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29 DÉCEMBRE 2013 11 Contrôle qualité Le Vaudois est devenu en 2013 le huitième meilleur tennisman du monde «Je n’ai pas changé. Les gens, eux, ont eu envie de me voir autrement» Roger fait totalement partie de ma carrière, je ne peux pas le nier. En po- sitif comme en négatif. Mais surtout en positif. Pendant des années, j’ai profité de son ombre, j’ai suivi mon chemin tranquillement, sans que per- sonne ne fasse attention à moi et ne demande l’impossible. Grâce à Roger, j’ai aussi reçu des conseils précieux. Et je suis devenu champion olympi- que. Sauf qu’aujourd’hui j’ai grandi, je suis devenu plus mature, je me suis affirmé. Peu à peu, j’ai pris confiance en moi. Et, avec cette confiance, j’ai obtenu des résultats. Et, avec ces ré- sultats, j’ai acquis une certaine assu- rance, assez pour oser dire les choses. Vous avez même accepté des shootings déshabillés. N’est-ce pas une torture pour un timide? Ce n’est pas nouveau. J’en ai accepté plusieurs ces dernières années, mais ils sont passés inaperçus. J’étais vingtième mondial, ces shootings in- téressaient peu. C’est le système. N’avez-vous jamais haï ce système? Non, je l’accepte. Le plus difficile, ce n’est pas le système, mais les compa- raisons avec Roger. Même mainte- nant, je continue d’entendre: «Tu vas lui passer devant, qu’est-ce que ça te fait?» Toute ma vie, avec des moyens modestes, j’ai dû mener une rivalité impossible, que je n’avais pas choisie, avec le plus grand génie de tous les temps. C’était parfois décourageant. Pourquoi vous ne l’avez jamais dit? Je l’ai dit. Un peu… J’ai demandé aux journalistes d’arrêter de me poser des questions sur la vie privée de Roger. Mais pourquoi insister? Je n’ai jamais cherché à convaincre ni à donner une image. J’ai toujours essayé de rester naturel. Protester, me mettre en avant, ce n’est pas moi. Etes-vous soulagé, voire libéré, d’être enfin reconnu? Ma fierté est que cette reconnais- sance, je la dois à mes résultats, uni- quement à mes résultats. En même temps, je suis conscient que si l’on a autant parlé de moi cette année, c’est aussi parce que celle de Roger, com- parée aux autres, a été moins bonne. A quoi ressemble votre vie aujourd’hui? Vous êtes assailli? On m’arrête dans la rue, les restau- rants, les aéroports. Mais ce n’est pas totalement nouveau non plus. Ça fait quand même dix ans que je suis là… 1985 c Naissance Stanislas Wawrinka voit le jour le 28 mars à Lausanne, puis grandit dans une ferme du Gros-de-Vaud. 2003 c Apparition Le public suisse le découvre à Roland- Garros, où il remporte le tournoi juniors. 2006 c Révélation Premier titre professionnel à Umag, en Croatie. 2008 c Champion Remporte le titre olympique en double, au côté de Federer. 2010 c Déclic Premier exploit: il bat Murray à l’US Open et franchit un cap psychologique décisif. 2013 c La gloire Première demi-finale en Grand Chelem, premier Masters, retour dans le top 10. EN DATES Dix années à passer pour un «loser». Une seule pour devenir un héros national. Entre deux avions, «Stan the Man» évoque son ascension avec une grande sincérité. Christian Despont [email protected] En 2013, la Suisse a fait de vous un héros. Comment l’avez-vous vécu? Je suis surpris. On peut dire que le changement est venu d’un coup… A quel moment? Vous arrivez à l’identifier? Sans aucun doute: en Australie, quand je perds contre Djokovic. C’est en perdant ce match, d’une certaine façon, que je suis devenu un ga- gnant… Je suis sorti du court en pleu- rant, après cinq heures de bataille. J’étais effondré. A partir de là, j’ai senti que les gens ont eu envie de me voir autrement. Je ne dirais pas qu’ils ont eu… Pas pitié, non, ce n’est pas le mot juste. Mais ils ont décidé que je méritais. Que je devais devenir un ga- gnant. Ce jour de défaite, c’est bi- zarre, mais j’ai senti que, soudain, des tas de gens étaient contents pour moi. Pourquoi ne l’étaient-ils pas, «avant»? Ils ne comprenaient pas toujours la difficulté de percer dans le tennis. Il y a quand même un moment que je suis là… J’ai été vingtième, dixième mon- dial, mais sans cesser de passer pour un loser. Comme je l’ai dit un jour, j’étais le Suisse qui perd. Et je com- prends parfaitement: à côté, il y avait Roger. C’est vrai qu’en comparaison j’ai perdu très souvent… Sauf que Ro- ger, ce n’est pas la norme; c’est l’ex- ception. Les gens ne l’ont pas réalisé. Et puis j’en ai choqué quelques-uns avec des remarques sur Roger, no- tamment sur ses absences en Coupe Davis. On ne touche pas au monu- ment. Lui aussi m’en a voulu. Regrettez-vous ces remarques? Je regrette qu’elles aient pu blesser, mais pas de les avoir prononcées, non. C’est ce que je ressentais sur le moment. J’ai voulu être sincère, as- sumer mes opinions. Ça fait partie de mon évolution personnelle. En l’occurrence, vous avez semblé vous affranchir du maître. Presque tuer le père. SUITE EN PAGE 12 Ses exploits ont fait connaître Stanislas Wawrinka sous un autre jour, plus radieux, plus vrai. Anoush Abrar & Aimée Hoving INTERVIEW La fierté de ses parents Isabelle et Wolfram Wawrinka parlent avec chaleur de leur star de fils PAGE 16 ANALYSE Ses perfectionnements Les cinq points que le champion est parvenu à améliorer PAGE 18 LES ACTEURS DESSIN La surprise de sa fille, Alexia PAGE 17 Christian Bonzon STANISLAS WAWRINKA SUISSE DE L’ANNÉE

LESACTEURS - Tennis Club Stade-Lausanne

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Page 1: LESACTEURS - Tennis Club Stade-Lausanne

29DÉCEMBRE2013 11

Contrôle qualité

Le Vaudois est devenu en 2013 le huitième meilleur tennisman du monde

«Je n’ai pas changé. Les gens, eux,ont eu envie de me voir autrement»

Roger fait totalement partie de macarrière, je ne peux pas le nier. En po-sitif comme en négatif. Mais surtouten positif. Pendant des années, j’aiprofité de son ombre, j’ai suivi monchemin tranquillement, sans que per-sonne ne fasse attention à moi et nedemande l’impossible. Grâce à Roger,j’ai aussi reçu des conseils précieux.Et je suis devenu champion olympi-que. Sauf qu’aujourd’hui j’ai grandi,je suis devenu plus mature, je me suisaffirmé. Peu à peu, j’ai pris confianceen moi. Et, avec cette confiance, j’aiobtenu des résultats. Et, avec ces ré-sultats, j’ai acquis une certaine assu-rance, assez pour oser dire les choses.

Vous avez même accepté desshootings déshabillés. N’est-ce pasune torture pour un timide?Ce n’est pas nouveau. J’en ai acceptéplusieurs ces dernières années, maisils sont passés inaperçus. J’étaisvingtième mondial, ces shootings in-téressaient peu. C’est le système.

