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Direction des Etudes et de la Recherche - CNERA Avifaune migratrice Réseau Bécassines, 39 bd Albert Einstein, cs 42355, 44323 Nantes cedex 3 Tél. : 02 51 25 07 88 - fax : 02 40 48 14 01 - courriel : [email protected] Réseau Bécassines - Lettre d’information n° 8 - Octobre 2011 La saison 2010/11 n’aura pas laissé un souvenir impérissable aux bécassiniers : des effectifs migra- teurs et hivernants en déficit - comme l’indiquent la récolte d’ailes organisée par le CICB, le suivi des prélèvements sur les territoires de référence et les résultats du baguage de notre Réseau - et des conditions météorologiques chaotiques, avec un sérieux coup de froid en novembre et une situation flirtant en permanence avec la notion de « gel pro- longé ». Pourtant, les conditions hydriques de nos marais n’étaient pas particulièrement catastrophi- ques et on aurait pu s’attendre à un flux migratoire plus fourni. Sur le plan national, le Réseau est toujours très bien soutenu par le dynamisme des bagueurs et la motivation des membres du CICB. Notre partena- riat avec cette association se déroule dans des conditions optimales avec un moment fort dans l’année : l’analyse en commun des ailes et rectrices transmises par les bécassiniers. En 2011, ces jour- nées techniques ont eu lieu à Châteauroux, au siège de la Fédération départementale des chasseurs de l’Indre. A l’international, il faut souligner le succès du Workshop Bécasses-Bécassines organisé à Saint- Pétersbourg (Russie) en mai dernier, sous l’égide de l’UICN et Wetlands International. La moitié des communications présentées étaient consacrées aux bécassines, ce qui est une première. En outre, au cours de l’été, nous avons été informés de la volonté de la FACE et de BirdLife International de faire le point des connaissances sur la bécassine sourde. Cet exercice fait partie d’un contrat de ser- vice signé entre les deux ONG et la Commission européenne afin de juger de l’opportunité d’un plan de gestion pour cette espèce. Un atelier a été orga- nisé dans ce but à Bruxelles le 5 octobre, au cours duquel le CICB, l’OMPO et l’ONCFS ont apporté leur expertise. Les premières informations recueillies pour la sai- son 2011/12 nous inspirent une certaine inquiétude. Pas ou peu de bécassines observées en août alors que les niveaux d’eau des sites de baguage étaient tout à fait corrects. Septembre fut particulièrement « creux » sauf dans les derniers jours où un léger frémissement s’est fait sentir un peu partout. Où sont passés les oiseaux ? Y-aurait-il eu une très mauvaise saison de reproduction ? Les semaines à venir nous diront ce qu’il en est mais, à l’évidence, la saison 2011/12 ne s’annonce pas sous les meil- leurs auspices. Votre activité de terrain est une chose, faire parta- ger vos expériences et/ou les résultats de vos tra- vaux en est une autre. Cette Lettre annuelle du Ré- seau est aussi la vôtre. N’hésitez pas à nous propo- ser des brèves ou des articles pour la faire vivre. En attendant vos propositions, nous vous souhaitons une bonne saison à toutes et à tous. Gilles Leray & Yves Ferrand Éditorial Le rapport technique CICB/ONCFS/FNC sur l’analyse des plumages de bécassines des marais et de bécassines sourdes récoltés au cours de la saison 2009/2010 joint à cette lettre constitue un volet complémentaire des activités du Réseau.

lettre d'info bécassines n°8 - octobre 2011...server un cas d’albinisme partiel sur les couvertu-res primaires d’une bécassine des marais capturée fin mars. Sans être exceptionnelle,

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Page 1: lettre d'info bécassines n°8 - octobre 2011...server un cas d’albinisme partiel sur les couvertu-res primaires d’une bécassine des marais capturée fin mars. Sans être exceptionnelle,

Direction des Etudes et de la Recherche - CNERA Avifaune migratrice Réseau Bécassines, 39 bd Albert Einstein, cs 42355, 44323 Nantes cedex 3 Tél. : 02 51 25 07 88 - fax : 02 40 48 14 01 - courriel : [email protected]

Réseau Bécassines - Lettre d’information n° 8 - Octobre 2011

La saison 2010/11 n’aura pas laissé un souvenir impérissable aux bécassiniers : des effectifs migra-teurs et hivernants en déficit - comme l’indiquent la récolte d’ailes organisée par le CICB, le suivi des prélèvements sur les territoires de référence et les résultats du baguage de notre Réseau - et des conditions météorologiques chaotiques, avec un sérieux coup de froid en novembre et une situation flirtant en permanence avec la notion de « gel pro-longé ». Pourtant, les conditions hydriques de nos marais n’étaient pas particulièrement catastrophi-ques et on aurait pu s’attendre à un flux migratoire plus fourni. Sur le plan national, le Réseau est toujours très bien soutenu par le dynamisme des bagueurs et la motivation des membres du CICB. Notre partena-riat avec cette association se déroule dans des conditions optimales avec un moment fort dans l’année : l’analyse en commun des ailes et rectrices transmises par les bécassiniers. En 2011, ces jour-nées techniques ont eu lieu à Châteauroux, au siège de la Fédération départementale des chasseurs de l’Indre. A l’international, il faut souligner le succès du Workshop Bécasses-Bécassines organisé à Saint-Pétersbourg (Russie) en mai dernier, sous l’égide de l’UICN et Wetlands International. La moitié des communications présentées étaient consacrées aux bécassines, ce qui est une première. En outre, au cours de l’été, nous avons été informés de la

volonté de la FACE et de BirdLife International de faire le point des connaissances sur la bécassine sourde. Cet exercice fait partie d’un contrat de ser-vice signé entre les deux ONG et la Commission européenne afin de juger de l’opportunité d’un plan de gestion pour cette espèce. Un atelier a été orga-nisé dans ce but à Bruxelles le 5 octobre, au cours duquel le CICB, l’OMPO et l’ONCFS ont apporté leur expertise. Les premières informations recueillies pour la sai-son 2011/12 nous inspirent une certaine inquiétude. Pas ou peu de bécassines observées en août alors que les niveaux d’eau des sites de baguage étaient tout à fait corrects. Septembre fut particulièrement « creux » sauf dans les derniers jours où un léger frémissement s’est fait sentir un peu partout. Où sont passés les oiseaux ? Y-aurait-il eu une très mauvaise saison de reproduction ? Les semaines à venir nous diront ce qu’il en est mais, à l’évidence, la saison 2011/12 ne s’annonce pas sous les meil-leurs auspices. Votre activité de terrain est une chose, faire parta-ger vos expériences et/ou les résultats de vos tra-vaux en est une autre. Cette Lettre annuelle du Ré-seau est aussi la vôtre. N’hésitez pas à nous propo-ser des brèves ou des articles pour la faire vivre. En attendant vos propositions, nous vous souhaitons une bonne saison à toutes et à tous.

Gilles Leray & Yves Ferrand

Éditorial

Le rapport technique CICB/ONCFS/FNC sur l’analyse des plumages de bécassines des marais et de bécassines sourdes récoltés au cours de la saison 2009/2010 joint à cette lettre constitue un volet complémentaire des activités du Réseau.

