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L’hémogramme ou numération-formule sanguine

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Actualités pharmaceutiques

• n° 538 • septembre 2014 • 53

biologie

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Mots clés - agranulocytose ; anémie ; hématie ; hémogramme ; leucocyte ; leucopénie ; neutropénie ; numération-

formule sanguine ; plaquette

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/ 10.1016/j.actpha.2014.06.011

L’hémogramme ou numération-formule sanguineL’hémogramme ou numération-formule sanguine (NFS), couramment prescrit, n’est pas

toujours facile à interpréter à l’officine. Il permet d’évaluer la quantité et la qualité de la

lignée rouge (hématies), de la lignée blanche (globules blancs) et des plaquettes. Il est

souvent requis devant une suspicion d’anémie, une altération de l’état général, en cas

d’hémorragie, de thromboses, d’infection persistante ou de cancer. Il est aussi prescrit

dans le cadre de la surveillance d’un traitement médicamenteux.

L’ hémogramme ou numération-formule sanguine (NFS) permet d’évaluer la quantité et la qualité des trois lignées sanguines : les hématies ou

globules rouges ou encore érythrocytes, les leucocytes ou globules blancs, et les plaquettes (encadrés 1 et 2). Il permet notamment de mettre en évidence un proces-sus inflammatoire ou infectieux.

F La numération de la lignée érythrocytaire fournit

des informations sur la capacité de l’organisme à

transmettre de l’oxygène aux cellules car, en effet, lors de cet examen, il est possible de calculer le taux d’hémoglobine contenu dans les hématies, cette pro-téine assurant le transport de l’oxygène dans le sang. Elle fournit également des données complémentaires : • l’hématocrite, le volume occupé par les globules

rouges par rapport au sang total ;• le volume globulaire moyen (VGM) des hématies ; • la teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine

(TCMH), c’est-à-dire la quantité moyenne d’hémo-globine contenue dans une hématie ;

• la concentration corpusculaire moyenne en hémo-globine (CCMH), c’est-à-dire la quantité moyenne d’hémoglobine contenue dans un litre d’hématies.

Enfin, en association à la numération érythrocytaire, il est possible d’évaluer les réticulocytes qui sont des héma-ties jeunes circulant dans le sang témoignant de la capa-cité de la moelle à produire des hématies.

F Dans la lignée leucocytaire sont retrouvés :• les polynucléaires ou granulocytes, parmi lesquels se

distinguent les polynucléaires neutrophiles, qui jouent un rôle important dans l’immunité et la défense de l’orga-nisme contre des agents pathogènes, les polynucléaires éosinophiles, dont le nombre peut augmenter en réponse à certaines infections parasitaires ou en cas d’allergie, et les polynucléaires basophiles qui participent à certaines réactions allergiques ;

• les lymphocytes B qui sont responsables de la production d’anticorps et les lymphocytes T qui

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Stéphane BERTHÉLÉMYPharmacien

Adresse e-mail : [email protected] (S. Berthélémy).

Pharmacie de Cordouan, 24 avenue de la République, 17420 Saint-Palais-sur-Mer, France

Encadré 1. Valeurs normales de la numération-formule sanguine : lignée érythrocytaire

F Hématies : • homme, 4,2-5,7 1012/L ou 4 200 000-5 700 000/mm3 ;• femme, 4,0-5,3 1012/L ou 4 000 000-5 300 000/mm3.

F Taux d’hémoglobine :• homme, 130-180 g/L ou 13-18 g/100 mL de sang ;• femme, 120-160 g/L ou 12-16 g/100 mL de sang.

F Hématocrite : • homme, 40-52 % ;• femme, 37-46 %.

F Volume globulaire moyen : homme/femme, 80-95 fl ou μ3. F Teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine : homme/

femme, 28-32 pg. F Concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine :

homme/femme, 32 à 36 % ou 320-360 g/L.

Encadré 2. Valeurs normales de la formule sanguine et des plaquettes

F Leucocytes : 4-10 109/L ou 4 000 à 10 000/mm3. F Neutrophiles : 2,5-7,5 109/L ou 2 500 à 7 500/mm3. F Éosinophiles : 0,1-0,5 109/L ou 100 à 500/mm3. F Basophiles : 0-0,150 109/L ou 0 à 150/mm3. F Lymphocytes : 1,5-4 109/L ou 1 500 à 4 000/mm3. F Monocytes : 0,4-1,0 109/L ou 400 à 1 000/mm3. F Plaquettes : 150-400 109/L ou 150 000 à 400 000/mm3.

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interviennent dans la sécrétion de cytokines (ils ne sont pas différenciés lors de la NFS) ;

• les monocytes qui permettent la présentation de l’anti gène et interviennent dans la phagocytose. F La lignée plaquettaire intervient essentiellement

dans la coagulation sanguine.

Indications L’hémogramme détermine la quantité et la qualité des éléments cellulaires des lignées rouge (érythrocytes), blanche (leucocytes) et plaquettaire.

F Cet examen permet de dépister, explorer et assu-

rer le suivi de la plupart des anomalies des lignées san-guines. Il a pour but d’apporter des informations quantitatives et qualitatives sur les cellules sanguines.

