de La Rochelle, 2002, n 32, p. 40. 15 M.-H. RENAULT, Histoire du droit des affaires, Ellipses, 2006, p. 33. 16 Nathan Londres, Amschel Berlin, Salomon Vienne, Jacob Paris et Kalmann Naples.

  • Introduction gnrale

    10

    4. Le secteur alimentaire. la fin du XIXe sicle et au dbut du XXe

    sopra, dans le secteur de lalimentation, une vritable rvolution en Europe. Le

    petit commerce va disparatre pour laisser place aux grands magasins et les

    maisons succursales multiples17. Auparavant, lacheteur venait lchoppe de

    lartisan, commandait tel ou tel travail, prenait telle ou telle denre. partir de

    cette poque, cest le producteur qui va voir directement le consommateur pour

    linciter venir acheter. Les commerants se sont alors livrs une course

    lacheteur et une concurrence effrne18 . Cest dans ce contexte que sest

    dvelopp un autre type de succursalisme dit multiple, prcisment par ce quil

    est constitu par les maisons succursales multiples. En France, la premire fut

    Les tablissements conomiques des socits de secours mutuels , cre

    Reims en 1866. Aprs des dbuts difficiles, elle se dveloppa et, quelques annes

    plus tard, elle possdait dj 25 30 succursales. Cet exemple fut suivi par

    dautres commerants. Ainsi, plusieurs entreprises succursales ouvrirent

    Reims, les plus connues furent les tablissements Goulet-Turpin et les

    tablissements Mauroy. Le dpartement franais de la Marne fut donc le berceau

    des maisons dalimentation succursales en France. Le succursalisme alimentaire

    se rpandit ensuite dans le reste de la France. Ce fut dabord le tour de la Picardie,

    avec la cration de la Ruche Picardie Amiens et celui de la Normandie

    (ouverture en 1895 des Economiques de Normandie ). Puis ce fut le tour du

    Nord, avec la cration des tablissements Wibault Sin-le-Noble. Dans les annes

    qui suivirent la guerre de 1870, le mouvement succursaliste samplifia et atteignit

    la France entire. Alors, toutes les localits importantes virent natre des socits

    dalimentation succursales multiples, notamment dans lOuest, le Centre, le

    Midi et surtout la Loire, o se crrent en 1898 dimportantes socits

    dalimentation19. Le succursalisme dans le secteur alimentaire a t tendu aux

    autres pays. Ainsi, il y a eu en Belgique lentreprise Delhaize frres en 1866 et en

    17 V. notamment, P. GEMAHLING, La concentration commerciale sans grands magasins , Rev. dconomie politique, 1912, p. 171 ; R. AUSCHER, La lgislation fiscale applicable aux grands magasins et maisons succursales multiples, Thse, Paris, 1923, p. 20. P. BROALLIER, Les succursales des tablissements industriels et commerciaux, Thse, Lyon, 1926 ; E. CURTIL, Des maisons franaises dalimentation succursales multiples, Thse, Dijon, 1933, p. 19. 18 P. CHARRIER, Les socits succursales multiples devant les lois commerciales et fiscales, Thse, Toulouse, 1938, p. 2. 19 V. notamment pour les socits alimentaires succursales : Rapp. CES Commerce et distribution : JO doc. adm. 15 fv. 1989 ; C. BEYRET et P. MOUSSERON, Choix de structure des entreprises de distribution , JCP E. 2000, n 5, p. 2.

  • Introduction gnrale

    11

    Angleterre lentreprise Lipton Ltd en 1888 et les docks rmois et Guichard-

    Perrachon en 189720.

    Aux Etats-Unis, la doyenne des entreprises succursales, The Great Atlantic

    and Pacific Tea Company, fonde en 1858, est vite devenue la plus grande

    entreprise succursales dans le monde. Quatorze ans plus tard, Woolworth devait

    lancer sa chane de magasins prix unique. Depuis cette poque et jusqu' la crise

    de 1930, les entreprises succursales ou, comme on les appelle l-bas, les chain

    stores 21 nont cess de se dvelopper22. En Angleterre apparaissaient au mme

    moment les multiple shops , en Allemagne le Filial system .

    Lessor de ces entreprises se poursuivit. Et pour faire face une concurrence

    de plus en plus rude, le succursalisme allait mme atteindre une dimension

    internationale. P. MORIDE rsumait ainsi la situation : Dans le combat que

    constitue la concurrence conomique, le grand magasin, cest le gros vaisseau de

    guerre ou le corps darme quelque peu immobilis par sa masse, les succursales

    constituant au contraire les vaisseaux lgers, les tirailleurs qui sont et vont

    partout 23. A partir des annes 1950, le succursalisme multiple se renfora grce

    une technique anglo-amricaine, le libre service. Cette technique fut combine

    avec celle du supermarch lorsque se dveloppa la production de masse. De nos

    jours, on trouve des magasins succursales franais comme Carrefour ou Auchan

    dans de nombreux pays trangers24.

    5. Le secteur bancaire. Dans le domaine bancaire sont apparus en

    France, la mme poque que la rvolution industrielle et technologique, les

    grands tablissements de crdit. Sensuivit une vritable dcentralisation25. Les

    banques recueillaient les capitaux dans les localits de province les plus loignes

    20 D. FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 2008, p. 40, note n 20. 21 La Chain store entreprise est une vritable chaine dont chaque maillon est un tablissement et dont lensemble constitue lentreprise, v. E. CURTIL, op. cit. p.29. 22 G. NESTLER-TRICOCHE, Les magasins succursales multiples et lorganisation du commerce de dtail aux Etats unis , Revue dconomie politique, 1921, p. 568, cit par G. ORFILAT, La succursale en droit franais, Thse, Poitiers, 1967. 23 P. MORIDE, Les maisons succursales multiples en France et ltranger, Thse, Paris, 1913. 24 Cette technique dimplantation et de conqute des marchs trangers fut exprime par une firme amricaine dans un slogan publicitaire Le soleil ne se couche jamais sur les tablissements Remington . 25 Le Crdit Lyonnais sattache surtout lexploitation des grandes places : Constantinople, Odessa, Alexandrie, etc. Le comptoir National dEscompte, qui a succd au vieux Comptoir, a emport dans la tourmente de 1889, a repris les anciennes agences de son devancier et a tendu son activit aux pays dinfluence franaise : Tunisie, Madagascar, Extrme-Orient.

  • Introduction gnrale

    12

    et auprs de toutes les classes sociales grce leurs succursales multiples. En

    Allemagne, jusqu la crise de 1931, les affaires se concentraient dans les mains

    de cinq ou six grands tablissements. En Angleterre, le Bank Charter Act de 1826

    autorisait la Banque dAngleterre fonder des succursales en province. Un boom

    bancaire sest ensuivi26. Les grandes compagnies bancaires, les joint stocks

    banks , avec leurs nombreuses agences, prenaient une telle importance la veille

    de la guerre de 1914, quon envisageait de limiter leur dveloppement. Les Etats-

    Unis, inspirs prcisment par la crainte qui stait exprime en Grande Bretagne,

    rglementrent trs troitement louverture des succursales de banques, et mme

    celles de la Banque nationale27. La Russie possdait lpoque plusieurs banques

    oprant ltranger parmi lesquelles la Banque Russo-chinoise. Enfin, on peut

    citer certaines banques internationales cres par la diplomatie dont la plus connue

    fut la Banque du Maroc28. Le succursalisme dans le secteur bancaire sest accru au

    cours du XXe sicle, en particulier aprs la Seconde Guerre mondiale, avec la

    suppression progressive des barrires douanires et la mondialisation corrlative

    des marchs, acclre par le dveloppement dactivits qui ignorent par nature

    les frontires tatiques29.

