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Morphologie, 2005, 89, 5-11 © Masson, Paris, 2005 REVUE GÉNÉRALE LES TROIS RÉVOLUTIONS DE L’HISTOLOGIE J. POIRIER Service d’histologie, Faculté de médecine Pitié-Salpêtrière, 105 boulevard de l’hôpital, 75651 Paris cedex 13. En bientôt quatre siècles, de sa conception – avant même sa naissance – à aujourd’hui, l’histologie a déjà vécu trois révolutions : 1) la révolution fondatrice, marquée conjointement par l’utilisation de la micros- copie optique devenue performante et la génèse de la théorie cellulaire, 2) la révolution revivifiante de la microscopie électronique, 3) la révolution dramatique de la biologie moléculaire. Ces trois révolutions, véritables switchs dans l’his- toire de l’histologie et dans la vie des histologistes, autorisent – dans un but de simplification et de clarifi- cation – une périodisation de l’histoire de l’histologie en quatre époques : 1) l’histologie avant la lettre. Bien que le mot histo- logie n’ait été créé qu’en 1821 (par Heusinger, en Al- lemagne) (étymologiquement, science des tissus, du grec istos : tissu et logos : science), il existait, – avant le microscope achromatique ou sans le microscope –, de Leuwenhoeck (milieu du XVII e s.) à Bichat (début du XIX e s.), une anatomie générale à laquelle seul le nom manquait pour pouvoir la qualifier d’histologie. 2) l’âge d’or de l’histologie classique. C’est celui d’une anatomie microscopique de qualité, obtenue grâce à la conjonction de l’apparition du microscope optique achromatique et de la théorie cellulaire (du milieu du XIX e s. au milieu du XX e s.). 3) l’histologie ultrastructurale. Sa domination, due à l’utilisation du microscope électronique en biologie, s’étend sur les trois premières décennies de la deuxiè- me moitié du XX e s. 4) l’histologie moléculaire. Cette dernière période débute à partir de la fin du XX e s. et reste d’actualité aujourd’hui. RÉSUMÉ SUMMARY La conjonction, au milieu du XIX e siècle, de l’apparition du microscope optique achromatique et de la théorie cel- lulaire de Schleiden et Schwann, complétée par Virchow, a représenté une première révolution par rapport aux dé- couvertes des microscopistes du XVII e siècle (dont les plus célèbres sont les anglais Hooke et Grew, les hollan- dais Leeuwenhoek et Swammerdam, ainsi que l’italien Malpighi), puis à l’anatomie générale de Bichat. Après la seconde guerre mondiale, la microscopie élec- tronique faisant découvrir les ultrastructures cellulaires et tissulaires a occasionné une deuxième révolution de l’histologie, dans laquelle les chercheurs du Rockefeller Institute de New-York (USA) jouèrent un rôle primor- dial. La troisième révolution s’est accomplie dans les derniè- res décennies du XX e siècle lorsque les progrès de la bio- logie moléculaire ont permis de substituer à l’histologie morphologique une histologie moléculaire, dans le déve- loppement de laquelle l’immunohistochimie et l’hybrida- tion moléculaire in situ ont conquis une place de choix. La montée en puissance de l’informatique et l’explosion du formidable moyen de communication et d’informa- tion que représente Internet laissent présager l’immi- nence d’un nouveau bouleversement dans le devenir de l’histologie ainsi que dans les habitudes et les pratiques des histologistes. The three revolutions of histology The conjoint development during the mid 19 th century of both the achromatic optic microscope and the cell theory put forward by Schleiden and Schwann and completed by Virchow, constituted a genuine first revolution compared with the discoveries of the microscopists during the 17 th cen- tury (among others by the English Hooke and Grew, the Dutch Leeuwenhoek and Swammerdam, and the Italian Malpighi) then of general anatomy by Bichat. After World War II, electronic microscopy enabled the discovery of the ultrastructures of both cells and tissues and led to the second revolution of histology. The research conducted at The Rockefeller Institute in New York played a pivotal role in this evolution. The third revolution in histology took place during the last decades of the 20 th century, concomitant with the develop- ment of molecular biology. Thus from a purely morpho- logical science, histology was transformed into a molecular science, particularly with the development of immuno- histochemistry and in situ hybridization techniques. The dramatic development of computer science and the fantastic contribution of Internet to communications and information search suggests histologists are entering a new revolution of their way of thinking and practicing in this field of research. Mots-clés : histologie. histoire des sciences. microscopie optique. microscopie électronique. immunohistologie. Key words: histology. history of sciences. optic micro- scopy. electronic microscopy. immunohistochemistry. Correspondance : J. POIRIER, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]

Les trois révolutions de lâhistologie

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Page 1: Les trois révolutions de lâhistologie

Morphologie, 2005, 89, 5-11© Masson, Paris, 2005

REVUE GÉNÉRALE

LES TROIS RÉVOLUTIONS DE L’HISTOLOGIE

J. POIRIER

Service d’histologie, Faculté de médecine Pitié-Salpêtrière, 105 boulevard de l’hôpital, 75651 Paris cedex 13.

