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Revue de l’Énergie, n° 567, septembre-octobre 2005 325 DES RÉSERVES D’HYDROCARBURES IMPORTANTES,CONCENTRÉES AU MOYEN-ORIENT Selon P.Terzian, les réserves prouvées de pétrole représentent près du tiers des réserves conventionnelles existantes et 40 années de production dans les conditions actuelles. Cet horizon passe à 74 ans si l’on considère que la seule zone Opep produit moins de pétrole que sa part dans les réserves mon- diales. P.Terzian a noté qu’en 1975, après le premier choc pétrolier, l’inquiétude sur « L’EUROPE EN PANNE D’ÉNERGIE? » RENCONTRES STRATÉGIQUES SUR LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE par MICHEL DERDEVET Directeur de la communication et des relations extérieures de RTE Maître de conférences à l’Institut d’Études Politiques de Paris À l’initiative de RTE, le Conseil économique et social accueillait, le 11juillet 2005, la première édition des «Rencontres stratégiques sur la sécurité énergétique ». Sous-titré « L’Europe en panne d’énergie? », ce colloque s’inscrivait dans l’actualité brûlante de la montée des prix du pétrole. Ouvrant le colloque, Hubert Bouchet, vice-président de la section des Activités productives, de la Recherche et de la Technologie du Conseil économique et social (CES), rappela qu’avec 400millions de citoyens, l’Europe consomme plus de 2500 TWh d’électricité par an et que sa demande d’énergie primaire croît, faisant d’elle le premier importateur mondial d’énergie et le deuxième consommateur derrière les États-Unis. Cette tendance devrait se poursuivre au moins jusqu’en 2030. H. Bouchet a aussi souligné que si la planète consomme de plus en plus d’énergie, plus de 1,5milliard de personnes demeurent éloignées de l’accès aux sources d’énergie modernes. Les besoins sont donc gigantesques. Quatre tables rondes, préludes à de riches débats avec la salle, se sont succédées. La première avait pour thème « Le marché de l’énergie: la fin de la surcapacité » et la seconde, consacrée à la sécurité des approvisionnements, s’intitulait «Un cadre réglementaire et un contexte européen peu adaptés». L’après-midi les échanges ont porté sur « Les stratégies pour préparer l’offre d’énergie aux nouveaux enjeux » et « Les grandes orientations pour la France et l’Europe ». Première table ronde LE MARCHÉ DE L ÉNERGIE : LA FIN DE LA SURCAPACITÉ Olivier APPERT,président de l’Institut français du Pétrole Dominique REMY, responsable mondial Energy Commodities Export Project, membre du comité exécutif de la banque d’investissement BNP Paribas Robert MABRO, président du Oxford Institute Energy Studies Henri REVOL, sénateur de la Côte d’Or,président du groupe d’études de l’Énergie du Sénat président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques Pierre TERZIAN, directeur de la publication de Pétrostratégie (1) Organisée par le Cabinet Carles & Rheims, cette journée avait comme autres partenaires industriels SUEZ, BNP PARI- BAS,TOTAL, l’UIC, Powernext et Capgemini. Les débats furent animés le matin par Éric Revel,rédacteur en chef économie de LCI, et l’après-midi par Philippe Ballard, journaliste à LCI. Compte-r endu L ’EUR OPE F A CE A LA PÉNURIE ?

"L'Europe en Panne d'énergie" : rencontres stratégiques sur la sécurité énergétique

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A l'initiative de RTE, le conseil économique et social a accueilli, le 11 juillet 2005, la première édition des rencontres stratégiques sur la sécurité énergétique

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Revue de l’Énergie, n° 567, septembre-octobre 2005 325

DES RÉSERVESD’HYDROCARBURES

IMPORTANTES, CONCENTRÉESAU MOYEN-ORIENT

Selon P. Terzian, les réserves prouvées depétrole représentent près du tiers des réservesconventionnelles existantes et 40 années deproduction dans les conditions actuelles.

Cet horizon passe à 74 ans si l’on considèreque la seule zone Opep produit moins depétrole que sa part dans les réserves mon-diales. P. Terzian a noté qu’en 1975, après lepremier choc pétrolier, l’inquiétude sur

« L’EUROPE EN PANNE D’ÉNERGIE? »RENCONTRES STRATÉGIQUES SUR LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE

par MICHEL DERDEVETDirecteur de la communication et des relations extérieures de RTE

Maître de conférences à l’Institut d’Études Politiques de Paris

À l’initiative de RTE, le Conseil économique et social accueillait, le 11 juillet 2005, la première édition des « Rencontres stratégiquessur la sécurité énergétique ». Sous-titré « L’Europe en panne d’énergie? », ce colloque s’inscrivait dans l’actualité brûlante de la montée

des prix du pétrole. Ouvrant le colloque, Hubert Bouchet, vice-président de la section des Activités productives, de la Recherche et dela Technologie du Conseil économique et social (CES), rappela qu’avec 400 millions de citoyens, l’Europe consomme plus de 2500TWh d’électricité par an et que sa demande d’énergie primaire croît, faisant d’elle le premier importateur mondial d’énergie et le

deuxième consommateur derrière les États-Unis. Cette tendance devrait se poursuivre au moins jusqu’en 2030. H. Bouchet a aussisouligné que si la planète consomme de plus en plus d’énergie, plus de 1,5 milliard de personnes demeurent éloignées de l’accès aux

sources d’énergie modernes. Les besoins sont donc gigantesques. Quatre tables rondes, préludes à de riches débats avec la salle, se sontsuccédées. La première avait pour thème « Le marché de l’énergie : la fin de la surcapacité » et la seconde, consacrée à la sécurité desapprovisionnements, s’intitulait « Un cadre réglementaire et un contexte européen peu adaptés ». L’après-midi les échanges ont portésur « Les stratégies pour préparer l’offre d’énergie aux nouveaux enjeux » et « Les grandes orientations pour la France et l’Europe ».

