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L’évolution des limites apportées au droit de propriété : l’exemple des enjeux environnementaux1

Mustapha Mekki

Agrégé des Facultés de droit Professeur à l’Université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité

Directeur de l’I.R.D.A.

1. L’incidence des questions environnementales sur la structure et les fonctions du droit de propriété – Le thème qui m’a été attribué et que je dois présenter à un public composé de juristes et de non-juristes est celui de l’évolution des limites apportées au droit de propriété à l’aune des enjeux environnementaux. La question environnementale vient en effet réduire les contours du droit de propriété.

2. Le néo-libéralisme et l’évolution des limites apportées au droit de propriété – Avant d’aborder le vif du sujet, il convient de réintégrer mon intervention dans le thème général choisi cette année par la Chaire Michel Foucault : le néo-libéralisme. Dans une version simplifiée, le néo-libéralisme signifie moins d’Etat et plus de marché. Dans la pensée singulière de Michel Foucault, ce concept renvoie spécialement à une technique de gouvernement, technique qui accorde donc encore toute sa place à l’Etat2. Pour résumer, le néo-libéralisme se présente davantage comme un processus, un idée en devenir, en construction permanente. Cette idée prône la recherche d’un équilibre entre le marché, l’Etat et les hommes, un subtil équilibre entre Justice sociale et utilité économique ; l’ensemble de la réflexion devant être menée dans un contexte de globalisation. Sur le plan juridique, la conséquence première de ce courant néo-libéral est de réduire le droit au rôle de simple outil, de simple « ustensile », comme le disent les juristes chinois, au service de l’économie. S’impose l’idée d’un gouvernement par les lois qui laisse progressivement sa place à une gouvernance par les nombres et qui parfois tombe dans les méandres d’une gouvernance des hommes par d’autres hommes3. Que vient faire la propriété dans tout cela ? La propriété et le droit de propriété sont des révélateurs, au sens photographique, des équilibres fragiles entre le juste et l’utile, entre les intérêts particuliers et l’intérêt général. Les limites apportées au 21ème siècle au droit de propriété sont la traduction de cette conciliation entre les valeurs. Pourquoi avoir pris les questions environnementales comme illustration ? Parce que, d’une part, les principales critiques adressées aux néolibéraux tels que Friedman ou Hayek, c’est d’avoir pillé les ressources naturelles. Surtout, parce que l’environnement est le lieu de tous les paradoxes. L’environnement, la nature est censée être un contrepoids à l’impérialisme du marché et vient à ce titre limiter les prérogatives des propriétaires sur leurs terres et leurs exploitations. Cependant, un autre mouvement se dessine en même temps car la nature tend à être absorbée par le modèle du marché et en devient un objet à part entière. La nature est comme absorbée par le marché.

3. L’emprise de la propriété sur la nature – A priori, tout oppose le droit de propriété à l’environnement. Traditionnellement, pour les juristes, la nature est considérée comme

                                                                                                               1 Le style oral a été conservé. 2 Sur cette question, Laurent Jeanpierre, In Michel Foucault : sociologue ? Sociologie et sociétés, vol. xxxviii, no 2, automne 2006. 3 Sur ces mouvements, v. A. Supiot, La gouvernance par les nombres, Cours au Collège de France, 2012-2014, éditions Fayard, 2015.

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étant sous l’emprise du droit de propriété. Une conception ultralibérale du droit de propriété insiste sur le caractère exclusif et absolu de ce droit4. Il est souvent fait référence à l’aphorisme de René Descartes, auquel les juristes accordent un sens qui va au-delà de la pensée de son auteur : la science a permis au propriétaire de se considérer « comme maître et possesseur de la nature »5. Cet esprit figure au sein même de l’article 544 du Code civil qui dispose que le droit de propriété est le droit qui s’exerce de la manière la plus absolue. Il est le symbole de l’individualisme et du rationalisme exacerbés d’une époque, celle du 19ème siècle. Le droit de propriété, qui comprend cet attribut fondamental qu’est l’abusus, permettrait ainsi à son propriétaire de détruire et d’aller contre la nature de la chose. En outre, les caractères du droit des biens en général et du droit de propriété en particulier semblent incompatibles avec la nature. Le droit de propriété et ses démembrements n’ont d’intérêt que pour les choses utiles et appropriables. Parce qu’elles sont rares, on s’approprie les choses et on exerce sur elles un pouvoir exclusif. Or, pendant longtemps, il a été soutenu sous l’influence de la pensée de Jean-Baptiste Say, que les ressources naturelles sont inépuisables6.

