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Ce rapport a été soumis à Transparency International (TI) et à La Fondation Héritage pour Haïti (TI) par Luc Bellon et Silva Ferretti de Docubees en octobre 2011 dans le cadre du projet de suivi des opérations humanitaires en Haïti réalisé avec l'appui du Programme d'Aide Humanitaire et de Protection Civile de la Commission Européenne (ECHO). La traduction française de ce rapport a été subventionnée par Christian Aid. Cartographie Cartographie Cartographie Cartographie des risques de corruption des risques de corruption des risques de corruption des risques de corruption dans les dans les dans les dans les opérations humanitaires p opérations humanitaires p opérations humanitaires p opérations humanitaires post ost ost ost- - -séisme en Haïti séisme en Haïti séisme en Haïti séisme en Haïti

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Haiti post earthquake risk map of corruption in humanitarian operations

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Ce rapport a été soumis à Transparency International (TI) et à La Fondation Héritage pour Haïti (TI) par Luc Bellon et Silva Ferretti de Docubees en octobre 2011 dans le cadre du projet de suivi des opérations humanitaires en Haïti réalisé avec l'appui du Programme d'Aide Humanitaire et de Protection Civile de la Commission Européenne (ECHO). La traduction française de ce rapport a été subventionnée par Christian Aid.

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Table des Matières Résumé Exécutif..………………………………………………………………………………..…….Introduction ……….………………………………………………………………………...................Corruption et Aide Humanitaire …………………………………………..……………………....….. Définir la corruption…..……….………………………………………………………….…..…..... La corruption dans le flux de livraison de l'aide .................................…………………………...... Le coût de la corruption pour les populations affectées .......…………………………….………....Une description des risques selon les types de corruption …................................................................ Subornation …………………………………………………………………………………….….. Détournement …………………………………………………………………………….………... Extorsion……………..…………………………………………………………………………….. Conflit d'intérêts …………….……………………………………………………………………... ‘Se dérober’.……...……………………………………………………………………………….... Les grandes tendances alimentant les risques de corruption en Haïti ……………………….……...... Information opaque ..…………………………………………………............................................. La faiblesse des systèmes de régulation nationale… .............................. ………………………..... Un mandat humanitaire compromis...................................................... ………………….....……... Références …………………………………...……………………………. ………………..………... Documents .……………………………………………………………..............................….…… Sites Web ...……………………………………………………………………………..……..……

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Résumé Exécutif Des nombreuses caractéristiques d'Haïti, ce qui suit constitue celles qui sont particulièrement pertinentes aux risques de corruption au sein de l'aide humanitaire: la faiblesse des institutions politiques, une présence forte et soutenue des organisations humanitaires et de développement pendant plus d'un demi-siècle et, un secteur informel de taille. Ces facteurs ont fortement influencé le positionnement des organisations d'aide dans le pays et leurs stratégies de distribution de l'aide. Ceci a essentiellement alimenté cette idée préconçue, à savoir que la corruption règne dans tous les secteurs de la société haïtienne (à commencer par les institutions gouvernementales). Toutefois, un regard plus attentif aux mécanismes de corruption qui se sont propagés durant les opérations de l'aide après le séisme, révèle un ensemble de causes profondes plus complexes qui incluent (mais pas seulement) la communauté humanitaire elle-même. Dans le cadre des interventions humanitaires, considérer et rapporter les mécanismes de corruption n'est pas seulement une question de principe, mais de manière plus importante, un souci de s'assurer que les populations affectées ont accès à l'aide qui leur revient. Dans le cas de l'aide, les conséquences concrètes de corruption sont les suivantes:

• Des quantités restreintes de ressources disponibles pour les populations affectées; • Une augmentation des coûts pour les populations affectées, allant des coûts matériels aux

coûts financiers et aux dommages physiques et moraux. Pour comprendre les spécificités des risques de corruption en Haïti, différents cas ont été catalogués selon les types de corruption génériques suivants:

• Subornation • Détournement • Extorsion • Conflit d'intérêts – y compris le fait de se servir soi-même, le népotisme et le patronage

politique

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• ‘Se dérober’

Chacun de ces cas peut avoir des conséquences dramatiques sur les populations affectées. Ainsi, dans certains cas, le moyen le plus efficace pour contrecarrer la corruption serait de se concentrer sur des mesures de performance plus larges plutôt que sur la corruption elle-même. Décrire les cas, les causes fondamentales et les conséquences de chacun de ces types de corruption, a révélé trois tendances majeures alimentant les risques de corruption en Haïti:

• L'information opaque , qui conduit à: (i) l’augmentation de la corruption puisque le manque d’informations crée un terrain fertile aux pratiques de corruption entreprises de manière inaperçue; (ii) des rumeurs et malentendus, où les soupçons de pratiques de corruption l'emportent sur une compréhension précise des procédures et des éventuelles inefficacités, sapant ainsi la confiance entre les différentes catégories de parties prenantes; et (iii) une transparence limitée, puisque l'opacité empêche le développement d’un sens de responsabilité solide parmi les parties prenantes clés, et donc augmente davantage l'opacité des actes/actions individuels.

• La faiblesse des systèmes de régulation nationale, ce qui estompe les responsabilités, et conduit certaines organisations internationales à prendre des initiatives qui sont au delà de leur mandat initial. D'autre part, personne ne se sent réellement responsable, ni ne peut être tenue responsable, pour ce qui se passe dans le pays; ce domaine de compétences brouillé a augmenté encore le manque de confiance entre les acteurs humanitaires, la société civile et le gouvernement. Comme conséquence, les cas de corruption sont rarement rapportés et la peur de représailles l’emporte sur la croyance que les institutions vont prendre des mesures contre les pratiques de corruption.

• Un mandat humanitaire compromis, qui a conduit à: (i) l’ incapacité des concernés,

puisque les acteurs clés de la société civile se voient nier la latitude et la capacité de contribuer au contrôle de la corruption ou à en réduire les effets, par les acteurs humanitaires; (ii) une habilitation négative où les parties prenantes locales impliquées dans les efforts de l’aide ont la latitude (intentionnellement ou non) de mal-utiliser le pouvoir acquis à des fins autres que l’action humanitaire, (iii) la corruption des marchés et structures locaux, et acteurs humanitaires fermant les yeux sur la perturbation des

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marchés et des structures locaux causée par l’exécution de leurs projets, et le renforcement conséquent des économies parallèles et des pratiques de corruption en accédant aux services publics, et (iv) le manque de responsabilité - les parties prenantes ignorent le mandat actuel des organisations, et ne peuvent donc pas savoir quelles sont les responsabilités légitimes des organisations d'aide et leurs limites.

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Introduction La cartographie vise à décrire les risques de corruption qui ont émergé par le biais des efforts d'aide massive déployés après le séisme de 2010 en Haïti. La cartographie ne comprend pas une évaluation de l'ampleur de la corruption, mais se concentre plutôt sur les processus par lesquels les pratiques de corruption ont émergé. En d'autres termes, au lieu d'essayer de dresser une liste exhaustive des pratiques de corruption – ce qui ne serait pas possible compte tenu de l'opacité inhérente qui les caractérise – ce rapport présente les domaines les plus importants où les acteurs humanitaires peuvent s'attendre à détecter des risques de corruption. Le rapport examine les spécificités des pratiques de corruption en Haïti. À cet égard, il s’agit de tenir compte de trois (3) réalités contextuelles fondamentales:

• La faiblesse des institutions politiques: la politique Haïtienne s’est révélée instable, souvent violente, et a systématiquement affaibli les institutions démocratiques ainsi que la gouvernance globale (Khouri-Padova 2004, Muggah 2009). Le chômage massif qui en résulte, le manque d'infrastructures publiques et la sérieuse dégradation de l'environnement (CDA, 2010a) ont tous entravé l'efficacité de la réponse au tremblement de terre. La faiblesse institutionnelle a été reconnue par le gouvernement même qui en a souligné l’issue dans son document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) de 2007, et a identifié l’investissement dans la gouvernance démocratique, en particulier dans les domaines de la Justice et de la Sécurité, comme étant essentiel pour la croissance du pays et la réduction de la pauvreté (République d'Haïti 2007). Une évaluation récente de la situation de violence, réalisée en 2009 a révélé que la criminalité en Haïti avait diminué ces dernières années (ICG 2009, Kolbe et Muggah 2009), mais les progrès ont été brutalement arrêtés à la suite du tremblement de terre.

• Une présence forte et soutenue des organisations humanitaires et de développement: Depuis l'ère de Duvalier, les institutions gouvernementales Haïtiennes et les infrastructures offrent des services publics de mauvaise qualité aux citoyens. En conséquence, les ONG fournissant l'aide internationale se sont efforcé à combler les lacunes et parfois, se sont même substitué aux institutions gouvernementales. Certains prétendent que le fait de soulager l’Etat de ses devoirs cela en a renforcé la faiblesse

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(Smith, CDA 2010, 5). Haïti a reçu beaucoup d'aide au cours de son histoire récente, mais le financement a souvent été incohérent et imprévisible.

• Un secteur informel colossal: Le petit secteur privé Haïtien est fragmenté, obligeant ainsi

la majorité des Haïtiens à chercher leur survie dans le secteur informel, sans aucune garantie d'emploi, de revenu ou d'accès au capital. La fourniture des services publics par le secteur privé, en ce qui concerne les secteurs de la santé, de l'éducation, du transport et de l’approvisionnement en eau, résulte en ce que les Haïtiens paient à prix élevés les services de base et biens publics. En outre, une méfiance existe entre le secteur public et le secteur privé Haïtien, compromettant encore plus le potentiel de ce dernier à jeter les bases pour une croissance économique et une plus large distribution des revenus (ALNAP 2010). L'absence de financement prévisible et d’une stratégie cohérente de l'aide à Haïti a des effets négatifs sur le développement de la paix, les efforts de reconstruction économique et de développement (Muggah 2009).

Ces facteurs ont fortement affecté le positionnement des organisations d'aide au sein du pays et leurs stratégies de distribution de l'aide. Une idée préconçue prévaut de nos jours, en ce que la corruption règne dans tous les secteurs de la société Haïtienne (à commencer par les institutions gouvernementales), que les permis et/ou autorisations officiels peuvent être contournés et que le personnel national n’est pas compétent. L'une des principales hypothèses découlant de cet état de fait est que le nombre des intermédiaires entre l'organisation de financement et la mise en œuvre du programme devrait être réduit au minimum, favorisant ainsi une intervention directe. En général, cette situation a instauré un climat de méfiance parmi les principaux acteurs de la communauté humanitaire; en d'autres termes, entre les organisations d'aide, les institutions gouvernementales, la société civile et les populations concernées elles-mêmes. De prime abord, un terrain fertile, augmentant les risques de corruption est à craindre dans l'intervention humanitaire.

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Corruption et Aide humanitaire La ‘Corruption’ est souvent considérée comme un type de pratique qui peut être identifiée et dénoncée. Mais un examen plus attentif conduit à un éventail de comportements dérivant d'une vaste gamme d'intentions. Toutes les études concernant la corruption agitent les mêmes avertissements: (i) la corruption est difficile à définir et elle est souvent contextuelle, (ii) la corruption ne concerne pas seulement les transactions financières, mais peut prendre de nombreuses autres formes.

Définir la corruption D’un point de vue très général, la corruption est la perversion ou le détournement d'un processus ou une interaction entre une ou plusieurs personnes, avec pour objectif – concernant celui qui corrompt ou corrupteur, d'obtenir des avantages ou des prérogatives et – pour la personne qui se laisse corrompre ou le corrompu, d'obtenir une compensation en échange de ce qu'il a à offrir. Ceci conduit généralement à une augmentation de la richesse ou du pouvoir de la personne ou l’institution corruptrice. La corruption peut impliquer tout individu ou groupe investi du pouvoir de décision. Transparency International – de même que l'USAID et la Banque Mondiale – définit la corruption comme étant "L’abus de pouvoir reçu en délégation à des fins privées " (voir site Internet de Transparency International pour plus de détails). À bien des égards, la corruption est socialement construite et est "une classification négociée de comportement plutôt qu'une qualité inhérente" (Chibnall & Saunders 1977:139). Elle est donc subjective. En fait, on peut discuter le fait que la définition de la corruption est en soi un exercice de pouvoir et peut être considéré comme un effort des "civilisés" pour démontrer que la discipline et la contrainte sont une preuve de leur supériorité sur les "autres" qui sont corrompus (Haugaard 1997). Malgré de nombreuses pratiques douteuses (Lipsky 1980; Clegg 1989; Herzfeld 1992), il existe toujours une tendance à considérer l'organisation Occidentale moderne comme étant moins corrompue que les organisations au sein d'autres sociétés (Shore & Haller 2005). Mais quel que soit la définition acceptée, la corruption déborde toujours les frontières légales ou morales.

Il n'existe pas de définition unique, globale et universellement acceptée de la corruption. Les tentatives pour développer une telle définition se sont invariablement heurtées à des problèmes d’ordre juridique, criminologique et dans de nombreux pays, politiques. Tandis que les négociations de la Convention des Nations Unies contre la corruption ont commencé au début de 2002, les options à l'étude incluaient le fait de ne pas définir dut tout la corruption, ainsi qu’un certain nombre de propositions dans lesquelles des formes particulières ou des actes de corruption seraient énumérés. Source: Programme Global contre la Corruption, 2002, Kit d’Outils anti-corruption, l'ONU OCDPC

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Au lieu de dénoncer la corruption en soi, il est d'abord important de souligner les effets négatifs de la corruption sur la livraison de l'aide humanitaire en Haïti. En sachant pourquoi la corruption doit être réprimée, on peut avoir une base solide pour identifier quelles sont les formes pertinentes de la corruption qu’il faut analyser et éventuellement classer par ordre prioritaire pour une action en conséquence.