Première table rondeLE MARCHÉ DE L’ÉNERGIE: LA FIN DE LA SURCAPACITÉ

Olivier APPERT, président de l’Institut français du PétroleDominique REMY, responsable mondial Energy Commodities Export Project,membre du comité exécutif de la banque d’investissement BNP ParibasRobert MABRO, président du Oxford Institute Energy StudiesHenri REVOL, sénateur de la Côte d’Or, président du groupe d’études de l’Énergie du Sénatprésident de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiquesPierreTERZIAN, directeur de la publication de Pétrostratégie

(1) Organisée par le Cabinet Carles & Rheims, cette journéeavait comme autres partenaires industriels SUEZ, BNP PARI-BAS,TOTAL, l’UIC, Powernext et Capgemini. Les débats furentanimés le matin par Éric Revel, rédacteur en chef économie deLCI, et l’après-midi par Philippe Ballard, journaliste à LCI.

Compte-rendu

L’EUROPE FACE A LA PÉNURIE?

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l’avenir des réserves était plus justifiée qu’au-jourd’hui, car le ratio réserves/productionétait de 34 années seulement et le décalageavec la zone Opep moins prononcé. En30ans, malgré la hausse de la production,l’espérance de vie des réserves a donc aug-menté, un motif d’optimisme.

Pour le gaz naturel, le ratio réserves/produc-tion est bien supérieur à celui du pétrole(67années) car sa consommation mondialeest deux fois inférieure à celle du pétrole. Lazone dominante est l’ex-URSS: la Russie sur-tout. Comme l’Opep pour le pétrole, sesréserves existantes sont plus importantes etmoins sollicitées que dans le reste du monde.

Le Moyen-Orient, a précisé P. Terzian,concentre près des 2/3 de réserves prouvées(750 milliards de barils/jour) avec un ratioréserves/production de 82 ans, le double duratio mondial. Cette région ne produit que31 % du pétrole mondial. Pour 100 milliardsde réserves, elle ne produit que 1,2 milliardde barils/an contre 14,3 dans le reste dumonde. La dépendance croissante à l’égarddu Moyen-Orient semble ainsi inéluctable.

Elle ne l’est pourtant pas si l’on considèretout un potentiel peu exploité : réserves depétrole non conventionnel (huiles extralourdes, sables asphaltiques), offshore pro-fond, progrès possibles pour récupérer leshuiles en place. Sans compter les énergiesalternatives. P. Terzian conclut en affirmantson optimisme sur les réserves disponibles,les motifs d’inquiétude portant plutôt sur lesprix, le manque de transparence de l’Arabiesaoudite et la lenteur des progrès sur lesénergies de substitution.

DES PRIX TIRÉSPAR LA DEMANDE

Sur le prix du baril, D. Remy souligne que,depuis 2004, nous sommes dans une phasenouvelle caractérisée par l’absence de margede production, où les prix sont tirés par lademande. Un risque pour les prochaines

années. Personne ne prévoyait, il y a 4 ans,le franchissement du seuil symbolique des70 dollars.

Pour sa part, Henri Revol a insisté, en tantque représentant des citoyens, sur l’impor-tance du pétrole dans la formation des prixde l’énergie. Depuis l’ouverture des marchés,alors qu’on prédisait une baisse, les prix dugaz et de l’électricité ont fortement aug-menté. Des hausses liées aussi à la fin dessurcapacités. Il faudra donc, selon lui,consentir des investissements considérablesen France et en Europe.

Pour R. Mabro, l’insuffisance de l’offre tientsurtout aux goulets d’étranglement dans leraffinage, faute d’investissement des compa-gnies pétrolières : alors que la capacité mon-diale de raffinage devrait dépasser de 9 %environ la production, ce taux est passé de11 % en 1994 à 4 % en 2004. En outre, lespays producteurs préfèrent l’exportation dubrut au raffinage. Les prix ne peuvent doncqu’augmenter. D. Remy note toutefois lesprémices d’une évolution: les raffineries par-viennent à produire davantage de produitsblancs et des unités se construisent dans lespays émergents. Le raffinage, en devenantrentable, va attirer les investisseurs.

DES CARBURANTSIRREMPLAÇABLES

POUR LES TRANSPORTS

Convenant aussi que la question tient à l’aug-mentation des capacités et à leur adaptation àla demande, O. Appert a noté que celle-ci esttirée par les transports, dont les besoins encarburant ne pourront être satisfaits par deséoliennes ou des centrales nucléaires. Deuxformes d’énergie dont Henri Revol a souli-gné, pour la première, qu’elle était une éner-gie d’appoint et, pour la deuxième, qu’elleétait incontournable pour notre pays. Quantau réacteur Iter, il constitue, pour OlivierAppert, Henri Revol et Dominique Remy, unoutil de recherche fondamentale dont l’hori-zon industriel est d’au moins 50 ans.