N’avez-vous jamais haïce système?Non, je l’accepte. Le plus difficile, cen’est pas le système, mais les compa-raisons avec Roger. Même mainte-nant, je continue d’entendre: «Tu vaslui passer devant, qu’est-ce que ça tefait?» Toute ma vie, avec des moyens

modestes, j’ai dû mener une rivalitéimpossible, que je n’avais pas choisie,avec le plus grand génie de tous lestemps. C’était parfois décourageant.

Pourquoi vous ne l’avez jamais dit?Je l’ai dit. Un peu… J’ai demandé auxjournalistes d’arrêter de me poser desquestions sur la vie privée de Roger.Mais pourquoi insister? Je n’ai jamaischerché à convaincre ni à donner uneimage. J’ai toujours essayé de resternaturel. Protester, me mettre enavant, ce n’est pas moi.

Etes-vous soulagé, voire libéré,d’être enfin reconnu?

Ma fierté est que cette reconnais-sance, je la dois à mes résultats, uni-quement à mes résultats. En mêmetemps, je suis conscient que si l’on aautant parlé de moi cette année, c’estaussi parce que celle de Roger, com-parée aux autres, a été moins bonne.

A quoi ressemble votre vieaujourd’hui? Vous êtes assailli?On m’arrête dans la rue, les restau-rants, les aéroports. Mais ce n’est pastotalement nouveau non plus. Ça faitquand même dix ans que je suis là…

1985c NaissanceStanislas Wawrinkavoit le jour le 28 marsà Lausanne,puis granditdans une fermedu Gros-de-Vaud.

2003c ApparitionLe public suissele découvre à Roland-Garros, où il remportele tournoi juniors.

2006c RévélationPremier titreprofessionnel à Umag,en Croatie.

2008c ChampionRemporte le titreolympique en double,au côté de Federer.

2010c DéclicPremier exploit: il batMurray à l’US Openet franchit un cappsychologique décisif.

2013c La gloirePremière demi-finaleen Grand Chelem,premier Masters,retour dans le top 10.

ENDATES

Dix années à passer pourun «loser». Une seule pourdevenir un héros national.Entre deux avions, «Stan theMan» évoque son ascensionavec une grande sincérité.

Christian [email protected]

En 2013, la Suisse a fait de vous unhéros. Comment l’avez-vous vécu?Je suis surpris. On peut dire que lechangement est venu d’un coup…

A quel moment? Vous arrivezà l’identifier?Sans aucun doute: en Australie,quand je perds contre Djokovic. C’esten perdant ce match, d’une certainefaçon, que je suis devenu un ga-gnant… Je suis sorti du court en pleu-rant, après cinq heures de bataille.J’étais effondré. A partir de là, j’aisenti que les gens ont eu envie de mevoir autrement. Je ne dirais pas qu’ilsont eu… Pas pitié, non, ce n’est pas lemot juste. Mais ils ont décidé que jeméritais. Que je devais devenir un ga-gnant. Ce jour de défaite, c’est bi-zarre, mais j’ai senti que, soudain, destas de gens étaient contents pour moi.

Pourquoi ne l’étaient-ils pas,«avant»?Ils ne comprenaient pas toujours ladifficulté de percer dans le tennis. Il ya quand même un moment que je suislà… J’ai été vingtième, dixième mon-dial, mais sans cesser de passer pourun loser. Comme je l’ai dit un jour,j’étais le Suisse qui perd. Et je com-prends parfaitement: à côté, il y avaitRoger. C’est vrai qu’en comparaisonj’ai perdu très souvent… Sauf que Ro-ger, ce n’est pas la norme; c’est l’ex-ception. Les gens ne l’ont pas réalisé.Et puis j’en ai choqué quelques-unsavec des remarques sur Roger, no-tamment sur ses absences en CoupeDavis. On ne touche pas au monu-ment. Lui aussi m’en a voulu.

Regrettez-vous ces remarques?Je regrette qu’elles aient pu blesser,mais pas de les avoir prononcées,non. C’est ce que je ressentais sur lemoment. J’ai voulu être sincère, as-sumer mes opinions. Ça fait partie demon évolution personnelle.

En l’occurrence, vous avez semblévous affranchir du maître. Presquetuer le père. SUITE EN PAGE 12

Ses exploitsont fait connaîtreStanislas Wawrinkasous un autre jour,plus radieux,plus vrai.Anoush Abrar & Aimée Hoving

INTERVIEW

La fierté de ses parentsIsabelle et Wolfram Wawrinka parlentavec chaleur de leur star de fils PAGE 16

ANALYSE

Ses perfectionnementsLes cinq points que le championest parvenu à améliorer PAGE 18

LES ACTEURS

DESSINLa surprisede sa fille, Alexia

PAGE 17

Chris

tian

Bonz

on

STANISLASWAWRINKA

SUISSEDE L’ANNÉE

Page 2: LESACTEURS - Tennis Club Stade-Lausanne

Contrôle qualité

Tout de même, cette année amarqué un changement radical.Dans le regard des gens, oui. C’estparfois assez drôle. Quand j’entends:«Tu es devenu un joueur», je suis unpeu surpris quand même… Encoreune fois, je suis là depuis un certainmoment. Ou alors, si je serre le poing:«Il s’exprime enfin sur le court.»Dix-huit ans que je serre le poing… Lechangement est là, dans la perceptiondes choses. Quand je cassais une ra-quette et que je perdais, les gens di-saient: «Il aurait dû contenir sesnerfs.» Aujourd’hui, quand je casseune raquette et que je gagne, on dit:«Il a su trouver la parade pour éva-cuer sa nervosité.» Je sais que, si jeredeviens vingtième mondial, je nedevrai plus casser de raquette.

N’est-ce pas l’homme, au fond,qui a le plus changé? Au débutde votre carrière, vous bredouilliezpéniblement quelques banalités.Aujourd’hui, vous comptez parmiles meilleurs conférenciersdu circuit.Je ne sais pas s’il faut l’écrire, maisbon… Je suis un mec timide, pas sûrde moi. Longtemps, j’ai eu peur de metromper, que ce soit mal pris. Je suisresté beaucoup sur la défensive. Avecle temps, la confiance est venue, j’aipris du plaisir à parler. Je pourraismême balancer encore plus, si jem’écoutais… En étant huitième mon-dial, je sais aussi que je suis pris plusau sérieux. Je me sens plus légitime.

Pour un timide, la célébrité est-elleune thérapie ou un traumatisme?Tous les deux. L’habitude rend nor-mal ce qui, avant, paraissait ef-frayant. Mais, pour un homme qui,comme moi, a besoin de tranquillité,la célébrité peut heurter quelquechose de profond.

On vous dit beau, élégant. Pensez-vous que la confiance en soi rendeplus beau?Gagner rend beau, très simplement.Dans le journal, vous n’avez plus lamême tête. On ne montre plus vosgrimaces, votre souffrance et vosdoutes, mais votre sourire, vos yeuxqui pétillent, vos bras en l’air. Cetteannée, je n’ai quasi vu aucune imagede moi où je casse une raquette. Çachange tout. Ça rend beau.

Mais n’avez-vous pas, vous aussi,changé de regard sur vous-même?Non, bien sûr que non. J’ai évolué,mais je suis resté le même. Je suis de-venu plus souriant, plus présent, maisje n’ai pas changé de tête. De manièregénérale, quand on gagne, on est tou-jours le plus beau et le plus gentil.

