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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XI - n° 2 - mars-avril 2016 108 dossier Virus et hématologie RÉSUMÉ Summary La leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP), maladie rare mais gravissime, est à évoquer devant tout patient d’onco- hématologie présentant une altération des fonctions supérieures ou des signes neurologiques d’installation subaiguë ou plus progressive. Le terrain est celui engendré par l’immunodépression liée à une maladie hématologique avancée (leucémies myéloïdes ou lymphoïdes chroniques, et lymphomes non hodgkiniens), à une allogreffe de moelle, et de façon croissante liée à l’usage de certains traitements, au nombre desquels figurent la fludarabine, le rituximab, le ruxolitinib, les corticoïdes, le bélatacept, le brentuximab et le mycophénolate mofétil. La sensibilisation du clinicien est essentielle. L’IRM est l’outil d’orientation diagnostique de référence, les techniques de biologie moléculaire permettant de prouver le diagnostic. L’amélioration du statut immunitaire sera la clé du traitement face à un arsenal thérapeutique décevant. Mots-clés : Leucoencéphalopathie multifocale progressive - Immunodépression - Onco-hématologie - Virus JC - Encéphalopathie - Non VIH. Progressive multifocal leukoencephalopathy (PML) is a rare but harmful disease. It must be systematically suspected in patients suffering from hematological malignancy with progressive or subacute central neurologic symptoms. PML occurs in patients presenting with an immunodeficiency secondary to a severe haematological malignancy (chronic myeloid or lymphoid leukaemia, non-Hodgkin lymphoma), or to a hematopoietic stem cell transplant, especially among patients with previous use of fludarabine, rituximab, ruxolitinib, steroids, belatacept, brentuximab and mycophenolate mofetil. PML’s prevalence seems to be increasing and awareness of the clinicians is essential. MRI and JC virus PCR are key exams for the diagnosis. A restoration of immunity is imperative while various drugs that have been tested seem not to be ineffective. Keywords: Progressive multifocal leukoencephalopathy - Immunocompromised host - Hematology - JC virus - Encephalopathy - Non-HIV. Leucoencéphalopathie multifocale progressive en hématologie Progressive multifocal leukoencephalopathy in hematology K. Risso*, J. Courjon* * Service d’infectiologie, CHU de Nice. L a leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) est une affection du système nerveux cen- tral (SNC) induite par la réactivation du virus de John Cunningham (virus JC), qui appartient à la famille des Polyomaviridae humains. Épidémiologie et pronostic La LEMP se développe exclusivement chez des per- sonnes immunodéprimées. Avant l’épidémie du sida, cette maladie rare était principalement décrite chez les patients d’onco-hématologie souffrant de leucémies lymphoïdes chroniques (LLC), de leucémies myéloïdes chroniques (LMC) et de lymphomes de Hodgkin (LH). L’immunodépression cellulaire favorisant cette maladie, l’épidémie du VIH a démasqué cette complication neurologique, avec une prévalence qui atteignait 5 % avant l’ère des trithérapies antirétrovirales efficaces (1) . Bien que cette prévalence ait fortement diminué depuis, l’infection par le VIH demeure la principale cause de LEMP (80 % des cas rapportés) [1] . À l’heure actuelle, les cas signalés au sein de la population d’onco- hématologie et chez les patients receveurs de greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) augmentent. Avant l’usage des analogues des purines, la prévalence de la LEMP dans les hémopathies lymphoprolifératives était couramment rapportée aux alentours de 0,52 %, versus 3,3 % actuellement (2) . Toutefois, il n’est pas exclu que l’augmentation du recours aux outils diagnostiques que sont l’IRM et la PCR du virus JC participe pour une grande part à cette constatation épidémiologique. Une étude fondée sur les données de l’Assurance maladie, à partir d’une population de 9 675 LEMP aux États-

Leucoencéphalopathie multifocale progressive en …Progressive multifocal leukoencephalopathy in hematology K. Risso*, J. Courjon* * Service d’infectiologie, CHU de Nice. L a leucoencéphalopathie

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Page 1: Leucoencéphalopathie multifocale progressive en …Progressive multifocal leukoencephalopathy in hematology K. Risso*, J. Courjon* * Service d’infectiologie, CHU de Nice. L a leucoencéphalopathie