    6. De nos jours. Les succursales sont aujourdhui trs utilises comme

    technique dimplantation dans des pays trangers et ce, malgr leur confrontation

    dans certains pays un nationalisme pouss l'extrme30. Labsence de

    26 R.-Ch. O. MATTHEWS, A study in trade-cycle history economic fluctuations in Great Britain, 1833. 27 V. notamment J. STEEL, La banque succursales dans le systme bancaire des Etats-Unis, Thse, Universit de Gand, 1926. 28 M. BLONDEL, Les succursales ltranger des tablissements de crdit franais, Thse, Orlans, 1908. 29 H. DE VAUPLANE, Le droit bancaire et la mondialisation des marchs financiers , RJC, 2001, p. 187. 30 Certains pays ont limit la cration de succursales certaines activits ou une priode donne : au Maroc, par exemple, limplantation dune succursale ne peut tre envisage que dans deux cas : lorsque les oprations sont ralises dans le cadre dun contrat dtermin et aucune poursuite des oprations nest envisage aprs lexcution de ce contrat. Ou lorsque lactivit envisage se rapporte des secteurs, tels que la recherche minire ou ptrolire, travaux dtude et dingnierie. V. notamment A. SOUHAIR, Les formes juridiques dimplantation et les soutiens linvestissement , Gaz. Pal. 2000, n 81, p. 16. Dans dautres pays la cration de filiale est une obligation plutt quun choix. Ainsi par exemple, lOHADA a restreint dans larticle 120 de lActe uniforme, pour les socits trangres qui nont pas leur sige dans lun des Etats membres de cette organisation, la dure dexercice dune activit sous forme de succursale, en prvoyant que Quand elle appartient une personne trangre, la succursale doit tre apporte une socit de droit, prexistante ou crer, de lun des Etats parties, deux ans au plus tard aprs sa cration, moins quelle soit dispense de cette obligation par arrt du ministre charg du commerce de

  • Introduction gnrale

    13

    personnalit juridique des succursales est lune des raisons de leur succs comme

    technique dexpansion dune socit31. Le fait de se confondre avec la maison

    mre fait bnficier la succursale dun crdit plus important auprs de ses

    cranciers et clients que celui dune filiale. Car traiter avec une succursale, cela

    revient traiter avec la maison mre, donc ne pas craindre linsolvabilit de la

    succursale. Cest une garantie en quelque sorte32. La socit trouve aussi son

    intrt dans la cration dune succursale, gnralement lors du dbut de son

    activit33. Il sagit, pour elle, dun moyen de tester la rentabilit de son

    implantation avant denvisager une installation effective sous forme de socit

    locale. Par exemple, une socit trangre commencera par implanter un bureau

    de liaison en France. Aprs quelques mois, si les donnes recueillies se rvlent

    concluantes pour linstallation en France dun premier tablissement commercial,

    le bureau de liaison est transform alors en succursale. De plus, la cration dune

    filiale se rvle extrmement longue, sans compter le cot supplmentaire

    dcoulant du fait que les socits mres ne connaissent pas les procdures locales

    et doivent faire appel un intermdiaire. A loppos, lorsquune entreprise dcide

    dinstaller ltranger une succursale, elle a trs peu de formalits effectuer34. Il

    sagit gnralement dobtenir une inscription au registre de commerce et des

    socits local, ou deffectuer une dclaration, voire de se faire dlivrer une carte

    de commerant tranger35. Le faible cot douverture dune succursale et sa

    moindre complication lui ont permis de concurrencer rellement la filiale dans le

    domaine du commerce international.

    7. Le secteur bancaire et dassurance. Les tablissements de crdit et

    les socits dassurance prfrent simplanter sous forme de succursales36. Leurs

    lEtat partie dans lequel la succursale est situe .V. notamment O. BOISSEAU CHARTRIN, Quel avenir pour les succursales des socits trangres dans lOHADA ? , RDAI, 2000, n3, p.358. 31 Ph. MERLE, Socits commerciales, Dalloz, 2010, p. 813. 32 V. notamment B. MAROIS, Linternationalisation des banques, Economica, 1979, p. 119; E. HEURTEL, J. -Cl. Sts Formulaire, Fasc. C-58, Droit gnral des socits Cration de succursale par une socit franaise ou par une socit trangre, n 2. 33 La procdure et les formalits tant moins compliques que lorsquil sagit de crer une filiale, socit part entire. 34 G. RIPERT et R. ROBLOT, Trait de droit commercial, t.1, vol. 2, les socits commerciales, L.G.D.J 2002, n 2090 ; E. HEURTEL, J.-Cl. Socits Formulaire, op. cit. n 16 et s. 35 Mmento Pratique F. LEFEBVRE, Socits commerciales, 2011, n 92570. 36 Limplantation financire des tablissements de crdit ltranger se faisait principalement sous forme de filiales. Mais depuis la multiplication des rglementations prudentielles et des obligations

  • Introduction gnrale

    14

    proccupations sont diffrentes de celles des autres socits commerciales. Les

    raisons qui motivent les banques choisir de simplanter sous forme de

    succursales sont lies aux cots37, principalement les dotations en capital exiges

    par les Etats daccueil. Les tablissements de crdit doivent pour chaque nouvelle

    implantation prouver labsence de risque dinsolvabilit. Si les implantations

    prennent la forme de succursales, les garanties sont apprcies au seul niveau du

    sige social, alors que chaque filiale serait tenue de constituer ses propres

    garanties38. Cest ce qui explique le mouvement croissant de transformation de

    filiales en succursales39.On remarque donc lintrt pour un tablissement de

    crdit de recourir la succursale comme technique dimplantation ltranger.

    Cependant, la succursale prsente le dsavantage de ne recevoir aucune dfinition

    juridique. Une lacune que la jurisprudence et la doctrine ont essay de combler

    sans jamais arriver un consensus gnral.

    8. La succursale : concept mal ou trop dfini ? La succursale fait partie

    des peu dexpressions qui couramment employes dans le langage commercial et

    qui sont juridiquement mal dfinies. Elle est partout et nulle part. Elle se

    manifeste dans tous les domaines du droit, tout en se drobant une dfinition

    dans toutes les disciplines juridiques. La succursale fait partie de ces pratiques qui

    ont pris naissance de fait, et auxquelles le lgislateur doit sadapter en essayant de

    les rglementer. Ce fut le cas pour le fonds de commerce qui a toujours t dfini

    par les lments qui le composent. Jamais la doctrine na russi lui donner une

    de contrle qui en rsultent inversent aujourdhui la tendance. Le recours aux succursales devient de plus en plus frquent, v. notamment M. DUBERTRET, Succursales bancaires et droit pnal international , in Mlanges A.E.D.B.F 2008, p. 168. 37 M.-H. BESSIS, Risque politique et succursales bancaires , in Mlanges A.E.D.B.F 2008, p. 45. 38 Afin de garantir leur solvabilit les tablissements de crdit doivent respecter un rapport minimum de 8% entre leurs fonds propres et lensemble de leurs actifs et de leurs engagements (cest le ratio Cook remplac par le ratio Mc Donough suite aux accords de Ble du 26 juin 2004). Quand limplantation prend la forme dune succursale, le ratio est calcul sur lensemble des fonds propres et engagements de ltablissement de crdit. En revanche, quand limplantation prend la forme dune filiale, le ratio est calcul en prenant en compte les seuls fonds propres de celle-ci. V. J. LASSERE CAPDEVILLE, J.-Cl. Banque - Crdit - Bourse, Fasc. 70, La commission bancaire et la supervision des tablissements de crdit, des groupes et des conglomrats financiers, - Statut et missions, n 207 et s. 39 M. COZIAN, Les fusions transfrontires : mythe ou ralit ? , LPA, dc. 2000, n 255, p. 3 ; Sur laspect fiscal v. A. DE WAAL, Transformation par une socit mre franaise de sa succursale trangre en filiale ou de sa filiale en succursale , RDAI 1995, n 8, p. 1016.

  • Introduction gnrale

    15

    dfinition unique. Et cest le cas aussi du concept de succursale, objet de notre

    tude.

    9. Une dfinition gnrale. Daprs les termes du petit Larousse, une

    succursale est un tablissement commercial ou financier dpendant dun autre,

    mais dot dune certaine autonomie de gestion . Le petit Robert, quant lui,

    dfinit la succursale comme tout tablissement qui jouit dune certaine

    autonomie par rapport lentreprise ou la socit qui la cr . Ces deux

    dfinitions, malgr leur importance, ne pourront satisfaire un juriste. Une

    dfinition aussi concise et prcise que possible parat si ncessaire quon ne peut

    se contenter de termes gnraux. Henri Capitant disait : De mme quil faut

    dabord apprendre sa langue pour connatre un peuple tranger, pour

    comprendre ses murs et pntrer son gnie, de mme la langue juridique est la

    premire enveloppe du droit, quil faut ncessairement traverser pour aborder

    ltude de son contenu 40. En consultant les dictionnaires juridiques,

    linsatisfaction se dissipe peu peu mais sans disparatre compltement. La

    succursale serait selon le Vocabulaire juridique, un tablissement secondaire

    sans personnalit juridique propre mais dot dune certaine autonomie de

    gestion 41. Malgr la clart dune telle dfinition, elle ne peut elle seule dissiper

    la difficult quengendre labsence de consensus sur le concept de succursale non

    seulement en droit franais mais aussi dans les diffrents pays europens. Dans

    ces pays, la notion de succursale nest pas uniforme. Certains mettent laccent sur

    le caractre dautonomie. Dautres lui prfrent celui dtablissement secondaire.

