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I l n’y pensait pas tous les matins en se rasant, mais il y croyait depuis longtemps. Premier secrétaire du PS en 2007, sa candidature était logique, mais les circonstances politiques de l’époque en ont décidé différemment. François Hollande en a conçu sans doute une certaine amertume et quelques regrets. Mais le passé est le passé, et rien n’indique qu’avec le député de Corrèze la gauche l’ait emporté il y a cinq ans face à Nicolas Sarkozy. On épiloguera longtemps sur les raisons multiples de l’échec de ce dernier, mais parmi celles-ci le rejet de la personnalité et le mode de gouvernance du Président sortant ne sont pas pour rien dans le vote des 51,6 % des électeurs qui ont choisi de mettre dans l’urne un bulletin au nom du candidat socialiste. Si l’on ajoute que la crise de 2008 a contribué de manière décisive à « sortir le sortant », on constate que ce qui était possible dimanche ne l’était pas par définition en 2007. Il n’empêche, la victoire de François Hollande n’est pas seulement un succès par défaut. C’est l’incontestable réussite d’un homme qui s’est imposé comme un successeur d’abord possible, ensuite naturel et finalement logique dans un contexte politique qui n’a cessé de se transformer au fil des mois. La droitisation du Président Sarkozy en a fait un président politique- ment affaibli, et plus fortement encore que le résultat de cette élection ne le laisse apparaître. Depuis longtemps déjà, le rapport de forces militait en faveur d’une alternance. Non parce que la gauche fut majori- taire, mais parce que la droite qu’a progressivement incarnée Nicolas Sarkozy était elle-même devenue minoritaire au sein de son propre camp. > Lire la suite p. 4 Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias www.lhemicycle.com NUMÉRO 446 — MERCREDI 9 MAI 2012 — 2,15 ¤ CHRIS PEUS Philippe Manière > Jacques Attali > P. 2 MEHDI FEDOUACH/AFP Au sommaire Tout dans la tête par Nathalie Segaunes >p. 4 Un dimanche à l’heure du bilan par Michèle Cotta > p. 5 Les communes sous basse tension par Joël Genard > p. 10 Xavier Bertrand ou les trois visages du gaullisme par Éric Fottorino >p. 15 Autrement par Robert Namias PATRICK KOVARIK/AFP

l'Hémicycle - #446

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l'Hémicycle numéro 446 du mercredi 9 mai 2012 Au sommaire : - Tout dans la tête par Nathalie Segaunes >p. 4 - Un dimanche à l’heure du bilan par Michèle Cotta >p. 5 - Les communes sous basse tension par Joël Genard >p. 10 - Xavier Bertrand ou les trois visages du gaullisme par Éric Fottorino >p. 15

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Page 1: l'Hémicycle - #446

Il n’y pensait pas tous les matins en se rasant, maisil y croyait depuis longtemps. Premier secrétairedu PS en 2007, sa candidature était logique, maisles circonstances politiques de l’époque en ont

décidé différemment. François Hollande en a conçusans doute une certaine amertume et quelques regrets.Mais le passé est le passé, et rien n’indique qu’avec ledéputé de Corrèze la gauche l’ait emporté il y a cinq ansface à Nicolas Sarkozy. On épiloguera longtemps sur lesraisons multiples de l’échec de ce dernier, mais parmicelles-ci le rejet de la personnalité et le mode degouvernance du Président sortant ne sont pas pourrien dans le vote des 51,6 % des électeurs qui ont choiside mettre dans l’urne un bulletin au nom du candidatsocia liste. Si l’on ajoute que la crise de 2008 a contribuéde manière décisive à « sortir le sortant », on constate

que ce qui était possible dimanche ne l’était pas pardé fi nition en 2007. Il n’empêche, la victoire de FrançoisHollande n’est pas seulement un succès par défaut. C’estl’incontestable réussite d’un homme qui s’est imposécomme un successeur d’abord possible, ensuite naturelet finalement logique dans un contexte politique qui n’acessé de se transformer au fil des mois. La droitisationdu Président Sarkozy en a fait un président politique-ment affaibli, et plus fortement encore que le résultatde cette élection ne le laisse apparaître. Depuislongtemps déjà, le rapport de forces militait en faveurd’une alternance. Non parce que la gauche fut majori-taire, mais parce que la droite qu’a progressivementincarnée Nicolas Sarkozy était elle-même devenueminoritaire au sein de son propre camp.

> Lire la suite p. 4

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

www.lhemicycle.com NUMÉRO 446 — MERCREDI 9 MAI 2012 — 2,15 ¤

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Au sommaire • Tout dans la tête par Nathalie Segaunes > p. 4• Un dimanche à l’heure du bilan par Michèle Cotta > p. 5 •

Les communes sous basse tension par Joël Genard > p. 10 •

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Autrementpar Robert Namias

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Vous avez promis, dans L’Expressdu 4 avril, la « gueule de bois »pour le lendemain de l’élection.Les marchés financiers attendent-ilsle nouveau Président au tournant ?Est-il possible d’échapper à leurtutelle ?Comme la France ne peut pasrem bourser ses dettes immédia -tement, il lui faut envoyer dessignaux aux marchés financiers.Il s’agit d’abord de dessiner lechemin d’une vraie croissancerai sonnable. On ne peut évidem-ment pas faire que de l’austérité,nous devons donc nous donnerles moyens de cette croissance,par exemple grâce à des investis-sements européens. Il faut ensuiteprouver que l’on va maîtriser ladette. La France doit respecter soncalendrier de retour à l’équilibrebudgétaire, que François Hollandea annoncé pour la fin de 2017.Il importe également de ne pasagresser les marchés financiersavec des discours inutilement pro-vocateurs. Oui, il y a des spécula-teurs corbeaux, mais il y a aussi desgens sérieux qui veulent simple-ment être remboursés.

La situation économique du paysest-elle pire que celle que lesFrançais ont en tête, au termede cette campagne électorale ?La réponse ne souffre aucunecontestation : c’est oui. Les chiffresdu déficit budgétaire sont pires queceux qui ont été prévus, pires aumoins de 0,5 % du Produit intérieurbrut, voire plus. Sans parler de la

situation de nos comptes sociaux,qui est, elle aussi, plus grave quece qui a été dit. Ce rendez-vouspolitique majeur que constitueune élection présidentielle n’a pasdonné lieu à un moment de vérité.À ma grande tristesse, on peutdéduire de toute la campagne quivient de se dérouler que la Francea accepté de devenir une petitepuissance. À cause des candidats,à cause des médias, qui n’ont pasposé les bonnes questions, les vrais

sujets n’ont pas été abordés. Sou-venez-vous du débat télévisé del’entre-deux-tours entre les deuxfinalistes : il n’a été question de laChine qu’à une reprise, et encore,c’était par le biais d’une digression,les iPad distribués en Corrèze par leconseil général ! Cela résume notrepays. Nous avons vécu la campagnepour l’élection présidentielle duLuxembourg.

Dans votre livre paru en janvier,Candidats, répondez ! (Fayard), vousprôniez une exigence immédiate :étaler l’échéancier des dettes.Comment le seul Président françaispeut-il y parvenir, indépendammentde ce que feront les autresdirigeants européens ?

D’abord, j’avais écrit ce livre pourque les thèmes majeurs soienttraités pendant la campagne élec-torale. Je dois bien reconnaîtreque j’ai échoué dans ma tentative !En ce qui concerne l’étalement del’échéancier des dettes, la Francene peut évidemment pas agir seule.Il faut une décision au minimumeuropéenne, et, si possible, mon-diale – je pense qu’à terme c’est unenjeu pour la planète tout entière.Pour l’heure, concentrons-nous sur

le continent européen, avec uneidée consistant à adopter une règlesimple : le triplement de la durée duprêt. Autrement dit, une dette à unan de l’échéance passe à l’horizonde trois ans. Les marchés financiersy trouveraient leur intérêt, car l’Eu-rope deviendrait solvable d’un seulcoup et retrouverait même le che-min de la croissance. Mais je metsen garde contre un danger : il fautéviter qu’une initiative de la Francesoit interprétée comme le débutd’une demande de moratoire de sapart concernant sa propre dette.

Est-il possible de rapidementredonner du pouvoir d’achataux ménages, ou faut-il prônerla patience ?

C’est possible, pour cela deux pistesdoivent être exploitées parallèle-ment : celle d’une meilleure crois-sance, précisément, et celle d’unefiscalité plus juste.

Une inversion des courbes duchômage dépend-elle vraimentdes décisions du nouveau pouvoirpolitique ?Je le pense. Je plaide depuis long-temps pour ce que j’appelle les« contrats d’évolution ». Il s’agitde faire en sorte que toute per-sonne qui se forme pour chercherun travail ne soit pas considéréecomme un chômeur. Il faut qu’elleait un revenu et un véritablecontrat, assimilable à un contratde travail. Le problème, c’est queles syndicats ne s’intéressent pastant aux chômeurs qu’aux per-sonnes susceptibles de le devenir.Deuxième orientation : une crois-sance créatrice d’emplois. Ce n’estpas une croissance qui lutte contreles délocalisations ou qui interditla robotisation, mais, au contraire,une croissance qui favorise lacom pétitivité. Il n’est pas absurded’accepter certaines délocalisationssi cela facilite une amélioration dela compétitivité.

La période qui s’ouvre estparticulière, puisqu’il s’agitpour le nouveau président de laRépublique de gagner les électionslégislatives des 10 et 17 juin.Comment la gérer d’une manièrepolitiquement efficace, sans qu’ellesoit économiquement irréaliste ?

C’est, bien sûr, pour le nouveaupouvoir, un moment singulier. Àlui de faire, pendant ces quelquessemaines, une pédagogie qui soitd’abord politique. La cohabitationserait une catastrophe pour lagestion du pays. Un Présidenttout juste élu ne peut pas ne pasavoir les moyens de gouverner.

Quel premier acte européen doitaccomplir le nouveau Président ?Il doit provoquer immédiatementune discussion pour un fédéra-lisme de croissance. Par exemple,grâce à la mise en place d’euro-bonds, qui seraient destinés nonpas à rembourser de la dette maisà susciter des investissementseu ropéens. Proposer un saut versun fédéralisme européen est le seulmoyen de financement sain degrands investissements porteursde croissance.

Vous avez l’expérience dessommets internationaux. Deuxse profilent, celui du G8 et celuide l’Otan. En quoi un Présidentfrançais qui vient de recevoirl’onction du suffrage universelbénéficie-t-il, ou non, d’un poidsparticulier par rapport à sespartenaires ?Un nouveau Président bénéficiede la curiosité de ses partenairesinternationaux plus que d’unpoids particulier.

Propos recueillispar Éric MandonnetRédacteur en chef adjoint

de L’Express

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 446, MERCREDI 9 MAI 2012

Agora

Jacques Attali regrette que la question de la dette et de la réduction des déficits ait étési rapidement évacuée du cœur de la campagne. Pour sortir la France et l’Europe du marasmeet de la crise, le directeur de PlaNet Finance suggère que les Européens s’entendent sur unétalement du remboursement de la dette.

«Ce rendez-vous politique majeur que constitue une électionprésidentielle n’a pas donné lieu à un moment de vérité. À ma grande

tristesse, on peut déduire de toute la campagne qui vient de se déroulerque la France a accepté de devenir une petite puissance »

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Pour vous, quel est le premier dossierque le Président devra traiter ?Sa priorité sera de trouver une posi-tion convaincante vis-à-vis de nospartenaires européens mais aussides investisseurs qui ont de la dettefrançaise entre les mains. Beaucoupde choses pendant la campagne ontété dites qui pouvaient donner lesentiment que la France s’éloignaitdes engagements budgétaires prispar le passé – dans les deux camps,d’ailleurs. Les deux finalistes ontrom pu avec cette tradition qui vou -lait qu’on ne critique pas l’Europependant une campagne. Le nouveauPrésident devra donc convaincrequ’il respectera ses engagementsvis-à-vis de ses électeurs, tout enrassurant hors des frontières surle prix de ces promesses.

