Lettre ouverte aux assassins de l'École libre

Collection « Lettre ouverte »

MICHEL DE SAINT P I E R R E

Lettre ouverte aux assassins de

l'École libre

Albin Michel

IL A ÉTÉ T I R É DE C E T OUVRAGE

TRENTE EXEMPLAIRES SUR VÉLIN CUVE PUR F I L DE RIVES

DONT VINGT NUMÉROTÉS DE 1 à 2 0

E T DIX, HORS COMMERCE, NUMÉROTÉS DE I à X

© Éditions Albin Michel, S.A. 1982 22, rue Huyghens, 75014 Paris

ISBN 2-226-001590-6

A Henry Bonnier et François Mitterrand qui m'ont donné l'idée d'écrire ce livre — l'un par ses conseils, l'autre par ses erreurs.

Je remercie tout particulièrement Arnaud de Lassus et ses amis de l'Action familiale et scolaire, pour l'aide inesti- mable qu'ils ont bien voulu m'apporter.

M. S. P.

« Le droit et le devoir d'éducation sont pour les parents quelque chose d'essen- tiel de par leur lien avec la transmission de la vie ; quelque chose d'original et de primordial, par rapport au devoir éduca- tif des autres, en raison du caractère uni- que du rapport d'amour existant entre parents et enfants ; quelque chose d'irremplaçable et d'inaliénable qui ne peut donc être totalement délégué à d'autres, ni usurpé par d'autres. »

JEAN PAUL II (« Les tâches de la famille chrétienne »).

Que va devenir la liberté d'enseignement sur laquelle nous sommes totalement d'accord ? Quelle que soit notre origine confessionnelle et philosophique, nous sommes persuadés que le premier bien de l'homme, c'est sa liberté de pensée et d'enseignement. Que demandons-nous? Simplement que l'on en revienne aux lois qui, peu à peu, ont établi chez nous la paix religieuse. Or, le parti communiste et le parti socialiste, en refusant d'ins- crire cette liberté dans la Constitution, nous menacent implicitement du mono- pole de l'enseignement.

François MITTERRAND en... 1946

Ces transformations indispensables devront s'inscrire dans la perspective du grand service public, unifié et laïc, de l'Éducation nationale qui demeure notre objectif à terme.

François MITTERRAND... en 1981 (Lettre au Syndicat national des institu-

teurs)

« Croyez-vous qu'en se battant contre la socialisation, on mène la guerre aux pau- vres pour le compte des riches ? Laissons cet argument aux voyous de tribune. »

« Dans un pays qui a le grand tort de croire l'État meilleur que les per- sonnes... »

« Pour que le mal s'étende, il suffit que les hommes de bien s'abstiennent. »

Louis PAUWELS

« Je veux me venger de Celui qui règne là-haut. »

Karl MARX

Avant-propos

Je pense que la très grande majorité de l'opinion publi- que « bien pensante », c'est-à-dire antigauche, est chlo- roformée. Ce n'est pas qu'elle soit froussarde ni sotte. Non : elle a simplement respiré trop longtemps l'air gauchiste, l'atmosphère polluée des médias, les gaz délétères du journal Le Monde qui est, comme chacun sait, « le plus intelligent et le plus objectif des jour- naux ». Sans parler de la presse dite « catholique », celle qui a l'audience de notre épiscopat, celle qui se vend dans nos églises — de Témoignage chrétien à La Vie (ex-catholique). Sans parler non plus de certains bulletins diocésains et paroissiaux, des publications émanant de l'Action catholique, des homélies dou- teuses que l'on entend souvent dans nos sanctuaires — ni de différents journaux et revues « modérés » où l'on garde un souci flagrant de ménager la chèvre, le chou et les personnages.

Nous connaissons le résultat : triomphe — provisoire, mais réel — de M. Mitterrand, de sa volière et des socialo-communistes.

Tu l'as voulu, Georges Dandin ! Or la tâche d'un écrivain de droite n'est-elle pas de

p r o m e n e r sa torche un peu par tout , y compris dans les officines de la Gauche aux m u r s humides , aux plafonds bas ?

N'est-elle pas de t i rer la sonnet te d'alarme ? N'est-elle pas de ba t t r e le tambour ? N'est-elle pas de dissiper les illusions de ses compa-

t r iotes — qui se bouchen t volontiers les yeux et les oreilles ?