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2 Lettre d’information n° 8 - octobre 2011

LES NOUVELLES DU RESEAU

► Une centaine de bagueurs spécialisés Comme l’an passé, le Réseau Bécassines ONCFS/FNC/FDC s’appuie sur 104 bagueurs répartis dans 43 départements. En effet, le stage de formation prévu en octobre 2010 n’a malheureusement pas pu se tenir et est reporté à octobre 2011. Une dizaine de nouveaux bagueurs devrait donc intégrer nos équipes à l’automne. Un stage de perfectionnement sera organisé en 2012. N’hésitez pas à nous faire part de votre candidature dès à présent car le nombre de places est limité.

Départements avec au moins un bagueur opérationnel en septembre 2011. ►Léger recul dans les captures Avec 1 564 bécassines baguées (1 419 bécassines des marais et 145 bécassines sourdes), 2010 apparaît en recul par rapport aux deux années précédentes. Le déficit enregistré lors de la migration d’automne est probablement la cause majeure de la baisse du nombre de captures dans

la mesure où l’effort de baguage n’a pas varié sensiblement. A noter, la capture d’une bécassine double dans le Loir-et-Cher, le 8 septembre 2010 à Pontleroy, par Frédéric Chassier.

Nombre de bécassines des marais et bécassines sourdes baguées chaque année par le Réseau. Pour la première fois, le département de la Charente arrive en tête des captures avec 213 oiseaux bagués. Bravo à Patrice Lavoué et toute son équipe. Il est suivi de près par la Gironde (201) et la Somme (180), des habitués du palmarès ! Un deuxième peloton regroupe le Cantal (121), le Doubs (105) et les Côtes-d’Armor (93) qui approchent ou dépassent la centaine de bécassines baguées. Enfin l’Ain (81) et l’Eure (85), bien qu’en retrait par rapport à la saison passée, tirent très bien leur épingle du jeu. Le printemps 2011 s’est avéré un bon cru puisque plus de 960 oiseaux ont été bagués, contrôlés ou repris.

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Bécassine des marais

Bécassine sourde

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►Sept réunions régionales L’organisation de 7 réunions régionales a permis de rencontrer nombre d’entre vous au cours de l’automne-hiver dernier. Sans compter les échanges toujours fructueux entre l’administrateur et les membres du réseau, ces réunions ont été agrémentées par la capture d’une trentaine de bécassines. L’occasion, aussi, de manipuler filets et oiseaux et d’accroître toujours et encore sa propre expérience. A titre d’exemple, la réunion du Cantal en août a non seulement permis de baguer 11 bécassines mais aussi de mettre en avant le travail de Guy Michaud, un chasseur de bécassines (membre du CICB), aux nombreuses responsabilités cynégétiques (président d’ACCA, administrateur de la FDC du Cantal) mais aussi amoureux de la nature et protecteur de la tourbière de Lascols. Présent sur place, le Directeur général de l’ONCFS lui a remis la médaille de l’Etablissement !

Guy Michaud (à droite) en compagnie de Jean-Pierre Picard, Président de la FDC du cantal (à gauche) et Jean-Pierre Poly, Directeur général de l’ONCFS (au centre).

1-10 11 – 50 51 – 100 > 100

Répartition géographique des captures de bécassines des marais et de bécassines sourdes en 2009.

Bécassine des marais Bécassine sourde

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4 Lettre d’information n° 8 - octobre 2011

LES SURPRISES DE L’ANNEE

► Le Cantal se distingue Deux Gallinago media baguées dans ce départe-ment en 2011 ! Les oiseaux ont été capturés le 4 avril et le 16 avril au même endroit, dans le marais de Valuejols. La capture s’est faite dans la journée, au chien d’arrêt, avec une grande nappe de filet. Depuis 2000, 26 observations de Bécassine double ont été recensées dans le Cantal. Jusque 2005, un seul individu a été observé (en 2000). A partir de 2006, plusieurs oiseaux ont été vus chaque année mais le record revient à 2008 avec 11 bécassines doubles signalées ! Les deux-tiers des observations ont lieu en septembre-octobre, les autres en mars-avril. Notre collègue Robert Delrieu a eu la chance d’ob-server un cas d’albinisme partiel sur les couvertu-res primaires d’une bécassine des marais capturée fin mars. Sans être exceptionnelle, une telle ano-malie génétique reste malgré tout rare dans le monde des bécassines. ►Une nouvelle espèce : Gallinago extra- terrestrialis ? Un petit air d’extra-terrestre cette bécassine des marais, non ? Elle a pourtant été capturée sur notre planète, le 3 mars 2011 à La Turballe (Loire-Atlantique) par notre collègue Jean-Luc Chil. Suite à l’expertise d’une spécialiste de la patholo-gie de la faune sauvage, Karin Lemberger de Vet-diagnostics, il semble que cette conjonctivite et blépharite (inflammation des paupières) pourrait être due à une infection (mycoplasmose, chlamy-diose ou bordetellose). Une autre piste serait la présence d’un parasite du type Cryptosporidium. Malheureusement, seul un écouvillonnage conjonctival aurait permis de tester ces hypothè-ses et d’aboutir à un diagnostic. N’hésitez pas à informer l’ITD du réseau SAGIR si vous étiez in-formés d’autres cas de ce type.

© R. Delrieu

© J.L. Chil/ONCFS

© L. Noisette

© R. Delrieu

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►Longévité et fidélité exceptionnelles Une bécassine des marais baguée dans sa première année le 31 octobre 2003 à Guidel dans le Morbihan a été tuée à la chasse le 17 octobre 2010 ….à Guidel dans le Morbihan ! L’oiseau avait

donc 7 ans et, très probablement, était resté fidèle à son site d’hivernage. Même si on est encore loin du record de longévité européen établi à 16 ans et 3 mois par Euring (Février P. 2010, Les bécassines en France – Eds CICB), cette donnée inhabituelle mérite d’être signalée.

WORKSHOP BÉCASSE-BÉCASSSINES

Le 7ème Woodcock & Snipe Workshop (autrement dit, Colloque Bécasse-Bécassines !) du Groupe de spécialistes UICN/Wetlands international s’est déroulé du 16 au 18 mai 2011 à Saint-Pétersbourg (Russie). Nous l’avons organisé avec l’aide de l’Ambassade de France, de l’Association russe des chasseurs et pêcheurs et du Conseil international de la chasse et de la conservation du gibier. Cinquante personnes, originaires de 12 pays différents, ont participé aux travaux. Comme attendu, la Russie était particulièrement bien représentée avec environ un tiers des participants. Au total, 22 communications ont été présentées avec un bon équilibre entre bécasses et bécassines. Un poster présentant notre Réseau a été exposé pendant toute la durée du Colloque. Des Actes devraient être publiés dans les prochains mois…pour les amateurs anglophones.

ENQUETE NIDIFICATION

Les résultats de l’enquête sur les effectifs nicheurs de bécassines des marais en France ont été publiés dans la revue ornithologique Ornithos. Sans surprise, la chute des effectifs se confirme avec une estimation nationale en dessous de 100 couples. Le Massif central et le quart nord-est apparaissent comme les derniers bastions de l’espèce en période de reproduction même si, pour

ce dernier, les effectifs sont en recul par rapport aux enquêtes précédentes. Par contre, sur la façade atlantique, c’est l’effondrement général. A l’évidence, la bécassine des marais est une espèce nicheuse de plus en plus rare en France et seules des actions énergiques en matière de conservation des habitats auront des chances de stopper cette hémorragie.