En bientôt quatre siècles, de sa conception – avantmême sa naissance – à aujourd’hui, l’histologie a déjàvécu trois révolutions : 1) la révolution fondatrice,marquée conjointement par l’utilisation de la micros-copie optique devenue performante et la génèse de lathéorie cellulaire, 2) la révolution revivifiante de lamicroscopie électronique, 3) la révolution dramatiquede la biologie moléculaire.

Ces trois révolutions, véritables

switchs

dans l’his-toire de l’histologie et dans la vie des histologistes,autorisent – dans un but de simplification et de clarifi-cation – une périodisation de l’histoire de l’histologieen quatre époques :

1) l’histologie avant la lettre.

Bien que le mot histo-logie n’ait été créé qu’en 1821 (par Heusinger, en Al-

lemagne) (étymologiquement, science des tissus, dugrec istos : tissu et logos : science), il existait, – avantle microscope achromatique ou sans le microscope –,de Leuwenhoeck (milieu du

XVII

e

s.) à Bichat (débutdu

XIX

e

s.), une anatomie générale à laquelle seul lenom manquait pour pouvoir la qualifier d’histologie.

2) l’âge d’or de l’histologie classique.

C’est celuid’une anatomie microscopique de qualité, obtenuegrâce à la conjonction de l’apparition du microscopeoptique achromatique et de la théorie cellulaire (dumilieu du

XIX

e

s. au milieu du

XX

e

s.).

3) l’histologie ultrastructurale.

Sa domination, due àl’utilisation du microscope électronique en biologie,s’étend sur les trois premières décennies de la deuxiè-me moitié du

XX

e

s.

4) l’histologie moléculaire.

Cette dernière périodedébute à partir de la fin du

XX

e

s. et reste d’actualitéaujourd’hui.

RÉSUMÉ

SUMMARY

La conjonction, au milieu du

XIX

e

siècle, de l’apparitiondu microscope optique achromatique et de la théorie cel-lulaire de Schleiden et Schwann, complétée par Virchow,a représenté une première révolution par rapport aux dé-couvertes des microscopistes du

XVII

e

siècle (dont lesplus célèbres sont les anglais Hooke et Grew, les hollan-dais Leeuwenhoek et Swammerdam, ainsi que l’italienMalpighi), puis à l’anatomie générale de Bichat.Après la seconde guerre mondiale, la microscopie élec-tronique faisant découvrir les ultrastructures cellulaireset tissulaires a occasionné une deuxième révolution del’histologie, dans laquelle les chercheurs du RockefellerInstitute de New-York (USA) jouèrent un rôle primor-dial.La troisième révolution s’est accomplie dans les derniè-res décennies du

XX

e

siècle lorsque les progrès de la bio-logie moléculaire ont permis de substituer à l’histologiemorphologique une histologie moléculaire, dans le déve-loppement de laquelle l’immunohistochimie et l’hybrida-tion moléculaire in situ ont conquis une place de choix.La montée en puissance de l’informatique et l’explosiondu formidable moyen de communication et d’informa-tion que représente Internet laissent présager l’immi-nence d’un nouveau bouleversement dans le devenir del’histologie ainsi que dans les habitudes et les pratiquesdes histologistes.

The three revolutions of histology

The conjoint development during the mid 19

th

century ofboth the achromatic optic microscope and the cell theoryput forward by Schleiden and Schwann and completed byVirchow, constituted a genuine first revolution comparedwith the discoveries of the microscopists during the 17

th

cen-tury (among others by the English Hooke and Grew, theDutch Leeuwenhoek and Swammerdam, and the ItalianMalpighi) then of general anatomy by Bichat.After World War II, electronic microscopy enabled thediscovery of the ultrastructures of both cells and tissuesand led to the second revolution of histology. The researchconducted at The Rockefeller Institute in New York playeda pivotal role in this evolution.The third revolution in histology took place during the lastdecades of the 20

th

century, concomitant with the develop-ment of molecular biology. Thus from a purely morpho-logical science, histology was transformed into a molecularscience, particularly with the development of immuno-histochemistry and in situ hybridization techniques.The dramatic development of computer science and thefantastic contribution of Internet to communications andinformation search suggests histologists are entering a newrevolution of their way of thinking and practicing in thisfield of research.

Mots-clés :

histologie. histoire des sciences. microscopieoptique. microscopie électronique. immunohistologie.

Key words:

histology. history of sciences. optic micro-scopy. electronic microscopy. immunohistochemistry.

Correspondance :

J. P

OIRIER

, à l’adresse ci-dessus.E-mail : [email protected]

Page 2: Les trois révolutions de lâhistologie

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J. POIRIER

L’HISTOLOGIE AVANT LA LETTRE (DU MILIEU DU

XVII

e

AU MILIEU DU

XIX

e

SIÈCLE)

Parmi les multiples découvertes biologiques du

XVII

e

siècle – en particulier celles concernant la repro-duction humaine et le problème de la générationspontanée – deux se détachent par l’importancequ’elles prendront dans l’avenir de la biologie et de lamédecine : la découverte de la circulation du sang parWilliam Harvey (1578-1657) et celle du monde mi-croscopique [12].