N'est-elle pas, enfin, de dénoncer ceux qui s 'apprê- t en t à « laisser faire » — aussi d u r e m e n t que ceux qui conçoivent et font le mal ?

Un a t t en ta t se p répare cont re l 'École libre catholi- que : celle-ci const i tue à elle seule les neuf dixièmes de l ' ense ignement privé en France. (Je d e m e u r e convaincu que les Écoles libres pro tes tan tes , juives, or thodoxes, m u s u l m a n e s seront épargnées, et c 'est t an t mieux.) Or no t r e épiscopat, au lieu de t r anche r une b o n n e fois en a f f i rmant sa volonté inébranlab le de ma in ten i r chez

nous l ' enseignement catholique, au lieu d'exiger le s tatu quo intégral pour les crédits accordés à l 'École libre, au lieu de menace r les pouvoirs publics, au lieu de leur laisser c la i rement prévoir la révolte pure et s imple de 850 000 familles et des enseignants fidèles, oui, not re épiscopat tergiverse, louvoie, se laisse envelopper de f iori tures, accepte de négocier. Messeigneurs, on ne négocie pas sa p ropre mort .

Aussi bien, je voudrais convaincre les évêques anes- thésiés, leur dire que l 'École libre est d 'ores et déjà non pas « menacée », ma i s condamnée.

Si je ne parviens pas à les secouer, je veux du moins ne laisser, dans l 'espri t de ceux qui me liront, aucun dou te possible. Je veux rappeler en détails que les évê- ques sont au jourd 'hu i au pied du mur. Parce qu'ils l 'ont voulu. Ils se sont mis en avant. Malgré nos avis répétés, ils on t placé les associat ions de paren ts d'élèves (APEL) sous leur contrôle, ainsi que les organismes laïcs de

gestion (OG) qui dé tenaient l 'argent dest iné aux écoles. De manœuvre en manœuvre , ils ont imposé une « auto- rité de tutelle », que l 'on appelle au jourd 'hu i « comités diocésains de l 'enseignement cathol ique » (CODIEC). Cela aussi, nous l ' examinerons en détail. Quoi qu'il en soit, l 'existence m ê m e de l 'Enseignement cathol ique en France est passée presque en t iè rement dans les mains de l 'épiscopat. Ce qui signifie que les évêques sont deve- nus, de par leur propre volonté, responsables de nos écoles libres. Ce qui signifie encore que s'ils abandon- nent not re ense ignement catholique, s'ils le laissent pér i r faute de crédits, sans soulever et dir iger la révolte de la très forte masse cathol ique française, ils seront marqués parmi les fossoyeurs de l 'École libre, à jamais.

Le propos de ce livre est double. D'abord, je voudrais m o n t r e r dans une première par-

tie, « Alerte au social isme ! », que les h o m m e s au pou- voir ne sont pas des polit iciens-négociateurs plus ou moins souples, mais de fanat iques des t ruc teurs des valeurs que nous respectons. Des socialistes mili tants, de l 'extrême s o m m e t à la plus humble base, professant une morale perverse ; qui sont imbus de leur doctr ine ; qui refusent de t i rer leçon de leurs échecs répétés ; et qui haïssent act ivement le catholicisme sous toutes ses formes. Nous devons, quan t à nous, examiner à fond leur a t t i tude générale pour percevoir c la i rement qu'ils sont c ramponnés à leur puissance éphémère comme des berniques à leur rocher — que jamais ils ne renon- ceront — et qu'ils ont bien l ' intention de res te r en place jusqu 'aux prochaines législatives, à tout le moins. Sans cette aler te au socialisme, sans un réveil de la

conscience chrét ienne, l 'École libre ne sera pas défen- due. C'est pourquoi je veux parcour i r avec mes lecteurs

not re cirque poli t ique actuel dans son é tendue — avec son « Monsieur Loyal », ses clowns, ses équil ibristes et sa ménagerie . Car enfin, c 'est à « cela » que nous avons affaire, encore une fois. M. Mi t te r rand , le pa t ron , tout en nous lançant ses coups d 'œil f i l t rants , tout en dan- san t devant nous le pas de la séduction, me t en prati- que et r épand un social isme marxiste. Je cherche à faire conna î t re un peu, dans m a première part ie , ce socia- lisme-là, ce cirque-là, ce patron-là, cette équipe-là. J ' espère qu 'a lors les dernières mais tenaces illusions, r épandues pa rmi nos amis, se d iss iperont une fois p o u r toutes.