PRIX ET MARCHÉ: LE RÔLEDOMINANT DES ÉTATS-UNIS

L’augmentation de la demande énergétique dela Chine et de l’Inde et son impact sur le climatétant abordés, P. Terzian pense que la croissancede ces pays est une bonne nouvelle et qu’il fautles aider à éviter nos gaspillages initiaux.O. Appert et D. Remy notent que les Chinoisont choisi des modes de consommation pluséconomes que les pays occidentaux, en particu-lier les États-Unis qui, précise R. Mabro,consomment 25 % du pétrole mondial. Si lademande chinoise a augmenté de 15 % en2004 et celle des États-Unis de 3,4 %, les 15 %de la Chine représentent 900 barils/jour et les3,4 % des États-Unis 700000! De plus, lesÉtats-Unis refusent de coopérer sur l’environ-nement. L’inquiétude devrait donc porter sureux, non sur la Chine ou l’Inde.

Autre anomalie soulignée par D. Remy: l’im-portance accordée aux stocks américains pourfixer les prix. Comme le précise O. Appert, lemarché du pétrole fait référence au brut (WTI)consommé dans la seule région de Chicago. Lemode de fixation des prix du pétrole manquede transparence. D’où la question de P. Terziansur l’opportunité de créer un marché de réfé-rence en Méditerranée. Une question quen’ont pas prise en compte les politiques alorsque l’énergie assure un véritable service public.Si l’Union européenne publiait régulièrementdes chiffres sur ses stocks, cette transparencelimiterait la spéculation. À l’échelle mondiale,la seule issue est de disposer de bons outils sta-tistiques et de prévision, donnant de la visibi-lité aux investisseurs. On en est loin. À celas’ajoutent les crises géopolitiques: en Irak, laguerre a empêché de produire 800 millions debarils de pétrole et détruit une capacitéd’1 million de barils/jour.

R. Mabro insiste enfin sur la mauvaise qualitéde l’information, souvent faussée par des inté-rêts économiques, voire des influences poli-tiques. Le marché ne fait que réagir à desinformations. Les institutions qui produisentdes chiffres (Opep, AIE, Bruxelles, gouverne-ments) ont ici une réelle responsabilité.

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Deuxième table rondeLA SÉCURITÉ DES APPROVISIONNEMENTS : UN CADRE RÉGLEMENTAIRE ET UN CONTEXTE EUROPÉEN PEU ADAPTÉS

Jan KEPPLER, professeur de sciences économiques à l’université Paris-Dauphine, membre du Centre géopolitique de l’Énergie et des Matières premièresOlivier MONFORT, directeur général de Solvay, administrateur de l’Union des industries chimiquesCarole PITKEASTHLEY, Head of Regulatory Affairs, Energy WatchJean-François CONIL-LACOSTE, directeur général de PowernextColette LEWINER, vice-présidente de Capgemini Energy, Utilities & ChemicalsMichel GUENAIRE, avocat au cabinet Gide Loyrette Nouel

LA SÉCURITÉDES APPROVISIONNEMENTS:

UNE URGENCE

Fin des surcapacités électriques, marges deproduction très faibles : telle est la situationalarmante de l’Europe, selon C. Lewiner.Rappelant la situation critique de la Francelors du brusque refroidissement demars 2005 et la forte tension sur le gaz enItalie et en Espagne, elle souligne l’urgencepour l’Europe de développer moyens deproduction et interconnexions. Lesconsommateurs doivent participer à ceteffort en économisant l’énergie et en s’effa-çant à la pointe. Il est temps de songer àcréer un régulateur européen. Une propo-sition déclinée par M. Guenaire qui pré-fère l’actuelle coordination des gestion-naires de réseau et des régulateurs.

DÉFINIR PLUS CLAIREMENTLES ORIENTATIONS

POLITIQUES À LONG TERME

Pour J. Keppler, l’Europe peut agir sur leprix de l’énergie (via taxes et subventions),le marché de l’électricité et le nucléaire.Après la libéralisation des marchés de l’élec-tricité, l’Union doit préciser ses orientationsà long terme. Ses objectifs actuels (22 %d’énergies renouvelables dans l’électricité en2010) sont irréalistes, sauf à accepter desmesures draconiennes et une forte haussedes coûts. Il faut cesser de créer artificielle-

ment des industries gourmandes de subven-tions, comme l’éolien ou le photovoltaïque.

C. Pitkeasthley prend l’exemple duRoyaume-Uni où les consommateurs sontbien représentés par des organismescomme Energywatch et où l’ouverture dumarché est réelle. La concurrence a joué, lesprix ont baissé, améliorant la situation desplus modestes. Depuis 18 mois, cette situa-tion s’est inversée, frappant ménages etentreprises. Le pays fait face lui aussi à unedépendance énergétique croissante. Mais,loin de se focaliser sur les producteurs, ilchoisit des solutions de marché, qui pour-raient inspirer un modèle énergétique euro-péen: régulation efficace pour l’accès àl’énergie, information transparente, gestionintégrant efficacement approvisionnement,compétitivité et environnement.

D’UNE LOGIQUEDE MONOPOLE

À UNE LOGIQUE DE MARCHÉ

L’Europe est passée en 50 ans d’une logiquede monopole à une logique de marché trèsaudacieuse constate M. Guenaire. Lesanciens monopoles étaient liés à des obliga-tions de service public, notamment desécurité et de continuité d’approvisionne-ment. À présent prévaut une logique nou-velle : celle d’un marché intégré et concur-rentiel, caractérisé par des contrats pluscourts.

Pour l’électricité, l’Europe se concentre surla sécurité d’acheminement en visant lafluidité du marché, avec le renforcementdes interconnexions, la question de la suffi-sance énergétique incombant aux États viala programmation des investissements.Pour le gaz, la logique est différente, vu laforte dépendance de l’Europe: il faut par-venir à une réelle concurrence et diversifiergéographiquement les approvisionne-ments.