La corruption dans le flux de la livraison de l'aide En Haïti, beaucoup de gens et de médias sont prompts à signaler la "corruption" en comparant simplement les montants des fonds promis au pays et les montants effectivement débloqués et reçus. Une somme considérable d'argent fut pré-utilisée avant d’arriver au pays: les fonds de l'aide n'ont pas été investis dans l'économie Haïtienne. En Décembre 2010, se basant sur une analyse des contrats offerts par le gouvernement Américain après le tremblement de terre, l'Associated Press (AP) a rapporté que 1.60 USD sur chaque tranche de 100.00 USD est absorbé par des entreprises Haïtiennes, et de ceci, 23 contrats ont été signés avec seulement six (6) entreprises Haïtiennes. Qu'est-il advenu du reste de l'argent? L’interrogation est compréhensible, mais le fait d’y répondre ne mènera pas nécessairement à des cas de corruption. Il y a plusieurs coûts encourus dans la fourniture de l'aide, lesquels ne sont pas supprimables. Les coûts sont bien connus et sont évalués dans tout budget d’ONG. Ils peuvent être décomposés en ces grandes catégories:

• Les frais généraux: le financement du personnel en général travaillant au niveau du siège de l'organisation et la gestion des services de support tels: finances, administration, logistique internationale et ressources humaines et, en charge de la liaison avec les bailleurs de fonds publics ou privés ; • Les coûts de fonctionnement: encourus par les besoins opérationnels de l’installation ou présence physique de l’organisation dans les pays d'intervention (c'est-à-dire mise en place de bureaux, installations de stockage, moyens de transport, moyens de communication, etc.);

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• Les coûts programmatiques: liés à la livraison effective de l'aide tels que l'embauche de personnel sur le terrain, l'achat des biens de l'aide, l'acquisition des matériels/matériaux de construction, les coûts de transport, l’entretien des entrepôts aux fins de distribution, etc.

Chacune de ces catégories absorbe des fonds. La vraie question à se poser serait la suivante: dans quelle mesure ces coûts sont légitimes. La légitimité peut se mesurer par rapport aux principes qui les justifient (par exemple, il est coutume de fixer un pourcentage du budget total à consacrer officiellement aux frais généraux); la légitimité peut encore se mesurer par rapport à son efficacité (par exemple, en cas d'urgence il pourrait être plus efficace d'augmenter les dépenses de logistique). Mais de façon plus importante, chacun de ces coûts, ou stades, constitue aussi une avenue de corruption. Tout en reconnaissant que la livraison de l'aide ne peut se faire sans encourir des coûts, il est essentiel de comprendre comment et combien de fonds sont absorbés par les pratiques de corruption, à chaque niveau, pour comprendre les risques de corruption.

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Le coût de la corruption pour les populations affectées Considérer la corruption signifie analyser quelle est la quantité de fonds / aide matérielle qui aurait dû, effectivement, bénéficier aux victimes et qui est illégitimement perdu dans le processus. Mais cette réduction des ressources n'est pas le seul coût supporté par les personnes affectées ou bénéficiaires. Non seulement la corruption diminue le montant de l'aide matérielle effectivement accordée aux bénéficiaires, mais elle augmente également le coût de l'aide pour ces derniers. C’est se tromper grandement que de considérer les populations affectées comme étant uniquement des récepteurs car il existe de nombreux exemples attestant qu’ils contribuent réellement à payer ou alors paient pour l’aide reçue, à la fois en nature et en espèce. Alors que la corruption aura un impact sur le montant de l'aide reçue, elle affectera aussi la quantité de ressources que la personne affectée devra dépenser. Les coûts les plus évidents seront ceux payés en espèces, lesquels peuvent être globalement décrits comme suit:

• Payer pour l'aide qui est censée être gratuite ; • Être privé d'une partie de l'aide que l'on devrait normalement recevoir, car elle a été

détournée ; • Travailler gratuitement pour obtenir une aide ;

S’agissant de l'organisation, les risques qui existent à chacun de ces niveaux ont été identifiés dans le Manuel de Transparency International (Transparency International Handbook) Prévention de la Corruption dans les Opérations Humanitaires (TI, 2010). Les mécanismes mis en évidence dans ce livre sont ceux généralement observés dans l'aide humanitaire. Cependant, la vertu même de ce manuel, du fait d'être universel, constitue en soi une limite, car il ne peut offrir une analyse contextuelle et un classement des risques liés à une situation spécifique. Comprendre et mesurer les risques de corruption post-séisme en Haïti demande que l’on considère l'interaction entre les différents acteurs, pour établir la différence entre les inefficacités et les pratiques de corruption actuels et déchiffrer quels sont les risques les plus structurels.

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• Payer pour l'augmentation des prix sur le marché. Mis à part la hausse des prix résultant de l'économie perturbée, conséquemment à l’aide (produits importés, distributions gratuites, etc.), les prix augmentent encore du fait des pratiques de corruption qui permettent la vente ouverte des produits destinés à secourir les populations affectées, au lieu d'être distribués gratuitement ;

• Rentrer moins de bénéfices/profits dans une entreprise en raison de la concurrence provoquée par l'aide gratuite (par exemple les cliniques et les pharmacies informelles font faillite parce que ceux qui ont accès à l'aide vendent les produits/médicaments à des prix nettement inférieurs à des patients privés) ;

• Une augmentation globale des dépenses quotidiennes en raison d'un manque d’infrastructures (ou de structures dysfonctionnelles) par le fait que les pratiques de corruption en ont empêché la réhabilitation et/ou l'entretien adéquats.

Ajoutés à ces pertes matérielles visibles, il y a les coûts moraux ou physiques, plus pernicieux, que les individus eux-mêmes payent. • Leur intégrité physique peut être abusée (sexuellement ou autrement) ; • Leur intégrité morale est mise en danger pour avoir été dépossédés ou privés de leurs

droits fondamentaux et des pouvoirs de décision.

Une description des risques selon les types de corruption En considérant les coûts de la corruption – les coûts qui justifient que des mesures soient prises contre la corruption – les différentes avenues favorisant la corruption pendant le flux de livraison de l'aide, ont également été identifiées. Dans cette partie, il est question de décrire les pratiques de corruption actuelles – qui peuvent survenir à n'importe quel stade de la livraison de l’aide – identifiées comme des risques tangibles, les causes principales qui sous-tendent ces pratiques et d’autres conséquences éventuelles au sein du contexte Haïtien. Comme énoncé précédemment, la corruption est souvent un concept relatif et les transactions considérées comme corrompues dans certaines sociétés peuvent être perçues comme normales dans d'autres. Cependant, des formes génériques de comportement sont universellement acceptées comme étant des formes de corruption, telles que celles décrites par le Dr Lagny et le Dr Azfar dans leur manuel Outils pour l‘Évaluation de la Corruption et l’Intégrité au sein des institutions (IRIS, 2005).

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Le présent rapport part de la typologie de ces comportements comme base pour décrire les pratiques de corruption en Haïti, ce sont notamment:

• Subornation • Détournement • Extorsion • Conflit d'intérêts – y compris le fait de se servir soi-même, le népotisme et le patronage

politique • ‘Se dérober’

Chacun de ces types de corruption ou comportements peuvent se produire à n'importe quel stade du flux de distribution de l'aide (voir tableau ci-dessus). Ils peuvent impliquer des individus ou des groupes, et peuvent être le résultat de la cupidité privée, de fraudes institutionnelles ou des deux. L’idée, dans ce document, est de collecter les comportements qui ont été soit décrits ou observés en Haïti, afin de faire ressortir les causes profondes qui les sous-tendent et identifier les ‘effets de contagion’ ou d'autres conséquences de ces causes sur les pratiques de corruption et la qualité globale de la livraison de l'aide. Cette analyse au "cas-par-cas", non seulement nous permettra de retracer le contexte spécifique et les comportements corrompus en Haïti, mais de façon plus importante, de comprendre certaines tendances plus générales qui ont aggravé (décuplé) les risques de corruption, et que la société civile devrait aborder comme étant les plus pertinentes.

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Subornation

Les pots-de-vin peuvent prendre un éventail de formes différentes, telles que: pourboire, cadeau, avantage, faveur, réduction, nourriture gratuite, aide gratuite, bons de consommation gratuits, les transactions ‘sous la table’/remboursement, vente d'un objet ou une propriété à un prix exagéré/majoré, contrat lucratif, dons, contribution à une campagne, hospitalité, parrainage/support, commission versée secrètement, promotion, etc. Tout ceci fait de la subornation l’une des formes de corruption les plus subjective. Les frontières légales et morales, qui établissent les limites entre une transaction acceptable et une autre dite répréhensible, varient grandement d'une société à l'autre. Par exemple, les contributions aux campagnes politiques sous forme de liquidités sont considérées comme des actes de subornation criminels dans certains pays, alors qu'elles sont légales aux États-Unis.

Les petits commerçants qui vivent aux Etats-Unis critiquent les douanes haïtiennes, les accusant des retards colossaux dont les cargaisons à destination d’Haïti font l’objet. ‘Il faut plusieurs signatures pour s'assurer que quelque chose pénètre dans le pays’, dit Emilie à Haïti Press Network. "Et ceci encourage en plus le versement de pots-de-vin à la douane". Emilie a affirmé que la corruption était un facteur majeur des difficultés auxquelles sont confrontés certains ports Haïtiens. Source: http://haiti3d.wordpress.com/

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Risques récurrents En Haïti, la subornation a été observée à tous les niveaux du flux de l'aide, de l'importation du matériel d'aide vers le pays à la mise en œuvre actuelle du programme. En raison de toutes les formes qu'elle peut prendre, la subornation est probablement la forme de corruption la plus pratiquée. L'aide post-séisme a déclenché notamment la subornation dans les domaines suivants: La Douane: L'importation de l’aide et du matériel de secours a fourni une occasion en or pour verser des pots-de-vin. Plusieurs rapports sur les pots-de-vin perçus à la douane ont été émis – ainsi que des cas de trafic de marchandises avec la République Dominicaine (RD). Beaucoup de ces importations provenaient de l'Aéroport, alors sous le contrôle des Nations Unies. Malgré l'absence d'éléments de preuve vérifiés et quantifiés, des gens ont signalé une éventuelle corruption dans les services de dédouanement. Les Contrats: Certaines personnes obtiennent des contrats à travers les pots-de-vin plutôt que par le biais du marché régulier/procédures de mérite ou capacités. Des pots-de-vin ont aussi été régulièrement proposés par les fournisseurs aux officiers d’achat (Procurement officers), responsables de l’acquisition de biens et de services. Dans certains cas, les pots-de-vin ne sont pas offerts pour obtenir un contrat, mais pour montrer son "appréciation" ou reconnaissance d’avoir pu décocher le contrat. Les Permis/Autorisations: Un exemple relaté – ‘En dehors de Port-au-Prince, une municipalité a posé la condition du paiement d’une commission pour délivrer le permis ou l’autorisation nécessaire à la mise en œuvre d’un important projet d'infrastructure. Les acteurs internationaux n’étant pas d'accord, le projet est maintenant bloqué’. L'Accès à l'aide: Les millions distribués sous forme de ‘paiement-à la tâche’ ou cash for work (CFW) ont encouragé les gens à recourir à la pratique du pot-de-vin pour se faire inscrire sur la liste des CFW. Des livrables importants – tels que les abris temporaires – font aussi l’objet de pots-de-vin. Les organisations et leurs employés reconnaissent qu'on leur propose régulièrement des pots-de-vin pour inscrire le nom de quelqu'un sur leurs listes.

Les organisations internationales et les

institutions locales: ‘des fonctionnaires des douanes à l'Aéroport International Toussaint Louverture n’ont pu s’acquitter de leur tâche de vérification des bagages/paquets venant de l’étranger, empêchés par un groupe armé de soldats de la MINUSTAH (...). Les hommes armés sont arrivés en char et se sont faufilés jusqu’à la salle d'arrivée de l'Aéroport et au Service des douanes où deux (2) simples passagers (ni diplomate, ni militaire) portant des biens taxables au-delà des limites permises avait été détenus pour une vérification. Les hommes armés de la MINUSTAH ont interrompu la vérification par les fonctionnaires des douanes et ont pris avec eux les bagages et les deux voyageurs privés. Les casques bleus ont tiré des coups de feu en l'air alors qu’ils montaient dans leur char et sont partis. Source:www.haitian-truth.org/senator-zenny-minustah-airport-incident-an-insult-martelly-must-take-issue/- 10 Juin 2011

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La Protection: Des cas ont été rapportés où la police ou les comités de protection dans les camps ont demandé des-pots-de vin avant d'émettre des mandats d'arrêt ou pour effectuer une simple visite dans le camp. Les Expulsions et les droits fonciers: certains propriétaires sont accusés d’avoir soudoyé des membres de comité de camp et officiels du gouvernement pour encourager les expulsions ; certains ont également soudoyé des juges pour obtenir des droits illégaux sur les terrains occupés par les camps par le biais d’un programme d'aide ; certaines administrations locales ont offert une compensation aux gens pour évacuer les camps sur un terrain municipal (interviews).

Certaines causes profondes

• Les faiblesses institutionnelles largement acceptées chez nous en Haïti incluent celles du service des douanes qui ne dispose pas d’un personnel insuffisant et est régi par des mécanismes bureaucratiques complexes. Cela occasionne des retards énormes, même lorsque les marchandises sont exempts de taxes d'entrée. Les établissements préfèrent parfois soudoyer le personnel de douane ou les intermédiaires pour accélérer le processus (interview).

• Pots-de-vin mineur – pour accéder aux services publics, pratique répandue en Haïti et favorisée par le manque de clarté sur les procédures et les droits. Payer ‘des gardiens’ (en Créole on dit ‘lepandyè’) pour accéder à des biens ou obtenir des documents est souvent perçu comme inévitable.