Nous serons ainsi mieux a rmés p o u r lancer, plus précisément , une « Alerte à la laïcité » : ce sera m a seconde partie. Je m'y efforcerai, après un bref aperçu his tor ique, de prouver que les socialistes marxis tes et les communis t e s qui nous gouvernent provisoi- r emen t , n 'on t pas que des in tent ions touchan t la m o r t de l 'École catholique. Ils ont u n plan, et nous le connaissons. Un plan de des t ruct ion, progressive mais totale.

De quoi s'agit-il donc, au jou rd 'hu i? De dé jouer ce plan. De s t imuler l 'épiscopat français si la chose est encore possible. De p répa re r les manifes ta t ions mas- sives qui peuvent seules, p a r leur impact électoral, faire reculer le pouvoir. D'inviter nos évêques et nos prê t res à s 'habi l ler en prê t res et en évêques p o u r p r end re no t re tête dans ces manifes ta t ions ; et de nous subs t i tuer au clergé, nous pa ren t s et grands-parents , en cas de défail- lance — ou plus s implement , d ' insuffisance.

« Vous ne craignez pas d ' appor t e r le scandale ? » me dit-on parfois.

Saint Grégoire le Grand aff i rmai t : « Qu ' impor te le scandale, il f au t servir la vérité. » Cather ine de Sienne : « Assez de s i lence!» et saint Pie X: « Le silence n'est

p lus de mise. » Déjà...

Quant à Léon Bloy, vieil a rchange inébranlable , il écrivait de sa plus belle encre noi r et or :

« Que diriez-vous d ' u n h o m m e qui laisserait empoi- s o n n e r ses frères de p e u r de ruiner, en les avertissant, la considérat ion de l ' empo i sonneur ? »

M.S.P.

L E T T R E O U V E R T E A U X A S S A S S I N S D E L ' É C O L E L I B R E

Messieurs de la Gauche, votre obsession a toujours été d'assassiner l'enseignement catholique en France. Depuis Jules Ferry, vous le guettez, hachoir en main. Qui donc nous accuse, nous, les catholiques, de « ranimer la guerre scolaire » ? Mais cette guerre est un fait brutal qui n'a jamais cessé ! N'avons-nous pas été sans relâche assaillis, tout au long des dernières cent années, par le sectarisme de la venimeuse Laïque ? Aujourd'hui, c'est la Fédération de l'Éducation nationale (F.E.N.) et bien d'autres instances de notre régime totalitaire qui veulent la peau de l'Ecole libre — c'est M. Mexandeau, le compère de M. François Mitterrand, qui a médité longuement l'acte de mort — c'est M. Savary, ministre en exercice et bourreau de service, qui doit proposer à la condamnée les instruments de son supplice. Car enfin, n'en doutez pas ! Les décisions ont été prises une fois pour toutes; le procès de l'enseignement catholique est fait — sans que l'on ait même voulu consulter les avocats. Des négociations ? Trompe-l'œil et attrape- nigauds. La guillotine est prête, avec son couperet. Cette «Lettre ouverte », en apporte la preuve.

Alors, Messieurs les socialo-communistes, je vous le dis solennel- lement : prenez garde ! Nous n'acceptons rien de vous — ni vos décisions, ni vos interdits, ni vos grossièretés de voyous de tribune, ni vos lois. Votre majorité n'englobe déjà plus, tant s'en faut, la majorité des Français, et votre régime est devenu parfaitement illégitime. Réfléchissez bien. Nos libertés, avec l'École libre qui en est la première et la plus inviolable expression, nous saurons les défendre «par tous les moyens, même légaux ». Craignez certaines colères, qui viennent de loin — je veux dire : des tripes même de ce peuple dont vous autres, bourgeois, conventionnels de pacotille, vous ignorez l'âme. Et prenez le temps de méditer, dans vos têtes farcies de haine recuite, l'ironie terrible de l'un de vos grands ancêtres, Danton, qui nous semble aujourd'hui d'une brûlante actualité : «Ce ne sont pas toujours les mêmes têtes qui tombent ! »

Michel de Saint Pierre

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections

de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.