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1 Le 10 janvier 2014 TD de préparation à l’agrégation Mélanie Gambino [email protected] Corinne Eychenne [email protected] Les systèmes productifs agricoles : Mieux comprendre la situation actuelle de la Bretagne La lecture attentive et approfondie des différents documents et les éléments vus en cours vous permettront de donner des réponses construites aux questions suivantes : Comment la Bretagne est-elle devenue la première région agricole française ? Caractérisez le modèle agricole breton. Sur quelles spécialisations repose l’agriculture bretonne ? Quelles sont les limites de ce modèle ? Document 1 : la Bretagne au XIXème siècle « La Bretagne connaît au XIX e siècle un « effondrement économique quasi généralisé »*. Son économie maritime est, en effet, totalement désorganisée par les guerres menées contre l’Angleterre de 1793 à 1815 et son industrie se trouve en situation critique. […] Reste l’agriculture, qui s’est nettement développée mais dont les progrès « apparaissent très relatifs si on les compare avec ceux d’autres régions au même moment »**. Est-ce suffisant pour nourrir une population en plein essor ? La Bretagne du XIXème et du début du XXème siècle est, en effet, prolifique : son taux de fécondité est régulièrement supérieur à la moyenne nationale […]. Il en résulte une forte densité de peuplement : elle monte à 81 habitants au kilomètre carré en Bretagne en 1846, contre 67 habitants au kilomètre carré pour la moyenne française***. Afin de tenter de subvenir à leurs besoins, les Bretons défrichent massivement et multiplient les créations de petites exploitations agricoles dont le rendement est faible et qui offrent, par conséquent, des revenus forts modestes. […] Comment expliquer qu’à l’époque où la misère frappe le plus rudement la Bretagne, l’émigration soit insignifiante (8 000 départs de 1831 à 1851) et qu’elle ne prenne son caractère massif qu’en fin de siècle ? Plusieurs hypothèses ont été avancées : le rôle de l’agriculture de bocage, qui utilise les hommes plus que les machines, le cadre paroissial, qui « s’oppose à l’individualisme », la tendance des prêtres à freiner l’immigration, et la faible francisation****. À ces hypothèses convaincantes, on peut en ajouter une : le désenclavement tardif de la Bretagne — ce n’est qu’en 1865 que le train atteint Brest. » Ronan Le Coadic, 2013, « Les bretons, des ‘nègres blancs’ ? » dans Ronan Le Coadic, De la domination à la reconnaissance : Antilles, Afrique et Bretagne, Ronan Le Coadic (Ed.), pp. 349-366. Notes : * CORNETTE J., Histoire de la Bretagne et des Bretons : Tome 2, Des Lumières au XXI e siècle, Seuil, 2005, p. 225. ** MONNIERJ.-J. et CASSARD J.-C. (dir.), Toute l’histoire de Bretagne: des origines à la fin du XX e siècle, 2 e éd. rev. et corr., Morlaix, Skol Vreizh, 1997, p. 446. *** Ibid., p. 451-464. ****ELEGOET L. et M.-T. CLOITRE, « Les circonstances socio-économiques de l’émigration bretonne aux XIX e et XX e siècles », Lesneven, Musée du Léon, 1999.

Les systèmes productifs agricoles : Mieux …...1 Le 10 janvier 2014 TD de préparation à lagrégation Mélanie Gambino [email protected] Corinne Eychenne [email protected]

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Le 10 janvier 2014

TD de préparation à l’agrégation

Mélanie Gambino [email protected]

Corinne Eychenne [email protected]

Les systèmes productifs agricoles :

Mieux comprendre la situation actuelle de la Bretagne

La lecture attentive et approfondie des différents documents et les éléments vus en cours vous permettront de donner des réponses construites aux questions suivantes :

Comment la Bretagne est-elle devenue la première région agricole française ?

Caractérisez le modèle agricole breton.

Sur quelles spécialisations repose l’agriculture bretonne ?

Quelles sont les limites de ce modèle ?