En France, la loi de 2005 fixe les orienta-tions énergétiques. Pour le gaz, le décret de2004 relatif aux obligations de servicepublic intègre la sécurité d’approvisionne-ment. Mais, selon la directive de 2004, cesobligations ne doivent ni entraver le mar-ché ni entraîner de trop fortes charges pourles acteurs. Pour l’électricité, une nouvelledirective en discussion parmi les institu-tions européennes vise à renforcer lesmesures garantissant la sécurité d’approvi-sionnement et les investissements dans lesinfrastructures.

LE MARCHÉ,FACTEUR DE SÉCURITÉ?

Pour J.-F. Conil-Lacoste, tout marchénécessite une infrastructure, notammentcelui de l’électricité qui présente deux spéci-ficités exigeant des garde-fous: la sécuritéd’approvisionnement et la concentration dela production.

En France, l’ouverture du marché et la sépa-ration producteur-transporteur ont donné à

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nombre d’acteurs accès au réseau géré parRTE. L’électricité ne se stockant pas, le mar-ché spot permet de gérer l’équilibrage au jourle jour. En Europe, l’instauration d’un mar-ché unique exige des marchés spot régio-naux, comme Belpex (bourse belge). Il fautaussi donner aux acteurs des outils pour gérerle risque: c’est le rôle d’un marché à terme.La bourse doit donner des signaux de prixjusqu’à un horizon de trois à cinq ans.

Développée par RTE et des producteurseuropéens, Powernext, la bourse française del’énergie, fournit trois références de prix dontla plus récente porte sur le risque carbone. Lemarché d’équilibrage, qui fonctionne encontinu, a fortement progressé. Loin d’êtrealéatoires, ses prix sont liés aux variations detempérature. Se développant fortement parrapport au marché de gré à gré, il couvre lerisque de fourniture de 1 mois à 3 ans.

Malgré des outils performants, les prix fran-çais semblent dictés par l’Allemagne, alorsque la France pourrait affirmer sa place decreuset des prix européens. À terme, laconvergence mènera vers un prix européenunique. Il faudrait élargir l’offre à de la baseet de la semi-base et faire du prix français unprix pivot pour les prix des pays voisins. Ilfaut aussi diversifier l’accès aux sourcesd’énergie, s’interroger sur la compatibilitéentre tarif et prix de marché, développer lesinterconnexions, faire converger les poli-tiques européennes et rassurer la demandesur la formation des prix.

GRANDS CONSOMMATEURSINDUSTRIELS: LA STABILITÉ

ET LE LONG TERME

Pour O. Monfort, les grands consomma-teurs industriels ont besoin de prix à longterme, stables. Ils contribuent aussi à l’équi-libre énergétique en participant à des inves-tissements et à la gestion des pointes. Ilsaméliorent l’efficacité énergétique, commele fait l’industrie chimique, qui développede nombreux produits dans ce sens.

Pour l’électricité, faute de pluralité de pro-ducteurs, les industriels ne bénéficient pasd’un véritable marché. Consommant, par-fois en continu, de grandes quantités d’élec-tricité de base, ils ne devraient pas dépendredes prix spot. Un propos confirmé parJ.-F. Conil-Lacoste qui souligne que seuleune bourse ou un marché organisé peuventpermettre la formation d’un prix à terme.O. Monfort note aussi que la demande desindustriels électro-intensifs de prix compéti-tifs à long terme a été reprise dans le rapportGarigue sur l’avenir de l’industrie chimiqueet entendue par le Gouvernement qui adécidé, en mars 2005, de créer une tableronde. Cela pourrait déboucher sur leurparticipation financière au programmeEPR. Quant à l’effacement des consomma-tions, il doit être rémunéré par des prixattractifs. O. Monfort rappelle aussi l’inté-rêt écologique de la cogénération qui nebénéficie pas des tarifs d’achat de l’éolien.

Résultat : des milliers de mégawatts dor-ment 7 mois par an pendant que l’éolien estpoussé contre l’avis du public.

Pour le gaz, les industriels souhaitent aussides contrats à long terme et une juste rému-nération des effacements. Il faut développerles terminaux, le maillage européen et l’ac-cès compétitif aux infrastructures. L’Europedoit avoir une politique plus cohérente,accroître les infrastructures de transport etdévelopper la R & D, conclut O. Monfort.

Terminant cet échange, J. Keppler pointedeux enjeux: renforcer les interconnexionset accroître la transparence de la régulationde l’accès aux réseaux électriques, surtout enAllemagne.

Le débat avec la salle a mis en relief la néces-sité de recourir, pour les investissements deproduction, aux énergies renouvelables ouau nucléaire (retenu par la France et laFinlande) qui, au contraire des énergies fos-siles, ne posent pas de problèmes de sécuritéd’approvisionnement et ne rejettent pas deCO2. Pour contourner les aléas des prix ducourt terme, il faut, en outre, investir dansdes unités à longue durée de vie (30 ans etplus) comme le nucléaire, faute de quoil’énergie de complément sera le gaz.

Autres points soulignés lors du débat: la néces-sité de réduire la consommation d’énergiepour diminuer les émissions de CO2 et le bonfonctionnement du nouveau marché des quo-tas de CO2 qu’il convient de laisser prendre dela maturité pour décider du juste prix.

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Claude Gatignol, député de la Manche,président du groupe d’études sur les

Énergies de l’Assemblée nationale, a souli-gné l’importance de l’énergie pour la straté-gie, le développement et l’environnement,ce qui implique les politiques. La fin dessurcapacités a un impact sur les coûts. Il enva donc de la responsabilité de l’État.