Ou un héros.Je n’aime pas ce mot. Je trouve qu’ondevrait le réserver aux personnes quisauvent des vies. Et moi, je n’ai riend’un héros. Je suis un mec qui a beau-coup travaillé et beaucoup échoué.Dans le tennis, une carrière n’estqu’une succession d’échecs. A la find’un tournoi, il y a toujours une dé-

faite. Sauf pour trois ou quatre cham-pions. En réalité, on perd tout letemps. Chaque semaine. Ça ne faitpas vraiment de nous des héros.

On dit aussi votre personnage,votre parcours, très suisses.C’est quoi, être très Suisse? J’en aiune définition très vague. Cela dit, jele prends comme un honneur. Je suisfier d’être très Suisse.

Votre passeport n’est-il pasun handicap dans la recherchede sponsors?Il vaut mieux être Suisse que Grec.

Pour tout vous dire, j’ai aussi un pas-seport allemand, grâce à mon père.J’aurais pu choisir la nationalité alle-mande et obtenir des avantages in-comparables. Au niveau des aides,c’était une différence énorme. Plus desponsors, plus de soutien, plus demédias. Mais je suis Suisse, je me sensSuisse, et je ne l’ai jamais considérécomme un handicap.

Ne regrettez-vous pas d’avoir signédes contrats «locaux», à l’oréed’une notoriété internationale?Non. Depuis toujours je propose descontrats à la performance, avec bo-

nus et malus. Je trouve ce principeplus équitable. Si je suis bon, je gagnetrès bien ma vie. Si je déçois, je méritelogiquement de gagner moins. A uneexception près, mes sponsors sonttous de la région, ça compte beau-coup pour moi. De toute façon, ne rê-vons pas: pour les grandes marquesnationales, même en étant classéATP 8, je reste un numéro deux, unsecond choix…

Dans ces moments où vousdominez Djokovic, Murray, Nadal,ressentez-vous une forceintérieure spéciale?

Je me sens bien. J’imagine que, dansn’importe quel métier, quand on metdes années à y arriver et que, soudain,tout marche, on ressent la mêmechose. Ce n’est pas de l’euphorie ni dela fierté. On se sent bien. Très bien.

Avez-vous peur, parfois, que touts’arrête?Je sais que je peux encore progresser.Que je peux battre Djokovic, que je fi-nirai par battre Nadal. Mais je saisaussi que, si je commence à penseraux demi-finales, je ne passeraimême plus le deuxième tour. Je nedois jamais oublier d’où je viens, nicomment je suis arrivé. J’en ai vu dé-filer, des joueurs comme moi, quicommençaient à voir plus loin et dis-paraissaient instantanément. En ten-nis, seul compte le jour d’après. On atoujours un plan A, B et C. On vit dansl’adaptation permanente.

Vous dites que vous pouvez battreDjokovic, que vous battrez Nadal.Mais pourrez-vous…… battre Roger?

Oui.Je sais que j’en ai le niveau. Par con-tre… En principe, on ne devrait ja-mais dire ce genre de chose à un jour-naliste, mais Roger, je l’avoue, ce seratoujours spécial. Si j’arrive à le battre,je ressentirai quand même un soula-gement. Ça voudra dire beaucoup. Çavoudra dire que j’ai réussi à sortir cequ’il faut.

De tous les grands joueurs,vous êtes probablement le plusdébrouille, le moins «assisté».Est-ce votre côté paysan?Je suis évidemment influencé parmon éducation. Mais le tennis estbientôt fini pour moi et j’anticipe.C’est dans mon caractère, de toutefaçon: j’ai envie de mille trucs, demille projets, je suis curieux de tout.Par nature, je suis davantage le mecqui pose des questions que celui quiapporte des réponses. Alors j’ap-prends. Sur ce plan, je suis peut-êtreun peu différent des autres joueurs.

Si vous deviez retenir un momentde cette année. Un seul.Ma qualification pour le Masters. Jene devrais pas le dire, mais depuisl’US Open je ressentais un stress in-fernal. J’ai vécu six semaines avec lapeur, une peur incroyable de ne pas yarriver, de passer si près. J’ai faittoute la tournée asiatique avec uneboule au ventre. Et puis Paris, pfff…Quel stress! Ma dernière chance deprendre des points. Alors, quand jesuis parti à Londres, soyons francs,j’étais comme un gamin. Et je croisque, si je suis devenu populaire, passeulement en Suisse mais à l’étran-ger, c’est parce que les gens l’ont vu.Ils ont pu s’identifier à un gars commemoi, simple, qui vivait un rêve, qui ena profité pleinement, et qui, pour-tant, n’est pas venu pour rigoler. Quia même pleuré d’avoir perdu contreNadal. C’est le message, je pense,qu’ont donné mes succès. Et je sensjustement que, cette année, le mes-sage est passé. x

«La victoire change tout. Ellenous montre sous un beau visage»

CINQUNESVUESPARWAWRINKAOpen d’Australie21 janvier 2013

«Je perdscontre Djoko.Terribledéception.Mais, cejour-là, je mesuis prouvébeaucoupde choses»

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DSK­DIALLOOn sait enfincombienil a payé

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CFFObjectif raté:il y a toujours plusde trains en retard

PAGE 7PAGE 9

LOI SUR L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE PAGES 4­5

LA RÉVOLTE GRONDE CHEZ LESVALAISANS QUI VONT TOUT PERDRE

ÉNORME!ÉNORME!

PAGES 26­27PAGES 26­27$$ WAWRINKA FRISEWAWRINKA FRISELE PARADISLE PARADIS

$$ SA FEMME, ILHAM,SA FEMME, ILHAM,CONFIE SA FIERTÉCONFIE SA FIERTÉ

SUITE DE LA PAGE 11Stanislas Wawrinkaa pris de l’assurance.«Assez pour oser direles choses.»

Anoush Abrar & Aimée Hoving

Genève, Coupe Davis4 février 2013

«J’étais blessé,exténué. Millefois, j’ai réflé-chi à la CoupeDavis. C’estun peu cucul,mais l’amourdu paysl’emporte»

Lundi 4 février 2013 | Postcode 1 JA 1211 GENÈVE 11 | No 28-6 | Fr. 3.00 (TVA 2,5% incluse) | France € 2.30

Caisses de pension:les enjeux d’un vote cléLes Genevois voteront le 3 mars sur un sujet capital pour les fonctionnaires et les contribuables

prestations diminuer – et pour les contri-buables, l’Etat étant appelé à débourser6,4 milliards de francs sur quarante ans.

