L'Esthétique Environnementale d'Allen Carlson

21/6/2015 L'esthtiqueenvironnementaled'AllenCarlson

http://www.uqtr.uquebec.ca/AE/Vol_6/Carlson/dumas.html 1/13

JeanPaulRIOPELLE,L'hommageRosaLuxemburg,1992(dtail)[*]

L'esthtiqueenvironnementaled'AllenCarlson.Cognitivismeetapprciationesthtiquedelanature

DenisDumas

Les travaux dAllen Carlson [1] comptent parmi les plus importants dans ledomaine de lesthtique environnementale, une discipline qui a connu un essorremarquable depuis la fin des annes quatrevingts. Carlson luimme dsignelensemble de sa thorie comme un naturalisme esthtique ou, plus prcisment,comme le natural environmental model . Je me propose ici de prsenter lesfondementsdecettethorieafindenmontrerlapertinenceetlintrt,toutautantpour lesthtiquephilosophique que pour la philosophie environnementale (I). Jediscuterai par la suite quelques objections possibles qui peuvent tre formulescontre cette position (II). Je conclurai (III) en esquissant quelques pistes derecherche qui pourraient tre explores par lesthtique de lenvironnement, lalumiredeladiscussioninspireparlesthsesdeCarlson.

I.LENATURALISMEESTHTIQUEDECARLSON

Depuis la seconde moiti du XXe sicle, lesthtique philosophique a largi laperspectivedesesrecherchesenseconcentrantnonplusuniquementsurlesuvresdartcommeelleavaiteutendancelefairedepuisleXIXesiclemaisaussisur lapprciation esthtiquedes objets et des environnements naturels, voire desenvironnementspartiellementouentirementfaonnsparlinterventionhumaine.[2]Le cas de lapprciation de la nature soulve de nombreuses questions, dontcelle de savoir, en premier lieu, sil sagit dun type radicalement diffrent delapprciationdesuvresdart.Estilncessairedlaborerunenouvelleesthtiquepour lacomprendre?Par la suite, il faut sedemander galementdequelle faondoit treconueuneontologiede lobjetesthtique (au sens largedu terme).tudiant lexprience esthtique vcue par le sujet, il importe aussi dvaluer lesrlesjousrespectivementparlesentimentetparlaconnaissancedansleprocessusdelapprciationdesobjetsnaturels.Finalement,uneesthtiquedelenvironnementpeutellecomplterunethiquedelenvironnement?Dequellefaon,surquellesbases?

Cest principalement dans le monde philosophique angloamricain que cesquestions ont t dbattues rcemment. [3]Les nombreuses publications dAllenCarlsonnousoffrentloccasiondelesexaminersousunangleoriginaletdeprendreconnaissance,traverslensembledesthoriesauxquellesilserfrefrquemment,de ltat de la recherche dans ce domaine. Linterprtation que je prsenterai iciconstitueenquelquesorteunemiseenformesynthtiquedesthsesdeCarlsonsurlesthtiquedelanature,laissantdectsesrflexionssurlesthtiquedesuvres



dartetdesobjetscomposites(architectureet jardins),quimriteraientellesaussiunetudesystmatique.

La premire partie de cette prsentation sera consacre aux fondements et auxarticulations internes du modle esthtique de Carlson. En second lieu, unetypologie des principaux modles disponibles en esthtique de lenvironnementnous permettra de situer celui de Carlson dans un ensemble plus vaste et denmieuxsaisir,parvoiedecontraste,lescaractresspcifiques.Troisimement,nousverronsenquoiconsisteconcrtementlapprciationesthtiquetellequelaconoitcemodle.

1.1LesfondementsdelesthtiquecognitivistedeCarlson

Dentrede jeu, il importedementionner la thse fondamentaledeCarlson,dontles dveloppements suivants seront une explication dtaille : lapprciationesthtique des objets et des environnements naturels repose sur une conditionncessaire,soitlaconnaissancequenousenprocurentlessciencesdelanature.

LepremierchoixmthodologiquedeCarlsonquiluipermettradtayercettethseconsiste orienter lesthtique non pas vers le sujet de lexprience (cest uneoption possible), mais plutt vers son objet. On le voit aisment, cette premireorientation aura des consquences sur lensemble des considrations ultrieures.Dentre de jeu, unmodle dinspiration kantienne est cart par ce choix et demanire plus gnrale, ce sont toutes les esthtiques subjectivistes et tendancerelativistequisetrouventcartes.

LeconceptcentraldelesthtiquedeCarlsonestceluidelapprciationesthtique(aestheticappreciation).Toutletravaildelarflexionphilosophiqueconsistealors lucider ce phnomne. Carlson prsuppose en premier lieu que lapprciationesthtique prsente une structure unique et un certain nombre de composantesfondamentales, peu importe que son objet soit naturel ou produit par lart. Ladfinitiongnraledelapprciationesthtiqueemprunteradonc,enpremierlieu,lechemin en quelque sorteminimaliste qui consiste en rechercher les conditionsncessairessaracine.Laquestionsetraduitalorsdanslestermesdescritresdepertinence(criteriasofrelevance)etelleestposeensuivantlorientationobjectivede lesthtique, que nous voquions plus haut : questce que lexprienceesthtiquedoit nous livrerde sonobjet pour trepossible ?En rpondant cettequestion,Carlsonfranchiticiunautrepasimportantenoptantpouruneesthtiquecognitiviste : cequi estpertinentpourque soit possible lapprciation esthtique,cest une connaissance de deux ordres. [4] Le sujet doit connatre la nature delobjet, ainsi que lhistoire de sa production. Lapproche cognitiviste est doncfondesurunprsupposnormatifdeforteenvergure:elleexigedelapprciationesthtiquenonseulementunesimpleexpriencesensibledesonobjetmaisenplus,une connaissance objective de ce quil est et de la faon dont il a t produit.Notonsquauplanterminologique,lechoixduconceptdapprciation(etnonpasdexprience)nestpeuttrepastrangerloptioncognitivisteprivilgieici.