4. L’environnement irréductible à la propriété – Einstein disait que « l’environnement, c’est tout ce qui n’est pas moi ». Formule explicité mais erronée car l’homme appartient à l’environnement qui l’entoure. Défini largement, l’environnement se présente comme « l’ensemble des éléments physiques, chimiques ou biologiques, naturels et artificiels, qui entourent un être humain, un animal ou un végétal ou une espèce »7. Cette incompatibilité repose sur des raisons multiples. La nature n’aurait pas de prix. Elle a une valeur intrinsèque et ne peut pas et ne doit pas être économiquement évaluée8. Les choses naturelles, pour beaucoup d’entre elles, ne sont pas appropriables. Cet obstacle est d’ordre juridique lorsque la loi le prévoit expressément. Tel est le cas de certains aspects de l’eau, de l’air ou de la biodiversité (art. 714 C. civ.). Les obstacles sont aussi d’ordre matériel. Il est matériellement impossible de s’approprier un écosystème, des fonds marins, des espèces migratrices, des processus écologiques tels que la pollinisation.

5. Les liens nécessaires entre droit de propriété et enjeux environnementaux – Qu’on

le conçoit comme un bien ou un mal nécessaire, les liens entre propriété et questions environnementales sont devenus une réalité, en raison d’une double évolution. C’est l’image de l’environnement qui a d’abord évolué. Relève aujourd’hui de l’évidence que les ressources ne sont pas inépuisables et que l’homme est une menace pour la nature qui lui rend des services dont il ne peut se passer. La domination du marché y est pour beaucoup dans ce rapprochement car la nature entre dans le giron du marché. Il est désormais question de développement durable, amenant à concilier développement économique, progrès social et protection de l’environnement. Emerge de nos jours la notion de capitalisme vert. On passe ainsi d’une philosophie de la conservation avec la notion d’environnement à une philosophie de la gestion avec le développement durable9. C’est ensuite l’image de la propriété qui a évolué. Le droit de propriété n’est pas nécessairement un droit égoïste et individualiste. L’idée n’est pas nouvelle. On se rappelle les théories de

                                                                                                               4  Sur cette idée, Fr. Ost, La nature hors la loi. L’écologie à l’épreuve du droit, édition La découverte, 2003, p. 47.  5 R. Descartes, Discours de la méthode (1637), Flammarion, 2000 rééd. : « l’homme comme maître et possesseur de la nature », Chap. VI. 6 En ce sens, J.-B. Say, Cours complet d'économie politique pratique, T. 1, Paris, Guillaumin, 1840, p. 68. 7 Dictionnaire Larousse, V° environnement. 8  ATTAC, La nature n’a pas de prix. Les méprises de l’économie verte, édition Les liens qui libèrent, 2012, spéc. p. 127 et s.  9  Y. Jégouzo, L’évolution des instruments du droit de l’environnement, Pouvoirs, 2008, vol. 4, n° 127, p. 23.  

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la fonction sociale de la propriété initiées par Auguste Comte et développées par Léon Duguit10. Dans la continuité de ces travaux, apparaît aujourd’hui l’idée d’une fonction environnementale de la propriété11.

6. Et Michel Foucault dans tout cela ? – Les contraintes environnementales apportées au droit de propriété sont en lien direct avec la notion de « biopouvoir » ou de « biopolitique » théorisée par Michel Foucault dans « La volonté de savoir » rédigé en 197612. Le biopouvoir est défini comme une transformation du pouvoir, du politique, qui introduit la vie dans ses préoccupations et ce de manière croissante depuis le 18ème siècle avec une accélération visible au 21ème siècle en raison des nombreuses catastrophes naturelles et sanitaires. Dans ce contexte, chacun (acteurs économiques, citoyens, sujets de droit, propriétaires…) est un bioacteur de l’environnement. Chacun est contrôlé en permanence pour préserver la santé des hommes et la vie humaine. En quelque sorte, et sans jugement de valeur, on passe des sociétés disciplinaires aux « sociétés de contrôle » selon la distinction de G. Deleuze13.

