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Vive le cinéma ! Personne ne l’a vu et tout le monde en parle. À défaut du contenu, on peut déjà juger la communication : 20 sur 20. Il a suffit d’une bande- annonce et de rares extraits pour que l’ensemble des médias s’em- parent de cet objet non identifié qui s’appelle « La Conquête ». L’affiche est séduisante, les acteurs appa- remment plus vrais que nature. Reste maintenant à s’assurer que le film répond à la promesse. Et re- trace la véritable histoire de Nicolas Sarkozy et de tous ceux qui ont contribué à la victoire du candidat de l’UMP en 2007. Rien ne serait pire qu’une caricature qui décrédibiliserait le propos et nuirait dura- blement à ce genre cinématographique nouveau en France. Ce serait d’autant plus dommage que le cinéma français, avec ce film, dément enfin sa réputation de fri- losité à l’égard de la politique et de ceux qui la font. Les États-Unis depuis toujours, l’Angleterre et l’Italie depuis longtemps, l’Allemagne plus récemment ont montré le chemin en mettant en scène la vie de ceux qui font l’His- toire sans craindre leurs commentaires ou leurs pres- sions éventuelles. En France on n’apprécie guère ces miroirs jugés par trop déformants. Combien d’années pour filmer l’Occupation et la rafle du Vel d’hiv ou la guerre d’Algérie ? Rien ou presque sur la part d’ombre de François Mitterrand, les diamants de Giscard ou les 18 ans de Chirac à la Mairie de Paris. Quand, dans le même temps, on applaudit les films américains sur la guerre du Vietnam ou les « Démineurs » en Irak, le ci- néma anglais qui montre l’antipathie d’Elisabeth pour Diana ou les films italiens qui décrivent par le menu la vie mouvementée et mafieuse d’Andreotti ou de Berlusconi. À quand, en France, un film sur les relations très amicales entre le patron d’un laboratoire pharmaceutique et l’ac- tuel hôte de l’Élysée ou les amitiés étranges de Monsieur Jean-Noël G., président du Conseil général des Bouches- du-Rhône ? Les sujets ne manquent pas. « La Conquête » est un premier pas ; il en faudra beaucoup d’autres pour que le cinéma français concurrence ses confrères sur ce terrain. C’est affaire de culture, pour une société, la nôtre, qui n’a jamais beaucoup aimé se regarder en face. En attendant, comme le dit Quentin Tarantino : « Vive le cinéma ! ». Près d’un accident corporel de la route sur dix est associé à l’usage du téléphone portable au volant. Que le conducteur utilise ou non un kit mains- libres. Les chiffres de la sécurité routière sont très mauvais et devraient inciter le gouvernement à prendre de nouvelles mesures. Envisagée notamment : l’interdiction pure et simple du téléphone en voiture. Malgré cela, l’objectif fixé par Nicolas Sarkozy de réduire à 3 000 morts par an dès 2012 le nombre de victimes de la route paraît aujourd’hui impossible à atteindre. Une raison à cet échec probable : la volonté politique n’est plus ce qu’elle était. Le chiffre Et aussi S ur le papier, pourquoi pas ? Des jurys populaires dans les enceintes correctionnelles, le projet a sa logique. Combien d’erreurs judiciaires, combien de décisions incompréhensi- bles, combien de remises en liberté aber- rantes ou de maintiens en détention injustifiés ont alimenté la chronique depuis deux ou trois décennies. Suffi- samment pour qu’on s’interroge sur l’ef- ficacité d’un système, pourtant réguliè- rement réformé, mais qui ne satisfait aujourd’hui personne. Ni les magistrats eux mêmes, ni les avocats et encore moins les justiciables. Pour autant la réforme proposée est-elle d’actualité ? On voit bien le caractère séduisant qu’elle peut avoir pour tous ceux qui pensent que le peuple a son mot à dire dans les tri- bunaux et qui dénoncent les pouvoirs, sans contrepartie, des présidents de cham- bre et de leurs assesseurs. Pour ceux-là, dans la balance, le compte n’y est pas et la sagesse populaire saura faire contre- poids au juridisme des magistrats. Certes, mais cette pseudo-sagesse popu- laire peut être tout aussi dangereuse que la solitude d’un tribunal. Portée par le vent de l’émotion, ne risque-t’elle pas d’introduire dans la justice, un élément supplémentaire de désordre : l’irratio- nalité d’une opinion qui ne dira pas le droit, mais sa conviction de l’instant en fonction de l’actualité du moment. C’est évidemment la question soulevée par cette réforme qui, loin de clore le débat sur une justice parfois injuste, plonge chacun dans un abîme d’incer- titude. Si l’on ajoute qu‘un tel projet va néces- sairement buter sur des difficultés ma- térielles et d’organisation considérables, pour un coût difficile à chiffrer, on se dit que la précipitation dans la circons- tance, comme dans toute autre, est bien mauvaise conseillère. C’est en tous les cas un débat qui n’oppose pas seu- lement la gauche et la droite mais qui provoque des interrogations d’ordre éthique de tous côtés. R.N. > Lire p. 2 et 3 NUMÉRO 408 — MERCREDI 11 MAI 2011 — 1,30 ¤ Éditorial Robert Namias Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias BERTRAND GUAY / AFP PATRICKKOVARIK/AFP Jurys populaires : une réforme et beaucoup de questions OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP lhemicycle.com Le sénat débattra dès le 17 mai du projet de loi introduisant les jurys populaires dans les tribunaux correctionnels. Bernard Stasi (1930-2011) Trop à droite pour la gauche, trop à gauche pour la droite. Un homme bien. Par Michèle Cotta. > Lire p. 14 Michel Mercier P. 2 Elisabeth Guigou P. 3 LIONEL BONAVENTURE / AFP FRED DUFOUR / AFP MIGUEL MEDINA/AFP Le nucléaire encore et toujours Mais la sécurité est prioritaire et les « renouvelables » également. Une interview de Nathalie Kosciusko-Morizet. > Lire p. 15 Au sommaire Agora : Michel Mercier, Elisabeth Guigou >P. 2-3 Initiatives : Le bouclier social de la Région Île-de-France avec Jean-Paul Huchon >P. 6-7 Focale : Hervé Morin >P. 8 Expertise : La commission d’enquête sur le Mediator avec Gérard Bapt > P. 11 Tribunal correctionnel de Paris. 1 sur 10

l'Hémicycle - #408

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l'Hémicycle numéro 408 du mercredi 11 mai 2011

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Page 1: l'Hémicycle - #408

Vive le cinéma !Personne ne l’a vu et tout lemondeen parle. À défaut du contenu, onpeut déjà juger la communication :20 sur 20. Il a suffit d’une bande-annonce et de rares extraits pourque l’ensemble des médias s’em-parentdecetobjet non identifié quis’appelle«LaConquête». L’afficheest séduisante, les acteurs appa-remment plus vrais que nature.Reste maintenant à s’assurer quele film répond à la promesse. Et re-trace la véritable histoire deNicolas

Sarkozyetde tousceuxquiontcontribuéà lavictoireducandidat de l’UMP en 2007. Rien ne serait pire qu’unecaricature qui décrédibiliserait le propos et nuirait dura-blement à ce genre cinématographique nouveau enFrance.Ceseraitd’autantplusdommageque lecinémafrançais, avecce film,démentenfin sa réputationde fri-losité à l’égard de la politique et de ceux qui la font. LesÉtats-Unis depuis toujours, l’Angleterre et l’Italie depuislongtemps, l’Allemagne plus récemment ont montré lecheminenmettantenscène laviedeceuxqui font l’His-toire sans craindre leurs commentaires ou leurs pres-sions éventuelles. En France on n’apprécie guère cesmiroirs jugés par trop déformants. Combien d’annéespour filmer l’Occupation et la rafle du Vel d’hiv ou laguerre d’Algérie ? Rien ou presque sur la part d’ombrede François Mitterrand, les diamants de Giscard ou les18 ans de Chirac à la Mairie de Paris. Quand, dans lemême temps, on applaudit les films américains sur laguerre du Vietnam ou les « Démineurs » en Irak, le ci-néma anglais qui montre l’antipathie d’Elisabeth pourDianaou les films italiensquidécriventpar lemenu laviemouvementéeetmafieused’AndreottioudeBerlusconi.Àquand,enFrance,un filmsur les relations trèsamicalesentre lepatrond’un laboratoirepharmaceutiqueet l’ac-tuelhôtede l’Élyséeou lesamitiésétrangesdeMonsieurJean-NoëlG.,présidentduConseil généraldesBouches-du-Rhône?Lessujetsnemanquentpas.«LaConquête»est unpremier pas ; il en faudrabeaucoupd’autres pourque le cinéma français concurrencesesconfrères sur ceterrain.C’estaffairedeculture,pourunesociété, lanôtre,qui n’a jamais beaucoup aimé se regarder en face.Enattendant,commeleditQuentinTarantino:« Vive le cinéma ! ».

Près d’un accidentcorporel de la route surdix est associé à l’usagedu téléphone portable

au volant. Que le conducteur utilise ou non un kit mains-libres. Les chiffres de la sécurité routière sont trèsmauvais et devraient inciter le gouvernement à prendrede nouvelles mesures. Envisagée notamment : l’interdictionpure et simple du téléphone en voiture. Malgré cela,l’objectif fixé par Nicolas Sarkozy de réduire à 3 000mortspar an dès 2012 le nombre de victimes de la route paraîtaujourd’hui impossible à atteindre. Une raison à cet échecprobable : la volonté politique n’est plus ce qu’elle était.

Le chiffre

Et aussi

Sur le papier, pourquoi pas ? Desjuryspopulaires dans les enceintescorrectionnelles, le projet a sa

logique. Combien d’erreurs judiciaires,combien de décisions incompréhensi-bles, combiende remises en liberté aber-rantes ou de maintiens en détentioninjustifiés ont alimenté la chroniquedepuis deux ou trois décennies. Suffi-samment pour qu’on s’interroge sur l’ef-ficacité d’un système, pourtant réguliè-rement réformé, mais qui ne satisfaitaujourd’hui personne. Ni lesmagistratseux mêmes, ni les avocats et encoremoins les justiciables. Pour autant laréformeproposée est-elle d’actualité ?Onvoit bien le caractère séduisant qu’elle

peutavoirpour tousceuxquipensentquele peuple a son mot à dire dans les tri-bunaux et qui dénoncent les pouvoirs,sanscontrepartie,desprésidentsdecham-bre et de leurs assesseurs. Pour ceux-là,dans la balance, le compte n’y est pas etla sagesse populaire saura faire contre-poids au juridisme des magistrats.Certes, mais cette pseudo-sagesse popu-laire peut être tout aussi dangereuse quela solitude d’un tribunal. Portée par levent de l’émotion, ne risque-t’elle pasd’introduire dans la justice, un élémentsupplémentaire de désordre : l’irratio-nalité d’une opinion qui ne dira pas ledroit, mais sa conviction de l’instant enfonction de l’actualité du moment.