Document 1 : la Bretagne au XIXème siècle

« La Bretagne connaît au XIX e siècle un « effondrement économique quasi généralisé »*. Son économie maritime est, en effet, totalement désorganisée par les guerres menées contre l’Angleterre de 1793 à 1815 et son industrie se trouve en situation critique. […] Reste l’agriculture, qui s’est nettement développée mais dont les progrès « apparaissent très relatifs si on les compare avec ceux d’autres régions au même moment »**. Est-ce suffisant pour nourrir une population en plein essor ? La Bretagne du XIXème et du début du XXème siècle est, en effet, prolifique : son taux de fécondité est régulièrement supérieur à la moyenne nationale […]. Il en résulte une forte densité de peuplement : elle monte à 81 habitants au kilomètre carré en Bretagne en 1846, contre 67 habitants au kilomètre carré pour la moyenne française***. Afin de tenter de subvenir à leurs besoins, les Bretons défrichent massivement et multiplient les créations de petites exploitations agricoles dont le rendement est faible et qui offrent, par conséquent, des revenus forts modestes. […]

Comment expliquer qu’à l’époque où la misère frappe le plus rudement la Bretagne, l’émigration soit insignifiante (8 000 départs de 1831 à 1851) et qu’elle ne prenne son caractère massif qu’en fin de siècle ? Plusieurs hypothèses ont été avancées : le rôle de l’agriculture de bocage, qui utilise les hommes plus que les machines, le cadre paroissial, qui « s’oppose à l’individualisme », la tendance des prêtres à freiner l’immigration, et la faible francisation****. À ces hypothèses convaincantes, on peut en ajouter une : le désenclavement tardif de la Bretagne — ce n’est qu’en 1865 que le train atteint Brest. »

Ronan Le Coadic, 2013, « Les bretons, des ‘nègres blancs’ ? » dans Ronan Le Coadic, De la domination à la reconnaissance : Antilles, Afrique et Bretagne, Ronan Le Coadic (Ed.), pp. 349-366.

Notes : * CORNETTE J., Histoire de la Bretagne et des Bretons : Tome 2, Des Lumières au XXI e siècle, Seuil, 2005, p. 225. ** MONNIERJ.-J. et CASSARD J.-C. (dir.), Toute l’histoire de Bretagne: des origines à la fin du XX e siècle, 2

e éd.

rev. et corr., Morlaix, Skol Vreizh, 1997, p. 446. *** Ibid., p. 451-464. ****ELEGOET L. et M.-T. CLOITRE, « Les circonstances socio-économiques de l’émigration bretonne aux XIX e et XX e siècles », Lesneven, Musée du Léon, 1999.

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Document 2 : un modèle d’agriculture intensive

« En 1950 règne encore dans toute la province une agriculture pauvre, reposant sur une polyculture – élevage de subsistance, associant céréales, prairies et plantes sarclées*. Elle a disparu au profit d’une agriculture intensive modernisée, fortement intégrée** et exportatrice. Un modèle s’est mis en place, qui s’est diffusé à partir de pôles pionniers (Finistère). Il repose sur l’intensification, les hors – sol, la concentration des ateliers, l’existence d’une puissante industrie agroalimentaire (12% des effectifs nationaux), un encadrement syndical et coopératif très fort, des capacités d’adaptation qui ont peu à peu sélectionné les hommes et les talents par une série de révolutions successives, aboutissant à la spécialisation des systèmes de cultures (prairies temporaires, maïs, cultures industrielles) et des espaces. Il est caractérisé par des surfaces d’exploitation médiocre mais par des dimensions économiques élevées des ateliers du fait de la productivité et du choix vers le lait et les hors – sol (porcs, volailles).

Parallèlement, les paysages bocagers ont été bouleversés par les remembrements et par la multiplication des bâtiments industriels abritant des élevages hors – sol. La croissance très rapide des productions a été l’élément le plus spectaculaire. L’ouverture sur l’économie de marché constitue une autre caractéristique, tant pour ce qui concerne le recours aux engrais et aux aliments du bétail, que pour la part de la production transformée et exportée. »

J. Renard, Agricultures et campagnes dans le monde, SEDES, 1996

Notes : * : tubercules comme les pommes de terre par exemple. ** : se dit d’une agriculture très liée aux autres activités économiques qui produisent ce dont elle a besoin et transforment et distribuent ses productions.

Document 3 : La production et la collecte de lait en Bretagne de 1960 à 1983

Source : Canévet Corentin, 1984, « Le ‘modèle agricole breton’ dans la crise », Norois, N°124, Octobre - décembre 1984. pp. 631-645.