7. Dans ces conditions, la promotion et la protection de l’environnement, dans l’intérêt des

hommes et des générations futures, deviennent le cadre naturel de l’exercice des droits en général et du droit de propriété en particulier. Ce cadre naturel a un double sens. Tout d’abord, il signifie qu’il préexiste à la structure, à la conception, à l’existence même du droit de propriété dont il devient une partie intégrante. On retrouve ici en quelque sorte les limites internes au droit de propriété qui touche à l’existence même du droit et donne l’image d’un impérialisme du marché limité par les impératifs environnementaux. Cependant, le cadre naturel renvoie ensuite à ce qui entoure l’exercice du droit de propriété. De manière plus classique, les impératifs environnementaux viennent canaliser, orienter le droit de propriété. Ce sont des limites externes qui limitent l’exercice du droit de propriété. Paradoxalement, ici, nous verrons que c’est le marché qui reprend le dessus sur le nature. Voici finalement les deux évolutions que je souhaiterais vous exposer à l’aune de la problématique du néolibéralisme : I. Les contraintes environnementales et l’existence du droit de propriété II. les contraintes environnementales et l’exercice du droit de propriété

*** I. Les contraintes environnementales et l’existence du droit de propriété

8. Les contraintes environnementales sont à l’origine de deux séries de limites qui réduisent la coloration libérale du droit de propriété : des limites tenant à l’objet des droits de propriété et des limites qui rejaillissent sur la structure du droit de propriété.

A. Les limites tenant à l’objet des droits de propriété

                                                                                                               10 A.  Comte,  Système  de  politique  positive  :  1851,  T.  I,  p.  156  et  L. Duguit, La propriété fonction sociale, in Les transformations générales du droit privé depuis le Code Napoléon, La mémoire du droit, 1999, spéc. p. 148 et s. 11 B. Grimonprez, La fonction environnementale de la propriété, R.T.D. civ., 2015, à paraître. 12 M. Foucault, La volonté de savoir, Gallimard, 1976. 13 G. Deleuze, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », in Pourparlers 1972 - 1990, Les éditions de Minuit, Paris, 1990.

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9. Tout n’est pas susceptible d’appropriation. Les limites sont de deux ordres. Elles se traduisent par la valorisation d’une catégorie de choses, les choses communes. Elles se traduisent par la construction d’un concept très prometteur : la notion de patrimoine commun naturel.

1. les choses communes

10. Cicéron déjà pensait dans De Officiis qu’il faut « à la fois user de ses biens et toujours en offrir quelque chose à l’usage commun »14. En droit français, cette idée existe dans la classification tripartite des res derelictae, choses abandonnées telles que les déchets, les res nullius, choses sans maître (poisson, produits de la chose, plantes sauvages), et les res communis, choses communes qui seules vont nous intéresser ici. Les choses communes constituent une limite à l’existence même du droit de propriété15. L’article 714 du Code civil dispose qu’il est « des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous. Des lois de police règlent la manière d’en jouir ». Ainsi en est-il de l’air, du climat, des sols et sous-sols de haute mer, de l’espace extra-atmosphérique, des espèces, des écosystèmes, des processus écologiques… Autrefois, une chose était commune en raison de sa nature. Aujourd’hui, la catégorie relève aussi de la fiction et c’est le droit, dans le cadre d’un choix politique, qui déclare une chose commune et non appropriable. Il s’agit d’une « forme laïcisée de sacralité »16. La catégorie des choses communes est cependant insuffisante car il existe des biens appropriés, tels que les sols, pour lesquels un abus du propriétaire pourrait être préjudiciable à l’intérêt général et aux générations futures. Plus que la catégorie des choses communes, c’est la notion de patrimoine commun qui offre les plus grands espoirs.

2. Le concept de patrimoine commun naturel

11. Réalité et virtualités – Le patrimoine est une universalité de fait. Composé seulement d’éléments d’actifs liés entre eux de manière indivisible, ce patrimoine est composé à la fois de choses communes inappropriées et de biens par définition appropriés. La notion de patrimoine commun est l’objet d’une inflation verbale. Elle figure dans des textes internationaux tels que la Convention de Montego Bay de 1982 qui évoque le « patrimoine commun de l’humanité » pour qualifier l’Antarctique et les espaces extra-atmosphériques. Dans le même esprit, on peut citer la Résolution des Nations-Unies de 1979 qui qualifie de « patrimoine commun de l’humanité » la lune et les autres corps célestes. En droit interne, le 3ème considérant de la Charte de l’environnement consacre le « patrimoine commun des êtres humains » et l’article L. 110-1 du Code de l’environnement utilise le concept de « patrimoine commun de la Nation ». Le patrimoine commun n’est pas qu’une question de rhétorique relevant du symbole et de la pétition de principe. Sa fonction est de traduire l’idée qu’il existe dans certaines choses une part irréductible sur laquelle le propriétaire n’a aucun droit. Ce concept permet de conserver les utilités environnementales des choses et de garantir leur transmission aux générations futures. Le patrimoine commun permet d’assurer une « transpropriation » selon les mots de François Ost17. Le patrimoine commun permet de défendre une sorte de réserve héréditaire environnementale au profit des générations futures. Les virtualités juridiques de ce concept de patrimoine commun naturel sont nombreuses. Cela permet de comprendre que certaines choses ont plusieurs

                                                                                                               14 De officiis, Livre I, (Les devoirs), Traduction de M. Testard, Les Belles Lettres, Paris, 1965, XVI-52, p. 130. 15 M.-A. Chardeaux, Les choses communes, L.G.D.J., 2006, n° 61 et s., p. 62 et s. ; J. Carbonnier Les biens, Tome 3, PUF, Thémis droit privé, 19ème éd. refondue 2000, n° 45, p. 83. 16 M.-A. Chardeaux, th. préc., n° 108 et s., p. 132 et s. 17 Fr. Ost, La nature hors-la-loi, Paris, La découverte, 1995, spéc. p. 306.