C’est évidemment la question soulevéepar cette réforme qui, loin de clore ledébat sur une justice parfois injuste,plonge chacun dans un abîme d’incer-titude.Si l’on ajoute qu‘un tel projet va néces-sairement buter sur des difficultés ma-térielles et d’organisation considérables,pour un coût difficile à chiffrer, on sedit que la précipitation dans la circons-tance, comme dans toute autre, estbien mauvaise conseillère. C’est en tousles cas un débat qui n’oppose pas seu-lement la gauche et la droite mais quiprovoque des interrogations d’ordreéthique de tous côtés. R.N.

>Lire p. 2 et 3

NUMÉRO 408—MERCREDI 11 MAI 2011 — 1,30 ¤

ÉditorialRobert Namias

Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

BERTRANDGUAY

/AFP

PATRICKKOVARIK/AFP

Jurys populaires : une réformeet beaucoup de questions

OLIVIERLABAN-MATTEI/AFP

lhemicycle.com

Le sénat débattra dès le 17mai du projet de loi introduisantles jurys populaires dans les tribunaux correctionnels.

Bernard Stasi (1930-2011)Trop à droite pour la gauche, trop à gauche pourla droite. Un homme bien. ParMichèle Cotta.>Lire p. 14

MichelMercierP. 2

ElisabethGuigouP. 3

LIONEL

BONAVENTURE

/AFP

FRED

DUFOUR/A

FP

MIGUELM

EDINA/AFPLe nucléaire encore et toujours

Mais la sécurité est prioritaire et les« renouvelables»également. Une interview deNathalieKosciusko-Morizet.>Lire p. 15

Au sommaire • Agora :Michel Mercier, Elisabeth Guigou>P. 2-3• Initiatives : Le bouclier social de la Région Île-de-France avecJean-Paul Huchon>P. 6-7 •Focale :Hervé Morin>P. 8 •Expertise :La commission d’enquête sur le Mediator avecGérard Bapt>P. 11

Tribunal correctionnel de Paris.

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NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011 L’HÉMICYCLE 3

Leparlementvadébuter l’examenduprojetde loi introduisantdesjuréspopulairesdans les tribunauxcorrectionnels.Enquoi associerdavantage lepeuple français auxdécisionsde justice serait-ilcondamnable?Sur le principe, c’est évidemmentsympathique; mais là, il ne s’agitpas de cela. Il faut bien voir l’in-tention explicite de Monsieur Sar-kozy derrière cette réforme : il veutstigmatiser l’action des magistrats,en prétextant qu’ils sont laxistes etdonc qu’il faudrait leur adjoindredes citoyens pour éviter ce travers.C’est faux et faire peser sur la jus-tice une telle suspicion est intolé-rable et contreproductif. Cela l’estencore plus de la part d’un prési-dent de la République dont le rôleest d’être le garant des institutions.

Lajusticea-t-ellelesmoyenshumainsetfinanciers d’une telle réforme?Non. C’est infaisable tel que c’estconçu. Même avec les précautionsprises dans le projet de loi, cette ré-formenécessitera desmoyens consi-dérables qui seraient bien mieuxemployés ailleurs. Cela va égalementdésorganiser tous les tribunaux.L’étude d’impact réalisée par laChancellerie le montre très bien.Bien peu est également prévu pourformer les citoyens appelés à siéger.Je ne suis d’ailleurs pas sûre que celaprovoque chez eux beaucoup d’en-thousiasme. Je crois savoir que lesdécrets d’application sont loin d’êtreprêts. C’est bien le signeque cette ré-formen’est qu’undiscours et qu’ellerisque de rester dans les cartons.

Commentqualifiez-vous lebilandeNicolasSarkozyenmatièredejustice?Je le trouve consternant. La justice,c’est une institution particulièredans l’État ; elle est un des trois pi-liers de la démocratie. Or, le méprisaffiché par le Président pour ellemine la confiance que devraientavoir les Français dans cette institu-tion. Elle est aussi censée garantir àchaque citoyenune égalité de traite-ment. Or, il y a une pratique de re-tour à des instructions données au

parquet, de façon répétée et quoti-dienne, des nominations outrageu-sement politiques, des affectations làencore politisées… C’est révélateurpourmoi de la volonté deMonsieurSarkozy de minorer et combattretous les contre-pouvoirs. On l’a vuaussi avec le Parlement ou les mé-dias. Il faudra une vraie rupture.

Onaaussibeaucoup reprochéauPrésidenttropderéactionsàl’émotionsuscitéepardes faitsdivers…La justice est faite pour prendre dela distance par rapport à l’émotiontrès légitime que provoquent desfaits divers affreux. La haine, l’enviede vengeance sont des sentimentshumains, mais la justice est là pourprendre en charge la sanction descoupables. Elle laisse aussi la place àla réinsertion. Évidemment, il fautégalement penser aux victimes. Ro-bert Badinter, comme moi-même,

avons fait beaucoup pour elles.Il faudrait mieux les accueillir dansles commissariats et les tribunaux.

Surquelles réformes reviendrez-voussi vous revenezaupouvoir?Nous reviendrons sur la rétentionde sûreté : Nicolas Sarkozy a tournéle dos à un principe qui avait 200ans. Nous reviendrons aussi sur lespeines planchers : elles sont ab-surdes ; la justice doit être indivi-dualisée.

Faut-il revoir le statutpénalduchefde l’État?Je pense que ce serait nécessaire. Cen’est pas sain d’avoir une fausse ré-forme comme aujourd’hui ; il fau-drait plus de précision. S’il ne fautpas remettre en cause l’immunitépénale du chef de l’État pendantses fonctions, l’immunité civile a,elle, moins de sens, quand existepour celui-ci la possibilité de por-ter plainte. Les litiges civils, celaexiste pour tout le monde.

N’y-a-t-ilpaseuaussidesavancéescommela réformede lagardeàvue,l’installationd’uncontrôleurgénéraldesprisons, l’accroissementdeseffectifsdemagistrats(+18%)…?Il faut distinguer tout cela. Lecontrôleur général des prisons, c’estune très bonne chose. Mais cettefonction va disparaître et le défen-seur des droits reprendra cette mis-

sion parmi d’autres. Or, les prisons,cela ne ressemble à rien d’autre. Onpeut se satisfaire de l’augmentationdes magistrats, mais parallèlement,le nombre de greffiers a fait l’objetde coupes sombres. On le sait : unmagistrat n’est rien sans un greffier ;un jugement qui n’est pas notifién’existe pas. Quant à la réforme dela garde à vue, c’est une avancée,mais de multiples exceptions ontété prévues et vont l’entraver.

Queproposezvouspourque la justice soit plusefficacepour lutter contre ladélinquancedesmineurs?Legouvernementprépareune loi pour cet été…Nous ne sommes pas favorables àla comparution immédiate qui estsouvent brutale. Nous souhaitonsreprendre ce que nous avions misen place avec les maisons de la jus-tice. Nous en avions créé plus de40 ; elles ont été sacrifiées. Elles per-mettaient pourtant une sanctionimmédiate. Les parents étaient as-sociés. La coproduction entre policeet justice marchait bien. La pri-mauté doit être donnée à l’éducatifet à la prévention.Onparle toujoursdesmultirécidivistes.Mais avant, il ya toujours un premier acte et unepremière victime ! C’est toujoursplus efficace de prévenir. Ce que pré-pare le gouvernement dans ce do-maine nous inquiète beaucoup.

Si lagauche revientaupouvoir en2012,quelle réformemettra-t-elleenœuvre?Il faudra très vite faire la réformeconstitutionnelle qui permettra derétablir un équilibre au sein duConseil supérieur de la magistra-ture. Aujourd’hui, les six person-nalités qualifiées sont nomméespar le pouvoir en place, c’est inad-missible ! Il faudra instaurer l’in-dépendance du parquet en luidonnant des garanties légales.Nous proposons aussi un plan derattrapage pour remettre lesmoyens de la justice à niveau. Celapermettra une meilleure applica-tion des peines, un meilleur fonc-tionnement au quotidien (horairesd’ouverture, aide aux victimes…)et une augmentation de l’aide juri-dictionnelle.

Des troisGardedesSceaux(RachidaDati,MichèleAlliot-Marie,MichelMercier)qui se sontsuccédésqui aété leplushabile?Je ne crois pas que l’habilité doiveêtre la première des qualités d’unGarde des Sceaux. C’est la seulefonctionministérielle citée dans laconstitution ; elle doit être consi-dérée à part. Mais, si c’est le critèreretenu pour les juger, je dois direque compte tenu du contexte, Mi-chel Mercier se révèle d’une cer-taine habilité.

Propos recueillispar Ludovic VigogneChef du service politique

de Paris Match

ElisabethGuigouaccuse lePrésidentde la républiquedevouloir stigmatiser l’actiondesmagistrats.L’anciennegardedes sceauxne croit pasà la faisabilité de cette réforme.

Agora

ELISABETH GUIGOU

«CEQUEPRÉPARELEGOUVERNEMENTENMATIÈREDE JUSTICENOUS INQUIÈTE BEAUCOUP»

«Cetteréformevadésorganiser lestribunaux. Jenesuispassûrequ’elleprovoquebeaucoupd’enthousiasme

chez lesFrançais»

FRED

DUFO

UR/A

FP

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011

Agora

L’examenduprojetde loi surl’introductionde juréspopulairesdans les tribunauxcorrectionnelsdébutepar leSénat, le 17mai.Beaucoupdedoutes sur lafaisabilité techniqueetfinancièredecette réformepersistent…Ces débats seront l’occasion d’ex-pliquer une réforme qui permettrade rapprocher les Français de leurjustice, qui feront là un acte ci-vique. La commission des lois duSénat a amélioré notre projet, en enconservant tout l’esprit. Je suis doncconfiant sur les perspectives dudébat parlementaire. S’agissant desquestions techniques et financières,j’ai obtenu du président de la Répu-blique et du Premier ministre quesoient alloués les moyens humainset financiers nécessaires à l’entréeen vigueur de cette réforme.