NOUVELLES DE L’ÉTÉ

En toute hypothèse, les conditions météorologiques estivales et hivernales de l’an passé ont pu avoir un impact sur les effectifs de bécassines. Un printemps plus favorable était donc attendu en 2011 pour améliorer la situation et « recapitaliser » -le mot est à la mode- les populations de bécassines des marais et bécassines sourdes. Traditionnellement, le mois d’août voit arriver en France un contingent non négligeable de

bécassines des marais constitué à 95% de jeunes oiseaux. Vous le savez déjà tous, les bécassines n’ont pas été au rendez-vous. Un exemple parmi d’autres dans la Somme : 10 fois moins de bécassines que les années précédentes en août ! Que s’est-il passé ? Deux ou trois hypothèses peuvent être proposées. Celle d’un mauvais succès de reproduction vient immédiatement à l’esprit.

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6 Lettre d’information n° 8 - octobre 2011

La valeur de l’âge-ratio parmi les plumages récoltés au cours de la saison 2011/12 nous donnera une indication précieuse. L’influence des conditions météorologiques en cours de migration est une autre hypothèse. En août-septembre, aucun anticyclone favorisant une migration naturelle du nord-est vers le sud-ouest de l’Europe ne s’est vraiment établi. Malgré tout, les effectifs d’autres espèces migratrices comme les chevaliers guignettes, les sarcelles d’hiver et des passereaux paludicoles n’ont pas été particulièrement en déficit. Enfin, un printemps tardif dans l’est de l’Europe a pu amputer la saison de reproduction d’une quinzaine de jours et faire baisser la « production » globale. Peut-on espérer que ces différents facteurs, tous confondus, aient pour une fois retardé la migration des bécassines ? Souhaitons-le, en attendant impatiemment des passages conséquents en début d’automne.

A signaler…quatre publications scientifiques [disponibles sur demande auprès d’ Y. Ferrand - [email protected])]

Wlodarczyk R., Minias P., Gogga P., Kaczmarek K. Remisiewicz M. & T. Janiszewski. 2011. Sexing Common Snipe Gallinago gallinago in the field using biometric criteria. Wader Study Group Bull. 118(1): 10-13.

Comme vous le savez tous, déterminer le sexe des bécassines des marais capturées au baguage n’est pas quelque chose de simple. Dans cette étude, nos collègues polonais peaufinent les critères déjà utilisés et confirment que la longueur de la rectrice externe reste l’indicateur le plus fiable pour sexer les adultes. Chez les oiseaux de première année, deux critères supplémentaires augmentent les chances de bonne classification : la longueur du bec (plus long chez les femelles ; 69,9 vs68,01 mm, en moyenne) et la distance entre les extrémités des rectrices 6 et 7 (plus importante chez les femelles ; 3,36 vs 1,79 mm, en moyenne). Klassen R.H.G., Alerstam T., Carlsson P., Fox J.W. & Å. Lindström. 2011. Great flights by great snipes: long and fast non-stop migration over benign habitats. Biology Letters, DOI: 10.1098/rsbl.2011.0343

Assurément, la bécassine double est un long-migrateur. Trois oiseaux équipés de géolocators (capteurs de lumière qui permettent de positionner les oiseaux pendant leur trajet) viennent de préciser les performances chez cette espèce. Des vols non-stop sur 4620, 6170 et 6800 km pour la migration postnuptiale

et sur 4280, 4980 et 5180 km pour la migration prénuptiale ! Le tout en 2 à 4 jours ! Le plus étonnant est que ces vols n’ont pas eu lieu seulement au-dessus de zones inhospitalières pour les bécassines, comme les déserts. De nombreux sites, idéaux pour « recharger les batteries », étaient disponibles tout au long du parcours. Une telle stratégie, encore inconnue pour des oiseaux terrestres, montre que certaines espèces peuvent préférer se charger lourdement en graisse et gagner au plus vite leur site d’hivernage, plutôt que de risquer la prédation ou la maladie en cours de route. Amar A., Grant M., Buchanan G., Sim I., Wilson J., Pearce-Higgins J.W. & S. Redpath. 2011. Exploring the relationships between wader declines and current land-use in the British uplands. Bird Study, 58: 13-26. Les “Hautes Terres” britanniques sont un haut lieu de nidification pour les limicoles en tout genre, dont la bécassine des marais. Toutefois les habitats changent et l’abondance des nicheurs a sensiblement décrue depuis une vingtaine d’années. Pour la bécassine, les reboisements semblent être une cause majeure de déclin ce qui, évidemment, n’a rien de surprenant ! Plus intéressant, l’évolution de la pression de pâturage pourrait également avoir joué un rôle important en modifiant non pas le couvert mais la structure de la végétation. Un petit clin d’œil au passage pour les aménagements cynégétiques des landes à bruyère pour la grouse (accompagnés, of course, d’un sérieux contrôle des prédateurs !) qui auraient été bénéfiques au vanneau huppé.

LES PUBLICATIONS

© D. Vestu

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…et un rapport de maîtrise Rodrigues T. 2010. Genetic, Morphological and Phenotypic Characterization of Snipe in Azores. Master of Science in Biodiversity, Genetics and Evolution, University of Porto (Portugal). 53 pp. Aux Açores, la bécassine des marais et la bécassine de Wilson hivernent côte à côte. Au printemps, seule la bécassine des marais y reste nicher. Ce travail de notre collègue portugais montre que les deux espèces n’appartiennent pas à deux lignées différentes. Néanmoins ces deux espèces semblent avoir divergé très récemment sur le plan génétique alors qu’elles présentent des caractères identiques sur le plan écologique et morphologique. En revanche, aucune différence génétique n’a été mise en évidence entre les bécassines nicheuses aux Açores et leurs « cousines » continentales qui gagnent le Nord et l’Est de l’Europe pour se reproduire. Un petit rappel, le dernier ouvrage de Patrice Février, Président du CICB Les Bécassines en France – Comportement, Habitats et Aménagement, Chasse durable par Patrice Février. Ed. CICB ; 304 pages. Cet ouvrage offre un panorama complet du monde des bécassines des marais, sourdes et doubles. Leur biologie, la gestion des territoires et des effectifs mais

aussi les modes de chasse (jusqu’aux chiens du bécassinier) y sont abordés tour à tour. L’ensemble constitue la mise à jour la plus complète et la plus récente sur le sujet. Pour tout renseignement s’adresser à P. Février ([email protected]) ou au CICB, 35 Avenue Mac Mahon, 75017, Paris. Prix spécial pour les agents de l’ONCFS et des FDC.