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utilités et plusieurs fonctions et donc plusieurs titulaires. Il peut ainsi servir de fondement juridique aux revendications de ceux qui voudraient limiter les pouvoirs d’un propriétaire sur son propre bien car ce dernier nierait la destination environnementale de son bien. Tel serait le cas des revendications des faucheurs de maïs OGM ou de ceux qui s’opposent à l’exploitation du gaz de schiste. Ce concept rend également plus cohérent le régime de certaines choses telles que l’eau qui n’est pas une chose commune mais pourtant sur laquelle un propriétaire n’a pas tous les pouvoirs. C’est un bien appartenant à son propriétaire mais qui doit en conserver l’usage pour tous. Ce concept de patrimoine commun peut en outre fonder la prolifération d’obligations de faire, d’information ou de vigilance qui pèsent sur les propriétaires de certains biens, immeubles ou entreprises.

12. En plus de ces limites tenant à l’objet des droits de propriété s’adjoignent des limites

tenant à la structure du droit de propriété. B. Les limites tenant à la structure du droit de propriété

13. Le droit de propriété se caractérise traditionnellement par son exclusivité ou son exclusivisme. Le propriétaire est seul à exercer sur son bien l’ensemble des prérogatives. Cette structure est remise en cause pour des considérations environnementales. La chose devient la matrice de multiples utilités et l’objet de propriétés superposées.

1. La chose, matrice de multiples utilités 14. Usus, fructus et abusus – Je laisserai de côté les multiples et très riches théories

doctrinales relatives à la propriété18. La propriété est plus classiquement abordée sous l’angle de ses attributs qui sont, plus exactement, les utilités que peut procurer la chose : l’usus, le fructus et l’abusus. La propriété est aussi présentée sous l’angle de ses caractères : caractères perpétuel, exclusif et absolu. Ses attributs et ses caractères sont remis en cause à l’épreuve des questions environnementales.

15. Les utilités de la chose – Tout d’abord, les enjeux environnementaux auxquels est confronté le droit de propriété révèlent que les attributs sont moins les prérogatives dont dispose le propriétaire sur sa chose que les attributs de la chose elle-même. L’usus, le fructus et l’abusus sont les utilités dont la chose est le vecteur et non des éléments définissant ce qu’est le droit de propriété. William Dross dit en ce sens que « (…) il est impossible de faire de l’usus, du fructus ou de l’abusus les éléments constitutifs de la propriété. Les choses ne s’éclaircissent que si l’on admet qu’à travers la jouissance et la disposition, le Code civil ne rend nullement compte du droit de propriété, c’est-à-dire de la relation de l’homme à la chose, mais qu’il décrit la chose elle-même de manière générique, cela au travers de sa valeur, laquelle s’incarne dans ces deux dimensions essentielles qu’avait dégagées Aristote, la valeur d’usage (la jouissance) et la valeur d’échange (la disposition) »19. Ce rattachement des utilités à la chose révèle que le plus important n’est pas la chose mais ses fonctions. Cela est flagrant à la lecture, par exemple, de l’article L. 210-1 C. envir. qui dispose que « l’usage de l’eau appartient à tous ». Plus qu’un vecteur de multiples utilités, la chose est l’objet de propriétés superposées.

2. La chose, objet de propriétés superposées

                                                                                                               18 Encore  récemment,  J.-­‐P.  Chazal,  La  propriété  :  dogme  ou  instrument  politique  ?  Ou  comment  la  doctrine  s’interdit  de  penser  le  réel,  R.T.D.  civ.,  2014,  p.  763  et  s.  et  la  réponse  de  W.  Dross,  Que l’article 544 du Code civil nous dit de la propriété ?, R.T.D. civ., 2015, p. 27 et s. 19 W. Dross, Que l’article 544 du Code civil nous dit de la propriété ?, R.T.D. civ., 2015, p. 27 et s., spéc. p. 29 et 30.

