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LES TRANSFORMATIONS DU SALARIAT : EVOLUTION PROGRESSIVE OU CHANGEMENT DE PARADIGME ? EN PARTENARIAT AVEC : Septembre 2017

LES TRANSFORMATIONS DU SALARIAT...1 «Independant work: Choice, necessity, and the gig economy» McKinsey, Octobre 2016 8 propriétaire de la plateforme, qui placent les travailleurs

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LES TRANSFORMATIONS DU SALARIAT :

EVOLUTION PROGRESSIVE

OU CHANGEMENT DE PARADIGME ?

EN PARTENARIAT AVEC : Septembre 2017

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es entreprises font aujourd’hui face à des défis stratégiques et à des

ruptures qui transforment leurs métiers et leurs organisations. Elles

conduisent à l’émergence de nouvelles formes de travail et d’emploi.

Même si elle est la plus fréquemment évoquée, la digitalisation n’est

pas la seule force de changement à l’oeuvre : la complexité des produits et des

services, les exigences liées au développement durable, la transformation des

modes de consommation, le vieillissement de la population, l’accroissement des

échanges internationaux, et les impératifs éthiques conduisent eux aussi à des

mutations profondes et pour certaines brutales.

En favorisant une désintermédiation dans de nombreux secteurs, le

développement des outils numériques accélère en fait les changements : il

permet la mise en concurrence des organisations et des entreprises en place

avec des plateformes digitales, constituées de travailleurs indépendants.

Ces évolutions interrogent la gestion des compétences, l’employabilité des

salariés et leurs évolutions professionnelles, mais plus fondamentalement, les

changements organisationnels provoqués transforment et multiplient aussi les

formes de salariat : cotraitance, sous-traitance, travail indépendant, portage,

pluriactivité, … Toutes ces situations sont largement favorisées par une plus

grande pluralité des statuts d’entreprise.

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Ces nouvelles formes d’activités ne sont plus tout à fait marginales et la question

se pose de savoir s’il s’agit d’un effet de mode lié à une nouvelle législation,

d’une situation qui évoluera progressivement dans le temps (avec quel horizon

temporel ?) ou si nous sommes devant un changement de système dans lequel

le salariat devient un modèle relatif.

Quelle sera l’évolution qualitative et quantitative de l’emploi dans les années à

venir dans ce contexte de transformation du salariat et de développement des

nouvelles technologies ? Quels impacts ces évolutions auront-elles sur la

définition même de travail et d’activité professionnelle ? Ces évolutions

représentent-elles une opportunité pour l’entreprise ? Et pour le salarié ?

Comment l’entreprise doit-elle se réinventer pour y faire face ? Quelle nouvelle

organisation du tissu productif ?

L’OSI remercie vivement les DRH d’entreprises (BNP Paribas, ENGIE Cofely, EDF,

RTE, Total, Solvay, …) qu’il a interrogés pour appréhender leur perception et leur

vision des changements à venir. L’étude qui en résulte permet de dessiner les

évolutions prévisibles à court terme et les freins qui limitent le développement

des nouvelles formes de salariat.

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Un sujet d’actualité qui soulève des opinions affirmées mais contradictoires

Certains experts annoncent une explosion du travail indépendant qui voisine

aujourd’hui en France autour de 10% des emplois.

Jean-Marc Daniel, Professeur à l’ESCP Europe annonce 50% de travailleurs

indépendants en plus d’ici à 50 ans en France. Bertrand Moine, secrétaire

général de Digital-Village.fr constate une augmentation de 45% entre 2000 et

2013 du nombre de travailleurs freelance en Europe, à 9 millions de personnes.

D’autres observateurs et tout particulièrement France Stratégie, la Dares ou

l’OCDE restent cependant prudents.

France Stratégie souligne que, bien qu’en croissance rapide, le nombre d’emplois

sur les plateformes numériques demeurent faibles au regard de l’ensemble de

la population salariée, entre 8.000 et 12.000 personnes par rapport à plus de 26

millions d’actifs occupés et 2,3 millions de travailleurs indépendants.