Dessin extrait de « Anthologie de la chasse à la Bécassine » -Jean-Jacques Brochier

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ANALYSE DES PLUMAGES DE BECASSINE DES MARAIS ET BECASSINE SOURDE RECOLTES AU COURS DE LA SAISON 2010/11

Le suivi du déroulement de la migration et de l’hivernage des espèces chassables de bécassines s’appuie pour l’essentiel sur une récolte de plumages organisée par le CICB et des Fédérations départementales de chasseurs (Cantal, Lozère, Gironde, Indre), à laquelle s’associe la Fédération nationale des chasseurs. Depuis la saison 2006/07, l’analyse de ce matériel biologique en partenariat avec l’ONCFS conduit à la rédaction d’un rapport annuel. Même lors de saison difficile, comme en 2010/11 où les conditions climatiques hors normes ont bousculé les oiseaux migrateurs, l’enthousiasme des collaborateurs ne faiblit pas. La qualité des échantillons fournis s’améliore d’année en année, témoin de l’attention portée par les chasseurs à nos travaux. Nous y sommes sensibles et nous nous attachons à valoriser au mieux le travail de terrain des « bécassiniers ». De son côté, le Réseau Bécassines ONCFS/CICB/FDC/FNC s’attache à développer des activités de baguage qui apporteront leur lot d’informations sur les déplacements et la démographie de ces espèces. Cette synergie entre tous les acteurs est certainement le point le plus remarquable des études sur les bécassines en France . MATERIEL RECOLTE Au total, 3 738 plumages de Bécassine des marais et 814 plumages de Bécassine sourde récoltés en France ont été analysés. Cette récolte est en recul par rapport aux 4 années passées pour les 2 espèces. Sous les hypothèses que l’effort de récolte n’a pas varié et que cette récolte est corrélée positivement à l’abondance des oiseaux, cette chute reflète sans doute de plus faibles effectifs en migration et en hivernage dans notre pays. Figure 1 : Nombre de plumages de Bécassine des marais et Bécassine sourde récoltés depuis 2004/05 par le CICB et les Fédérations départementales de chasseurs. REPARTITION GEOGRAPHIQUE DU MATERIEL RECOLTE Il nous paraît toujours utile de rappeler les précautions d’usage dans l’interprétation des résultats. L’analyse de cette variable demeure problématique dans la mesure où aucun plan d’échantillonnage n’assure la validité externe de nos conclusions, autrement dit « la possibilité de généraliser les résultats » (Scherrer, 19841).

1 Scherrer B. 1984. Biostatistique. Gaëtan Morin éditeur. 850 p.

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Bécassine des marais

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En conséquence, gardons à l’esprit que les résultats présentés ici valent pour le jeu de données disponibles et que la prudence s’impose à toute généralisation. Comme les saisons passées, la bordure Manche-Atlantique et le Massif central regroupent l’essentiel des échantillons. Près de 80% des plumages de Bécassine des marais ont été récoltés dans 9 départements : le Pas-de-Calais, la Somme, la Seine-Maritime, l’Eure, la Loire-Atlantique, la Vendée et la Gironde pour les régions littorales, le Cantal et la Lozère pour les régions intérieures. Quatre départements, le Cantal, la Lozère, le Pas-de-Calais et la Somme cumulent à eux seuls 55 % des plumages de Bécassine sourde. Même si la récolte demeure moindre en région méditerranéenne, il faut souligner l’effort significatif des Bouches-du-Rhône. Département Bécassine

des marais Bécassine sourde

Département Bécassine des marais

Bécassine sourde

Ain (01) 4 1 Loire-Atlantique (44) 212 36 Ardennes (08) 31 15 Lot-et-Garonne (47) 7 Aube (10) 9 Lozère (48) 387 70 Aveyron (12) 51 9 Maine-et-Loire (49) 6 1 Bouches-du-Rhône (13) 74 1 Manche (50) 34 2 Calvados (14) 30 8 Meuse (55) 2 Cantal (15) 839 187 Morbihan (56) 31 11 Charente (16) 1 Moselle (57) 3 4 Charente-Maritime (17) 31 16 Nord (59) 16 4 Doubs (25) 54 2 Oise (60) 22 18 Eure (27) 162 42 Pas-de-Calais (62) 374 89 Finistère (29) 58 9 Puy-de-Dôme (63) 5 1 Gard (30) 78 22 Pyrénées-Orientales (66) 3 1 Gironde (33) 376 51 Saône-et-Loire (71) 4 2 Hérault (34) 52 11 Seine-Maritime (76) 156 37 Ille-et-Vilaine (35) 13 Somme (80) 211 76 Indre (36) 86 9 Tarn-et-Garonne (82) 12 2 Jura (39) 13 3 Vendée (85) 193 13 Landes (40) 11 7 Vosges (88) 2 Loire (42) 83 3 Total 3 738 814

Tableau 1 : Détail du nombre de plumages de Bécassine des marais et de Bécassine sourde récoltés par département en 2010/11. RESULTATS Bécassine des marais Répartition géographique des plumages récoltés Les plumages de Bécassine des marais ont été récoltés dans 39 départements. En accord avec nos connaissances actuelles sur le déroulement de la migration post-nuptiale, deux sous-échantillons (figure 2) ont été distingués : l’un concerne le flux fenno-scandinave (départements côtiers Manche-Atlantique) et l’autre le flux continental (quart nord-est, Massif central et bordure méditerranéenne). Ces deux sous-échantillons présentent des tailles sensiblement identiques (1 937 pour le flux fenno-scandinave et 1 801 pour le flux continental), ce qui valide à nouveau notre approche. Distribution temporelle du nombre de plumages récoltés Toujours sous la même hypothèse que dans les rapports précédents, à savoir que le nombre de plumages récoltés est corrélé positivement aux effectifs présents, la migration a semble-t-il commencé assez tôt, au début septembre (figure 3). Les effectifs se sont ensuite maintenus pendant près de deux mois et demi traduisant un flux relativement continu avec un passage un peu plus intense de mi-octobre à mi-novembre. Même si la baisse est toujours marquée à partir de mi-décembre, les effectifs hivernaux apparaissent relativement élevés, par

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rapport aux niveaux enregistrés à l’automne. Comme l’an passé, l’une des raisons pourrait bien être une concentration des oiseaux dans les régions littorales (cf. figure 4) en raison des coups de froid assez vifs enregistrés dans la deuxième moitié de décembre (figure 5). Figure 2 : Répartition géographique du nombre de plumages de Bécassine des marais récoltés en 2010/11 et limite entre les deux sous-échantillons correspondant à un flux migratoire distinct.

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Figure 3 : Distribution temporelle (par quinzaine) du nombre de plumages récoltés et de la proportion de juvéniles de Bécassine des marais (pour n > 30) pour la totalité de l’échantillon. Le déroulement de la migration et de l’hivernage présente deux schémas bien distincts d’un flux à l’autre (figure 4). Dans les régions concernées par le flux fenno-scandinave, on assiste à un stationnement régulier d’oiseaux tout au long de la période migratoire, avec de légers a-coups dans la premier moitié de septembre et la dernière d’octobre. En décembre et janvier, les effectifs faiblissent relativement peu, avec dans la deuxième moitié de janvier un niveau proche de celui de fin novembre. L’une des explications réside sans doute dans la désertion des régions plus continentales sous l’effet des coups de froids à répétition, comme l’indiquent clairement les données récoltées à l’intérieur du pays. Dans ces régions, le passage migratoire apparaît plus marqué. Après un début de migration assez rapide en septembre, la migration bat véritablement son plein de début octobre à mi-novembre. Les effectifs chutent ensuite drastiquement à partir de mi-novembre pour rester à des niveaux faibles jusque fin janvier. (légende page 5)

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Figure 4 : Distribution temporelle (par quinzaine) du nombre de plumages récoltés et de la proportion de juvéniles de Bécassine des marais (pour n > 30) dans les flux fenno-scandinave et continental. Figure 5 : Écarts à la moyenne (période 1968-1996) des températures du 1 au 15 décembre 2010 et du 16 au 31 décembre 2010 en Europe. La couleur blanche équivaut à un écart nul. Les couleurs du vert au rouge correspondent à des écarts positifs (températures supérieures à la moyenne) et les couleurs du bleu ciel au violet à des écarts négatifs (températures inférieures à la moyenne) (Source : http//www.cdc.noaa.gov/Composites/Day/index.html).