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La leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP), maladie rare mais gravissime, est à évoquer devant tout patient d’onco-hématologie présentant une altération des fonctions supérieures ou des signes neurologiques d’installation subaiguë ou plus progressive. Le terrain est celui engendré par l’immunodépression liée à une maladie hématologique avancée (leucémies myéloïdes ou lymphoïdes chroniques, et lymphomes non hodgkiniens), à une allogreff e de moelle, et de façon croissante liée à l’usage de certains traitements, au nombre desquels fi gurent la fl udarabine, le rituximab, le ruxolitinib, les corticoïdes, le bélatacept, le brentuximab et le mycophénolate mofétil. La sensibilisation du clinicien est essentielle. L’IRM est l’outil d’orientation diagnostique de référence, les techniques de biologie moléculaire permettant de prouver le diagnostic. L’amélioration du statut immunitaire sera la clé du traitement face à un arsenal thérapeutique décevant.

Mots-clés : Leucoencéphalopathie multifocale progressive − Immunodépression − Onco-hématologie − Virus JC − Encéphalopathie −Non VIH.

Progressive multifocal leukoencephalopathy (PML) is a rare but harmful disease. It must be systematically suspected in patients suff ering from hematological malignancy with progressive or subacute central neurologic symptoms. PML occurs in patients presenting with an immunodefi ciency secondary to a severe haematological malignancy (chronic myeloid or lymphoid leukaemia, non-Hodgkin lymphoma), or to a hematopoietic stem cell transplant, especially among patients with previous use of fl udarabine, rituximab, ruxolitinib, steroids, belatacept, brentuximab and mycophenolate mofetil. PML’s prevalence seems to be increasing and awareness of the clinicians is essential. MRI and JC virus PCR are key exams for the diagnosis. A restoration of immunity is imperative while various drugs that have been tested seem not to be ineff ective.

Keywords: Progressive multifocal leukoencephalopathy − Immunocompromised host − Hematology − JC virus − Encephalopathy − Non-HIV.

Leucoencéphalopathie multifocale progressive en hématologie Progressive multifocal leukoencephalopathy in hematology K. Risso*, J. Courjon*

* Service d’infectiologie, CHU de Nice.

L a leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) est une aff ection du système nerveux cen-tral (SNC) induite par la réactivation du virus de

John Cunningham (virus JC), qui appartient à la famille des Polyomaviridae humains.

Épidémiologie et pronostic

La LEMP se développe exclusivement chez des per-sonnes immunodéprimées. Avant l’épidémie du sida, cette maladie rare était principalement décrite chez les patients d’onco-hématologie souff rant de leucémies lymphoïdes chroniques (LLC), de leucémies myéloïdes chroniques (LMC) et de lymphomes de Hodgkin (LH). L’immunodépression cellulaire favorisant cette maladie, l’épidémie du VIH a démasqué cette complication

neurologique, avec une prévalence qui atteignait 5 % avant l’ère des trithérapies antirétrovirales effi caces (1) . Bien que cette prévalence ait fortement diminué depuis, l’infection par le VIH demeure la principale cause de LEMP (80 % des cas rapportés) [1] . À l’heure actuelle, les cas signalés au sein de la population d’onco- hématologie et chez les patients receveurs de greff e de cellules souches hématopoïétiques (CSH) augmentent. Avant l’usage des analogues des purines, la prévalence de la LEMP dans les hémopathies lymphoprolifératives était couramment rapportée aux alentours de 0,52 %, versus 3,3 % actuellement (2) . Toutefois, il n’est pas exclu que l’augmentation du recours aux outils diagnostiques que sont l’IRM et la PCR du virus JC participe pour une grande part à cette constatation épidémiologique. Une étude fondée sur les données de l’Assurance maladie, à partir d’une population de 9 675 LEMP aux États-

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XI - n° 2 - mars-avril 2016 109

Leucoencéphalopathie multifocale progressive en hématologie

Unis, place en deuxième position la pathologie onco -hématologique, qui est responsable de 8,4 % des cas de LEMP (3) . K.L. Amend et al. (4) , dans une autre étude réalisée aux États-Unis chez des patients d’onco-hé-matologie et d’autres patients greff és, trouvent 10 à 35 patients atteints de LEMP pour 10 000 patients-an-nées. Si l’usage de nouveaux antimétabolites, chimio-thérapies et immunothérapies ciblées a transformé le pronostic de certaines hémopathies en diminuant de ce fait le risque de LEMP, ces traitements, hautement immunosuppressifs pour certains, sont clairement et directement en cause dans un certain nombre de cas de LEMP. Parmi les molécules utilisées en onco-hématolo-gie, les alertes concernent la fl udarabine, le rituximab, le ruxolitinib, les corticoïdes, le bélatacept, le brentuximab et le mycophénolate mofétil (1) . Les données épidé-miologiques sont insuffi santes, mais J. García-Suárez et al. (2) ont fait des observations intéressantes en compa-rant les cas de LEMP survenant en hématologie avant et après l’ère des analogues des purines :