Troiscatgoriesdobjetsesthtiques[5]peuventtredistingues:lesuvresdart(entirementproduitesparleshumains),lesobjetsnaturels(quenousdcouvrons)et entre les deux, les objets fonctionnels qui participent de ces deux groupes(commeparexemplelesjardins,certainspaysages,difices,etc.).

Noustraiteronsrapidementlecasdesuvresetdesobjetsfonctionnels.Disonsenpremier lieu que lapprciation esthtique dune uvre, par exemple un tableau,



exigedusujetquilenconnaisselanatureetlagense(quelcourantilserattache,quel en est lauteur, quelles en sont les particularits, etc.), ces connaissances luitant fournies par lhistoire de lart et par la critique. dfaut de fonder sonapprciation sur de telles connaissancesobjectives, comme ce serait le cas dunepersonne qui manque la culture ncessaire ou dune autre qui se base sur defausses informations, le sujet ne pourra accder lapprciation esthtique de cetableau, ce qui revient dire quil ne pourra formuler son sujet des jugementsesthtiques susceptibles dtre universellement vrais. Le cas des objetsfonctionnels diffre des deux autres car ici, ce nest pas tant de la nature et delhistoirede laproductionquil fautsenqurir,maisde la fonctionellemme, etplusprcismentdelaconformitdelobjetsafonctionconcrte,pourlapprcieresthtiquement.[6]

Pourrevenirlastructurecommuneauxapprciationsdesuvresetdelanature,disonsquedanslesdeuxcaslecritredepertinenceimposelaconnaissancedelanaturedelobjetcommetel,toutcommecelledelhistoiredesaproduction.cepoint de llaboration du modle gnral de son esthtique (dont nous venonsdexposer le fondement), Carlson soutiendra avec raison quil faut traiterdiffremment les deux grandes catgories dobjet. En effet, la connaissanceobjectivequerequiertleurapprciationdevraprovenirdesourcesdiffrentes.Pourlesuvres dart, commenous lavonsvu, cest dans lhistoire de lart et dans lacritique que nous trouverons les connaissances ncessaires une apprciationsusceptibledevrit,cettedernireprenant laformeduneesthtiquecritique.LathoriedeCarlsonprsentedoncunvisagedoublementnormatif :non seulementlapprciation esthtique exigetelle certaines connaissances pralables mais desurcrot,elleculminedansunjugementcritiquesurlaqualitdesuvresdontnousfaisonslexprience.[7]

Enpassantmaintenantductdelesthtiquedelanature,nousavonsaffairedesobjetsquinesontpasleproduitdelarthumainetCarlsonrefuseraaussi,commecest presque toujours le cas en esthtique contemporaine, dassimiler lesproductionsnaturellesauschmedelartonnepeutconcevoirlanatureagissantcommeuneartisteoucommeluvredunartistedivin,neseraitcequenvertudelhypothquethologiqueetmtaphysiquequunetelleprmisseimposelathorieesthtique.[8]Parconsquent,lapprciationesthtiquedelanaturesefonderasurdes connaissances que lui procurent les sciences naturelles afin de savoir ce quesontsesobjetsetcomment ils furentproduits.Ayantlimin lemodleartistiquepour ce qui est des produits de la nature, Carlson en dduit que ces derniers nepeuvent susciter un jugement esthtique ngatif. En dautres termes, lesconnaissancesquipermettentuneapprciationcorrectedelanaturenousinspirentforcment une apprciation esthtique positive de lordre naturel. lesthtiquecritiquedontrsultelapprciationdesuvresdartsoppose lesthtiquepositivequi merge de lapprciation de la nature. Il faut en conclure, nous dit Carlson,quaux yeux du sujet possdant les connaissances requises, tout est beau dans lanature.[9]

1.2Lenaturalismeesthtiquefaceauxpositionsconcurrentes

Passantmaintenantuneperspectivepluslarge,ilserautiledesituerlenaturalismeesthtiquedeCarlsonparmilensembledesprincipalesthoriescontemporainesenesthtiquedelanature.[10]

Il est possible dtablir une typologie des modles disponibles en choisissantcomme fil conducteur les diffrentes faons dont ces derniers rpondent la



questionducritredepertinence.Selon les lmentsconsidrscommetantdesconditions ncessaires lapprciation esthtique de la nature, quatre modlespeuvent tre distingus : le purisme, le naturalisme esthtique, le pluralismecultureletlepostmodernisme.

Enallantdusimpleaucomplexe,chacunedesquatrethoriesrpondsafaonaucritre de pertinence en considrant les lments ncessaires lapprciationesthtique de la nature. Le purisme, un modle qui sapproche du formalismetraditionnelenesthtique,nerequiertquelaconsidrationdesqualitsformellesdelobjetpourfondercetteapprciationdanscetteperspective,ilsuffitparexempledadmirer les formes et couleurs dunpaysagepour en apprcier la beaut.Cetteconception de lesthtique est particulirement favorable non seulement auformalismemaisaussilattitudeduspectateurdsintressquifaitfacelobjetesthtique. [11]Carlson luimme, commenous lavonsvu, propose en secondlieu une thorie dunaturalisme esthtique qui affirme la ncessit dajouter laconsidrationformelledesobjetsnaturelsuneconnaissancescientifiquedecequilssontetdelafaondontilsfurentproduitsparlanature:seulcefondementcognitifpermetdeformulerunjugementesthtiquedontluniversalitpeuttredfendueauseindudiscoursargument.En troisime lieu, les thoriesdupluralisme culturelconsidrent que les lments culturels relis aux objets naturels sont galementpertinents lapprciation esthtique de ces derniers pensons par exemple linfluence que peut avoir sur notre exprience esthtique le fait quun paysagedonnaitt reprsentdansun tableauclbre,quil ait t le lieuduneguerreayantmarqulhistoire,quilsoitassociauxanciennespratiquesreligieusesdunpeuple autochtoneouquon y ait tourn une scne dun film connu. Finalement,unequatrimeoptionquipeuttrequalifiedepostmodernismenousditquenotreexprience esthtique peut tre grandement colore non seulement par desrfrences culturelles mais aussi par des liens aux vnements biographiquespropreslindividualitdusujet(parexemplelefaitdavoirdjvisitunendroitlorsdunvoyageetdassociersessouvenirspersonnelssonexprienceesthtiquedecetenvironnementnaturel).Nousvoilparvenuslautreextrmitduspectre:lepurismeneconsidraitcommepertinentesquelesqualitsformellesdelobjetdelapprciation esthtique, tandis que le postmodernismemne en quelque sort aurelativisme complet puisquil permet dinclure tout lment significatif qui entredanslaconstructiondelexprienceesthtiqueindividuelle.