Pourrez-vous faireadopter ce texteavant lafinde la législature?C’est bienmon intention ! Il s’agis-sait en effet d’un engagement decampagne.

Nedemande-t-onpasdeplusenplusà la justiceen lui accordantdemoinsenmoinsdemoyens?On demande certes de plus en plusà la justice, mais on lui accordeaussi de plus en plus de moyens !Le budget de la Justice s’est accrude 60 % entre 2002 et 2011,les effectifs ont augmenté de5600 postes depuis 2007. J’ajouteraique j’ai veillé, depuismon arrivée, àce que la Justice ne se voie pasconfier de nouvelles missions sansque les moyens nécessaires soient

apportés. C’est ainsi que j’ai obtenula création de 485 emplois pour ac-compagner les réformes en cours.

Quel est lebilande la réformede la carte judiciairemiseenplaceparRachidaDati ?Elle s’est achevée le 31 décembredernier, avec la fermeture des17 tribunaux de grande instance.La mise en œuvre progressive sur3 ans de la carte judiciaire a permisde régler les situations des person-nels et des auxiliaires de justiceconcernés et de prévoir plus de

450 opérations immobilières né-cessaires à l’accueil des juridictionsregroupées. Parallèlement, nousavons développé l’accès au droit enmultipliant les antennes de justice,les points d’accès au droit et lesmaisons de justice et du droit.

Quellespremières conclusionstirez-vousde lamiseenplacede la réformede lagardeàvue?Les décisions de laCour de cassationdu 15 avril dernier nous ont conduità demander que soient mises enœuvre dès à présent la notificationdu droit au silence et l’assistance del’avocat pendant toute la durée dela procédure, sans attendre l’entréeen vigueur du texte, fixée au 1er juin.Le jour même, magistrats et enquê-teurs ont immédiatement appliqué

ces consignes, avec un grand pro-fessionnalisme. Dans l’ensemble, ily a eu peu de difficultés observées.

Y-a-t-il des chantiersquevousvoulezouvrir avant lafinduquinquennat?Je souhaite apporter lesmoyens né-cessaires au bon fonctionnement del’exécution et de l’application despeines, afin de réduire les délais demise à exécution des peines d’em-prisonnement ferme et assurer lesuivi le plus efficient des condam-nés. Cela implique notamment

une amélioration des méthodes detravail et une augmentation desmoyens de la chaîne pénale. J’ytravaille en concertation avec lesorganisations syndicales, lesmagis-trats et les fonctionnaires.

LePS,danssonprojet, s’engageàceque«chaqueactededélinquancetrouveune réponse, immédiate,justeetproportionnée».Cen’estpasdéjà le cas?Bien sûr ! Nous avons justement dé-veloppé une large palette de sanc-tions, avec à la fois des alternativesà l’emprisonnement variées, no-tamment les travaux d’intérêt gé-néral sur lesquels nous travaillonsen ce moment et que le parti socia-liste semble redécouvrir, mais éga-lement des peines adaptées à la

gravité et à la situation de récidive,comme les peines plancher.

Troismoisaprès la fortepousséedefièvreentre lePrésident et lemonde judiciaire, est-ondésormaisdansunephased’apaisement?Je crois en effet que nous sommestous conscients qu’il est nécessairede travailler ensemble sur nos pointsd’amélioration, pour assurer une jus-tice de qualité à nos concitoyens.Aussi, jeme félicite du fait que l’USMet l’ANJAP ont rejoint le groupe detravail mis en place sur l’organisa-

tion et le fonctionnement des ser-vices d’application des peines.

Cequinquennatauraétémarquéparnombredecrises similaires.Pourquoi?La demande de justice est toujoursplus forte, et je ne peuxquem’en ré-jouir en tant que garde des Sceaux !Nous nous devons de répondre àl’attente des citoyens, et je sais queles professionnels de justice s’y en-gagent au quotidien. Pour autant,c’est une lourde tâche et je com-prends que des difficultés puissentsurgir. Pourmapart, le comptagedescrises ne m’intéresse pas, je préfèretravailler à y apporter des solutions.

Beaucoupont reprochéauPrésidentde jouer l’opinion,censéenepas

aimercecorps,contre les juges…L’opinion publique n’est pas contreles magistrats. Je crois au contraire,et le président partage cet avis,qu’elle en attende beaucoup et estdonc très exigeante envers eux.C’est une marque de respect.

Est-cedifficiled’êtreGardedesSceauxdanscecontexte?Je n’ai pas accepté cette missionparce qu’elle serait facile ! Maisc’est ce qui fait toute la richesse dece poste. C’est une responsabilitétrès importante, vis-à-vis des pro-fessionnels bien sûr, mais surtoutvis-à-vis de nos concitoyens.

Lestatutpénalduchefde l’États’est heurtéà ladécisiondeNicolasSarkozydesaisir la justicedansdesaffairespersonnelles.Quelle solutionpeut-onapporterà cecasse-tête juridique?Je n’ai aucun commentaire particu-lier à faire sur cette question. J’ob-serve juste que l’article 67 de laConstitution, qui pose les principesd’irresponsabilité et d’inviolabilitédu président de la République, etdont le champ d’application ne selimite aucunement à la matière pé-nale, est muet sur cette question.On peut en déduire que le consti-tuant a estimé qu’il n’y avait paslieu d’apporter quelque restrictionque ce soit à la faculté pour le chefde l’État de se porter partie civile.

Propos recueillispar Ludovic VigogneChef du service politique

de Paris Match

«L’OPINION PUBLIQUEN’EST PAS CONTRE LESMAGISTRATS, LES FRANÇAIS AUCONTRAIRE

EN ATTENDENT BEAUCOUP»

MICHEL MERCIER

«L’introductionde juryspopulairesdans lestribunauxcorrectionnelspermettraderapprocher lesFrançais

de leur justice»

LIONEL

BONAV

ENTU

RE/A

FP

LegardedesSceauxentendbienfaireadoptercette réformedestribunauxcorrectionnelsavant lafinde la législature.MichelMercier rappellequec’estunengagementdecampagnedeNicolasSarkozy.

Page 3: l'Hémicycle - #408

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L ’ ONTSEEIGRENÉ CÉ,RINEVAERT !AL-SNOSIMONO !

Il arrive que l’hémicycle réservedes surprises... Ainsimardi 3mai,contre toute attente, a-t-on vu

la proposition de loi d’Yvan La-chaud et de ses collègues du Nou-veau centre visant à « interdirel’utilisation des phtalates, des para-bènes et des alkylphénols » adop-tée en première lecture, par 236voix pour, 222 contre et 15 absten-tions. Le texte avait pourtant reçuun avis défavorable du gouverne-ment, la commission des affairessociales reprenant les arguments del’exécutif pour le rejeter à son tour.En toute logique, il n’aurait doncjamais dû franchir la rampe. « Je nepensais pas faire un coup média-tique, je croyais qu’on allait faire50 voix », avoue Lachaud, députédu Gard. De fait, le vote de la PPL afait la une des journaux le lende-main. « Perturbateurs hormonaux :l’offensive des députés », tîtrait LeMonde jeudi.Une improbable alliance centre-gauche, renforcée par quelques dé-fections à l’UMP, a rendu possiblel’événement. À ce détail près,qu’après coup, l’opposition affirme...s’être trompée ! « On n’a pas com-pris sur quoi on votait, expliquesans rire Gérard Bapt, orateur dugroupe socialiste. Nous pensionsqu’il s’agissait du texte modifié parla commission, donc reprenantnotre amendement. En fait, on vo-tait sur le texte initial de Lachaud ».Un texte que le député PS deHaute-Garonne juge tout bonne-ment « irréaliste » et « infaisable ».Il était d’ailleurs cocasse d’entendreBapt, en séance, reprocher au cen-triste une proposition de loi « ex-trêmement radicale » et « brute dedécoffrage ». Ce dont Lachaud veutbien convenir : « Il est évident

qu’elle n’est pas applicable commeça », admet sans complexe ce drôlede législateur. Pour le député cen-triste, le cafouillage côté PS serait laconséquence logique du blocage...de la majorité. « J’ai proposé desamendements de repli en commis-sion et dans l’hémicycle, le gouver-nement et l’UMP ont tout rejeté enbloc, regrette-t-il. Du coup, tout le

monde s’est senti frustré. Et lesgens se sont dit : si je vote contre, jevais appartenir à la blacklist desgens qui veulent tout verrouiller ».De fait, même au sein du groupemajoritaire, ils sont un certainnombre à avoir craint de figurer surla « blacklist », à l’heure où l’opi-nion publique est de plus en pluspréoccupée par les questions desanté publique : 15 députés UMP sesont abstenus, 19 ont carrémentvoté pour la proposition du Nou-veau centre. Ainsi Michel Zumkel-ler, député du Territoire de Belfort,

se dit-il « très heureux » d’avoir ap-prouvé la PPL, en son « âme etconscience ». Les arguments dumi-nistre de la Santé Xavier Bertrand,selon lesquels il est nécessaire d’at-tendre le résultat d’études scienti-fiques sur la dangerosité dessubstances, n’ont pas fait mouche.« Attendre les études et les commis-sions, on passe son temps à ça, à

l’Assemblée, et on n’avance pas,souligne Zumkeller. Au moins, là,on a posé le problème ».Pour Michel Raison, orateur dugroupe UMP, la majorité s’est prisles pieds dans le tapis par « manquede travail ». « Il n’y a pas eu suffi-samment de réunions chez noussur cette proposition, qui était trèsséduisante, et c’est normal que plu-sieurs députés UMP aient cru à sonbien-fondé, analyse le député deHaute-Saône. On n’a même pas euun petit-déjeuner avec le ministre.Moi-même, je ne connaissais pas

l’existence de cette PPL avant laséance. En commission, il y avaitcinq gars qui connaissaient bien lesujet ». Quant aux socialistes, « euxaussi n’ont pas assez travaillé, ils sesont fait prendre ! », assène Raison.Les sénateurs, réputés sérieux et tra-vailleurs, vont devoir maintenantse pencher sur le texte, adopté parl’Assemblée « à l’insu de son plein

gré ». « Ils vont être plus vigilants,ils vont travailler », espère Raison.« Le Sénat peut totalement remo-deler et adapter la proposition », serassure également Bapt. Lachaud,qui voulait « ouvrir le débat », a at-teint son objectif au-delà de touteespérance. Cela lui a valu un savonde Xavier Bertrand qui a, croit-ilsavoir, « tout le lobby industriel surle dos ». Quant au Nouveau centre,il a prouvé qu’à un an de la finde la législature, il n’est pas troptard pour commencer à peser dansl’hémicycle.