• L'aide a ravivé les réseaux et processus déjà existant de trafiquants, en particulier avec

la République Dominicaine (interviews; Schwartz, 2008). Les mécanismes en place ont facilité la contrebande de marchandises et/ou la traite des êtres humains à travers la frontière. Certains trafics ont profité au marché de la République Dominicaine (par exemple, des conteneurs de matériel d'aide ne franchissent jamais la frontière bien que les documents/papiers attestent le contraire).

Des trafiquants déclarent soudoyer régulièrement les gardes frontaliers haïtiens et Dominicains pour faire passer des enfants (trafic d’enfants). En quatre (4) ans, Il n'y eut que deux condamnations, quoique les autorités Dominicaines aient créé une unité spéciale pour combattre ce problème. Deux contrebandiers interrogés par ‘The Herald’ ont avancé qu’ils demandent environ $ 80 pour faire passer un enfant dans n'importe quelle ville Dominicaine – à pied ou en voiture. Ce coût inclut les pots-de-vin aux agents des deux nations. ''J'ai payé entre 300 et 400 pesos (8- 11 USD) à chaque poste de contrôle'', a déclaré un trafiquant, qui a requis l’anonymat par crainte d’être arrêté. Source: http://www.miamiherald.com/2010/10/26/v-fullstory/1893693/guards-cash-in-on-smuggling.html)

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• L'impunité , liée à un disfonctionnement du système judiciaire constitue un problème qui transcende tous les types de corruption. Le nombre de cas de poursuites ou d'arrestations, en particulier dans les affaires criminelles, est très faible. (Interviews, "les défis auxquels fait face le secteur judiciaire en Haïti'', 13 Juillet 2010; Rapport annuel de la Commission interaméricaine des Droits de l'Homme - 2010: Rapport de suivi sur la situation des droits humains en Haïti.

• Un manque de confiance général entre les ONG et les institutions gouvernementales

existait bien avant le séisme. En conséquence, les organisations d'aide se sont montrées automatiquement sceptiques à propos de l'efficacité des procédures officielles et la possibilité d’une livraison opportune de l'aide par le biais des processus légaux (interview).

• Certains responsables d'ONG justifient le fait de ne pas suivre leurs procédures internes

en raison de ce manque de confiance dans le système global et la fiabilité des entrepreneurs locaux.

• Absence de mécanismes de doléances/réclamations établis place par les organisations

humanitaires. Autres conséquences

• Le manque de confiance entraine tout un éventail de soupçons, dont beaucoup ont éclaté dans les médias. Par peur d'être injustement accusés, les organisations ont préféré l'opacité à la transparence. En d'autres termes, plutôt que de générer plus d'informations concernant leurs activités et leurs procédures, elles ont recours à la tendance inverse, à savoir communiquer moins de détails sur leurs opérations (interview).

• Cette opacité a été encore renforcée par la suite, du fait que certaines organisations ont pratiqué la subornation et ne suivent pas leurs procédures internes.

"Par le fait de garder les marchandises/ articles et empêcher leur circulation dans le pays, les douanes commettent un crime. Il est criminel d'empêcher que l'aide arrive dans le pays. Pendant des mois, nous avons agité le problème d'une armada de camions envoyés pour nettoyer les latrines, mais qui croupissent à la douane et ce n’est que maintenant qu’ils ont été mis en service. Ce crime est commis à la fois par les Haïtiens et par la communauté internationale qui ne met pas suffisamment la pression sur les institutions Haïtiennes pour conditionner l'aide à un certain niveau d'efficacité. Quand ils disent ‘Eh bien, c'est comme ça en Haïti’, sans agir pour remédier à cela, ils se révèlent être les complices du crime. Source: interview

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• Rapports sur l’intensification des trafics après le séisme. (Particulièrement le trafic des enfants – aucun rapport sur le trafic de drogue qui pourrait également être à la hausse).

• Le manque de confiance est à la fois une source et une conséquence de corruption: comme

les acteurs témoignent de l'existence de pots-de-vin à tous les niveaux, en outre ils doutent de la possibilité d'utiliser les canaux officiels.

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Détournement

Le Détournement est l'utilisation intentionnelle, illégale, ou le vol de biens, de fonds ou de matériel no-personnels pour son propre usage, ou à d'autres fins non autorisées. L'acte peut être posé par toute personne ayant une responsabilité dans la garde ou la gestion des biens d’autrui: ce peut être des fonctionnaires publics, le gouvernement local, les leaders communautaires ou responsables de camps, ou les agences d'aide elles-mêmes. Dans le cas des travailleurs humanitaires, cela signifie n’importe quel bien de l'organisation pour qui elle/il travaille, biens acquis au nom et au profit des populations affectées. La définition de ce qu’est ‘la propriété propre’ et ce qui ne l'est pas, est clairement définie. Le plus difficile à déterminer dans le secteur humanitaire est ‘dans quelle mesure l'utilisation de cette propriété ou bien par une personne, est destinée à des fins personnelles ou non.

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Risques récurrents Le Détournement est certainement, avec la subornation, le type de corruption le plus récurrent et souvent cité par les individus interrogés. On le retrouve à tous les niveaux, et plus particulièrement: A la source: les risques de détournement à la source sont multiples, et impliqueront soit une pré-allocation de l'aide, c’est-à-dire une partie de l’aide avant même qu’elle n’arrive au pays, ou le détournement d’une partie des fonds à travers le processus de conversion en aide.

• De faux appels ont été émis par des individus (et éventuellement des organisations bidons) pour accéder aux fonds de la reconstruction. Après le tremblement de terre, des escroqueries sur le Net et par téléphone ont été mis en place (exemple: voir Avertissement publié par la Commission de Bienfaisance en Grande Bretagne).

• Détournement: plusieurs cas ont été rapportés par les médias, comme celui-ci: "Un homme d'affaires Reno, accusé dans un procès par d’anciens employés, de fraude envers des églises et des individus, en leur offrant un plan pour construire des maisons aux États-Unis et les expédier par bateau aux victimes du séisme en Haïti".

A la livraison: le Détournement au moment de la livraison fut déclaré à plusieurs reprises. Cela inclut empocher l’aide directement (une partie de l'aide est pré-allouée avant la distribution), ou la vente de toute l’aide ou d’une partie de celle-ci, y compris à des non-bénéficiaires (Il était commun, par exemple de retrouver sur le marché des bâches/ prélarts marqués des initiales d’OING).

• La vente de l'aide: une partie de l’aide peut être livrée à des bénéficiaires non ciblés, ou vendus au lieu d’être gratuitement distribuée. Les rapports de responsables locaux, de travailleurs humanitaires ou de comités de secours locaux vendant les coupons ou bons de rations ont été mentionnés par de nombreux acteurs (interviews). "Je pense que le comité vend les coupons parce que lors des distributions, nous voyons beaucoup de gens de l'extérieur laissant le camp avec des articles de l'aide dans des taxis tandis que nous ne recevons rien. Les membres du comité téléphonent à leurs familles et les informent sur la date des distributions" (HAP, 2011). Des médicaments censés être gratuits se retrouvent dans les pharmacies, et l’on fait payer pour les consultations de santé gratuites.

Le Détournement peut impliquer des entreprises. Par exemple, dans la livraison de l'eau, une organisation a payé pour plusieurs camions de livraison d'eau dans un même camp (environ 8/9 camions par jour) mais plus tard on a découvert que le conducteur ne livrait que la moitié de sa cargaison et vendait ensuite l’autre moitié. Cet exemple particulier a aussi impliqué les comités du camp qui signaient pour la totalité de l’eau. Source: interview

Une organisation locale avait des partenaires Dominicains. Après le tremblement de terre, ces derniers ont envoyé des conteneurs. Selon la loi, ceux qui reçoivent les conteneurs en Haïti doivent signer les documents de réception et se porter garant de la distribution. Les Dominicains ont demandé aux partenaires Haïtiens de signer pour quatre (4) conteneurs alors qu’ils n’en remettraient qu’un seul – les trois (3) autres resteraient à Santo Domingo. Le refus des Haïtiens de signer a déclenché de nombreuses tensions et des problèmes pour poursuivre l'effort de l'aide. Source: interview

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• Critères de sélection pas définis: le fait que les critères de sélection des bénéficiaires ne soient pas bien défini, cela donne la latitude au personnel et aux ‘gardiens’ locaux de détourner l'aide, par exemple à travers les programmes de cash-for-work ou d'enlèvement des débris. Un cas a été rapporté où un propriétaire foncier – qui travaillait avec une ONG – a utilisé les liquidités du cash-for-work (paiement à la tâche) comme moyen de compensation pour faire évacuer des gens d’un camp établi sur sa propriété.

• Des comités/individus non représentatifs utilisés pour la distribution des ressources de l'aide se sont révélés être une source élevée de risque. La relation privilégiée avec l'ONG ouvre des espaces de corruption et un contrôle non autorisé des ressources. Dans de nombreux cas, ces comités non seulement constituent le seul lien entre les agences d'aide et la population affectée, mais se voient également assigner la tâche de gérer efficacement la livraison de l'aide. En cas de mauvaise gouvernance au niveau du comité, c’est un réel défi que d’assurer une distribution impartiale de l’aide. Souvent aussi, les gens ont eu le sentiment d’avoir été laissés de côté et leurs préoccupations ou besoins bafoués (HAP, 2011).

La mauvaise qualité des livrables peut aussi être une conséquence du détournement des fonds. Quand des journalistes de Nation ont visité les abris "anti-cyclone" en Juin, six à huit mois après qu'ils aient été installés, ils ont fait le triste constat suivant: ces abris se constituaient de vingt (20) remorques préfabriquées importées, présentant de multiples problèmes – du moule à la chaleur étouffante et une construction de mauvaise qualité. Le plus inquiétant c’est qu’ils ont été fabriqués par la même entreprise, Clayton Homes, poursuivie en justice aux Etats-Unis pour avoir fourni à l’administration de l’Agence Fédérale d’urgence (FEMA) des remorques bordées de formaldéhyde (composé organique chimique) après l'ouragan Katrina. Des échantillons d'air prélevés dans douze (12) de ces remorques en Haïti ont détecté des niveaux inquiétants de cette substance cancérigène dans une seule remorque (Http://ijdh.org/archives/1997). Des mécanismes de reddition de compte (transparence & responsabilité) flous: Certains comités ont été invités à collecter de l'argent des usagers pour payer pou/entretenir les services (par exemple l'accès à l'eau), mais sans mécanisme de responsabilité clair. L’absence de sens de responsabilité crée: 1) un risque de détournement des fonds collectés; 2) un risque de suspicion par les bénéficiaires que les fonds sont mal utilisés, même si ce n’est pas le cas.

"Beaucoup de maisons privées et de terrains en Haïti sont remplis de débris et les nettoyer est extrêmement cher par rapport aux standards locaux – environ 20,000 à 25,000 USD par site. En raison du coût, des individus corrompus pourraient chercher à utiliser les efforts de cash-for-work à des fins personnelles. Compte tenu de la nécessité d'éviter l'apparence de favoritisme dans le programme d'enlèvement des débris ou décombres, les responsables de projet ont indiqué que le déblayage des maisons privées pourrait être justifié, seulement en de rares situations (...). En dépit de cette précaution, l'équipe de vérification/audit a observé des travailleurs déblayant des terrains de résidences privées ". Source: USAID, 2010

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Disparition ou détournement des fournitures/matériels et équipement de l’aide: ceci inclut les outils utilisés pour les activités de cash-for-work, les voitures données aux travailleurs, mais aussi le fait de considérer le matériel ou équipement de bureau et informatique comme étant personnel et utiliser les voitures de l’organisation et l'essence à des fins personnelles (interviews). Locations: certains bénéficiaires ont loué les tentes qu’ils ont reçues, ainsi que leurs abris temporaires (T-shelters) ou leur emplacement au camp à d'autres, tandis qu'ils vivent ailleurs. L’argent de l’aide utilisé à des fins autres que celles de l'aide: Haïti a été témoin d'une situation incomparable en termes de hausses de prix liées aux dépenses des ONG. Compte tenu de la quantité d'argent qui fut soudainement injectée dans le pays et le nombre extraordinaire d’ONG en charge de la gestion de l'aide, les entreprises locales en rapport avec ces opérations sont devenues extrêmement lucratives. Les prix des voitures, les loyers et les salaires du personnel spécialisé (comme les chauffeurs, les médecins, etc) ont atteint des points culminants à peine comparables à une quelconque autre intervention d'urgence dans le monde. Certaines voitures sont louées pour plus de 5,000.00 USD par mois, les loyers des maisons ont plus que triplé de ce qu'ils étaient avant le séisme. En outre, certaines sociétés de location ont sous-loué des voitures appartenant à des particuliers, des employés d'ONG louent leurs voitures à leur employeur… En absence de mécanismes de contrôle pour ces dépenses, le principal risque est de voir les frais de fonctionnement des ONG absorber la plupart des fonds disponibles pour l'intervention de l'aide. • Le ‘Renforcement’ de la sécurité a également augmenté les dépenses, tandis que les menaces ne sont pas si évidentes. • Confort et statut: Les locaux des bureaux et d'hébergement des organisations internationales sont souvent d'un standard élevé et choisis dans les centres commerciaux ou résidentiels coûteux. Les entités gouvernementales ont également investi les fonds de reconstruction dans la construction de locaux de luxe et d'hébergement (comme l’a rapporté un article, se référant à la Mairie de Delmas – Hôtel de Ville). La nécessité d'un style de vie confortable pour les expatriés et le personnel national a conduit certains à utiliser les ressources du bureau – voitures, personnel – pour répondre à leurs besoins particuliers (achat de produits alimentaires au supermarché, utilisation des voitures officielles et des hélicoptères pour faire des excursions le week-end, aller à la plage, etc.)