    10. En droit belge. Larticle 198 des lois coordonnes sur les socits

    commerciales belges naborde les succursales quen ce qui concerne la publicit :

    Les articles relatifs la publicit des actes et des comptes annuels et larticle 81

    seront applicables aux socits trangres qui fonderont en Belgique une

    succursale ou un sige doprations . Pour dfinir ce que sont la succursale et le

    sige doprations, lintervention de la jurisprudence tait ncessaire. Un premier

    arrt affirme : Attendu quune socit trangre a un sige doprations en

    Belgique quand elle y accomplit rgulirement des actes rentrant dans le cadre de

    40H. CAPITANT, Prf. au vocabulaire juridique, 1936. 41V Vocabulaire juridique, 8me d., P.U.F, 2007.

  • Introduction gnrale

    16

    son activit commerciale, et quelle y est reprsente par un mandataire capable

    de lengager avec les tiers. 42. Cet arrt suppose la runion de trois conditions.

    Tout dabord, doit exister un local distinct sur le territoire belge. Daprs F.

    RIGAUX, Les oprations de la socit trangre sont matrialises par

    limmeuble dont elle dispose sur un point prcis du territoire belge. Cet immeuble

    constituerait son sige dopration qui devrait avoir aux yeux de tiers laspect

    dun tablissement secondaire de la socit trangre 43. Ensuite, est requise la

    prsence dun prpos ou dun mandataire avec qui les tiers traitent directement44.

    Enfin, les activits menes en Belgique par ltablissement de la socit trangre

    doivent avoir un caractre rgulier.

    11. En droit allemand. La succursale, en Allemagne, sanalyse comme un

    lment sans personnalit juridique propre mais spar dun point de vue

    gographique45. La succursale peut prendre deux formes : une succursale

    autonome Zweigniederlassung , qui est un tablissement secondaire46

    gographiquement dtach de la socit mre. Pour les Allemands, ces

    tablissements secondaires se distinguent nettement des Tochtergesellschaften

    (Filiales). Mme si les premiers sont grs avec une certaine autonomie grce la

    Prokura (une sorte de mandat en droit allemand), il ny a pas dindpendance

    la manire dune filiale47. La succursale autonome est destine long terme

    constituer un noyau supplmentaire de la socit. Elle nexerce pas forcment

    toutes les activits de la maison mre mais exerce au moins, de manire

    autonome, ses activits principales. Lautonomie de la succursale doit se reflter

    42 Cass. 18 dcembre 1941, Pas 1941, I, 467, comment par P-A. Foriers et S. Hirsch, cit par VAN OMMESLAGHE et DIEUX, Examen de jurisprudence, Les socits commerciales , RCJB., 1994, p. 817-818 ; J. GABRIEL, Les succursales de socits trangres en Belgique , RDAI., 1986, p.799. V. notamment J.-M. GOLLIER et Ph. MALHERBE, Les socits commerciales : Lois du 7 et 13 avril 1995, d. Larcier, 1996, n 197. 43 F. RIGAUX, La notion de succursale dune socit trangre en droit belge , in Liber Amicorum Baron Frdricq, Faculteit der rechtsgeleerdheid te Gent, 1965, t. 2, p.820, note3. 44 P.-A. FORIERS et S. HIRSCH, Les succursales bancaires en Belgique, le cadre lgal et rglementaire , in Les succursales bancaires, Actes de la journe dtudes du 9 mai 1995, A.E.D.B.F., Bruylant, 1996, p. 14. 45 F. PUIS, Actualit du droit allemand des socits. Les formalits allemandes relatives aux succursales de socits trangres . Le lien magazine conomique France-Allemagne, dc.1993-janv. 1994, n20, p.16. 46 Par rapport l Hauptniederlassung , ltablissement principal. 47 G. Henn, Handbuch des akitienrechts, Heidelberg, 1984, p. 34.

  • Introduction gnrale

    17

    dans une direction indpendante dote de pouvoirs propres48, dune comptabilit

    et dun bilan propres. Dans un arrt, le juge allemand a mme constat que la

    succursale jouit dune certaine indpendance : Mme si elle ne reprsente quun

    accessoire de laffaire, la succursale reprsente effectivement une entreprise

    indpendante, calcule pour durer et dirige par une personne qui ne doit pas

    seulement jouer le rle dintermdiaire, mais aussi conclure des affaires

    indpendantes49. Toutes les succursales autonomes de socits trangres

    doivent tre immatricules au registre du commerce et des socits du tribunal

    dinstance (Amtsgericht) comptent, ainsi qu la chambre professionnelle

    (Gewebeamt). La succursale est juridiquement soumise aux dispositions du code

    de commerce ( 13 ff HGB = Handelsgesetzbuch).

    La succursale non autonome quant elle, dpend totalement de la maison

    mre. Elle ne devra par consquent tre inscrite quauprs de la chambre

    professionnelle.

    12. En droit anglais. Dans la lgislation anglaise, les socits ont le

    choix entre limmatriculation sous le rgime de la succursale (Branch) ou celui de

    simple tablissement (place of business), selon la nature de lactivit de

    linstallation envisage. Le rgime de la succursale sapplique lorsque

    ltablissement est organis de manire pouvoir agir au nom de la socit

    trangre (sans avoir obtenir son accord pralable avant la prise de dcisions) et

    exerce des activits qui ne sont ni accessoires ni auxiliaires par rapport lactivit

    de la socit dans son intgralit50.

    13. En droit italien. Ce droit repose sur le concept dentreprise et non sur

    celui de socit. Le concept succursale se rapporte une entreprise et non

    une socit. Do une certaine confusion. Ainsi P. LA ROSA51 utilise lexpression

    48 Elle sera dirige par un membre du conseil dadministration Vorstand ou par un prpos apte conclure des affaires au nom de lentreprise, au lieu davoir un Vorstand particulier. Elle se conformera aux dcisions du Vorstand de lentreprise, comme celles de lassemble gnrale des actionnaires. 49 R.G. 1938. 261. Arrt rendu sur la question de savoir si les frais dinscription au registre du commerce doivent tre calculs sur la valeur de laffaire commerciale tout entire, ou sur celle de la seule succursale et se prononant pour la seconde solution. 50 F. LEFEBVRE, Dossiers internationaux, Royaume-Uni, 4me d., 2008. 51 Il registro delle imprese, Guiffre 1954, p. 238.

  • Introduction gnrale

    18

    sede filiale , alors que GALGANO52 explique que les sede secondarie sont

    les filiale e succursali delle societ . La succursale comme la filiale dune

    socit sont considres comme semblables. Elles sont des tablissements du

    sige, la sede . Le concept de succursale ne peut donc se comprendre en droit

    italien quen ayant recours la notion dentreprise53.

    14. En droit suisse. Dans la lgislation suisse aussi, il ny a aucune

    dfinition lgale de la succursale. Cest la jurisprudence qui a donn une

    dfinition. Dans un arrt rendu en 1996, le Tribunal cantonal de Fribourg a jug

    que la notion de succursale vise tout tablissement commercial qui, dans la

    dpendance dune entreprise principale dont il fait partie, exerce dune faon

    durable, dans des locaux spars, une activit similaire, en jouissant dune

    certaine autonomie dans le monde conomique et celui des affaires ;

    ltablissement est autonome lorsquil pourrait sans modification profonde tre

    exploit de manire indpendante ; il nest pas ncessaire que la succursale

    puisse accomplir toutes les activits de ltablissement principal ; il suffit quelle

    exerce dune faon indpendante son activit locale. Il sagit dune autonomie

    dans les relations externes, qui sapprcie de cas en cas daprs lensemble des

    circonstances quelle que soit la subordination ou la centralisation interne.

    Linscription dune succursale na pas deffet constitutif 54. La jurisprudence

    suisse fait sortir les deux lments qui caractrisent les succursales : lautonomie

    et la dpendance vis--vis de la maison mre.