Le premier voyage à Berlin seradonc particulièrement important…Oui. Jacques Chirac en 2002 etNicolas Sarkozy en 2007 ont déjàconsacré au chancelier allemandleur premier rendez-vous. Mais,cette fois, les messages qui y se -ront passés devront être clairset convaincants en direction del’Allemagne et au-delà. Le Prési-dent ne pourra pas se contenterde tirades sur l’amitié franco-alle-mande. Il devra trouver le bondiscours, pesé au trébuchet. Mais,au-delà de cette urgence, il y adeux vrais sujets fondamentauxqui n’ont pas été abordés fronta -lement durant la campagne, quin’ont été traités que simplementpar touches subliminales ou mé-taphoriquement.Le premier, c’est la compétitivité

avec un commerce extérieur à ladérive et une désindustrialisationcontinue. Il est à traiter en prioritécar, dans ce domaine, on n’obtientpas de résultats avant un ou deuxans. Le second sujet, selon moi, estcelui de l’intégration, de la mobi-li té sociale, de l’égalité des chances.Si les Français sont si hostiles à lamondialisation, c’est d’abord parcequ’ils ont le sentiment, pas toujoursmal fondé, qu’elle apporte plus derisques à la majorité d’entre eux etplus de bienfaits seulement à unepetite élite bien formée, nomadeet anglophone. Là est notre vraiproblème d’égalité. En terme d’iné-galités de revenus, la France se classetrès honorablement et la dérive estbeaucoup moins forte que dansbeaucoup de pays comparables.En revanche, en terme d’égalitédes chances, les résultats sontbeaucoup plus mauvais : rapportshommes/femmes très déséquili-brés, impossibilité pour les mino -rités visibles d’accéder à des postesà responsabi lité… Aujourd’hui,les hommes blancs de plus de50 ans trustent les positions depouvoir, dans la sphère politiquecomme dans la sphère écono -mique. C’est là-dessus qu’il fauttravailler !

La campagne a-t-elle gelébeaucoup de choses ?Non. Sur le terrain économique, lesacteurs sont plus sensibles à la situ a -tion économique internationalequ’à la situation politique française.Qu’il y ait deux ou trois grandesentreprises qui aient reporté leursprojets de plans sociaux en raison

de la campagne, c’est possiblemais ce ne sont que des reports :personne ne va faire le vide à rai-son des résultats de cette élection.Mais là où une évolution va secristalli ser, c’est sur le marchéimmobilier. Chez tous nos voisins,la pierre s’est envolée commechez nous, puis elle a violemmentété corrigée. La correction n’a pasencore eu lieu chez nous. Nous n’ycou perons pas. Un Président quiinquiéterait les marchés pourraitfavoriser ce phénomène.

La pression des marchésest-elle fantasmée ?Non. Elle n’est pas fantasmée. Ona eu raison de dénoncer les excèsde la finance privée aux États-Unis. La situation de la France(et de l’ensemble de l’Europe) estdifférente. Nous avons, nous, unproblème d’endettement public :depuis 1974, chaque année, nousavons généré un déficit, ce qui estunique. Compte tenu du quasi-défaut grec et de la dérive de nosfinances publiques, ceux qui dé -tiennent des obligations du Trésorfrançais se demandent s’ils serontremboursés – et ces inquiétudessont compréhensibles. En outre,même s’ils ont l’un et l’autre feintune relative rigueur, les deux can-didats ont formulé dans leurs pro-jets des prévisions de croissanceambitieuses qui ne seront très pro -bablement pas respectées. Il y auradonc des économies à trouver, oude nouveaux impôts à ins taurer.Sachant que nous avons l’un destaux d’imposition les plus élevésdu monde, c’est bien sûr sur la

réduction de la dépense publiqueque la France est attendue. C’est laseule voie possible. Mais cela estpolitiquement exi geant pour lePrésident élu.

Et la pression des agencesde notation ?Elles vont faire la même analyseque les marchés. Si l’on expliqueque l’on s’éloigne du retour àl’équilibre des finances publiqueset que des interrogations sur lasolvabilité du pays en découlent,les agences en tireront toutes lesconclusions. Aujourd’hui, nousn’avons été dégradés que par uneagence. Si les autres devaient luiemboîter le pas, les conséquencesseraient lourdes. L’État françaisarrive aujourd’hui à emprunterpour se refinancer à un taux trèsfaible, inférieur à 3 %. Si nouspassions à 3,5 ou 4 % seulement,cela nous coûterait des dizainesde milliards d’euros.

Va-t-on assister au retour de la crise ?Elle n’est pas terminée. Beaucoupde déséquilibres ne sont toujourspas réglés ; elle peut donc reveniren force. Mais ce n’est pas uneraison pour exclure les bonnesnouvelles : les États-Unis peuventdémarrer plus vite que prévu, laGrande-Bretagne, après une purgesévère, peut connaître un redé-marrage rapide et nous adresserune demande substantielle… Ily a de grandes incertitudes, maisdans les deux sens – même si lamontagne de dette qu’il reste à ré-sorber au niveau mondial génèreplus de menaces que d’espoirs.

Le Président va-t-il profiter d’un nou -veau rapport de forces en Europe ? Les Français surestiment toujoursle poids de leur pays. Nous pesons,certes, d’un poids significatif, maisn’oublions pas que nous sommes27 dans l’Union ! Une grande par-tie de nos visions économiquesne sont partagées par personneen Europe sauf par les Wallons,quand ils se sont levés du piedgauche… De toute manière, lesgrands tournants de l’Europe n’ontjamais lieu à l’occasion d’une élec-tion nationale.

La rentrée sociale sera chaude,dit-on ? C’est votre avis…L’automne chaud, le troisième toursocial, cela a été souvent annoncé…et cela s’est en fin de compte rare -ment vu. En fait, plus le chômageest élevé, moins le risque de mobi -lisation est fort. C’est une analysecynique, mais c’est une réalité.Les salariés prennent en comptele risque de perdre leur emploi. Jene crois guère aux mouvementssociaux. Mais l’amertume très fortede notre pays peut en revanchese traduire par des mouvementsplus radicaux. Je le redis : si lepouvoir en place ne travaille passur la question de l’égalité deschances, que nous trahissons entoute bonne conscience depuisdes décennies, il y a là un foyerd’insurrection possible qui mesemble bien plus menaçant qu’unautomne chaud.

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

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Agora

PHILIPPE MANIÈREPRÉSIDENT DE FOOTPRINTCONSULTANTS

Pour Philippe Manière, les deux questions à traiter en priorité par le nouveau Président serontla compétitivité d’une part et l’intégration, la mobilité sociale, l’égalité des chances d’autre part.Si cela n’était pas le cas, l’amertume pourrait se traduire par des mouvements radicaux.

«Si le pouvoir en place ne travaille pas sur la question de l’égalité deschances, que nous trahissons en toute bonne conscience depuis des

décennies, il y a là un foyer d’insurrection possible qui me semble bienplus menaçant qu’un automne chaud »

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C’est cette analysequ’a faite avantbeaucoup d’autresFrançois Hollande.Elle l’a conduit àpenser qu’il battraitDSK au cours d’une

primaire socialiste où le président duFMI plairait trop à la droite pour sé -duire la gauche. Et qu’il apparaîtrait àl’occasion de la campagne présidentiellecomme le fédérateur de tous ceux quis’inquiétaient des dérives droitièresde l’hôte de l’Élysée.Élu, le nouveau Président va devoirrecoller les morceaux d’une Francedivisée, mal dans sa peau, ballottéepar la crise. Et plus encore une Francedéboussolée par un quinquennat dontle bilan reste à établir mais qui, loin derassembler les Français, les a encoura-gés à l’isolement, à l’éloignement, voireau rejet de l’autre. Le chômage et laprécarisation d’une partie grandissantede la population ont fait le reste. Pourautant il n’y aura pas de miracle, encoremoins d’état de grâce, et la situationéconomique ne permet pas d’espé rerdes lendemains qui chantent. Les mar -ges de manœuvre du nouveau pouvoiron le sait sont étroites. Redresser lescomptes publics d’un côté et réduirele chômage en relançant la croissancede l’autre relève sinon de la quadraturedu cercle, du moins d’un pari osé. C’estcelui de François Hollande. Il pensey parvenir en retrouvant le chemin dela confiance des Français par une gou-vernance qui redonnera de la crédibi-lité au politique.L’homme est sincère, habile, tenace, etcourageux. Il l’a montré depuis qu’ily a deux ans, quasiment seul, ignoréde tous et de ses amis socialistes en par-ticulier, il a décidé de construire avecquelques-uns sa victoire. Le pouvoirconquis, il lui reste à mon trer qu’il serafidèle à lui-même et aux Français, quipour l’heure affichent majoritairementun scepticisme nourri par trente ans depromesses non tenues et de volte-facestupéfiantes.Les premiers pas d’un nouveau Pré si dentconstituent les marqueurs in délébilesd’un quinquennat. Nicolas Sar kozy n’ajamais pu faire oublier les premiersjours de son mandat. François Hollanden’a cessé d’y penser dimanche soir.Et de ce point de vue, son entrée enprésidence est réussie.Mais ses premiers pas seront ailleurs.En Allemagne et aux États-Unis, faceà Angela Merkel, à Barack Obama, auxEuropéens et aux membres du G20. LePrésident élu affirme depuis des moisque, fort du soutien populaire, il saurafaire avancer ses idées et obliger ses par-tenaires à négo cier. C’est donc sur cespremières rencontres qu’il va construiresa crédibilité et être jugé sur sa volontéet sa capacité à tenir ses promesses.L’enjeu des prochaines semaines n’estpas mince. À travers ces rendez-vousinternationaux, c’est d’abord de poli-tique intérieure dont il s’agira. Et celane sera pas sans conséquence sur leslégislatives.

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S’il a toujours refusé de don-ner la moindre indicationsur l’après-6 mai pendant la

campagne, François Hollande y aévidemment beaucoup réfléchiavant la victoire de dimanche soir.Ainsi le candidat socialiste a-t-ilthéorisé auprès de ses amis « lesdeux temps du quinquennat ». La pé -riode 2012-2015 se déroulera endeux séquences, fait-il valoir. Alorsqu’habituellement les premièresannées sont celles de l’état de grâcepuis d’une période relativementheu reuse durant laquelle le gouver-nement « mange son pain blanc »,les dernières années étant celles oùtraditionnellement apparaissent,l’usure du pouvoir aidant, les diffi -cultés, le nouveau Président estimeà l’inverse que son quinquennatdébutera… par le pain noir. Leniveau d’endettement de la Franceet la crise européenne sont tels queles premières années Hollandene pourront être que celles de larigueur budgétaire et de l’effortpartagé. Du fait de la conjonctureéconomique, l’état de grâce, s’il alieu, pourrait être très bref, estime-t-on dans son entourage. « Il dureradeux jours », va jusqu’à prédireMichel Sapin, l’un de ses fidèles.En revanche, Hollande imagineun second versant du quinquennatplus faste, où la croissance sera

re venue et où la politique de redis-tribution chère à la gauche porterases fruits. Reste à savoir si cettethé orie relève d’un optimismeatavique ou d’une habileté lui per-mettant de faire miroiter à ses amisdes responsabilités dans la secondepériode…Quoi qu’il en soit, le nouveau Pré-sident estime que ces deux tempsdoivent être incarnés par deuxPre miers ministres différents, re-venant ainsi à un fonctionne-ment plus traditionnel de laVe République. Désireux de ne pasfaire durer le suspense, il avertirarapidement après son électioncelle ou celui qu’il aura choisicomme Premier ministre. Afinnotamment que ce dernier réflé-chisse à la constitution du gouver-nement. Car tout devrait aller trèsvite ensuite. Hollande sera offi-ciellement président de la Répu-blique à la proclamation desrésultats par le Conseil constitu-tionnel, à savoir au plus tard cemercredi. La passation de pouvoirse déroulera le 15 mai. « Le sensdes convenances veut que le nouvelélu ne pousse pas le vaincu vers lasortie, et que ce dernier ne fasse pasobstacle à l’installation du vain-queur en partant le plus tard possi-ble », souligne Michel Sapin. Lenouveau gouvernement se réu-

nira pour la première fois le mer-credi 16 mai dans le salon vert del’Élysée.L’ossature de ce gouvernement aelle aussi été dessinée bien avantle 6 mai. Il y aura quinze « pôles »,autour desquels s’ar ti culera l’exé-cutif : un pôle Éco nomie etFinances, un pôle In térieur, unpôle « productif et industriel », unpôle Territoires, un pôle Énergie, unpôle Éducation, un pôle Affairessociales, un pôle Affaires étran-gères, etc. À l’intérieur de ces pôles,qui seront en fait de supermi -nistères, on retrouvera les attribu-tions plus habituelles : logement,emploi, santé, collectivités locales,droits des femmes, sports, jeunesse,etc. La parité promise devrait sefaire sur l’en semble des postes(ministres, ministres dé légués etsecrétaires d’État), et pas seulementsur les quinze pôles, promet-ondans l’en tourage du chef de l’Étatnouvellement élu.Très vite, François Hollande s’en-volera pour l’étranger : il a répétédurant sa campagne qu’il réserve-rait son premier déplacement à lachancelière Angela Merkel en serendant à Berlin. Il devra ensuitehonorer un calendrier internatio-nal particulièrement chargé. Plu-sieurs sommets sont à l’agenda :le G8 à Camp David (États-Unis)les 18 et 19 mai, un sommet del’Otan les 20 et 21 mai à Chicago(Hollande annoncera aux parte-naires le retrait des troupes d’Af-ghanistan d’ici fin 2012), le G20au Mexique les 18 et 19 juin, puisune rencontre informelle deschefs d’État et de gouvernementdes vingt-sept pays de l’Unioneuropéenne qui devrait se teniravant le sommet des 28 et 29 juin.François Hollande fera la propo -sition de renégociation du traitéeuropéen dès la fin mai, en vue dece Conseil européen. « Depuis plu-sieurs mois, il y a eu un gros travailavec les administrations allemandes,américaines et européennes, à leurdemande », confie Michel Sapin.