Des orphelinats ‘bidon’ ont été financés par les efforts de secours. "Il y a beaucoup de soi-disant orphelinats créés au cours des deux dernières années et qui ne sont pas vraiment des orphelinats ... Ils constituent des couvertures pour des organisations criminelles qui tirent profit des personnes sans abri et affamés. Et, avec le tremblement de terre, ils y voient une occasion de faire un ‘gros coup". Frantz Thermilus, chef de la Police Judiciaire Nationale d'Haïti Source: rapport Misguided Kindness de Save the Children, 2010

Une grande organisation est venue dans un quartier de Port-au-Prince pour effectuer une distribution alimentaire. Il a fallu au personnel trois (3) semaines pour faire une évaluation – déjà réalisée par la population locale, et ils ont entrepris la distribution de 2000 rations pour 4000 familles, promettant un second tour de la distribution qui n'est jamais arrivé. Au moment de la distribution, les agents de terrain ont ouvertement gardé les ‘bons’ ou coupons pour eux-mêmes tout en demandant aux familles de signer pour leur réception. Des 2000 coupons, environ 800 ont été détournés. Source: interview

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Certaines causes profondes

• Le niveau élevé des besoins parmi les populations affectées augmente leur tentation à avoir plus d’accès à l'aide pour la détourner à des fins personnelles ou pour supporter leurs familles.

• Une promotion ou mise en œuvre médiocre des approches participatives pour assurer l'inclusion des populations affectées et de leurs représentants. Cela est particulièrement vrai dans les quartiers pauvres de Port-au-Prince où les organisations ont littéralement déversé l'aide et ont imposé leurs programmes sans consulter les représentants de la communauté.

• La pression de ‘livrer’ (l’échéance de l’aide est déjà décidée) – ce peut être une raison

pour les organisations à ‘contourner les coins’ ou ne pas accorder assez de temps pour s’assurer de la participation adéquate (approche qui demande beaucoup de temps) des bénéficiaires ou d’établir des processus solides. Lorsque des cas de détournement sont soupçonnés, les organisations préfèreraient fermer les yeux plutôt que de retarder leur programme afin de prendre les mesures qui s’imposent.

• Faible capacité à développer des institutions locales et des groupes durables et

responsables, avec des règles et des processus transparents, avec des mécanismes d’auto-régulation solides (pour les comités d'eau par exemple, qui ont aussi la charge de collecter les frais des usagers).

• La taille du secteur privé (principalement informel), une écrasante majorité par rapport

au secteur public, ce qui signifie que la plupart des initiatives sont privées plutôt que d'être centralisées et réglementées. Ceci entrave les possibilités de systématiser les procédures, et aussi pour vérifier la qualité de ces structures, ce qui rend les pratiques de détournement plus probables.

• Manque d'informations provenant des organisations d'aide au sujet de leurs procédures

et critères de livraison de l'aide – crée un terrain fertile pour abuser de la crédulité des bénéficiaires de l'aide.

"Dans un grand camp sans structure de gestion, une agence d’aide a instauré une cantine alimentaire, spécifiquement pour les enfants. Un membre du comité a ouvertement admis qu'il prendrait une partie de la nourriture pour lui-même: la cantine que l'organisation nous a donnée est seulement pour les enfants, mais l'organisation oublie que nous avons faim aussi. Parfois nous prenons la nourriture des mains des enfants. " Source: HAP, 2011

Corruption structurelle – présente avant la réponse au tremblement de terre, a provoqué d’énormes pertes de ressources. Par exemple l’agence de coopération espagnole finançait un projet de plusieurs millions pour construire une nouvelle zone de décharge d’excréments (l’unique site qui existe dans la ville est presque rempli). La construction presque terminée, une famille a porté plainte en revendiquant le terrain et a bloqué la construction. Derrière ces problèmes semblent trainer des désaccords entre ministères. Le gouvernement est susceptible de devoir payer une compensation à l’agence de coopération. Comment un projet de cette envergure peut-il démarrer sans une compréhension adéquate de la propriété du terrain visé ?

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• Manque de compréhension de ce que sont les priorités pour les bénéficiaires, provenant

du fait que de nombreuses organisations/travailleurs humanitaires n'ont pas d'expérience préalable dans le pays avant le séisme, et l’inefficacité des mécanismes de rétroaction/feedback.

• Une idée fausse de la population locale de ce qu'est la corruption , liée à un faible taux

d'alphabétisation (fonctionnelle); la compréhension limitée des concepts ou des implications légales des documents, ou le fait de ne pas parler la langue appropriée, au niveau individuel ou organisationnel, facilite les multiples opportunités de dissimuler les cas de détournement de fonds. Une personne interrogée a reçu du matériel de traitement d'eau pour un projet. L'organisation a pris des photos afin de documenter ce cadeau, mais après quelques mois elle est venue le lui reprendre, disant que c’était un ‘prêt’. Le responsable a refusé, disant que ce qu'il a signé ne mentionne pas que c’était temporaire. Il a dit: ‘Je suis diplômé en droit et il sait ce qu'est le droit, mais beaucoup de gens ne sauraient quoi faire en pareil cas’.

Autres conséquences

• Le manque de participation crée la passivité et la dépendance face à l'aide plutôt que d’habiliter les gens. Le détournement qui en découle est encore légitimé par le fait que la dignité des personnes n'a pas été respectée au début.

• Encourager les pratiques non réglementées, qui sont déjà monnaie courante dans le secteur informel, mais provoquent un déséquilibre considérable entre les acteurs. Le montant de l'aide qui peut être détourné est tel que les petits acteurs économiques peuvent monopoliser un important réseau et se constituer un pouvoir considérable, tandis que d'autres font faillite. Cela s’est vu dans le cas de médicaments et des soins médicaux, ce qui a profondément perturbé les mécanismes réguliers de soins de santé existants, y compris les canaux informels.

• Saper/Miner les structures existantes: par exemple, le secteur de la santé étant

essentiellement privé, les acteurs internationaux ont été réticents à financer des cliniques

Des habitants de camps ont exprimé leurs sentiments vis-à-vis de garderies d’enfants qui, selon eux, sont simplement une excuse permettant aux agences d’aide de rapporter qu’elles ont mis une école sur pied tout en sachant que ce n’était pas le cas : ’ils pensent que l’organisation est en train de faire passer la garderie d’enfants pour une école réelle ; une façon de ‘cocher une case’ sans rien faire de sérieux. Source : HAP, 2011

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privées de peur que cela soit perçu comme ‘détournement’ des fonds destinés au bien public. Toutefois, la fourniture de services gratuits a finalement forcé certaines cliniques locales établies et des établissements de santé à fermer leurs portes.

• Les mécanismes de l’aide deviennent encore plus opaques: les ONG ne fournissent pas

suffisamment d’informations sur leurs processus (absence de transparence) et le public en général – y compris les médias, ne peut que spéculer sur les raisons qui expliquent les situations observées sur le terrain (ex: les coupons de distribution qui changent de mains, l’aide qui n’atteint pas certaines zones, ou les ‘SUV’ blancs qui inondent les rues de Port-au-Prince). En général, le manque d'informations engendre la conviction que le détournement est très répandu, que cela fait partie du mode de fonctionnement structurel des organisations, et que les fonds de l'aide ont été volontairement détournés, y compris en réalisant des programmes inutiles ou prétendre avoir fait ce qu'elles n’ont pas fait en réalité (Rapport sur la responsabilité - HAP).

• Incapacité des ONG à lutter contre les pratiques de corruption en raison d'un

manque d'informations, et un tabou en général pratiqué par ces dernières autour des potentiels cas au sein de leurs propres structures. De nombreuses personnes ont décrit de long en large les processus de corruption, mais n'ont pas été en mesure de fournir des données quantifiées. L'absence de données et de mécanismes de rétroaction/feedback limite les possibilités d’une prévention efficace.

• Les hausses de prix et distorsions du marché, en particulier liées aux frais de

fonctionnement des ONG ; certaines ont déclaré que ces frais absorbent plus de 50% de leur budget total.

• Un discrédit général affecte les acteurs humanitaires, perçus comme gaspillant

régulièrement les fonds de l'aide et ne disposant pas de mécanismes propres de contrôle ou normes à appliquer.

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Extorsion

Tandis que la subornation implique l'utilisation de paiements ou autres stimulants positifs, l'extorsion repose sur la coercition, comme par exemple l'utilisation ou la menace de violence ou l'étalage d’informations compromettantes, pour inciter à la coopération. En Haïti, la menace de lancer des ‘sorts surnaturels se rapportant au vaudou’ est une épreuve constante. En général, les menaces ne sont pas nécessairement de nature criminelle, comme la violence, mais peuvent être simplement une menace de recourir à des actions illicites, de l’argent, des biens ou la révélation de faits compromettants. Dans certains cas, l'extorsion peut différer de la subornation uniquement dans le degré de coercition. Si une personne affamée est priée de payer un pot-de-vin afin d'obtenir de la nourriture, cela peut être classé comme de l'extorsion.

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Risques récurrents Les cas d'extorsion ont été moins largement rapportés que les autres cas de corruption. Cela peut, bien sûr se rapporter au fait que ces abus impliquent la violence et des menaces, et sont donc plus dangereux à signaler. Néanmoins, les témoignages s'accordent à considérer que l'extorsion est moins systématique que le détournement ou la subornation. Les abus sexuels et le harcèlement sont les formes d'extorsion les plus communes signalées. KOFAVIV, une organisation de base de victimes de viol, a documenté plus de 250 cas de violence sexuelle dans quinze (15) camps au cours des cinq (5) premiers mois suivant le séisme. L'organisation a également rapporté l'abus sexuel de jeunes filles non accompagnées en échange de nourriture ou d’un abri dans des camps (rapport d'Amnistie International 2011 - Haïti). Des faveurs sexuelles sont exigées pour toutes sortes de services, y compris les rations auxquelles la personne/la famille a droit, pour inscrire le nom de quelqu'un sur les listes de distribution (y compris le cash-for-work), ou pour être embauché par une organisation d'aide (interviews). Les femmes célibataires/femmes chefs de famille sont particulièrement à risque, mais il est rapporté que des faveurs sexuelles ont été exigées également de femmes mariées. Pour plus de détails, voir Institut pour la Justice et la Démocratie. Plusieurs cas de viols ont également été signalés. Alors qu'ils ne sont pas liés à la livraison de l’aide, les conditions de vie dans les camps, la promiscuité et l'existence de gangs dans certains d'entre eux ont conduit à une augmentation du nombre des cas de viol (interviews, MADRE et. al, 2011). Les organisations spécialisées dans la défense des Droits des Femmes sont unanimes à confirmer qu'il existe un manque général d'informations quantitatives et qualitatives sur la violence basée sur le Genre (VBG) en Haïti. Ce manque d'informations affaiblit la possibilité d’établir des rapports et d’engager la plaidoirie. Le personnel international de GBV a justifié le manque d'informations par la sensibilité des données (caractère souvent confidentiel). Un système de base de données existait avant le séisme, mais les données ont été détruites. Entités de Surveillance (‘Gardiens’): les extorsions sont généralement pratiquées au niveau du terrain, par ‘ceux qui ont la garde’ et qui monopolisant l'aide et en conditionnent la distribution à un certain type de paiement. La plupart des cas d'extorsion se rapportent à des comités de secours (au camp ou dans la communauté). Les demandes auraient été faites par eux directement, ou par d'autres sous leur supervision. Certains comités ont repris de force une partie de la ration distribuée en exigeant un paiement pour permettre à la personne de rester dans le camp, etc. (interviews).

La Banque Mondiale estime que 70% des femmes Haïtiennes ont été victimes d’une forme quelconque de violence, que ce soit dans les sphères domestiques ou publiques. Ces chiffres ont augmenté au cours de ces dernières années, selon la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme. Source: Rapport du PNUD. Bien que la législation et les plans du gouvernement concernant la violence basée sur le Genre se soient améliorés, il y a un manque de suivi et d'allocation de ressources pour supporter ces efforts. Haïti a établi des points focaux de Genre dans tous les ministères et a créé un ministère des droits des femmes en 1996, mais il est nécessaire de renforcer et de redéfinir ces points focaux. Tant avant qu'après le tremblement de terre, il existe un manque de documentation systématique des incidents de violence relatifs au Genre. Source: Amnistie International, 2008; Article Ecosalon

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Des employés d'ONG, majoritairement des Haïtiens, ont entrepris l'extorsion directe de leurs collègues de travail ou des bénéficiaires (faveurs sexuelles en échange d'emplois, pourcentage perçu sur le salaire, etc). Droits fonciers: la question brûlante des droits fonciers et la pression pour évacuer les terrains conduit au recours illégal à la violence et aux menaces, y compris par les autorités municipales que l’on accuse d’avoir armé des bandits (conférence de presse organisée par les membres d'un camp à Port-au-Prince, faisant état de violences commises par des personnes portant des uniformes municipaux, qui ont grièvement blessé une femme enceinte et ont menacé de tuer ceux qui ne déguerpissaient pas). Il a été rapporté que des groupes puissants ont pris le contrôle des nouveaux camps importants environnant Port-au-Prince et en exigent "des frais de protection". Des tentatives ont également été faites pour réclamer les terrains environnant avec des titres fonciers falsifiés. Proférer des menaces: alors que peu de cas d'extorsion ont été décrits au cours des entretiens, plusieurs personnes ont mentionné avoir été effrayés ou pressuré par des menaces. Beaucoup ont été menacés/mis en garde pour ne pas identifier les personnes corrompues et dénoncer d'autres types de corruption. Par exemple, un chauffeur a menacé une organisation qui a voulu le congédier pour mauvaise conduite, et a entrepris une action en justice en dépit du fait qu'il était fautif; dans un autre cas, des médecins mécontents du salaire reçu ont été accusés d’avoir jeté des cocktails Molotov dans les bureaux de leur employeur. En outre, de nombreux travailleurs humanitaires ont signalé que des rancunes vis-à-vis de bénéficiaires conduisent rapidement à des menaces de mort, y compris les menaces de ‘jeter des sorts vaudous coulés’ relatés par de nombreux travailleurs. Le personnel expatrié: l'inégalité de traitement entre le personnel expatrié et le personnel national provient du fait que l’on soit plus enclin à faire confiance aux expatriés pour une meilleure performance au travail. De nombreux cas ont été signalés où cet écart de ‘pouvoir’ a conduit à un comportement abusif venant du personnel expatrié – insultes, menaces de cessation d'emploi, etc. En outre, de nombreux employés nationaux se voient refuser le droit de prendre part aux processus de prise de décision, exacerbé par un certain niveau d'apathie de la part du personnel national. Certaines causes profondes