Entre 1600 et 1610, apparaissent les lunettes d’appro-che qui bientôt deviennent des télescopes puis il fautattendre 1620 et les instruments de Drebbel pour queces

lunettes d’approche

deviennent des microscopes.Rappelons que le mot

microscope

apparaît en 1625,mais que Descartes ne l’emploie pas et parle de

lunettesà puce

[18]. Quant à savoir qui a précisément inventé lemicroscope, c’est un autre débat : « on tire de si grandsavantages du microscope pour la découverte et la con-naissance de la structure des plus petits corps, qu’il nefaut pas s’étonner si plusieurs Nations ont voulu s’attri-buer la gloire de l’avoir inventé. » [15].

L’époque classique du microscope s’ouvre dans ladeuxième moitié du

XVII

e

siècle. Parmi les grands mi-crographes de cette époque, les plus célèbres sont lesanglais Hooke et Grew, les hollandais Leeuwenhoeket Swammerdam, l’italien Malpighi. Les travaux demicroscopie de Robert Hooke (1635-1703) portentprincipalement sur les végétaux et sur de nombreusesespèces animales ; il observe et décrit des

cellules

dansdu liège [14]. Nehemiah Grew (1641-1712) travaillel’anatomie microscopique végétale et publie son

Ana-tomie des plantes

en 1682. Antoni van Leeuwenhoek(1632-1723) est un amateur qui construit lui-même sesmicroscopes, microscopes simples et non composés.Ses observations microscopiques, nombreuses et per-tinentes, couvrent un champ très large : capillairessanguins, globules rouges, spermatozoïdes, muscles,fibres nerveuses, cristallin, peau, dents et autresorganes, ainsi que des insectes et des êtres microscopi-ques aquatiques. Les travaux de Jan Swammerdam(1637-1680) portent essentiellement sur l’anatomiemicroscopique des insectes. Professeur à l’Universitéde Pise, de Bologne, de Messine, puis à nouveau deBologne, membre de la

Royal Society

de Londres,Marcello Malpighi (1628-1694) utilise un microscopecomposé. Dans son

De pulmonibus

(1661), il décrit lescapillaires sanguins dans le poumon de la grenouille,puis dans les autres régions de l’organisme. Il laisseégalement son nom aux corpuscules de la rate, auxglomérules du rein et aux couches profondes de l’épi-derme. Il étudie aussi les bourgeons du goût, le cer-veau, le nerf optique, l’embryologie du ver à soie et dupoulet (arcs aortiques, crêtes neurales, somites), ainsique l’anatomie microscopique de plusieurs plantes.

Autant le

XVII

e

siècle a été riche en découvertes mi-croscopiques, autant le

XVIII

e

en est pauvre. François-Xavier Bichat [34] n’a jamais utilisé le microscope. Néen 1771, médecin de l’Hôtel-Dieu, Bichat meurt en1802, à l’âge de 31 ans. L’essentiel de son œuvre tienten trois ouvrages parus entre 1800 et 1802 :

Traité des

membranes, Recherches physiologiques sur la vie et lamort, Anatomie générale appliquée à la physiologie età la médecine

[3]. Il laisse inachevé un Traité d’Anato-mie descriptive et un Cours d’anatomie pathologique.L’œuvre de Bichat peut être considérée comme fonda-trice de l’anatomie générale (ou histologie avant la let-tre). En effet, Bichat élabore le concept de tissu, nonseulement au plan histologique, mais également auplan physiologique et pathologique. Il montre que lesdifférents organes sont faits de l’assemblage de consti-tuants élémentaires que sont les tissus. Sans utiliser lemicroscope, Bichat individualise 21 variétés de tissus,qu’il décrit macroscopiquement à l’état normal et dontil étudie les fonctions (réalisant une véritable physiolo-gie tissulaire). Dépassant la pathologie des organes, tel-le qu’elle avait été initiée par Morgagni à la fin du

XVIII

e

siècle, Bichat étend le concept de tissu à la patho-logie et, de ce fait, jette les bases d’une anatomie patho-logique tissulaire : « Je crois que plus on observera lesmaladies et plus on ouvrira de cadavres, plus on se con-vaincra de la nécessité de considérer les maladies loca-les, non point sous le rapport des organes composésqu’elles ne frappent presque jamais en totalité, maissous celui de leurs tissus divers qu’elles attaquent pres-que toujours isolément » [3].

L’ÂGE D’OR DE L’HISTOLOGIE : LA MICROSCOPIE OPTIQUE ET LA THÉORIE CELLULAIRE (DU MILIEU DU

XIX

e

AU MILIEU DU

XX

e

SIÈCLE)

La première révolution [13, 34, 36], celle qui a véri-tablement été à l’origine de l’histologie, est double :scientifique et technique. L’histologie, en tant quescience, se constitue en effet, au milieu du

XIX

e

siècle,à partir de la conjonction de l’avènement d’une théo-rie scientifique qui révolutionne la biologie, la théoriecellulaire (avec Schleiden et Schwann – 1837, 1838 –puis Virchow, 1859) et du perfectionnement techni-que qui rend enfin performant le microscope optique,vieux d’environ deux siècles, en effaçant la redoutableaberration chromatique.