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16. L’exclusivité serait le critère déterminant de la propriété. Dans cette optique, toute limite

ou tout partage de la propriété d’une chose est considérée comme une atteinte extérieure à la liberté du propriétaire sur son bien. Cette structure exclusiviste ne résiste pas aux impératifs environnementaux. La propriété se présente, parfois, comme une superposition de propriétés. Il peut exister sur la chose plusieurs propriétaires exerçant leurs prérogatives sur les diverses utilités de la chose. Cela n’est pas sans rappeler le système féodal où une distinction était opérée entre le domaine utile et le domaine éminent, universel ou haut domaine 20 . Ces formes de propriétés partiaires sont aujourd’hui nombreuses. La conclusion de baux de longue durée (bail à construction, bail emphytéotique…), par exemple, fait naître au profit du preneur un droit de propriété temporaire sur les constructions. Le droit de superficie, le droit de jouissance exclusive sur une partie commune, le droit d’affichage, le droit de jouissance spécial sont autant d’autres manifestations de ces propriétés simultanées sur une même chose. Dans ces conditions, cette superposition des propriétés en matière environnementale confirme que l’homme n’est plus maître et possesseur de la nature. Il doit respecter la Terre, son habitat, son ecounème. Certaines choses ne sont plus seulement perçues comme des objets. La chose peut aussi être analysée comme un milieu, chose-milieu théorisée par Vanuxem21. Le propriétaire-seigneur devient propriétaire-habitant.

17. Les problématiques environnementales ne sont pas seulement à l’origine de limites

apportées à l’existence même du droit de propriété et aux prérogatives du propriétaire. Elles fondent aussi des limites apportées à l’exercice du droit de propriété.

II. Les contraintes environnementales et l’exercice du droit de propriété

18. L’objectif affiché en matière environnementale est de restaurer le droit de propriété au service de l’environnement. La réflexion d’Aristote résume assez bien cette tendance : « Ce qui appartient à tout à chacun est le plus négligé, car tout individu prend le plus grand soin de ce qui lui appartient en propre (…) »22. Apparaissent alors des usages collectifs de la propriété dans l’intérêt général environnemental. Cette tendance se traduit par deux séries de limites : des limites imposées aux propriétaires et des limites acceptées par le propriétaire.

A. Les limites imposées au propriétaire

19. Le droit de propriété peut être une menace pour l’environnement. De manière assez classique, certaines limites à l’exercice du droit de propriété sont imposées. L’originalité de ces limites, à l’aune des questions environnementales, c’est qu’elles se traduisent soit par la volonté de préserver les droits d’autrui, soit par la mise en place d’obligations à la charge du propriétaire.

1. Les limites fondées sur la préservation des droits d’autrui

20. La fondamentalisation des questions environnementales – Plusieurs limites fondées

sur la préservation des droits d’autrui prennent une coloration toute particulière en

                                                                                                               20 La propriété non-exclusive au XIXème siècle, histoire de la dissociation juridique de l’immeuble, Rev. Hist. Dr., 1983, p. 217. 21 S. Vanuxem, Les choses saisies par la propriété, IRJS éditions, 2012, n° 315, p. 642. Sur l’écoumène, ibid, n° 116, p. 190. 22 Aristote, Politique, Livre II, 3, 1261 b, Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, rééd. 2003.

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matière environnementale. Seul l’exemple des droits fondamentaux sera ici abordé23. Cette fondamentalisation des droits, signe d’un néolibéralisme galopant, attise les conflits entre les individus. Chacun revendique le respect de son droit. Dans cette problématique des droits fondamentaux, les limites apportées au droit de propriété sont de deux ordres. Tout d’abord, les enjeux environnementaux intègrent la notion d’intérêt général. Les limites au droit de propriété sont apportées au nom de l’intérêt général. Cette tendance va de soi en droit constitutionnel depuis que la Charte de l’environnement figure au sein de la Constitution24 et est directement invocable au soutien d’une QPC25. La même tendance est visible dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme bien que la Convention ne parle pas directement de l’environnement26. Dans sa décision du 27 novembre 2007, Hamer c/ Belgique, la Cour de Strasbourg a pu affirmer que « des impératifs économiques et même certains droits fondamentaux comme le droit de propriété ne devraient pas se voir accorder la primauté face à des considérations relatives à l’environnement »27 . Le plus surprenant est ensuite la multiplication de droits subjectifs fondamentaux qui limitent le droit de propriété. Tel est le cas du droit à un environnement sain28. Ce dernier pourrait se fonder sur l’article 1er de la Charte de l’environnement qui dispose que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »29. Dans une qualification a minima, le droit à un environnement sain serait un droit-créance30, devant orienter le législateur et servir exclusivement à contrôler la loi. Cette qualification fut celle retenue par le rapport remis par N. Kosciusko-Morizet (Rapp. AN n° 1595, 19 mai 2004, spéc. p. 73). Une autre conception peut cependant être défendue. Le droit consacré par l’article 1er contrebalancé par le devoir de l’article 2 serait un droit-liberté, un droit subjectif. Telle est l’analyse qui découle de la jurisprudence de la Cour EDH. Cette dernière a ainsi protégé le droit à un environnement sain sur des fondements très variables : article 8 par la protection du domicile31 puis au nom du droit au respect de la vie privée et familiale32 ; article 2 sur le droit à la vie dans son aspect procédural et matériel33 ; article 6, § 1, sur le droit à un procès équitable.