Cette squence distingue donc quatre modles thoriques selon ce quilsconsidrentessentiellapprciationesthtiquedelanature(etquiconstitueleursrponsesrespectiveslaquestionducritredepertinence).LapositiondeCarlsonapparat,danscecontexte,avecuneplusgrandeprcisioncarnouspouvonsnoternon seulement quelle ajoute la connaissance scientifique aux considrationsformelles lobjet naturel pour constituer lapprciation esthtique, mais quelleexclut dautre part de cette apprciation tous les facteurs culturels et toutes lesrfrences arbitraires aux lments proprement subjectifs ou biographiques,purementcontingents.

Cest donc dire que Carlson choisit de rpondre la question du critre depertinence, comme nous lindiquions plus haut, de faon minimaliste : il nenacceptequelesconditionsncessairesetrejettelesautresdimensionsquipourraientsy ajouter de manire contingente, en prenant pour le sujet individuel unesignification pourtant bien relle. Sans aucun doute, comme le reconnat aussiCarlson,monexprience esthtiquedunpaysage seramodifie par le fait que jelassocieparailleursuntableauclbreouunsouvenirpersonnel.Maisausensstrict, lapprciation esthtique doit culminer dans un jugement universellement



vrai, lequel repose sur des connaissances scientifiques qui me permettraientdexpliquer,parexemple,commentdiversvnementsgologiquesontcontribuproduire cette magnifique plaine qui stale maintenant devant moi. Nousreviendrons, dans la deuxime partie, sur les objections que peut soulever un telchoixmthodologique.

Avant de terminer cette premire partie, il importe de prciser comment laconnaissance scientifique peut fonder lapprciation esthtique. Nous avons vujusquiciqueCarlsonfaitdecetteconnaissance, tiredessciencesnaturelles,uneconditionsinequanondecetteapprciation.Maiscettedernire,enellemme,estpourtant esthtique. Comment sopre le passage de la connaissance lapprciation?

1.3Dessciencesnaturelleslapprciationesthtique

Il faut connatre la nature ainsi que lhistoire de la production dune formationgologique,avanttoutechose,pourquuneapprciationesthtiqueensoitpossible.Lepassagedecesconnaissancesaujugementesthtiquesexplique,selonCarlson,par une double voie : dune part, la connaissance scientifique est par ellemmeesthtiquement plaisante. [12]Mais pour lessentiel, louverture sur la dimensionesthtiquedelexprienceestrenduepossibleparlefaitquecesconnaissancesnouspermettent dapprcier pour ce quelles sont les diverses facettes de cet objetnaturelou,endautrestermes,denapprcierlordre,cestdirelesproprits,qualitsetvaleursintrinsquesencontemplantparexempleunpaysagemagnifique.Lorientation objective de lesthtique que privilgie Carlson a donc aussi pourcorollaire la thse selon laquelle lapprciation esthtique porte sur des qualitsinhrenteslobjetou,endautrestermes,indpendantesdusujet.

Pourdirelammechoseenempruntantlaterminologiekantienne,Carlsonconoitle jugementesthtiquecommeun jugementdterminant. [13] Il faut disposer descatgories appropries (ce sont justement celles que nous procurent les sciencesnaturelles) pour tre en mesure dapprcier les qualits esthtiques dun objetnaturel.Etcetteapprciationculmineradansdesjugementsvraisoufaux,toujourspositifsdansledomainedelesthtiquedelanature,quiappellerontlassentimentuniversel.Commenous lavonsvuprcdemment, le jugementesthtiqueportantsurlesuvresdartpourraquantluitrecritique(positifoungatiflgarddeluvre) mais il aura en commun avec lapprciation de la nature le fait dtrefondsur lescatgoriesappropriesetdesaisiradquatementcequest lobjetenquestion et comment il fut produit, de telle sorte quil en appellera lui aussi laccorddesautressujets.

II.REMARQUESCRITIQUES

La thorie cognitiviste dAllen Carlson prsente lavantage certain de mettre enlumire lapport des connaissances lapprciation esthtique. Examinonsmaintenantquelquesunesdesquestionsquellesoulve.Jenmentionneraitroisouplusprcismenttroisthmesauxquelspeutsegrefferunensembledinterrogations: 1) le rapport entre la connaissance et lesthtique 2) le statut de lexprienceesthtiqueengnral3)lelienentrelesthtiqueetlthiquedelenvironnement.

2.1Delaconnaissancelapprciationesthtique

Je formulerai brivement trois objections contre la thse voulant que laconnaissance scientifique soituneconditionncessaire lapprciationesthtique



desobjetsnaturels.[14]

En premier lieu, cette thse implique du point de vue historique quavantlavnement de la science moderne (celle qui nous procure les catgoriesappropriespourlexplicationdesobjetsnaturels),iltaitimpossibleauxhumainsdeparvenirunevritableapprciationesthtiquedelanature.Etilfaudraitajouterqueltatforcmentimparfaitdenotrescienceactuellenousinterditencore,biendes gards, de prtendre latteinte dune telle apprciation. Cette consquencedcoulantdelathoriedeCarlsonparatracontreintuitiveetfortaudacieuse,voirepeu dsirable aux yeux de plusieurs. Son caractre extrmement limitatif ne doittoutefois pas nous interdire den saisir la vrit possible. Si lapprciationesthtiquedevait effectivement tre comprise comme nous le suggre Carlson, ilfaudraitaussienaccepterlesconsquences.Cestdoncdirequecetteobjectionnepeutelleseulerfuterlenaturalenvironmentalmodelpuisqueaufond,elle doittrevaluelalumireduneautrequestion,plusfondamentale,laquelleportesurlestatutdeconditionncessaireaccordlaconnaissancescientifiquelgarddelesthtiquedelanature.