Symboliquement, la première me-sure du quinquennat sera la ré-duction de la rémunération duchef de l’État et des membres dugouvernement, de 30 %. FrançoisHollande a aussi présenté, plu -sieurs semaines avant l’élection,son calendrier : dès la mi-mai, lespremiers décrets seront pris pouraugmenter de 25 % la prime derentrée scolaire, bloquer pourtrois mois les prix des carburants,rétablir la retraite à 60 ans pourles salariés qui ont commencé àtravailler à 18 ans et ont cotisé41,5 années, mettre en place unsystème de caution solidaire pourfaciliter l’accès au logement desjeunes, doubler le plafond deslivrets d’épargne, fixer une rému-nération maximum de 1 à 20dans les entreprises publiques.Une circulaire sera publiée sur lalutte contre les « délits de faciès »lors des contrôles de police. La cir -culaire Guéant sur les étudiantsétrangers sera abrogée, la révisiongénérale des politiques publiques(RGPP) arrêtée, et le « gel conser -vatoire d’une partie des dépenses »décidé dans l’attente du rapportde la Cour des comptes sur lesfi nances publiques, publié à lafin juin.À l’Assemblée nationale, qui sié-gera en session extraordinairedu 3 juillet au 2 août, sont prévusle projet de loi de programmationdes finances, qui fixera la tra -jectoire de retour à l’équilibrebudgétaire en 2017, le vote d’uneréforme fiscale, comprenant no -tamment la révision des nichesfiscales et la création d’une tranched’imposition à 75 % au-dessusd’un million d’euros, la suppres-sion de la « TVA Sarkozy », appli-quée depuis le 1er avril, le réexa-men de la rentrée scolaire 2013,notamment pour les Rased, laséparation des activités de dépôtet des activités spéculatives,ainsi que la commission de prépa-ration de « l’Acte II de l’exceptionculturelle ».

Pour le Président élu, le choix du Premier ministre et la composition dugouvernement devaient se faire en fonction des résultats. Il va désormaistrancher sur des hypothèses déjà imaginées. L’investiture passée, tout iratrès vite en fonction d’un plan mûrement réfléchi et déjà annoncéen ce qui concerne les premières mesures qui seront prises.Par Nathalie Segaunes

Tout dans la têtePour François Hollande

L’HÉM

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LE Autrement

LA FRANCEQUI SE LÈVE VRAIMENT TÔT.

Patrick Chenepoltique matin

chaque matin-8h30

Robert Namias

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NUMÉRO 446, MERCREDI 9 MAI 2012 L’HÉMICYCLE 5

Plan large

François Hollande élu. Levoici donc Président, le sep-tième de la Ve République

et surtout le second Président degauche après François Mitterrand,auquel il s’est si souvent référépendant sa campagne. L’électionde François Mitterrand était restéeindécise jusqu’aux jours précédantle scrutin, tous les sondages, en re-vanche, laissaient présager, depuisles tout premiers jours de son en-trée dans la bataille présidentielle,la victoire de François Hollande.Il n’empêche : cette campagne, quebeaucoup ont trouvée à tort sansintérêt, se termine ce soir commecelle de François Mitterrand, parun rassemblement énorme de gensà la Bastille, par des festivitésnocturnes d’un bout à l’autre dela France. Par l’impression que lechangement est bien au rendez-vous. Avec cette nuance que, lesFrançais le savent, la crise est là,elle ne s’est pas envolée d’un coupde baguette magique parce queFrançois Hollande a gagné. Lespro blèmes existeront encore de-main matin, certes, mais ce soir laFrance de gauche célèbre d’autantplus volontiers sa victoire qu’ellesait que les lendemains ne serontpas un chemin bordé de roses.Chacun des Présidents a suivi sonitinéraire pour arriver à l’Élysée,aucune élection n’est facile : toutde même, quel chemin parcourupar l’ancien premier secrétairedu Parti socialiste ! Un homme quiest resté longtemps en queue depeloton du box-office de la poli-tique ; à qui, en décembre 2010alors que se profilaient les pri-maires du Parti socialiste, les son -dages ne donnaient que 3 % dessuffrages, un homme dont lescaricaturistes ne parvenaient pasà faire le portrait, tant son visagemanquait d’arêtes, dont les imi -tateurs soulignaient à l’envi leshésitations et la trop grande gen -tillesse. Un homme qualifié deflou, incertain, tel que le sobriquetde « Flanby » a pu lui être attri -bué. Bref, un homme méconnudes siens et de ses adversaires. Ona déjà oublié, par charité, on ou-bliera plus encore les expressions,épithètes et autres adjectifs utili -sés pour le décrire, il n’y a pas silongtemps, par bien des autresténors du Parti socialiste. Quant à

ses adversaires, ils ont insisté, toutau long de la campagne, sur soninexpérience, son inaptitude àexercer la fonction présidentielle.Son adversaire principal, NicolasSarkozy, lui, le tenait tellementpour quantité négligeable qu’ila longtemps pensé n’en fairequ’une bouchée.Seulement voilà : derrière l’appa -rence bonhomme, François Hol-lande est plus secret, mais aussiplus obstiné, plus volontaire queses ennemis le croyaient. Derrièrele personnage souvent souriant,toujours plein, peut-être trop,d’humour, il y avait un autreFrançois Hollande. Un FrançoisHollande qu’un petit nombred’observateurs seulement avaitcommencé de découvrir, l’ayantvu à l’œuvre après le désastredu 21-Avril, Lionel Jospin ayantabandonné la vie politique et lePS à la dérive, attentif à sauve -garder l’unité du parti, puis, plustard, l’inscrivant dans une sériede succès aux élections locales.Mais l’extrême détermination deHollande n’est apparue que dansles années 2010, alors qu’il avaitabandonné son poste de premiersecrétaire après le nouvel échecde la gauche à la présidentielle,

en 2007. C’est alors qu’il s’est misau régime, comme François Mit-terrand jadis s’était, un an avantl’échéance de 1981, fait limer lescanines, qu’il avait trop pointues.Peut-être est ce le premier signe desa résolution. Il y en a un second :sa résistance aux amis de DSK,alors favori du PS pour la prési-dentielle, lorsque ceux-ci lui de-mandèrent quelques jours avantle mois de mai de se retirer pour luilaisser la place. C’est la premièrefois sans doute qu’aux émissairespressants il a montré qu’il savaitdire non.Le reste a suivi : primaires réus sies,campagne effrénée autour de sessoixante propositions, et victoire,donc, aujourd’hui. Évidemmentle rejet de Ni co las Sarkozy comptepour beaucoup dans le vote. MaisFrançois Hollande a su incarnerl’alternance.Quelques mots sur la campagnede l’entre-deux-tours : devancéd’une courte tête au premier tour,Nicolas Sarkozy a choisi d’aller àla reconquête, sur sa droite, desélecteurs du Front national, dé -laissant ainsi le réservoir de voix,plus restreint en effet, des centristes,persuadé que ceux-ci se repor te -raient presque méca ni quement

sur son nom au deuxième tour.Cette stratégie s’est heurtée à undouble refus : celui de MarineLe Pen, qui a renvoyé les deuxcompétiteurs dos à dos, annon -çant, le 1er mai, qu’elle déposeraitun bulletin blanc dans l’urne.Et celui de François Bayrou, qui,précisément à cause de la cam-pagne « droitière » de NicolasSarkozy, s’est prononcé pour Fran -çois Hollande. Il l’a fait à titrepersonnel, certes, et ses troupess’étaient déjà divisées : sa décisionn’en a pas moins été importante,symboliquement, psychologique-ment presque, et elle a comptésur le report de 40 % des électeurscentristes sur François Hollande.Et maintenant ? Dès ce soir, lesélections législatives sont dans laligne de mire des deux camps. Ladroite se présente à cette nouvellebataille avec deux handicapssérieux. Le premier est l’absencede vrai leadership. Le véritablechef de la majorité sortante étaitNicolas Sarkozy. À partir du mo-ment où il est en retrait forcé,qui conduira l’UMP à l’offensive ?Jean-François Copé, son secrétairegénéral, ou François Fillon, Pre-mier ministre de Sarkozy pendantcinq ans ? Ou encore Alain Juppé,qui avait dit, dans l’entre-deux-tours, et qui avait été pour celamorigéné par Nicolas Sarkozy,

qu’il ferait tout pour empêcher ladivision de l’UMP en cas d’échecdu Président sortant ? Les trois àla fois ? Difficile.D’autant, deuxième obstacle, qu’iln’y a pas d’exemple d’électionslégislatives, survenues dans la fou -lée d’une présidentielle qui n’aitconfirmé la victoire du nouveauPrésident. C’est même une desraisons qui avaient été avancéesen faveur du quinquennat, doncde l’alignement du mandat pré -sidentiel sur le mandat législa -tif, seul moyen, selon certains,d’évi ter la cohabitation. Les pro-jections des intentions de voteaux législatives prochaines, tellesqu’elles sont rendues publiquesdès ce soir, laissent présager, eneffet, « l’effet Hollande » sur leslégislatives.Déjà, les arguments de campagnese préparent : la droite plaideraqu’il ne faut pas donner tout lepouvoir législatif à la gauche, quidispose déjà de la majorité auSénat, argument difficile à présen-ter après une période d’hyper-présidentialisation de Sarkozy.À gauche, François Hollande plai -dera la cohérence : il doit, pourpou voir commencer à appliquer sapolitique, disposer d’une majoritéà l’Assemblée nationale. Le revoilà,différemment mais tout autant,en campagne. À suivre.

Un dimanche à la Bastille,à l’heure du bilan

Cahiers de campagne

Par Michèle Cotta

François Hollande et sa compagne Valérie Trierweiler,à la Bastille, dimanche 6 mai. PHOTO THOMAS COEX/AFP

Nicolas Sarkozy. Le Président sortant peu après sa défaiteannoncée, à la Mutualité. PHOTO FRANÇOIS DURAND/AFP

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Enquête

La Commission européennemet des bâtons dans les filets

Inquiétude des pêcheurs d’outre-mer

Les comités régionaux des pêches de Martinique, Guadeloupe, Guyane et La Réunion dénoncentdes réglementations européennes inadaptées selon eux aux départements ultramarins. La délégationsénatoriale à l’Outre-mer souhaite faire voter par la Haute Assemblée un texte qui permettraà ces territoires d’obtenir des dérogations aux règles européennes en matière de pêche.

Le rude bras de fer entre ladaurade coryphène et leshiérarques bruxellois, ou

l’inadéquation entre une régle-mentation européenne tirée aucordeau et les spécificités inhé -rentes à la pratique de la pêcheoutre-mer. Voilà le sujet qui, mal-gré un Parlement en sommeil,préoccupe des élus du Palais duLuxembourg. La délégation séna-toriale à l’Outre-mer a récemmentauditionné les présidents descomités régionaux des pêches deMartinique, Guadeloupe, Guyaneet La Réunion. Elle veut leur per-mettre de demander à Bruxellesdes dérogations pour les pêcheurslocaux. À la reprise des travauxen séance publique, la délégationentend soumettre au vote du Sénatune proposition de résolutioneuropéenne destinée à peser surles actuelles négociations sur laréforme de la Politique communede la Pêche (PCP).L’hiatus entre les textes européenset le quotidien des professionnels

prend des allures très concrètes.Premier constat des parlemen-taires : « L’interdiction de toute aideà la construction des navires est unnon-sens outre-mer, où les ressourceshalieutiques sont abondantes et sous-exploitées par une flotte majoritai -rement constituée d’embarcationsvé tustes et de petites dimensions. »De plus, l’instrument financierde la PCP n’est pas, selon les élus,adap té aux spécificités ultrama -rines ; ils en veulent pour preuveles conditions d’éligibilité auxaides à la modernisation des mo-teurs, qui semblent sans communeme sure avec la puissance exigéepar la force des courants et l’usureaccélérée due aux conditions cli-matiques. Enfin, la Commissioneuropéenne refuse de financerles dispositifs de concentrationde poissons (DCP), ces structuresflottantes qui permettent de fixerles grands pélagiques (ces poissonsqui vivent dans les eaux peu pro-fondes) en un point donné pourfaciliter leur capture. Sauf que le

procédé en question permet deconsommer moins de carburantpuisqu’il évite d’arpenter les mers.Les professionnels font donc va loirque Bruxelles défavorise une pêcheécologique en voulant empêcherles gros thoniers de dépeupler les

fonds marins, ce qui est tout à faitlouable.Pour contourner la stricte réglemen -tation, les sénateurs bran dissentun volet du Traité sur le fonction-nement de l’Union européenne :l’article 349. Il constate que les