✓ les LH avancés représentaient 63,6 % des LEMP avant l’ère des analogues des purines en onco-hématologie, alors que, de nos jours, ce sont les LLC qui dominent, à hauteur de 45,6 %, devant les lymphomes non hodg-kiniens (LNH) agressifs avancés (24,6 %) ;

✓ les facteurs corrélés à la LEMP en onco- hématologie chez les patients ayant bénéficié d’analogues des purines sont l’âge (> 55 ans), le sexe masculin et un taux de CD4 inférieur à 200 mm 3 , avec un délai de survenue de 11 mois. Il est important de souligner qu’il n’existe pas de valeur seuil de CD4, un certain nombre de cas survenant chez des patients ayant des taux normaux de CD4, et particulièrement dans les suites de greff e de CSH ;

✓ le meilleur pronostic de la LEMP chez les patients allogreff és est confi rmé, avec 62,5 % de mortalité, versus 90 % chez les autres patients d’onco- hématologie (2) ;

✓ la restauration immune est l’élément clé du pronostic de cette maladie. En dehors des services d’hématologie, cette maladie est décrite chez des patients atteints de tumeurs solides, transplantés, atteints de maladies infl ammatoires ou granulomateuses. Enfi n, un certain nombre de théra-peutiques immunomodulatrices (éfalizumab, natalizu-mab) aff ectant l’immunité cellulaire sont directement responsables de LEMP, élément auquel les cliniciens et les patients sont maintenant sensibilisés avec, en réponse, des stratégies de surveillance et de traitement spécifi ques (5, 6) . L’évolution de la LEMP est rapidement fatale en l’espace de quelques mois, en dehors des cas où la restauration immune permet une survie prolongée. Chez les sujets

non VIH, la médiane de survie est estimée à 3 mois, mais des survies prolongées, voire des restaurations, sont observées en fonction des terrains (7) . Chez les patients qui survivent, les séquelles sont souvent sévères. L’“épidémie” de LEMP survenant en neurologie chez les patients traités par natalizumab (un anticorps monoclonal qui inhibe l’entrée des cellules infl amma-toires dans le SNC en ciblant l’α4-intégrine) a eu pour conséquence l’élaboration d’une prise en charge dite agressive (décrite ci-dessous) qui a démontré une modi-fi cation radicale du pronostic de cette maladie dans ces cas particuliers (5) . Ces résultats très encourageants sont à considérer en hématologie.

Physiopathologie

La physiopathologie de la maladie n’est pas bien connue. La primo-infection survient dans 75 % des cas durant l’enfance, avec un taux d’immunisation à l’âge adulte de 92 % (8) . Le virus demeure ensuite à l’état latent dans les reins et les organes lymphoïdes. Il semblerait qu’il y ait une réplication permissive du virus dans les lymphocytes B lors des périodes d’im-munodépression sévère, en particulier lorsqu’il y a un défi cit de l’immunité cellulaire, avec une entrée et une multiplication du virus dans les oligodendrocytes, qui sont les cellules produisant la myéline, et dans les astrocytes (1) .

Manifestations cliniques

L’atteinte concerne avant tout la substance blanche sur un mode généralement progressif. L’atteinte de la substance grise est couramment associée. Le mode évolutif peut être subaigu (1) . La présentation clinique va dépendre de la localisation des plages de démyéli-nisation, qui sont généralement multiples, atteignant le cerveau et épargnant la moelle épinière et les nerfs optiques. L’atteinte de la substance blanche à elle seule mime une atteinte corticale en interrompant le fl ux neu-ronal cortical. La maladie s’exprime par une altération des fonctions supérieures, voire par des manifestations neu-ro-psychiatriques, des défi cits moteurs de type monopa-résie ou hémiparésie, une ataxie cérébelleuse, une ataxie à la marche, une hémianopsie ou une diplopie, ou des troubles phasiques. Des convulsions sont rapportées dans 18 % des cas (9) . Notons que le virus JC peut aussi occasionner des encéphalopathies, des méningites ou des atteintes spécifi ques des cellules granulaires du cortex cérébelleux sans LEMP concomitante (1) .