La grande disparité des évaluations annoncées s’accompagnent d’un flou

important sur les méthodologies et sur les hypothèses retenues.

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Des évolutions différentiées en Europe et aux Etats-Unis

L’INSEE constate en France un chiffre stable de 10% de travailleurs indépendants

entre 2003 et 2014, en légère croissance en fin de période avec la mise en place

du statut d’autoentrepreneur. Celle-ci compense la décroissance du nombre

d’agriculteurs qui constituait encore, il y a peu, une part importante du travail

indépendant en France.

En Europe, Les chiffres d’Eurostat constate une quasi stabilité du nombre de

travailleurs indépendants entre 2008 et 2014, avec une tendance à la baisse de

17% à 16,4%. Deux pays se distinguent cependant, les Pays-Bas et le Royaume-

Uni qui connaissent à la fois un taux plus élevé et une croissance forte du travail

indépendant, notamment dans les activités financières, qui augmentent

respectivement de 6 points et de 2 points entre 2008 et 2014.

Aux Etats-Unis, la tendance est plutôt à la baisse : l’OCDE y constate une

réduction de 7,57% en 2004 à 6,61% en 2013 de la part de travail indépendant.

L’analyse précise des évolutions du travail indépendant reste complexe et

limitée pour plusieurs raisons, comme celle de l’hétérogénéité des mesures.

Le périmètre étudié diffère suivant les législations et les études, selon que l’on

considère la diversité des statuts de travail indépendants : consultants,

autoentrepreneurs, sous-traitance, multiactivité, …

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Ainsi une récente étude de McKinsey1 indique que 20 à 30% des travailleurs aux

Etats-Unis et en Europe ont un statut d’indépendant, en ajoutant que plus de la

moitié de ces « indépendants » complètent ainsi un emploi salarié (près des

deux tiers en France), ce qui correspond aux chiffres d’Eurostat cités plus haut.

La structure des taux de travailleurs indépendants peut aussi fortement varier

d’une année à l’autre, comme c’est le cas en France pour les autoentrepreneurs

qui ont beaucoup fléchi suite aux dernières mesures.

Des travailleurs indépendants aux profils spécifiques

D’après des données européennes, le statut d’indépendant regroupe des

travailleurs aux deux extrémités de l’échelle des qualifications.

Il est adopté, notamment à travers le statut d’autoentrepreneur par des

personnes peu qualifiées et disposant notamment d’un savoir-faire spécifique.

C’est le cas de certains chauffeurs pour véhicules légers et, dans le secteur des

services de proximité, de livreurs, à travers des plateformes collaboratives

numériques ; encore faudrait-il distinguer les plateformes sous forme de

coopératives dans lesquelles les indépendants se regroupent à leur propre

initiative et celles où l’organisation du travail et le pilotage appartiennent au

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propriétaire de la plateforme, qui placent les travailleurs en situation de salariat

potentiel.

Le statut d’indépendant est aussi plus classiquement utilisé par des actifs très

qualifiés, à haute valeur ajoutée et parfois dans des secteurs de « rente par les

normes » comme les notaires ou les experts comptables…. Cette catégorie

intègre notamment les cadres supérieurs ou dirigeants qui se reconvertissent en

fin de carrière ou dans le cadre de leur départ en retraite, auxquels il faut ajouter

de nombreux emplois des secteurs de la santé, de l’éducation, de la culture, du

sport, du « care »…

Par ailleurs, les travailleurs indépendants en Europe sont des salariés en

moyenne plus âgés (mais avec une tendance au rajeunissement) et en très

grande majorité des hommes (dans une proportion supérieure aux deux tiers).

Ils disposent de revenus nettement inférieurs à ceux des salariés malgré une

durée du travail bien supérieure, et ces revenus ont plutôt tendance à décroître

là où la part de ces travailleurs dans l’emploi global augmente. Le cas de la France

est intéressant à ce titre, dans la mesure où une rupture très nette peut être

observée en 2007 avec la mise en place du statut d’autoentrepreneur.

Toutefois, de façon marquée, le niveau de satisfaction professionnelle des

travailleurs indépendants est plus important que celui des salariés, des études

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montrent que la plupart des ceux qui se sont transformés en indépendants, ne

reviennent pas dans un statut salarié.