RUP (doux acronyme communau -taire qui désigne les régions ultra-périphériques que sont les dé -partements d’outre-mer français,les îles espagnoles des Canarieset celles, portugaises, des Açoreset de Madère) sont victimes d’unéloignement, d’une faible super -ficie et d’un climat qui nuisent àleur développement. Le texte en-tend améliorer leur compétitivitéen créant un environnement éco -nomique favorable ; c’est à ce titreque la délégation parlementairecompte obtenir des dérogationsde la part des Vingt-Sept. Essentiel -lement artisanale, la pêche faitvivre des milliers de familles dansles DOM.Difficile de dire comment la Com-mission européenne réagira à cesrequêtes, les interlocuteurs ne sebousculant pas pour livrer desréponses. Les pêcheurs en atten-dent pourtant, eux qui se sentent« comme un vélo à qui on applique -rait une réglementation destinée auxpoids lourds ». Florence Cohen

Quelles sont les distorsions entre laréglementation de Bruxelles et votre réalitéde pêcheurs ultramarins ?On nous demande des choses irréalisables…Nous, nous avons de petites barques non pon-tées sur lesquelles nous faisons des pêches à lajournée ; elles représentent 95 % de la flottille.Avec ces embarcations, nous pratiquons unepêche extrêmement artisanale, nous faisonsdes ponctions pratiquement à l’unité. Et quandon nous dit qu’il faut diminuer l’effort depêche, cela sous-entend : « exercé par les groscha lutiers ». Nous n’avons pas de chalutiers ! Demême, lorsqu’on nous demande de diminuerl’effort de pêche sur le cabillaud, sur l’anchois…Nous n’avons ni cabillaud, ni anchois, ni loup,ni bar ! Et tous les textes sont rédigés ainsi…

Qu’avez-vous dit à la délégation sénatoriale quivous a auditionnés, vous et les présidents descomités des pêches de Guyane, Martiniqueet La Réunion ?Ce que nous avons dit, c’est qu’il faut vraimentque l’article 349 du Traité sur le fonction-

nement de l’Union européenne s’appliquepleinement. Ce texte stipule que, compte tenude l’éloignement des régions ultrapéri phé -riques (RUP), leurs spécificités doivent êtreprises en compte. Or, [Bruxelles] nous pond unFEAMP, un Fonds européen pour les affai resmaritimes et la pêche, dans lequel tout estdécidé pour les gros navires. Ils nous disent demettre des amendements… Mais quel amen -dement voulez-vous que je porte sur deschapitres qui ne concernent que les grosbateaux ? Il faut carrément écrire un nouveauchapitre concernant les RUP.

Donnez-nous un exemple du type de dérogationque vous réclamez.Comme nous avons de petites embarcations,nous pêchons uniquement sur le plateaucontinental proche ; nous ne pouvons pasaller au large. Cela signifie que l’effort depêche est accentué sur la ressource des merspeu profondes. Donc, à terme, cette ressourcepeut être menacée. Pour permettre à cettezone de se reposer et de se régénérer, il serait

bien que les bateaux puissent aller pêcherau large, sur le dispositif de concentrationde Poissons. L’Europe ne finance ni les DCPni les navires neufs. Or on ne peut pas prendrele risque, sur de petites embarcations, d’allerau large pêcher des grosses pièces. Donc il fautque l’Europe ne gèle pas systématiquementla construction de bateaux nouveaux.Je vais plus loin. L’Europe dit : « Je veux bienpayer pour moderniser des bateaux, paspour en construire. » Mais les bateaux sonttellement vétustes que les moderniser coûteplus cher qu’en construire des neufs ! Nousdénonçons toutes ces aberrations qui, souscouvert de gérer la ressource, ont des effetstout à fait opposés.

La pêche est un enjeu très important pour vous…Elle fait vivre directement 1 600 foyers et,indirectement, 7 000 foyers. Son poids éco -no mique est supérieur à celui de la canne etde la banane réunis. La pêche est le poumonde notre économie.

Propos recueillis par F.C.

JEAN-CLAUDEYOYOTTEPRÉSIDENT DU COMITÉ RÉGIONALDES PÊCHES DE GUADELOUPE

Questions à

Bananier. Des pêcheurs guadeloupéens rentrent à Basse-Terreavec la pêche du jour. PHOTO MARTIN BUREAU/AFP

« La pêche est le poumon de notre économie »

DR

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Peut-on dire que l’année 2011vous aura permis d’atteindreles objectifs du plan d’entreprisetriennal avec dans le même tempsune architecture du groupesimplifiée et une marque unique ?A.R. : Avec un résultat net de laSGAM AG2R LA MONDIALE de242 M €, le Groupe maintientun niveau de résultat significatifen 2011 dans un contexte marquépar la crise économique et par desmodifications législatives et régle-mentaires comme la réforme desretraites, la taxe spéciale sur lesconventions d’assurance.Ce bon résultat contribue au ren-forcement des fonds propres de laSGAM qui atteignent 2,8 Md €.J’ajoute qu’AG2R LA MONDIALEa réalisé près de 1 Md € de résultatsur les cinq dernières années, luipermettant d’augmenter signifi -cativement son ratio dur de sol -va bilité hors plus-values latentes,137 % au 31 décembre contre129 % l’année précédente.Fin 2011, la marge de solvabilitéde la SGAM atteint 146 % du be-soin de marge réglementaire, soitun excédent de 935 M €.Calculée au 30 avril 2012, la margeatteint 197 %.

Grâce à ces bons résultats, votregroupe est au hit-parade en matièrede protection sociale en France ?Avec 15,5 Md € de collecte pourl’en semble de ses activités (15,7Md € en 2010), AG2R LA MON -DIALE atteint ses objectifs etconfirme sa place de 1er groupede protection sociale en France.

Les cotisations de retraite complé-mentaire obligatoire représen tentun peu plus de 12 % des régimesAgirc-Arrco. Elles s’élèvent ainsi à7,8 Md €, en progression de 4,9 %,dont 5,5 Md € de cotisations Arrco,0,9 Md € de cotisations Agirc et1,4 Md € de cotisations AGFF.Le chiffre d’affaires des activitésassurancielles représente 7,4 Md €dont 3,6 Md € en assurance-vieépargne, 1,4 Md € en assurance-vieretraite, 1,2 Md€ en santé, 1,1 Md€en prévoyance. La collecte en épar -gne salariale est de 0,2 Md €.

La collecte en épargne retraiteenregistre-t-elle aussi de bonsrésultats ?L’année est marquée par un trèsbon bilan de la retraite complé-mentaire et par des résultats au-dessus de la moyenne du marchéen épargne retraite avec une col-lecte nette positive à 0,9 Md €.Une partie de ce bon résultat pro -vient de la stabilité de la retraitesupplémentaire et de La MondialeEuropartner, filiale luxembour-geoise d’AG2R LA MONDIALE,dont le chiffre d’affaires a pro-gressé de 33 % en 2011, à plusde 1 Md €.Avec un rendement moyen descontrats d’assurance-vie, épargneet retraite de 3,41 %, AG2R LAMONDIALE se situe dans le hautdu marché quant à la rémunéra-tion des assurés.Le niveau important de la collectenette permet aux provisions tech -ni ques assurancielles d’atteindre55,9 Md€,en progression de +1,5 %.

L’ensemble des actifs d’AG2R LAMONDIALE, y compris les acti vitésde retraite complémentaire, atteint67,6 Md €, en hausse de 32 % sur

les trois dernières années. L’épar -gne salariale atteint 1,06 Md €,confirmant l’attrait des entrepri -ses pour ce type de produit.

Avez-vous le sentiment que la crisefinancière a épargné votre groupe ?Fort d’une gestion d’actifs à la foisperformante et prudente, AG2RLA MONDIALE traverse la crise fi -nancière en renforçant sa sol vabi -lité. À la fin 2011, l’exposition auxpays dits à risques était très limi -tée et la part des actions dans leporte feuille général a été progressi -vement ajustée. Dans un contextegénéral de dégradation des nota-tions, la note A- de soli dité finan-cière de La Mondiale et d’AG2RPrévoyance a été réaffirmée, tra -duisant la soli dité de son modèle.

Et quelles sont les perspectivespour cette année ?2011 constituait la dernière annéedu plan d’entreprise triennald’AG2R LA MONDIALE qui avaitpour ambition de bâtir un groupe.La mission est accomplie et lesobjectifs sont atteints. Après ISICAet les trois instances des profes-sionnels de la coiffure, le rappro -chement d’AG2R LA MONDIALEet de Prémalliance sera finaliséen décembre 2012 lorsque lesdeux Agirc et les deux Arrco fu-sionneront.Le nouveau plan d’entreprise2012-2014, intitulé « PrioritéClients », a pour objectif principalle développement des services auxclients. Propos recueillis

par Joël Genard

2011 : une année accompliepour AG2R La MondialeLe résultat net de la SGAM AG2R LA MONDIALE s’établit en 2011 à 242 millions d’euros, portantà 991 millions le résultat cumulé sur cinq ans. André Renaudin, Directeur général, en tire lesenseignements pour l’Hémicycle.

La vie desentreprises

André Renaudin. Directeur général d’AG2R La Mondiale. PHOTO FRANCK FIFE/AFP

«EN 2011, AG2R LA MONDIALE CONFIRMEUNE CAPACITÉ BÉNÉFICIAIRE ANNUELLE

DE 250 M €, CE QUI LUI PERMET D’AFFICHER PRÈSD’1 MD € DE RÉSULTATS CUMULÉS EN CINQ ANS »

André Renaudin

Les chiffres-clés1er groupe de protection sociale en 2011

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Pointé du doigt par les éco lo -gistes et certaines mu ni ci -palités qui l’accusent d’en -

lai dir le paysage urbain, l’affichagepublicitaire a encore semble-t-ilde l’avenir. Fixé à deux ans depuis1979, le délai de mise en confor-mité des publicités avec les normesposées par les municipalités esten effet passé à six ans en marsdernier. Un sursis qui s’applique àla réglementation nationale (lireenca dré) et aux nouveaux règle-ments locaux de publicité (RLP) enpréparation dans plusieurs villes,comme à Paris.Danièle Pourtaud, adjointe aumaire (PS) de la capitale en chargedu patrimoine, s’est dite « furieuseet choquée » contre le dispositifWarsmann repoussant à 2017 lerèglement local de la publicité. Cedernier devait réduire de 30 %l’affichage dans Paris à l’horizon2013. « Le gouvernement a glissédans la loi Warsmann [loi de simpli -fication du droit du 22 mars 2012,NDLR] un article modifiant le Codede l’environnement et rendant ino -pérantes les principales avancées dunouveau règlement local de publi-cité », déplore la municipalité. Etd’interpeller le gouvernement quia la possibilité de revenir par dé-cret sur ce délai. « Au-delà du RLP,c’est battre en brèche un grand prin-cipe de libre administration des col-lectivités locales », dénonce encoreDanièle Pourtaud.

Un répit « utile »Le nouveau règlement de la ville,voté par le Conseil de Paris en

juin 2011, avait été élaboré parla collectivité et la préfecture, enconcertation avec les profession-nels et les associations. Outre uneréduction de la surface publicitairedans la capitale, le RLP prévoyaitd’interdire la publicité dans unpérimètre de 50 m autour desécoles, sur les bords de la Seine,les canaux, la butte Montmartre,les murs en surplomb des espacesverts et des jardins publics, autourdes funérariums et des cimetières…Autre mesure phare : l’interdictionabsolue des grands panneaux

« 4 par 3 » (12 m2) sur l’ensembledu département. Un dispositif quiinduisait la suppression de 920panneaux essentiellement situéssur le périphérique et aux abordsdes boulevards des maréchaux.Du côté des afficheurs, le Syndicatnational de l’enseigne et de la si-gna létique (Synafel) se réjouit d’unrépit « utile ». « Les commerçantsauraient beaucoup souffert : la pro-fession n’était pas capable de faireface. » Stéphane Dottelonde, pré-sident de l’Union de la publicitéextérieure (UPE), regroupant les

principaux afficheurs, avait votécontre le RLP : « D’après nos dé-comptes, il y aura plutôt 40 à 50 %de baisse de la publicité dans Paris.Les annonceurs sont très préoccupés. »Selon lui, la mairie de Paris n’a pasmesuré « les conséquences écono-miques, sociales et financières de cesrestrictions », car la ville « perçoit destaxes locales pour la publicité exté-rieure, des droits de voirie et de rede-vance ». Il rappelle aussi le principede la liberté du commerce.Première vice-présidente du grou -pe UMPPA au Conseil de Paris,Laurence Douvin a regretté poursa part que la municipalité « aitdélibérément refusé de prendre encompte les nombreuses avancées duGrenelle de l’environnement, en cequi concerne le micro-affichage et lesbâches publicitaires ».