Ensecondlieu,ilsembleyavoirunpassagedifficileoprerlorsquelontentedesaisiravecprcisiondequellefaonlaconnaissance(domainecognitif)conduitlapprciation (domaine esthtique). Largument qui sinspire des qualitsesthtiquesdes thories scientifiquesnest pas trs convaincant et nouspourrionsajouterquilmnedesconsquencesparadoxales. [15]Largument qui invoqueles qualits esthtiques inhrentes lobjet me semble le plus important chezCarlson. Pourtant, la connaissance scientifique nest au fond quune condition,certesncessairemaisforcmentpralable,quipeutrendrepossiblelapprciationesthtique.De cette dernire, nous savons finalement peu de choses.Quel rle yjouent le sentiment, lexprience commune du monde, la sensibilit pourtantessentiellelesthtique?Etsurtout,questcequimnelapprciationesthtiquecommetelle,partirdesconnaissancesscientifiquesjointeslexpriencesensible?

Troisimement,unproblmeontologiqueservlelorsquelonconsidrelefaitquelasphredesobjetsetdesenvironnementspurementnaturelsdiminueconstammentaucoursdelhistoire,enraisondelimpactgrandissantdelinterventionhumainesurlesespacesditsnaturels.Mmelesenvironnementsapparemmentnaturelssontsouventdesproduitscomposites,parcequelinterventionhumaineaconsistlesprserverdansleurtatoriginel.Notreapprciationesthtiquedunparcnaturelqui a t protg en vertu dune politique de conservation, par exemple, estinsparable du plaisir que nous prouvons savoir que nous avons eucollectivement la sagesseden reconnatre la valeur et denepas laltrer : par langative,ilsagitenquelquesortedunproduitdelactionhumaine.Laconscienceducontrasteentre lesenvironnementsnaturelsetceuxqui furentmodifisouconstruitsparleshumainsfaitpartiedenotreapprciationesthtiquedelanature.Cetteconscienceestdailleursunphnomnetypiquementmodernecurieusement,elleapourconditionlamatriseetlatransformationsystmatiquedelanaturequifurent rendues possibles par la science et la technique modernes, jointes lexplosiondmographiquedelhumanit.

Cetteobjectionmetenlumireladifficultdassurerunfondementontologiquelapprciation esthtiquede la nature, comme lesthtique cognitiviste tente de lefaire.

2.2Lestatutdelexprienceesthtique



Il faut donc sinterroger sur le bienfond du cognitivisme adopt par Carlson etsurtout,surlancessitpourlapprciationesthtiquedesefondersurlessciencesnaturelles. [16]Lon pourra aisment concder Carlson,me sembletil, que laconnaissance scientifique peut enrichir grandement lexprience esthtique. Lavritable question dbattre est plutt celle de savoir si la connaissancescientifique,et elle seule, doit tre considre comme une condition ncessaire lapprciationesthtiquede lanature.Cette question rejoint celle de la dfinitionmme de lapprciation esthtique. Si lon dfinit cette dernire comme tantncessairementdirigeversunechosetellequelleestselonsanatureetenvertudelhistoiredesaproduction,lalumiredelaconnaissancequenousenpossdons,nous concdons au cognitivisme de Carlson sa prmisse fondamentale.Pourquoiallerdanscettedirection?Commenouslavonsvuencomparantcettepositionauxautresthoriescontemporaines,ellenousoffrecerteslavantagenonngligeabledeprserver luniversalit de lapprciation esthtique en la fondant sur desconnaissancesrationnellesetenexcluantdesaconstitution,dautrepart,toutcequipourraitlentranerverslerelativisme(cultureletindividuel).

UneobjectionsrieuseconsisteraitdirequelathoriedeCarlsonmetenlumireune forme dapprciation esthtique tout fait relle mais quelle en exclutplusieurs autres, tort. Parmi ces dernires, comme nous le suggrent les troisautres modles dcrits plus haut, se trouvent des types dexprience esthtiquepurement formels, ainsi que ceux o sajoutent des rfrences culturelles ouindividuelles lapprciationde lanature. Il estvraiqueplusieursde ces formesentranent lapprciation esthtique vers le relativisme le pluralisme culturel,toutefois, semblerait chapper en grande partie cette objection. [17] Maispourquoiaujustelarelativitdesexpriencesesthtiquesdevraitelletrelimine?Endernireanalyse,ilmesemblequechezCarlsonlarponsecettequestionsetrouvedanslestatutvritatifaccordaujugementquimanedecetteapprciation:ilestdslorsplausibledenprserverlaprtentionluniversalit,pourautantquelon tienne en maintenir au plan pistmologique le statut de jugement deconnaissance ou, en termes kantiens, de jugement dterminant susceptible dtrevraioufaux.

LobjectioncentraleadresseCarlsonviseraitparconsquentcetteprmisse.Ellesoutiendrait que lexprience esthtique doit tre comprise comme tantessentiellementsubjectiveetlibredetouteattachedesconnaissancesscientifiquespuisquendfinitive,elleculminedansunjugementdegotquinestpasassujettiauxmmesexigencesquelejugementdeconnaissance.Nousyreviendronsdansladernirepartiedecetarticle.