• Les femmes se trouvent traditionnellement au plus bas de l’échelle des structures hiérarchiques sociales en Haïti. La position des femmes dans la société Haïtienne est

Au moins trois camps abritant environ 1000 Haïtiens déplacés par le séisme ont été détruits par la police cette semaine dans la banlieue de Delmas à Port-au-Prince. (...). La police est venue sans avertir ou alors après brève notice, et a littéralement aplati les camps, en lacérant les tentes avec des machettes, des couteaux et des bâtons. (...). La loi Haïtienne stipule que les expulsions ne peuvent se faire qu’en vertu d'une ordonnance du tribunal ou d'un arrêté municipal. (...). Lorsqu'on lui a demandé s'il avait suivi la procédure judiciaire d'expulsion, le Maire a répondu nonchalamment qu'il n'a pas besoin d'autorisation légale (....). Ceux qui ont protesté ont été battus par la police à coups de matraques. Un homme fut tiré à la jambe. Source: http://ijdh.org/archives/19003

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faible eu égard à leur représentation au niveau des postes électifs et des instances de décision, ainsi que dans les secteurs d'emploi productifs. En 2009, seulement 4.1% des sièges au Parlement Haïtien sont occupés par des femmes. La plupart des femmes travaillent dans le secteur informel de l'économie et elles gagnent moins que la moitié du salaire des hommes. La violence physique et sexuelle est un problème important, surtout en période de crise et d'agitation. En fait, Haïti a l'un des taux les plus élevés dans le monde de femmes victimes de violence. Toutefois, selon les données recueillies par SOFA dans leur centre d'assistance, la plupart des violences se produit au sein de la famille (ce qui ne serait pas considérée comme corruption) (Interview).

• Pratique des ‘instances de surveillance / gardiens’ réclamant des faveurs sexuelles est très répandue en Haïti, en particulier au niveau des emplois (dans les usines/factories, les bureaux et les administrations publiques). Certains ont souligné que la pratique bien-intentionnée d'accorder de l’aide aux femmes – pour leur garantir un meilleur accès – s’était, dans certains cas, retourné contre elles pour en faire des cibles de harcèlement.

• Absence de promotion et de mise en œuvre d’approches participatives (voir la section

‘détournement’) et focus limité dans la promotion de la participation des femmes par les organisations internationales. Les ‘instances de surveillance ou gardiens’ sont le plus souvent des hommes, et la composition des comités utilisés comme intermédiaires ne comprennent que quelques femmes, et à des postes mineurs.

• Des comités locaux qui ne sont pas vraiment représentatifs ou honnêtes jouissent de la

confiance des ONG alors que les mécanismes de contrôle mis en place par l'organisation ne sont pas efficaces. Globalement, les organismes d'aide – quoique conscients du potentiel d’exploitation sexuelle, sont soit incapables de mettre en œuvre des directives et mécanismes de communication efficaces, sûrs et confidentiels permettant de rapporter les cas de violence, ou alors ceux qui existent ne sont pas assez viables.

• Les déséquilibres au niveau du pouvoir, l'impunité générale et la faiblesse du système

juridique (voir ‘subornation’) laissent la plupart des crimes non avoués/signalés ou restent impunis quoique dénoncés et les organisations demeurent impuissantes. La réticence des femmes à prendre contact avec le système judiciaire Haïtien fut une source de préoccupation particulière pour la Commission Interaméricaine des Droits Humains.

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Dans son rapport de 2009, la CIDH a déclaré que cette situation était due au fait que ‘les victimes doutent de la capacité du système judiciaire à garantir la justice, ainsi qu’aux mauvais traitements dont elles sont fréquemment l’objet en essayant d'accéder aux recours judiciaires.

Autres conséquences

• Il se peut que la communauté internationale ferme les yeux sur certains problèmes urgents relatifs à la Violence basée sur le Genre (VBG), car le harcèlement sexuel est à la fois largement pratiqué et juridiquement difficile à prouver. Certains considèrent que la communauté internationale n'a pas déployé assez d’efforts pour s'attaquer au problème ou pour s’engager aux côtés des organisations et groupes locaux. ‘La Ministre Haïtienne à la Condition Féminine exige (...) que le Coordonnateur des Sous-Cluster inclue la participation des groupes de base de femmes et consulte le Ministère à propos de ses activités. Toutefois, le coordonnateur refuse toujours de le faire. Ce n'est pas seulement une violation directe de la souveraineté de l’Etat Haïtien, mais aussi une violation du Droit International, qui demande une participation significative des groupes communautaires de base après un désastre (...). En Décembre, le sous-cluster a publié ses stratégies de lutte contre la VBG en Haïti pour 2011, sans faire mention de l'inclusion des groupes de base composés de femmes." (Commission Interaméricaine des Droits Humains. http://canadahaitiaction.ca/aggregator/sources/1%3Fpage%3D4?page=3

• Les organisations se sentent indûment habilitées à outrepasser leur mandat et leur domaine de travail en raison de l’absence de contrôle gouvernemental et la substitution fréquente des ONG au rôle du gouvernement. De même, les organismes gouvernementaux peuvent aussi se sentir en droit d’outrepasser la loi, n’ayant en leur pouvoir les moyens de contrôle et ne faisant pas le poids face aux organisations.

• Méfiance générale à l’encontre des organisations humanitaires, dont le personnel pratique l'extorsion ou alors n’est pas en mesure d’en freiner le cours. Quand les populations affectées voient leur vulnérabilité s’accroitre en devenant un ‘bénéficiaire’ de l'aide, cela augmente leur impression, à savoir que les organisations d'aide sont indirectement complices de l’augmentation du phénomène.

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Conflits d’intérêt

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Le Conflit d'I ntérêt est une situation où un individu, travaillant soit pour le gouvernement, soit pour une société ou une ONG, se voit contraint de choisir entre les devoirs et exigences de sa position et ses devoirs/exigences propres (TI, 2010). Les formes de conflit d'intérêt peuvent inclure le fait de ‘se servir soi-même’, le népotisme/copinage et le clientélisme politique. ‘Se servir soi-même’, il s’agit de profiter de sa position pour jouir d’une transaction dans son intérêt propre plutôt que pour les intérêts des bénéficiaires. Ken Kernaghan & John Langford définissent le fait de ‘se servir soi-même’ comme: "une situation où l'on exerce une action à titre officiel qui consiste à traiter avec soi-même, à titre privé, et tirant un avantage/profit personnel." Cela peut impliquer l'usurpation, l'abus de pouvoir ou de confiance où par exemple, des individus seront privés de leur pouvoir décisionnel ou recevront de faux titres de propriété et induits en erreur, croyant devenir propriétaires de terrains. Népotisme/copinage c’est supporter, encourager, accorder un privilège ou un traitement de faveur à des amis et associés dans la distribution des ressources et des postes, indépendamment des qualifications objectives. Le patronage politique est l'utilisation des ressources collectives pour récompenser certaines personnes pour leur support électoral (achat de vote) ou à des fins politiques (trafic d'influence). Les systèmes de patronage sont corrompus quand ils créent le favoritisme récompensant des organisations particulières, des associés politiques ou d'affaires, des groupes régionaux, ethniques ou religieux pour leur support, en leur accordant des dons illégaux ou les récompensant frauduleusement par des appointements ou contrats. Le patronage et la corruption politique profitent à leurs auteurs, en augmentant leur aura sociale et leur pouvoir potentiel Avec ces types de comportement, il est particulièrement difficile de distinguer les attitudes corrompues – c’est-à-dire l'intention de détourner des ressources au bénéfice injuste d’acteurs spécifiques – de la mauvaise gestion ou des inefficacités réelles. Par exemple, un contrat est signé avec un fournisseur de service connu, par manque de meilleures options. Pourtant, il est fondamental de reconnaître et d’aborder ces pratiques qui provoquent d’énormes risques de corruption.

“Désormais, ce sont ces instances, en particulier la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) qui orientent les destinées de notre pays et prennent toutes les décisions à notre place. On assiste ainsi à une complète marginalisation des acteurs Haïtiens de tous les espaces stratégiques de décision. A travers la CIRH se pratique une double exclusion: celle des institutions étatiques et celle du mouvement social. L’existence de la CIRH fait partie d’un processus de destruction des institutions et de l’économie Haïtiennes“ Source: Pétition de plus de 30 organisations de la société civile, 31 Mars 2011 http://www.papda.org/article.php3?id_article=751

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Risques récurrents Les acteurs importants de la communauté humanitaire œuvrent à leur propre bénéfice, au moyen de mécanismes de coordination qui devraient promouvoir la participation et la prise de décision par les acteurs locaux, mais qui furent, de facto, conduits par des acteurs internationaux. Les problèmes de langue (la plupart des réunions sont tenues en Anglais) ont exclu les représentants du gouvernement et de nombreux francophones ou d’organisations Haïtiennes parlant le Français/Créole. Bon nombre de programmes et de priorités relatives au financement ont été établis au cours de ces réunions et des négociations bilatérales qui en découlent. Les contrats ne suivent pas de procédures transparentes, ce fut le cas pour de nombreux appels d’offres internationaux et contrats négociés en Haïti. Des fonds de l'USAID, 25% des contrats sont allés directement à des entreprises américaines sans passer par le processus d’appel d'offres (les entrepreneurs Haïtiens auraient-ils raté les opportunités de l'aide? – Center for Economic and Policy Research (Centre pour la Recherche Economique et de Politiques). Même lorsque les procédures sont transparentes, la circulation limitée des offres ou des spécifications qui ne sont pas conçues pour le marché Haïtien pourrait créer des goulots d’étranglement limitant la participation locale. Donner des contrats à des individus que l’on connait en échange de faveurs, comme par exemple supporter des vendettas personnelles ou toute autre cause pouvant conférer au client une certaine influence. Recrutement de membres de la famille, d’amis ou de ‘clients’ du personnel au sein de l'organisation, au détriment du recrutement de gens plus compétents. Aide accordée aux membres de la famille qui ne sont pas affectés ou qui ne vivent pas dans des camps, par le personnel de l'organisation ou les membres de comité de secours. Acheminer l'aide à des clients politiques en échange de votes, ou faire croire que l’aide fut obtenue grâce aux efforts d'un candidat politique – par exemple, certains candidats ont rendu visite à certains camps pour dresser une liste des numéros de cartes d'identification nationale (CNI) des personnes vivant sous les tentes, affirmant qu'ils allaient donner ces informations aux organismes d'aide. Lorsque les distributions ont eu lieu, les gens ont cru que cela était le résultat des efforts du politicien. D'autres exemples de distributions (riz, aquatabs, etc) ont ciblé des clients politiques plutôt

Sur les USD 2.43 milliards engagés ou déboursés en aide humanitaire, 1% (25.0 millions USD) fut remis au gouvernement d'Haïti. (...) Du financement accordé aux projets dans l'Appel de l'ONU (674.9 millions USD), aucun fonds n'a été fourni par des donateurs bilatéraux ou multilatéraux directement à des organisations haïtiennes de la société civile. Les Appels de l'ONU n’incluaient pas les besoins de financement du gouvernement et ont offert des possibilités limitées aux organisations haïtiennes en matière de recherche de financement. Le document d'Appel initial comprenait les besoins de financement des agences de l'ONU et des ONG internationales, tandis qu'aucune ONG Haïtienne n’y fut incluse. Source: Bureau de l'Envoyé spécial pour Haïti, 2011)

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que partagés équitablement entre les populations affectées. Cette tendance fut peut-être plus répandue dans les zones rurales. Certaines causes profondes

• Une forte méfiance préconçue d'Haïti existait avant l'intervention. Les avertissements contre la violence et la corruption en Haïti ont circulé à profusion, portant les principaux donateurs et organisations à traiter entre eux plutôt que de s'engager avec la communauté Haïtienne en général.

• Circulation limitée des appels d’offres (et souvent uniquement en Anglais) et la connaissance limitée des marchés Haïtiens par les acteurs internationaux, qui sont alors plus susceptibles d’acquérir depuis l'étranger des biens et des compétences qui peut-être sont disponibles en Haïti.

• La croyance largement répandue qu'il est impossible de trouver du personnel

compétent en Haïti a entrainé une présence excessive (en Haïti) d’un personnel international inexpérimenté, tout en sous-estimant le personnel national qui a une large expérience des programmes d'ONG depuis des années ou ayant le potentiel pour être formés.

• Marchés co-optés: alors qu'environ 80% de l'économie est informelle, les 20% restant

sont principalement détenus par quelques entrepreneurs ayant un quasi-monopole sur les biens ou les ressources clés, comme que le ciment, l'électricité ou l'eau.

• Le patronage, une pratique très répandue en Haïti, avec le concept de ‘Moun Pa’

(quelqu’un à soi), une norme acceptée dans plusieurs cas. • Manque d'informations sur les mécanismes de l'aide, et l'analphabétisme global de la

population, ce que les organisations n’abordent que superficiellement.

"Alors que Chemonics et DAI sont les bénéficiaires individuels les plus importants, le ‘gros’ des fonds fut aussi octroyé aux entrepreneurs Beltway ; des entreprises de Virginie ont reçu plus de fonds que tout autre État, 45.3 millions USD, suivi de près par le Maryland, 44.6 millions USD. 31.7 millions USD ont été octroyés à des entreprises basées dans le district de Columbia". Source: Journaliste Haïtien de Boston, les entrepreneurs Haïtiens auraient-ils raté les opportunités de l'aide?