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Document 4 : l’évolution des productions animales entre 1970 et 1980

Source : Canévet Corentin, 1984, « Le ‘modèle agricole breton’ dans la crise », Norois, N°124, Octobre - décembre 1984. pp. 631-645.

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Document 5 : la spécialisation* des exploitations en 2010.

Note :

* La contribution de chaque surface ou cheptel à la production brute standard permet également de classer les exploitations selon leur spécialisation (orientation technico-économique).

Document 6 : Répartition des exploitations selon le domaine d’exploitation en 2010.

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Document 7 : schéma général simplifié des filières agroalimentaires

Source : J.-P. Diry, 2004.

Document 8 : les établissements des industries agroalimentaires de 30 salariés ou plus en 2010

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Document 9 : les zones d’emploi et IAA

Document 10 : le cas de l’entreprise Doux

« Dans le monde agricole breton, Charles Doux était jusqu’ici un personnage, une référence même. C’est le portrait-robot du petit entrepreneur qui a réussi, selon l’imagerie patronale. Né d’un père arménien qui a commencé sur les marchés nantais et des Deux-Sèvres avant de venir s’installer à Châteaulin (Finistère), il a repris, dans les années 1970, la petite entreprise de volaille paternelle. C’est l’époque où les politiques ne parlent que de modernisation de l’agriculture, où les subventions, distribuées au nom de la politique agricole européenne (PAC), coulent à flots pour aider à l’intensification des productions ; où les réseaux bancaires mutualistes prêtent à tour de bras aux agriculteurs ; où la grande distribution émerge et réclame de plus en plus de productions normées et massifiées.

Charles Doux saisit le vent et se lance, en rachetant des abattoirs de volailles, jusqu’à avoir le plus grand réseau d’abattage de l’Ouest. Il noue des liens serrés avec les éleveurs, leur assurant des débouchés pour leur production. Il part à la conquête des marchés à l’exportation, devient un grand fournisseur de volailles en Arabie saoudite, au Moyen-Orient, en Afrique. La France agricole en fait un héros. Il y acquiert le titre du roi de la volaille.

L’Europe soutient activement cette activité d’exportation : elle verse des subventions pour compenser le coût des céréales, plus élevé en Europe que sur les marchés mondiaux, afin que l’industrie agro-alimentaire européenne reste compétitive. C’est ainsi que le groupe Doux est devenu l'un des premiers bénéficiaires de la PAC. En 2010, il a reçu quelque 56 millions d’euros de subventions européennes…

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Les étranges équations de l'élevage intensif

Mais alors que la grande distribution augmente ses exigences de production conforme et de prix, le groupe Doux décide d’aller plus loin et imagine de bâtir un système de production totalement intégré, allant de l’élevage à la transformation (les plats préparés Père Dodu), en passant par l’abattage. Il sera le seul industriel de la volaille à pousser aussi loin l’intégration.

Il met en place toute une filière avec ses propres producteurs de poussins, ses céréaliers. Chez lui, les éleveurs sont sous contrat, avec un statut qui ressemble d’assez près à celui de métayer. Le groupe Doux négocie tout pour eux et leur fournit tout : les poussins, la nourriture pour l’élevage, l’énergie indispensable pour l’élevage intensif des volailles. Selon la demande, l’éleveur doit s’adapter, passer des poulets à la dinde ou inversement. « L’éleveur ne décide pas de ses fournisseurs ni de sa production. En revanche, il n’a pas d’avance à faire pour payer les matières premières et l’énergie. Le groupe Doux paie tout et ne lui reverse que le prix de l’élevage », explique Céline Joly, chargée de mission de la production volailles à la FRSEA des Pays de la Loire.

Aujourd’hui, 800 éleveurs sont liés au groupe Doux. Dans ce monde de l’élevage industriel intensif, c’est un peu la ferme du futur telle que l’avait imaginée Tex Avery. On ne compte pas en nombre d’animaux mais en mètres carrés de bâtiments pour l’élevage. Ces éleveurs totalisent un million de mètres carrés construits. Leur production est calculée selon une équation étrange : 28 poussins par mètre carré multiplié par 7 à 8 couvées dans l’année. Cela donne quelque 200 millions de poulets élevés puis abattus par an. Mais l’éleveur y gagne à peine sa vie. Les bénéfices se calculent au centime près. Selon la FRSEA des Pays de la Loire, la marge moyenne des agriculteurs en 2010-2011 est de 0,197 euro par kilo. Surendettés, beaucoup d’agriculteurs sont étranglés par les frais financiers et survivent à peine.