Le microscope optique achromatique

Les premiers microscopes achromatiques, qui per-mettent enfin une observation fiable, font leur appari-tion dans les années 1830. Lister (1826), Powell etLealand (1842) aux USA, Vincent Chevalier en Fran-ce, sont les pionniers de la construction de ces instru-ments. Carl Zeiss (1816-1888), fabricant allemand ré-puté d’instruments d’optique, en s’associant en 1866avec le mathématicien et physicien allemand ErnstAbbe (1840-1905), professeur à l’Université d’Iéna,assure le développement et le perfectionnement dumicroscope achromatique. En France, Camille Sebas-tien Nachet (1799-1881) tient la première place.

La théorie cellulaire

[4, 6, 16]

« La représentation schématique d’un épithéliumc’est l’image du gâteau de miel. Cellule est un mot qui

Page 3: Les trois révolutions de lâhistologie

Les trois révolutions de l’histologie

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ne nous fait pas penser au moine ou au prisonnier,mais nous fait penser à l’abeille. » Georges Canguil-hem [4]

De nombreuses phrases d’auteurs des

XVII

e

et

XVIII

e

siècles, souvent sorties de leur contexte, ont étécitées afin de montrer que la théorie cellulaire existaitavant Schleiden et Schwann. Je n’entrerai pas dans destériles querelles d’antériorité et encore moins dans larecherche compulsive de précurseurs (dont Canguil-hem disait que ce sont ceux dont on sait après qu’ilsl’ont dit avant), dont les plus souvent cités sont Mar-cello Malpighi (1628-1694), Nehemiah Grew (1641-1712), Georges-Louis Buffon (1707-1788), LorenzOken (1779-1851), Pierre Turpin (1775-1840), HenriDutrochet (1776-1847), Charles Mirbel (1776-1854),François-Vincent Raspail (1794-1878), Félix Dujardin(1801-1860), Hugo von Mohl (1805-1872). Retenonsseulement, comme cela a été rappelé plus haut, que lemot de

cellule

a été donné par Hooke pour les cellulesdu liège et attribuons sans état d’âme la théorie cellu-laire à Schleiden, Schwann et Virchow.

Mathias Schleiden (1804-1881), professeur de bota-nique à Iena, fonde la théorie cellulaire dans les cellu-les végétales (

Sur la phytogénèse

, 1838). ThéodorSchwann (1810-1882), élève de Johannès Müller(1801-1858), étend la théorie cellulaire de Schleiden àl’ensemble du règne animal (

Recherches microsco-piques sur la concordance dans la structure et la crois-sance des plantes et des animaux

, 1839). Ainsi, pourSchleiden et Schwann, tout organisme vivant n’est faitque de cellules et d’éléments produits par les cellules.La cellule devient l’élément vital, l’unité de vie. Quantà l’origine des cellules, ils pensent que les noyaux,autour desquels se formeraient les cellules, naissentd’une substance sans structure, le cytoblastème oublastème primitif.

Rudolph Virchow (1821-1902) [30], également élèvede Johannes Müller, accède en 1849 à la Chaire d’ana-tomie pathologique de Würzbourg, puis en 1856, àcelle de Berlin et à la direction d’un service de méde-cine clinique à l’Hôpital de la Charité. Rudolph Vir-chow incarne le triomphe de la science médicaleallemande de la deuxième moitié du

XIX

e

siècle. Sonouvrage capital,

Zellularpathologie

, paru en 1858 etrapidement traduit en français [47], bouleverse lesconceptions traditionnelles de la médecine anatomo-clinique « à la française », basée sur la suprématie dela clinique et sur une anatomie pathologique pure-ment macroscopique. Virchow, utilisant le microsco-pe, reprend la théorie cellulaire de Schwann, l’amélio-re, la complète, et crée ainsi les bases de la physiologiecellulaire dont il se sert pour jeter les fondations de lapathologie cellulaire. Alors que pour Schleiden etSchwann, ainsi d’ailleurs que pour beaucoup de scien-tifiques de l’époque, les cellules dérivent d’un blastè-me formateur (cytoblastème germinatif et nutritif),Virchow affirme au contraire que toute cellule pro-vient d’une cellule préexistente (« Omnis cellula e cel-lula »). Il élabore une classification microscopique destissus et s’intéresse particulièrement au tissu conjonc-tif, auquel il fait jouer un rôle primordial dans les pro-cessus physiologiques, et, par voie de conséquence,

dans les processus pathologiques, et tout spécialementdans la génèse des cancers.

Dans son traité (

Lehrbuch der Histologie des Mens-chen und der Tiere

) paru en 1857, Franz von Leydig(1821-1908) entérine la théorie cellulaire et ClaudeBernard (1813-1878) finit par l’admettre.

Face au microscope optique et à la théorie cellulaire, de nombreuses résistances se font jour, surtout parmi les français

Si l’usage du microscope en médecine et l’adhésionà la théorie et à la pathologie cellulaires ont mis silongtemps à être acceptés en France, on peut y voirtrois types d’obstacles.

