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SERVICES Les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) POUR PRéVENIR la survenue de pathologies dues à l’exposition aux polluants sur les lieux de travail, des valeurs limites d’exposition professionnelle à ne pas dépasser ont été fixées, quand la substitution par des produits moins dangereux n’est pas possible. L a prévention des risques sur les lieux de travail est fondée sur les principes d’éva- luation et de suppression, voire de réduc- tion des risques. Dans le cas du risque chimique, la substitution d’un produit dan- gereux par un produit moins dangereux est consi- dérée en priorité. À défaut, les concentrations des polluants présents dans l’atmosphère des lieux de travail doivent être réduites aux niveaux les plus faibles techniquement possibles. Pour un grand nombre d’agents chimiques dangereux, il est donc nécessaire de fixer des concentrations dans l’atmosphère des lieux de travail à ne pas dépasser : les valeurs limites d’exposition profes- sionnelle (VLEP). La VLEP d’un produit représente une concentration sur un temps déterminé : à court terme (15 minutes) ou sur 8 heures. En France, les VLEP sont soit réglementaires, fixées par le ministère chargé du Travail par arrêtés ou par décrets, soit issues de recomman- dations de l’Anses 1 . Les valeurs limites régle- mentaires sont de deux types : contraignantes (obligation de respect par l’employeur, art. R. 4412-149 du Code du travail) ou indicatives (objectif minimal de prévention à atteindre, art. R. 4412-150). Les valeurs limites sont établies sur des bases scientifiques, après discussions au sein de comités d’experts réunissant médecins du travail, toxicologues, épidémiologistes, chimistes, etc. Les VLEP réglementaires connaissent aussi une phase d’établissement de projet par le minis- tère, suivie d’une étape de concertation sociale lors de la présentation du projet devant le Coct 2 . 130 ans de VLEP En 1886, Karl Bernhard Lehmann, un hygiéniste, propose en Allemagne une valeur limite d’expo- sition pour un mélange de gaz et de vapeurs. Dès 1940, en se basant sur les travaux de l’ACGIH 3 , les États-Unis mettent en place un système, en différenciant deux types de valeurs : les PEL (Permissible Exposure Limits ) et les REL (Recom- mended Exposure Limits ). Le Niosh fixe les REL et l’Osha 3 édicte les PEL au niveau national. En Europe, l’Allemagne est le premier pays à éla- borer, dès 1955, une liste de produits chimiques concernés par des limites d’exposition. D’autres pays européens (Autriche, Suisse, Pays-Bas…) ont utilisé le système allemand, avant de mettre en place leurs propres cadres de valeurs limites. En France, la première valeur limite d’exposition professionnelle (benzène) a été introduite dans la réglementation en 1973. Parallèlement, le déve- loppement de VLEP françaises par le CSPRP 4 , entre 1982 et 1996, a conduit à la parution de plus de 500 VLEP « indicatives » par voie de cir- culaires. Au niveau de l’UE, la directive 98/24/CE a entraîné une évolution fondamentale dans les pratiques nationales. Elle a notamment conduit : à la mise en place d’un système national d’ex- pertise scientifique et technique indépendant, pour justifier auprès des instances européennes l’établissement de valeurs limites nationales. En France, lors du premier Plan santé-travail 2005-2009, le gouvernement a voulu distin- guer clairement les phases d’évaluation de celles de politique publique de réduction des risques, incluant notamment une étape de concertation sociale. L’expertise scientifique a ainsi été confiée à l’Afsset 5 , dont les missions ont été reprises par l’Anses en 2010. Avec pour objectifs principaux, l’établissement de VLEP françaises à des fins réglementaires, notamment pour les CMR (cancé- rogènes, mutagènes et reprotoxiques) et la révi- sion des VLEP existantes. n 1. Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. L'Anses établit les projets de valeurs limites, qui sont ensuite transmis au ministère du Travail pour instruction. 2. Coct : Conseil d’orientation des conditions de travail. 3. ACGIH : American Conference of Governmental Industrial Hygienists. Niosh : National Institute for Occupational Safety and Health (Institut national de santé et de sécurité au travail). Osha : Occupational Safety and Health Administration (Administration fédérale de santé et de sécurité au travail). 4. CSPRP : Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (ancêtre du Coct). 5. Afsset : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail. Antoine Bondéelle 52 travail & sécurité n° 758 – février 2015 QUESTIONS- RéPONSES RETOUR SUR… À LA LOUPE EXTRAITS DU JO n VALEURS limites d’exposition professionnelle aux agents chimiques en France. Aide-mémoire technique. ED 984, INRS. À consulter sur : www.inrs.fr. n « PRINCIPES de construction des VLEP françaises en comparaison avec la méthodologie adoptée au niveau européen ». Documents pour le médecin du Travail, 2010, n° 124, p. 399-412. À consulter sur : www.rst-sante-travail.fr. En savoir plus

Les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) L€¦ · lors de la présentation du projet devant le Coct 2. 130 ans de VLEP En 1886, Karl Bernhard Lehmann, un hygiéniste,

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Page 1: Les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) L€¦ · lors de la présentation du projet devant le Coct 2. 130 ans de VLEP En 1886, Karl Bernhard Lehmann, un hygiéniste,

services

Les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP)

Pour Prévenir la survenue de pathologies dues à l’exposition aux polluants sur les lieux de travail, des valeurs limites d’exposition professionnelle à ne pas dépasser ont été fixées, quand la substitution par des produits moins dangereux n’est pas possible.