Les représentants des fonctionnairessont divisés. Le Syndicat des services pu-blics est opposé au projet de fusion, qu’il

perçoit comme un hold-up perpétré audétriment du personnel de l’Etat. A droiteégalement, certains prônent le non, maispour des raisons contraires: les fonction-naires seraient privilégiés par rapport auxprivés. Sentant le danger, le Cartel inter-

syndical défend le projet, qui préservel’essentiel, dans la mesure où il conserveune répartition des cotisations favorableaux salariés, la primauté des prestations etune retraite anticipée pour ceux qui exer-cent une activité pénible. Pages 2 et 3

De l’avis général, le vote sur la fusion descaisses de pension publiques, le 3 marsprochain, est le plus important de la légis-lature. Il a des incidences pour les fonc-tionnaires – qui devront cotiser davantage,travailler plus longtemps et verront les

Cordonsombilicaux:un businesscontestéSuisse, page 6

Le média genevois. Depuis 1879 | www.tdg.ch

AvullyUne maison prendfeu à deux reprisesRageant: un agriculteur d’Avully a eu lamalchance, samedi, d’être victime dedeux incendies, le second survenantaprès le départ des pompiers profession-nels qui avaient maîtrisé le premier. Uneenquête a été ouverte. Page 19

ONURéduction deseffectifs à GenèveLa décision de l’Assemblée générale del’ONU de réduire de 100 millions de dol-lars le budget de fonctionnement de l’or-ganisation a des effets directs à Genève.Dans les deux ans, une centaine de postesau moins vont disparaître et quelquedeux cents autres emplois risquent d’êtredélocalisés dans d’autres villes. Page 9

L’actu avec vousInternet L’info genevoise sur www.geneve.tdg.ch

Mobile Les alertes de votre choix sur www.mobile.tdg.ch

Courrier 26 I Cinéma 27 I Décès 28, 29 I Aujourd’hui 30 I Météo, Jeux 31 I Encre Bleue 32

François Hollande:«La France resteraau Mali le tempsqu’il faudra»Monde, page 7

Les Mondiaux de skidébutent demain à

Schladming par le super-Gféminin, une des seules

chances de médaille pour laSuisse. Lara Gut saura-t-elle

montrer l’exemple?Page 15

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La grande désillusion de Wawrinka

La Suisse battue Stanislas Wawrinka aurait pu devenir le héros du pays s’il avait conduit la Suisse au succèsface à la République tchèque en Coupe Davis. Las, le Vaudois a subi deux défaites mortifiantes, en double puis ensimple contre Berdych. Seule consolation: avec son coéquipier Marco Chiudinelli, il est entré dans le Livre des recordsen disputant le double le plus long de l’histoire du tennis: 7 h 01 et 96 jeux, le dernier set ayant duré 3 h 33! Page 16

L’éditorial

Hollande etl’hirondellemalienne

Pour François Hollande, unehirondelle, même malienne, ne fait pasle printemps. Samedi à Bamako, leprésident français a été acclamé parune foule reconnaissante. Mais sonprédécesseur Sarkozy avait connupareille liesse en septembre 2011 àBenghazi, après l’intervention françaiseen Libye. Huit mois plus tard, il mordaitla poussière à l’élection présidentielle.

Certes, même ses détracteurs sontobligés de l’admettre, FrançoisHollande a démontré à l’occasion de laguerre au Mali toutes ses capacités àprendre des décisions vitales, avecefficacité et rapidité. Il est désormaisentré dans cet habit de président queNicolas Sarkozy, même après la chutedu despote libyen, n’avait jamais surevêtir.

Cela dit, le quinquennat de Hollandesera jugé à l’aune sociale et non pasmalienne. Les succès militaires ne fontpas le poids face à l’effondrement del’industrie française, aux fermeturesd’usines quasi quotidiennes, à lapauvreté qui s’étend et s’installe. Si,au Mali, le président peut user desimpressionnants pouvoirs que laConstitution française lui confère entant que chef des armées, ceux-ci ne luisont guère d’utilité sur les planséconomique et social.

Dans ce domaine, le volontarismepolitique se heurte à la dure réalité dumonde globalisé. Goodyear, Mittal et lesautres grands groupes financiers etindustriels sont autrement pluspuissants que les terroristes, mêmeaguerris et bien armés. Les dirigeantsfrançais de tous les bords politiques sesont raconté de jolis contes pendant deslustres, en proclamant qu’ils pouvaienttout faire dans leur pré carré. Or, seulel’Europe dispose de la taille critiquenécessaire pour tenir sa partie dansl’économie globalisée. C’est donc versl’Europe que le président Hollandedevrait diriger son action et faire œuvrede pédagogie vis-à-vis des Français,plutôt que de les bercer d’illusionsperdues d’avance. Page 7

Jean-NoëlCuénodCorrespondant à Paris

GEO

RG

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Roland-Garros5 juin 2013

«Cette unerésumeparfaitementl’année. Rogera moins attirél’attention.Je suis devenucelui quigagne»

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COURSE­POURSUITEUn ambassadeursuisse perd lespédales à Paris PAGES

4­5

AMANDABYNESLa descenteaux enfers

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CFFTrop de suicidessur les rails: unconducteur craque

PAGES 6­7

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FORT»FORT»AFP/Patrick Kovarik

ROGER FEDERERROGER FEDERER

«J’AI«J’AITOUTTOUTFAITFAITFAUX»FAUX» PAGES 36­39

EPA/Yoan Valat

Aéroport de Cointrin11 septembre 2013

«Je rentre decinq semainesaux Etats-Unis. Lesvoyages, lesséparations:ça, ce sontles vraissacrifices»

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PAGES 8­9

FOOTL’équipenationalen’est peut­êtrequ’à un matchde la samba

PAGES 34­36

AFP/Alain Grosclaudewww.calendrierpaysan.ch

Lion

elFl

usin

RETOUR ÉMOUVANTPOUR WAWRINKA

CALENDRIERCALENDRIERPAYSANPAYSAN

«PAPA EST LÀ!»PAGES 4­5

LE GLAMOURLE GLAMOUREST DANS LE PRÉEST DANS LE PRÉ

PAGE 12PAGE 12

Christian Bonzon

US Open11 septembre 2013

«Articleréalisé aprèsla demi-finale.Je sais queje peux, queje dois encoreprogresser.J’ai unemarge»

RencontRe Le Vaudois qui a séduit l’Amérique dévoile ses nouvelles ambitions

Stanislas Wawrinka

Il vise encore plus haut

«Iron Stan» Wawrinka a séduit l’Amérique.Interview et photos exclusives à Central Park

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braqueurs qui font trembler la suisse

12 STAN LeMatinDimanche I 29DÉCEMBRE2013

Suisse de l’année

Page 3: LESACTEURS - Tennis Club Stade-Lausanne

Contrôle qualité

Parti pour la gloire, tranquillementSa carrière a commencé dansune souveraine indifférence,pour avancer progressivement,discrètement, vers unereconnaissance internationale.

Christian [email protected]

Un bon Vaudois prend son temps ety va tranquillement. StanislasWawrinka est un tout bon: après desannées de labeur, de talents patiem-ment cultivés, l’homme récolte lesfruits d’une nature profondémentobstinée, foncièrement «pieds surterre», comme il la décrit lui-même.

Personne ne l’a vu venir. Mais il yest arrivé malgré tout, sans se pres-ser, d’abord dans une souveraine in-différence, puis en une singulière ef-ficience. Il est arrivé pas à pas, «envied’essayer, besoin d’apprendre». Ar-rivé sans heurts, le temps de vaincrequelque inhibition devant l’exploit etde développer des dispositions à l’af-frontement, une attitude qui s’im-pose, un style qui frappe, une mainqui claque jusqu’aux moindres désirs.