En bref

4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011

Plan large

L’hémicycle sens dessus dessous

Le chœurdes vierges…Certains de ces naïfs, qui au-jourd’hui gémissent de bons sen-timents, n’ont apparemment pasassez regardé ces images du11 Septembre, ces plans mons-trueux qui, à chaque fois, vouspressent le cœur, les monstres debéton qui s’effondrent sur cesfoules d’hommes et de femmesqui se sont sentis écrasés, ma-laxés entre murs et plafonds,ces petites ombres noires quiglissent le long des paroisjusqu’au moment où l’on se sou-vient qu’il s’agit d’êtres humainsen train de hurler qu’ils ne veu-lent pas mourir. Nos bonnesâmes, souvent donneuses de le-çons gratuites, énervent au-jourd’hui l’honnête homme encriant au scandale de la mortde Ben Laden. Croyez-vous vrai-ment que les Américains – qui, àtrop hésiter, l’ont raté deux outrois fois – voulaient le capturervivant ? Pour en faire quoi, d’ail-leurs ? Un procès interminable etvite oublié comme celui de Milo-sevic, une tribune de la haine éri-gée en politique planétaire, unemonnaie d’échange contre lesmilliers d’otages aussitôt raflés,bref un mythe vivant ? Personnene saura sans doute jamais quelest le « seal » qui a plombé BenLaden d’une balle en pleine têtemais je ne crois pas que ce gar-çon se pose des questions au-jourd’hui. Je crois plutôt quechacun des hommes qui sontdescendus des hélicoptères, dansla cour d’Abbottabad, n’avaitqu’une idée, qu’un but : éliminerde la surface de la terre celui quine cessait de prêcher la mortcontre « les Juifs et les Croisés »,de trahir le message du Prophète,d’être une sorte de cancer de vio-lence et de racisme dont nous nesommes pas près d’ailleurs detrouver le remède. l’océan qui l’arecueilli protège finalement uncorps qui risquait d’être exposécomme un trophée et qui, end’autres lieux, aurait peut-êtreété pendu au croc d’un boucher.Reste qu’aujourd’hui et pourlongtemps encore, le message deBen Laden n’en finit pas de gan-gréner toutes ces foules endoctri-nées qui vouent aux enfers cetOccident qui leur propose toutesces libertés dont on les prive.L’ignorance, l’obscurantisme sonttoujours les germes de la haine. Etl’élimination d’un seul, fusse auscalpel, est un début de guérison.

L’opinionde Paul Lefèvre

DR

PIERRE

VERDY/AFP

DR

DAMIENMEYER

/AFP

THOM

ASWIRTH

/AFP

DOMINIQUE

FAGET/AFP

Les députés piégés par une proposition de loi incompréhensible déposéepar le centriste Yvan Lachaud. Du coup, les parlementaires du Nouveaucentre en rient encore.ParNathalie Segaunes

CLAUDE GOASGUEN(UMP) SUGGÈREDE LIMITER LABINATIONALITÉ OULES DROITS ASSOCIÉS� LedéputéUMPClaudeGoasguen,rapporteurde lamissiond’informationparlementaire sur le droit de lanationalité, estimequ’il faut limiter labinationalité ouen tout cas les droitspolitiquesdesbinationaux.« Il est certes impossible, comme lesuggèrent certains extrémistes, desupprimer labinationalité,mais il faut

la limiter », déclare le député-maireduXVIe arrondissementdeParis, alorsque lamissiondont il est le rapporteurdoit achever ses travauxd’ici à la finmai après uneultime réunion.«Jesouhaiteque l’on commenceparenregistrer les situationsdedoublenationalité aumomentdesactesdemariage, denaissanceoudenaturalisation.Ondisposerait ainsi àtermed’un registredesbinationaux»,poursuit-il. « EnFranceaujourd’hui,onne sait pas combien ils sont, sansdoute4à5millions.»

RÉFORMETERRITORIALE :LE TABLEAU CORRIGÉDES CONSEILLERSTERRITORIAUX EXAMINÉPAR LES DÉPUTÉS� Les députés ont examiné jeudien séance le projet de loi fixant lenombre des conseillers territoriauxde chaque département et dechaque région dans le cadre dela réforme territoriale. Le Conseilconstitutionnel avait censuré larépartition initialement prévue poursix départements français (Meuse,

Cantal, Aude, Haute-Garonne,Mayenne et Savoie). Les Sagesavaient fait remarquer que le tableaufixant le nombre d’élus pardépartement aurait dû prendreen compte, dans toute la France, lemême ratio entre élus et populationavec unemarge de tolérancen’excédant pas 20%. Comme l’aremarqué en séance Philippe Richert,ministre chargé des Collectivitésterritoriales, il s’agissait donc, par cetexte, de «tirer les conséquences desexigences formulées» par les Sages.

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aussi développer des consultationsmémoire, indispensable à une prise encharge médicale efficace ».

Lutter contre l’exclusionEn matière de lutte contre l’exclu-sion, enfin, la priorité sera donnéeaux femmes en difficulté, tout encréant une aide pour les jeunesmajeurs en errance. Des lieux d’ac-cueil ou d’hébergement d’urgencespécifiques leur seront destinés,pouvant notamment recevoir lesanimaux domestiques.« Les personnes en situation degrande précarité concentrent l’en-semble des difficultés sociales. La Ré-gion entend davantage contribuer àleur protection ». Elle poursuivraaussi son soutien aux personnesincarcérées et aux ex-détenus,ainsi qu’aux migrants, par uneaide aux projets associatifs d’ac-compagnement et d’accès auxdroits.Après Paris, les initiatives en ma-tière de solidarité locale dans lesdomaines de l’éducation, de laformation et de l’emploi mobili-sent déjà Amiens, Lille et Nantes.Plus qu’un bouclier social, un vé-ritable plan Marshall contre l’ex-clusion.

Ludovic Bellanger

NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011 L’HÉMICYCLE7

Première préoccupation desétudiants, le logement secherche des alternatives.

Après les casernes militaires recon-verties en cité U à Arras et à Limogespour répondre à la pénurie deschambres universitaires, le Havrea mis en œuvre un concept nova-teur imaginé par l’architecte ita-

lien Alberto Cattani. La formulemodulaire portée par le CROUS deHaute-Normandie met en scènedes conteneurs maritimes sur qua-tre étages assemblés autour d’unestructure métallique. L’architec-ture née aux Pays-Bas a déjà séduitl’Allemagne, l’Australie et le Ca-nada. « Elle reflète l’identité portuairede la ville, et constitue la solutionpour élargir l’offre classique à desti-nation des étudiants dans des délaisréduits », estiment ses concepteurs.Une centaine de logements ontainsi été inaugurés l’an dernier aucœur du nouveau quartier étu-diant havrais, près des docks.Clairs et lumineux, grâce à leurbaie vitrée avec balcon, l’aména-gement des conteneurs inclut unesalle de bains, une kitchenette, unchauffage, un système de ventila-tion et un accès Internet. Les loge-ments bénéficient également d’uneisolation phonique et thermique.Leur mode de construction rapide,écologique et original répond auxnormes de construction et d’habi-tation. Ils sont également accessi-bles aux personnes à mobilitéréduite.Une alternative d’hébergementà l’heure où le ministère de l’En-seignement supérieur et de la re-cherche entend doubler le nombrede logements étudiants d’ici lesdix prochaines années. �

AuHavre, unecitéUsur lesdocks

LANGUEDOC-ROUSSILLONGÉNÉRATIONCONNEXION� À l’image des Pays de la Loire,32 000 jeunes du Languedoc-Roussillon qui rentreront au lycéeen septembre prochain seront dotésd’un cartable numérique.L’opération intitulée « l’ORDI,Génération connexion » serarenouvelée en 2012 et 2013, afind’équiper les cent mille lycéens des144 établissements publics et privésde la Région. « Une opération fortepour assurer une vraie égalitédes chances aux jeunes lycéens »,souligne Karine Margutti, conseillèrerégionale. Dans le Centre,la démarche, réservée aux étudiantss’accompagne de lamise àdisposition de PC en libre-servicedans les universités d’Orléanset de Tours.

GUADELOUPELE 1ER SISMOBUSDES CARAÏBES� Dans le cadre de la préventiondes risques naturels et d’éducationà l’environnement, la Guadeloupes’est équipée du premier simulateurmobile de séisme des Caraïbes.Mis à disposition par le Centre depréparation aux risques sismiques(CPRS), l’appareil itinérantest destiné à aller au plus prèsdes Guadeloupéens. Un outil desensibilisation inédit pour réduirela vulnérabilité des populationsface aux risques sismiques.

MONTPELLIERTERRITOIRE NUMÉRIQUE� Conçu autour de l’utilisateur,le projet Montpellier TerritoireNumérique vise à transformer larelation des habitants à leur villegrâce aux nouvelles technologiesde communication. Inventant denouvelles formes d’espace public,repensant l’information et lesservices urbains, l’initiative quiprévoit l’installation d’écransinteractifs favorisera la diffusiond’informations valorisant lepatrimoine naturel, culturel,touristique et économiquede la région.

MONTBÉLIARDLA COUPE EST PLEINE !� Montbéliard amis un termeau contrat de gestion de l’eauqui la liait à Veolia jusqu’en 2022.Une décision historique initiée parPierre Moscovici, président PS dela Communauté d’agglomérationdu Pays de Montbéliard. En cause :des tarifs jugés trop élevés.La gestion redeviendra doncpublique dans les 29 communesconcernées à partir de 2015. Parisavait déjà repris la gestion de soneau en 2008, tandis que Lyon,Bergerac, Libourne et Bordeaux ontnégocié remises et investissementsavec la société privée.

En bref

LeHavre a inauguré la première citéuniversitaire française construite àpartir de conteneursmaritimes,inspiréed’unconceptnéauxPays-Bas.