Aujourd’hui, les entreprises ne perçoivent pas de révolution, sauf certaines PME

Les entretiens menés avec des Directeurs des Ressources Humaines de grandes

entreprises montrent que les enjeux du travail indépendant ne font pas partie

de leur plan stratégique, que ce soit dans le secteur industriel ou celui des

services.

Pour ces entreprises, les réflexions en matière d’emploi se traduisent par une

recherche de flexibilité interne, une restructuration de leur organisation

productive pour répondre aux défis de transformation et de changement

auxquelles elles doivent faire face.

Il y a des maturités variables en fonction du secteur, des métiers et du statut de

l’entreprise, mais la flexibilité fait davantage appel à un mix de départs anticipés,

de mobilité interne, de filialisation et de requalification.

La flexibilité externe est davantage trouvée à travers le turnover, la cotraitance

ou la sous-traitance de rang 1 à 3, pour lesquels le potentiel de croissance est

fort. Dans l’automobile par exemple, les potentiels de croissance de l’emploi

concernent plutôt des entreprises comme Faurecia. Le développement des

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cabinets de consultants transversaux à l’ensemble des secteurs constitue une

réponse similaire.

L’appel à des « start-ups » du numérique, qui emploient des indépendants, reste

pour l’instant encore relativement limité, sauf en cas de rachats de plateformes

numériques. Elles ont alors tendances à se transformer en filiales ou en

entreprises classiques à travers des « new ventures ».

Toutefois, dans certaines filiales et pour gérer des situations transitoires, des

directions ont recours à certaines catégories d’indépendants. Par exemple, dans

la transformation engagée par le secteur bancaire qui prévoit de réduire à terme

le nombre de ses agences locales, il est utile de pouvoir conserver les

compétences de certains directeurs actuels pour quelques années à travers des

contrats de prestation plutôt que d’embaucher de nouveaux directeurs qui

seront en surnombre dans quelques années.

Du côté des PME, les choses sont plus nuancées. Dans le secteur des emplois de

proximité, des PME développent des modèles d’affaire faisant appel à des

travailleurs indépendants peu qualifiés. Cependant, le potentiel de croissance

reste limité, hors rachat de plateformes digitales.

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Les freins et les leviers de développement des nouvelles formes de salariat

Freins et leviers de développement peuvent être recensés du point de vue des

différents acteurs. Les forces d’inertie restent aujourd’hui plus nombreuses que

les facteurs d’accélération.

Vu des individus, les freins sont liés aux risques attachés au statut, qu’il s’agisse

d’un manque de garantie collective qui génère des difficultés pour obtenir un

crédit ou trouver un logement. L’isolement, la perte de lien social, l’attachement

au travail en équipe et à l’entreprise contribuent aussi à limiter les évolutions.

Enfin, le manque d’appui pour la gestion en propre des volets administratifs

(comptabilité, juridique, etc.) en cas d’expertise réduite freine le développement

du travail indépendant.

En revanche, ce statut du travail offre à ceux qui le souhaitent des réponses à un

besoin de liberté et d’autonomie. La possibilité de faire de la multi-activité, qui

apporte un salaire complémentaire ou une diversité de mission, est un facteur

qui favorise le travail indépendant.

Vu des entreprises, les freins concernent surtout les contraintes opérationnelles

liées aux modèles d’affaire, qui impliquent le travail en équipe, les normes et les

contraintes de sécurité. La difficulté de gérer opérationnellement des équipes

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mixtes qui comprennent des indépendants empêche le développement de

nouvelles formes de salariat.

La culture de l’entreprise est aussi un frein important, que cela concerne les

pratiques de management qui « dévalue » les travailleurs hors du lien formel de

subordination ou les questions d’image auprès des clients. Dans ce domaine, il

est important également de prendre en compte les phénomènes de

capitalisation des savoirs, des compétences et des informations, qui conduisent

de nombreux indépendants à rejoindre des entreprises pour conserver leur

performance.