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Virus et hématologie

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Imagerie

L’IRM, bien supérieure au scanner, est l’examen incon-tournable. Elle est toujours pathologique. Les plages de démyélinisation de la substance blanche sous-cor-ticale sont typiquement bilatérales et asymétriques, ne correspondant pas à des territoires vasculaires. Le corps calleux, le tronc cérébral et le cervelet peuvent être atteints, de même que les noyaux gris centraux. Ces plages sont hypo-intenses en T1, hyperintenses en T2 et en séquence FLAIR (Fluid Attenuated Inversion Recovery), sans rehaussement en diff usion et sans eff et de masse, ni œdème en dehors de cas atypiques. Ce rehaussement, quand il existe, serait lié à une rupture de la barrière hémato-encéphalique (BHE) à la suite de la réaction infl ammatoire locale. Le syndrome de res-tauration immune (SRI) − particulièrement observé lors de l’instauration des antirétroviraux chez les patients atteints du VIH − peut survenir en onco-hématologie. Il est responsable d’une prise de contraste ou d’œdèmes sur l’IRM. Globalement, en hématologie, les présenta-tions IRM atypiques sont plus fréquentes (10) .

Diagnostic

La PCR du virus JC est l’examen incontournable. Un résultat positif dans le liquide céphalorachidien (LCR)

associé à un terrain et à une imagerie compatibles pose le diagnostic (10) . La sensibilité de la PCR diminue avec la restauration immune, et, même chez le patient VIH, il n’est pas rare d’avoir une PCR négative dans le LCR (10) . La biopsie cérébrale demeure l’examen de référence. Elle est réalisée en cas d’atypie ou de doute diagnos-tique avec des PCR du virus JC répétées négatives. La biopsie cérébrale avec réalisation d’une PCR dans le LCR, d’une hybridation in situ ou d’un marquage par immu-nohistochimie a été évaluée dans une population de patients atteints du VIH avec une sensibilité de 93 à 96 %, une spécifi cité de 100 % et une mortalité de 2 % (10) . Le diagnostic diff érentiel principal est celui de lymphome cérébral. L’atteinte corticale, la présence d’un œdème modéré, une prise de contraste diff use et la PCR du virus d’Epstein-Barr (EBV) positive orientent le diagnostic. Les autres étiologies à éliminer sont les méningo-encépha-lites d’autre étiologie virale (CMV, VZV, HSV, HHV-6) ou post-virale, les vascularites cérébrales et le syndrome d’encéphalopathie réversible postérieure.

Traitement

Il n’existe pas de traitement étiologique effi cace. La restauration de l’immunité est l’élément clé, bien qu’une aggravation paradoxale puisse survenir. Il est donc essentiel de diminuer l’immunosuppression (1, 5, 11, 12) .

Figure 1. Aspect de LEMP typique chez un patient ayant reçu une greff e de CSH. Homme de 72 ans, allogreff é 2 ans auparavant pour une leucémie aiguë myéloblastique de type 2 ayant bénéfi cié d’une induction selon le protocole ALFA 1 200 (cytarabine), puis d’une consolidation par cytarabine + mitoxantrone et d’un conditionnement par fl udarabine-busulfan, ainsi que d’une prévention de la GVH par sérum antilymphocytaire et mycophénolate mofétil stoppée à 6 mois de la greff e. Une corticothérapie pour GVH cutanée avait été instaurée après la greff e et arrêtée 1 an après celle-ci. CD4 : 171/ mm3 ; PCR du virus JC positive dans le LCR. Apparition depuis plusieurs mois d’un syndrome dépressif, puis, en quelques semaines, d’une hémiplégie gauche avec troubles phasiques. Sur l’IRM, on observe une plage hyperintense en T1 (A) de la substance blanche sous-corticale pariétale droite, du corps calleux et en partie pariétale gauche, ne correspondant pas à un territoire vasculaire. Aspect hyperintense en T2 TSE (B) et hyperintense sans œdème en séquence FLAIR (C) . Il n’existait pas de rehaussement après injection (image non disponible) . Pas d’eff et de masse associé.