    15. En droit franais. La succursale na reu aucune dfinition lgale en

    droit positif franais55. Ce que disait la cour de Dijon il y a presque un sicle est

    52 Diritto commerciale, la societ, Zanichelli, 1983, p. 224. 53 Dictionnaire permanent de droit europen des affaires, v Succursales, n 5. 54 Cour civile du Tribunal cantonal de Fribourg, 24 avril 1996 : RFJ 1996, p.267, cons.3c. 55 Les seuls textes traitant des succursales sont la loi du 17 mars 1909, relative la vente et au nantissement de fonds de commerce (codifie dans les articles L.141-1 et s. du code de commerce) ; le dcret n 84-406 du 30 mai 1984 modifi par le dcret n 92-521 du 16 juin 1992 sur le registre de commerce et de socits, suite ladoption de la directive n 89/666/CE du conseil des communauts europennes du 21 dcembre 1989 concernant les mesures de publicit des succursales cres dans un Etat par certaines socits relevant du droit dun autre Etat. Certaines dispositions du droit du travail tel que la convention collective nationale des maisons succursales de vente au dtail d'habillement du 30 juin 1972. S. Et plus rcemment les articles L.7321-1 et s. du code de travail. Le Code gnral des impts mentionne les succursales mais uniquement quand il sagit dentreprises vente succursales multiples (CGI, Annexe II, art. 310 HO). V. notamment M. CABRILLAC, J.-Cl. Sts Trait, Fasc. 28-40, Succursales, n 4.

  • Introduction gnrale

    19

    toujours dactualit : Aucune dfinition lgale nexiste qui puisse officiellement

    dire ce que cest quune succursale 56. Les seules dfinitions dont on dispose ont

    t donnes de faon parpille par la jurisprudence et la doctrine57. Cet

    parpillement vient du fait que les problmes poss par la pratique des succursales

    nont jamais t envisags de faon globale mais, au contraire, abords

    successivement et sous des angles particuliers. Cette dispersion dans la dfinition

    et lambigut qui englobe le statut des succursales a eu pour consquence une

    division au sein de la doctrine. Dun cot, les partisans de la multiplicit de la

    notion de succursale58 et, de lautre ct, les adeptes de lunicit de cette notion.

    Pour les premiers, chaque dfinition de la succursale correspond au domaine de la

    rgle appliquer : publicit, vente et nantissement, investissement, relations

    financires avec ltranger, faillite, fiscalit, etc.59 Le lgislateur, comme les

    tribunaux, nintervient pas rgulirement dans le mme domaine. Les affaires

    mettant en cause des succursales sont multiples et diversifies. Le traitement au

    cas par cas fait que la dfinition donne par un juge dans une affaire ne risque pas

    dtre reprise ensuite dans une autre. De mme, les critres peuvent tre larges ou

    troits selon les cas. Ainsi, on dfinit largement la succursale afin de rapprocher

    un plaideur de la juridiction comptente, et on la dfinit strictement pour dispenser

    une socit de multiplier les formalits de publicit. P. CHARRIER en dfendant

    la multiplicit des dfinitions voquait lide selon laquelle Les diffrentes

    notions de succursales sadaptent aux divers intrts que les lois protgent,

    intrts des tiers, intrts des socits, intrts du fiscetc. () lesprit franais

    amoureux de la symtrie, de lordre et de lharmonie est quelque peu drout par

    cette curieuse diversit de la notion de succursale 60.

    56 Dijon, 14 mai 1912 ; Sir., 1913-2-8. 57 V. notamment P. LESCOT, Des succursales des socits , Rec. jur. socits 1924, p. 207 ; Lamy Droit conomique, 2011, n 3627, notion de succursale. 58 A. BRUZIN, De lide dautonomie dans la conception juridique de la succursale , JCP. 1946, I, n 567 ; G. PEYTEL et A. HEYMANN, Les tablissements succursales multiples , Gaz. Pal. 1949, II, Doct. p. 30. 59 Une conception critique par M. CABRILLAC qui la qualifie de trop facile car elle rend seulement compte des incertitudes de la notion mais non de sa pluralit , v. Unit et pluralit de la notion de succursale, in Dix ans de confrences dagrgation, tudes de droit commercial offertes J. Hamel, Dalloz, 1961, p. 120. 60 P. CHARRIER, Les socits succursales multiples devant les lois commerciales et fiscales, Thse, Toulouse, 1938.

  • Introduction gnrale

    20

    16. Unit ou pluralit de la notion. A premire vue, largument donn

    par les partisans de la multiplicit parat convaincant. Cependant, la pratique a

    rvl quune multitude de dfinitions pourrait tre source dinscurit. La

    prvisibilit des solutions nest-elle pas lune des principales raisons des rgles de

    droit ? Or, en multipliant les dfinitions, on ne favorise gure une telle

    prvisibilit. Dabord, une entreprise ne peut savoir avec certitude si tel

    tablissement est ou non une succursale. Ensuite, elle naccepte pas de voir ses

    succursales changer de condition juridique selon la nature des intrts en

    prsence. Dans un procs, chaque partie essaiera dopter pour une dfinition qui

    sert ses intrts. Une socit qui veut plaider dans le ressort de son sige va

    essayer par tous les moyens de prouver que, dans le ressort du tribunal o le

    demandeur la assigne, elle ne possde aucun tablissement mritant la

    qualification de succursale (mais plutt dun bureau, un simple chantier, etc.).

    Quant au demandeur, il va essayer, lui, de dmontrer le contraire, cest--dire

    quil sagit bien dune succursale. Quelle est alors la solution ? Doit-on adopter

    une dfinition unique ou multiple de la succursale ? A notre avis, chaque courant

    recle une part de vrit et une part dexcs. Cest pourquoi toute conception

    absolutiste qui prtendrait faire abstraction de lune ou de lautre serait errone.

    M. CABRILLAC, dans son article intitul Unit ou pluralit de la notion de

    succursale , affirme que le but de son tude nest pas tant dapporter la

    solution un problme aussi complexe que de mieux le poser et den dgager les

    donnes fondamentales quelque peu dissimules sous des difficults ou des dbats

    pisodiques 61. Nous soutenons aprs lui, que le dbat sur lunit ou la pluralit

    de la notion de succursale parat inutile.

    17. La multiplicit nuit la prvisibilit. Lurgence serait plutt de

    dgager des critres de qualification clairs et peu nombreux62. La multiplication

    de ceux-ci naura pour consquence que de semer inutilement la confusion. On ne

    61 M. CABRILLAC, Unit ou pluralit de la notion de succursale en droit priv , op. cit., p. 119. 62 Parmi les critres prsents par la doctrine ou dgags par la jurisprudence pour qualifier une succursale certains sont matriels : importance de la succursale, sa permanence, une autonomie dans sa gestion et la possibilit de disparatre sans mettre fin l'activit de la socit-mre. D'autres sont juridiques : la prsence la tte de la succursale d'un grant ou directeur qui tout en tant subordonn l'tablissement principal doit disposer d'une certaine libert dont la conclusion des affaires avec les tiers.

  • Introduction gnrale

    21

    voit pas lintrt, par exemple, dun critre comme celui de la tenue par la

    succursale dune comptabilit distincte pour pouvoir tre qualifie comme telle.

    Le Code de commerce nexige la tenue que dune seule comptabilit par

    commerant portant sur toute lexploitation. La dcentralisation de la comptabilit

    au niveau des succursales ne peut relever que de la seule dcision de la socit. Il

    sagit dune organisation intrieure qui ne constitue nullement un critre

    dterminant pour qualifier une succursale. Mme si cette dernire prsente

    lapparence dune individualit comptable, elle na pas de bilan puisquelle na

    pas de cranciers et dbiteurs propres ou, du moins, si ce bilan existe, il na

    quune valeur de renseignement. Dans un arrt du Tribunal arbitral mixte franco-

    allemand, il est clairement dit qu il importe peu que la gestion soit ou non

    indpendante de celle de la maison principale, quil y ait ou non comptabilit

    distincte pour la succursale ; celle-ci na ni dbiteurs, ni cranciers elle

    propres, car lautonomie relative dont elle peut jouir vis vis de la maison

    principale ne saurait jamais avoir pour effet de lui confrer par rapport aux tiers

    une personnalit elle propre 63.