La situation hydrique de l’automne 2010 s’avère bien différente de celle de l’automne précédent. En septembre, la France apparaît coupée en deux avec une grande zone nord-est qui regorge d’eau et une grande zone ouest, et plus particulièrement sud-ouest, qui accuse un net déficit hydrique. La situation se rapproche de la normale en octobre, à l’exception du Poitou-Charentes où la sécheresse reste marquée. En novembre, l’humidité des sols a retrouvé à peu près partout des valeurs proches des normales saisonnières (source : http//www.eaufrance.fr ; figure 6 .

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La sécheresse importante de l’automne 2009 qui avait pu gêner le stationnement des oiseaux pendant leur migration ne peut donc pas être évoquée en 2010. Ce constat amène à deux hypothèses : d’une part, la récolte d’ailes en retrait par rapport aux 3 années précédentes a de bonnes chances de traduire une relative faiblesse des effectifs migrateurs et hivernants, d’autre part, les déplacements d’oiseaux vers les régions littorales ont sans doute plus à voir avec les conditions climatiques qu’avec la capacité d’accueil des territoires.

La comparaison des variations dans la phénologie de la migration post-nuptiale des bécassines des marais d’une saison à l’autre met en évidence la particularité de l’automne-hiver 2010/11(figure 7). Le pic de la deuxième moitié d’octobre plus prononcé que lors des saisons passées et la relative faiblesse des effectifs fin septembre signalent une migration retardée d’environ un mois. Ce déroulement rappelle celui de 2007/08 avec toutefois un passage plus marqué en octobre.

Figure 6 : Écarts à la moyenne de l’ Indice d’humidité des sols au 1er octobre(en haut à gauche) , au 1er novembre (en haut à droite) et au 1er décembre 2010 (ci-contre) en France (Source : http//www.eaufrance.fr).

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Figure 7 : Évolution intra-saisonnière de la proportion de plumages de Bécassine des marais récoltés au cours des saisons 2006/07 à 2010/11.

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Proportion jeunes/adultes Au total 3 648 plumages ont pu être répartis entre deux classes d’âge : juvénile et adulte. Pour l’ensemble des données, la proportion de juvéniles s’élève à 66,1 % (âge-ratio = 1,9). Sans les données du mois d’août (comme recommandé par Devort, 19972), la proportion de juvéniles est de 63,9 %. Ces valeurs sont parmi les plus basses enregistrées depuis 1986/87 (pas de données de 1999/00 à 2003/04 ; figure 8). Seules les saisons 1995/96 et 2005/06 se situent en dessous pour le total des données (resp. 65,4 % et 62,6 %) et les saisons 1988/89 et 2005/06 pour les données hors mois d’août (resp. 62,4 % et 60,7 %). Les juvéniles constituent 64,0 % des prélèvements dans le flux fenno-scandinave (n = 1 894) et 68,3 % dans le flux continental (n = 1 754). La différence statistiquement significative [Test exact de Fisher (p = 0,007)] entre les deux flux souligne que le faible succès de reproduction aurait plus impacté le flux fenno-scandinave que le flux continental. En excluant le mois d’août de l’analyse, la différence est encore plus prononcée d’un point de vue statistique [Test exact de Fisher (p < 0,0001)] avec une proportion de juvéniles toujours plus élevée dans le flux continental (67,4 %) que dans le flux fenno-scandinave (60,4%). Un faible succès de reproduction au printemps-été 2010 s’avère donc assez probable, plus marqué pour le flux fenno-scandinave. Classiquement, la proportion de juvéniles décroît au fur et à mesure que la saison avance (figure 3). Toutefois, la chute importante observée début octobre tranche avec la décroissance généralement continue notée les saisons précédentes. Passée cette période, une relative stabilité s’installe à un niveau moyen plus bas qu’à l’accoutumée, reflet de la faiblesse générale de l’âge-ratio. L’ensemble correspond à une décroissance significative de la proportion de juvéniles d’août à janvier [figure 3 ; décroissance significative avec ou sans mois d’août [Test de Cochran-Armitage (p < 0,0001)]. Les deux flux suivent le même schéma avec une décroissance également significative plus prononcé toutefois pour le flux fenno-scandinave ( p < 0,0001) que pour le flux continental (p = 0,01). La faible valeur de l’âge-ratio global transparaît dans la représentation synthétique de l’évolution intra-saisonnière de la proportion de juvéniles pour les 5 dernières saisons (figure 9). La courbe correspondant à 2010/11 se situe clairement en dessous des 4 autres. Curieusement, l’évolution intra-saisonnière de 2010/11 se rapproche beaucoup de celle 2006/07 sans qu’une explication satisfaisante puisse être apportée. Une fois passé le mois d’août où les juvéniles forment la quasi-totalité des effectifs, l’ensemble montre toujours une grande hétérogénéité inter-annuelle.

2 Devort M. 1997. La Bécassine des marais. Eléments pour un plan d’action. CICB & OMPO, Paris & Confluences, Bordeaux, France. 103 p.

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Figure 8 : Variations interannuelles de la proportion de juvéniles dans les plumages de Bécassine des marais pour la période 1986/87 à 2010/11, pour le total des données et pour un sous-échantillon excluant le mois d’août. (Absence de récolte de plumages pour les saisons 1999/00 à 2003/04).

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Figure 9 : Évolution intra-saisonnière de la proportion de juvéniles dans les plumages de Bécassines des marais récoltés au cours des saisons 2006/07 à 2010/11. La valeur annuelle de la proportion de juvéniles observée à partir des plumages récoltés reste difficile à interpréter en termes de succès de reproduction car, on le sait, divers facteurs supplémentaires peuvent l’affecter : pression de chasse, conditions météorologiques, voire sensibilité différente de celle des adultes aux qualités des territoires. Malgré cela des valeurs très éloignées de la moyenne ont de bonnes chances de qualifier en premier lieu la réussite des couvées. La saison 2010/11 est en repli de 7,8 points par rapport à la moyenne calculée depuis 1986/87 (pas de données de 1999/00 à 2003/04 ; figure 8). Aussi, nous paraît-il justifié de considérer que le succès de reproduction en 2010/11 se situe en dessous de la normale. L’hypothèse d’un effet de la sécheresse qui a sévi dans tout le centre de la Russie européenne en juillet-août n’est pas confirmé par nos résultats dans la mesure où le flux fenno-scandinave semble avoir été plus touché que le flux continental. Proportion mâles/femelles Le sexe de 1 111 oiseaux adultes a pu être déterminé. Chez ces oiseaux adultes la proportion de mâles s’élève à 32,3 %. Si on prend en compte l’ensemble des adultes et les juvéniles pour lesquels le sexe a pu être établi (n = 3 230), la proportion de mâles atteint 37,2 %. A nouveau, un fort déficit en mâles est observé. Aucune différence entre les flux n’apparaît, que l’on prenne en compte ou non les juvéniles [Test exact de Fisher ; p = 0,126 et p = 0,652, resp.). mâles femelles % mâles

adultes Flux fenno-scandinave 195 420 31,7 Flux continental 164 332 33,1 adultes + juvéniles Flux fenno-scandinave 615 1095 36,0 Flux continental 587 933 38,6 Tableau 2 : Répartition du nombre de mâles et de femelles de Bécassine des marais et % de mâles pour les deux flux considérés. Deux types d’échantillons sont pris en compte : l’un composé uniquement d’adultes, l’autre regroupant adultes et juvéniles.