Pour le pétrole et le gaz, peu abondants enEurope, les entreprises doivent investir dansles infrastructures, la R & D, la production,la distribution, le stockage. Il faudra desaccords commerciaux entre États pour lepétrole et C. Gatignol regrette que l’Europene parle pas d’une seule voix sur la politiqueénergétique. Dans le secteur électrique, ren-

forcer les interconnexions est une nécessitépour l’Europe qui doit créer un cadre régle-mentaire et une procédure de déclarationd’utilité publique de grands investisse-ments. Il faut aussi créer de nouvelles instal-lations de production pour satisfaire lademande.

L’énergie est un secteur très capitalistique etles investisseurs ont besoin de visibilité àlong terme. De plus, la croissance et leniveau de vie dépendent de la disponibilitéd’énergie. Peut-être faudrait-il créer uncadre où l’État assurerait une visibilité? Lasolution ne peut être fondée sur les seulesrestrictions, même s’il faut éviter les gas-pillages : il faut trouver un équilibre entre le

marché et la régulation. L’Europe pourraits’inspirer de la loi d’orientation énergétiquefrançaise. Celle-ci reconnaît l’intérêt dunucléaire et de l’hydraulique, sans impactsur l’effet de serre, et favorise la sécuritéd’approvisionnement, la compétitivité, lerespect de l’environnement et l’accès de tousà l’énergie.

Après avoir souligné l’importance desenjeux de la R & D (nouveaux réacteursnucléaires, biocarburants, charbon…),C. Gatignol souhaite une véritable politiqueeuropéenne de l’Énergie, disant la vérité surles capacités, les potentiels réels et les coûtsdes technologies.

CONCLUSION DE LA MATINÉE par Claude GATIGNOL

André Merlin, président du directoire deRéseau de Transport d’Électricité

(RTE) et président du forum européen desTransports et de l’Énergie, a mis en exerguel’objectif ambitieux du Livre vert de laCommission européenne : économiser20 % d’énergie à l’horizon 2020.

Soulignant la nécessité d’investir en Europe,il a rappelé l’importance de disposer d’unlarge mix énergétique, comprenant à la foisl’énergie nucléaire combinée aux énergiesrenouvelables, et notamment l’éolien, éner-gie intermittente qui nécessite des adapta-tions du système électrique.

Il convient aussi, selon lui, de développer lesinfrastructures. La proposition de directivesur la sécurité de l’approvisionnement élec-trique clarifie les responsabilités en légiti-mant les règles mises en œuvre par les ges-tionnaires de réseaux et prévoit l’élaborationde bilans prévisionnels nationaux qui pour-ront être consolidés au niveau européen.

Évoquant la protection des infrastructurescritiques contre les attentats, A. Merlin aindiqué que des propositions pourraientêtre formulées dès 2006 pour élaborer unprogramme communautaire et estiméurgent de définir des normes transnatio-

nales de sûreté ainsi qu’un système d’alertepour le bassin méditerranéen où transitent65 % du pétrole acheminé en Europe.

Avant de conclure sur la nécessité pourl’Europe de maintenir ses efforts de R & D,notamment sur les biocarburants, A. Merlina souligné que la sécurité de l’approvision-nement mérite une véritable diplomatie del’énergie. Des partenariats devraient êtreengagés en ce sens avec les pays produc-teurs, en particulier ceux reliés à l’Union parleur réseau de transport d’énergie : Russie,zone euro-méditerranéenne, bassin de lamer Caspienne.

RÉPONSES ET STRATÉGIES POSSIBLES POUR L’EUROPE

INTRODUCTION par André MERLIN

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LE RÔLE DÉCISIFDES POUVOIRS PUBLICS

Fixer des orientations stratégiques est le pre-mier rôle de l’État, selon P. Dupuis qui arappelé la place de l’indépendance et de lasécurité d’approvisionnement dans la loi deprogramme de 2005. Quatre axes d’actionssont prévus par cette loi : maîtrise de lademande, diversification des sources, R &D, développement de moyens de transportet de stockage.

Veillant à la fois à la production et à laconsommation, l’État a adopté uneapproche pragmatique de long terme, sou-cieuse à la fois d’acceptabilité, d’économieet d’efficacité : baisse de 3 % des émissionsde gaz à effet de serre, réduction de l’inten-sité énergétique finale (2 % par an jusqu’à2015, puis 3 %), hausse de 10 % de la partdes ENR (21 % d’ENR électriques, 5,75 %de biocarburants et 50 % d’ENR ther-miques).

Exprimant le point de vue d’EDF,B. Lescoeur attend des pouvoirs publics dela lisibilité, de la constance dans les règles dujeu et le respect des règles économiques eténergétiques. Sur ce plan, les divergences decomportement en Europe créent de l’incer-titude.

INVESTIR DANS DES UNITÉSDE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ

Il faudra, d’ici 2030, indique B. Lescoeur,construire en Europe l’équivalent de 6 à7fois le parc français et le prix du CO2

influera sur les choix. À court terme, d’ici2008 (date du nouveau système d’allocationdes quotas de CO2) ou 2012 (quand l’EPRcommencera à produire), l’objectif d’EDFest d’optimiser l’existant. À moyen terme,entre 2012 et 2040, EDF élabore son mixde production. À long terme (2040), il fau-dra avoir défini les nouvelles technologies(séquestration du charbon, nucléaire), c’estune question de R & D.