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Leucoencéphalopathie multifocale progressive en hématologie

C’est en neurologie, dans la situation très particulière des LEMP induites par le natalizumab, que les cas d’amélioration les plus notables ont été décrits (5) . La stratégie de prise en charge, bien élaborée dans ce contexte, comprend l’arrêt du natalizumab, associé à des échanges plasmatiques, sous couvert d’une corticothérapie pour SRI généralement induit par la restauration immune (5) . Concernant les thérapeutiques testées dans la LEMP, elles sont multiples et visent des cibles très diff érentes, de la réplication virale à l’inhibition de l’entrée du virus dans les cellules du système nerveux, en passant par la lutte contre les eff ets neurotoxiques de la restauration immune. L’ensemble de ces thérapeutiques a une effi -cacité aussi faible que le niveau de preuve sous-tendant leur utilisation. Les rares traitements qui ont été étudiés dans des études randomisées ou prospectives (cytara-bine, cidofovir et méfl oquine) n’ont pas démontré de bénéfi ce signifi catif (1, 2) . Le cidofovir est le traitement qui a été le plus utilisé et étudié durant l’épidémie de VIH. Les études prospectives chez les patients VIH et non VIH ont démontré son absence d’effi cacité (1, 2, 13) . Sa faible et contradictoire action sur le virus JC ainsi que sa faible pénétration dans le SNC expliquent ces résul-tats (1) . Par ailleurs, des eff ets indésirables graves ont été rapportés. Récemment, une formulation lipidique du cidofovir (le brincidofovir) a démontré sa capacité in vitro à diminuer la réplication du virus JC. Sa moindre toxicité en fait un traitement à évaluer dans cette indi-cation. Un autre agent, la cytarabine, aurait un eff et inhibiteur in vitro sur la réplication du virus JC. De ce fait, elle a été utilisée à la posologie de 2 mg/kg i.v. dans une étude portant sur 19 patients non VIH, avec une stabilisation des atteintes neurologiques rapportée dans 36 % des cas (14), alors qu’une absence d’effi cacité avait été démontrée chez les patients VIH (15) . Sa demi-vie courte, sa faible pénétration cérébrale et sa toxicité hématologique expliquent ces résultats et les limites de ce traitement. La mirtazapine est un antagoniste du récepteur de la sérotonine 5-HT2A qui serait nécessaire à l’entrée du virus dans les oligodendrocytes. Des cas d’amélioration en dehors de toute étude compara-tive ou prospective ont été publiés dans la littérature. Récemment, d’autres anti psychotiques (ziprasidone, rispéridone et olanzapine) ont démontré in vitro leur capacité à diviser par 10 le risque d’infection des cellules par le virus JC (1, 2) . Enfi n, la méfl oquine, qui est une molécule utilisée dans la prévention et le traitement du paludisme, semblerait inhiber la réplication du virus JC en culture (1, 2) . Une étude multicentrique évalue actuellement ce traitement. Enfi n, des lymphocytes T spécifi ques du virus JC ont été testés.

Figure 2. LEMP compliquée d’un SRI (1). Patiente âgée de 40 ans atteinte du VIH et présentant des troubles phasiques et une hémi-parésie droite, puis une crise d’épilepsie à J4 de l’instauration d’une trithérapie antirétrovirale. CD4 : 468/ mm3 ; PCR du virus JC positive dans le LCR. Séquences FLAIR (colonne de gauche) et T1-gadolinium (colonne de droite).A. Plage d’hypersignal frontale avec atteinte de la substance blanche sous-corticale et du corps calleux. B. Prise de contraste témoignant d’une rupture de la BHE. - Après 2 mois et demi de traitement, aggravation clinique et IRM. C et D. Augmentation de la plage d’hypersignal gauche et de l’atteinte du corps calleux avec eff et de masse (hernie sous-falcorielle, cornes ventriculaires antérieures gauche et droite). - Amélioration clinique sous corticothérapie systémique, avec arrêt transitoire des antirétroviraux pendant 2 semaines. E et F. Nette régression de l’hypersignal avec lésion de leucomalacie et atrophie frontale gauche.