Des restrictions insuffisantesPour les antipubs, dont certainsrêvent d’une ville sans affichageà l’image de São Paulo, le RLP pro-pose des restrictions insuffisantes.Élu au Conseil de Paris, AlexisCorbière (Parti de gauche) verraitbien la capitale suivre l’exemplebrésilien. « Paris aurait les moyensd’une politique audacieuse, contre cematraquage permanent qui encou-rage la société de consommation parune domination intellectuelle. » Ilprône « un débat de fond » car « lerôle de la publicité est une véritablequestion de société ».Les associations de lutte contrel’affichage estiment par ailleurs quele transfert aux maires du pou voird’encadrer la publicité risqued’aggraver la situation. « Les mairesont beaucoup de mal à prendre desarrêtés pour réglementer la publicitéparce qu’ils subissent des pressionsimportantes des acteurs économiqueslocaux », analyse Pierre-Jean Dela-housse, membre de l’associationPaysages de France. D’autant plusque les recettes générées peuventêtre considérables.Désormais, un maire qui veut durcirson règlement local de publicitése lance dans une bataille longuede près de dix ans. « Avec la multi-tude de concertations, il faut trois

ans pour préparer le texte auquel ilfaut ajouter ce nouveau délai de sixans », regrette encore Pierre-JeanDelahousse. La fédération Francenature environnement (FNE) etl’association Agir pour les paysagesont demandé la remise à platcom plète de la législation sur l’af-fichage publicitaire et déposé unedemande en annulation devantle Conseil d’État. « On peut se de-man der si la loi Warsmann va aussirepousser de six ans l’extinction noc-turne des enseignes et de certainspanneaux publicitaires qui était pré-vue pour entrer en vigueur au 1er juil-let », s’interroge Raymond Leost,expert juridique de FNE. Et deconclure : « Quel intérêt y aura-t-ilpour un maire à mettre en œuvre unRLP dont les effets ne seront même pasvisibles à la fin de son mandat ? »

Ludovic Bellanger

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Initiatives

Le deuxième volet du Grenelle de l’environnement, adopté en juillet 2010, prévoyait de renforcerdans les deux ans les contraintes d’affichage et de réduire de 30 % le nombre de publicités.Mais un article de la loi dite loi Warsmann permet de retarder l’application des textes votés. Cequi provoque la colère de nombreuses villes dont Paris qui dénoncent le lobbying des afficheurs.

Nouveau bras de fer entreles communes et les afficheurs

Réforme de l’affichage publicitaire

De nouvelles règles d’affichageLe décret réformant l’affi-chage publicitaire extérieur

(relatif aux panneaux, aux en -seignes et aux bâches – objet depolémiques dans la capitale) apour objectif de « dépolluer » l’es-pace public des dispositifs jugésenvahissants.Le Code national de l’environne-ment limite ainsi à 12 m2 (et

jusqu’à 8 m2), contre 16 m2 au pa-ravant, la taille des panneauxd’affichage muraux dans les villesde plus de 10000 habitants. Il fixeaussi de nouvelles règles de den-sité pour les panneaux installésle long des voies publiques. Cesnouvelles normes concernent éga-lement le micro-affichage dansles vitrines des centres-villes.

Les affichages lumineux devrontaussi être éteints la nuit, entre1 heure et 6 heures. De même, lespublicités numériques auront àrespecter des règles de luminanceou de consommation énergéti que.Un ensemble de pres crip tions dontles applications varient en fonctionde la taille des agglomérations.

Assignée par les afficheurs devantle tribunal administratif de Lille l’étédernier, la ville de Seclin (Nord) a étécondamnée à abroger son règlementlocal de publicité. Le texte, quipermettait d’encadrer l’affichagepublicitaire, avait permis de réduirele nombre de panneaux en centre-villede 250 à une centaine. Les afficheursont trouvé la faille en attaquantle règlement pour vice de forme,puisqu’il manquait la présenced’un représentant de Lille Métropolecommunauté urbaine (LMCU) lorsde son élaboration. Cette dernièrea désormais la responsabilité de rédigerun nouveau règlement, valable pourl’ensemble des communes du territoire.À Pau (Pyrénées-Atlantiques), la villes’est « bordée juridiquement » pouréviter les recours des afficheurs.Elle promet le début des démontagespour 2013. Elle devrait être imitéepar La Rochelle et Bordeaux, toutesen guerre contre le « 4 par 3 ». Unebataille bordelaise qui se politise ens’étendant à présent aux affichettesdes arrêts de tramway.

À Seclin, la villecondamnée àabroger son RLP

Bertrand Delanoë. Le maire de Paris et son conseil municipalregrettent de ne pouvoir réduire le nombre de panneaux publicitairesdans la capitale avant 2017. PHOTO ÉRIC CABANIS/AFP

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Les échecs successifs de Pariset de Grenoble dans l’organi -sation des Jeux Olympiques

de 2012 et de 2018 n’ont pas refroidiles ardeurs de Jean-ChristopheFromantin, maire (DVD) de Neuilly-sur-Seine et conseiller général desHauts-de-Seine à l’origine du projet.« On a coutume de dire que les expo-sitions universelles sont à la fois lebilan du passé et un regard sur l’ave-nir. C’est à nous de gérer, d’organiser,de redonner de l’ambition en gérantles dix ans à venir. »Pour le comité de soutien regrou-pant notamment des élus, des chefsd’entreprise et des ambassadeurs,organiser l’Exposition universelledans le Grand Paris en 2025 « re-donnera de l’ambition » à la France.L’édile propose d’utiliser les futuresgares du Grand Paris et le patri-

moine architectural existant pouraccueillir l’événement, dont le der-nier en date dans la capitale re-monte à 1900.

Les métropoles régionalespivots de l’organisation« Au-delà de tout ce que cela peutapporter de dynamisme économique,artistique, politique et social, cetteidée d’expo laisse des espoirs à nosenfants », souligne le réalisateurÉlie Chouraqui, qui soutient l’ini-tiative. « En ces temps d’austérité,un projet est véritablement un élémentde stimulation », affirme pour sapart l’ambassadeur de France Jean-Pierre Lafon, président d’honneurdu Bureau international des expo-sitions (BIE).Pour concrétiser ce projet balbutiant,le comité se donne jusqu’à 2014

afin de construire « les axes d’unecandidature officielle ». Le Bureau in -ternational des expositions effec-tuera son choix fin 2017.L’ancien ambassadeur Patrick Gau-trat a insisté sur la nécessité de met-tre en place « une machine à gagner »,après « les échecs retentissants de grosévénements comme l’organisation desJeux Olympiques de 2012 ».L’occasion de « recréer cette dyna-mique » pour que le monde se donnerendez-vous en France. « Nous ima-ginons organiser la première expositiondont les formes immatérielles d’expres-sion et de communication permet-traient aux civilisations de se retrouveret d’échanger », poursuit encore Jean-Christophe Fromantin, qui proposeque les métropoles régionales soientles pivots de cette organisation.

L.B.

Association de la mer et dufeu, les deux nouvelleslignes du tramway mont-

pelliérain affichent leur style signéChristian Lacroix. Inaugurés auprintemps, les 23 km des tracés(19,8 km vers la mer et 8,2 km encirculaire en ville) portent le réseaude l’agglomération héraultaiseà 56 km. Le maillage global, quidessert Montpellier et ses septcommunes périphériques, devientainsi le plus long de France. Ildevance Bordeaux (44,3 km),Nantes (43 km) et Strasbourg(40,2 km).

Les communes du littoralhostiles à une « clientèlesociale »L’investissement de 530 millionsd’euros prévoit une augmentationde la fréquentation du réseau de42 % d’ici à 2017, avec 95 mil-lions de voyageurs attendus à cethorizon. Des usagers qui doiventcomposer pour l’heure avec desretards répétés et des perturbations

récurrentes du trafic. Cas uniqueen France, les quatre lignes secroisent en effet devant la garecentrale Saint-Roch, où une cen-taine de rames passent chaqueheure en période de pointe. Lessyndicats des transports de l’ag-glomération de Montpellier (TaM)et la Fnaut (Fédération nationaledes associations d’usagers de trans-ports) de dénoncer des risquesd’accidents – dont le premier a eulieu le jour de l’inauguration… –et de surcoûts d’exploitation liés àdes embouteillages de tramways.

Une 5e ligne en 2017Autre point noir, la ligne vers lelittoral échoue à Pérols, à 2 kmde la mer. Hostiles à l’arrivée dela « clientèle sociale » du tramwaysur « leur » plage, les communesconcernées (Palavas-les-Flots, Mau-guio-Carnon et La Grande-Motte),membres d’une autre communau -té d’agglomération (Pays de l’Or),ne plaident pas pour l’heure pourson prolongement.

Montpellier se tourne d’ailleursdéjà vers la mise en service d’une

5e ligne de 20 km, entre Lavéruneet Prades-le-Lez, en 2017. L.B.

LE PÔLE MÉTROPOLITAINRHÔNE-ALPES EST NÉ� Malgré les réserves du conseil régional,le 5e pôle métropolitain vient de voirle jour en Rhône-Alpes. Il réunitle Grand Lyon, Saint-Étienne Métropole,la communauté d’agglomération Portede l’Isère et la communautéd’agglomération du Pays Viennois.Sa population de deux millionsd’habitants et sa superficie de 1 600 km2

en font le plus important de France.Parmi les priorités avancées : ledéveloppement économique et l’emploi,les transports, l’aménagement duterritoire et la culture.

UN PARC NATIONALPOUR LES CALANQUES� Situées aux portes de Marseille,les Calanques ont désormais leur parcnational. Outre la protection de ses eaux,leur classement constitue un enjeudu développement touristique local.À terme, 2 % du territoire devraient êtreprotégés d’ici 2019. Trois nouveaux parcsnaturels marins (en Picardie, en Girondeet dans le bassin d’Arcachon) serontégalement créés d’ici la fin de l’année.

« PACS » COMMUNALDANS LES ARDENNES� Face à la dévitalisation de leurterritoire, Sedan et Charleville-Mézièresont entamé leur rapprochement en vued’une fusion en 2013. L’objectif est decréer une nouvelle agglomérationrassemblant les deux bassins de vie.Les 140 000 habitants concernéspourraient être consultés au printemps.

HUIT VILLES TESTENTLES ZAPA� Jusqu’ici boudée par lesagglomérations, l’idée de restreindreles zones de circulation urbaine auxvéhicules trop polluants fait son retour.Huit villes (Paris, Saint-Denis, Bordeaux,Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand, Niceet Aix-en-Provence) testeront pendanttrois ans le dispositif. Elles dresserontd’ici l’été la liste des véhiculesindésirables, définiront le contourdes Zapa (zones d’actions prioritairespour l’air), et les horaires d’interdiction.Le lancement est prévu pour le début2013. En Europe, 180 villes disposentde « low emission zones », conceptdont sont issues les Zapa.

MONT SAINT-MICHEL :LA BRETAGNE VSLA BASSE-NORMANDIE� Alors que le mont Saint-Michel dessineson nouveau visage, la Bretagne, quiconteste le projet d’aménagement danssa conception actuelle, pourrait remettreen cause sa participation. « Si rien nechange, je suis prêt à proposer au conseilrégional de Bretagne un retrait définitifde ce projet », explique son président(PS) Jean-Yves Le Drian, ajoutant :« Nous considérons que l’articulationentre les navettes et les parkings n’estpas cohérente. » Président (PS)de la Basse-Normandie, LaurentBeauvais a proposé une évaluation d’iciun an du nouveau dispositif.

En bref

Le projet d’accueillir la célèbre Exposition universelle dans le Grand Parisen 2025 est né d’un comité d’élus et de chefs d’entreprise.

Avec ses deux nouvelles lignes de tramway, Montpellier dispose désormaisdu plus long réseau de France, devant Bordeaux et Nantes.

Le Grand « Pari(s) » del’Exposition universelle

À Montpellier, un tramwaypeut en cacher trois autres

Christian Lacroix devant le nouveau tramway de Montpellier.Le couturier en a signé le nouveau design et l’habillage. PHOTO PASCAL GUYOT/AFP

Jean-Christophe Fromantin.Pour le maire de Neuilly-sur-Seine,l’organisation de l’Expositionuniverselle en 2025 devrait«redonner de l’ambitionà la France ». PHOTO PIERRE VERDY/AFP

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Trop de lumière coûte cher !C’est le constat de l’Agencede l’environnement et de

la maîtrise de l’énergie (Ademe),qui vient de débloquer une en ve -loppe de 20 millions d’euros à des-tination des communes de moinsde 2 000 habitants pour rénoverleur parc d’éclairage public. Plusde la moitié du parc actuel, soit9,5 millions de lampes environ,est composée de lampadaires etautres éclairages très énergivores.« 40 % des luminaires en service ontplus de 25 ans », constate BrunoLafitte, ingénieur à l’Ademe, avantde faire référence à un autre chiffreédifiant : « 30 % de la lumière ne sertqu’à l’éclairage du sol. »Complètement dépassés, les lam-padaires éclairent mal, diffusentune quantité de lumière tropimportante qui parfois éblouitl’automobiliste. De plus, cettedéperdition de lumière nuit éga -lement à la faune : mal orientés,les lampadaires deviennent despièges à insectes et désoriententles oiseaux dans leurs déplace-ments nocturnes.