    Il en est de mme du critre de limportance ou de la dimension de la

    succursale par rapport sa maison mre. Une jurisprudence ancienne avait jug

    que, pour tre qualifie de succursale, ltablissement secondaire doit avoir une

    certaine importance et disposer de moyens dexploitation ayant une taille

    suffisante64. Comme lont expliqu certains auteurs65, le critre fonde sur la

    dimension, plus ou moins importante de la succursale trouve son fondement dans

    la jurisprudence des gares principales labore pour des gares de chemins de fer

    aux fins de dterminer la les comptences territoriales des tribunaux, il ne peut

    tre utilis pour la qualification dune entit de succursale. Quant au critre de

    similitude de nom, denseigne, il ne constitue nullement un critre dterminant. Si

    la succursale doit agir au nom du sige, rien ne soppose ce quelle utilise une

    autre enseigne, ou se prsente sous des formes diffrentes plus aptes retenir une

    clientle locale. De mme, les franchises et les concessions qui sont

    63P. CHARRIER, op. cit., p. 25. 64 CA Orlans, 2 fv. 1889, Rev. socits 1889, p. 199 ; Cass. Req. 18 nov. 1890, Rev. socits 1891, p. 144 ; CA Rouen 16 fv. 1889 DP 1898, II, 408 ; CA Caen, 26 mars 1927, Gaz. Pal. 1927, 2, p. 4. Cass. civ. 5 avr. 1949, Bull. civ. 1949, II, n 168, p. 394 ; Cass. civ. 20 oct. 1965, D. 1966, p.193. 65 M. CABRILLAC, op. cit. n 10 ; A. BRUZIN, De lide dautonomie dans la conception juridique de la succursale , JCP G 1946, I, 567, n9.

  • Introduction gnrale

    22

    commercialises sous les mmes enseignes ne constituent nullement des

    succursales en raison de la trs grande indpendance qui caractrise les pouvoirs

    de leurs grants (sans compter en gnral, leur totale indpendance juridique.

    18. Des critres dterminants. Dautres critres, en revanche, se sont

    rvls plus efficaces. Cest le cas par exemple de celui exigeant qu la tte de la

    succursale il y ait un grant qui, tout en restant subordonn la socit mre, doit

    tre capable de traiter des affaires avec les tiers66. Cest un critre qui parat

    convaincant. Le critre de lautonomie parat plus rvlateur67. Dailleurs, la Cour

    de justice des communauts europennes a soulign son importance dans sa

    dfinition de succursales, notamment de socits trangres : la notion d'agence,

    ou de tout autre tablissement implique un centre d'oprations qui se manifeste

    dune faon durable vers l'extrieur comme le prolongement d'une maison mre.

    Il est pourvu d'une direction et matriellement quip de faon pouvoir ngocier

    des affaires avec des tiers 68. Ce critre suppose la runion de deux lments :

    lexistence dun lien de subordination, et la capacit de conclure des affaires avec

    les tiers69. Ainsi le responsable de la succursale en France dune socit trangre

    a qualit pour effectuer la dclaration de cessation des paiements de la socit au

    greffe du tribunal de commerce70.

    Nous constatons, aprs lanalyse des diffrents points de vue, que la

    dfinition de la succursale a mobilis jurisprudence et doctrine sans jamais arriver

    une unanimit. Nanmoins, un point est certain : la succursale reste une entit

    autonome qui na pas de personnalit distincte de la socit quelle incarne dans

    66 Lexpression traiter avec les tiers a t trs utilise par la jurisprudence et la doctrine. M. MALAUZAT y voit une expression qui peut prter confusion. Elle peut dsigner aussi bien les clients que les fournisseurs, ce qui laisse supposer que des usines et des dpts pourraient ventuellement tre classs dans la catgorie des succursales. Le grant de ces tablissement peut engager lentreprise avec des fournisseurs ou du personnel La vie du fonds de commerce, in Le statut juridique de fonds de commerce, prsentation faite au 60e congrs des notaires de France. Strasbourg, 28-30 mai 1962 67 M. CABRILLAC et C. LEBEL, J.-Cl. Socits, Fasc. 28-40, Succursales, n 16. 68 CJCE aff. 33/78, Somafer, D.1979, IR. p. 458, obs. B. Audit ; JDI 1979, p. 672, obs. A.H. ; Rec. CJCE, 1979, 2183. V. aussi Cass. com. 6 nov. 1951, D. 1952, p. 58 ; F. GAUDU, Entreprise et tablissement , in Mlanges M. JEANTIN, Dalloz, 1999, p. 47. 69 V. notamment CA Bordeaux 16 mai 1923, J. Sts, 1924, p. 280 ; CA Riom 25 juill. 1931, Gaz. Pal. 1931, 2, p. 454 ; CA Agen 22 juill. 1935, Gaz. Pal. 1935, 2, p. 695. 70 Cass. com. 19 janv. 1988, Bull. civ. IV, n 47, p. 33.

  • Introduction gnrale

    23

    tel ou tel pays tranger71. Cette absence de personnalit juridique a des

    consquences sur les activits internationales dployes par les succursales.

    19. Linternationalisation des activits. Du seul fait quil y ait passage

    des frontires, les succursales ltranger acquirent davantage dautonomie,

    mme sil ny a pas juridiquement de sparation. Le statut juridique de ces

    succursales reste, par dfinition, diffrent de celui des filiales, mme si les

    situations de fait sont identiques72. Si le rgime juridique applicable lactivit

    internationale des filiales est clair, celui applicable aux activits des succursales

    lest beaucoup moins. Lors de la cration dune succursale ltranger, doit-on

    respecter les formalits du pays daccueil ou seulement celles du pays dorigine

    (celui de la maison mre) ? Doit-on, au contraire, respecter les deux la fois ? Les

    formalits seraient-elles les mmes selon que lon envisage de crer une

    succursale de socit commerciale ou une succursale bancaire ou dassurance ?

    Aprs le dbut des activits des succursales, quel tribunal sadresser en cas de

    litige avec un tiers ? Celui de la maison mre ou celui de la succursale ? Quelle

    sera la loi applicable ? Celle de la maison mre ou celle de la succursale ? Y a-t-il

    des lois qui simposent aux parties ? Quel est le rgime fiscal applicable aux

    succursales ? Ces dernires seront-elles imposables dans le pays du sige ou bien

    dans celui o elles sont situes ? Enfin, dans le cas o la maison mre connat des

    difficults financires ou fait lobjet dune nationalisation, les succursales sont-

    elles condamnes disparatre avec elle ? Lensemble de ces interrogations

    refltent les problmatiques souleves par les activits internationales des socits

    succursales73. Si les filiales se rattachent juridiquement au pays daccueil, les

    succursales ont un caractre ambivalent entre dpendance et autonomie qui les fait

    rattacher la fois au pays daccueil et au pays dorigine de la maison mre.

    71 J.-M. MOUSSERON, J. RAYNARD, R. FABRE et J.-L. PIERRE, Droit du commerce international, Litec, 2003 ; Mmento F. LEFEBVRE, Groupes de socits, 2011, n 998 ; M. GERMAIN et M. PARIENTE, Rp. Sts Dalloz, v Groupe de socits, n 17. 72 Dictionnaire permanent de droit europen des affaires, v succursales, n 2. 73 Ces problmatiques ont retenu lattention des auteurs depuis trs longtemps, v. notamment les thses suivantes : M. BLONDEL, Les succursales ltranger des tablissements de crdit franais, Thse, Orlans, 1908 ; F. DIEBOLD, Les succursales suisses dentreprises trangres, Thse, Lausanne, 1958 ; J. FAILLETTAZ, Les succursales et les filiales en Suisse, Thse, Berne, 1931 ; P. MORIDE, Les maisons succursales multiples en France et ltranger, Thse, Paris, 1913.

  • Introduction gnrale

    24

    20. Entre rattachement la maison mre et dtachement de la maison

    mre. Ce qui caractrise les succursales est leur dpendance et leur autonomie la

    fois. Toutefois, les succursales ltranger sont plus autonomes que leurs

    consurs situes dans le mme pays que la maison mre. Cette grande autonomie

    est la consquence dun certain nombre de problmatiques juridiques qui ne sont

    que la consquence de laffrontement entre deux approches : une approche

    personnelle et une autre conomique. La premire sintresse la personne

    juridique. La personne est seule et unique, elle dispose dun seul patrimoine. Ce

    dernier ne peut tre divis mme sil est situ ltranger. La loi de la maison

    mre doit sappliquer lensemble de ses ramifications, peu importe o elles se

    trouvent. Lapproche personnelle sinspire du principe dunit de la personne et

    du patrimoine. Ce principe conduit une extraterritorialit de la loi du pays de la

    maison mre. Face lapproche personnelle il y en a une autre qui sintresse

    avant tout lactivit : cest lapproche conomique. Elle met en valeur lactivit

    dploye par la succursale sur un autre territoire. Elle conduit par consquent

    une territorialit car lEtat veut contrler cette activit.

    Lapproche conomique est plus raliste, notre sens, car lactivit des

    socits aujourdhui est exerce sur le territoire de plusieurs Etats. Par consquent,

    les socits se trouvent en contact avec des ordres juridiques diffrents. Le

    patrimoine est certes unique mais il nest pas indivisible. La succursale

    ltranger ne peut tre considre comme un simple bien compltement attach

    la maison mre. Elle se situe sur un autre territoire que celui de sa mre. Elle

    volue dans un environnement juridique et fiscal diffrent de celui de sa mre.