2.3Esthtiqueetthiquedelenvironnement

La philosophie environnementale pose nouveaux frais la question classique durapportentrelthiqueetlesthtique.Cestdabordsouslaformedunethiquedelenvironnement que cette philosophie a pris forme depuis un peu plus dunetrentaine dannes. [18] Plusieurs de ses reprsentants ont avanc lide selonlaquelle,auplanontologique,nousdevonsabandonner lanthropocentrisme qui aanim la pense occidentale depuis ses dbuts (pensons la religion judochrtienne et la philosophie grecque) pour ensuite tablir, au plan thique, unerelation de rciprocit ou de respectmutuel entre les humains et lensemble destres naturels. [19] Le nonanthropocentrisme, dabord fond au niveauontologique,permetdoncde justifier lextensionnisme thique qui accorde touslestresnaturels le statutdesujetsmorauxet lgaux, faisantde ltrehumainun



membre parmi les autres de la communaut biosphrique. Voil en gros lesprmissessurlesquellessefondelcologieprofonde(DeepEcology)quisoppose lcologie superficielle (Shallow Ecology), laquelle refuse cette remise enquestiondelaprioritontologiqueetthiquedelhumanit.[20]

tort ou raison, cest le nonanthropocentrisme qui a suscit le plus grandenthousiasme en thique de lenvironnement jusqu maintenant. Les avancesquil inspire du ct de lesthtique chercheront combiner ses prmissesontologiques et thiques avec une conception de lapprciation de la nature quinouspermettedenrichirlafiguredudcentrementdeltrehumain:auxqualitsthiquesdestresetdesenvironnementsnaturelsviendrontsajouterleursqualitsesthtiques, lesquelles nous procurent en quelque sorte une motivationsupplmentaire les protger et les prserver. Cest donc dire que dans laperspective largie dune philosophie environnementale, la question du rapportentre lthique et lesthtique se pose dans les termes dun arrimage ou dunecomplmentarit.

AllenCarlsonsouscritaumodlenonanthropocentriste[21]etparlefaitmme,lextensionnisme thique. Son esthtique de la nature, comme il le soutient luimme,visecontribuerunephilosophieenvironnementaledecetypeenmontrantquenous apprcions les qualits objectives, inhrentes aux objets naturels, cellesqui leur confrent en quelque sorte une dignit laquelle nous devons vouer unrespectappropri.

Lorientation objective de son esthtique favorise grandement le parti pris nonanthropocentristedontilserclame.Cependant,lelienquilsouhaitetablirentrelesthtique et lthique reste clarifier puisquil lui faudrait encore tablirprcisment en quoi lapprciation esthtique peut fonder lobligation thique durespectdeshumainsenverslanature.Deplus,lenonanthropocentrismefaitfacedesproblmesconsidrablespuisquildoitjustifierlesqualitsetvaleursinhrentesou intrinsques aux objets et environnements naturels, en vertu desquelles cesderniersmriteraientunereconnaissancemorale.

III. ENTRE LA CONNAISSANCE ET LE SENTIMENT : POUR UNEESTHTIQUESUBJECTIVISTE

La discussion propose ici des thses dAllen Carlson nous a permis den saisirlintrtmanifeste:ilsagitduneversionforteducognitivismeesthtiqueetparmisesmrites,ilfautassurmentcompterlefaitquelleassureaujugementesthtiqueuneuniversalitancredanslaconnaissanceobjective.Nousavonsvu,dautrepart,que des difficults inhrentes cette thorie peuvent rvler la ncessit de tenircomptedesautresformesdexpriencesesthtiques,cellesquirelventpluttdelasphresubjectiveetqueCarlsonrefusedintgrerlesthtiquedelanatureparcequelles correspondent au formalisme, au pluralisme culturel ou aupostmodernisme.

Lastratgielaplusprometteuse,mesembletil,consisteraitlargirlaperspectiveouverteparCarlsonafindamnagercesdiffrentesformesauseindunetypologiedes diffrentes expriences esthtiques, ce qui permettrait den reconnatre lalgitimit toutenprservantdautrepartceque lecognitivismemeten lumirejustetitre.

Il nestpas certainque linclusiondes rfrences culturelles entrane le jugementesthtiquevers le relativisme.Mon exprience esthtique face un paysage peut



tre partage et communique autrui sans difficult mme si elle associe cetenvironnementnatureldesuvresartistiquesoulittrairesquisontaccessiblestous.En fait,onpeutmmetablir iciunparallleavec la rfrenceaux thoriesscientifiques, laquelle ne constitue assurment pas un obstacle luniversalit delapprciationesthtique.Onpourraitmmeaffirmerquelinclusiondesrfrencesculturelles contribue souvent au partage des expriences esthtiques puisquellesuscite chez lautre un intrt mdiatis par un horizon commun. Finalement,jajouterais un dernier argument en faveur de la thorie que Carlson appelle lepluralismeculturel:dansbiendescas,ilestpresqueimpossibledenepasassocierlapprciation esthtique de la nature des lments culturels ou historiques, moins de se contraindre les mettre entre parenthses par une sorte desthtique qui fait violence lexprience intuitive. Pourrionsnous admirer cettemontagneclbresanspensertousceuxquienonttentlascension?Pourrionsnous admirer ce paysage magnifique qui stale devant nous sans penser unebatailleclbrequisydroulaitilyadeuxsicles?Estilpossibledecontemplercepaysageenmettantdectuntableaubienconnuquinouslereprsente?

Le cas des rfrences aux expriences individuelles est plus dlicat. premirevue, il semble plausible daffirmer quelles font basculer le jugement esthtiquedanslerelativisme,ouvrantainsilaporteuneversionpostmodernedelesthtiqueselonlaquelletouteconstructionsubjectivedelexpriencedelanatureestvalablesans gard sa prtention luniversalit.Mais y regarder de plus prs, cetteobjectioncontrelerelativismepostmodernenestpeuttrepasconvaincante.Silon analyse non pas seulement le contenu du jugement esthtique comme tel(lequel est videmment relatif mon individualit sil contient des rfrencesconcrtes mon exprience personnelle) mais aussi la place que ce jugementoccupedanslensembledelexprienceesthtiqueausenslarge,ilsepeutquuneapprciationesthtiquedecetypesoitparfaitementsusceptibledtreuniversaliseet communique aux autres subjectivits. Nous vivons dailleurs ce partage travers les reprsentations de lexprience que nous offrent les romans, lesbiographies, les tableaux, les chansons, la posie : il peut fort bien tre questiondun vnement tout fait contingent, associ une exprience esthtiqueparticuliredelanature,maisjesuistoutdemmeenmesuredesaisirdanscettereprsentationunedimensionuniverselleetdelappliquermapropreapprciationesthtique de la nature. [22] Le jugement esthtique na pas tre formulsimplementsouslaformeSestPsi,enplusdaffirmercelacestmagnifique,jefaislercitdessouvenirsdenfancequejyassocieetquiontmarqumavie,rien nempche une autre subjectivit davoir accs la signification universellequecontientvirtuellementcetteexprience.[23]Encesens,ilnestpasncessairedappelerpostmoderneetrelativistetoutethoriedelexprienceesthtiquequireconnatlapertinencedeslmentssubjectifsetindividuels.