L’imperfection des microscopes

Les aberrations chromatiques et de sphéricité ren-daient les microscopes peu fiables et, en conséquence,le résultat des observations microscopiques était enta-ché de doute.

Les préjugés des cliniciens

Attachés à la méthode anatomo-clinique et auxconceptions des tissus de Bichat, qui n’avait pas utiliséle microscope, les cliniciens français étaient défiantsvis-à-vis des instruments médicaux non-cliniques [46].N’oublions pas que même si les pionniers, introduc-teurs sous l’impulsion d’Hermann Lebert (1813-1878)du microscope en médecine, avaient nom AristideVerneuil (1823-1895), Eugène Follin, Paul Broca(1824-1880), Charles Robin (1821-1885), et qu’ils’agissait là de cliniciens, anciens internes des hôpi-taux de Paris, médecins ou chirurgiens hospitaliers etclientélistes, la plupart des cliniciens françaisn’avaient que mépris pour tout ce qui s’éloignait du litdu malade. Pierre-François Rayer (1793-1867) [29] aété un des premiers à utiliser le microscope en anato-mie pathologique, mais il a fallu attendre très long-temps pour que les anatomo-pathologistes acceptentde quitter la seule autopsie macroscopique et utilisentle microscope [30, 42].

Le « chauvinisme national-scientifique »

Selon l’heureuse expression de Jacques Léonard[19], le « chauvinisme national-scientifique » fait rageau

XIX

e

siècle, notamment après la défaite de 1870[28]. Ainsi, par exemple, à propos du traité d’histolo-gie de Rudolf von Kölliker (1817-1905), J.A. Fortécrit : « […] à notre avis, cet ouvrage a le tort de venirde l’Allemagne, et de ne nous faire connaître que lesdoctrines de ce pays. Les auteurs allemands sontconstitués en Société d’admiration mutuelle, ilsignorent les travaux français ; de plus, comme tous lesouvrages tudesques, leurs Traités d’histologie man-quent de clarté ; on s’assimile difficilement la penséequ’ils expriment. Aussi malgré les qualités éminentesdu traducteur de l’ouvrage de M. Kölliker, nous necraignons pas d’avancer que les descriptions sont pourla plupart diffuses. » [10].

Page 4: Les trois révolutions de lâhistologie

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J. POIRIER

C’est ce chauvinisme national-scientifique qui faitrepousser les théories de Schleiden, Schwann et Vir-chow parce que leurs auteurs sont allemands. Parmiles français contemporains de Virchow, deux des plusardents micrographes, Robin et Broca, n’adhèrent pasà la théorie cellulaire dans sa totalité.

Charles Robin (1821-1885), encore interne, rencon-tre le microscopiste prussien Hermann Lebert et suit àParis son enseignement pratique [11]. En 1848, ilfonde, avec Pierre-François Rayer, Claude Bernard,Charles Brown-Séquard, Eugène Follin, HermannLebert et Segond, la Société de Biologie. Il publie Dumicroscope (1849) et accède en 1862 à la premièrechaire d’Histologie créée à la Faculté de médecine deParis. Suivant De Blainville, Auguste Comte (1798-1857) condamne le microscope et la théorie cellulaireet entraîne Charles Robin dans cette voie. Mêmequand il devient un des plus habiles micrographes deson temps, Robin persiste à émettre des réserves surla théorie cellulaire de Virchow. En effet, Robinadmet bien que la cellule est l’un des éléments anato-miques de l’être organisé, mais non le seul ; il admetque la cellule peut dériver d’une cellule préexistante,mais non qu’elle le doit toujours, car il admet la possi-bilité de formation des cellules dans un blastème ini-tial. Cette théorie du blastème sera encore soutenuepar Pouchet puis par Tourneux, Professeur d’Histolo-gie à Toulouse dans les années 1920.

Paul Broca (1824-1880) [44], interne des hôpitauxde Paris, s’initie au microscope en même temps queFollin, Verneuil et Robin, sous la direction d’Her-mann Lebert. Chirurgien des Hôpitaux, agrégé à laFaculté de Médecine, ses contributions à la chirurgie,à l’anthropologie, à la neurologie, à l’anatomie, sontnombreuses. Paul Broca défend la paternité de Ras-pail [32] vis-à-vis de la théorie cellulaire : « On croitgénéralement que la théorie cellulaire est une concep-tion allemande ; c’est une complète erreur. Elle n’estnée ni en 1838, ni même en 1837 ; elle n’est fille ni deSchwann, ni de Schleiden. Elle est plus vieille dedouze ans ; elle est française et appartient à M. Ras-pail. »

Les retombées en histologie

Malgré leurs détracteurs, le microscope achroma-tique et la théorie cellulaire entraînent, dans ladeuxième moitié du