LacitéADocksduHavreproposeunecentainedechambresétudiantesde25m2aménagéedansdesconteneurs. PHOTOVINCENTFILLON

LaRégion Île-de-Francesoutient ledéveloppementdesMaisonspour l’autonomieet l’intégrationdesmaladesAlzheimer. PHOTOSEBASTIENBOZON

Confrontée à une précaritégrandissante et à l’augmen-tation des situations d’ur-

gence, l’Île-de-France s’engagedans l’amélioration des conditionsde vie des personnes les plus fra-giles ou en difficulté. « Nous allonsrenforcer nos actions dans leur direc-tion », promet Laure Lechatellier,vice-présidente en charge de l’ac-tion sociale. « Une politique qui faitde la Région un véritable laboratoirede l’innovation sociale », grâce à dessolutions d’accompagnement iné-dites. « La priorité sera donnée auxdépartements sous-dotés en équipe-ments et aux communes accueillantune population particulièrementdéfavorisée ». Pour orienter ses dé-marches, la région utilisera, pour lapremière fois, l‘indicateur de déve-loppement humain : l’IDH-2.Développé par la mission d’infor-mation sur la pauvreté et l’exclusionsociale en Île-de-France (Mipes),l’IDH-2 constitue un outil synthé-tique et multidimensionnel, quis’inspire de l’indicateur de dévelop-pement humain (IDH), élaboré à la

fin des années 80 par les experts duPnud (Programme des Nationsunies pour le développement). Pourmesurer le « bien-être », ce nouvelindicateur ne se limite pas au PIB.« Il prend en compte à l’échelle com-munale, le niveau d’éducation, de reve-nus et la situation sanitaire. »

Favoriser l’autonomiedes handicapéesOrientée vers les personnes handi-capées, la démarche entend favori-ser leur autonomie, et mettrel’accent sur l’accès au logement, àl’emploi et à la culture. « Au-delàdes institutions spécialisées, il est né-cessaire de proposer des hébergementsadaptés aux personnes en situation dehandicap, au cœur de la cité. » Et desoutenir le développement desUnités de Logements et de Services.Des appartements adaptés, munisd’un service d’auxiliaires de vie dejour et d’une permanence de nuit,à destination des personnes lour-dement handicapées.Outre l’accès à la formation grâce àla professionnalisation des Établis-

sements et des services d’aide parle travail (Esat), une étude seramenée afin d’améliorer l’accès àl’art et aux médias. Un pôle euro-péen pour la formation, l’accom-pagnement des professionnels, lapromotion des emplois de per-

sonnes handicapées, la rechercheou encore le développement desaides techniques et pédagogiquessera également créé.

Accompagner le vieillissementde la populationAutre enjeu « crucial » relevé parl’Île-de-France, l’accompagnementdu vieillissement de la population.En 2020, le nombre des Franciliensâgés de plus de 75 ans atteindra en

effet plus de 950 000. « Il est essentielde trouver des solutions de vie adaptéesaux besoins des personnes âgées etd’améliorer la qualité des structuresd’accueil ou d’hébergement. »

Afin d’y répondre, un nouvel axed’intervention pour la prise encharge de la maladie d’Alzheimersera promu. Outre le soutien auxMaisons pour l’autonomie et l’in-tégration, « il favorisera par exemplele soutien aux aidants familiaux des

personnes âgées (ainsi que des per-sonnes en situation de handicap) parla création de places d’accueil et d’hé-bergement temporaire, ainsi que parune aide à leur formation. Nous allons

6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011

Initiatives

JEAN-PAULHUCHONPRÉSIDENTDUCONSEILRÉGIONALD’ÎLE-DE-FRANCE

Quelle est la particularité du bouclier social ?La crise économique et sociale qui frappe notre Régionest violente. Il faut l’affronter en agissant. Nousavons la responsabilité d’engager l’Île-de-France surla voie du progrès social, économique et écologiqueen privilégiant le dialogue et le rassemblement.C’est tout le sens du bouclier social que nous met-tons en œuvre. La confiance économique appelledes mesures justes, des décisions partagées et uneambition collective. C’est en restaurant des pers-pectives d’avenir que nous pourrons répondre auxinquiétudes et aux espoirs.

Les mesures dévoilées seront-elles suiviesd’autres volets ?J’ai lancé quatre chantiers d’envergure. Le premierpropose un nouveau parcours d’aide à l’autonomiegrâce à l’adoption d’un « Pass contraception » (undispositif initié en Poitou-Charentes l’été dernier, ndlr) etde l’aide régionale à l’acquisition d’unemutuelle étu-

diante. Le deuxième repose sur la conversion écolo-gique et sociale du tissu productif régional. Noussouhaitons également répondre aux urgences so-ciales et territoriales que sont l’accès à la santé, le lo-gement et les déplacements. Le plan de mobilisationpour les transports, porté par la Région et les dépar-tements, en sera la pierre angulaire. Enfin, nousfavorisons la production et la diffusion des connais-sances, des compétences et des savoirs.

Quelle est l’ambition de la Région à traversces mesures d’accompagnement ?Nous savons tous combien la reproduction des iné-galités est forte si l’action publique ne cherche pasà les réduire dès qu’elles se créent. C’est la raisond’être de ces mesures. Toutes obéissent à un mêmeobjectif : garantir au plus grand nombre l’accès à denouveaux droits pour que tous puissent vivremieux, avec des contraintes moins pesantes et uneconfiance plus forte.

« Engager la Région sur la voiedu progrès social, économiqueet écologique »

3 questions à

L’Île-de-France dévoileson bouclier socialPremière région d’Europe, l’Île-de-France a présenté son projet d’accompagnementsocial. Un ensemble demesures axées sur l’aide aux personnes handicapées, la priseen charge du vieillissement de la population et la lutte contre la précarité.

«UNE POLITIQUE QUI FAITDE LA RÉGION UN

VÉRITABLE LABORATOIREDE L’INNOVATION SOCIALE »

Laure LechatellierVice-présidente du Conseil régional d’Île-de-France

PHOTORODERIC/DEVISU

PHOTOAFP

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Cheveux poivre et sel,regard sombre, porta-ble à lamain (enmodevibreur) costume bleu-marine et les pieds

bien calés contre la table basse deson bureau de l’Assemblée natio-nale. Hervé Morin se veut serein.En tout cas, c’est l’image qu’il veutdonner. Sourire qu’il veut enjô-leur. Morin a du mal à cacher unenervosité à fleur de peau, unesourde colère !Et s’il explosait ; laissant librecourt à ce qu’il a sur le cœur…Sarkozy, Borloo, Bayrou, Coppé etles autres en prendraient pourleur grade. Mais l’ancien ministrede la Défense est un homme po-licé. Il connaît trop bien les règlesdu jeu. Il ne dira rien ou presque.Il sait que la vie politique est in-juste. Un champ de ruine, d’égoset d’ambitions brisées.Morin fait mine d’y croire encoreet toujours. Bien que ses chancesse réduisent comme peau de cha-grin depuis que Borloo a rebattules cartes. « Il a de l’avance surmoi, plus de notoriété. Il est plusdans la vie des Français que je le

suis…Mais rendez-vous à la fin del’année » ajoute-t-il avec un sou-rire qui se veut carnassier.En attendant, le président duNouveau centre poursuit son tourde France. Il écume tous les pla-teaux de France 3 Régions. Cettesemaine Carcassonne, Castelnau-dary, Reims etc. Un agenda pro-vincial. Inlassablement, il explique,

défend son projet d’une société dela reconnaissance. « Chacun doitêtre considéré, respecté et re-connu à tous les niveaux de lasociété. » Hervé Morin a des idéessur tout. Il veut transformer lesystème éducatif en profondeurprécise-t-il. Objectif : éradiquerl’illettrisme. Il rêve d’une Europefédérale, à partir de la France et del’Allemagne. Il plaide pour unestabilité juridique : « Arrêtez dechanger les textes à tout bout de

champ ! ». Il s’offusque que l’ad-ministration n’applique pas lestextes d’un département à l’au-tre… Il imagine nommer unefemme à Matignon !Côté cuisine politicienne, il en-rage que l’UMP ait fagocité le cen-tre. Bayrou ? « C’est plus personne– et il ajoute, perfide – c’est terri-ble, non ? »

À l’Élysée, on n’a pas appréciéses velléités de candidature pour2012 . Cela lui a coûté son postede ministre et une solide inimitié.Désormais, Morin tire à bouletsrouges sur le Président. « Sarko abeaucoup de mal à conserver lesrepères. Un comportement desouverain autoritaire peu enclinau dialogue. »De son passage rue Saint-Domi-nique, il se souvient « ne pas avoirété brimé ou marqué à la

culotte, pour mettre en œuvre laréforme colossale dont les Arméesavaient besoin. Discussions,consultations, c’est maméthode…Cela fait moins de bruit de fermerun régiment qu’un tribunal d’ins-tance ! » il avoue avoir eu en troisans et demi peu de relation avecMatignon. François Fillon appré-ciera. Il s’arrête, consulte son télé-

phone. Son visage se ferme.Visiblement ce SMS l’irrite.Ce week-end, à Versailles, il aréuni les cadres du Nouveau cen-tre. Au programme : l’adhésion deson parti à la Confédération descentres. « Nous, on crée une dy-namique et on veut jouer collec-tif. » Tout un programme.Hervé Morin tombe enfin lemasque. Il suffit de lui parler dechevaux. Le propriétaire qu’il ests’enflamme, trouve les mots justes

pour décrire sa passion. Passiontransmise par son père. « C’estune telle émotion quand votrecheval gagne, c’est indescripti-ble. » La politique, il le sait, c’estune sacrée course d’obstacles. Àcheval sur le centre, Morin vou-drait aller jusqu’au bout du par-cours. Et puis arrêtez de lui parlerde Borloo qui, lui, chevauche leParti radical. Couplé gagnant ?

Jean-FrançoisCoulomb des Arts

Focale

HERVÉ MORIN

«Arrêtez demépriser les Français ». Un cri du cœur ?Non, le titre du livre que vient designer l’ancienministre de la DéfenseHervéMorin, aujourd’hui simple député de l’Eure.Un livre règlement de comptes,mais aussi un livre programme.

Le Nouveau centre décentré

3 dates

19805 avril : le jourde la rencontre

avecmapremière femme.

199520 janvier :Inauguration du

pont deNormandie, et naissancede Clémentine et de Raphaël

2008 15 novembre :Naissance de Jules

avecma compagne actuelle.