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Approche régionale L’échantillon de plumages récolté en 2010/11 a été réparti dans six « régions ». Le nombre de plumages récoltés en région « Centre » nous a semblé un peu faible sur le plan statistique (même si l’effort des chasseurs reste remarquable compte tenu d’une saison plutôt médiocre) pour ajouter, comme l’an passé, cette septième région. Les six « régions » sont ainsi définies :

- Nord – Pas-de-Calais / Picardie avec les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme ; - Normandie avec les départements du Calvados, de l’Eure, de la Manche et de la Seine-Maritime ; - Pays-de-la-Loire avec les départements de Loire-Atlantique, de Maine-et-Loire et de Vendée ; - Massif central avec les départements de l’Aveyron, du Cantal, de la Haute-Loire, de la Lozère et du

Puy-de-Dôme ; - Aquitaine avec les départements de la Gironde et des Landes ; - Bordure méditerranéenne avec les départements des Bouches-du-Rhône, du Gard, de l’Hérault et des

Pyrénées orientales. Le déroulement chronologique de la migration apparaît assez nettement du nord de la France à l’Aquitaine (figure 10). Le pic des passages observé mi-septembre dans le Nord-Pas-de-Calais correspond à l’arrivée d’une vague migratoire en provenance du nord-est de l’Europe. Sans qu’elles soient exclusives, deux hypothèses peuvent ensuite être formulées. La première soutient que l’onde se déroule tout le long de la côte avec un décalage d’une quinzaine de jours au fur et à mesure qu’elle progresse vers le sud. La deuxième serait qu’une nouvelle vague migratoire située de début octobre à mi-novembre, bien mise en évidence par les données du Nord-Pas-de-Calais, atteint l’ensemble du pays. Les résultats obtenus dans les régions intérieures du pays confirmeraient plutôt cette deuxième hypothèse. Une autre observation mérite d’être soulignée. En janvier, les bécassines semblent avoir déserté presque toutes les régions à l’exception des Pays-de-la-Loire et de l’Aquitaine. Ceci conforte l’idée que les coups de froid hivernaux ont poussé les oiseaux vers les zones les moins touchées du littoral atlantique. Le moindre nombre de plumages analysés cette saison rend encore plus délicat l’interprétation de l’évolution de la proportion de juvéniles. Globalement on retrouve les schémas classiques des années précédentes : une décroissance constante dans les régions du flux fenno-scandinave et une stabilité pour celles du flux continental. A nouveau, le gradient nord-sud de la proportion de juvéniles le long du littoral Manche-Atlantique apparaît clairement cette saison (tableau 3). Dans le Massif central la proportion de juvéniles s’avère toujours assez forte, environ 5 points au-dessus de la moyenne nationale, contrairement à la bordure méditerranéenne où les juvéniles sont proportionnellement moins nombreux, environ 4 points en-dessous de la moyenne. Nord-Pas-

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Normandie

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n 587 371 401 370 1 261 192 % juvéniles 74,6 70,6 56,4 54,1 69,9 63,5 % juvéniles (sans août) 69,2 67,9 54,1 53,1 69,7 60,0 Tableau 3 : Proportion de juvéniles par région. [ (départements), n = nombre d’individus dont l’âge a été déterminé]. Bécassines des marais prélevées à l’étranger Au total, 72 plumages de bécassines des marais prélevées à l’étranger nous ont été transmis : 37 en provenance du Maroc, 24 de Tunisie et 1 d’Espagne. La faiblesse des échantillons est en accord avec la chute observée en France et réduit bien sûr la portée de l’analyse. Toutefois, il faut noter que la proportion de juvéniles est à nouveau extrêmement faible : 22,2 % pour le Maroc, 17,6 % pour la Tunisie ! Ces valeurs sont les plus faibles enregistrées à ce jour. Les femelles forment l’essentiel des oiseaux prélevés : 76,5 % au Maroc et 80% en Tunisie. La bécassine des marais « type » en hivernage dans ces régions en 2010/11 était donc une femelle adulte, mais il nous paraît bien difficile d’en connaître la cause.

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Figure 10 : Distribution temporelle (par quinzaine) du nombre de plumages (n) et de la proportion de juvéniles de Bécassine des marais (limitée aux périodes où n > 30) récoltés dans 6 « régions ». (barres : nombre de plumages ; lignes : % de juvéniles).

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Bécassine sourde Répartition géographique des plumages récoltés Trente-deux départements ont participé à la récolte de plumages de Bécassine sourde en 2010/11 (figure 11). Comme pour chaque saison nous avons distingué un « flux littoral » et un « flux intérieur ». Deux remarques s’imposent : d’une part, la différence de taille des échantillons par flux s’avère plus importante cette saison (422 plumages pour le « flux littoral » et 341 pour le « flux intérieur »), d’autre part, contrairement aux deux dernières saisons, l’échantillon « littoral » est supérieur à l’échantillon « intérieur ». Figure 11 : Répartition géographique du nombre de plumages de Bécassine sourde récoltés en 2010/11 et limite entre les deux sous-échantillons. Distribution temporelle du nombre de plumages récoltés Comme pour la Bécassine des marais, l’analyse s’effectue sous l’hypothèse que le nombre de plumages récoltés est corrélé positivement aux effectifs présents. La chronologie de la migration à l’automne 2010 diffère sensiblement de celles des saisons précédentes : le pic marqué dans la deuxième moitié d’octobre est bien

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présent mais l’arrivée des oiseaux s’est clairement amorcée un peu plus tôt, au début octobre. La décroissance progressive jusque fin décembre est similaire au schéma classique (figure 12). La relative précocité du passage migratoire à l’automne 2010 concerne exclusivement le « flux littoral » (figure 13) caractérisé par une arrivée rapide des oiseaux dans la première quinzaine d’octobre. Le flux « intérieur » suit en revanche le schéma migratoire classique de l’espèce avec un pic situé autour de la fin octobre. Les conditions météorologiques observées en septembre dans les régions arctiques et sub-arctiques, points de départ de la migration des bécassines sourdes, ne permettent pas d’expliquer l’arrivée un peu plus hâtive des oiseaux à l’automne 2010 (Source : http//www.cdc.noaa.gov/Composites/Day/index.html). Figure 12 : Distribution temporelle (par quinzaine) du nombre de plumages récoltés et de la proportion de juvéniles de Bécassine sourde pour la totalité de l’échantillon. Figure 13 : Distribution temporelle (par quinzaine) du nombre de plumages récoltés et de la proportion de juvéniles de Bécassine sourde dans les flux « littoral » et « intérieur » (pour n ≥ 30). La présentation synthétique des variations de la phénologie de la migration post-nuptiale des bécassines sourdes fondée sur les récoltes de plumages permet de distinguer la saison 2010/11 des 4 saisons précédentes (figure 14). L’extrême régularité qui prévalait jusqu’alors est légèrement écornée. Toutefois, la concentration du passage autour d’un seul pic bien marqué reste de mise, même si celui de 2010/11 est un peu plus étalé dans le temps.