XIX

e

siècle, une flambée de dé-couvertes cytologiques et histologiques [36, 45]. En1831, le noyau est identifié dans les cellules végétalespar le botaniste écossais Robert Brown (1773-1858)qui lui donne son nom. Dans les années 1870, de nou-veaux progrès sont permis grâce à l’objectif à immer-sion, au développement de la microtomie et à l’utilisa-tion de nouveaux fixateurs et colorants. Les organitescellulaires sont décrits et nommés : l’ergastoplasmepar Charles Garnier (1897), et, en 1898 les mitochon-dries par Carl Benda (1857-1933) et l’appareil de Gol-gi par Camillo Golgi (1842-1926). Kölliker remplacele terme de protoplame par celui de cytoplasme. Wil-helm Waldeyer (1836-1921) crée en 1888 le mot dechromosomes. La découverte de la division cellulairea lieu dans les années 1880, d’abord dans la cellule vé-

gétale, par Édouard Strasburger (1844-1912), Profes-seur de botanique à Bonn (son ouvrage Formationcellulaire et division cellulaire paraît en 1875) quiforge les termes de nucléoplasme, prophase, méta-phase, anaphase, puis dans la cellule animale, parWalther Flemming (1843-1915) à Prague (son ouvrageSubstance cellulaire et division cellulaire paraît en1882). Flemming crée les termes de chromatine, mito-se (1882), aster. La cellule nerveuse (soma, dendrites,axone) de Karl Deiters (1834-1863), dont le livre pos-thume paraît en 1865, représente un moment-clé del’histoire de la neuro-histologie, avant le lancementpar Golgi de sa « réaction noire » au chromate d’ar-gent (1873) et avant que Waldeyer en 1891 nomme« neurones » les cellules nerveuses. Santiago RamonY Cajal (1852-1934) est un farouche défenseur del’application aux cellules nerveuses de la théorie cellu-laire.

Cet âge d’or de la cytologie et de l’histologie donnele jour aux grands traités classiques, ceux de Kölliker[17], de Ranvier (1835-1922) [39-41], de Renaut [43],de Mathias Duval [8], de Prenant [37], de Ramon YCajal [38] et de tant d’autres.

Ainsi, l’anatomie générale de Bichat est devenueune anatomie microscopique. Mais les limites de lamorphologie descriptive vont apparaître en quelquesdécennies. Rapidement, en effet, des courants contra-dictoires se font jour : les uns restent résolument desanatomistes, alors que d’autres se tournent vers laphysiologie, préférant privilégier la fonction plutôtque la forme en se dégageant d’une anatomie micros-copique purement descriptive, strictement morpholo-gique, pour développer l’histophysiologie expérimen-tale. Entre leurs mains, l’histologie devient plus unephysiologie microscopique, voire déjà une biologiecellulaire et tissulaire [37] qu’une anatomie des tissus.

L’HISTOLOGIE ULTRASTRUCTURALE (LES TROIS DÉCENNIES SUIVANT LA FIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE)

L’utilisation du microscope électronique en biologie bouleverse les habitudes et pénalise les histologistes les plus anciens

Dans les deux décennies qui suivent la fin de la se-conde guerre mondiale, l’introduction de la microsco-pie électronique en biologie réalise une deuxième ré-volution qui donne lieu, grâce à la description desultrastructures, à une réécriture complète de l’histolo-gie, en grande partie menée aux USA et notamment àl’Institut Rockefeller à New-York. En même tempsqu’elle marque le retour du morphologique, mais plusfin, plus précis, à contours nets, elle permet égalementune échappée vers la biologie cellulaire ; c’estl’époque des grands traités de biologie cellulaire deDe Robertis, de Lima de Faria.

Comme nous l’avons déjà souligné à propos du mi-croscope optique, les résistances à la nouveauté, lesdifficultés à s’adapter ne doivent pas être sous-estimées. Avec l’apparition de la microscopie électro-nique, il faut apprendre de nouvelles techniques, se

Page 5: Les trois révolutions de lâhistologie

Les trois révolutions de l’histologie

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mettre à la confection de couteaux en verre, de coupessemi-fines d’1

µ

m d’épaisseur et de coupes fines de100 nm ; qui plus est, un microscope électronique estcher et peu nombreux sont les histologistes privilégiésqui en disposent d’un. Il faut également apprendre àinterprêter de nouvelles images, de nouveaux arté-facts. Le vocabulaire est entièrement renouvelé :membrane unitaire, ribosomes, réticulum endoplas-mique, lysosomes, peroxysomes, vésicules à cœurdense, microtubules, microfilaments, etc. Seuls lesplus jeunes sont à l’aise. Les plus anciens sont très gé-nés, déstabilisés. Et pourtant… tout ce qui nous paraîtaller de soi et qui constitue aujourd’hui le socle natu-rel de notre enseignement et de notre pratique del’histologie procède de la microscopie électronique :les membranes, les organites cytoplasmiques, les sy-napses… et même quand leur découverte et leur nomremonte au

XIX

e

siècle, comme les mitochondries oul’appareil de Golgi, la représentation immédiate,spontanée, que nous en avons est leur aspect ultras-tructural et non celui des magnifiques préparationscytologiques de microscopie optique.