2. Les obligations du propriétaire

21. Les limites imposées à l’exercice du droit de propriété en matière environnementale se traduisent également par la création d’obligations imposées au propriétaire conçu comme un acteur, malgré lui, de la protection de l’environnement. Ces obligations sont tantôt des obligations de faire, tantôt des obligations d’information.

                                                                                                               23 Sur la question du voisinage, v. B. Grimonprez, Le voisinage à l’aune de l’environnement, in variations sur le thème du voisinage, PUAM, 2012, p. 141. 24 Cons. const. N° 2008-564 DC, 19 juin 2008, D. 2009, panoram, p. 1852, obs. V. Bernaud et L. Gay. 25 Ma note sous Cons. const. 7 mai 2014. 26 F.-G. Trébulle, Environnement et droit des biens, op. cit., p. 103. 27 CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c/ Belgique. 28 Sur cette tendance, v. J.-P. Marguénaud, Les droits fondamentaux liés à l’environnement, in L’efficacité du droit de l’environnement. Mise en œuvre et sanctions, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2010, p. 83 et s. 29 On y voit plutôt un objectif à valeur constitutionnelle. 30 L. Corre, Les « droits-créances » et le référé-liberté : Dr. adm. 2012, étude 3 31 CEDH, 9 déc. 1994, n° 16798/90, G. Lopez Ostra c/ Espagne : JurisData n° 1994-604071 ; RTD civ. 1996, p. 507, obs. J.-P. Marguénaud 32 CEDH, 19 févr. 1998, n° 116/1996/735/932, Guerra et a. c/ Italie : JCP G 1999, I, 105, n° 43, obs. Fr. Sudre. - Surtout, CEDH, 27 janv. 2009, n° 67021/01, Tatar c/ Roumanie : droit « à la jouissance d’un environnement sain et protégé » 33 CEDH, 18 juin 2002, n° 48939/99, Öneryildiz c/ Turquie : JCP G 2002, I, 157, n° 63, obs. F. Sudre ; RED env. 2002, p. 67

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22. Les obligations de faire – Les obligations de faire prolifèrent. Pour aller à l’essentiel, le dernier exploitant ou les ayants droit d’une ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement), d’une activité relevant de l’article L. 165-2 C. envir. ou d’une installation nucléaire de base, est débiteur de la réhabilitation du bien. Quant à la gestion des déchets, elle est à la charge du producteur ou du détenteur conformément au principe pollueur-payeur (art. L. 541-2 C. envir.). Le propriétaire non exploitant peut aussi être tenu de réhabiliter, soit parce qu’il n’a pas informé son acquéreur comme l’y oblige l’article L. 514-2034., soit parce qu’il est considéré comme un propriétaire-détenteur qui répond, à titre subsidiaire, des sites pollués par des déchets.

23. Les obligations d’information – Le Congrès des notaires de 2008 avait souligné que la

prévention environnementale devra à l’avenir passer par l’extension des obligations d’information environnementales. L’information communiquée sur l’existence réelle ou potentielle d’un passif environnemental est moins destinée à éclairer un éventuel acquéreur qu’à responsabiliser et sensibiliser son émetteur 35 . Les obligations d’information environnementales permettent la mise en œuvre d’une politique environnementale par le bas, en créant une sorte de « zone de vigilance sanitaire et environnementale »36.

Le droit de l’environnement est affaire de contrat et de contrainte37. A ce titre, il s’avère aujourd’hui que les limites à l’exercice du droit de propriété ne sont pas seulement imposées mais sont acceptées par le propriétaire lui-même dans son intérêt et en même temps dans l’intérêt général.

B. Les limites acceptées par le propriétaire

24. La propriété se présente aujourd’hui comme un instrument de préservation de la biodiversité38. On passe de la propriété pouvoir à la propriété fonction, un moyen au service d’une fin. La propriété comme Aristote le soulignait devient gardienne de la nature39. Ces limites acceptées peuvent se traduire soit par la création de droits réels à finalité environnementale, soit par la participation volontaire à un marché environnemental.