Pour J.-B. Sejourné, il est temps d’investiren France et en Europe dans la productionet le transport d’électricité, en mobilisanttoutes les techniques. La dépendance éner-gétique de l’Europe devrait passer de 50 à70 %. Électricité, gaz, énergies renouve-lables et services : le groupe Suez entendintervenir à la fois sur l’offre et la demande.Pour J.-B. Sejourné, le nucléaire est unevoie importante, en complément des autresénergies : Electrabel s’intéresse au projetEPR à Flamanville et souhaite disposer decentrales de 3ème génération sur son marchédomestique après 2015. Il souhaite aussiintervenir dans les énergies renouvelables,en particulier l’hydraulique, seul moyen depuissance sans rejet de gaz à effet de serre et

qui dispose d’un potentiel de développe-ment de 10 % en France.

Autre représentant du secteur privé, Poweo,initialement positionné comme négociantd’électricité à bas prix, s’engage dans laconstruction d’un cycle combiné gaz de400 MW pour sécuriser ses approvisionne-ments, indique D. Duyrat qui ajoute qu’uneunité de 800 MW pourrait être décidée.

HYDROCARBURES:DES SOURCES DIVERSIFIÉES,

DES SOLUTIONS ALTERNATIVES

La loi française impose aux opérateursgaziers de fournir leurs clients pendant unecertaine durée malgré la perte de l’une deleurs sources d’approvisionnement. Pourlimiter les risques, Gaz de France détient leportefeuille de fournisseurs le plus diversifiéd’Europe. L’entreprise compte aussi sur legaz naturel liquéfié (GNL) et développe desactivités d’exploration-production. Si laCommission européenne est sensible à lasécurité d’approvisionnement et au dia-logue avec les pays producteurs, on peut,note S. Brimont, encore progresser, car ladépendance gazière de l’Europe s’accroît.

Pour A. Tricoire, les transports sont lesgrands responsables de la croissance de lademande de pétrole qui dépassera 110,voire 120 Mb par jour en 2010 (80 actuel-

Troisième table rondeLES STRATÉGIES POUR PRÉPARER L’OFFRE D’ÉNERGIE AUX NOUVEAUX ENJEUX

Philippe DUPUIS, adjoint au directeur général de l’Énergie et des Matières premières, ministère de l’Économie, des Finances et de l’IndustrieBruno LESCOEUR, directeur général adjoint d’EDFJean-Baptiste SEJOURNÉ, directeur général des opérations d’Electrabel FranceDenis DUYRAT, directeur général délégué de PoweoStéphane BRIMONT, directeur de la stratégie Gaz de FranceAndré TRICOIRE, directeur général de Total FranceJean-Claude PASTY, membre du Conseil économique et socialÉric DYEVRE, commissaire à la Commission de régulation de l’énergie

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lement). Total donne donc la priorité à cesecteur. En Europe, la demande d’essencechute et celle de gasoil croît (en France, elledevrait être le quadruple de celle d’essenceen 2010). Excédentaire en essence, le raffi-nage européen couvre son déficit massif engasoil grâce aux Russes. D’où de très fortestensions à prévoir sur les ressources et lesprix du gasoil. Total maximise la ressourceen gasoil dans ses raffineries, diversifie sesressources et développe des substituts audiesel. Disposant déjà d’une centaine de sta-tions de GNV, Total est très engagé dans lesbiocarburants. Outre l’accord conclu avecDiester Industrie pour tripler les volumes debiocarburant à court terme, il a noué unpartenariat avec le Finlandais Neste Oilpour un nouveau diesel de synthèse. Dessolutions acceptées par les constructeursautomobiles, moyennant le respect descontraintes et des spécifications.

À propos du biodiesel, J.-C. Pasty note quesi l’Allemagne tiendra fin 2005 les objectifs

européens, la France ne les atteindra qu’en2007. Question de volonté politique. EnAllemagne, où le biodiesel est entièrementdéfiscalisé, la capacité installée de diester estle triple de celle de la France. Notre pays està la traîne pour la biomasse, sauf pour lechauffage bois. Or on peut produire chaleuret électricité à partir d’autres produits(céréales, pailles, biogaz) très utilisés enEurope du Nord, mais trop peu en France àcause, notamment, d’un prix de rachat del’électricité insuffisant.

AUGMENTERLES INTERCONNEXIONS,

RENDRE LE MARCHÉPLUS FLUIDE

Depuis 2000, la CRE veille au bon fonc-tionnement des marchés de l’électricité etdu gaz et garantit un accès aux réseauxpublics du gaz, de l’électricité et du GNL.

Pour E. Dyèvre, il faut fluidifier le marché:augmenter les interconnexions, améliorer lagestion du marché (enchères, couplage) etrenforcer la coopération entre gestionnairesde réseaux de transport. Pour les stocks degaz, il ne note pas de problème de volumesaujourd’hui en France mais recommanded’améliorer l’accès au stockage, dans desconditions claires et impartiales. La France aretenu la solution de l’accès négocié plutôtque régulé. Gaz de France et Total (via safiliale TIGF) sont les opérateurs de stoc-kage.

Le débat, très riche, a abordé notammentl’écart grandissant entre tarifs et prix demarché dans l’électricité, le coût de l’électri-cité pour les industriels, l’effort de R & D etla sécurité d’approvisionnement gazier. Lesintervenants ont rappelé la création de latable ronde pour les prix aux industriels etsouligné que la plupart des questions seposent désormais à l’échelle européenne.