La gloire du Rockefeller Institute for Medical Research

Docteur en médecine de l’Université de Liège,Albert Claude (1898-1983), de nationalité belge puisbelgo-américaine, commence ses recherches au

Roc-kefeller Institute

à New-York dont il devient profes-seur ainsi qu’à l’université libre de Bruxelles. Il metau point l’ultracentrifugation différentielle des cellu-les normales permettant la séparation, l’isolement etl’analyse biochimique des différents organites cellulai-res. De cette façon, il isole les microsomes, découvrele réticulum endoplasmique et clarifie la fonction desmitochondries. Dès 1942, il utilise le microscope élec-tronique pour examiner les constituants séparés puisles cellules entières [35].

Avec la collaboration de Ernest Fullam, Keith Por-ter (1912-1996) et Albert Claude sont les premiers àétudier au microscope électronique les ultrastructurescellulaires et publient en 1945 la première microgra-phie électronique d’une cellule intacte, montrant lesmitochondries, l’appareil de Golgi, le réticulum endo-plasmique. Au

Rockefeller Institute

, qu’il a rejoint en1939, Porter dirige pendant vingt ans, conjointementavec George Palade (né en 1912), le laboratoire mon-dialement connu d’où vont sortir les premières décou-vertes. Avec le technicien Joe Blum, Porter met aupoint le premier ultramicrotome qui, au-delà descultures de cellules, allait permettre d’examiner aumicroscope électronique des coupes ultrafines detissus. L’ultramicrotome de Porter-Blum, à avancemécanique, allait devenir l’outil majeur des bio-logistes microscopistes électroniciens, avant que n’ap-paraîssent les ultramicrotomes à avance thermique. Illance le

Journal of Cell Biology

(précédemment

Jour-nal of Biophysical and Biochemical Cytology

) etl’

American Society for Cell Biology

. De nombreuxchercheurs travaillent dans ce laboratoire et décriventnotamment l’ultrastructure de l’unit-membrane (J.D.Robertson, 1957), de l’article externe des photorécep-

teurs, du muscle des insectes, des fibres de collagène,du réticulum sarcoplasmique et du système T, des cils(Don Fawcett), etc. En 1961, Porter quitte le

Rocke-feller Institute

pour Harvard (1961-1970) où les décou-vertes continuent (microtubules, microfilaments,chloroplastes, chromatophores, etc.).

Dans les années 1960, Palade décrit les ribosomes(« grains de Palade ») et étudie avec Philip Siekevitz,le réticulum endoplasmique granulaire, le processussécrétoire dans la cellule exocrine du pancréas, la bio-génèse des membranes et, avec Marylin Farquhar, lesaspects ultrastructuraux de la perméabilité capillaireet les complexes de jonction dans les épithéliums [9].

Après avoir travaillé pendant ses études de médeci-ne sur la neurosécrétion dans le laboratoire d’Ernst etBerta Scharrer, Sanford Louis Palay (1919-2002) [1,27] rejoint Albert Claude au

Rockefeller

. Il y rencon-tre George Palade et travaille au microscope électro-nique sur le système nerveux. Un soir d’août 1953, ildécouvre les synapses et leurs vésicules synaptiques[21-23]. La mise au point par Palay et ses collabora-teurs de la fixation par perfusion d’acide osmique,bien supérieure pour la préservation des ultrastructu-res, à la fixation par immersion [24], puis l’introduc-tion de la glutaradéhyde tamponnée comme fixateur,permettent d’obtenir des images de très grande quali-té, comme, par exemple, celle du fameux

The FineStructure of the Nervous System

qui voit le jour en1970 [25] ou encore celles de la magistrale descriptionultrastructurale du cortex cérébelleux que Palay pu-blie avec sa femme Victoria Chan-Palay [26].

En 1974, Albert Claude partage le prix Nobel dephysiologie et médecine avec son élève George E. Pa-lade (né en 1912) et avec Christian de Duve (né en1917), docteur en médecine de l’université catholiquede Louvain, cytologiste et biochimiste belge, profes-seur à l’université de Louvain et au Rockefeller Insti-tute, qui a isolé, décrit en microscopie électronique etdonné leur nom aux lysosomes et aux peroxysomes.

L’HISTOLOGIE MOLÉCULAIRE (À PARTIR DES DERNIÈRES DÉCENNIES DU

XX

e

SIÈCLE)

La troisième révolution qui a bouleversé l’histologieest celle de la biologie moléculaire des années 1970-1980 [2].

Rappelons nous l’émotion, l’enthousiasmequ’avaient soulevé, et pas seulement dans les milieuxde la biologie, le premier séquençage d’une protéine(l’insuline) par Frederick Sanger en 1949, et surtout lamédiatique double-hélice de l’ADN de James Watsonet Francis Crick (1953), suivie à court terme par la ré-plication semi-conservative de l’ADN (1957), lesARN de transfert (1958), les ARN-polymérases(1960), les ARN-messagers (François Jacob et Jac-ques Monod, 1961), le code génétique (1964), les en-zymes de restriction qui découpent l’ADN (1970), latechnique des hybridomes permettant l’obtentiond’anticorps monoclonaux (1975), le séquençage del’ADN (1977), les introns et les exons (1977), la Poly-merase Chain Reaction (1985).