Pour conclure, jaimerais brivement aborder la question du rapport entrelesthtique et lthique de lenvironnement. Une esthtique oriente vers ladimension subjective de lexprience peut, elle aussi, favoriser linclusion delesthtiquedelanaturedansunethoriequiplaideenfaveurdelaprotectionetdela prservation des environnements naturels. Cette conception de lesthtiquedevraitreposernonpassur lenonanthropocentrismeadoptpar laDeepEcologymaispluttsuruneversionpostmtaphysiqueouhumanistedelanthropocentrisme,laquelleconsisterejeterlaprioritontologiquequelanthropocentrismeclassiqueaccordait ltre humain pour maintenir uniquement sa priorit thique. Il enrsulte un ensemble de devoirs indirects envers la nature qui peuvent treadquatement formuls par le principe de prcaution. [24] Lesthtique vientcompltercet impratifprudentiel,pragmatique,enajoutantundevoir indirectde



respect que les humains doivent manifester lgard de la valeur esthtique dumondenaturel ce respect,envertude laprmissehumanistevoqueplushaut,peut tre interprt comme lexpression dun respect de soimme que ltrehumain prouve loccasion de son apprciation esthtique de la nature.Dinspiration kantienne [25] (sans toutefois suivre le kantisme de manireorthodoxe),cetteesthtiquedurespectrenforcelepotentielnormatifdunethiquede lenvironnement en ajoutant aux motifs pragmatiques ou prudentiels unedimension subjective qui rejoint sa faon, certaines intuitions de lcologieprofonde sans toutefois tomber dans les apories inhrentes au nonanthropocentrisme.Elleprsentedautrepart lavantagedenepas tre confronteauxproblmesontologiquesqui affectent lemodleobjectiviste,commenous lesvoquionsplus haut: une esthtiquedu respect de lenvironnement peut fort biensaccommoderducaractreconstruitdesenvironnementsnaturelsetellepeutgalement sappliquer aux environnements composites et proprement urbains o,mutatismutandis, le respect de la valeur esthtique nous fournit une motivationsemblableprotgeretprservercequipossdenosyeuxunevaleuresthtiqueausenslarge.[26]

***

La thorie esthtique dAllen Carlson, pour sa part, prsente une version ducognitivismeorienteverslobjetesthtique.Lintrtgrandissantquellecontinuedesusciterreposedabordetavanttout,mesembletil,surlaforcedesonpouvoirexplicatif : elle rend compte dune potentialit de lexprience esthtique quidpasse le cadre traditionnel dans lequel la tradition philosophique rcente laenferme,soitceluiduformalisme.Elleouvregalementlavoieunlargissementdelathorieesthtiquequiviseenmontrerlapertinencepour laphilosophiedelenvironnement.Lesdiscussionscritiquesquellenemanquepasdeprovoquer,ycompris celles qui furent prsentes ici, tmoignent de sa pertinence indniable.Elle doit tre considre, mon avis, comme lune des contributions les plusremarquableslesthtiqueenvironnementale.

[1].OntrouveraplusieursdestravauxrcentsdAllenCarlsondanssonouvrageAestheticsandtheEnvironment.TheAppreciationofNature,ArtandArchitecture,London,Routledge,2000.Voirgalement,dummeauteur:AestheticAppreciationofNature,inE.Craig(dir.),TheRoutledgeEncyclopedia of Philosophy, London, Routledge, 1998, vol. 6, 731735 Aesthetics andEngagement , in British Journal of Aesthetics 33 (1993), 220227 An Overview ofEnvironmentalAesthetics,inBerysGaut/DominicLopes(dir.),TheRoutledgeCompanion toAesthetics,London,Routledge,2000AppreciatingGodlovitch,inJournalofAestheticsandArtCriticism 55 (1997), 5557 Beyond the Aesthetic , in Journal of Aesthetics and ArtCriticism 52 (1994), 239241 Contemporary Aesthetics of Nature , in M. Kelly (dir.),EncyclopediaofAesthetics,NewYork,OxfordUniversityPress,1998,vol.3,346349CriticalNoticeofZiff,Antiaesthetics,AnAppreciationoftheCowwiththeSubtileNose,inCanadianJournalofPhilosophy17(1987),919934EnvironmentalAesthetics,inD.Cooper(dir.),ACompaniontoAesthetics,Oxford,BasilBlackwell,1992InteractionsbetweenArtandNature:EnvironmentalArt,inPeterMcCormick(dir.),TheReasonsofArt:LArtasesraisons,Ottawa,PressesdelUniversitdOttawa,1985,222231LandscapeAssessment, inM.Kelly(dir.),EncyclopediaofAesthetics,NewYork,OxfordUniversityPress,1998,tome3,102105Nature,AestheticAppreciation,andKnowledge,inJournalofAestheticsandArtCriticism53(1995),393400OnthePossibilityofQuantifyingScenicBeauty,inLandscapePlanning4(1977),131172 On theTheoreticalVacuum inLandscapeAssessment , inLandscape Journal 12(1993),5156 RecentLandscapeAssessmentResearch, inM.Kelly (dir.),EncyclopediaofAesthetics, New York, Oxford University Press, 1998, vol. 3, 102105 Reconsidering theAestheticsofArchitecture,inTheJournalofAestheticEducation20(1986),2127SaitoontheCorrectAestheticAppreciationofNature,inJournalofAestheticEducation20(1986),8593 WhoseVision?WhoseMeanings?WhoseValues? Pluralism andObjectivity in Landscape



Analysis,inP.Groth(dir.),Vision,Culture,andLandscape.TheBerkeleySymposiumonCulturalLandscape Interpretation, Berkeley, Department of Landscape Architecture, University ofCalifornia A.Carlson /G. Parsons, CriticalNotice ofZemach,RealBeauty , inCanadianJournalofPhilosophy29(1999),635654.