    Elle a pu se forger sa propre clientle et tisser ses propres rseaux. Le

    franchissement des frontires a pour consquence une coupure, mme si elle reste

    relative, du cordon ombilical qui lie la maison mre ses succursales.

    Lapplication du principe de lunit de la personne et du patrimoine qui est tout

    fait acceptable en droit interne, peut se rvler fcheux, sil est appliqu une

    entit situe ltranger. Certes cest un principe qui a t pens pour protger les

    cranciers mais le lgislateur na sans doute pas mesur les difficults auxquelles

    donnera lieu son application aux activits internationales des socits

    succursales. Si une opration a une dimension strictement interne, une seule loi

  • Introduction gnrale

    25

    sera sollicite et par consquent, lunit de la personne et du patrimoine

    sappliquera sans aucune difficult. En revanche, lorsque les succursales sont

    situes dans des pays autres que celui de la maison mre, deux lois, voire

    plusieurs, seront sollicites et lapplication du principe de lunit de la personne et

    du patrimoine soulvera des problmes juridiques.

    21. Le plan adopt. La mthode de recherche consiste tudier le

    processus dimplantation des socits sous forme de succursales, leur

    fonctionnement dans un pays autre que celui de la maison mre et enfin leur

    ventuelle disparition aprs la mort de la maison mre. Notre fil directeur tout au

    long de ce travail est lautonomie qui caractrise les succursales de socits

    trangres. La cration de ces dernires suppose une adaptation aux rgles du pays

    daccueil. Les succursales bancaires et dassurance sont une version trs pousse

    des succursales autonomes. Leur cration suppose des conditions spcifiques qui

    sont les mmes que celles exiges pour la cration dtablissements de crdit74 et

    de socits dassurance. La loi applicable est celle du pays de situation de la

    succursale. La doctrine sest toujours oppose une application de la loi de la

    maison mre ou lextension de celle-ci la succursale ltranger. Une telle

    extension nie le caractre autonome trs marqu des succursales bancaires.

    Toutefois, les succursales de socits commerciales trangres sont aussi des

    succursales autonomes. Ne faudrait-il pas leur appliquer les mmes rgles que les

    succursales de banque ou dassurance? Certes, ces deux derniers secteurs sont

    spcifiques mais une succursale dune socit commerciale ltranger peut avoir

    aussi une grande dautonomie.

    Au sein de lUnion europenne, la territorialit des agrments des

    tablissements de crdit et des socits dassurances succursales a t

    bouleverse faisant place une extraterritorialit. Les tablissements de crdit,

    socits dassurance et prestataires de services dinvestissement appartenant un

    pays membre nont plus besoin de solliciter dagrments pour chaque cration de

    succursale. Et pour plus de cohrence, la supervision des succursales est assure

    principalement par le pays dorigine. La raison de ce bouleversement est la

    construction dun march bancaire, dassurance et financier unique.

    74 J. STOUFFLET, E. BOURETZ et H. SMITH, J.-Cl. Banque Crdit Bourse, Fasc. 120, Banque et oprations de banque, n 14.

  • Introduction gnrale

    26

    Lharmonisation des conditions daccs au march bancaire et dassurance a

    facilit la mobilit des banques. Ce modle europen russi ne peut-il pas, alors,

    sexporter dans des pays tiers ? Les solutions au sein de lUnion europenne

    doivent-elles vraiment y tre strictement cantonnes ? Telles seront nos

    principales interrogations au sein de la premire partie qui sera ainsi consacre

    la naissance de succursales sur un territoire tranger (PREMIRE PARTIE : LA

    CRATION DES SUCCURSALES TRANGRES).

    Une fois cres, les succursales trangres commencent leurs activits dans

    un pays autre que celui de la maison mre. Il est indispensable pour un tiers en

    relation daffaires avec ces succursales de savoir quel tribunal saisir en cas de

    litige et quelle sera la loi applicable. De mme, les dirigeants de socits

    souhaitent souvent tre informs sur la fiscalit qui sera applicable aux oprations

    effectues non par la maison mre mais par les succursales. La deuxime partie

    sera alors consacre tudier lensemble de ces questions en commenant par les

    conditions ncessaires pour saisir le tribunal du pays de situation de la succursale

    et pour lapplication de la loi du dit pays. Lautonomie des succursales trangres

    nest pas suffisante pour porter laction devant le tribunal du lieu de leur situation

    ou lapplication de la loi du dit pays, encore faut-il que le litige soit en rapport

    avec lexploitation des succursales. Tel sera le rgime juridique des succursales

    trangres. Quant leur rgime fiscal, il est spcifique. Le fisc nhsite pas

    considrer, dans certaines situations, les succursales comme des entreprises

    autonomes. En revanche, dans dautres situations, le fisc nhsite pas recourir

    labsence de personnalit juridique des succursales pour leurs refuser certaines

    avantages, do des discriminations75. La Cour de justice a produit des efforts

    considrables pour lutter contre ces discriminations au sein de lUnion

    europenne76 (DEUXIME PARTIE : LE FONCTIONNEMENT DES

    SUCCURSALES TRANGRES).

    75 En matire dimpt direct, le fisc reconnat lintrt pour une socit mre de consentir des abandons de crances aux succursales de sa filiale trangre, CE 11 avr. 2008, SA Guerlain, RJF 7/08, n 788, Dr. fisc. 2008, n 18, comm. 302. 76 Le droit communautaire pose une obligation de non-discrimination entre la filiale et la succursale : CAA Bordeaux, SA Ets Ballande, Bull. Joly 2002, p. 1285, n 272 ; CJCE 15 mai 2008, Lidl Belgium RJF 8-9/08 ; P. DIBOUT, Libert dtablissement, conventions fiscales et entreprises multinationales , Dr. fisc. 2000, p. 474 ; v. aussi la directive 03/123/CE du 22 dc.

  • Introduction gnrale

    27

    Enfin, les socits succursales ne sont pas labri des difficults financires

    ou la survenance dune mesure de nationalisation dans le pays du sige ou celui

    des succursales. Si la faillite est ouverte ou si la nationalisation survient au pays

    du sige quel sera le sort des succursales ltranger et des crances qui sont nes

    de leur exploitation ? La disparition des succursales dpendra des effets

    territoriaux ou extraterritoriaux des procdures ouvertes dans le pays du sige et

    des mesures de nationalisation survenus dans le dit pays. Dans le cadre des

    faillites, gnralement deux procdures sont ouvertes : lune dans le pays du sige

    et une autre dans le pays de la succursale. La consquence de louverture de

    procdures parallles est, un peu schmatiquement, un affrontement entre un pays

    dorigine qui, au nom du principe de lunit de la personne et du patrimoine,

    souhaite tendre la procdure ltranger (au lieu de situation des succursales) et

    un pays daccueil qui, au nom de la souverainet et de la maitrise des activits

    dployes sur son territoire, aspire limiter lextension de la procdure. Au sein

    de lUnion europenne, des avances considrables ont t ralises afin de

    limiter laffrontement entre les juridictions du pays dorigine et celles du pays

    daccueil en cas dinsolvabilit communautaire. La troisime partie sera alors

    consacre aux difficults souleves par louverture de procdures la fois dans le

    pays du sige et dans celui de la succursale ou la survenance de mesures de

    nationalisations dans lun des deux pays. Nous proposerons des solutions ces

    difficults, tout en montrant que les meilleures sont celles qui sont fondes sur la

    coopration (TROISIME PARTIE : LA DISPARITION DES

    SUCCURSALES TRANGRES).

    2003 qui tend le champ dapplication du rgime fiscal commun des mres filiales aux tablissements stables, Ph. MERLE, op. cit. n 19 et n 666-2.

  • La cration des succursales trangres

    28

    PREMIRE PARTIE :

    LA CRATION DES SUCCURSALES TRANGRES

    22. Reconnaissance. Avant la rforme lgislative de la fin de lanne

    200777, les socits anonymes qui souhaitaient implanter une succursale sur le sol

    franais devaient tre reconnues. Jusquen 2007, la reconnaissance des socits

    anonymes a t rgie par une loi du 30 mai 1857. Cette loi fut adopte suite un

    accident diplomatique franco-belge. Elle subordonnait la jouissance des droits par

    une socit trangre une procdure sommaire et lacunaire. Avec le temps, la loi

    de 1857 fut compltement vide de sa substance la suite de dcrets collectifs qui

    ont t pris, auxquels se sont ajouts des traits et des conventions bilatrales.