1. Les droits réels environnementaux 25. Les juristes ont fait preuve d’imagination et de créativité pour utiliser le droit de propriété

au service d’une finalité environnementale.

26. La constitution d’un droit réel démembré – La constitution de droits réels au profit d’un tiers reste le moyen le plus répandu40. La constitution d’un usufruit41, d’un bail de

                                                                                                               34 M.-P. Camproux-Duffrène, La prise en charge par le vendeur de la réhabilitation d’un terrain pollué sur le fondement de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement, J.C.P. (G), n° 28, 12 juillet 2006, I, 156. 35 Sur cette idée, A.-S. Epstein, L’information environnementale communiquée par l’entreprise. Contribution à l’analyse juridique d’une régulation, Thèse Nice, nov. 2014. 36 Sur cette idée, M. Mekki, Contrat et devoir de vigilance, Revue Lamy droit des affaires, avril 2015, à paraître. 37 P. Deumier, Les codes de conduite des entreprises et l’effectivité des droits de l’homme, , in Droits économiques et droits de l’homme, L. Boy, J.-B. Racine et F. Siiriainen (sous la coord.), Larcier, 2009, p. 671 et s., spéc. p. 672. 38 JM Ausgutin, L’histoire de la propriété et la protection de l’environnement, in L’environnement à quel prix ?, édition Thémis Montréal, 1955, p. 146. 39 J. de Malafosse, La propriété gardienne de la nature, in Mélanges J. Flour, Defrénois, 1979, p. 335. 40 En matière de biodiversité, v. Droits réels au profit de la biodiversité : Comment le droit peut-il contribuer à la mise en œuvre des paiements pour services environnementaux ? http://www.mission-economie-biodiversite.com/wp-

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longue durée42 et demain d’une fiducie environnementale43, permettraient de limiter par convention les droits de l’usufruitier, du locataire ou du bénéficiaire de la fiducie devant strictement respecter certaines valeurs environnementales imposées par le bailleur, le nu-propriétaire ou le fiduciaire44.

27. Une obligation propter rem environnementale – Surtout, depuis une dizaine d’années,

la doctrine universitaire, en la personne notamment de Gilles J. Martin45, et la doctrine administrative, à coups de multiples rapports en 2008 et 201146, préconisent la création de servitudes écologiques ou environnementales. Ce souhait devrait bientôt se réaliser à la lecture du projet de loi relatif à la biodiversité présenté en Conseil des ministres le 26 mars 2014, un nouvel article L. 132-3 C. envir. autorisera le propriétaire d’un immeuble à créer une obligation environnementale intuiti rei (art. L. 132-3 al. 1 C. envir. : « Il est permis aux propriétaires de biens immobiliers de contracter avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu’à la charge des propriétaires successifs du bien, les obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de services écosystémiques dans un espace naturel, agricole ou forestier (…) ».

2. Les droits d’un marché de l’environnement 28. Le propriétaire peut accepter de limiter son activité polluante et participer ainsi à une

forme de marché de l’environnement, forme de capitalisme vert, ce qui entraine une forme de patrimonialisation de la nature.

29. Patrimonialisation par valorisation – De lege lata, c’est l’atmosphère qui, par le biais des quotas de gaz à effet de serre, est l’objet d’une forme de privatisation ou de patrimonialisation. Avec le Protocole de Kyoto du 11 décembre 1997, les Etats s’étaient engagés à réduire de 5% leurs émissions de gaz à effet de serre. Une directive européenne du 13 octobre 2003 complétée en 2008 a mis en place, dans ce cadre, un marché local d’échange de quotas d’émission entre Etats membres de la communauté européenne de l’époque. L’ordonnance n° 2004-330 du 15 avril 2004 a introduit un nouvel article L. 229-15 I du Code de l’environnement qui dispose que : « Les quotas d’émission (…) sont des biens meubles exclusivement matérialisés par une inscription au compte de leur détenteur ». L’article ajoute que ces quotas peuvent faire l’objet d’un « transfert de propriété par virement de compte à compte ». Certes, ce n’est pas l’air qui est directement l’objet d’une appropriation mais il existe tout de même une patrimonialisation des éléments naturels et une forme de privatisation de l’atmosphère sans appropriation47. Les quotas sont des biens non par