[2].RonaldW.Hepburn amarqu ce tournant de lesthtiquevers les objets naturels dans sonclbre article Contemporary Aesthetics and the Neglect of Natural Beauty , in BernardWilliams/AlanMontefiore(dir.),BritishAnalyticalPhilosophy,London,Routledge andKeganPaul, 1966, 285310. Voir aussi, ce sujet, lexcellent article dA. Carlson sur lhistoire delesthtiquedelanature:AnOverviewofEnvironmentalAesthetics,inBerysGaut/DominicLopes(dir.),TheRoutledgeCompaniontoAesthetics,London,Routledge,2000.

[3] . On pourra consulter, du ct francophone et germanophone : Dominic Bourg (dir.), Lessentimentsdelanature,Paris,LaDcouverte,1993RobertDelort/FranoisWalter,Histoiredelenvironnementeuropen,Paris,PressesUniversitairesdeFrance,2001NicoleMatthieu,/MarcelJolivet(dir.),Dururallenvironnement.Laquestiondelanatureaujourdhui,Paris,lHarmattan,1989GernotBhme,FreinekologischeNatursthetik,FrankfurtamMain,Suhrkamp,1989RuthGroh,Weltbild undNaturaneignung.ZurKulturgeschichte derNatur, Frankfurt amMain,Suhrkamp, 1991, 21996 Martin Seel,Eine sthetik der Natur, Frankfurt amMain, Suhrkamp,1991.

[4] . Sur ce principe fondamental chez Allen Carlson, voir par exemple Aesthetics and theEnvironment,49ss.,87ss.,133ss.

[5].A.Carlson,AestheticsandtheEnvironment,133137.

[6].Jemelimiteraicettebrveindicationencequiconcernelesobjetsfonctionnels.OnpourraconsulterlesanalysesnuancesdeCarlson(AestheticsandtheEnvironment),parexempleausujetdelarchitecture(p.194215),desjardins(p.164174)etdespaysagesruraux(p.175193).

[7].Cf.A.Carlson,AestheticsandtheEnvironment,91.Sansaucundoute,lapositionnormativedfendueparCarlsondanssonesthtiquedesuvresdartnemanquepas de soulever biendesquestions,parexemplecelledesonapplicationlartactuelolechoixdescatgoriesapproprieset lobjectivit des jugements posent des problmes considrables, puisque la rflexion sur cesparamtresetbiensr leurcontestationconstituesouventunecomposante intrinsquedesprocessus de cration impliqus. Il faut cependant concder Carlson que labandon de toutjugementnormatifdansledomainedelartnesemblepasuneperspectiveviable.

[8].VoircesujetA.Carlson,AestheticsandtheEnvironment,8184.

[9].A.Carlson,AestheticsandtheEnvironment,126.

[10].JadopteicilaclassificationfortclairanteproposeparAllenCarlsonlorsduneconfrenceprsente le 9 novembre 2000 lUniversit dOttawa (Aesthetic Appreciation of OurEnvironments.PurismorPostmodernism?).Pourviterdemultiplierlesdistinctions, je laisseraide ct les analyses dtailles et les autres synthses des thories contemporaines en esthtiquequilpropose(voirparexempleAestheticsandtheEnvironment,515).

[11].Ilestmalheureusementimpossiblederendrecompteicidesnombreusesprcisions fourniesparCarlsonausujetdelvolutionhistoriquedesdiffrentsmodlesenesthtiqueetenparticulier,des avances thoriques qui furent rendues possible grce aux dbats des dernires dcenniestouchantlesconceptsdedisinterestednessetdepicturesque.Voirce sujetA.Carlson,AestheticsandtheEnvironment,3ss.,42ss.Id.,AnOverviewofEnvironmentalAesthetics,inBerysGaut/DominicLopes(dir.),TheRoutledgeCompaniontoAesthetics,London,Routledge,2000.

[12].proposdescaractristiquesinhrentesauxthoriesscientifiquesquisuggrentunpassagedelaconnaissancelapprciationesthtique,voirA.Carlson,AestheticsandtheEnvironment,93( these qualities that make the world seem comprehensible to us are also those that we findaesthetically good), 94 (our science creates categories of nature in part in light of aestheticgoodness and in so doingmakes the natural world appear aesthetically good to us ), 121 (althoughsuchstoriesareinonesensenonaesthetic,inanothersensetheyareexceedinglyaesthetic.They illuminatenatureasorderedand indoing sogive itmeaning, significance, andbeauty



qualitiesthatthosewhocreatethestoriesfindaestheticallyappealing).

[13] . Voir la distinction tablie par Kant entre les jugements dterminants et les jugementsrflchissantsdanssaKritikderUrteilskraft,Ak.A.V,179180(fr.Critiquedelafacultdejuger,trad.A.Philonenko,Paris,Vrin,61984,2728).Lejugementrflchissant,lorsquilprendlaformedujugementdegotdanslexprienceesthtique,neprocdepasdunconceptouduncritrequisoitdonnlavance.Ilnedcouvrepaslabeautcommeunepropritobjectivedeschosesmaispluttcommeunsentimentprouvparlesujet.Lejugementdegotestainsiradicalementdistinctdu jugement de connaissance (jugement dterminant), ce qui revient dire quil nest passusceptibledevritoudefausset.

[14].VoirladiscussioncritiqueproposeparEmilyBradyproposdelathsedeCarlsonquifaitde la connaissance scientifique une condition ncessaire de lapprciation esthtique (Imagination and theAestheticAppreciation ofNature , inA.Berleant /A.Carlson (dir.),TheJournalofAestheticsandArtCriticism:SpecialIssue:EnvironmentalAesthetics56(1998),139147).VoirgalementStanGodlovitch,EvaluatingNatureAesthetically, inA.Berleant /A.Carlson(dir.),TheJournalofAestheticsandArtCriticism:SpecialIssue:EnvironmentalAesthetics56(1998),113125.