Peu de carrières, dans ce sport, ontsuivi une évolution aussi extraordi-nairement linéaire. Wawrinka ne ré-gresse jamais. Et allez savoir jusqu’oùil ira comme ça, tout tranquillement,tout aussi sûrement. x

c La découverte(Ci-dessus.) En2003, StanislasWawrinka jaillitde nulle part, sansautre adresseconnue que sonrevers à une main,et remporteRoland-Garros chezles juniors.«En Suisse, jusqu’àl’âge de 18 ans,je suis resté unparfait inconnu.»

c La certitude(A droite.)Premier titresur le circuitprofessionnelà l’âge de 21 ans.Novak Djokovic,son adversaireen finale,abandonne aprèsun set. Wawrinkadevient une valeursûre, dansun style encoremonolithique.

c L’état de grâce(Ci-dessus.) Ce jour-là,comme le précédent,tout lui réussit.Wawrinka est si inspiréque Roger Federer,beaucoup moins serein,puise dans ses énergiespositives. Les deuxamis deviennentchampions olympiquesde double, avec uneconnivence potache.«Je n’ai encore rienvécu d’aussi fort, insisteWawrinka. Là, ce n’estpas que du tennis.J’ai joué pour monpays, avec un copain.»Après avoir fêté toutela nuit, Wawrinka rentreau village olympiqueavec sa médaille d’orautour du cou, maissans son accréditation.Les gardiens luirefusent l’entrée.

c Echec, épate(A gauche.) Peut-être le plus beauduel de l’année.A Melbourne,Wawrinka humilieDjokovic pendantune heure, avantde l’entraîner dansune confrontationépique. «J’ai pleuré,car j’ai eu beaucoupde mal à acceptercette défaite.Mais, ce jour-là,je me suis aussiprouvé beaucoupde choses.»

c L’autre maître(A droite.) Premièreparticipation à unMasters. «J’étaiscomme un gamin.»Consécrationd’un joueur affirmé,capable de toutesles impudences.Wawrinka, 28 ans,a vaincu seshantises de bizutprovincialet le sentimentd’imposture qui,dans les grandsmatches,l’entraînait versdes capitulationsinavouables.Il est restéle même, mais pasexactement.

29DÉCEMBRE2013 ILeMatinDimanche STAN 13Suisse de l’année

«Je n’ai jamaisrêvé de devenirun grand joueur.J’ai tout fait à fond,sans arrière-pensée»

STANISLAS WAWRINKAATP 8

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Et, en plus,il nous ressembletellementIDENTITÉ Stan Wawrinka réunit toutes les qualités d’un vrai Suisse:persévérant et travailleur, mais prêt à laisser la place à d’autres s’il le faut.Décryptage par trois observateurs des valeurs suisses: Nicolas Bideau,directeur de Présence Suisse, Dominique Dirlewanger, historien, auteur de«Tell me, la Suisse racontée autrement», et Christophe Gallaz, écrivain.

Christine Salvadé[email protected]

IL ROUGIT FACILEMENTÉMOTIF Wawrinka est timide, mais se soigne. Il rougit moinsqu’il y a quelques années quand il doit prendre la parole en pu-blic, il a appris à dompter sa gêne jusqu’à commenter des mat-ches en anglais. Il reste simple, même s’il roule parfois en bellebagnole, et on lui laisse ce plaisir parce que lui, au moins, il nedonne jamais l’impression de se la péter. «Il reste accessible.Nous l’avons bien remarqué à Londres pendant les Jeux olympi-ques quand il venait rencontrer le public à la Maison suisse»,confirme Nicolas Bideau. «Je dirais qu’il est surtout discret,nuance Dominique Dirlewanger. Et la discrétion est une armedans l’histoire suisse. Dans l’Empire britannique, par exemple,les Suisses se sont toujours mis dans le sillage des puissants,l’air de rien. Et cela a toujours payé.»

IL AIME LA SUISSEPATRIOTE Lui au moins, il ne rate jamais la Coupe Davis, quitteà ce que ça lui péjore sa saison. En 2013, il y est même allé alorsqu’il était blessé. Stan aime la Suisse, il dit à qui veut l’entendrequ’il ne pourrait pas vivre ailleurs. Et ça, ça nous fait toujoursplaisir. Il va même jusqu’à passer trois semaines de vacances,tranquillement, à Lausanne.Le Vaudois est un héros de la campagne, accroché à la terre, nedédaignant pas le tracteur du domaine familial de Saint-Barthé-lemy. Un héros de la campagne comme Guillaume Tell. Et enopposition, une fois encore, à Federer, héros moderne et urbain.«Wawrinka devient l’incarnation des valeurs suisses placéessous le signe de la milice coéquipière et du labeur qui récom-pense les méritants, ce qu’a bien compris la BCV, qui le sou-tient, une banque «grande mais petite» et «proche de sa clien-tèle», remarque Christophe Gallaz.

IL BOSSE POUR RÉUSSIRFORÇAT Son talent à lui, c’est le travail. Rien n’est allé tout seulchez ce gars-là. Il a commencé le tennis à 7 ans, et il lui a falludix-huit ans pour arriver au top. On les aime, ces Suisses-là quiréussissent à la force du poignet plutôt qu’en claquant négligem-ment des doigts. Mais pourquoi aime-t-on tant les persévérants?Peut-être parce que l’histoire suisse en est remplie. «Les Wald-stätten renégociaient en permanence leur territoire. La négocia-tion se sent aussi dans le jeu de Wawrinka. C’est bien une qualitéqui colle aux Suisses, eux qui ont passé plus de temps à fairela paix qu’à faire la guerre», constate l’historien DominiqueDirlewanger. «Wawrinka véhicule sur les courts les valeursqui nous sont chères. Il s’est fait en bossant, comme la Suisse»,ajoute Nicolas Bideau, qui estime que «des gens comme lui sontdes ambassadeurs parfaits pour vendre le pays». Stan Wawrinkaest d’ailleurs entré en 2013 dans le top 10 des personnalitésen lien avec la Suisse dont on parle le plus à l’étranger.

LUI NON PLUSN’EST PAS PARFAITFAILLIBLE Ce qu’on aime aussi chez lui,c’est que Stan a des failles, tout commenous. Nos trois observateurs de marquele soulignent d’emblée: les problèmes decouple avec sa femme, Ilham, le rendentplus humain. Et, là encore, ses fêlures selisent en opposition au lisse Roger. «Federerest un demi-dieu qui a presque fini par aga-cer tant il est parfait. Voyez sa femme omni-présente, ses jumelles toujours impeccables.Wawrinka, il a ses fêlures, il a vécu une vraiecrise de couple, ça nous l’a rendu plus pro-che», constate Dominique Dirlewanger.«Placer Federer en miroir de Wawrinkadonne à mieux voir l’image de celui-ci», ditl’écrivain Christophe Gallaz. «Wawrinkatrouve à force de chercher quand Federerpourrait dire, comme Picasso: «Je ne cher-che pas, je trouve» – à quoi correspondaussi leur trajectoire affective et conjugaleà chacun, Wawrinka quittant sa femme puisla retrouvant, «comme c’est dans la vraievie», tandis que Federer maintient le dispo-sitif de la «famille idéale».

«Wawrinkavéhicule sur les courtsles valeurs qui noussont chères. Il s’est faiten bossant, commela Suisse. Des genscomme lui sont desambassadeurs parfaitspour vendre le pays»

NICOLAS BIDEAUDirecteur de Présence Suisse

«La négociation sesent aussi dans le jeude Wawrinka. C’estbien une qualité quicolle aux Suisses, euxqui ont passé plusde temps à faire la paixqu’à faire la guerre»

DOMINIQUE DIRLEWANGERHistorien

«Il a la silhouetted’un ouvrier quirecourt naturellementà la force pour agir,alors que celle deFederer évoque celledu danseur appuyésur des principesde fluidité»

CHRISTOPHE GALLAZEcrivain

IL A LES MOLLETSDE GUILLAUMETELLHODLÉRIEN Il est Suisse jusque dans lesmollets. C’est peut-être en observant desjarrets comme les siens qu’est néel’expression «mollets de vieux Suisses».Wawrinka ne manque pas une séance defitness. En regardant ses jambes et ses brasnoueux, son cou solide, son corps trapu etpuissant, Dominique Dirlewanger ne peuts’empêcher de penser au Guillaume Tellpeint par Ferdinand Hodler. ChristopheGallaz, lui, voit dans Stan la silhouette«d’un ouvrier qui recourt naturellementà la force pour agir, alors que cellede Federer évoque celle du danseur appuyésur des principes de fluidité».