Le risque de requalification des indépendants en salariés est fort pour les

entreprises. Dans les grandes entreprises, les processus de référencements des

sous-traitants sont peu

adaptés au travail indépendant et nécessitent d’avoir des intermédiaires pour

gérer les complexités administratives et managériales.

En revanche, la flexibilité des carrières, le maintien d’une employabilité pour des

salariés en fin de carrière ou en cas de PSE est un levier de développement pour

le travail indépendant.

Certaines politiques d’entreprises ont notamment recours aux anciens salariés

partis à la retraite comme indépendants. La recherche par les entreprises d’une

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performance opérationnelle agile est aussi un facteur d’accélération, qu’il

s’agisse de favoriser un accès ponctuel à des expertises à jour ou au contraire à

une main d’œuvre peu qualifiée ponctuelle, de façon flexible et économique, sur

des missions de courte durée. Pour les PME, le développement d’agences de

talents et de plateformes qui facilitent la rencontre offre/demande des

travailleurs indépendants constitue des facteurs de développement du travail

indépendant.

La situation se pose différemment en période de transition ou dans un nouveau

régime qui s’est établi. Dans ce second cas, le développement de la pluriactivité

et de situations de travail hybride, à travers le portage salarial, les coopératives

d’activités, les groupements d’employeurs ou les plateformes collaboratives

sont également favorables au développement du travail indépendants, même si

ces différentes formes ne sont pas incompatibles avec un statut de salarié.

Vu des organisations syndicales de salariés, le développement du travail

indépendant est perçu comme une rupture du pacte social et une précarisation

des conditions de travail, à travers des contrats à durée limitée. Les évolutions

de la réglementation favorisent plus une souplesse des contrats que le recours

aux indépendants. Un début de réflexion s’est engagé avec les négociations

entre Uber et ses chauffeurs ou dans le secteur des livraisons.

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Vu des pouvoirs publics, la difficulté à faire évoluer les contraintes

réglementaires, juridiques et fiscales, l’inadaptation du système de protection

sociale au travail indépendant, la complexité du système de retraite nécessitent

la mise en place d’un nouveau contrat social qui prendra du temps et constituent

un frein global au travail indépendant, même s’il constitue une forme d’accès à

l’emploi à favoriser dans certains secteurs d’activité.

L’analyse de l’ensemble de ces points conduit à considérer que des ruptures

quantitatives sont difficilement envisageables en France à court terme, c’est-à-

dire avant 2025. En effet, un développement fort des nouvelles formes de statut

professionnel supposerait un alignement fort des volontés des individus, des

entreprises, des organisations syndicales et du gouvernement, ce qui paraît peu

probable à ce jour.

Le contexte actuel est caractérisé par :

• Un peu plus de 10% de la population in fine concernée par le travail

indépendant en France (une moyenne de 12%-14% en Europe)

• Des grandes entreprises qui ont finalement peu recours au travail

indépendant car elles trouvent leur flexibilité chez leurs sous-traitants et

prestataires. Certaines, leaders sur leur marché, pourraient intégrer en

leur sein des plateformes numériques (rachat) ou en développer sous-

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forme de filiales et de réseaux d’indépendants, afin de protéger leur

activité et organiser la concurrence à leur profit.

• Des potentiels de croissance du travail indépendant dans les entreprises

sous-traitantes ou prestataires sur certains segments d’activité

spécifiques aux startups du secteur du numérique et aux plateformes de

service qui y voient un levier de flexibilité sur des compétences à faible

(force de travail) ou forte valeur ajoutée (expertise) pour améliorer leur

performance opérationnelle

• Un cadre réglementaire protecteur en France, avec des organisations

syndicales attentives à son respect (REX Loi Travail El Khomri 2016) et une

culture d’entreprise et managériale encore très fortement fondée sur le

lien de subordination.

Les pistes de développement à partir de 2030

A plus long terme, les responsables de ressources humaines des entreprises ont

tout intérêt à mener une réflexion stratégique sur les statuts possibles d’activité

indépendante ou de formes alternatives de contractualisation, concernant les

différentes activités de leur entreprise.