[15].Silestindniablequelesthoriesscientifiquespeuventcomporterunaspectesthtique,cesten un sens driv et purement intellectuel qui ne saurait, lui seul, assurer le passage de laconnaissancelapprciationesthtique,neseraitcequenvertudelancessitpourcettederniredtrerelielasensibilit.Dautrepart,silepassagelapprciationesthtiquedesobjets taitrendu possible par les seules qualits inhrentes aux thories, il faudrait en conclure,paradoxalement, que tout objet possible de la connaissance est susceptible dune apprciationesthtiqueausenspremierduterme,cequiseraitpeuplausibledanslecasdesobjetsnonsensiblesdecertainesthories(parexemplelesentitsmathmatiques,lesphnomnesmacroconomiques,lesprocessuspsychologiques,etc.).

[16].Cettequestionpourraittretransposeaudomainedelapprciationdesuvresdartouneforme dexprience esthtique bien relle semble possiblemme si elle ne sappuie pas sur desconnaissancestiresdelhistoiredelart.

[17].Jereviendraicettequestiondansladernirepartiedecetarticle.Mentionnonspourlinstantque les rfrences culturelles sont susceptibles dtre partages dans un horizon commun, toutcommelesthoriesscientifiques,etquellesnentranentpas forcment lapprciationesthtiqueverslerelativisme.

[18].Voir ce sujetRoderickNash,TheRights ofNature.AHistoryofEnvironmentalEthics,Madison,TheUniversityofWisconsinPress,1989JosephR.DesJardins,EnvironmentalEthics.An Introduction to Environmental Philosophy, Belmont, Wadsworth, 1993 (fr. thique del'environnement. Une introduction la philosophie environnementale, SainteFoy, Presses del'Universit duQubec, 1995) AndrewDobson,GreenPoliticalThought, London, Routledge,1990,21995ChristinePierce/DonaldVanDeVeer(dir.),People,Penguins,andPlasticTrees.BasicIssuesinEnvironmentalEthics,Belmon,WadsworthPublishingComany,21995LouisP.Pojman(dir.),EnvironmentalEthics.ReadingsinTheoryandApplication,Boston/London,JonesandBartlettPublishers,1994.

[19].Ilfaudraitnuancerceprincipegnral,noncicidemaniresimplementindicative.Eneffet,lextensiondelasphremoraleetlgaleaudeldumondehumainprendplusieursformesselonlesdiversesthoriesquienfontlapromotion:certainesdentreellesproposentdyinclurelesanimauxtitredtressensibles(utilitarismecontemporain),dautresveulentyajoutertouslestresvivants(biocentrisme) tandis que les plus radicales prchent linclusion de tous les tres naturels(galitarisme biosphrique). Jappelle physiocentrisme cette dernire version de lcologieprofonde, critiquant ainsi le concept dcocentrisme qui est parfois utilise et qui, selon moi,constitueunecontradictioninternepuisqueleconceptd@6@Hsignifieloriginelhabitatoulamaison,donclemilieuenvironnant(lequelnepeuttreplac,mmesymboliquement,aucentre).

[20].CettedistinctionentreShallowEcologyetDeepEcologyfutproposeparArneNaessdanssonclbrearticleTheShallowandtheDeep,longrangeecologymovement:Asummary,inInquiry 16 (1973), 95100.Ony retrouve, enquelquespages, les fondements duprogrammedelcologieprofonde.



[21].Cf.A.Carlson,AestheticsandtheEnvironment,1213.

[22] . Il serait possible dutiliser dans cettemme veine le concept dAnwendung (application)dvelopp par HansGeorgGadamer dans sa philosophie hermneutique.Voir ce sujet H.G.Gadamer,Wahrheit undMethode, inGesammelteWerke, Band I, Tbingen, J.C.B. Mohr (PaulSiebeck),1986,312ss.(fr.Vritetmthode,trad.P.Fruchon,J.Grondin,G.Merlio,Paris, Seuil,1996,329ss.).

[23] . Cette ide permettrait galement dinclure dans une esthtique de lenvironnement laperspectivedelesthtiquedelengagementdveloppeparArnoldBerleant,que jenepuisdiscuter ici de faon approprie. Voir ce sujet Arnold Berleant, Art and Engagement,Philadelphia,TempleUniversityPress,1990Livingin theLandscape:TowardanAestheticsofEnvironment, Lawrence, University Press of Kansas, 1997 The Aesthetics of Environment,Philadelphia,TempleUniversityPress,1992.Carlsondiscutepour sapart les thsesdeBerleantdansAesthetics andEngagement , inBritish Journal ofAesthetics 33 (1993), 220227, et BeyondtheAesthetic,inJournalofAestheticsandArtCriticism52(1994),239241.

[24].VoirDominiqueBourg/JeanLouisSchlegel,Parerauxrisquesdedemain.Leprincipedeprcaution,Paris,Seuil,2001.

[25].Danslammeperspective,voirEmilyBrady,ImaginationandtheAestheticAppreciationofNature,inA.Berleant/A.Carlson(dir.),TheJournalofAestheticsandArtCriticism:SpecialIssue:EnvironmentalAesthetics56(1998),139147.OnconsulteragalementlarticledeMalcolmBudd ( Delight in the NaturalWorld: Kant on the Aesthetic Appreciation of Nature. Part I:NaturalBeauty,Part II:NaturalBeauty andMorality,Part III:TheSublime inNature , inTheBritishJournalofAesthetics38(1998),118,117126,233250)surlesthtiquekantienne.

[26] . On aperoit ici un autre avantage dune esthtique environnementale dorientationsubjectiviste:puisquellenestpasfondesuruneontologie,ellepeutsansgrandedifficultviterlesproblmesrelisladichotomienature/artefactetinclurelaconsidrationdesenvironnementsmixtes,voiredesenvironnementsentirementconstruitspar leshumains.Un tel avantageprendunevaleurmanifestelorsquelontablitunlienentrelesthtiqueetlthiquedelenvironnementeneffet,ledevoirindirectderespectfondsurlavaleuresthtiquedesenvironnementsconcernenon seulement les environnements naturelsmais aussi les environnements urbains et plaide parexempleenfaveurdelaprotectiondupatrimoinearchitectural.Demanireplusgnrale,ilsuggreque le respect de soimme (individuel et collectif) permet de fonder le respect de la valeuresthtiquedetousnosenvironnements.

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L'Esthétique Environnementale d'Allen Carlson