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• Quelques familles détiennent la plupart des richesses, conduisant ainsi à un réseau étroit d'acteurs favorisant le patronage et la corruption politique.

• Les élections ont lieu à un moment où la réponse était en plein essor.

Autres conséquences

• Transformer les acteurs en spectateurs: les éléments actifs de la société Haïtienne – des représentants du gouvernement aux leaders locaux des communautés – ont été écartés des processus de prise de décisions.

• Entraver la dignité des populations affectées en leur privant de leurs pouvoirs de décision.

• Créer l'impression que la communauté humanitaire est une collection d'entreprises

qui se nourrit de la pauvreté pour devenir riche. • Opportunités ratées de revitaliser les économies locales et les marchés et de créer une

saine concurrence entre les entreprises locales et les acteurs économiques. • Discrédit général de la réponse de l'aide, surtout quand le processus est politisé et la

croyance répandue, à savoir que les ONG ne travaillent pas pour l'intérêt public. • Augmentation des risques de corruption, parce que les liens étroits entre le personnel

d’une même organisation tend à développer une culture du secret et de l'opacité.

"Cette légalisation de la corruption a atteint un nouveau jalon en Décembre dernier quand un certain Lewis Lucke, agence officielle de longue date de l’USAID transformé en ‘colporteur d’influence’, a entamé des poursuites judiciaires contre un consortium de firmes opérant en Haïti, réclamant 492,000 USD, pour violation de contrat. Dans le cas où il aurait gain de cause, on lui promettait 30,000 USD par mois, plus autres compensations, pour utiliser son influence pour obtenir des contrats pour ces ‘gentils gars’. Il leur a obtenu des contrats d’une valeur de 20 millions, mais ils lui ont coupé les fonds deux mois après." Source: The Guardian 22-04-2011

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‘Se dérober’

‘Se dérober’ définit les pratiques où les employés viennent régulièrement en retard au travail, partent tôt ou peut-être ne viennent jamais travailler ou très rarement. Parfois, les travailleurs/ employés ont obtenu l’emploi et n'ont jamais réellement eu l’intention de s’y rendre (et ceux qui les ont embauchés étaient au courant de cela). Le fait de ‘se dérober’ est probablement le type de corruption le plus difficile à mesurer. Similairement aux conflits d'intérêts, le fait de ‘se dérober’ étant le résultat soit de la corruption ou de l'inefficacité de gestion, dépend de l'intention (malveillante ou non) se trouvant derrière l'action. Par exemple, lorsque les fonds sont alloués à des individus ou des groupes, sachant que le travail ne sera pas réalisé (ou médiocrement), c’est une forme de corruption.

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Risques récurrents Cash-for-work – (CFW) ou paiement à la tâche: le cas le plus visible de ’se dérober’ et probablement celui dont on parle le plus, implique le cash-for-work. De nombreux bénéficiaires du CFW ont été surpris ne faisant rien ou alors très peu; le contrôle est minime ou totalement inexistant. En outre, les programmes de cash-for-work sont parfois mal conçus et utilisés comme prétexte pour distribuer de l’argent plutôt que comme une opportunité d’obtenir des résultats significatifs. Et encore, des emplois peu utiles peuvent distraire les gens des activités bien déterminées visant la restructuration (ou rétablissement) de leurs moyens d’existence. La faible quantité de débris enlevés est une bonne indication de ce phénomène (Bureau de l'Inspecteur Général; 2010; Schwartz et al, 2011; et rapport sur le cash-for-work des groupes de surveillance communautaires – Haiti Grassroots Watch). Contrats prolongés, même lorsque les besoins sont réduits: certaines organisations ont été réticentes à réduire leur personnel et gardent le même nombre d’employés – ou prolongent des contrats de service, alors que le travail est en baisse. Visibilité au détriment de l'efficacité: certaines organisations ou certains programmes ont préféré opérer dans des zones visibles, plutôt que d’aller vers celles sont moins accessibles mais au besoin plus urgent, donc "se dérober" de leur principal mandat humanitaire. Un personnel de terrain oisif, ne travaillant pas – si personne n'est là pour les superviser, on observe des groupes d’employés de terrain venir quotidiennement sur le site, mais passer le temps à bavarder, faire la causette entre eux, au lieu de ‘travailler’ avec les familles vivant sous les tentes. Mise en œuvre au détriment de l'analyse. Les modalités de travail d’urgence privilégient la mise en œuvre aux dépens de l’analyse. Les organisations locales ont indiqué que dans de nombreux cas, les données sont extrapolées plutôt que dûment collectées sur le terrain; "les experts" internationaux pourraient ‘sauter’ ou raccourcir le travail de terrain. En conséquence, les programmes et plans se baseraient sur une connaissance insuffisante du terrain et seraient conçus à travers des solutions ‘hors contexte’.

"Ils savent qu'ils gagnent de l'argent, mais ne travaillent pas vraiment. Ils sont très conscients de cela. Vous le voyez clairement en regardant des gens travailler sur les tas de débris. Ils soulèvent un bloc ou une roche – un seul à la fois, puis s’en vont... Les gens acquièrent alors une mauvaise interprétation de ce qu’est le travail en réalité " Source: http://haitigrassrootswatch.squarespace.com/haiti-grassroots-watch-engli/2010/118/cash-for-what.htlm

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Certaines causes profondes

• Les donateurs/bailleurs de fonds exigent des indicateurs principalement basés sur des résultats, pas sur les processus ou la qualité des réalisations. La pression pour ‘livrer’ et dépenser les fonds alloués est énorme et conduira certaines organisations à préférer les services rapides et faciles aux services bien planifiés mais plus pénibles – et exigeant beaucoup de temps et d'énergie.

• Globalement, les mécanismes de reddition de comptes (niveau de responsabilité) sont faibles, que ce soit au gouvernement, aux bailleurs de fonds ou aux organisations d'aide au niveau interne. Les tendances à cacher plutôt que d'exposer les problèmes d'efficacité ont été largement rapportés.

• Le ‘cauchemar de la logistique’ lié à la nature urbaine de la catastrophe a provoqué des

retards considérables dans les déplacements locaux, ce qui parfois explique les rencontres/réunions qui commencent systématiquement en retard, le besoin de quitter ses fonctions plus tôt, ne pas avoir suffisamment de temps disponible pour aller sur le terrain, etc.

• Le fait de ‘se dérober’ fut connu comme étant pratiquée bien avant le séisme, surtout

parmi les fonctionnaires du gouvernement qui ont l’habitude de toucher des ‘chèques zombis’, communément appelé PPC (pase pran chèk), appelés par la suite VPC (voye pran chèk) ! Comme quoi, on n’a pas besoin de travailler pour être payé !

Autres conséquences

• Des perturbations du marché du travail: furent causées par les jobs du ‘cash-for-work’, en particulier dans les zones rurales où beaucoup de gens choisissent de ‘se faire payer’ pour ne pas faire grand-chose (ou ne rien faire du tout), au lieu d’aller travailler dans les champs / cultiver leurs jardins.

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• Les ONG ‘se dérobant’ de leur mandat humanitaire général, situation qui justifie leurs limites/faiblesses (exemple : retards, duplication des projets dans les zones d'accès facile) vis-à-vis des problèmes systémiques du pays, plutôt que de renforcer leurs mécanismes existants pour assurer une livraison d’aide de qualité.

• Un montant considérable des fonds de l'aide s'évapore à travers le phénomène de ‘se

dérober’ et l'inertie générale créée. • Saper / Miner l'éthique du travail en promouvant des modèles qui récompensent les

gens pour ne rien faire – ou travailler peu.

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Les grandes tendances alimentant les risques de corruption en Haïti La description des différents types de risques qui ont été proéminents lors de la livraison de l'aide humanitaire après le séisme en Haïti permet d'identifier des séries de causes et d'autres conséquences qui encore une fois augmentent les risques de corruption. Ces causes et les conséquences sont résumées dans le tableau ci-dessous. Lorsque l'on regarde les causes profondes et les conséquences des risques de corruption signalés, trois faiblesses structurelles apparaissent qui peuvent être résumées comme suit: (i) Le manque d'information sur les mécanismes d'aide conduisant à l'opacité générale, (ii) Faiblesse des mécanismes de régulation nationale, (iii) Une tendance à faire des compromis sur le mandat humanitaire.

Les causes profondes et conséquences futures Subornation

Détournement Extorsion Conflits

d’Intérêt ‘Se

Dérober’ (I) Les ONG sont plus opaques que transparentes sur leurs pratiques X X

Faiblesse des mécanismes de reddition de comptes (niveau de responsabilité) mis en place par la communauté humanitaire

X X

Méconnaissance générale ou mauvaise compréhension des procédures X X Méconnaissance générale ou mauvaise compréhension de ce qu’est la corruption X X O

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Discrédit général de l’intervention humanitaire (par les medias et la société civile) X X X Impunité – faiblesse des structures judiciaires et policières X X X Faiblesse du bureau des douanes X Marchés cooptés X X Secteur privé informel X X Phénomène de trafic préexistant X Manque de confiance X X Les femmes discréditées dans les structures sociales, politiques et économiques (les faveurs sexuelles etc.)

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Le Patronage est une pratique habituelle. X

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‘Se dérober’, largement pratiquée au sein des institutions nationales X Une idée préconçue de la corruption X X Le mandat des NGO ‘mis de côté’ (y compris la VBG) X X X X X Faible participation = transformer les acteurs en spectateurs X X X Les comités de secours incapables de prendre part aux efforts de l’aide X X X X M

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La pression des donateurs à ‘livrer’/ rendre compte selon les résultats X X X

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Information opaque Haïti fut particulièrement l'objet d'une carence d'informations, qui est à la fois une cause de corruption (le manque de connaissances sur les processus augmente les risques de manipulation) et une conséquence (une fois la corruption installée, la transparence est réduite). Le cercle vicieux est encore renforcé lorsque cette même rareté d’informations pousse les médias à spéculer, tout en rendant les travailleurs humanitaires réticents à fournir des informations complémentaires qui pourraient être mal utilisées ou utilisées pour discréditer leur organisation et leurs activités. Le flux d'information est à deux sens. Les personnes et groupes affectés ont besoin d'obtenir des informations sur les services auxquels ils ont droit et les moyens d'accéder à ces services. De même, les fournisseurs de services ont besoin d'être informés sur l'évolution des situations instables et en mutation rapide sur le terrain afin de s’ajuster aux besoins qui changent/évoluent (afin de mieux desservir et approvisionner) ; il leur faut aussi obtenir le feedback/impressions des bénéficiaires sur la pertinence des activités et des programmes.

Traduction des mots du schéma : -Communauté Humanitaire (y compris Gouvernement) -Informations sur les Plans et Mécanismes de Réponse -Volonté à communiquer (contre une culture de secrets) -Transparence sur le mandat/les budgets/les procédures/ les critères de sélection -Transparence sur les normes et cadre de travail légal -Transparence sur les résultats -Volonté à écouter / répondre -(Investigation) les journalistes et médias devraient faciliter le flux ou circulation des informations -Mécanismes de feedback/produire ses impressions -Plaidoyer du bas vers le haut -Volonté à utiliser/agir sur et générer les informations -Populations affectées & Société Civile -Informations sur les Besoins et Niveau de Satisfaction

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Les Médias d'information devraient jouer un rôle majeur en comblant les lacunes (établir le pont) entre ces deux groupes d'intervenants. Le flux (ou circulation) de l'information est vertueux lorsque la transparence prévaut, permettant ainsi aux populations affectées de comprendre ce à quoi ils ont droit (y compris les limites de ce qui peut être fourni). Ainsi, elles acquièrent la notion que l'aide est un droit et non pas une faveur, ce qui en soi diminue les risques d'accepter les pratiques de corruption et réduit généralement la dépendance par rapport à l'aide. Cela permet en outre une meilleure compréhension des responsabilités de la communauté humanitaire (ce pour quoi elle peut être tenue responsable)’, et ainsi mieux cibler la demande de transparence. La communauté humanitaire sera moins réticente à se montrer transparente et partagera les insuffisances potentielles des interventions. En Haïti, le flux de l'information fut un cercle vicieux insurmontable

• Les acteurs internationaux de la réponse humanitaire ont été moins transparents qu’ils ne le devraient, en particulier concernant les budgets et les procédures, en raison d'une suspicion immédiate qu’Haïti est un pays corrompu.

• La communication de directives et d’un cadre légal clairs fut retardée en raison du chaos général et de la faiblesse des institutions nationales après le séisme. Cela créa une confusion sur les systèmes à adopter et conduisit à une gamme de spéculations concernant ce qui doit être fait.

• Les mécanismes de feedback des évaluations furent faibles – les organisations sont

donc incapables d'évaluer avec précision les besoins en termes d’informations et les lacunes existant entre elles et les populations victimes/la société civile dans le domaine de l’information. En plus, les organisations d'aide se sont concentrées sur elles-mêmes, peu ouvertes aux informations fournies par les acteurs externes, ce qui conduisit à la duplication des informations. Exemple: chaque organisation a fait sa propre évaluation, et a rarement validé d'autres informations disponibles dans la région. Dans certains camps chaque tente avait jusqu'à trois codes différents, chacun d'eux attribué par une organisation différente. Les mécanismes de feedback, généralement conçus au niveau de l'organisation

Un récent rapport de l'USAID a contesté le nombre de morts causées par le séisme (Schwartz et al. Coll., 2011). Le débat qui a suivi a montré que de grandes différences dans les chiffres, même à travers les différentes unités gouvernementales. Par exemple, à Léogâne, l'épicentre du séisme ‘est une zone de plus de 200.000 habitants’. Tandis que le gouvernement central rapporte 20.000 à 30.000 morts, les autorités de Léogâne rapportent 3,364!’. Source: blog BARR rapport de l’auteur, à http://open.salon.com/blog/timotuck

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individuelle, ne furent que marginalement utilisés. La richesse des informations recueillies par les mécanismes de feedback au niveau du système (comme l'initiative Noula) fut peu analysée ou partagée avec les autres acteurs humanitaires.