PHOTOMIGUELMEDINA/AFP

8 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011

«SARKO A BEAUCOUPDEMAL À CONSERVER LESREPÈRES.UNCOMPORTEMENTDESOUVERAIN

AUTORITAIRE PEUENCLINAUDIALOGUE»

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Quelestlediagnosticétabliparvotrecommission sur les causes qui ontconduit audrameduMediator?La responsabilité première est celledes laboratoires Servier. Ils ont dé-ployé les plus grands stratagèmeset de l’habileté pour dissimuler lavérité sur la dangerosité de la mo-lécule. La seconde chose à déplo-rer est la bureaucratie sanitaire etla lourdeur administrative qui ontempêché de lancer à temps une vé-ritable alerte. Le troisième pointqui introduit un grand troubledans ce dossier concerne les rap-ports de proximité avec l’industriepharmaceutique. Ces rapports dé-montrent que les règles concer-nant la gestion des commissions,et notamment les liens d’intérêtn’étaient pas respectées. À plu-sieurs occasions le rapport del’Igass le démontre, et l’attituded’un certain nombre d’acteurs esttroublante. On ne peut pas expli-quer, sur la durée et face à la mul-titude des occasions manquées derévéler la vérité, qu’il s’agit simple-ment d’incompétence. Nous nesommes pas des juges instructeurs,mais ces éléments donneront ma-tière à interroger un certain nom-bre de ces acteurs passés ou présentset notamment les responsables del’Afssap qui avaient la charge de cedossier, lorsque celui-ci viendra àl’instruction. Nous pensons aussique des protections ont pu être as-surées par certains intervenants dece dossier au profit du laboratoire.Mais, sur ce dernier point, on nepeut qu’exprimer des doutes etsouhaiter une enquête sérieuse.

Comment tout celaa-t-il pudurerplusde trenteans?C’est bien la preuve qu’il ne s’agitpas simplement d’un problèmed’incompétence. D’une manièregénérale, il y a aussi un problèmede positionnement par rapportaux médicaments et à leur autori-sation. On avait laissé s’installerune situation dans laquelle la misesur le marché était un droit, et ducoup il devenait extrêmement dif-ficile de retirer un produit. Il fallaitavoir des preuves avérées. Si on nerecherche pas les effets secondaires,même les plus marginaux, on seretrouve dans une situation qui aubout du compte peut provoquer

des dégâts sanitaires qui s’étalentsur trente ans. C’est le même casactuellement pour un autre médi-cament, l’Actoss, qui est pointé dudoigt depuis 2009 aux USA. Onobserve à ce propos une augmen-tation du nombre de notifications

des cancers de la vessie. La com-mission de pharmacovigilanceconsidère qu’il faudrait suspendreimmédiatement ce médicament,mais la commission de mise sur lemarché affirme qu’il n’y a pas en-core suffisamment de preuves desa dangerosité. On se retrouvedans une même situation deconflit entre ces deux organismes.

Quepréconisevotre commissionpourassurer une transparencedans ledomainedumédicament?La transparence doit être faited’abord sur l’accès à l’informa-tion. Qu’il y ait des comptes-ren-dus clairs et que tout soit indiquésur la nature des votes des per-sonnes qui y participent. Depuistrès peu, l’Afsssaps a mis en ligneles vidéos de ses réunions. Mais latransparence ne suffit pas. Il fautaussi assurer l’aspect contradic-toire de l’expertise. Si on n’a dansces commissions que des per-sonnes qui ont la même culture,le débat contradictoire disparaitau profit de ce que l’on appelle ladémarche consensuelle.

Cette démarche contradictoire doitaussi être menée avec des espritscritiques au sein de ces commis-sions. Et généralement dans ces cé-nacles, on n’aime pas les espritscritiques. La preuve : les attaquesdont Irène Frachon avait fait l’objet

de la part de la commission d’auto-risation de mise sur le marché.

Est-cequecettedémarcheserasuffisantepour assurer plusde transparence?Non bien sûr. Il faut que le fonc-tionnement de ces structures évo-lue.

Quepensez-vousdesdéclarationsdePhilippeEvenqui considèrequeleministrede la santé s’est renducoupabledecomplicitéde2000homicides?Leproposnevousparait-il pasexcessif ?Philippe Even* a voulu surtoutlancer le débat. La vérité estqu’après le drame du sang conta-miné, on a cru pouvoir dormir surses deux oreilles du côté politiquesous prétexte que l’on avait confiéà des agences sanitaires la respon-

sabilité de la mise sur le marchéou du retrait. On s’aperçoit tout àcoup que ce système a dysfonc-tionné. Even disait régulièrementque l’on pouvait avoir de nou-veaux drames et il avait raison.Lors de son audition à l’Assem-blée nationale, il nous a rappeléqu’il avait fallu ce drame du Me-diator pour que l’on prenneconscience de ces dysfonctionne-ments. Il a souligné à juste titre latrop grande prégnance de l’indus-trie pharmaceutique sur les auto-risations de mise sur le marché.

Commentvotremissionparlementaire peut-elle apporterdes solutionset comment limiterlepouvoir de l’industriepharmaceutique?Il faut rééquilibrer les choses. Il n’yavait pas jusqu’ à présent de repré-sentant des patients dans ces com-missions ou des esprits critiquesen capacité de contrebalancer.Dans ces commissions, les expertstravaillaient avec l’industrie phar-maceutique, chacun dans son do-maine. Depuis peu à l’Afssaps, leLEEM** qui représente l’industriepharmaceutique ne participe plusde façon systématique à ces com-missions. Il y a donc une avancée.

Mais Il reste beaucoup à faire pouréviter les conflits d’intérêts.Aux USA, les lobbys sont présentsmais en toute transparence. Cheznous, ils étaient présents maissans aucune transparence.Cette transparence et le débatcontradictoire sont les conditionsd’une plus grande crédibilité quifera en sorte que l’opinion pu-blique ait de nouveau confiance.

Est-cequecesera suffisantpour éviter toutnouveaudramesanitaire?Nul système n’est parfait. Le mé-dicament reste une substancetoxique parce qu’étrangère. Il fautévaluer le risque par rapport au bé-néfice pour le patient. Le médica-

ment n’est pas un bonbon. Il y aune réalité incontournable. Il y ades risques. Il faudrait améliorer laloi Kouchner sur l’indemnisationdes accidents médicaux. Lors dedrames sanitaires, il faudrait pou-voir mettre en place des actions degroupe, pour qu’il puisse y avoirdes démarches collectives sur la re-connaissance d’une responsabilitéd’un laboratoire dans ces dégâts.L’appréciation du dégât devantêtre faite individuellement.

Votre commissionva-tellepréconiser une réformepluscomplètede l’Afssaps?On peut toujours bouleverser toutle jeu. Mais il y a à l’heure actuelledes dysfonctionnements internesqui pourraient se reproduire dansd’autres structures, si on ne traitaitpas d’abord les causes. Ce n’est pasen changeant l’enveloppe que lecontenu changera. Il faut qu’ilpuisse y avoir des ajustements.Une refonte de tout le système neserait pas la solution et la missionparlementaire ne s’oriente pasdans cette voie. Les propositionsn’ont pas encore été abordées.Il y aura un projet de loi ou desmo-difications législatives. On nous an-nonce pour l’instant un projet de

loi de finance rectificative pour in-demniser les victimes duMediator.Le vœu que je formule est que ladémarche engagée au Tribunal deNanterre, qui devrait donner lieu àun premier débat contradictoire enseptembre et octobre, puisse avoirlieu sans dépaysement avec regrou-pement au TGI à Paris. On en au-rait pour plusieurs années avantqu’un tribunal ne statue. La notionde tromperie aggravée par un labo-ratoire doit être jugée. Il y a suffi-samment d’éléments pour cela.

Propos recueillispar Joël Genard

*Présidentde l’InstitutNecker**LeLEEMregroupe lesentreprise

dumédicament

NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011 L’HÉMICYCLE 11

Expertise

Mediator : les liaisonsdangereusesde lapolitiqueetde lapharmacieAprès avoirmis en évidence une consanguinitémalsaine entre certains laboratoirespharmaceutiques, et les politiques, lamission d’information sur leMediator entend faireun certain nombre de propositions pour renforcer le systèmede contrôle et d’évaluationdumédicament. Pour en parler, son président, Gérard Bapt, a des accents de procureur.

«EN FRANCE LES LOBBYS ÉTAIENT TRÈS PRÉSENTSMAIS SANS AUCUNE TRANSPARENCE »

GÉRARD BAPTPRÉSIDENT DE LA MISSION D’ENQUÊTE SUR LE MEDIATOR

Gérard Bapt.DéputéPSdeHaute-Garonne. PHOTOERIC CABANIS/AFP

Lesassureurs fontpour l’instantprofil bas sur ce sujet très sensible.Est-ceaussi votreposition?Notre groupe n’est ni sourd auxattentes des Français, ni muet ausujet de la dépendance. Après avoircréé en 1985 le premier contratd’assurance dépendance en France,Safir, nous avons décidé, sans atten-dre les arbitrages gouvernemen-taux, de faire bouger les lignes enlançant en 2010 un nouveau pro-duit d’assurance-dépendance àfonds non perdus. Ce produit, enphase avec les attentes des assurés,s’ajoute à l’aide personnalisée d’au-tonomie (APA). Pour autant, la priseen charge actuelle de la dépendanceest largement perfectible. À cettefin, nous participons activement àdes groupes de travail au sein de laFFSA, du CTIP et nous mettonsnotre expertise au service des pou-voirs publics. Nos 25 années d’ex-périence en assurance dépendancenous donnent le recul et la techni-cité nécessaires.

Quel rôledoiventaujourd’hui jouerlesorganismesdeprévoyance,les entreprisesd’assuranceet lesmutuellesdans le financementde ladépendance?Dans lamesure où il existe unepres-tation publique, l’APA, les orga-nismes d’assurance doivent s’inté-grer dans le partenariat public-privéavec des solutions qui complètentle système de solidarité nationale.Le coût de la dépendance est actuel-lement estiméà2500eurosparmois.Il est àmettre au regardd’une retraitemoyenne de 1200 euros à laquelles’ajoute l’APA (500 euros). Seuls lessoins sont pris en charge par la Sécu-

rité sociale et la complémentairesanté alors que l’accompagnementà domicile de la personne dépen-dante ou le coût d’un établissementmédicalisé représentent des postestrès lourds. Ce reste à charge de800 euros pourrait être financé parles différents intervenants privés.

Celadoit-il passerpar uneaideetune incitation fiscalepourquelesFrançais souscriventàce typedecontratsdépendance?L’incitation fiscale à l’entrée ou àla sortie est indéniablement unedes clés du succès du futur modede prise en charge. Les Français

ont montré qu’ils étaient prêts àprendre en charge leur protectionsociale, à condition qu’ils y trou-vent une contrepartie financière.J’en veux pour exemple la loiMadelin qui a admirablement jouéson rôle en permettant aux travail-leurs non salariés (indépendants,

libéraux, etc.) de bénéficier d’unecouverture en prévoyance tout endéduisant leurs cotisations. Samiseen place a été un véritable succès.