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Figure 14 : Évolution intra-saisonnière de la proportion de plumages de Bécassines sourde récoltés au cours des saisons 2006/07 à 2010/11. Proportion jeunes/adultes La proportion de juvéniles (déterminée à partir de l’examen des rectrices ; Devort et al.3) s’élève à 60,8 % (figure 15). Cette valeur est quasi identique à celle des deux saisons précédentes (60,9 % en 2009/10 ; 60,2 % en 2008/09) et reflète probablement, une nouvelle fois, un succès reproducteur assez faible au printemps 2010. La proportion de juvéniles s’élève à 63,1 % dans le « flux littoral » et à 57,9 % dans le « flux intérieur ». La différence n’ est pas statistiquement significative [Test exact de Fisher (p = 0,182)]. La distribution temporelle de la proportion de juvéniles au cours de la saison met en évidence de fortes variations intra-saisonnières sans qu’une tendance particulière ne se dégage [Test de Cochran-Armitage (p = 0,972; figure 12)]. Malgré les faibles effectifs enregistrés pour plusieurs quinzaines, nous avons tenté une analyse statistique

3 Devort M., Leray G. & Y. Ferrand (soumis). Age classification of Jack Snipe Lymnocryptes minimus by plumage examination.

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Figure 15 : Variations interannuelles de la proportion de juvéniles dans les plumages de Bécassine sourde. (Absence de récolte de plumages pour les saisons 2002/03 et 2003/04). 0

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pour chaque flux. Curieusement, les tendances apparaissent significatives mais inversées : à la hausse pour le « flux intérieur » (p < 0,001) , à la baisse pour le « flux littoral » (p < 0,01). Ces deux tendances s’annulent donc et conduisent à une stabilité pour l’ensemble des données. La disparité de l’évolution intra-saisonnière de la proportion de juvéniles au cours des 5 dernières saisons se trouve encore renforcée par les données de 2010/11 (figure 16). Les variations quasi-cycliques de l’âge-ratio pour cette dernière saison constitue un schéma inédit qui vient ajouter au caractère apparemment très aléatoire de l’évolution de cette variable chez les bécassines sourdes en migration et en hivernage. Figure 16 : Évolution intra-saisonnière de la proportion de juvéniles dans les plumages de Bécassines sourde récoltés au cours des saisons 2006/07 à 2010/11. Proportion mâles/femelles Selon les mêmes critères utilisés la saison passée (longueur d’aile < 115 mm = femelle ; longueur d’aile > 117 mm = mâle ; correction de 1,7 mm en raison du séchage de l’aile), la proportion de mâles dans l’ensemble de l’échantillon s’élève à 37,7 %. Le déséquilibre en faveur des femelles, comme chez la Bécassine des marais, semble donc bien se confirmer. La différence entre les flux s’avère à nouveau importante : 34, 5 % pour le « flux littoral » et 42,4 % pour le « flux intérieur », sans être clairement statistiquement significative [Test exact de Fisher (p = 0,0593)]. Bécassines sourdes prélevées à l’étranger Les plumages de 17 bécassines sourdes prélevées à l’étranger nous ont été envoyés : 12 de Tunisie et 5 du Maroc. Comme pour les bécassines des marais, les adultes et les femelles sont largement majoritaires (resp. 75 % et 71,4 % pour l’ensemble des données). Même si en raison de sa faiblesse l’échantillon n’est sans doute pas représentatif, un âge-ratio aussi bas demeure très étonnant.

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TEST DE FIABILITE POUR LA DETERMINATION DU SEXE ET DE L’AGE Tel que nous l’avons organisé, l’analyse des plumages de Bécassine des marais et de Bécassine sourde pour la détermination de l’âge et du sexe implique la participation de plusieurs personnes pendant 2 à 3 jours. A l’évidence, le niveau d’expérience des participants varie sensiblement et peut conduire à des erreurs de diagnostic. Même si l’entraide prévaut lors de ces journées, il nous a semblé légitime de chercher à estimer les taux d’erreur dans nos résultats. Cette démarche relève autant de l’honnêteté intellectuelle que de la précision scientifique. Elle est classiquement réalisée pour ce type d’étude : lectures d’ailes de Bécasse des bois par le Club national des bécassiers (com. pers.), « Wingbee » pour la Bécasse d’Amérique (Krementz & Gbur, 20104), par exemple. Un sous-échantillon de plumages de chaque espèce, choisi au hasard, a donc fait l’objet 1) d’une détermination par les participants (excepté Gilles Leray) au cours des séances normales de lecture de plumage et 2) d’un contrôle a posteriori par la personne la plus compétente et la plus expérimentée, Gilles Leray. Les résultats sont présentés dans le tableau 4. Bécassine des marais

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l’échantillon Sexe exact Sexe imprécis alors que la

détermination est possible « mâles » classés

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Mâles/femelles

289 262 (90,7 %) 15 (5,2 %) 4 (1,4 %) 8 (2,8 %) Bécassine sourde

Taille de l’échantillon

Âge exact Age imprécis alors que la détermination est possible

« Juvéniles » classés

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« adultes « classés

« juvéniles »

Juvéniles/adultes

51 46 (90,2 %) 1 (2 %) - 4 (7,8 %) Taille de

l’échantillon Sexe exact Sexe imprécis alors que la

détermination est possible Sexe défini alors que la détermination n’est pas

possible

« mâles » classés

« femelles »

Mâles/femelles

47 39 (83 %) 2 (4,3 %) 5 (10,6 %) 1 (2,1 %) Tableau 4 : Détail des erreurs de détermination du sexe et de l’âge dans les sous-échantillons de plumages de Bécassines des marais et de Bécassine sourde. A l’exception de la détermination du sexe chez la Bécassines sourde, le taux d’erreur général se situe en dessous de 10 %. Pour la Bécassine des marais, les erreurs les plus fréquentes sont : le classement d’oiseaux adultes parmi les juvéniles, et l’indétermination du sexe alors que les éléments pour aboutir sont disponibles. Dans le premier cas, il peut s’agir de plumes non muées difficiles à détecter. Dans le second, on peut y voir, soit une trop grande prudence, soit une difficulté à caractériser la rectrice comme étant de type « adulte » ou « juvénile ». Pour la bécassine sourde, les erreurs les plus fréquentes sont : le classement d’oiseaux adultes parmi les juvéniles, et une détermination du sexe alors que les mesures de l’aile placent l’oiseau dans une zone d’indécision. Dans le premier cas, c’est sans doute la difficulté à lire correctement la « ligne noire médiane » à l’extrémité des rectrices qui est en cause. Dans le second, on peut incriminer avec une quasi-certitude le problème posé par la sécheresse des ailes lors de leur mesure, qui empêche un bon étalement sur la règle graduée. Sur le plan méthodologique, il est clair que nous devons nous attacher à faire baisser ces taux d’erreur même si le résultat est loin d’être catastrophique. A titre d’exemple, les biologistes nord-américains qualifient d’expert un

4 Krementz D.G. & E.E. Gbur, Jr. 2010. American Woodcock Wingbee reliability In The Proceedings of the Tenth American Woodcock Symposium, Roscommon, Michigan 3-6 October 2006, edited by Stewart A.L. & V.R Frawley, p. 195-201.