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Virus et hématologie

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Une aggravation de la symptomatologie de la LEMP peut survenir après la restauration immune, celle-ci pouvant être fatale. La corticothérapie à forte dose (32 mg/j de dexaméthasone en 4 prises pendant 14 jours, ou 1 g/j de solumédrol pendant 5 jours) est régulièrement utilisée, sans fort niveau de preuve pour justifier cette utilisation (1, 2) . Le maraviroc est un inhibiteur du récepteur CCR5 utilisé dans le VIH, qui posséderait des propriétés immunomodula-trices. Il est utilisé pour le traitement du SRI associé à la LEMP malgré une littérature discordante et très maigre, composée de quelques cas cliniques (16) . Cette utilisation serait justifiée par le fait que le SRI

qui survient au cours d’une LEMP est constitué de lymphocytes T CD8 exprimant CCR5.

Conclusion

La LEMP est une réalité qui se concrétise avec l’usage des nouvelles chimiothérapies et thérapeutiques ciblées. L’alerte a déjà été donnée pour un certain nombre de traitements couramment utilisés en onco-hématologie. L’information et la sensibilisation du clinicien à ce sujet sont essentielles pour améliorer la prise en charge des patients. ■

1. Tan CS, Koralnik IJ. Progressive multifocal leukoencephalo-pathy and other disorders caused by JC virus: clinical features and pathogenesis. Lancet Neurol 2010;9(4):425-37.

2. García-Suárez J, de Miguel D, Krsnik I et al. Changes in the natural history of progressive multifocal leukoencephalopathy in HIV-negative lymphoproliferative disorders: impact of novel therapies. Am J Hematol 2005;80(4):271-81.

3. Molloy ES, Calabrese LH. Progressive multifocal leukoence-phalopathy: a national estimate of frequency in systemic lupus erythematosus and other rheumatic diseases. Arthritis Rheum 2009;60(12):3761-5.

4. Amend KL, Turnbull B, Foskett N et al. Incidence of progres-sive multifocal leukoencephalopathy in patients without HIV. Neurology 2010;75(15):1326-32.

5. McGuigan C, Craner M, Guadagno J et al. Stratification and monitoring of natalizumab-associated progressive multifocal leukoencephalopathy risk: recommendations from an expert group. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2016;87(2):117-25.

6. Chahin S, Berger JR. A risk classifi cation for immunosuppres-sive treatment-associated progressive multifocal leukoence-phalopathy. J Neurovirol 2015;21(6):623-31.

7. Koralnik IJ. Progressive multifocal leukoencephalopathy revisited: has the disease outgrown its name? Ann Neurol 2006;60(2):162-73.

8. Major EO, Amemiya K, Tornatore CS et al. Pathogenesis and molecular biology of progressive multifocal leukoence-phalopathy, the JC virus-induced demyelinating disease of the human brain. Clin Microbiol Rev 1992;5(1):49-73.

9. Lima MA, Drislane FW, Koralnik IJ. Seizures and their outcome in progressive multifocal leukoencephalopathy. Neurology 2006;66(2):262-4.

10. Berger JR, Aksamit AJ, Cliff ord DB et al. PML diagnostic criteria: consensus statement from the AAN Neuroinfectious Disease Section. Neurology 2013;80(15):1430-8.

11. Garrote H, de la Fuente A, Ona R et al. Long-term survival in a patient with progressive multifocal leukoencephalopathy after therapy with rituximab, fl udarabine and cyclophosphamide for chronic lymphocytic leukemia. Exp Hematol Oncol 2015;4:8.

12. Tan CS, Broge TA, Ngo L et al. Immune reconstitution after allogeneic hematopoietic stem cell transplantation is associated with selective control of JC virus reactivation. Biol Blood Marrow Transplant 2014;20(7):992-9.

13. Osorio S, de la Cámara R, Golbano N et al. Progressive multifocal leukoencephalopathy after stem cell transplan-tation, unsuccessfully treated with cidofovir. Bone Marrow Transplant 2002;30(12):963-6.

14. Aksamit AJ. Treatment of non-AIDS progressive multifocal leukoencephalopathy with cytosine arabinoside. J Neurovirol 2001;7(4):386-90.

15. Hall CD, Dafni U, Simpson D et al. Failure of cytarabine in progressive multifocal leukoencephalopathy associated with human immunodefi ciency virus infection. AIDS Clinical Trials Group 243 Team. N Engl J Med 1998;338(19):1345-51.

16. Martin-Blondel G.L’utilisation du maraviroc au cours des LEMP-IRIS est supportée par l’expression de CCR5 par les lym-phocytes T CD8 infi ltrant les lésions cérébrales. 16 es Journées nationales d’infectiologie. Communication orale.

R é f é r e n c e s

K. Risso déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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