Cemarché représente-t-ilpour vousuneldorado?Sûrement pas. Avant d’être unmar-ché, il s’agit d’abord et avant toutd’un problème de société majeur.La dépendance se caractérise par sacomplexité car le risque à couvrirest un risque long - l’âge d’entréemoyen en dépendance est de83 ans – et bien rares sont ceux quien maîtrisent les contours. C’est

un marché attentiste à la crois-sance lente, 3 % par an, et auxrésultats financiers incertains. Bienque l’allongement de la durée devie puisse laisser espérer un renfor-

cement de la demande, nous necroyons pas à une explosion. Ladépendance est un sujet anxiogènedont on parle difficilement. Unecertaine pudeur et la réticence à enparler en famille expliquent en par-tie le manque d’anticipation. Or,la solidarité familiale ne peut, seule,y faire face.

Propos recueillispar Joël Drange

10 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011

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La dépendance constitue le dernier grand dossier du quinquennat deNicolas Sarkozy.Le débat est lancé et un projet est attendu cet été. Réflexions d’André Renaudin, directeurgénéral d’AG2R LAMONDIALE, un groupe de protection sociale très impliqué depuis 1985dans l’assurance dépendance.

«LES FRANÇAIS ONTMONTRÉQU’ILS ÉTAIENTPRÊTS À PRENDRE ENCHARGE LEUR PROTECTION

SOCIALE, À CONDITIONQU’ILS Y TROUVENTUNECONTREPARTIE FINANCIÈRE»

«LADÉPENDANCE EST UN SUJETANXIOGÈNEDONTON PARLE

DIFFICILEMENT. OR, LA SOLIDARITÉFAMILIALE NE PEUT, SEULE,Y FAIRE FACE»André Renaudin

DR

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EXPERTISEMazars est un groupe international d’audit et de conseil qui rassemble les compétences de 13 000 professionnels présents dans 61 pays.

Grâce à ses équipes pluridisciplinaires, Mazars accompagne les grandes sociétés internationales et les PME

dans/à toutes les étapes de leur développement : création, gestion, développement, cotation, transmission,

expansion internationale, fusions…

laquelle elle évolue et a toujours eu la volonté de s’impliquer dans le débat d’idées.

C’est dans cet esprit qu’en 2004 Mazars a créé avec L’Hémicycle des rendez-vous privilégiés, réunissant personnalités politiques et dirigeants d’entreprises

juridiques ou encore l’attractivité du territoire.

vous donner rendez-vous dans ces pages pour de prochaines rencontres autour d’invités passionnants.

Au cours de la décennie1990-1999, l’écart d’espé-rance de vie entre les

cadres, d’un côté, et les ouvriers,de l’autre, était de 7 ans pour leshommes et de 3 ans pour lesfemmes. L’inégalité sociale de santén’est malheureusement pas unesurprise. Ce qui en revanche estmoins connu, c’est qu’au cours dela période 1988-1992, l’espérancede vie masculine était de 68,4 ansdans la zone d’emploi la plus malclassée et de 78,4 ans dans lamieuxclassée. Dix ans d’écart : c’est l’iné-galité territoriale de santé.Cette simple comparaison in-dique que ces inégalités territo-riales de santé sont au moins aussiprofondes, dans la France d’au-jourd’hui, que les inégalités so-ciales de santé qui ne cessent des’aggraver.D’abord, sous l’effet de la crise éco-nomique qui frappe inégalementles territoires, mais aussi en raisonde la concentration de l’offre desoins dans certaines zones et deleur dispersion dans d’autres.C’est ce que démontre l’ouvragetrès documenté d’Emmanuel Vi-gneron, géographe de la santé, àl’origine du concept de « territoirede santé ».« Les inégalités sociales de santé sont,bien avant tout, des inégalités sociales,et les résorber est un défi important »,constate-t-il. « Pour s’attaquer à ceproblème, l’approche territoriale estune manière pragmatique de commen-cer à le résoudre. » C’est d’ailleurs ceque prévoit la loi Hôpital patientssanté et territoires.

Un constat et des révélationsCette étude dresse un constatpréoccupant de la France d’au-jourd’hui. De nombreux habitantsvivent en marge des centres ur-

bains et donc du dynamismesocio-économique et des revenusqu’ils génèrent : zones rurales re-culées ou banlieues déshéritées.Aux problèmes de l’accessibilitééconomique aux soins, se mêlentceux de l’accessibilité géogra-phique.

La mortalité prématurée (c’est-à-dire avant 65 ans), qui avait pour-tant régressé, se dégrade à nouveauen Bretagne, en Haute-Normandie,en Picardie, en Lorraine, dans leNord, les Ardennes et le Cantal. Elles’accentue aussi de manière préoc-cupante dans l’Ouest intérieur, le

Midi méditerranéen et en Corse.L’accès aux soins devient au-jourd’hui plus difficile qu’hierdans certains territoires, pour troisraisons essentielles : la dégradationde la situation économique, unerépartition déséquilibrée des pro-fessionnels de santé, unemauvaise

organisation de la prévention et del’éducation pour la santé.

Des propositions concrètesDans son étude, Emmanuel Vi-gneron présente et analyse denombreuses études inédites, maisavance aussi 26 propositions

concrètes, de portée locale, régio-nale ou nationale, visant à réduireces inégalités territoriales de santé.Ces propositions émanent d’ungroupe constitué de personnalitésqualifiées : experts, usagers, prati-ciens, administrateurs, élus locauxet nationaux. Ce groupe suggère

notamment de désenclaver lechamp de la santé pourmieux l’in-tégrer aux politiques publiques. Ilpropose également de conforterune offre médico-chirurgicale desoins courants dans les villesmoyennes par des rapproche-ments public/privé, ou encore

d’identifier de nouveaux parte-naires en dehors du monde de lasanté et de constituer avec eux desréseaux de relais locaux.

En finir avec la « double peine »« La solution, révolutionnaire, dechangement brutal de la société vi-

sant à supprimer les inégalités nemarche pas. Une approche réformisteet pragmatique des problèmes seraplus efficace. Si on localise une diffi-culté, on peut la circonscrire, on peutla comprendre et, donc, s’y attaquerplus facilement », explique Emma-nuel Vigneron. « D’autant plus que

si des inégalités ont parfois des causescommunes, leurs conséquences sontdifférentes selon les territoires ».Cette étude sur les inégalités terri-toriales de santé est, pour sonauteur, « le fruit d’une réflexion de30 ans ». 30 ans de travail, d’ob-servation et de convictions.Si cet ouvrage n’avait qu’uneseule ambition, ce serait d’en finiravec la « double peine » des iné-galités territoriales de santé quis’ajoutent aux inégalités sociales.

Joël Genard

LesFrançaisdoublement inégauxdevant l’accèsauxsoins

«AUX PROBLÈMES DE L’ACCESSIBILITÉ ÉCONOMIQUE AUX SOINSSEMÊLENTCEUXDE L’ACCESSIBILITÉ GÉOGRAPHIQUE»

À l’inégalité sociale s’ajoute l’inégalité territoriale. Dans un rapport qu’il vientde rendre public, Emmanuel Vigneron, spécialiste de la politique de santé,avance 26 propositions pour réduire cette double inégalité.

Expertise

Professeur des Universités,Emmanuel Vigneron a étéDirecteur scientifique du Groupede prospective santé et territoiresde la DATAR, puis conseillerscientifique dumême organisme.Responsable du groupe santéde l’Association des auditeursde l’Institut des hautes étudesde l’aménagement et dudéveloppement durable desterritoires, ancienmembredu Haut conseil de la santépublique, il consacre sa carrièreà la promotion de l’approcheterritoriale des questions de santé,et est ainsi à l’origine du conceptde « territoire de santé ».

« Les inégalités de santé dansles territoires français. État deslieux et voies de progrès »,Éditions ElsevierMasson.

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011

Emmanuel Vigneron.«Les inégalités territoriales sontaussi profondesque les inégalités socialesdesanté.»

HÉLÈNEVASSAL

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14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011

Inclassable : c’est l’adjectif qui luiallait le mieux. Inclassable, etnéanmoins fidèle, ainsi était

Bernard Stasi. Fidèle au sens de ladémocratie lorsqu’il fut, beaucoupl’ont oublié, tout juste entré au gou-vernement, démis de ses fonctionsde ministre des Départements etterritoires d’outre-mer, en 1973,pour avoir simplement condamnéle coup d’État du général Pinochetau Chili et la mort tragique de Sal-vador Allende.Fidèle à l’humanisme de sa jeu-nesse, lui qui, fils d’immigré his-pano-italien, a été le premier, alorsdans l’opposition, à publier en 1984un essai remarqué par la gauche,boudé par la droite, sur l’immigra-tion, dont il écrivait qu’elle étaitune chance pour la France.Fidèle à ses convictions laïques,quoique démocrate-chrétien,lorsqu’il fut chargé par JacquesChirac d’un rapport sur le port duvoile à l’école : il y défendit à la foisla neutralité de la République, etson obligation d’affirmer des règlesstrictes pour qu’il soit possible devivre en commun dans une sociétéplurielle.Fidéle à François Bayrou, dont il asoutenu la candidature en 2007,alors même qu’il voyait le

MODEM s’étioler. Non qu’il man-quât de recul ni de distance vis-à-vis des événements, encore moinsde sens critique, mais il ne lui pa-raissait pas convenable d’abandon-ner le président de l’UDF après queles trois quarts de ses troupesavaient choisi, cinq ans aupara-vant, de déserter pour rejoindre lepuissant parti unique, l’UMP, dontJacques Chirac avait voulu la nais-sance.À Épernay, dont il était le député-maire, il perdit son siège pour avoir

imprudemment vanté, et voté, la loiÉvinhostile à la publicité sur l’alcool.De cette défaite seulement, il gardalongtemps une blessure secrète.Jacques Chirac, son ancien condis-ciple à l’ENA, qui l’aimait bienmal-gré, ou peut-être à cause de, sonindépendance d’esprit et sa libertéde comportement, en avait fait unmédiateur de la République, postequ’il occupa longtemps, de 1998 à

2004, en manifestant la même at-tention aux faibles et aux puissants.Ainsi, donc, était Bernard Stasi. Enapparence d’une éternelle bonnehumeur, jamais pressé, comme s’ilavait le temps pour lui dans unmonde politique où personne n’ade temps pour les autres, il avaitdes convictions qu’il savait défen-dre âprement, tout en gardant lesourire.Il n’a pas eu la carrière politiquequ’il méritait. Cela ne l’étonnait nine l’attristait : il n’a jamais levé le

petit doigt pour l’avoir. Dans l’uni-vers bipolaire qu’est devenu, annéeaprès année, le système présiden-tiel, il s’est sans cesse occupé, àcontre-courant, de rechercher leconsensus. Bataille politiquementperdue d’avance : c’est précisémentcet échec, qui, au jour de sa mort,apparaît comme sa plus granderéussite et vaut qu’on lui rendehommage.