JUSTE Entre le tennis et la Suisse, l’équation est forte, commele constate Nicolas Bideau. Federer l’a établie, Wawrinkala prolonge. Son jeu lors de la demi-finale de l’US Open contreDjokovic était une démonstration de cet art de la précision maî-trisée. La force et la précision sont aussi deux valeurs que l’onretrouve chez Guillaume Tell. «Comme Guillaume Tell a visé lapomme sur la tête de son fils, Wawrinka propulse la balle avecvitesse, force et précision», constate l’historien DominiqueDirlewanger. Les marques horlogères raffolent des tennismen,c’est Audemars Piguet qui a pris le poignet de Wawrinka.

IL EST HYPERPRÉCIS

14 STAN LeMatinDimanche I 29DÉCEMBRE2013

Suisse de l’année29DÉCEMBRE2013 ILeMatinDimanche STAN 15

Suisse de l’année

Mike Groll/AP

Sabine Papilloud

DR

Yvain Genevay

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Famille Isabelle et Wolfram Wawrinka racontent l’évolution de leur fils

«On est fier de l’homme qu’il estdevenu, avec ou sans les victoires»Les parents du champion ontreçu «Le Matin Dimanche»pour évoquer la trajectoirede ce petit garçon de Saint-Barthélemy (VD) devenuune star du tennis mondial.

Isabelle [email protected]

Un soleil généreux baigne ce petitcoin du canton de Vaud où lebrouillard a d’habitude le derniermot. Isabelle et Wolfram Wawrinkaparlent, dans leur demeure chaleu-reuse, de leur fils, de son évolution, desa nouvelle dimension. Cette conver-sation a révélé des gens simples, cha-leureux et humbles. A l’image de leurchampion.

Quel sentiment domineaujourd’hui, la fierté?Isabelle: On est fier de l’homme qu’ilest devenu, avec ou sans les victoires.C’est clair que c’est un plus, mais onserait fier de lui même s’il n’avait pascette notoriété. Parce que ce petitbonhomme timide a réussi ce qu’ilvoulait faire. Il se trouve qu’il a optépour le tennis, un sport qui fait de luiun homme public. Mais il aurait pufaire n’importe quel autre métier, onserait fier aussi de ce qu’il est devenuet des valeurs qu’il représente.

Vous étiez au Masters,comment l’avez-vous vécu?Isabelle: C’était surréaliste. Quandon va dans sa loge et qu’on voit leshuit portes avec le poster de chacun etqu’on voit celle de notre fils avec sonposter, ça fait quelque chose. On sedisait en rigolant: «On connaît quel-qu’un de connu.»Wolfram: Au début, on ne réalise pas.C’est comme à New York. On arrive là-bas. Il bat Murray, puis il y a la demi-fi-nale contre Djokovic et cette standingovation. J’en ai encore les frissons.C’est là qu’on prend conscience de sanotoriété. On peut observer partout,dans les restaurants ou tout simple-ment dans la rue. Il séduit par sa gen-tillesse, son côté proche des gens etcandide. A Londres, il se réjouissaitcomme un enfant, découvrait un trucqu’on a vu à la télévision quand ilsétaient petits et qui était comme un rêveinatteignable. Alors, on le revoit enfantà la ferme et on se dit que ce petit garçonqui vient d’un petit village du Gros-de-Vaud fait partie des grands du tennis.

Comment était-il petit?Isabelle: Vif. Dès qu’il mettait unpied hors du lit, tout fonctionnait. Cen’était pas un enfant agité qu’il fallaitrecadrer, mais il était toujours actif. Ilallait faire sa cabane, du vélo, con-duire des tracteurs. Et, dès qu’il acommencé le tennis, il a aimé ça. Iljouait le mercredi, mais aussi avec sonfrère dans la cour. Ils en ont passé desheures à taper des balles contre lesportes de grange et les murs! Stan estun battant. Il a bossé et persévéré.Wolfram: Il y a des images qui re-viennent. Il y avait un court sur lequelil allait jouer. Et un soir il est rentré à23 h. Il était allé s’entraîner tout seulau service. Il avait 11-12 ans. Mais il avraiment commencé intensivement à13 ans. En juniors, ce n’était pas unfutur champion et ce n’est pas plus

mal. Les joueurs qui le battaient à cetâge-là ont moins bien réussi.

Qu’est-ce qui a fait la différence?Wolfram: A un moment, on a fait unchoix pas facile. Voyant qu’ils étaientpassionnés, on a accepté que Stan etson frère arrêtent l’école pour partirs’entraîner en Espagne. Et suivre unescolarité par correspondance. Onnous a traités de fous.Isabelle: On a dit à nos fils: «Vivezvotre passion. La seule chose qu’onvous demande, c’est de ne pas avoirpeur, si ce n’est plus ça, de nous dire sivous voulez raccrocher. On ne vousdemande rien.»Wolfram: Et finalement ils ont cro-ché les deux. Le grand frère est en-traîneur au Stade-Lausanne et heu-reux de ce qu’il fait. C’était peut-êtreune chance que nous, les parents, nejouions pas au tennis.

D’où est venue l’envie du tennis?Wolfram: A Saint-Barthélemy,c’était plutôt le foot. Lucien Favreétait déjà connu à l’époque en tantque joueur. Mais, quand on a de-mandé aux garçons quel sport ils vou-laient faire, ils ont choisi le tennis. AEchallens, dans un petit club. Puis il ya eu la rencontre avec Dimitri Zavia-loff. On était lié à ses parents.

Stan avait-il de grandes ambitions?Isabelle: Il n’en a jamais parlé.Wolfram: Pas directement. Mais, lejour où il a pris la décision, à 14 ans,de partir dans une structure privéeen Espagne pour devenir profession-nel, il avait forcément des ambi-tions. Dimitri avait fait le choix de nepas le faire jouer en juniors. Au dé-but, Stan se prenait des 6-0 6-0. Ce

n’est pas facile, à 14 ans, d’affronterdes adultes.Isabelle: Mais ça leur convenait. Etc’était une école de vie. Ils devaientapprendre à se gérer, à faire la lessive,à manger, parler la langue du pays.

N’a-t-il pas mûri plus vite?Isabelle: Probablement.Wolfram: Il le dit lui-même. Il a re-marqué qu’il y avait un décalage avecses anciens copains d’école. Il est de-venu adulte très vite.

Comment jugez-vousson ascension cette année?Wolfram: Il est monté de façon li-néaire, sans jamais faire des hauts etdes bas. Tout le monde savait qu’il a unjeu incroyable, mais cette année depetites choses se sont mises en place.L’entraîneur lui a peut-être apportéplus de confiance. Il lui manquait peu.On a vu en début d’année lors de sonmatch contre Djokovic à Melbournede quel niveau il est capable. Il étaitdéçu, mais il tire toujours quelquechose de positif d’une défaite. Il re-bondit chaque fois.