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lecteur d’ailes de canards dont le taux d’erreur est ≤ 5 % (Krementz & Gbur, op. cit.). Ce niveau pourrait constituer un objectif à atteindre. Il nécessite, de notre point de vue, des améliorations à apporter quant à l’organisation des séances de lecture de plumage. Une révision générale des critères d’âge et de sexe mais aussi des « pièges » à éviter, associée à une séance d’entraînement avec une collection d’ailes destinée à cet exercice nous paraissent être un préalable indispensable avant l’analyse de la récolte annuelle. Pour la bécassine sourde, des exercices de mesures d’ailes semblent également nécessaires. Un minimum d’une heure pourrait être consacré à cette « mise en route ». Dans ces domaines, la pratique fréquente est un gage de succès, même pour des participants expérimentés. Organisé chaque année, ce test de fiabilité constituera un outil de suivi et de mesure des progrès faits. Soulignons que sur le plan biologique, l’extrapolation des erreurs constatées conduirait à des proportions de juvéniles en retrait de 7 à 8 % par rapport aux valeurs estimées à l’heure actuelle. En conséquence, la faiblesse du succès reproducteur des deux espèces pourrait s’avérer plus importante.

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SUIVI DES PRELEVEMENTS En l’absence d’indicateurs d’abondance (et surtout de méthodes pour l’estimer !), les fluctuations inter-annuelles dans les prélèvements sur des sites de référence constituent l’un des moyens d’évaluer la tendance démographique des bécassines des marais et des bécassines sourdes migratrices et hivernantes en France. L’hypothèse est bien entendu toujours la même : les prélèvements sont directement proportionnels aux effectifs présents. Grâce à ses membres actifs, le CICB dispose d’un réseau de 27 territoires de référence localisés principalement dans le nord-ouest de la France (figure 17). Ce réseau, unique en son genre, constitue notre seul outil de suivi de l’abondance aussi nous tenons à remercier vivement les « bécassiniers » qui consacrent une part de leur temps à collecter des informations et les mettent à notre disposition pour une analyse de la situation. Le détail des prélèvements relevés depuis la saison 2000/01 est présenté dans le tableau 5. Les moyennes annuelles se situent autour de 4 500 bécassines des marais et 1 020 bécassines sourdes. Saison Bécassines des marais Bécassines sourdes Total

2000/01 4 003 738 4 741 2001/02 3 783 1 324 5 107 2002/03 4 373 1 036 5 409 2003/04 5 309 1 431 6 740 2004/05 5 718 1 220 6 938 2005/06 5 578 1 283 6 861 2006/07 4 090 953 5 043 2007/08 4 575 865 5 440 2008/09 4 311 855 5 166 2009/10 4 200 807 5 007 2010/11 3 546 719 4 265 Moyenne et total 4 498,7 1 021,0 60 717

Tableau 5 : Détail des prélèvements par saison pour l’ensemble des 27 sites suivis. La saison 2010/11 se caractérise par de faibles prélèvements. Ce sont les plus faibles enregistrés depuis 2000/01, aussi bien pour la Bécassine des marais que pour la Bécassine sourde. Les moyennes des prélèvements par site s’élèvent respectivement à 131,3 et 26,6 (figure 18). La saison 2010/ 11 prolonge, et même accentue, la mauvaise série observée depuis 2006/07. Au cours des 11 dernières années, deux périodes semblent se dessiner pour la Bécassine des marais : une croissance relativement régulière des prélèvements jusqu’en 2005/06 suivi d’une décroissance accentuée par les mauvais résultats de la saison 2010/11. Sur l’ensemble de la période, la tendance est à la baisse est au seuil de la signification statistique (Test de page ; p = 0,064). Pour la bécassine sourde, le schéma reste globalement le même mais la baisse des prélèvements débute plus précocement, en 2003/04. La poursuite de cette chute en 2010/11 conduit à une tendance à la baisse significative des prélèvements pour cette espèce depuis 2000/01 (Test de Page ; p <0,01). Sans surprise, le ratio Bécassine des marais/Bécassine sourde reste d’une étonnante stabilité (figure 19). En 2010/11, la Bécassine des marais représente 83,1 % des prélèvements. La moyenne pour la période 2000/01 – 2010/11 est de 81,6 % (74,1 % - 84,4 %). L’analyse des données de prélèvements récoltées dans les 27 sites de référence n’incite pas à l’optimisme. La chute des effectifs qui fréquentent ces sites depuis le début des années 2000 est avérée pour la Bécassine sourde et à la limite de la signification statistique pour la Bécassine des marais. Notre outil de mesure n’est bien sûr pas parfait (mais est-ce que cela existe ?) et plusieurs biais peuvent être identifiés : variations de la performance des chasseurs, évolution des habitats dans les sites et aux alentours, niveaux d’eau plus ou moins

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optimaux lors des passages migratoires, conditions météorologiques qui perturbent le déroulement des migrations,….Il n’en demeure pas moins que la baisse de fréquentation par les bécassines des territoires suivis requiert notre attention. Figure 17 : Répartition des 27 sites de suivi des prélèvements pour la période 2000/01 à 2010/11. Figure 18 : Moyenne des prélèvements de bécassines des marais et bécassines sourdes par site pour la période 200/01 à 2010/11.

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Figure 19 : Proportion de bécassines des marais dans les prélèvements collectés sur 27 sites de 2000/01 à 2010/11.

CONCLUSION GENERALE

Le fait marquant de la saison 2010/11 est sans nul doute la relative faiblesse des effectifs migrateurs et hivernants de Bécassine des marais et de Bécassine sourde. Sur le plan hydrique, la saison 2010/11 ne présente pas de déficit très marqué et on peut penser que la répartition des oiseaux a été plus homogène que la saison précédente. En revanche, les coups de froid de décembre et les fortes chutes de neige de décembre-janvier ont vraisemblablement perturbé le stationnement des oiseaux ainsi que l’exercice de la chasse. Leur impact n’est certainement pas négligeable. Enfin, les proportions de juvéniles estimées à partir de nos données traduisent probablement un succès de reproduction assez faible, sans être catastrophique, au printemps-été 2010 pour les deux espèces. L’ensemble de ces résultats nous incitent à demeurer très vigilants sur la situation démographique des deux espèces. La question est désormais de savoir si les tendances à la baisse seront confirmées dans les années qui viennent ou si nous avons atteint le « creux de la vague ». Pour y répondre, nous savons pouvoir compter sur les efforts des « bécassiniers » qui ont a cœur de faire progresser les connaissances en participant activement aux récoltes de plumages.

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