    Depuis son adoption, il y a cent cinquante et un ans, lhistoire de ce texte se

    rsume aux habilets juridiques ayant permis den cantonner les mfaits78. Dj

    dsactive pour les socits ressortissantes dun tat membre de la Communaut

    europenne, et inhibe raison des droits consacrs par la Convention europenne

    des droits de lhomme, le lgislateur a fait le choix de la supprimer et a ainsi

    exauc le vu de la doctrine, de la jurisprudence79 et du garde des Sceaux80 .

    Cest la loi n2007-1787 du 20 dcembre 2007 (JO 27 dc. Art 27-II, 4) relative

    la simplification du droit qui la abroge.

    Une partie de la doctrine a toutefois reproch au lgislateur le caractre

    discret et inconscient dune telle innovation81. Les ressortissants franais sont

    exposs des groupements trangers dont la fiabilit juridique nest pas

    77 M. GERMAIN et C. VINCENT, J.Cl. Socits, Fasc. 3-12, Rformes rcentes du droit des socits, - volution de 2000 2007. 78 Pour plus de dtail, v. J. BGUIN, Un texte abroger : la loi sur la reconnaissance internationale des socits anonymes trangres , Le droit de lentreprise dans ses relations externes la fin du XXe sicle, in Mlanges CHAMPAUD, Dalloz, 1997, p.1 ; M. MENJUCQ, La personnalit morale en France dune socit anonyme trangre , D.2004, p.692. 79 Rapport pour 2003, Lgalit sur le site : www.courdecassation.fr. 80 Rp. min. n4367: JO AN Q, 14 sept. 2004, p.7183 ; Bull. Joly 2004, p.1292. 81 D. BUREAU, Feu la loi du 30 mai 1957 , RCDIP 2008, p.161.

  • La cration des succursales trangres

    29

    suffisamment assure dans leur pays dorigine82. Leur assurer une certaine

    protection face ces groupements semble ncessaire. La jurisprudence devra, peut

    tre, intervenir face ce mutisme lgislatif, afin de prciser et temprer la

    condition, dsormais libre, des socits de droit tranger dans lordre juridique

    franais. Lattractivit du territoire franais, objectif premier des rformes depuis

    quelques annes, notamment avec la loi n2008-776 du 4 aot 2008 sur la

    modernisation de lconomie, ne doit pas faire oublier la ncessaire protection des

    parties faibles face des investisseurs trangers de plus en plus puissants. En

    France, les socits trangres sont assimiles des socits franaises. Il nen va

    diffremment que si un texte lgal leur refuse un droit particulier83. Elles doivent,

    en contrepartie, observer lensemble des obligations des socits franaises en

    plus des conditions qui leur sont spcifiques en raison de leur caractre tranger.

    Ainsi, la cration dune succursale par une maison mre trangre est soumise au

    respect dun certain nombre de conditions. Certaines sont dordre gnral, cest--

    dire que toutes les socits trangres sont obliges de les respecter peu importe

    lactivit envisage (Titre 1). Dautres conditions, en revanche, sont spcifiques

    certaines activits rglementes (Titre 2).

    82 V. sur ce point L. DAVOUT et S. BOLLE, Chronique de droit du commerce international, aot 2007- aot 2008 , D. 2008, p.2564. 83 Cette rserve na quune valeur limite puisquelle ne peut avoir deffet si les socits bnficient dun trait international bilatral ou multilatral conclu entre leur Etat national et la France. Il sagit dune extension ralise par la jurisprudence de larticle 11 du Code civil qui concerne les personnes physiques.

  • Les conditions gnrales daccs au march franais par voie de cration de succursales

    30

    TITRE 1 :

    LES CONDITIONS GNRALES DACCS

    AU MARCH FRANCAIS PAR VOIE DE

    CRATION DE SUCCURSALES

    23. Une discrimination justifie. Pour favoriser les socits nationales,

    certains pays comme la France ont prvu des rgles discriminatoires lgard des

    socits trangres qui simplantent sur le territoire national. Les socits ayant

    opt pour la cration de succursales sont aussi concernes. Certaines des

    conditions sont assimilables celles qui sappliquent aux socits nationales.

    Ainsi, toute personne morale dont le sige est ltranger et qui ouvre un premier

    tablissement en France, doit simmatriculer au Registre du commerce et des

    socits franais, mais avec certaines particularits en raison du caractre tranger

    de la succursale (Chapitre 1). Pour protger les socits nationales contre la

    concurrence trangre, le lgislateur a prvu quelques rgles supplmentaires qui

    doivent tre respectes par les succursales trangres : dabord le grant tranger

    qui est la tte de la succursale doit faire une dclaration auprs du prfet.

    Ensuite, tant un investissement tranger, la socit cratrice de succursales doit

    respecter les rgles sur linvestissement direct ltranger (Chapitre 2).

  • Les conditions gnrales daccs au march franais par voie de cration de succursales

    31

    CHAPITRE 1 : LIMMATRICULATION DES SUCCURSALES : UN

    MOYEN DE DCLARER LEXISTENCE DUNE

    MAISON MRE TRANGRE

    24. Une obligation qui vise linformation des tiers. Toute personne

    morale ayant son sige social ltranger et dsirant crer une succursale doit

    prsenter une demande dimmatriculation au Registre du commerce et des

    socits84. Cette obligation ne concerne pas seulement la lgislation franaise, la

    quasi-totalit des pays prvoient une telle obligation. La publicit doit tre faite au

    lieu o elle peut remplir sa mission, c'est--dire atteindre les tiers intresss et leur

    fournir les renseignements dont ils ont besoin pour contracter en toute scurit85.

    Cest un moyen pour faire connatre limplantation dune socit trangre sur un

    territoire (Section 1). Dans lespace europen, et pour faciliter la mobilit des

    socits au sein de lUnion, les conditions dimmatriculation des succursales ont

    t harmonises et assouplies entre les pays membres (Section 2).

    84 V. notamment, D. GIBRILA, J.-Cl. Civil, Fasc. 20, Socit. Dispositions gnrales. Immatriculation de la socit, spc. n 3, J.-M. BAHANS, Conditions et effets de limmatriculation en France des socits trangres , Bull. Joly Sts, 2002, n 3, p. 406. 85 La publicit aura pour effet lopposabilit aux tiers. Cest leffet principal de la publicit que dentraner une certaine scurit juridique. Les tiers doivent pouvoir se fonder sur lapparence que cre une situation juridique publie nonobstant la ralit occulte de cette situation.

  • Les conditions gnrales daccs au march franais par voie de cration de succursales

    32

    SECTION 1 :

    LIMMATRICULATION DES SOCITS TRANGRES DES PAYS TIERS

    25. Une immatriculation plus complique pour les socits de pays

    tiers. Nayant aucune attache avec lUnion europenne, les socits de pays tiers

    ne bnficient pas de cette confiance mutuelle entre les pays membres. Par

    consquent, les conditions dimmatriculation de leurs succursales sont plus

    compliques. Les efforts de simplification de la procdure dimmatriculation ont

    t surtout accomplis au niveau communautaire, ce qui a engendr une certaine

    diffrence de traitement entre socits trangres. Les socits appartenant aux

    pays tiers sont obliges de faire face une procdure dimmatriculation plus

    complique visant mieux informer les tiers (1). Cette obligation est dailleurs

    prvue par lensemble des Etats86 (2). La non-immatriculation entrane, en

    revanche, des sanctions vis--vis de la socit trangre auteur de lomission (3).

    1 - LOBLIGATION DIMMATRICULATION DES SOCITS TRANGRES DE PAYS TIERS AU REGISTRE DE COMMERCE ET DES SOCITS FRANCAIS

    26. Limmatriculation dpend de lorigine de la maison mre. Le

    fait pour les socits trangres douvrir sur le territoire franais une succursale,

    voire un simple bureau de liaison, les oblige se faire immatriculer au Registre du

    commerce et des socits (R.C.S) franais87. Il sagit moins dimmatriculer la

    succursale que dimmatriculer la socit trangre elle-mme.