Comment ses frères et sœursvivent-ils tout ça?Isabelle: Ce n’est pas toujours faciled’être le frère ou la sœur de. Jonathana longtemps été étiqueté comme celuiqui perd. L’être humain met vite lesgens dans des cases, et ce n’était pasévident de s’affirmer. Mais ils sontfiers et étaient tout contents de venirau Masters.

Comment expliquez-vous sonattachement à la Coupe Davis?Isabelle: Parce qu’il a une mèresuisse. (Rires.)Wolfram: Une de ses grandes fiertésa été de porter le drapeau aux JO deLondres. Et de décrocher la médailled’or à Pékin. La plus belle victoire. Unmoment magique. Il a toujours aiméjouer pour la Suisse. Même si son nomvient d’un pays de l’Est lointain.

Ce patronyme étranger a-t-ilfavorisé son patriotisme?Isabelle: Au village, c’était mal vud’avoir un nom étranger, d’être pro-testant sur un territoire catholique etde travailler avec des personnes à dé-ficiences légères. Ils n’ont pas été àl’école du village, car on ne voulaitpas leur faire porter notre choix devie. Alors peut-être que cela tient unpeu à ça. Maintenant Saint-Barthé-lemy est très fier de l’avoir.

Est-ce que ça n’a pas été dur d’êtretoujours comparé à Federer?Wolfram:Federeraétéunmoteurpourlui. Il ne faut pas l’oublier. Peut-êtreque, sans Federer, Stan ne serait pas 8ejoueur mondial. Ils se sont beaucoupentraînés ensemble. Federer lui a donnédes conseils. Il ne pouvait pas avoir unmeilleur modèle. Il l’a tiré vers le haut.

Et Stan montre aujourd’hui qu’il faitaussi partie des tout grands. Mais on nepeut pas parler d’ombre par rapport àquelqu’un qui est unique. Federer restepour l’instant le meilleur de tous lestemps. Tant mieux pour la Suisse. J’aibeaucoup de respect pour lui.

Voyez-vous votre fils gagnerun Grand Chelem?Wolfram: Ce serait un rêve. Il a en-core de la marge de progression et de-vrait gagner en régularité. Et, au vu dece qu’il montre, des matches qu’il li-vre, de son niveau de jeu, il peut bat-tre tout le monde. Peut-être pas Ro-land-Garros, car y battre Nadal estcompliqué, mais un autre, pourquoipas? Ça serait beau.Isabelle: Même sans ça, c’est beau.

Il dit qu’il n’a pas de talent. N’enfaut-il pas pour être huitièmemondial?Isabelle: Etre déterminé est un talenten soi. Je pense qu’il a du talent. Iln’était pas la petite vedette chez lesjuniors, mais le résultat est là. Et lefait de ne pas être au mieux petit lui adonné cette persévérance et l’enviede se battre.Wolfram: Il s’est donné les moyensd’y arriver. Il est huitième parce qu’ila toujours travaillé dur. Mais il fautaussi un plus.

Il a un immense respect de l’autre.Est-ce dû à son éducation?Wolfram: Il a grandi entouré de per-sonnes qui ont des difficultés et quidoivent se battre plus que les autrespour arriver à quelque chose. Ça lui ainculqué des valeurs qui lui restent.Isabelle: Et c’est quelqu’un de gentil.Il l’a toujours été. x

Wolfram et Isabelle Wawrinka sont encore tout étonnés de «connaître quelqu’un de connu», comme ils disent. Andrée-Noëlle Pot

1982c MariageWolfram Wawrinka, denationalité allemande,épouse Isabelle,Suissesse, le 15 mai.

1982c NaissanceLe 3 juin, leur premierenfant, Jonathan,voit le jour.

1985c NaissanceLe 28 mars, c’estau tour de Stanislasde venir au monde.

1988c NaissanceLe couple Wawrinkaaccueille l’arrivéede la première fillede la famille, Djanaée,le 11 octobre.

1991c NaissanceLa fratrie s’agranditencore avec lanaissance de Naëlla,le 29 décembre.

2003c VirageAu mois de mai,Stanislas remporteRoland-Garros chezles juniors. Cette date,gravée à jamais,marque pour euxle grand débutde sa carrière.

ENDATES

16 STAN LeMatinDimanche I 29DÉCEMBRE2013

Suisse de l’année

«Federer a étéun moteur pour lui.Il ne faut pasl’oublier. Peut-êtreque, sans Federer,Stan ne serait pas8e joueur mondial»

WOLFRAMWAWRINKAPère de Stan

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Alexia, sa fille, et Ilham, sa femme,sont ses deux supportrices de choc

POURPAPASurprise! Pour cet hom-mage à Stan Wawrinka, «Le MatinDimanche» a demandé à la petiteAlexia, qui soufflera ses quatre bou-gies en février, de lui faire un dessin.Ilham, épouse du champion vaudois,a gentiment accepté de jouer les «in-termédiaires». En fin de semainepassée, c’est elle qui a ainsi glissé ledessin dans l’enveloppe et nous l’afait parvenir. Qu’avons-nous de-mandé à Alexia, fille de Stan? Tout

simplement de faire un dessin qui fe-rait plaisir à son papa. C’est tout.Aucune autre consigne. La petiteAlexia avait carte blanche. Pour uneraison qu’elle pourra peut-être expli-quer dans quelques années, lors-qu’elle sera un peu plus grande,Alexia a opté pour un bonhomme deneige. Ce dessin, Stan ne l’a jamaisvu. Il le découvre aujourd’hui dans lejournal. Surprise réussie.

Fabiano Citroni

Lorsque Stan joue en Suisse, il peut compter sur le soutien de sa famille. Le cliché de gauchea été pris lors d’un entraînement avant le match de Coupe Davis entre la Suisse et les Etats-Unis,à Fribourg, en février 2012. Celui de droite remonte à cet été, lors du tournoi de Gstaad.

29DÉCEMBRE2013 ILeMatinDimanche STAN 17Suisse de l’année

www.bcv.ch

Bravo Stan!

Ça crée des liens

Stan WawrinkaAmbassadeur de laBCV depuis 2009.

Fraîchement classéen 8e position del’ATP, Stan nousa fait vibrer parses magnifiquesperformances 2013.Nous lui souhaitonsplein succès pour2014.

Keystone/Jean-Christophe Bott

Thomann Sven/RDB

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Indubitablement, StanislasWawrinka a franchi unimmense palier en 2013.Mais où se cachent les infimesperfectionnements qui ont faittoute la différence? Analyseen compagnie de ceux quiconnaissent son jeu par cœur.

Mathieu [email protected]

De son morceau de bravoure austra-lien contre Djokovic à cette introni-sation sereine parmi les Maîtres, auMasters de Londres, Wawrinka a tra-versé 2013 en étalant l’idée d’un pro-grès épatant. Si ce constat imposel’admiration, il se dérobe aux explica-tions faciles. Car le Vaudois a explosésans se transformer. Il s’est mis àrayonner sans se réinventer.