À l’autre bout de la chaîne, les salariés qui travaillent dans les abattoirs ou sur les chaînes de transformation sont tout aussi perdants. Leur travail est des plus éprouvant pour un salaire minimal. Le SMIC y est la norme, le dialogue social inexistant. Fidèle à sa réputation, le groupe Doux a dénoncé en 2004 sa convention collective sur les 35 heures et a refusé de payer les temps de pause – une demi-heure par jour. Plus de 260 salariés, soutenus par les syndicats, ont porté l’affaire devant les prud’hommes, qui ont fini par leur donner raison, après quatre années d’attente et de combat.

En dépit d’un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros en 2011, le groupe Doux a le plus grand mal à survivre. Les marges sont rognées par la grande distribution et les grands clients (fast food, services de restauration aux collectivités) qui exigent toujours plus de baisses de prix. « En début d'année, les conditions d'exploitation se sont durcies », rapporte aux Echos Philippe Pitriou, élu CFDT. Le prix des céréales a flambé. Pourtant, certaines enseignes ont cherché à obtenir des baisses de prix allant jusqu'à 6 %.

La débâcle du Brésil

Mais c’est surtout son expansion internationale qui lui coûte le plus cher. En 1988, Charles Doux décide d’aller s’installer au Brésil. Il a le projet de dupliquer son modèle d’élevage industriel intégré, en profitant des très bas prix des céréales et des oléagineux pratiqués dans le pays. À partir de cette base industrielle, commence-t-il à rêver, il pourra se renforcer au Moyen-Orient, atteindre les marchés indien, chinois, qui lui sont fermés en raison d’un coût de production très élevé. Le poulet, assure-t-on dans tous les milieux agricoles, est l’avenir de la nourriture mondialisée. Tous les pays en consomment : il n’est frappé d’aucun interdit religieux. Le grand projet international ne portera jamais ses fruits. Pourtant, le groupe ne ménage pas les investissements : il s’endette à hauteur de 240 millions d’euros pour financer son développement et son activité au Brésil.

Que s’est-il passé exactement ? Le groupe Doux est si opaque, si fermé qu’aucun des interlocuteurs n’est capable actuellement de le dire. L’envolée des cours mondiaux des matières premières, à partir de 2004, paraît avoir compromis l’équilibre de l’ensemble du groupe. L’année d’avant, Charles Doux

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a cédé la gestion quotidienne de sa société à Guy Odri, un ancien HEC, bien décidé à appliquer au monde de l’agro-alimentaire les principes de la finance. Tout en pratiquant une gestion sociale dure, il continue la course à la grandeur, cherche à étendre partout l’emprise du groupe. Les sur-capacités menacent. La grippe aviaire achève de déstabiliser l'entreprise.

Dès 2006, les banquiers s’inquiètent de la dégradation financière du groupe. Refusant de donner trop de comptes, au printemps 2007, la direction de Doux lance un appel d’offres auprès des banques pour émettre un emprunt obligataire de 200 millions d’euros. Barclays Capital l’emporte et met en place un prêt relais, en attendant l’émission obligataire. Celle-ci ne pourra jamais être lancée. Entre-temps, la crise des subprimes a éclaté. Surtout, le groupe, surendetté, n’est plus capable d’offrir les garanties suffisantes aux créanciers. Bien malgré elle, la Barclays se retrouve le principal soutien financier du groupe Doux, et lui prête à long terme 130 millions d'euros.

Dès la fin 2007, le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) entre dans le jeu. De tous côtés, le même mot d’ordre jaillit : il faut sauver le groupe Doux, acteur clé de la filière avicole bretonne. Des solutions sont cherchées. La banque accepte de temporiser et de reporter des échéances de crédit. Les négociateurs tentent de refaire un tour de table, mais Charles Doux assure qu’il ne peut pas remettre de l’argent. Bien que classé au 146e rang des fortunes françaises par Challenges, plusieurs interlocuteurs s'interrogent sur la réalité de sa fortune : il n’a fait aucun apport d’argent dans le groupe depuis plus de quinze ans. Un mandat est confié plus tard à la banque Lazard pour tenter de trouver un partenaire extérieur, voire un repreneur.