AU-DELÀ DE L’EUROPE

Sécurité des approvisionnements, environ-nement, intégration, innovation sont lesbases de l’action de l’Europe, estimeT. Brown qui souligne qu’elle doit s’intéres-ser aux zones géographiques voisines : sonréseau ne saurait se limiter à ses frontières.La BEI favorise le développement desréseaux transeuropéens. Elle a financé l’in-

terconnexion Algérie/Espagne. Son objectif :créer un véritable marché de l’énergie (élec-tricité, gasoil, gaz). Elle encourage aussi l’in-novation: énergies renouvelables mais aussihydrogène.

EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE

Pour C. Mandil, la notion de sécurité éner-gétique diffère selon les énergies. Pour le

pétrole, où l’Europe est dans la même situa-tion que les autres grandes zones deconsommation, il s’agit de s’insérer dans lespolitiques mondiales : dialogue avec les paysproducteurs, maintien des stocks straté-giques, maîtrise des consommations. Pourle gaz, où la situation est plus contrainte,notamment envers la Russie, les maîtresmots sont diversification et vigilance faceaux risques de situation dominante. Pourl’électricité, le problème majeur est l’inves-

Quatrième table rondeLES GRANDES ORIENTATIONS POUR LA FRANCE ET L’EUROPE

Terence BROWN, directeur général de la Banque européenne d’investissement, administrateur de la Banque européenne pour la reconstruction et le développementMarie-Odile PAULET, membre du CES, rapporteur de l’ÉnergieClaude MANDIL, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’ÉnergieJorge VASCONCELOS, président du Conseil des régulateurs européens de l’ÉnergieFrançois-Michel GONNOT, député de l’Oise, président du Club Énergie & Développement

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tissement. La responsabilité des régulateursest en jeu. Toutefois, dans tous les secteurs,il faut investir et assurer une efficacité éner-gétique.

De son côté, M.O. Paulet note que l’effica-cité énergétique résulte à la fois de l’innova-tion et d’une demande « sobre », une ques-tion de comportement. La R & D, larelance de l’exploration, l’optimisation de laproduction sont des axes essentiels pour lasécurité. Il faut aussi travailler sur le trèslong terme: l’horizon 2050 où le risque duréchauffement climatique et les besoinsénergétiques des pays émergents seront trèsimportants. Des investissements considé-rables, une coopération européenne renfor-cée, une diversification des énergies, uneffort de R & D et un débat public pourresponsabiliser les citoyens: telles sont lesbases de l’avenir énergétique.

RÉGULATION

J. Vasconcelos note bien des progrès depuisla première directive sur le marché intérieur

de l’électricité, voilà 10 ans. L’Europe dis-pose de solides bases pour bâtir un marchéeuropéen de l’énergie efficace. Il lui faut, àprésent, un cadre de régulation donnantplus de cohérence aux solutions techniquesdes États et renforçant la convergence desmarchés régionaux ou nationaux. Il fautaussi une structure industrielle adéquate. LaCommission européenne a lancé uneenquête sur le fonctionnement des marchéscar le prix des matières premières ne suffitpas à expliquer la hausse des prix de l’élec-tricité. Enfin, l’Europe doit s’associer auxpays producteurs et exportateurs.

Une bonne régulation passe par plusieursconditions: un marché structuré et sain, desrégulateurs indépendants et dotés demoyens suffisants, une coopération renfor-cée, des mécanismes institutionnels adaptés.On dispose d’acquis : la coopération àl’œuvre depuis 1951, une bonne interopé-rabilité technique, une rentabilité des inves-tissements. Deux projets de réseaux gaziersont vu le jour (Algérie/Espagne, Proche-Orient/Autriche) et des stockages sont enconstruction. L’enjeu central aujourd’hui,celui de la fluidité des échanges, relève non

de la technique mais de l’indépendance decertains gestionnaires.

F.M. Gonnot considère qu’il reste encore duchemin à parcourir, s’inquiétant ducontexte particulier de la France où l’ouver-ture totale du marché en 2007 coïncideraavec des échéances politiques. Un effort depédagogie semble s’imposer, l’ouverture desmarchés s’étant accompagnée d’une fortehausse des prix de l’électricité et du gaz,contrairement à ses objectifs.

Au cours du débat, F.M. Gonnot réaffirmela nécessité d’une politique énergétiqueeuropéenne, au-delà de l’ouverture du mar-ché, l’énergie étant un secteur très capitalis-tique où les décisions se prennent et s’ap-précient à long terme. C. Mandil s’est dit,lui aussi, convaincu de la nécessité, surtoutdans un cadre libéralisé, de politiques éner-gétiques publiques et d’une politique éner-gétique européenne, soulignant que plus lespolitiques publiques empruntent des outilsde marché, plus elles sont efficaces.

LA SÉCURITÉDES APPROVISIONNEMENTS,UNE QUESTION CENTRALE

POUR LA FRANCECOMME POUR L’EUROPE

François Loos a d’emblée souligné que lahausse des besoins énergétiques et la baissedes ressources fossiles posaient, pour lemonde, la question de la sécurité de l’ap-

provisionnement et de la lutte contre l’effetde serre. Tous les scenarii énergétiquesconvergent sur un constat : les tendancesactuelles de consommation d’énergie nesont pas tenables, or les investissements deproduction semblent tarder. Une situationqui doit nous inciter à développer de nouvellestechnologies génératrices d’énergie et d’écono-mies d’énergie, non émettrices de gaz à effet deserre.