La prévention des risques sur les lieux de travail est fondée sur les principes d’éva-luation et de suppression, voire de réduc-tion des risques. Dans le cas du risque chimique, la substitution d’un produit dan-

gereux par un produit moins dangereux est consi-dérée en priorité. À défaut, les concentrations des polluants présents dans l’atmosphère des lieux de travail doivent être réduites aux niveaux les plus faibles techniquement possibles. Pour un grand nombre d’agents chimiques dangereux, il est donc nécessaire de fixer des concentrations dans l’atmosphère des lieux de travail à ne pas dépasser : les valeurs limites d’exposition profes-sionnelle (VLEP). La VLEP d’un produit représente une concentration sur un temps déterminé : à court terme (15 minutes) ou sur 8 heures.En France, les VLEP sont soit réglementaires, fixées par le ministère chargé du Travail par arrêtés ou par décrets, soit issues de recomman-dations de l’Anses 1. Les valeurs limites régle-mentaires sont de deux types : contraignantes (obligation de respect par l’employeur, art. R. 4412-149 du Code du travail) ou indicatives (objectif minimal de prévention à atteindre, art. R. 4412-150). Les valeurs limites sont établies sur des bases scientifiques, après discussions au sein de comités d’experts réunissant médecins du travail, toxicologues, épidémiologistes, chimistes, etc. Les VLEP réglementaires connaissent aussi une phase d’établissement de projet par le minis-tère, suivie d’une étape de concertation sociale lors de la présentation du projet devant le Coct 2.

130 ans de VLEP En 1886, Karl Bernhard Lehmann, un hygiéniste, propose en Allemagne une valeur limite d’expo-sition pour un mélange de gaz et de vapeurs. Dès 1940, en se basant sur les travaux de l’ACGIH 3, les États-Unis mettent en place un système, en différenciant deux types de valeurs : les PEL (Permissible Exposure Limits) et les REL (Recom-mended Exposure Limits). Le Niosh fixe les REL et l’Osha 3 édicte les PEL au niveau national. En Europe, l’Allemagne est le premier pays à éla-borer, dès 1955, une liste de produits chimiques concernés par des limites d’exposition. D’autres pays européens (Autriche, Suisse, Pays-Bas…) ont utilisé le système allemand, avant de mettre en place leurs propres cadres de valeurs limites.

En France, la première valeur limite d’exposition professionnelle (benzène) a été introduite dans la réglementation en 1973. Parallèlement, le déve-loppement de VLEP françaises par le CSPRP 4, entre 1982 et 1996, a conduit à la parution de plus de 500 VLEP « indicatives » par voie de cir-culaires. Au niveau de l’UE, la directive 98/24/CE a entraîné une évolution fondamentale dans les pratiques nationales. Elle a notamment conduit : à la mise en place d’un système national d’ex-pertise scientifique et technique indépendant,

pour justifier auprès des instances européennes l’établissement de valeurs limites nationales. En France, lors du premier Plan santé-travail 2005-2009, le gouvernement a voulu distin-guer clairement les phases d’évaluation de celles de politique publique de réduction des risques, incluant notamment une étape de concertation sociale. L’expertise scientifique a ainsi été confiée à l’Afsset 5, dont les missions ont été reprises par l’Anses en 2010. Avec pour objectifs principaux, l’établissement de VLEP françaises à des fins réglementaires, notamment pour les CMR (cancé-rogènes, mutagènes et reprotoxiques) et la révi-sion des VLEP existantes. n1. Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. L'Anses établit les projets de valeurs limites, qui sont ensuite transmis au ministère du Travail pour instruction.

2. Coct : Conseil d’orientation des conditions de travail.

3. ACGIH : American Conference of Governmental Industrial Hygienists. Niosh : National Institute for Occupational Safety and Health (Institut national de santé et de sécurité au travail). Osha : Occupational Safety and Health Administration (Administration fédérale de santé et de sécurité au travail).

4. CSPRP : Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (ancêtre du Coct).

5. Afsset : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail.Antoine Bondéelle

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travail & sécurité – n° 758 – février 2015

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n Valeurs limites d’exposition professionnelle aux agents chimiques en France. aide-mémoire technique. ED 984, INRS.

À consulter sur : www.inrs.fr.n « PRINcIPES de construction des VLEP françaises en comparaison avec la méthodologie adoptée au niveau européen ». Documents pour le médecin du Travail, 2010, n° 124, p. 399-412.

À consulter sur : www.rst-sante-travail.fr.

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