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         content/uploads/2014/04/COPUBLICATION_WEB.pdf 41 Sur l’usufruit, M.-J. Del Rey, Droit des biens et droit de l’environnement, Diffusion ANRT, Thèse à la carte, 2002, spéc. n° 217 et s., p. 232 et s. 42 M.-J. Del Rey, th. préc., n° 203 et s., p. 216 et s. 43 Y. Zerrouk, Gestion des sites et sols pollués et fiducie, in Les sites pollués : un enjeu pour les professionnels de l’immobilier, sous la dir. M. Boutonnet, O. Herrnberger et M. Mekki, JCP (N), n° 9, 28 février 2014, 1112. Adde, M. Mekki, La gestion conventionnelle des risques liés aux soles et sites pollués à l’aune de la loi Alur, J.C.P. (N), 4 juillet 2014, n° 27, 1239, spéc. n° 10. 44 Un rapprochement peut être fait avec le Fee Subject To Life en droit américain, McMahon et McQueen, Land conservation financing, Island Press, 2003. 45 G. J. Martin, Pour l’introduction en droit français d’une servitude conventionnelle ou d’une obligation propter rem de protection de l’environnement, RJE 2008, n° spécial, p. 123 et s. 46 V. not. P. Raoult, C. Barthod et V. Graffin, « Trame verte et bleue », rapport remis au ministre de l’Écologie dans le cadre du Comité opérationnel n° 11 du Grenelle de l’environnement, le 14 mars 2008, spéc. p. 21 et s. 47 En ce sens Th. Revet, Les quotas d'émission de gaz à effet de serre, D. 2005. Chron. 2632.

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appropriation mais par valorisation. La valeur d’échange devient le critère du bien. Alors qu’autrefois c’était le bien qui faisait la négociabilité, c’est désormais la négociabilité qui fait le bien48. La même analyse pourrait être faite des certificats d’économie d’énergie instaurés par la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 et analysés comme des « biens meubles négociables, dont l’unité de compte est le kilowatheure d’énergie finale économisée »49. Quelles sont alors les justifications de cette patrimonialisation des éléments de la nature ?

30. Les raisons – La patrimonialisation et l’appropriation le plus souvent indirecte de la nature peuvent être rapprochées du courant de pensée lancé par Garret Hardin appelé la « tragédie des biens communs »50. Selon ce courant, un bien commun est sans surveillance et à l’usage de tous et peut souffrir d’une surexploitation. Cela n’est pas sans rappeler la pensée d’Aristote qui affirmait que « ce qui appartient à tout à chacun est le plus négligé, car tout individu prend le plus grand soin de ce qui lui appartient en propre, quitte à négliger ce qu’il possède en commun avec autrui »51. L’idée est partagée par certains économistes comme Ronald Coase selon lequel en intégrant les éléments de la nature dans le marché, on responsabilise les acteurs-pollueurs52.

31. Les limites – On peut être dubitatif à plus d’un titre. Tout d’abord, l’évaluation de ces

éléments de la nature et la mise en place d’un système de contrôle ont un coût économique très lourd qui est souvent négligé. Cette évaluation fait également la part belle aux experts et s’exerce en la matière une véritable « dictature des experts » source de difficultés et posant de réels problèmes de légitimité. En outre, les sanctions sont inexistantes en droit international et l’incitation à ne pas polluer reste à démontrer en France. Ensuite, en prenant l’exemple des mécanismes de développement propres gérés par les Nations-Unies, l’effet pédagogique et éducatif pourrait être nul car on n’oblige pas les pays riches à changer de modèle de production et/ou de consommation. D’ailleurs, une inégalité est maintenue entre pays pauvres et pays riches. Des firmes ou pays riches réalisent des investissements dans les pays émergents qui limitent leurs émissions polluantes et reçoivent en contrepartie des droits à polluer.

32. La confrontation du droit de propriété et de la question environnementale est stimulante.

Elle perturbe les principes fondamentaux mais elle révèle toutes les virtualités d’un droit de la propriété mis au service de finalités environnementales et laisse présager un bel avenir.

                                                                                                               48 Th. Revet, Les quotas…, op. cit. et loc. cit.. 49 Ces certificats sont matérialisés par une inscription en compte et définis comme des « biens meubles négociables, dont l’unité de compte est le kilowattheure d’énergie finale économisées » (art. 15). Le projet de loi de programmation du 18 juin 2014 pour la transition énergétique entend étendre le champ d’application de ces certificats (v. art. 9 exposé des motifs). 50 Qui défend l’idée que le meilleur moyen de protéger les choses communes c’est la propriété, G. Hardin, The Tragedy of Commons in Managing the Commons, Science 13 déc. 1968, vol. 162, no 3859, p. 1243. 51 Aristote, Politique, Livre II, 3, 1261 b, Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, rééd. 2003. 52 R. Coase, The problem of social cost, Journal of law and economics, n° 3, p. 1 et s.