François Loos note que l’Europe a déjàengagé des actions fortes et que la sécurisa-tion de ses approvisionnements répond àplusieurs enjeux. Le premier est celui de sonindépendance: elle doit importer du gaz,notamment de Russie, et du pétrole duMoyen-Orient. Le deuxième est le risqued’un black-out électrique, le troisième estcelui de l’efficacité énergétique et de la luttecontre l’effet de serre. Face à ces trois défis,la France demande à l’Union de prendre des

ALLOCUTIONS DE CLÔTUREFrançois LOOS, ministre délégué à l’Industrie

et Andris PIEBALGS, commissaire européen à l’Énergie

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options fortes, options qu’elle a déjà assu-mées via de nombreux dispositifs depuis5ans (réglementations, objectifs quantifiés,Livres verts…) dans le cadre du protocolede Kyoto.

La France, quant à elle, produit certes latotalité de son électricité (dont plus de 75 %à partir du nucléaire) mais est dépendantepour la moitié de ses besoins en énergie(75 % dans les années 70). Elle partage lesmêmes objectifs que l’Europe d’une utilisationplus rationnelle de l’énergie. Elle s’est dotéed’un cadre législatif adéquat, avec la loi deprogramme sur les orientations énergé-tiques qui porte à la fois sur l’offre et sur lademande et fixe d’ambitieux objectifs deR&D. Pour améliorer l’intensité énergé-tique, tous les outils disponibles serontmobilisés et de nouveaux instruments misen œuvre comme les certificats blancs quivaloriseront des gisements d’économied’énergie encore inexploités. Un marchéd’échange de ces certificats sera organisé.

Pour l’offre, le Gouvernement veut diversi-fier le bouquet énergétique et maintientouverte l’option du nucléaire, incontour-nable, d’où sa décision de poursuivre laconstruction du démonstrateur EPR. Sur lesénergies renouvelables, la loi fixe des objec-tifs ambitieux. Ces énergies seront dévelop-pées à la fois par les tarifs et les appelsd’offres. Une nouvelle programmation plu-riannuelle des investissements pour 2015est en cours d’élaboration.

Pour renforcer les interconnexions, des pro-jets sont engagés avec des partenaires euro-péens (Espagne, Italie, Benelux) mais il rested’importants progrès à réaliser.

Enfin, l’effort de R & D pour accroître l’in-dépendance énergétique et la sécurité desapprovisionnements augmente fortement, lePremier ministre en ayant fait une priorité.

La question de la sécurité des approvisionne-ments est centrale, en France et en Europe aconclu F. Loos. Il faut agir sur l’offre, maisaussi sur la maîtrise de la demande et lesinterconnexions. Les actions de la France s’ins-crivent dans ces orientations. Ce sont nosobjectifs et nous nous donnons les moyens de lesatteindre.

« L’EUROPE DOIT MAÎTRISERSON DESTIN ÉNERGÉTIQUE.

ELLE DOIT AGIR »

L’Europe ne manque pas d’énergie. Il en iraautrement d’ici 20 ou 30 ans constate.Andris Piebalgs. À la hausse des prix dupétrole et des matières premières, se sontajoutés, en cinq ans, de nouveaux défis :forte hausse de la consommation de com-bustibles fossiles en Chine ou en Inde, insé-curité des infrastructures énergétiques auProche-Orient, effet de serre. Dans cecontexte, l’Europe doit maîtriser son destinénergétique. Elle doit agir. Inscrire dans lesfaits l’efficacité énergétique et le développe-ment durable, créer un vrai marché énergé-tique européen, développer les relationsavec les pays producteurs : tels sont, déclareA. Piebalgs, les objectifs de son mandat.

Pour améliorer l’efficacité énergétique, laCommission a publié un Livre vert. Ledébat est lancé. Il faut mobiliser tous lesacteurs et faire remonter les réactions sur cedocument.

Pour les énergies renouvelables, solutionattrayante pour diversifier les ressources del’Union, A. Piebalgs souligne l’ambition desobjectifs de l’Union. Le soutien politique etfinancier doit être sans faille. Aussi laCommission passe-t-elle en revue les sys-

tèmes d’aides actuels pour promouvoir lesmeilleures pratiques.

L’option nucléaire doit être laissée ouvertepour les pays qui le souhaitent, l’Union s’en-gageant à assurer aux citoyens une gestionsûre des centrales et des déchets. LaCommission a proposé en ce sens un cadrelégislatif et invite les États à l’adopter. Elleproposera la création d’une entreprise com-mune pour coordonner les efforts derecherche.

Quant au développement du marché inté-rieur, après l’ouverture à la concurrence et laséparation des activités de transport et deproduction, tous les États doivent appliquerla directive de 2003 qui fait progresser lalibéralisation et l’indépendance des gestion-naires de réseau. La Commission a proposéd’établir une liste des interconnexions trans-frontalières prioritaires. L’intégration facili-tera l’ouverture à la concurrence, renforcera lasécurité d’approvisionnement et entraîneraune diversification de l’offre énergétique despays européens. L’objectif est de créer, àterme, un grand marché de l’électricité etdu gaz sur tout le territoire européen.

Autre point essentiel : le dialogue avec lespays producteurs, Russie, Norvège, pays del’Opep, de la Méditerranée et de laCaspienne. Gérer notre dépendance pétrolière,c’est aussi nous protéger d’une flambée des prixdéclare A. Piebalgs qui souligne la nécessitépour l’Europe d’une législation plus ambi-tieuse pour la gestion des stocks pétroliers.

Pointant les récents succès de l’Europe et dela France, A. Piebalgs indique que « laCommission entend publier un nouveau Livrevert sur la sécurité de l’approvisionnement fin2005. Un avenir énergétique sûr doit intégrerà long terme une économie à faible teneur encarbone, une industrie concurrentielle et unrôle fort pour l’Union dans le monde ■