Pendant trois ans, le groupe Doux fera des allers retours auprès du Ciri, assurant une année que tout va bien puis, six mois plus tard, qu’il est au bord de l’étranglement. Les syndicats du groupe constatent chaque jour la dégradation de leur entreprise, les abattoirs qui ferment, les emplois supprimés, les salaires gelés. Ils tentent d’obtenir quelques éléments sûrs pour comprendre la situation. En vain. Les intervenants extérieurs ne sont guère mieux lotis. En tout cas, ils n’en ont qu’une vue très partielle.

Car, s’ils peuvent encore obtenir quelques informations sur la France, le Brésil reste, pour eux, un trou noir. Ils ne découvriront la réalité qu’en janvier 2012. Inquiètes du fait des impayés qui s’accumulent, la vingtaine de banques créancières de la filiale brésilienne de Doux viennent de décider de lui couper les crédits. C’est la crise de liquidités. La société brésilienne, dans l’incapacité de payer ses fournisseurs, s’arrête. Dans le sauve-qui-peut général, le groupe français négocie une solution de location gérance auprès d’un de ses principaux concurrents. L’activité repart, mais Doux garde les 240 millions de dettes liées à l’aventure brésilienne. Dans la panique, Doux a même consenti au repreneur une option de vente de toute son activité pour un euro symbolique.

Cette déconfiture brésilienne met à bas tous les projets de redressement de Doux en France. Car le groupe était en train de négocier l’entrée du Fonds stratégique d’investissement (FSI), filiale de la Caisse des dépôts, dans son capital. Furieux de découvrir la débâcle brésilienne dans la presse, le FSI coupe court à toute négociation et l’annonce publiquement dans un communiqué vengeur. Les éventuels investisseurs, qui étaient prêts à l’accompagner dans l’aventure, s’évanouissent en même temps. »

M. Orange, « Doux ou la fin du modèle agricole breton », Médiapart, le mercredi 6 JUIN 2012.

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Document 11 : les limites environnementales du modèle :

« Longtemps contestées, les atteintes au milieu naturel sont désormais reconnues. Les doses utilisées en engrais, pesticides et autres phytosanitaires portent atteinte à la qualité des eaux. À la fin des années 1990, en Bretagne, les élevages auraient produit une quantité totale de déjections dépassant de 35 % les capacités naturelles de résorption des sols et cultures. L'excédent d'azote de 136 000 tonnes étant à l'origine des pollutions de l'eau par les nitrates est responsable des 70 000 m³ d'algues vertes ramassées sur les rivages chaque année. Quant à la culture du maïs, elle entraîne également des atteintes au milieu par ses besoins en eaux d'irrigation, la mise à nu des sols une partie de l'année et l'utilisation trop massive de produits phytosanitaires. [...]

En outre, les risques sanitaires nés de ce mode de production se multiplient. Après les poulets aux hormones, c'est la crise de l'ESB qui atteint en premier lieu les élevages de l'Ouest. Face à ces constats, deux attitudes, deux pratiques et deux logiques se font jour. Soit on tente de maîtriser les effets sur l'environnement et la santé tout en continuant dans la logique de l'agriculture productiviste dont on essaie de corriger les débordements. Soit on tente une remise en cause radicale du projet agricole. »

J. Renard, « le modèle agricole breton », FIG de Saint-Dié - 2004.

Document 12 : les programmes lancées par l’Etat et soutenus par l’Europe.

Source : Jalta J, Joly R, Reiner R, 2005, Magnard.

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Le 10 janvier 2014

TD de préparation à l’agrégation

Mélanie Gambino [email protected]

Corinne Eychenne [email protected]

Les systèmes productifs agricoles :

Mieux comprendre la situation actuelle de la Bretagne

Document de synthèse : la carte su système agroalimentaire breton avant 2012.

Source : http://www.1re.geolycee.magnard.fr/ressources/1015