    Limmatriculation na pas ici deffet crateur sur la personnalit de la socit

    86 Nous ne pouvons traiter ici la lgislation de lensemble des pays, mais nous pouvons affirmer que la quasi-totalit des ouvrages de droit compar consults traitent de lobligation dinscription des succursales trangres. Sur la tenue par lensemble des Etats dun Registre de commerce et des socits, v. J.-M. BAHANS, J.-Cl. Socits, Fasc. 27-40, Publicit des socits, -Gnralits, Publicit lie la naissance des socits, n 40. 87. V. sur ce point M. MENJUCQ, Droit international et europen des socits, Monchrestien, coll. Domat Droit priv, 2008, p.75, n64 ; du mme auteur, Joly socits, Trait, V Socits trangres , n21 25 ; J.-M. BAHANS , J.-Cl. Socits, fasc. 27-50, Publicit des socits, n 94 ; J. VALLANSAN, J.-Cl. Commercial, Fasc.110 Registre de commerce et des socits ; P. SCHOLER, Bull. Joly Socits, v Publicit (Formalits de), n 30 44.

  • Les conditions gnrales daccs au march franais par voie de cration de succursales

    33

    trangre, celle-ci est confre par le droit de lEtat dans lequel elle sest

    constitue et doit tre admise en France ds lors quelle vrifie les conditions de

    sa reconnaissance par le droit franais 88. Labsence de personnalit morale de

    la succursale a une consquence directe sur la publicit. Dans le cas de la cration

    dune succursale par une socit franaise, la publicit intresse exclusivement la

    succursale mme si elle rappelle son appartenance la maison mre. En revanche,

    dans le cas de cration dune succursale par une socit trangre, la publicit a

    pour but de dclarer lexistence en droit tranger de celle-ci par le biais de la

    succursale qui nest quune partie dlocalise. La dclaration de lexistence dune

    maison mre ltranger explique un formalisme encore plus exigeant.

    Lobligation dimmatriculation des succursales trangres trouve sa source dans

    larticle 14 du dcret n 84-406 du 30 mai 1984 qui dispose que la socit dont

    le sige est situ ltranger doit demander son immatriculation au greffe du

    tribunal dans le ressort duquel est ouvert le premier tablissement en France .

    Larticle 15 du mme dcret fait, quant lui, une distinction entre les socits

    dont le sige est situ dans lun des Etats de lUnion europenne, et qui revtent

    une forme juridique figurant sur une liste annexe au dcret, et les autres socits

    trangres, les premires ayant des obligations moins lourdes en ce qui concerne

    le contenu de linformation lgale les concernant.

    27. Les personnes assujetties. Daprs larticle L. 123-1, I, al. 3 du

    Code de commerce, Il est tenu un registre du commerce et des socits auquel

    sont immatricules, sur leur dclaration : [...] les socits commerciales dont le

    sige est situ hors dun dpartement franais et qui ont un tablissement dans

    lun de ces dpartement 89. En se fondant sur cette disposition, la Cour de

    cassation a dcid dans lun de ses arrts que : Toute personne morale

    immatricule qui ouvre un tablissement secondaire doit, selon le cas, demander

    88 C.A Paris, 30 novembre 2001, Bull Joly 2002, p.406, note Bahans. 89 Le texte initial mentionne expressment le terme succursale . La loi 18 mars 1919 (art. 11) soumettait inscription les succursales et agences . Ensuite, il y a eu larticle 56 du Code de commerce issu de la rforme du dcret du 9 aot 1953 qui imposait au commerant qui exploite une agence, une succursale ou un autre tablissement commercial quelconque de procder une inscription de celui-ci. Et cest larticle 21 du dcret n 67-237 du 23 mars 1967 qui tout en voquant le terme succursale a essay de donner pour la premire fois une dfinition de ltablissement : Sont assujettis inscription complmentaire ou secondaire tous les tablissements permanents o sont faits des actes de commerce ainsi quaux usines, succursales ou agences diriges par un prpos ou fond de pouvoir .

  • Les conditions gnrales daccs au march franais par voie de cration de succursales

    34

    une immatriculation secondaire ou une inscription complmentaire dans les

    conditions prvues larticle 9 du dcret du 30 mai 1984 90. Limmatriculation

    prvue par larticle L. 123-1, I, al 3 du Code de commerce concerne le premier

    tablissement. Cest partir de cette immatriculation principale que sordonneront

    les ventuelles immatriculations secondaires (hors ressort du tribunal) ou

    complmentaires (dans le ressort du tribunal) rendues ncessaires par louverture

    de nouveaux tablissements.

    28. Succursale et tablissement secondaire. Contrairement au local

    accessoire, ltablissement secondaire possde sa propre autonomie puisquun

    fonds y est exploit et lactivit commerciale est exerce dans les locaux lous.

    Larticle 9 du dcret du 30 mai 1984 (dsormais larticle R. 123-40 du Code de

    commerce) et 11 du dcret 98-247 du 2 avril 1998 dfinissent ltablissement

    secondaire comme tout tablissement permanent distinct du sige social ou de

    ltablissement principal et dirig par lassujetti, un prpos ou une personne

    ayant le pouvoir de lier des rapports avec les tiers 91. Le texte se fonde sur les

    critres de permanence, de sparation des locaux (avec la distinction entre le sige

    social et ltablissement principal qui peuvent tre localiss en un mme lieu ou

    non)92 et de direction par une personne capable dengager la socit. En

    comparant cette dfinition avec celle de succursale donne par la CJCE93, on

    constate une certaine ressemblance entre les deux. Lune comme lautre ne font

    aucunement rfrence laccomplissement dactes de commerce. Les deux se

    fondent sur le critre juridique, c'est--dire le pouvoir de traiter avec les tiers au

    90 V. J.-L. COURTIER, note sous Cass. civ. 3e, 13 octobre 1999, L.P.A, 19 avril 2000, n78, p.11. 91 La jurisprudence considre que ltablissement secondaire est un tablissement faisant lobjet dune exploitation commerciale distincte de ltablissement principal auquel est attache une clientle propre, Cass. civ. 23 fvrier 1982, n 80-14. 171, Baziet c/ Clavery, Bull. civ. III n 51; Cass. civ. 3e, 5 mars 1986 n 84-15.938, socit dtudes financires c/ Fougre : Bull. civ. III n20. La doctrine traite les succursales dans la partie consacre aux tablissements secondaires et tablissements stables v. notamment O. CACHARD, Droit du commerce international, L.G.D.J 2008, n 248. J. BGUIN et autres, Droit du commerce international, Litec, 2005, n 741. 92 Cette distinction date dune rforme du texte par le dcret du 10 avril 1995, le texte original du dcret de 1984 nvoquait que ltablissement principal. 93 On rappellera que la CJCE a adopt la dfinition suivante la notion de succursale implique un centre doprations qui se manifeste dune faon durable vers lextrieur comme le prolongement de la socit mre pourvu dune direction et matriellement quip de faon pouvoir ngocier des affaires avec les tiers, de telle faon que ceux-ci, tout en sachant quun lien de droit ventuel stablira avec la socit mre dont le sige est ltranger, sont dispenss de sadresser directement celle-ci, et peuvent conclure des affaires au centre doprations qui en constitue le prolongement . CJCE 22 nov. 1978, aff. 33/78, Somafer : Rec. p.2183.

  • Les conditions gnrales daccs au march franais par voie de cration de succursales

    35

    nom et pour le compte de la socit mre. Est-ce dire qutablissement

    secondaire signifie succursale ?

    La notion dtablissement secondaire, au sens du dcret relatif au R.C.S, est

    une notion relativement autonome qui ne se confond pas avec celle de succursale,

    dagence ou de bureau de liaison94. Son domaine englobe les notions

    prcdemment voques dans un concept plus large. Ltablissement peut tre

    parfois plus quune succursale, parfois moins, il a ou il na pas dautonomie

    dexploitation pourvu quil soit permanent, distinct du sige ou de ltablissement

    principal et dirig par une personne qui a le pouvoir dengager la socit lgard

    des tiers. Cest ce qui ressort dun arrt de la Cour dappel de Douai : constitue

    ltablissement secondaire permanent dune socit le prtendu entrept que cette

    dernire a ouvert dans une localit, compte tenu des lments suivants : un

    compte bancaire est ouvert au nom de cet entrept, lequel est mentionn dans les

    annuaires de France Tlcom depuis plusieurs annes, enfin, un responsable

    technique et une secrtaire habilits recevoir les actes sont prsents dans cet

    entrept. 95.

    29. Linstallation collective. Les socits trangres peuvent installer

    dans des locaux occups en commun avec une ou plusieurs entreprises, une

    agence, une succursale ou une reprsentation. Si elles recourent cette

    domiciliation collective, elles doivent prsenter lappui de leur demande

    dimmatriculation le contrat de domiciliation conclu cet effet avec le propritaire

    ou le titulaire du bail de ces locaux96. La socit trangre doit sengager utiliser

    effectivement et exclusivement les locaux comme agence, succursale ou

    reprsentation.

    94 V. J.-M. BAHANS, J.-