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Cette réflexion doit prendre en compte le contexte et les contraintes de plus en

plus fortes de gouvernance. Elément important, le coût de la main d’œuvre et la

nature des contrats de travail n’est pas le seul facteur de performance.

L’optimisation des ressources, le développement du capital humain et sa

fidélisation, la manœuvrabilité des organisations et leur pérennité, la capacité à

faire face aux revirements de marché ou à des produits ou services de

substitution, la moindre différentiation des produits et des services et donc le

renforcement de la concurrence, les risques industriels, la sécurité des systèmes

d’information, les impératifs éthiques et l’image de la société pèsent de plus en

plus sur les choix. Par ailleurs, les entreprises doivent également intégrer les

dimensions liées à la taille des marchés, à la volatilité des règles et des normes,

et à la complexité des produits et des services…

De telles contraintes demandent une analyse assez fine de la position de

l’entreprise dans son secteur et sur son territoire ainsi que la disponibilité de

certaines compétences sur le marché. Les choix seront très différents d’une

situation à l’autre. Il est également possible d’imaginer de recourir à des statuts

différents en fonction des étapes de la vie de l’entreprise : phase de transition,

de stabilisation, nécessité de diminuer les coûts de transaction et d’innovation.

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Ces éléments invitent à une réflexion plus large sur l’organisation des systèmes

productifs en fonction des écosystèmes nécessaires pour garantir une activité de

qualité et compétitive.

Conclusion

Toutefois, au-delà de ces éléments, il est essentiel de revenir sur les coûts de

transactions qui expliquent pourquoi la compétitivité s’est développée sur le lien

de subordination et le rapport salarial et pourquoi l’objet entreprise n’a cessé de

se développer et de se complexifier.

Certes, les outils numériques permettent aujourd’hui d’abaisser

considérablement les coûts de transaction de l’extérieur de l’entreprise. Cela

expliquent pourquoi des travailleurs choisissent de s’organiser à travers des

plateformes collaboratives, pourquoi des investisseurs créent des plateformes

numériques et prennent des parts de marché significatives sur certains

segments.

Cependant, la performance repose aussi beaucoup sur des éléments invisibles

forts, liés au professionnalisme, aux liens sociaux au sein de l’entreprise et au

travail en équipe. Ces éléments sont particulièrement cruciaux pour innover et

s’adapter aux conditions mouvantes du marché. La capitalisation des savoirs et

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des compétences acquises dans des situations professionnelles diverses, le

développement d’un professionnalisme propre à un faisceau d’activités, la

coordination de différentes expertises dans des projets complexes, constituent

en creux des gains de transactions qui pénalisent aujourd’hui la généralisation

du travail indépendant.

Dans cette perspective, tout ce qui permet d’amplifier les liens et la coopération

des acteurs internes de l’entreprise avec ceux de son écosystème, est susceptible

de favoriser des formes d’activités alternatives au salariat. Créer un véritable

partenariat avec ses fournisseurs et sous-traitants, articuler le travail des salariés

organiques avec des réseaux d’indépendants labellisés pour répondre à des

objectifs de fiabilité, de qualité et de rapidité, conduira sans doute à développer

des coopérations nouvelles entre l’entreprise et son environnement et peut-être

à des formes organisationnelles nouvelles.

Au même titre que Mercedes-Benz a expérimenté depuis 1997, avec Smartville

(Usine d’Hambach, en Lorraine), de nouvelles formes de collaboration avec ses

fournisseurs, les Directeurs des Ressources Humaines ont tout intérêt à rester

en veille sur ce sujet et à être partie prenante d’expérimentations comme, par

exemple, à Val-de-Fontenay avec les « Dunes » pour Société Générale. Il s’agit

d’une ville organisée sur le concept de « flex-work » pour 2500 salariés et 30%

de prestataires. Ce lieu connecté et innovant doit favoriser un environnement

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de travail agile, collaboratif et ouvert et accroître la performance du Groupe au

service de ses clients.

Le concept d’ « entreprise étendue » apparaît de ce point de vue très pertinent

et même incontournable, pour que les modèles d’affaires des entreprises

intègrent durablement des travailleurs indépendants et de nouvelles formes de

salariat.

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