• Ce manque d'information a soulevé des questions sur les intentions et la finalité de

l'intervention de l'aide, du point de vue de la population victime et de la société civile au sens large. Ces questions, à leur tour ont conduit à des théories de spéculation et de conspiration générale qui ont encore exacerbé la méfiance face à l'aide humanitaire.

• La plupart des médias alimentent la spéculation plutôt que de mener des enquêtes

approfondies sur les issues dénoncées. Ceci a conduit à une mauvaise connaissance des mécanismes et contraintes de l'aide, ainsi qu'une vague compréhension de ce qu'est la corruption. Le rôle fondamental des médias dans les flux de l'information n'est donc pas rempli. Il existe globalement une faible capacité de journalisme d'investigation, situation encore aggravé par le braconnage des journalistes par les ONG, qui leur offrent des conditions de travail plus lucratives comme ‘officiers de communication’.

• Le droit à l'accès à l’information n’est pas respecté. Alors que ce droit est garanti par la

Constitution, Haïti ne dispose pas d’une loi sur l'information garantissant aux citoyens l’accès aux informations publiques. La section locale de TI en Haïti-La Fondation Héritage pour Haïti (LFHH), milite pour qu’une telle loi soit élaborée (Durandis/2007)

Ainsi, le manque de confiance général entre la communauté humanitaire et les populations affectées a été largement avivé par l’absence de mécanismes d'information efficaces.

Les principaux effets de l'opacité sur les risques de corruption RUMEURS/MALENTENDUS - les soupçons de pratiques de corruption (ou du moins l'allocation inéquitable) prévalent, sapant la confiance entre les différentes catégories de parties prenantes. AUGMENTATION DE LA CORRUPTION - le manque d'information crée un terrain fertile pour les pratiques de corruption menées de manière inaperçue. RESPONSABILITE LIMITEE: l'opacité empêche le développement d’une responsabilité solide parmi les principaux intervenants, et donc augmente encore l'opacité des actes et actions individuels.

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LA FAIBLESSE DES SYSTEMES NATIONAUX DE REGULATION Les contextes politique, institutionnel et économique d'Haïti sont généralement fragiles et le tremblement de terre a aggravé davantage la situation. De plus, les limites et les inconvénients de la coordination et des mécanismes de prise de décision entre les acteurs humanitaires ont également eu un impact sur le contrôle national et les systèmes de régulation. Coordination et Régulation des acteurs humanitaires En dépit des efforts considérables déployés par les différentes agences pour développer des mécanismes de coordination efficaces, aucune des personnes interrogées n’a trouvé la coordination et la régulation de la réponse satisfaisante en Haïti.

• La coordination et le mécanisme de prise de décision entre le gouvernement et la

communauté humanitaire ont été inefficaces – malgré l'existence d’initiatives établissant la jonction entre les ONG, les ministères/administrations locales et les bailleurs de fonds (tels les clusters). La participation au niveau de celles qui existent a été sporadique et les prérogatives floues au niveau de la prise de décision. Le gouvernement était à peine présent durant les premiers mois des réunions de clusters. Ce manque de coordination fut davantage rehaussé par le dysfonctionnement des relations interministérielles.

• La Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH) ne fut pas en mesure de combler les lacunes de la coordination entre le Gouvernement, les donateurs et la communauté humanitaire. Par le fait que la moitié des membres de la CIRH ne soient pas Haïtiens, cela a porté un discrédit à sa légitimité. La commission elle-même est peu transparente et accessible. Son propre mécanisme anti-corruption a été plutôt mis en place tardivement (en Mars 2011). Le ‘US accountability office’ a souligné en Mai 2011: ‘bien que le mandat de la Commission prendra fin en Octobre 2011, la CIRH n'est pas pleinement opérationnelle en raison de retards à recruter le personnel de la Commission et à définir le rôle de son Bureau de Performance et Anti-corruption – cité par les officiels de la CIRH comme étant essentiel pour faire de la Commission un modèle de bonne gouvernance’.

En Décembre 2010, les ressortissants Haïtiens de la CIRH ont écrit une lettre officielle indiquant leur marginalisation au sein de la CIRH. Ils affirmaient être ‘totalement déconnectés des activités de la CIRH’, soulignant "un déficit critique de communication et d’'informations en matière de TIC (Technologie de l’Information et de la Communication), de la part du Secrétaire Exécutif, et encore plus du Comité Exécutif. En dépit de notre rôle dans la structure de gouvernance de l'institution, nous n’avons reçu jusqu'à présent aucun suivi sur les activités du CIRH." Source: Lettre des ressortissants Haïtiens de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti aux Co-Présidents de la Commission.

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• La collaboration entre le gouvernement et les organisations de la société civile est quasi inexistante, en dépit des multiples efforts depuis 1986.

• Les mécanismes de coordination entre les acteurs de la société civile - locaux et

internationaux, sont faibles. Les organes de coordination comme le CCO, organe de coordination des OING mis en place spécifiquement pour la réponse au séisme, et le CLIO, réseau d'ONG internationales qui travaillent en Haïti avant le tremblement de terre – sont peu visibles. La société civile Haïtienne s’est également révélée fragmentée et ne disposant pas de mécanismes de coordination préalables.

• Enregistrement des ONG et organes de contrôle: La multitude d'organisations non-

gouvernementales internationales (ONGI) – associée au manque de mécanismes d’enregistrement et de contrôle, a entravé la possibilité de communiquer et de coordonner efficacement avec les populations affectées et la société civile. Les retards dans le processus d'enregistrement et le manque de respect des exigences et pré-requis pour se faire enregistrer font que, jusqu’à présent il n’existe aucune estimation fiable du nombre des acteurs engagés sur le terrain.

La coordination est un facteur essentiel dans la lutte contre les risques de corruption, puisque l’absence d’un tel facteur peut accroître la possibilité pour les intermédiaires de mentir à propos des procédures et des motivations de leurs actions, de cacher les cas de duplication et mener à une inaptitude générale à contrôler la direction et l'effet de l'acheminement ou livraison de l'aide. Gouvernance En dépit du fait que l’on reconnait récemment une certaine amélioration de la situation politique, durant les années ayant précédé le séisme de 2010 (ADC, 2009; ICG 2009), l'analyse de contexte menée par ALNAP souligne qu’Haïti est reconnu comme un état ‘fragile’ en raison de la précarité de ses infrastructures sociales, économiques et politiques, en particulier en ce qui concerne la gouvernance (ALNAP, 2010). Le séisme a frappé la capitale d'un pays très centralisé, détruisant des bâtiments, les archives, et les vies de nombreux représentants du gouvernement, ce qui affaiblit encore plus un système de gouvernance déjà fragile.

La législation Haïtienne est déficiente dans certains domaines, notamment: le fonctionnement du système judiciaire, l'organisation et le fonctionnement du pouvoir exécutif; la publication des lois, règlements et avis officiels, la création d'entreprises; le régime foncier et le droit immobilier et les procédures; les opérations bancaires et de crédit ; la réglementation des assurances et fonds de pension; les standards comptables; les documents d'état civil, les lois sur la douane et l'administration; le commerce international et la promotion de l’investissement; le régime de l'investissement étranger et la réglementation de la concentration et de la concurrence des marchés. Ces lacunes, il est vrai, entravent les activités commerciales, mais ne visent pas spécifiquement les entreprises étrangères et semblent avoir un effet tout aussi négatif sur les entreprises étrangères que sur les entreprises locales. Source: Interview.

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Certains systèmes sont particulièrement pertinents quand on considère le risque de corruption au niveau de la réponse humanitaire. Il est essentiel de tenir compte de leur performance et de leur responsabilité, ainsi que la capacité et la bonne volonté des citoyens à vouloir faire pression sur ces systèmes. Système judiciaire et cadre légal: Le mot ‘impunité’ se retrouve sur toutes les lèvres. Aucun des acteurs principaux ne fait confiance à l'efficacité du système judiciaire et à sa capacité à punir les coupables, surtout si ces derniers sont influents. Cette absence de confiance augmente la peur et l'incapacité à rendre compte (rapporter) des comportements corrompus. En plus, et peut-être lié à cela, les institutions gouvernementales ont eu des difficultés à publier des lignes directrices claires pour la communauté humanitaire, auquel cas un cadre juridique peut servir de référence à la fois pour les acteurs et les observateurs.

• Les individus, particulièrement les Haïtiens, ne croient pas que justice sera rendue s’ils rapportent les attitudes corrompues ou dénoncent les coupables.

• Les ONG ont peur du système judiciaire (et de ses obstacles potentiels) et la plupart d’entre elles préfère contourner les structures juridiques plutôt que de traiter avec elles (seule une minorité d’organisations basées sur le Droit travaille de manière proactive à travers le système juridique).

Les droits fonciers sont devenus l'un des problèmes les plus urgents, particulièrement à la lumière de la reconstruction. Comme le système cadastral est très dysfonctionnel, de nombreuses personnes ont illégalement revendiqué des terres, tandis que les organisations d'aide ont été stoppées dans leurs efforts à procurer des maisons pour les déplacés. Haïti ne dispose pas d'un Cadastre national efficace et un système complet et fonctionnel pour l'enregistrement foncier fait défaut. Avant le séisme, les arrangements et connaissance coutumiers ont caractérisé le bail foncier en Haïti, avec seulement 40% des propriétaires fonciers possédant des documents comme titre légal ou un reçu de transaction (rapport USAID – Le bail foncier et les droits de propriété en Haïti - Janvier 2010). Après le séisme, la prolifération des camps et la nécessité de relocaliser les personnes déplacées a créé d'énormes opportunités de corruption. L’enregistrement d’entreprises est chose rare et Haïti est classé au bas de l’échelle de ‘l’indice de

"De vastes majorités ont décrit les tribunaux et les autorités judiciaires comme inefficaces, peu enclins à agir, et vindicatif. Plus de 82% des familles et 76% des fonctionnaires ont déclaré craindre des représailles s'ils rapportaient des actes de malversation officiels devant les tribunaux. Moins d'un tiers des répondants ont déclaré avoir confiance dans le système judiciaire; plus de 80% disent que le système a été manipulé par des intérêts politiques ou économiques; 82% des familles trouvent que le système judiciaire est discriminatoire vis-à-vis des pauvres. Le pouvoir judiciaire est également en tête de liste comme étant le service public le plus médiocre, en matière de performance". Source: Enquête sur la Corruption par la ULCC tel que rapporté dans "Evaluation de la gouvernance et renforcement des capacités en Haïti", par Susana Carrillo ; Décembre 2007

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facilité de création d’entreprise’. Le fait que plus de 80% des entreprises font partie de l'économie informelle a transformé Haïti en "un pays de spéculation, et non pas un pays d'investissement’ (Interview), avec une capacité extrêmement faible pour réglementer le commerce et, par conséquent, les pratiques de corruption liées à ce dernier. Après le séisme, les entreprises existantes ont été détruites, tandis que les opportunités de reconstruction ont mené à la création de nouvelles entreprises et d’opérateurs individuels ou intermédiaires. Cela rend difficile, pour les organisations d'aide, le choix des partenaires d'affaires et la confiance à leur accorder, y compris les entreprises ou entrepreneurs établis en Haïti depuis longtemps. Le Bureau des douanes et les faiblesses qui s’y rattachent sont décrits au chapitre consacré à la subornation. Manque de données officielles fiables sur la population: Près d'un quart de la population ne dispose pas de certificat de naissance. L'irrégularité du processus de recensement de la population facilite l'inclusion fréquente de noms "zombis" (noms de personnes mortes ou qui n’existent pas) dans les listes de distribution, et la confusion générale quant à l'identité des personnes. Les organes de réglementation ont généralement été inefficaces dans le contrôle de la corruption.

• Les organismes de lutte contre la corruption existent: la PAO (créé tout récemment) au

sein de la CIRH, et l’ULCC (Unité de Lutte Contre la Corruption). Cependant, ils n'ont eu qu'une influence limitée.

• La force de police ne fut pas décrite comme étant trop corrompue, mais tous s’accordent sur le fait qu'elle manque de capacité ou ressources (à commencer par le plein d’essence pour les voitures de la police) pour réellement aborder les problèmes de corruption.

L’engagement des citoyens envers l'Etat: L’appareil de l’Etat a besoin d’être mis sous contrôle par les citoyens. Les citoyens Haïtiens oscillent entre désillusion et méfiance, s’agissant de l'Etat, et le désir d'action politique/civique et collective.

• La légitimité politique des institutions du gouvernement a été érodée après le séisme

(Zéphyr & Córdoba, 2011).

En mettant le focus sur les droits fonciers – alors que la reconstruction démarre – essentiel pour enrayer la corruption. CORAIL – un nouveau "camp temporaire" construit dans la périphérie de Port-au-Prince est une grande opportunité de corruption. Une partie du camp se trouve sur des terres publiques, mais d’autres regroupements se sont développés tout autour, et l’on ne peut déterminer quelles terres sont occupées. Puisque c’est un énorme site, des groupes puissants essaient d'en obtenir le contrôle et les gens dans les camps paient ‘au prix fort’ pour se faire protéger contre l’éviction. Source: Interview.

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• En même temps – des individus, rudement affectés par le séisme et vivant maintenant sous des tentes, ont émergé en tant que force politique importante, affichant le taux le plus élevé de participation en matière de protestation dans les Amériques (il est rapporté que 25% des Haïtiens vivant sous des tentes ont participé à une manifestation de rue).

• Pouvoir ‘se débrouiller’ après le séisme semble avoir favorisé des comportements

individualistes plutôt que l'action collective, déjà réduite dès avant le séisme. "Paradoxalement, alors que la participation au sein d’organisations communautaires civiques a augmenté dans les municipalités affectées, le niveau plus bas de confiance interpersonnelle montre que la collaboration efficace ou le travail d'équipe est peut-être devenu plus difficile après le séisme" (Zéphyr & Córdoba, 2011).