«IL N’A PAS EU LA CARRIÈREPOLITIQUE QU’IL MÉRITAIT.

CELA NE L’ÉTONNAIT NINE L’ATTRISTAIT »

BernardStasi : le courage de direPar Michèle Cotta

PatrickRoy : lavieétait vraimentbelle…

Il se savait condamné. Il a cru il ya un mois encore pouvoir prolon-ger cette vie qui le fuyait, multi-pliant ses participations à tous lescombats de ceux qui luttentcontre le cancer. Le colosse à lavoix de stentor, qui ne commen-çait jamais une intervention à

l’Assemblée sans qualifier le mi-nistre de l’Emploi de « ministredu Chômage », était, depuis dessemaines, l’ombre de lui-même.Mais une ombre qui le grandis-sait. Le maire de Denain, ville ou-vrière meurtrie par la crise, étaitplus que jamais la voix des pau-

vres et des sans-grades. Il étaitaussi devenu la voix des maladesdont le courage a été salué par sescollègues députés, debout sur tousles bancs, saisis par une réelle ettrès profonde émotion. PatrickRoy était une belle personne.

Robert Namias

Françoise Olivier-Coupeau n’a jamais lâché prise, jamaisne s’est résignée dans son combat contre la maladie.Elle détestait par-dessus tout lesectarisme et la vindicte. Cettedimension humaniste était aucœur de son engagementsocialiste. Elle a toujoursdéfendu la conception d’unegauche républicaine ouverte ettolérante. C’était le fondementde ses combats pour l’égalitédes sexes et la protectionsociale. C’est l’image en toutcas qu’en garde Jean-MarcAyrault. Dans un communiquécommun avec la députée PSGisèle Biémouret, Mme Lebranchua fait part de son « immenseémotion ». « À l'Assemblée,son dynamisme, son humour,son travail, son efficacité et sesagacements nous manqueronttellement », déclarent-elles.Le président de l’Assembléenationale se souvient de« l’action d’une femme de conviction particulièrement attachéeà son département du Morbihan et à sa région ».Depuis son élection à l’Assemblée nationale en 2007, FrançoiseOlivier-Coupeau avait choisi de s’investir en tous domaineset particulièrement sur les questions liées à la défense et à laprotection de l’environnement, apportant à tous ses collèguesses connaissances en ces domaines. Joël Genard

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FrançoiseOlivier-Coupeau :l’humanismeet la tolérance

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EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 85 890¤. RCS : Paris 443 984 117.44, rue Blanche - 75009 Paris. Tél. : 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEURDELAPUBLICATIONBruno Pelletier ([email protected]). DIRECTEURRobert Namias ([email protected]) RÉDACTEURENCHEFJoël Genard([email protected]). ÉDITORIALISTESGérard Carreyrou, Michèle Cotta, Bruno Jeudy, Paul Lefèvre, Catherine Nay AGORA Ludovic Vigogne ONT COLLABORÉ À CE NUMÉROLudovic Bellanger, Jean-Louis Caffier, Jean-François Coulomb des Arts, Joël Drange, Nathalie Segaunes ÉDITIONEdit (Paris) MAQUETTEDavid DumandDIRECTRICECOMMERCIALEViolaine Parturier ([email protected])PARTENARIATSJuliette Boudre ([email protected]) IMPRESSIONRoto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89. Parution chaque [email protected] COMMISSIONPARITAIRE0413C79258 ISSN 1620-6479

Nucléaire encore, sécurité d’abordDeuxmois après l’accident de Fukushima,Nathalie Kosciusko-Morizet confirme que le choix dunucléaire doit s’accompagner d’une priorité absolue accordée à la sûreté et à la transparence.Pour laministre duDéveloppement durable, lemodèle énergétique français doit évolueret le nucléaire être complémentaire du renouvelable. Dialogue avec Jean-Louis Caffier.

Àdistance

Les anti-nucléaires qualifientde « catastrophe », « drame »ou « tragédie » l’accident deFukushima qui n’a pas faitune seule victime. Y a-t-il uneparanoïa anti nucléaire ?Attention. La catastrophe qui afrappé le Japon a entraîné la mortde plus de 20 000 personnes. Cesdécès ne sont pas liés à l’accidentnucléaire, mais celui-ci reste bienune catastrophe car il aura desconséquences environnementaleset sociales lourdes pour l’avenir. Ilest trop tôt pour savoir ce que se-ront toutes les conséquences sani-taires de l’accident.

Le nucléaire est-il en concurrenceavec les renouvelables ou avecles énergies fossiles ?Le nucléaire est complémentairedu renouvelable pour répondreaux enjeux du climat, de la sécu-rité d’approvisionnement et de lacompétitivité. Les énergies fossilesont, elles aussi, leur place. On a no-tamment besoin d’elles pour assu-rer la production d’énergie lorsdes pointes de consommation.

En revanche, si l’on sortait du nu-cléaire, cela se ferait surtout au bé-néfice des énergies fossiles et doncau détriment du climat.

« Sortir du nucléaire » vous paraît-ilun objectif prioritaire en matièred’énergie ?Le Président de la République aréaffirmé le choix du nucléaire. Il aégalement clairement affirmé quece choix ne peut s’accompagnerque d’une priorité absolue accordéeà la sûreté et à la transparence.

La France veut renforcer la sécuritésur lescentrales.Dequellemanière?Le Premier ministre a demandéà l’Autorité de sûreté nucléaire(ASN) de mener des audits surl’ensemble de nos installationsnucléaires civiles. L’audit porteranotamment sur plusieurs points :les risques d’inondation, lesrisques sismiques, la perte des ali-mentations électriques, la pertedes systèmes de refroidissement, lagestion opérationnelle des situa-tions accidentelles et les condi-tions de recours aux entreprisesprestataires. Des mesures de ren-forcement pourront être prises.

Comment répondre aux demandessur « plus de transparence »concernant le nucléaire ?Depuis l’apparition de la filièrenucléaire, la situation a énormé-ment évolué en France. Nousavons mis en place avec l’ASN unvéritable gendarme du nucléaire,qui contrôle les sites et peut déci-der leur fermeture en cas de dan-ger grave et imminent. Le Hautcomité pour la transparence et

l’information sur la sécurité nu-cléaire (HCTISN) est aussi un for-midable instrument de débats etde diffusion de l’information.C’est également le cas des Com-missions locales d’information(CLI) autour de chaque site nu-cléaire. Nous pouvons toujoursprogresser : le Président de la Ré-publique a annoncé le 2 mai unesaisine de la Cour des comptespour évaluer le coût de la filièrenucléaire, dont celui du démantè-lement.

L’après Fukushima va-t-ilprovoquer une augmentationdu prix de l’électricité d’originenucléaire en France ?Les prix de l’énergie vont monterpartout dans monde : la croissancedes pays émergents soutient la de-mande mondiale en énergie fossileet les perspectives de développe-ment des énergies les moins oné-reuses comme l’hydraulique ou lenucléaire sont limitées. En France,les prix vontmonter aussi pour faireface aux besoins d’investissementdans nos réseaux de transport etdistribution, dans le développementdes énergies renouvelables, des éner-gies fossiles pour la pointe deconsommation et enfin pour le parcnucléaire. Il n’y a pas d’augmenta-tionduprix de l’énergie prévue suiteà l’accident de Fukushima. Mais ilfaut être conscient que si l’on veutdes centrales de plus en plus sûres, ilfaut qu’EDF continue à investir.

Prix du baril, remise en cause dunucléaire, énergies renouvelableslimitées, sommes nous entrés dansune crise énergétique majeure ?Ce n’est pas une crise mais plutôt

un changement de paradigme.À l’origine, on avait une énergieabondante, bon marché que l’oncroyait inépuisable. On s’aperçoitmaintenant qu’il y a des tensionssur la demande et des exigencesenvironnementales. Notre modèleénergétique doit évoluer. C’est l’ob-jet de la politique que nousmenonsdepuis 2007 sur le développementdes énergies renouvelables et lamaîtrise de la demande de l’énergie.

Un débat sur l’énergie s’impose.Comment peut-il s’organiseret à quel niveau, franco-français,européen ou mondial ?La priorité reste la gestion de l’ac-cident au Japon et le renforcementde la sûreté. Je réunis d’ailleurs le7 juin les ministres chargés de lasûreté nucléaire des principauxpays nucléaires pour discuter depropositions concrètes.Par ailleurs, le Président m’a de-mandé de mettre en place un pland’action pour améliorer notre effica-cité énergétique. L’efficacité énergé-tique et la maîtrise de la demande,c’est du gain sur la facture des mé-nages et du gain de compétitivité

pour nos entreprises. C’est aussi unformidable levier de croissance etd’emploi pour la France des entre-prises. Je lancerai les travaux dansles prochaines semaines.

Le Syndicat des énergiesrenouvelables affirme queles objectifs du Grenelle(23 % de renouvelables en 2020)ne pourront pas être atteintssans efforts supplémentaires.Que répondez-vous ?Nos objectifs sont ambitieux maisaccessibles. Nous avons pris untournant sans précédent, à traversun ensemble de moyens. Nousavons notamment décidé delancer un ambitieux programmed’éolien en mer, pour déployerd’ici 2020, 6000 MGW d’éo-liennes et faire de la France un lea-der dans les énergies marines. Plusde 2 milliards ont été prévus poursoutenir les énergies nouvelles.Bien sûr beaucoup reste à faire.Mais avec une forte volonté poli-tique et un maintien de l’effort,l’objectif est à notre portée.

Propos recueillispar Jean-Louis Caffier

«LES PRIX DE L’ÉNERGIEVONT MONTER PARTOUT

DANS LE MONDE. EN FRANCE,CE SERA UNE NÉCESSITÉ POURFAIRE FACE AU BESOIND’INVESTISSEMENT »

STEPHANEDESAKUTIN/AFP

NUMÉRO 408, MERCREDI 11 MAI 2011 L’HÉMICYCLE 15

Page 9: l'Hémicycle - #408

Plus de 138 millions de personnestravaillent hors de leur pays de naissance.Bienvenuedans un monde d’opportunités.

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