Mais énergiquement parlant cetéclairage public est source de gas -pillage d’énergie occasionné parl’usage inconsidéré de ces lam-padaires. Selon l’Ademe, l’éclai -rage urbain représente 50 % desdépenses d’énergie des collecti -

vités. Soucieuses de réduire leurconsommation, bon nombre d’en-tre elles ont réagi, poussées par lesassociations comme l’Association

nationale pour la protection duciel et de l’environnement noc-turnes (Anpcen), qui labellisechaque année plusieurs com-munes pour leur action exem-plaire en matière d’éclairage. Faceà ces dépenses importantes dans

les budgets communaux, certainesmunicipalités en arrivent à devoirlimiter le nombre d’heures d’éclai -rage ou à couper durant la nuit

l’alimentation de ces éclairagespublics.Symboliques, ces actions s’ac-compagnent parfois de plans derénovation à grande échelle desdispositifs d’éclairage. Besançon,Clermont-Ferrand ou plus ré cem-

ment Grenoble se sont lancés dansde telles opérations techniquespermettant de rationaliser l’usagedes lampadaires sur le long terme.Des investissements que de toutespetites municipalités ne peuventmalheureusement pas se permettre.Ce n’est donc pas un hasard si leplan de l’Ademe s’adresse auxcommunes de moins de 2 000habitants.

3 000 euros par lampadaireParmi les actions subventionnéespar l’agence figurent le rempla -cement du luminaire, du candé -labre, ou les travaux de voirienécessaires au déplacement d’unlampadaire par exemple. Lesmontants dépendront du pour-centage de réduction de consom-mation d’électricité ciblé par lacommune. Pour une division pardeux de sa consommation, une

commune impliquée dans cettedémarche percevra 360 euros parlampadaire. Pour une réductiondes deux tiers ou de 75 % de saconsommation, elle pourra per -cevoir jusqu’à 3 000 euros. Autantdire qu’à ce rythme ce plan, quiau départ devait concerner lesvilles de moins de 10 000 habi-tants, risque de se révéler bienvite insuffisant pour satisfaire lesdemandes des 31 900 communesqui sont susceptibles de solliciterl’aide de l’Ademe.Certains élus considèrent toute-fois que ce plan est en deçà desobjectifs du Grenelle, qui abor-dait, à travers les lois Grenelle Iet II, la pollution lumineuse demanière globale et prévoyait « desmesures de prévention, de suppres-sion ou de limitation » destinéesnotamment à « garantir l’observa-tion du ciel nocturne ».Ce qui semble avoir prévalu dansle plan de l’Ademe, c’est la réduc-tion de la consommation d’éner -gie et le gain économique. NathalieKosciusko-Morizet, ancienne mi -nistre de l’Écologie, a souligné lorsde la pré sentation du plan que « lamo dernisation de l’éclairage publicreprésente un gisement très importantd’économies d’énergie, qui peut per-mettre de gagner 25 % sur la factured’électricité des communes. » Ainsi,pour y parvenir, les collectivitésde vront prendre en compte la pro -blématique et retirer par exempleles lampes à mercure, les moinsefficaces des sources d’éclairage,qui sont dans le collimateurde Bru xelles. Un règlement faitd’ailleurs obligation aux Étatsmembres de retirer ces lampesdu marché à l’horizon 2015. D’icicette date, des recommandationssur le type d’ampoules à privi légierseront adressées aux collectivitéspar l’Ademe. Joël Genard

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Les collectivités locales vont devoir faire des économies d’énergie en réduisant notamment le coupde l’éclairage public. Pour ce faire, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)vient de débloquer 20 millions d’euros pour aider les villes de moins de 2 000 habitants à rénoverleur parc de lampadaires.

Développementdurable

Les communes sous basse tension

Des solutions existentDe plus en plus de petitescommunes optent pour

une rénovation de leur éclairagepu blic, à la fois pour lutter contrela pollution lumineuse et pourréali ser des économies d’énergie.Citons notamment la suppressiondes suréclairements (supérieurs à30 lux), la suppression des boulesénergivores, l’utilisation de lu mi-naires haute performance et delampes basse consommation, mais

aussi des réducteurs de puissanceou des ballasts électro niques. Parailleurs, le remplacement dessources lumineuses, l’abaissementdes hauteurs de feux et le rabatte -ment des flux lumineux vers le sollimitent les déperditions et dimi -nuent les puissances installées.

La marche à suivreLes communes souhaitantmaîtriser leur éclairage pu -

blic ont intérêt à faire établir un

diagnostic pour déterminer lesgisements d’économies d’énergieet les premières actions à mettreen œuvre. Il convient ensuited’entretenir et de bien choisir sesluminaires. D’après l’Ademe, 40 %des luminaires sont obsolètes etont plus de 25 ans. Or les lampesen fin de vie consomment jusqu’à20 % d’électricité en plus !Par ailleurs, le recours aux nou-velles technologies permet de gérerplus finement l’éclairage public.

Ainsi, les systèmes de variation depuissance adaptent la consomma -tion aux besoins réels. L’alimen-tation des points lumineux pardes énergies renouvelables se dé -veloppe également. Certains can-délabres combinent une doubleéolienne et des panneaux photo-voltaïques, d’autres accumulentde l’énergie le jour et se déclen -chent la nuit, grâce à des détec -teurs de présence.La lanterne n’est pas la seule source

de consommation éner gétique àaméliorer : le mât d’éclairage, s’ilest en bois, a moins d’impact qu’unmât traditionnel métallique. Lesmâts en bois auraient une empreinteenvironnementale beaucoup moinsforte que les mâts traditionnels.

À savoirL’éclairage public constitue23 % de la facture globale

d’énergie des communes et 38 %de la facture d’électricité !

Les communes de moins de 2 000 habitants sont incitées à rénover leur parc d’éclairage public.

ALAI

N BA

SCHE

NIS/

AFP

«LA MODERNISATION DE L’ÉCLAIRAGEPUBLIC REPRÉSENTE UN GISEMENT TRÈS

IMPORTANT D’ÉCONOMIES D’ÉNERGIE, QUIPEUT PERMETTRE DE GAGNER 25 % SUR LAFACTURE D’ÉLECTRICITÉ DES COMMUNES »

Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne ministre de l’Écologie

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Cette menace est-elle aussi fortepour qu’il faille avant même lesprochaines élections législativesorganiser cette rencontre ?R.M.-B. : Oui ! Le financement desinvestissements des collectivitéslocales connaît de manière structu -relle un manque de financement.Cela est dû au retrait partiel dusecteur bancaire traditionnel quiavait l’habitude de financer lesprojets locaux. Ce dernier souhaitese mettre dès à présent en confor-mité avec les règles de Bâle III, avantla date d’entrée en vigueur qui sefera progressivement, de 2013 à2018. À cela s’est ajoutée la faillitede Dexia, qui apportait 40 % dufinancement bancaire pour lesinvestissements des collectivitésavant la crise de 2008.Le cumul de ces deux facteurs a pourconséquence que les collectivitésne trouvent plus une offre de fi nan -cement suffisante, soit parce qu’iln’y a pas de réponses, soit parceque celles-ci sont partielles, avecdes taux, des montants et desdurées de remboursement qui sontinadaptés.Après 2008, certaines banquesavaient pourtant pris le relais deDexia mais, aujourd’hui, ces mêmesétablissements font marche arrière,ce qui démontre bien qu’il y a unproblème majeur de financementdu secteur public local. Il n’y a pasde problème de solvabilité de l’em-prunteur mais c’est le coût d’accèsà la liquidité qui est maximal.Les sept associations nationales d’élusveulent ainsi rappeler à l’attentiondu futur gouvernement et de lafuture législature que les questionsrestent pendantes et ne cessent des’aggraver. Il y a donc urgence àpartager ce constat qui n’est pasconjoncturel mais structurel etdurable. L’objet de ce colloque estbien de proposer des solutions.

Face à cette raréfaction de l’offrebancaire, quelles sont les réponsespossibles ?À partir d’un constat partagé, il fautexaminer toutes les pistes et enproposer éventuellement d’autres.

Il y a eu des avances exceptionnellesde la Caisse des Dépôts au momentoù les collectivités étaient confron-tées à une vraie crise des liquiditéslorsque les banques ne se prêtaientplus entre elles. En 2012, 5 milliardsseront ainsi prêtés dont 2 milliardsd’ores et déjà débloqués. Cesconcours exceptionnels étaient

réclamés par les associations d’éluset répondaient à un besoin urgent.Mais nous sommes conscientsque ce ne sont que des réponsesconjonc turelles, car on ne peutpiocher indéfiniment dans lesfonds d’épargne réglementés !La seconde réponse est la créationd’un nouvel acteur constitué de laBanque Postale et de la Caisse des

Dépôts, qui devrait être opéra tion -nel l’été prochain avec une montéeen puissance progressive. Nousnous réjouissons de cette créationqui doit être opérationnelle le plusvite possible. Il demeure cependantencore quelques incertitudes surl’organisation de la future banquepublique, eu égard à la complexité

du démantèlement de Dexia. Cefutur acteur n’envisage pas d’attein-dre le même montant de parts demarché que l’opérateur défaillantDexia. Nous souhaitons d’ailleursune saine concurrence pour éviterles dérives que l’on a connues etles promoteurs du projet ont lagrande sagesse de ne pas vouloirêtre en position dominante.

Il y a des solutions ponctuellesavec les emprunts groupés menéspar de grosses collectivités quis’adressent ainsi directement auxmarchés internationaux mais avecdes contraintes de prêts qui ne sontpas amortis sables chaque annéeet qui sont donc remboursables infine. Cela rend plus difficile l’accèsau marché obli gataire.Il existe aussi d’autres initiativescomme le recours à l’emprunt po -pulaire. Les régions Auvergne etLimousin l’ont pratiqué récemment.

Il faut donc aboutir à la créationd’une Agence publique definancement des investissementslocaux qui s’élèvent à prèsde 17 milliards ?Il y a un dialogue soutenu surce thème avec l’État, et les éluscomptent, lors de ce colloque, ré -affirmer leur volonté de créer, dèsque possible, cette Agence. Elle estindispensable dans ce nouveaucontexte financier. Elle sera unacteur complémentaire au réseaubancaire et ne sera pas en positiondominante. Le manifeste qui serapublié le jour du colloque par lesprésidents réaffirmera la nécessitéimpérative de créer l’agence courant2013. Cela suppose une autorisationlégislative que nous espérons obtenirrapidement afin d’être opérationnelau plus tôt.La détermination de la structurejuridique de l’Agence est fondéesur deux impératifs. Le premier estde confier le pilotage stratégiqueaux collectivités. Le second principeest de permettre aux collectivitésde déléguer la gestion opérationnellede l’Agence à des professionnels.La structure sera donc à deux ni -veaux. En amont, elle prendra la for -me d’un EPIC local, sans pré sence del’État. Ce sera l’instance « politique »de l’Agence. En aval, la structureprendra la forme d’une SA soumiseau contrôle de l’Autorité de contrôleprudentiel (ACP). Cette filiale réa -lisera les opérations de prêts.Par cette démarche, les collectivitéslocales démontrent leur maturité.En effet, pour la première fois sur

un sujet financier aussi important,elles ont décidé de se prendre encharge elles-mêmes et de trouverles solutions. Ce projet n’a paspour vocation d’augmenter la dettemais simplement de sécuriser lesfinancements des investissementspublics locaux et d’en réduire lecoût. Il s’inscrit dans une logiquede pleine responsabilité des collec -tivités territoriales.

Comment la structureva-t-elle se financer ?Nous nous sommes inspirés dumodèle d’agences de certains paysnordiques. Les collectivités adhèrentvolontairement à l’établissementpublic dès lors que leur situationfinancière le permet. Elles pourrontvérifier par elles-mêmes leur capa -cité à intégrer l’agence à partir deratios financiers simples qui serontconnus à l’avance, en toute trans-parence. L’Agence sera ouverte auxcollectivités de toutes tailles. Lesadhérents verseront un ticket d’en-trée, permettant la satisfaction de50 % maximum de leurs besoinsmoyens de financement annuel.Ce montant est estimé au momentdu budget primitif et ajusté sur lesdemandes de l’année suivante, enfonction du compte administratif.Mais si la situation d’une collecti -vité se dégrade, elle n’aura plus accèsau crédit, le temps que sa soliditéfinancière se renforce. C’est un sys-tème vertueux.Il est à noter qu’au plus fort de lacrise financière de 2008 les agencesnordiques n’ont eu aucune diffi-culté à se financer.