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10

J. POIRIER

L’application à l’histologie de ces découvertes fon-damentales de biologie moléculaire ne tardent pas.Déjà, en 1942, Albert Coons (1912-1978) [20] et sescollaborateurs, avaient réussi à marquer un anticorpsavec un colorant fluorescent et à s’en servir pour iden-tifier et localiser dans des coupes de tissus l’antigènecorrespondant, grâce au microscope à lumière ultra-violette [5]. Avec le développement des techniquesimmunocytochimiques, on voit l’introduction de mar-queurs d’utilisation plus souple, comme la péroxydasedu raifort (1966), l’or colloïdal (1971) utilisable enME, la phosphatase alcaline (1978), la méthode avidi-ne-biotine (1974). Le premier cryostat date de 1938 etson usage se répand à partir des années 1950.

L’utilisation conjointe des moyens actuels d’obser-vation microscopique (photonique, à fluorescence,électronique, confocal, etc.) et des techniquesmodernes de détection in situ des molécules (histochi-mie, histoenzymologie, immunocytochimie, hybrida-tion moléculaire in situ, PCR in situ) permet une véri-table histologie moléculaire, indispensable àl’appréhension des mécanismes biologiques normauxet pathologiques. Ainsi, l’histologie est aujourd’hui lascience qui s’occupe d’identifier et de localiser, à leurplace, les constituants moléculaires de l’organisme.Elle a pour but la visualisation

in situ

– dans les tissus,dans les cellules, dans leurs organites ou dans la matri-ce extra-cellulaire – des molécules (en particulier desgènes, de leurs ARN-messagers et des protéines pourlesquelles ils codent), en déterminant précisémentdans quel emplacement, dans quelle configuration, setrouvent les différentes molécules qui constituent cesstructures. Décrire la morphologie cellulaire et tissu-laire en termes d’architecture et d’interactions molé-culaires, tel est l’objectif de l’histologie moléculaire.Discipline visant à détecter, identifier et localiser

insitu

les différentes molécules constitutives de l’orga-nisme vivant, l’histologie d’aujourd’hui est donc deve-nue une histologie moléculaire. Le récent article deJM Dupont [7] en est un excellent exemple.

Avec l’apparition de la biologie moléculaire, le bouleversement des habitudes est encore plus profond

Comme lors de la révolution précédente, avec cettenouvelle technologie [2, 33] très coûteuse, il faut ap-prendre des techniques totalement différentes (immu-nomarquages en microscopie optique et en microsco-pie électronique, hybridations in situ, PCR in situ,animaux transgéniques, etc). Il faut se familiariseravec de nouvelles structures cellulaires mises en évi-dence à l’échelon moléculaire et apprendre à manierdes concepts inconnus, à interprêter de nouveaux ré-sultats, de nouveaux artéfacts. Un nouveau vocabulai-re voit le jour qui déstabilise les plus anciens et rendleurs connaissances rapidement obsolètes. Le recycla-ge des connaissances, même quotidien, à du mal à ren-dre ces concepts familiers aux plus anciens. On assisteà une efflorescence d’abréviations, d’acronymes sou-vent affublés de numéros et/ou de lettres grecques,dont la signification exacte n’est même pas toujoursévidente pour les initiés ; il est nécessaire de jongler

avec les sigles des cytokines, des molécules d’adhéren-ce, des molécules de signalisation, des enzymes, desgènes, etc.) ADN, ARN, GFA, PDGF, VEGF, BD-NF, BMP 1, 2, 3, 4, TNF-alpha, TGF-ß, intégrinesalpha6-béta4, les gènes PAX, HOX, SonicHedge-Hog, etc. Les limites de cette étape ne sont pas encoreatteintes, et il semble bien que la biologie moléculaireet la génétique ont encore des lendemains qui chan-tent.

L’histologie à l’heure d’Internet : une 4

e

révolution ?

Après la première révolution, celle de la microsco-pie optique, la deuxième, celle de la microscopieélectronique et la troisième, celle de la biologie molé-culaire, l’histologie, à l’orée du

XXI

e

siècle, est entrainde vivre une quatrième révolution, celle de l’informa-tique, de la numérisation, de l’Internet. Certes, ils’agit d’une révolution universelle qui ne touche passeulement et pas directement l’histologie, mais qui enbouleverse profondément la pratique, la recherche etl’enseignement. Il faut s’initier à l’utilisation de cenouvel outil, apprendre un vocabulaire voire un lan-gage nouveau, jongler avec les providers, serveurs,browsers, logiciels, fichiers, formats et autres adressesURL, FTP, HTTP, HTML, CD-ROM, DVD, Tif,JPEG, Giff, RVB, CMJN, Java, Java-script, log-in,plug-in, etc... Il faut apprendre à manier des conceptsinconnus, à s’accoutumer à de nouvelles logiques.Mais l’outil est de moins en moins cher et surtoutquelle richesse, quantitative et qualitative, d’informa-tion sur les innombrables sites

Internet

, quelle rapiditéde consultation, quelle facilité de communication !Les bénéfices de cette révolution informatique sontinimaginables pour l’enseignement, pour la recherche,pour les soins (télédiagnostic, transmission d’images,visuo-conférences, banques de données).

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Page 7: Les trois révolutions de lâhistologie

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