La peur et l'incapacité à dénoncer la corruption persistent. La peur de représailles constitue un effet des plus dissuasifs. Les plaintes sont encore compliquées par l'existence de multiples organismes et de structures qui fonctionnent selon leurs propres règles et ne sont pas réceptifs et responsables face à la législation Haïtienne.

LES PRINCIPAUX EFFETS DE LA FAIBLESSE DES SYSTEMES DE REGULATION SUR LES RISQUES DE CORRUPTION

RESPONSABILITES FLOUES - la faiblesse des structures du gouvernement conduit certaines organisations internationales à prendre des initiatives qui vont au-delà de leur mandat et qui en fait relèvent de la responsabilité du Gouvernement. Par exemple, au niveau local/municipal, certaines OING prennent en charge la planification urbaine (sans coordination avec les autorités locales/nationales), tandis que le gouvernement national a un contrôle limité sur les décisions prises par la CIRH. MANQUE DE TRANSPARENCE: les responsabilités floues, une réglementation et des procédures inefficientes, le manque de stimulants pour la transparence, signifie que personne ne peut être tenue responsable de ce qui se passe dans le pays. MANQUE DE CONFIANCE - le fait que les mécanismes de régulation ne soient pas efficaces et les mécanismes de reddition de comptes inexistants, a créé la méfiance entre le Gouvernement, les organisations humanitaires et la société civile. Une des principales conséquences est une acceptation générale de la situation et la résignation. La corruption est rarement signalée et prise en compte.

"Alors que la catastrophe n'a pas ébranlé le support à la démocratie, l'enquête a révélé un grand mécontentement vis-à-vis de la réponse du gouvernement national à l'urgence, résultant en une désillusion généralisée envers le système politique lui-même. (...) La déception des citoyens, face à la performance du gouvernement national après le séisme, a pratiquement sapé la légitimité déjà faible du système politique, passant de 40.6 points en 2008 à 32.0 points en 2010". (...) Après le séisme, le niveau moyen de confiance interpersonnelle en Haïti était de 32.0 points (sur une échelle de 0-100), le niveau le plus bas dans les Amériques. Il est probable que les faibles niveaux de confiance aient conduit à la désintégration des réseaux sociaux, provoquée par le mouvement de déplacements des personnes hors de leurs communautés d'origine vers les tentes". Source: Zephyr & Córdoba, 2011

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Un mandat humanitaire compromis Haïti a reçu beaucoup d'aide tout au long de son histoire récente, mais le financement a souvent été incohérent et imprévisible. Selon le Groupe de Crise International, ‘une approche politique stratégique claire et complète n'existe pas. Les financements fluctuent en fonction des circonstances politiques, les stratégies des bailleurs de fonds varient, et le Gouvernement a peu d'influence sur l'utilisation des fonds’ (ICG 2009, 5). Les conséquences négatives des politiques de l'aide en Haïti avant le tremblement de terre, sapant les économies locales, ont été largement rapportées et analysées. L’un des résultats est une forte méfiance entre tous les acteurs de l'aide humanitaire, à savoir entre le secteur privé et le secteur public, entre les ONG et les institutions du Gouvernement, entre les ONG et le secteur privé, entre la société civile et les organisations gouvernementales ainsi que les non gouvernementales, etc. Une autre caractéristique frappante de l'intervention humanitaire en Haïti fut la tendance des organisations d'aide à aller au-delà de leur propre mandat. Les difficultés pour travailler en Haïti ont été évoquées comme une explication du fait que les organisations n'ont pas toujours appliqué les directives, méthodologies ou normes existant à leur niveau. Malgré les bonnes intentions du personnel de secours, la réponse n’a pu, globalement, atteindre les résultats minimum. Si les organisations humanitaires compromettent leur mandat, ils sont en train de "corrompre" leur raison d'être dans le pays et facilement, ne seront plus considérées que comme des entreprises présentes dans le pays pour gagner de l'argent. Le résultat est une réponse humanitaire ‘à son propre service’ (bénéficie personnellement de l’aide qu’elle dit apporter), dictant les priorités et les modalités des opérations et peu disposée à remettre en cause son modus operandi (et donc, abusant de son pouvoir de prise de décision à son propre avantage). Nous ‘déconstruisons’ le mandat humanitaire, qui devrait finalement être axé sur la dignité en tant que principe fondamental, selon trois domaines de préoccupation essentiels:

1. Répondre aux besoins des gens. Dans quelle mesure l’aide prend en compte les priorités des gens? La priorité est-elle donnée aux plus démunis? L’aide dépendait-elle des domaines de spécialisation ou d’expertise des organisations d'aide ou des besoins sur le terrain? En Haïti, nous avons découvert certains phénomènes frappants:

L'ex-président Clinton a déclaré que la politique d'aide appelant Haïti à réduire les tarifs sur le riz importé des Etats-Unis "peut avoir été une aubaine pour certains de mes fermiers en Arkansas, mais ça n'a pas marché. Ce fut une erreur. (...) Haïti a perdu sa capacité à produire une récolte de riz capable de nourrir ces gens et je dois vivre chaque jour, avec les conséquences qui en découlent. Source: Democracy Now! 04/01/2011

Les indicateurs de Sphère furent rarement atteints, même dans la plupart des camps bien desservis. Dans le centre du Champ de Mars, avec 172 toilettes pour 30.000 personnes, soit environ un pour 174 personnes, au Parc Jean-Marie Vincent disposant de 115 latrines pour environ 48.000 personnes, cela fait plus de 400 personnes par toilette (le nombre maximum d'utilisateurs dans les normes émises par la DINEPA a été de 100 individus par latrine!) Source: Journal de la Santé et des Droits Humains, et le Réseau d'action Canada-Haïti

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• Les besoins immédiats et de secours ont généralement été au cœur de toutes les

interventions. Pourtant, les plus pauvres des pauvres ne sont pas toujours abordés - du moins pas en priorité. Les méthodologies permettant d’atteindre les personnes les plus vulnérables, une fois en place, étaient souvent en marge des interventions. Ceci était en partie justifié par le fait que le séisme avait frappé toutes les couches sociales, sans distinction. Certaines ressources destinées aux plus vulnérables sont allées à des gens qui n'avaient pas un besoin crucial et, le focus limité à atteindre les personnes vulnérables a ouvert les portes à la corruption (exemple: le détournement,) pour ceux qui sont au pouvoir.

• Les besoins à plus long terme ont souvent été contournés par le découragement préconçu, la méfiance de l’habileté à s'engager avec les structures nationales et par la nature d'urgence de la plupart des organisations et des donateurs sur le terrain, orientée par défaut vers des projets testés et expérimentés selon leurs domaines de spécialisation. Il y eut un focus sur les interventions à court terme pour ‘se servir soi-même’ (exemple: fournir des bâches en plastique/prélarts plutôt que de passer immédiatement aux abris plus permanents), ce qui a privé la population affectée d’une aide plus appropriée.

• Les problèmes relatifs à la protection étaient parfois négligés, généralement à cause

d'un manque de compréhension par les travailleurs humanitaires du genre de pressions auxquelles les personnes affectées étaient soumises. De ‘faibles’ interventions relatives à la protection (exemple: le renforcement des structures de base) étaient parfois négligées, et la priorité fut accordée à l'aide matérielle et visible. Un focus limité sur la protection a augmenté la probabilité d'extorsion et d'autres abus contre les plus vulnérables.

• L'efficacité logistique avait tendance à prévaloir, en se concentrant sur les populations

dans des camps, plus faciles à atteindre, plutôt que sur les zones de rapatriés et les familles d'accueil.

2. Éviter de créer la dépendance des populations affectées en s'assurant que les gens ne

dépendent pas de l'aide extérieure pour leur survie à long terme. En Haïti, les faits suivants ont été observés:

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• Des cas de 'self-service’ à l'ordre du jour furent mentionnés, où l'impératif de concevoir une solide ‘stratégie de sortie’ a été négligé. Cette légère considération pour la durabilité des interventions a souvent été, à tort, justifiée par le court terme et l'aspect temporaire des interventions d'urgence. Les modalités de l'aide (par exemple pour la priorité à la distribution des biens – souvent d'origine étrangère, plutôt que le support aux programmes des moyens d’existence) ont laissé certaines personnes dans le ‘piège de pauvreté’, en les gardant dans le besoin permanent pour le même type d’assistance.

• De même, certaines organisations ont accordé la priorité à leur propre renforcement institutionnel sur la pertinence de leurs activités d'aide, ou le renforcement des capacités des institutions locales et des organisations de base. La plupart des interventions furent mises en œuvre directement par l’ONG. Le fait de ne pas investir dans les institutions locales, a créé des conditions favorables pour garantir l'accès au financement par les organisations internationales au détriment des organisations locales.

• La perturbation potentielle et/ou la corruption des structures nationales et des

marchés furent rarement pris en considération à travers les types et la méthodologie des interventions (y compris l'achat des biens de l'aide). Et ceci, en dépit de l'existence de nombreuses études qui ont été faites, notamment au début de l'intervention humanitaire (voir par exemple, les initiatives de la ‘cartographie d'urgence et analyse du marché -EMMA) ). Des critiques répétées ont été prononcées au sujet des perturbations de l'aide humanitaire au niveau des marchés locaux, y compris la production alimentaire locale. Le secteur médical a été particulièrement cité, avec la perturbation du système d’aide existant (largement exploité par de petits acteurs du secteur privé) et son remplacement par une dépendance quasi totale vis-à-vis de la médecine et des soins médicaux gratuits.

3. Les organisations doivent habiliter les gens, en tant qu’acteurs véritables et actifs dans les efforts de l'aide et la reconstruction de leurs vies. Ceci, afin d'éviter d'abuser du pouvoir confié avec les ressources de la réponse humanitaire. Cependant, en Haïti, voici ce qui fut observé:

• Un manque considérable de consultation des populations affectées par les pourvoyeurs de l'aide humanitaire a été mentionné et observé à plusieurs reprises. ‘Les acteurs ont été transformés en spectateurs’ a affirmé une personne interrogée, membre du personnel d'une des plus grandes agences d'aide opérant en Haïti.

‘Contrairement aux cris d'alarme concernant ‘les agriculteurs qui mangent leurs semences’, une multi-agence de sécurité en matière de semences (...) a déclaré ‘qu'il n'y avait pas d'urgence pour des semences en Haïti’ et a recommandé, en Juin 2010, contre les distributions, ‘que les familles d'accueil reçoivent plutôt de l’argent pour acheter des semences locales et satisfaire d'autres besoins urgents’. Quoique l'étude sur les semences a également mis en garde ‘de ne jamais introduire de variétés, dans un contexte d'urgence, qui n'aient été testées dans les sites agro-écologiques donnés et selon les conditions de gestion des agriculteurs – et, en contradiction directe avec la législation Haïtienne et les conventions internationales qui visent à protéger le patrimoine génétique et l'écosystème en général - le Ministère de l'Agriculture a approuvé un don de Monsanto de 475 tonnes de semences de variétés hybrides".

Source: Haïti Liberté, 29-03-2011

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• Les principes de participation n'ont pas été respectés, souvent sous le couvert de la nécessité d'opérer rapidement dans une atmosphère de faibles structures et de savoir-faire.

• Les principes de responsabilité n'ont pas été respectés. La responsabilité envers les

donateurs plutôt que les bénéficiaires a été la priorité des organismes de secours, en créant un risque très réel de programmes ‘dirigés’ par les donateurs. La mise en œuvre de mécanismes de reddition de compte/responsabilité et de transparence dans la planification et la livraison de la réponse a été faible, et souvent déconnectée de la réponse globale. Seuls quelques acteurs croyaient que le feedback/réaction recueilli des bénéficiaires avait un impact réel sur la façon dont les programmes ont été exécutés et adaptés. Une culture du secret a prévalu, conduisant à éviter de partager des données dites ‘sensibles’ tels que les budgets, par crainte de possibles mésinterprétations.

• Les Haïtiens ont été dépeints comme ‘victimes’ passives plutôt qu’acteurs actifs, ce

qui a débouché sur la ‘victimisation’ à laquelle les gens en Haïti ont difficilement résisté. Les dirigeants/organisations locaux se sont sentis coopté par le ‘pouvoir de l'argent’ des organisations internationales. Certains ont été choqués par la ‘pornographie de la pauvreté’ (en utiliser les images de l’indigence dans les campagnes de sensibilisation de masse) utilisée par les agences internationales pour lever/collecter des fonds et susciter l'intérêt pour l'urgence, au détriment de la dignité des individus.

LES PRINCIPAUX EFFETS DU MANDAT HUMANITAIRE COMPROM IS SUR LES RISQUES DE CORRUPTION

‘DEPOSSEDER DU POUVOIR’ - les principaux acteurs de la société civile sont ‘dépossédés de toute capacité’, et par conséquent ne jouent pas leur rôle potentiel de contrôle de la corruption ou de freiner ses effets. UNE HABILITATION NÉGATIVE – l’absence de renforcement des capacités des acteurs locaux impliqués dans les efforts de l'aide signifie que les groupes locaux sont axés sur l'acquisition de pouvoir potentiel (accès à l’aide et aux décideurs), qu'ils peuvent utiliser à d’autres fins que l'action humanitaire. LA CORRUPTION DES MARCHES ET DES STRUCTURES LOCALES - la position irresponsable prise par de nombreux acteurs humanitaires quant à l'effet perturbateur de leur action sur les marchés et les structures locales peut conduire au renforcement des économies parallèles et le renforcement (et la création) de pratiques de corruption en accédant aux services. MANQUE DE RESPONSABILITÉ - confusion sur le véritable mandat de l'organisation humanitaire signifie que les intervenants ne savent plus de quoi les organisations d'aide sont légitimement responsables et redevables.

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