Propos recueillispar Joël Genard

Menace sur les investissementspublics locaux ?La crise financière, la mise en œuvre des ratios prudentiels de Bâle III ou encore la restructurationde Dexia ont des conséquences sur le financement des investissements des collectivités locales.C’est dans ce contexte que l’AMF, l’ADF, l’ARF, l’ACUF, l’AMGVF, l’AdCF et la FVM lancent ensembleun cri d’alarme et organisent une rencontre sur ces difficultés d’accès au crédit par les collectivités.Celle-ci se déroulera le 23 mai prochain. Le directeur général de l’AMF, Rollon Mouchel-Blaisot,s’en explique dans l’Hémicycle.

Collectivitéslocales

Rollon Mouchel-Blaisot. PHOTO ROLAND BOURGUETAMF Association des maires de FranceADF Assemblée des départements

de FranceARF Association des régions de FranceACUF Association des communautés

urbaines de FranceAMGVF Association des maires

de grandes villes de FranceAdCF Assemblée des communautés

de FranceFVM Fédération des villes moyennes

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Une agence de l’eau est unétablissement public ad -mi nistratif de l’État institué

par la loi du 16 décembre 1964 re -lative au régime et à la répartitiondes eaux et à la lutte contre leurpollution. Six circonscriptionsadministratives ont été mises enplace, associées aux grands bassinshydrographiques (« bassins ver-sants »), et gérées par un organismeconsultatif, le comité de bassin.Dans ce dispositif, l’organismeexécutif est l’agence de l’eau.L’article 17 de la loi prévoit que« l’organisme directeur de l’éta b-lissement public doit comporter desreprésentants de toutes les catégoriesde personnes publiques et privéesintéressées à l’accomplissement deson objet. Il comprendra notammentune repré sentation des intérêts agri-co les, correspondant à leur importan -ce, dans la mesure où ceux-ci serontconcernés par les objectifs statutaireset les attributions dudit établissement.Il doit être composé, à concurrencede plus de la moitié de ses membres,de représentants de l’État, des collec-ti vités locales et des établissementspublics administratifs intéressés. »Cette répartition souligne l’enjeucentral de la gestion des ressourcesaquatiques : associer les acteurs del’eau pour parvenir à un dévelop -pement durable des activitéséconomiques (article L. 213-8-1du Code de l’environnement). Cequi suppose des subventions pourles partenaires de cette gestionconcertée.De ce point de vue, l’action dechaque agence de l’eau doit seconformer aux orientations d’undocument de planification, leSchéma directeur d’aménagementet de gestion des eaux (SDAGE).Celui-ci est élaboré par les comitésde bassin à l’échelle des bassinsversants en associant les élus, lesusagers et des associations. CeSDAGE fait office de « plan de ges-tion » au regard de la directive-cadre européenne sur l’eau du23 octobre 2000. C’est un outilutile pour les élus car ils peuventainsi vérifier la compatibilité deleur projet. Les agences de l’eauréalisent leurs missions dans le

cadre du programme d’actionpluriannuel 2007-2012.

Contrats d’objectifset leviers d’actionDans le domaine de l’eau, leslois de Grenelle I et II ainsi quediver ses directives européennes(relatives aux inondations ou aumilieu marin) sont mises enœuvre par les agences, liées auministère en charge du Déve lop -pement durable par des contratsd’objectifs. Globalement, les agen -ces de l’eau doivent déterminerles instruments de la planificationde la gestion de l’eau de bassin,produire des données sur l’eau etsurveiller la qualité des eaux na-turelles. C’est dans ce cadre qu’in-terviennent les subventions pourles collectivités. La participationcitoyenne, le travail internationalavec les pays riverains, la concer-tation avec les autres instancesde bassin font également partiedes contrats d’objectifs. Pour at-teindre l’objectif du bon état deseaux, les agences disposent d’un

cadre global de dépenses de12,3 milliards d’euros. Voici leslignes directrices des actions pou-vant être subventionnées à ce titre :réduction des rejets polluants detoutes origines, prévention de laqualité de l’eau distribuée, déve -loppement durable des activitéséconomiques utilisatrices d’eau,régulation des crues et entretiendes rivières, solidarité urbain-ruralpour l’assainissement des eauxusées, sensibilisation du public etdes scolaires à la préservation del’eau et des milieux aquatiques…Obtenir des résultats durablessuppose de disposer d’instrumentséconomiques. Pour subventionnerles collectivités, les agences del’eau bénéficient de recettes fis-cales environnementales perçuesauprès des usagers (industriels,pour cause d’activités écono miques,consommateurs). La so lidarité debassin permet la mu tualisation deces redevances s’élevant à 1,8 mil-liard d’euros par an. La factured’eau des abonnés domestiquesen fournit l’essentiel. Les subven-

tions et prêts sont accordés, grâceà cette assiette, aux personnespubliques ou privées qui réalise -ront des projets d’inté rêt commundans les domaines précités.Les agences de l’eau favorisent ainsil’optimisation environnementaleen visant l’efficacité des mesuressubventionnées, l’action préventiveet la logique territoriale afin quedeux tiers des masses d’eau soienten bon état d’ici 2015.

Règles administrativeset financièresPour se voir accorder une aide, ilfaut s’adresser à l’agence de l’eaude son bassin (Rhône-Méditerranéeet Corse, Adour-Garonne, Loire-Bretagne, Seine-Normandie, Artois-Picardie, Rhin-Meuse). Il existe desrègles administratives et financièrespermettant d’appréhender l’am-pli tude de l’aide, son objet et lesconditions de subventionnement.Toute collectivité locale peutbéné ficier de l’aide, avec des casparticuliers pour les délégationsde service public, l’externalisation

et le crédit-bail. L’agence n’attri buepas d’aide inférieure à 500 eurospour les études et les travaux. Ledossier doit être déposé par lacollectivité bénéficiaire de l’aideavant le commencement d’exé -cution du projet. Divers taux deprise en compte de l’ensemble del’opération s’appliquent en fonc-tion du projet retenu. Un certainnombre d’obligations (entretiende l’installation, publicités) s’im-posent à l’élu en cas de subvention.Il existe aussi un contrôle de l’exé-cution, les agences étant habili téesà vérifier l’exactitude des ren sei -gnements transmis. De façon gé -nérale, les aides des agences del’eau sont porteuses pour les terri-toires et faciles à obtenir si le projetde l’élu se trouve être en adéqua-tion avec les contrats d’objectifsde l’agence.Actuellement, des projets portantsur le désherbage alternatif auxpesticides sont particulièrementsoutenus.

Richard KitaeffProfesseur à Sciences-Po Paris

Les agences de l’eau : elles semouillent pour les territoires

Pour parvenir à une gestion durable de l’eau, six agences régionales sont chargées d’aider lescollectivités locales et les usagers (industriels et agriculteurs) dans des missions essentielles :épuration des eaux usées, critères de potabilité, entretien des cours d’eau, augmentationqualitative de la production aquatique, régulation des crues… Méconnues, les subventionsde ces agences sont un véritable atout pour les territoires.

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff

Pratiques

Station d’épuration de Vitrolles (13). Inauguré en 2008, cet équipement d’un coût de 32 millions d’euros a été cofinancé par l’agencede l’eau à hauteur de 37 %. PHOTO GÉRARD JULIEN/AFP

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L’Opéra de Montpellier, sur -nommé « le petit frère duPalais Garnier » de Paris,

propose pour sa réouverture unensemble de concertos de Bachpour deux, trois et quatre claviers.Les travaux, d’un coût de 14 mil-lions d’euros, financés à 99 % par

Montpellier Agglomération, ontpermis de réhabiliter et de mettreen conformité l’espace scéniquede 4 000 m2 sur 5 niveaux, sous laconduite du cabinet Deshoulièreset Jeanneau architectes, basé àPoitiers et associé au scénographeThierry Guignard. « On a tout dé-

moli dans la salle ancienne qui étaiten bois mais n’était plus aux normesde sécurité », explique Jean-PaulScarpitta, directeur de l’Opéra- orchestre national de Montpellier(OONM). « On a maintenant une aireextraordinaire. Tout y est électrisé,mécanique. »

Le théâtre renaît à l’égal de ce qu’ilétait au XVIIIe siècle mais dansune modernité absolue. « C’est unescène qui va être aussi bonne que cellede l’Opéra Garnier », s’enthousiasme-t-il, insistant sur le rideau complè -tement refait à l’identique grâce àdes dessins retrouvés. « Mon travaild’architecte a été de faire entrer lesnou velles techniques scénographiquesdans ce monument historique, d’êtreun passeur entre des fonctions moder -nes et un bâtiment du patrimoine »,complète Dominique Deshoulières.Parmi les améliorations de la scène,un monte-décors de grande di -mension a été installé, des liaisonsdans la cage de la scène créées etdes ascenseurs installés qui fluidi-fient la circulation. Les peintures,les dorures, les tentures de plafondet les murs d’avant-scène ont égale-ment été restaurés. Cette rénovationa redonné un vrai coup de jeuneà cet opéra érigé en 1755, mais quisubit ensuite de nombreuses vicis-situdes : détruit par un incendie,

il fut reconstruit à l’identique en1788, brûla de nouveau en 1881 etfut reconstruit. L’Opéra Comédie,œuvre de Joseph Marie Cassien-Bernard, élève de Charles Garnier,fut finalement inauguré en 1888.À l’intérieur, on peut admirer lastatue originale des Trois Grâcesd’Antoine, dont la copie trône àl’ex térieur devant l’entrée, sur laplace de la Comédie. Avec le retourde l’Opéra Comédie (1 200 placescontre 1 900 au Palais Garnier),devenu Opéra national de ré gionen 2002, Montpellier a désormaisla particularité de disposer, avecl’Opéra Berlioz, au Corum (2 010places), de deux grandes salles pourl’art lyrique et la musique classique.« Le Corum sera dédié aux specta -cles plus contemporains et plus gran -dioses. La Comédie est plus intime.On y donnera La Traviata, Les Nocesde Figaro, de Mozart. La Comédie,c’est d’ailleurs un endroit idéal pourMozart », souligne M. Scarpitta.

P.-H.D.

Le festival célébrera cetteannée 23 « primo-roman -ciers », dont 15 auteurs fran -

cophones, parmi lesquels AlexisJenni – sacré par le Prix Goncourt2011 pour son premier roman,L’Art français de la guerre –, deuxItaliens, un Espagnol, un Alle -mand, deux Anglais, un Roumainet un Portugais.Ont été notamment sélectionnésVirginie Deloffre pour Léna (AlbinMichel), Prix des libraires 2012,Nicole Roland pour Kosaburo, 1945(Actes Sud), Raphaëlle Riol pourComme elle vient (Le Rouergue), Sté -phane Chaumet pour Même pour nepas vaincre (Seuil), Chabname Zariâb

pour Le Pianiste afghan (L’Aube) ouencore Fanny Saintenoy pour Justeavant (Flammarion).Ces primo-romanciers seront en-tourés de 15 auteurs de renom quiont marqué l’histoire du festival,dont Carole Martinez, Goncourtdes Lycéens en 2011 pour Dudomaine des murmures. Plus d’unecentaine d’événements marque rontces quatre jours : tables rondes,spec tacles, ateliers de traduction,lectures, expo sitions, dédicaces…Pour fêter son quart de siècle, lefestival lance aussi cette année« AlphaLire », plateforme d’accèsà la lecture connectée, a annoncéVéronique Bourlon, directrice du

festival de Chambéry. Dans saphase test, d’avril à août, AlphaLirecomprendra les 15 titres franco -phones sélectionnés. Après inscrip -tion sur le site, le lecteur pourraconsulter gratuitement ces romanset en discuter en ligne. Le festivallancera par ailleurs en septembre lapremière « résidence numérique »d’auteurs numériques.Selon une enquête publiée le15 mai chez Arkhê par BernardLegendre et Corinne Abensour, leportrait-robot du primo-roman cier,en France, montre qu’il a entre30 et 50 ans et travaille dans undomaine culturel, du moins enlien avec l’écrit. Près d’un tiers des

auteurs de premier roman n’enpublie pas de second, observentles auteurs de l’enquête.Parmi les premiers romans de laren trée littéraire 2011, L’Art françaisde la guerre s’est vendu jusqu’icià quelque 200 000 exemplaires,suivi par Les Morues, de TitiouLecoq, à… 17 200 exemplaires etDu temps qu’on existait, de MarienDefalvard, à 15 800 exemplaires,selon des données Ipsos/Livres-Hebdo. Pierre-Henry Drange

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Chambéry ou le rendez-vousdes premiers romansLe XXVe Festival du premier roman de Chambéry accueillera du 31 mai au 3 juin une vingtained’auteurs français et étrangers, dont deux « Goncourt ». C’est un réseau de 3 000 lecteursà travers le monde qui a sélectionné ces écrivains, réunis pour un festival qui a opté pourla modernité en s’ouvrant au numérique.

Après dix-huit mois de travaux de rénovation, l’Opéra Comédie de Montpellier rouvre ses portesle 25 mai. Avec ses 1 200 places et une acoustique entièrement renouvelée, il peut désormaisrivaliser avec les plus belles salles parisiennes.