Comment expliquer dès lors le ti-ming de cette mutation? Quels sontles ressorts que le champion a su acti-ver pour déclencher le cercle vertueuxde la confiance? Deux questions faus-sement simples sur lesquelles Jona-than Wawrinka, son grand frère, etSeverin Lüthi ont bien voulu poserleur regard expert. Le premier fut lepartenaire originel avant de devenirl’un des vingt meilleurs joueurs suis-ses; il entraîne aujourd’hui des jeunesprofessionnels. Quant au second, il aguidé Stan lors de son long intermèdesans coach et continue de le couver enCoupe Davis. Voici, selon eux, les dé-tails qui ont fait toute la différence.

1Un corps plus soupleet plus vifAthlète puissant et endurant,

Stanislas Wawrinka a toujours eu la ré-putation d’être un «client» sur la lon-

gueur. Autant de qualités qu’il a cher-ché à entretenir en développant ses«points faibles»: l’agilité et la vitesse.«Dès l’Australie, j’ai trouvé qu’il se dé-plaçait mieux, note son frère. Il étaitplus vif, plus souple, au point de don-ner le sentiment d’être indébordablemême contre Djokovic. C’est un peucomme si tout le travail effectué depuisdes années avec Pierre Paganini avaittrouvé son juste écho sur le terrain.»

Pour Jonathan Wawrinka, ce nou-vel équilibre physique peut expliquertout le reste. «Ce supplément de vi-vacité est essentiel, car mon frère estun joueur qui a toujours eu besoin detemps et n’est jamais aussi dangereuxque lorsqu’il peut poser ses appuis. Orcette couverture de terrain lui donnela confiance nécessaire pour gérer leslongs échanges. Il se précipite moinset logiquement fait de meilleurschoix. Tout est lié.»

2Un esprit libérédes idées noires«Si Stan bouge mieux, c’est

avant tout parce qu’il sait exactementce qu’il veut faire sur un terrain.» De-puis Dubaï, où il organise la prépara-tion de Roger Federer, Severin Lüthipartage donc le constat d’une évolu-tion physique. Mais il la subordonne àune prise de conscience. «Stan achangé sa façon de penser sur et endehors du court. Il a compris qu’il de-vait se concentrer uniquement sur cequ’il pouvait maîtriser.»

On cherche à comprendre, à mieuxcerner ces vieilles fausses pistes.«Parce qu’il est très exigeant, Stanpouvait s’énerver et laisser beaucoupd’énergie en voulant mieux faire.L’attitude est louable sur le principe.Mais il devait absolument réussir àchoisir le bon moment pour être dur

avec lui-même. Si, dans un match, tuestimes évoluer à 80% de tes possibi-lités, tu dois apprendre à t’en conten-ter et à exploiter le maximum de cetétat. Sinon, la frustration te fait glis-ser à 60% de rendement. Par le passé,Stan était focalisé sur les objectifsqu’il se fixait. Aujourd’hui, il s’est re-centré sur l’essentiel: son jeu. Aufond, je crois qu’il se connaît mieux.»

3Des choix clairs, unemaîtrise des rythmesSi le frangin et le capitaine in-

versent la hiérarchie des causes, ils serejoignent sur leurs effets tactiques.«Comme il prend le temps de défen-dre, il accepte mieux les longs échan-ges et intègre naturellement plus devariétés, note son frère. J’ai l’impres-sion qu’il ne se dit plus jamais: «L’ad-versaire ne doit pas toucher cetteballe.» Du coup, il force moins, cons-truit son point et joue plus juste.»

L’utilisation du slice de revers estun des indices évidents de cette nou-velle maîtrise des rythmes. «MaisStan a toujours eu un bon slice,nuance Lüthi. Le coup s’est peut-êtreamélioré de 2-3%, pas plus. Par con-tre, il avait l’habitude de lutter contre

la panique en frappant fort. Or lesmeilleurs du monde sont de formida-bles défenseurs. Djokovic, Nadal ouMurray ne sont jamais aussi forts quequand ils contrent 50 cm derrière leurligne. Contre eux, il vaut mieux cal-mer un peu, les faire entrer dans leterrain avant de reprendre la main.»

Et Jonathan Wawrinka de suren-chérir: «Qui sur le circuit frappe plusfort que mon frère? Personne. Je croisqu’il a vraiment intégré ce formidableatout. Car il s’autorise maintenant àentrer dans un faux rythme avec laconviction qu’il peut accélérer à nou-veau et faire mal. C’est une évolutionénorme tant il n’aimait pas les varia-tions à ses débuts professionnels.»

4Un coup droitpris plus tôtDurant le Masters, Dimitri Za-

vialoff, le coach qui l’a accompagnéjusqu’au top 10, nous avait confié: «Ila atteint une telle assurance en coupdroit que celui qui va s’y frotter s’ex-pose à de très gros dangers.» Ce «sautde qualité» est-il à mettre au créditd’un ajustement technique? «Fran-chement, je ne vois rien de significatif,balaie son frère. Mais il prend la balleun peu plus tôt. Avec la confiance et laprécision du placement, cela lui per-met notamment de sortir l’adversaireloin dans la diagonale.»

Vérité géométrique, un gain de50 cm dans le terrain lors de l’impactpeut ouvrir l’angle du «coup possi-ble» de plusieurs mètres. Inestimableà très haut niveau. «Contre lesmeilleurs et leur couverture de ter-rain, prendre la balle tôt est essentiel,confirme le capitaine. Stan y parvientplus facilement. Il s’ouvre donc plusle terrain et le choix du long de lignedevient presque évident.»

5Un service plus varié,donc plus dangereuxDernier exemple de coup

contaminé par cet élan de justesse: leservice. «Comme dans le jeu, il forcemoins et ses choix sont plusjudicieux», résume JonathanWawrinka. «Sur le côté de l’égalité, ilmaîtrise maintenant très bien le slicecourt croisé alors qu’auparavant ilcherchait souvent l’ace au centre,développe Lüthi. Il accepte aussidavantage d’enlever de la vitessepour choisir par exemple un kicksortant. Cette variation augmenteson pourcentage et, surtout, elleoblige l’adversaire à protégerdifférentes zones. Ce dernier ne peutplus juste reculer ou décider decontrer une première à plat enavançant. De nouveau, cette paletteplus large est le fruit de ses progrèssur le plan mental.»

Au final, ses plus prochesobservateurs s’accordent à dire queStanislas Wawrinka a pris lescommandes de son jeu. S’il ne frappepas la balle différemment, il bougemieux et pense plus vite. Deuxrouages intimement connectés. Restepeut-être à savoir quel est le rôle jouépar Magnus Norman dans cetteévolution entamée bien avant leurcollaboration, en avril? Son frèreJonathan tient peut-être la formulequi résume tout. «A Melbournecontre Djoko, le match était tellementénorme qu’on se demandait ce queStan pouvait faire de mieux. Puis, àl’US Open, il lui a posé les mêmesproblèmes mais sans jamais surjouer.C’est la preuve que son niveau moyens’était considérablement élevé.Entre-temps, je pense que Magnusl’avait aidé à réaliser que sesambitions étaient justifiées.» x

Souplesse,sérénité,maîtrise des rythmes

En devenant plusvif, Wawrinka estdevenu plus serein,donc plus justedans ses choix.Tout est lié.Matthias Hauer/Epa/EQ_images

18 STAN LeMatinDimanche I 29DÉCEMBRE2013

Suisse de l’année

«Stan installe unfaux rythme avec laconviction qu’il peutaccélérer à nouveauet faire mal. C’est uneévolution énorme»

JONATHANWAWRINKASon frère, ancien joueur et coach