Culture

Alexis Jenni. L’auteur deL’Art français de la guerrea obtenu en 2011 le Goncourtpour son premier roman.

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L’Opéra Comédie de Montpellier. La rénovation a porté en priorité sur l’acoustique et l’esthétiquede la salle. PHOTO STEFANO SCATA/AFP

La renaissance de l’Opéra Comédiede Montpellier

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Alors que l’ouverture du Webau grand public a surtoutengendré des sites parfois

bien éloignés du monde de laconnaissance – sites marchands,réseaux sociaux, jeux, etc. –, lesgrandes bibliothèques arriventelles aussi sur la Toile. L’objectif

est double : permettre l’accès de leurfonds documentaire au plus grandnombre tout en assurant une meil-leure conservation des ouvrages pré-

cieux qui seront, de ce fait, moinsmanipulés. La Bibliothèque natio-nale de France a lancé dès 1997 sonpropre projet. L’ambition est vaste :Gallica doit devenir le portail descollections numériques françaises.À cet effet, Gallica tisse des par tena -riats avec les grandes bibliothèques

de collectivités territoriales, maisaussi d’instituts et d’organismesnationaux. Dernièrement, le fondsnumérique s’est enrichi des collec-

tions de l’Institut national d’his-toire de l’art, de la médiathè que deTroyes et des archives, bi bliothè queset musées de Besançon. À ce jour,Gallica fédère trente-six bibliothè -ques françaises auxquelles viennents’ajouter trois bibliothèques étran-gères. Le fonds numérique a dé passéun million cinq cent mille docu-ments en 2011. Gallica s’inscritaussi dans un projet européenplus vaste, nommé Europeana, dontla vocation est de devenir le cata-logue de l’ensemble de la culturenumérisée détenue par les grandsorganismes culturels européens.Côté français, le Musée du Louvreest venu rejoindre Gallica.Les documents numérisés sont biensûr des textes, anciens ou récents.Mais les livres peuvent égalementcontenir des dessins, gravures,des reproductions de tableaux, descar tes géographiques et même despar titions de musique. En outre,les mu sées et instituts nationauxproposent les numérisations de ta-bleaux et de documents d’archives,des fichiers vidéos ou sonores ainsique leur fonds photographique. En2011, Europeana proposait déjà plusde quinze millions de documentsnumériques.Ces divers projets ont connu uneaccélération dans la seconde partiedes années 2000 suite au lancementdu projet Google Livres. Le géantaméricain met à disposition des bi -bliothèques ses capacités techni -ques et ses finances pour les aiderà numériser leurs collections. Encontrepartie de certaines exclusi-

vités, voire de violation des droitsd’auteur. Les grands projets euro-péens ont donc été musclés pourcontrer cette « privatisation » de laculture.Il faut dire que l’enjeu est de taille :dans un monde où la culturejoue un rôle économique accru, laprésence des grandes bibliothèquessur le Net est devenue vitale :chercheurs et scientifiques doiventaccéder aux fonds afin de travail-ler plus efficacement, et d’enrichirleurs publications. Plus un fondsdocumentaire est cité, plus il estpris en considération. La puissance

scientifique et culturelle d’une na-tion passe aussi par là. De même,les touristes sont une manne fi nan -cière dont plus personne ne peutse passer. Tous les musées, grandset petits, ont intérêt à numériserleurs collections afin de les faireconnaître et d’attirer le public. Letourisme mondial devrait atteindrele milliard de voyageurs en 2012et a rapporté près de 50 milliardsde dollars à la France en 2009. Pourun pays dont la culture est un ar gu -ment touristique primordial, sa miseen ligne aura des conséquen ces éco -nomiques non négligeables.

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) DIRECTEUR Robert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard([email protected]) ÉDITORIALISTES Michèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Marc Tronchot AGORA Éric Mandonnet L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENTÀ L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Juliette Bot, Jean-Louis Caffier, François Clemenceau, Florence Cohen, Antoine Colonna, Pierre-Henry Drange, Alain Fournay, Paul Fournier, AnitaHausser, Béatrice Houchard, Richard Kitaeff, Serge Moati, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier,Pierre de Vilno CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected] - Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSIONRoto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL AgoraParution chaque mercredi ABONNEMENTS [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

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La guerre des bibliothèquesLa Toile et le livre

Sous la pression de Google, qui entend développer une bibliothèque mondiale, les grandes bibliothèquesnationales accélèrent la numérisation de leurs propres collections. Il s’agit pour les États de garderla maîtrise de leurs fonds documentaires et de protéger leur patrimoine scientifique et culturel.

100milliards d’eurosEstimation du coût globaldu projet Europeana.(Source : Union européenne.)

2.0

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Le site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationalede France. Pour protéger son patrimoine, les dirigeants de la BnFont décidé d’accélérer la numérisation de ses fonds. PHOTO XAVIER RICHER/AFP

Les habitués le savent, uncatalogue des œuvres bien

conçu est souvent l’outil le plusutile d’une bibliothèque. La Bi-bliothèque nationale de Francea donc lancé son projet de cata -lo gue numérique afin de permet-tre une meilleure recherche desœuvres disponibles. S’appuyantsur les concepts de l’open data,

ce catalogue permet de présenterles informations sur une œuvredétenue par la BnF, mais aussipar d’autres sources telles qu’Eu-ropeana et même Wikipédia. Cepor tail, déjà opérationnel, a voca -tion à devenir l’un des portailsculturels majeurs du Web par sasimplicité et l’exhaustivité desinformations fournies.

http://data.bnf.frle catalogue numérique de la BnF Le chiffre

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Visiblement, le ministre duTravail – encore pour quel -ques jours – n’a pas besoin

de se creuser la cervelle pour citerceux qui ont balisé son parcourspolitique : c’est une trilogie cohé-rente qui le mène de De Gaulle àChirac avec Séguin comme pointde passage obligé de l’un à l’autre.L’explication est ainsi articulée :« le déclic de l’engagement politique,dit-il, c’est Chirac. La proximité surles idées, c’est Séguin. La véritableréférence, c’est le Général. » Unealchimie qui fera de lui ce qu’ilest, un « gaulliste social », selonsa propre expression. Issu d’unefamille modeste, il se souvientqu’on ne parlait guère de politiqueà la maison. En 1974, les siensvotèrent Chaban. Il n’avait pas11 ans et passa la soirée seul de vantla télé, à tout suivre du scrutin,spectateur fasciné de ce momentintense que représentait l’électionprésidentielle. Un jour, le sénateurgaulliste Jacques Braconnier repé-rera ce jeune adolescent assoifféde politique et lui mettra le piedà l’étrier à Saint-Quentin, la villede l’Aisne dont il deviendra ledéputé-maire.

Envol politiqueChronologiquement, le premier àséduire le jeune Xavier Bertrandfut Philippe Séguin, qu’il invita àSaint-Quentin en 1992 pour uneréunion publique sur l’Europe.« Je croyais à la campagne du non[au traité de Maastricht, NDLR],explique-il à présent. L’Europe étaitun enjeu incontournable mais pasà tout prix. » À ses yeux, Séguinincarnait ce gaullisme à visagehumain, enraciné dans un terreauprovincial : les Vosges et Épinalpour le ténor du RPR d’alors,dans lequel se reconnaissait l’élud’une commune populaire commeSaint- Quentin. « Plus de mille per-sonnes étaient venues l’écouter dansle théâtre municipal qui comptait600 places », se souvient le ministre,ajoutant que ce moment fut celuide son « envol politique ». Il avait27 ans. Comme l’ensemble del’assistance, il but les paroles

de Séguin qui s’était montré untribun « bluffant » pour défendreune Europe pas assez politique etpar trop monétaire et financière,qui préférait selon lui la déflationà la croissance. « C’était sa dernièreintervention avant son débat téléviséavec Mitterrand », rappelle XavierBertrand. Son attachement à Phi-lippe Séguin, à la mémoire duquelil a dédié un des salons du mi -nistère du Travail, il le définit en

quelques mots choisis : « Son gaul-lisme social, son exigence éthiqueet morale, sa capacité à montrer quele politique peut imposer ses vuesaux eurocrates et aux technocrates. »Une évocation qui inspire à ce sé-guiniste quelques commentairespeu amènes sur le libéralisme oul’ultralibéralisme. « Il faut créerdes richesses mais aussi que cettecréation ait du sens. Autrement dit ilfaut savoir les partager. » Dans son

propos transparaît la convictiond’un édile dont la municipalitécompte plus de bénéficiaires duRSA (revenu de solidarité active)que partout ailleurs en France.« Le lieu où on est élu nous condi-tionne », affirme-t-il.

Le carré des chiraquiensLa relation avec Jacques Chiracfut plus tardive. Il n’est pas du« carré des chiraquiens » qui l’ontsoutenu en 1995, les Baroin, Pé-cresse, Jacob ou Copé. Bertrandest plus modestement responsabledépartemental de sa campagne, la -bourant exclusivement le terrain.Il croit au Chirac de la « fracturesociale » mais ne l’a jamais ren-contré. « C’est Juppé qui m’a faitconfiance le premier », souligne-t-il,en lui proposant de prendre encharge à l’UMP le dossier difficiledes retraites. Nous sommes alorsen 2002. « J’étais inconnu au ba-taillon. J’ai travaillé à fond le sujetet j’ai entrepris un tour de Francedes retraites. » Il mesure la nécessitéde la pédagogie en politique. Ildeviendra alors rapporteur pour lacommission des finances sur cettequestion, sera nommé secrétairegénéral adjoint de l’UMP avant deprendre le dossier de l’Éducation.Chirac, qui a fini par entendreparler de lui, le fera entrer dans legouvernement Raffarin en 2004,comme secrétaire d’État puiscomme titulaire du portefeuillede la Santé. Enfin il peut mesurerde plus près ce qui l’attire chezle Corrézien. « En 1995, il avaitfait le bon diagnostic sur la sociétéfrançaise. Comme Président, il s’estmontré rassurant, avec une formed’autorité naturelle, une véritablehauteur de vue. Pour moi, il est celuiqui n’empêche pas de faire. » Et derappeler combien Chirac lui ap-porta son soutien sur la réformede l’assurance maladie commesur l’interdiction de fumer dansles lieux publics. « C’était aprèsles grandes manifestations contre leCPE. Il m’a dit : “Tu ne vas pas nousremettre les Français dans la rue !”J’ai répondu : “Si, M. le Président,mais pour leur bien. Ils iront fumer

dehors !” » Quand viendra la crisedu chikungunya, quelques bonscamarades du gouvernement de-manderont insidieusement « sile ministre de la Santé a bien faitce qu’il fallait »… Xavier Bertrandtrouvera une nouvelle fois enChirac un défenseur. D’où le froidqui naîtra entre les deux hommesquand, en décembre 2006, le mi-nistre chiraquien prendra claire-ment parti pour Nicolas Sarkozydans la perspective de la présiden-tielle de l’année suivante.

Une idée moderneUn choix qui détonne au regarddu gaullisme social tant revendi-qué par M. Bertrand. Mais à cetteépoque, il estime que seul l’ancienministre de l’Intérieur est en me-sure de l’emporter. Il ne se trom-pera pas. Pour autant, celui quiaffiche aujourd’hui ses ambitionsprésidentielles pour 2017 ne perdpas de vue les valeurs fondatricesde son engagement politique :« Le gaullisme est une idée moderne,insiste-t-il. C’est une volonté de dé-cloisonner, de dépasser les clivages,de rassembler. De refuser tout sec -tarisme. C’est une aptitude à savoirconvaincre sa famille politique. C’estun esprit profondément réformateur. »Conscient du décalage entre lessolutions proposées et leur miseen œuvre, il souligne aussi « ladimension sacrificielle du pouvoir »,très forte dans le gaullisme. « Vousne me suivez pas, je m’en vais »,dit-il en vantant les mérites del’appel au peuple. « Je suis partisandes référendums. Pas sur tout et pastout le temps, mais assez souventpour refonder la légitimité. On ditaux gens qu’ils sont libres de choisir.Une fois tous les cinq ans ce n’est pasassez. Quand ils sont sollicités ilsdisent non »… Hostile à « la loi duplus fort », préférant « la promotionà l’égalitarisme », partisan del’ascenseur social, Bertrand rêved’une droite « ferme sur le régalienet ouverte sur la justice », qui neperde jamais le soutien des mi-lieux populaires. Voici tracée laligne d’horizon de son gaullisme.

Plus gaulliste que sarkozyste, plus ségueniste que chiraquien, le maire de Saint-Quentin s’estd’abord construit avec la parole de Philippe Séguin, qui selon lui renvoyait plus que tout autreà celle du général de Gaulle. Il retient de ses différents mentors la fibre populaire qui l’inspire.

Par Éric Fottorino

L’admiroir

Xavier Bertrand ou les troisvisages du gaullisme

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