F Une NFS est pratiquée devant des signes évo-

quant une diminution d’une ou plusieurs lignées

sanguines : syndrome anémique (pâleur, anoxie…), syndrome hémorragique aigu (purpura, épistaxis, ecchymoses, hématomes anormaux…), syndrome infectieux inexpliqué, persistant, récidivant ou grave, adénopathies chroniques, etc. Elle est, par ailleurs, prescrite lors d’une altération de l’état général (asthénie prolongée, anorexie, amaigrissement, fièvre persistante, douleurs osseuses, etc.). Elle est aussi pratiquée face à des signes évoquant une augmentation d’une ou plusieurs lignées sanguines : érythrose cutanée, throm-boses artérielles ou veineuses, syndrome tumoral (adénopathies, splénomégalie, etc.). Enfin, la numé-ration des plaquettes est intéressante afin de surveiller la coagulation et de dépister un risque hémorragique. Elle permet enfin de repérer une thrombose (augmen-tation du nombre de plaquettes) ou une thrombopénie (diminution du nombre de plaquettes).

Réalisation L’hémogramme est réalisé à partir d’un échantillon de sang prélevé par ponction veineuse et recueilli dans un tube contenant un anticoagulant de type EDTA. Il n’est pas nécessaire d’être à jeun pour cet examen qui se réalise cependant de préférence à distance d’une inges-tion de corps gras – il faut donc éviter le beurre ou le lait au petit-déjeuner du matin de l’examen – qui pourraient provoquer un trouble du sérum et perturber ainsi les résultats.

Interprétation des résultatsIl est impératif de connaître les valeurs normales en fonction de l’âge et du sexe pour éviter les erreurs d’interprétation.

Lignée rouge  F Une diminution du nombre d’hématies doit être

interprétée en fonction de la concentration en hémo-globine.

F Une diminution de la concentration en hémo-

globine (< 13 g/100 mL) est la traduction d’une anémie. Elle peut être liée à une atteinte périphérique (hémor-ragie, hémolyse, syndrome inflammatoire chronique, etc.) ou médullaire. L’anémie microcytaire hypochrome (VGM < 82 μ3 ; CCMH < 32 %) est liée à un déficit de synthèse de l’hémoglobine et conduit à rechercher en premier une carence martiale (diminution du fer sérique et de la fer-ritine, transferrine augmentée) ou un syndrome inflam-matoire (diminution du fer sérique et augmentation de la ferritine). Dans le cadre d’un bilan inflammatoire, la vitesse de sédimentation (VS) et la protéine C-réactive (CRP) seront prescrites.L’anémie normocytaire ou macrocytaire peut être régénérative ou non, déterminée alors par la numération des réticulocytes. La présence des réticulocytes, précurseurs des globules rouges, dans le sang périphé-rique en quantité augmentée indique une production amplifiée de globules rouges dans la moelle osseuse. Leur numération ne fait pas systématiquement partie de l’hémogramme. Il est question d’anémie arégénérative pour une numération des réticulocytes < 150 000/mm3.L’anémie normocytaire régénérative (VGM normal) peut survenir en cas d’anémie post-hémorragique ou hémolytique par destruction excessive de globules rouges.L’anémie macrocytaire arégénérative (VGM augmenté) peut être liée à une maladie inflammatoire, une insuffi-sance rénale, endocrinienne (thyroïde, corticosurrénale) ou hépatique, une aplasie médullaire ou des métastases. Elle peut aussi être évoquée devant une carence en vita-mine B9 et incite alors à rechercher un alcoolisme chronique ou une prise de médicaments antifoliques (méthotrexate,

L’hémogramme est un examen permettant de dépister, explorer et assurer le suivi de la plupart des anomalies des lignées sanguines.

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Pour en savoir plus• Anaes /Service des références médicales. Lecture critique de l’hémogramme : valeurs seuils à reconnaître comme probablement pathologiques et principales variations non pathologiques. Septembre 1997. www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Hemogram.pdf

• Dieusaert P. Guide pratique des analyses médicales. Paris: Maloine; 2009.

• Kubab N, Hakawati I, Alajati-Kubab S. Guide des examens biologiques. Rueil-Malmaison: Lamarre; 2009.

• Arnulf B. Conférence Les anémies. EPU-95 Montmorency, formation médicale continue du Val d’Oise, 07/04/2011.

• Sainty D. Hémogramme. Item 316. Faculté de médecine de Marseille, DCEM2 – module 12. Hématologie. Janvier 2006.

Bactrim®, chimiothérapies anticancéreuses, anti rétro-viraux, etc.). Elle peut aussi être due à une carence en vitamine B12 et évoquer alors une anémie de Biermer ou encore un régime végétarien strict.Il faut noter qu’une diminution de l’hémoglobine ne signe pas toujours une anémie. En effet, en cas d’hémodilution, le volume plasmatique augmente et la concentration d’hémoglobine est diminuée : c’est le cas pendant la grossesse, en cas d’insuffisance cardiaque, de spléno-mégalie importante ou d’erreur de réhydratation.

F Une augmentation du nombre de globules rouges (polyglobulie) peut évoquer la maladie de Vaquez (hémopathie myéloproliférative), une hypoxie (augmen-tation réactionnelle) ou une déshydratation.

Lignée blanche F Une augmentation du nombre de globules blancs

(hyperleucocytose) peut être bénigne en cas d’infection bactérienne ou maligne lorsqu’il s’agit d’hyperleuco-cytose avec blastes circulants, comme dans les leucé-mies aiguës.

F Une diminution du nombre de globules blancs est appelée leucopénie. Il est question de neutropénie lorsque le nombre de polynucléaires neutrophiles < 1 700/mm3. La neutropénie est modérée entre 800 et 1 700/mm3. Les causes peuvent être bactériennes, para-sitaires, virales ou médicamenteuses. Elle est profonde lorsque la valeur est inférieure à moins de 800/mm3 et il est alors nécessaire de réaliser un myélogramme. Le risque infectieux devient important au-dessous de 500/mm3. L’agranulocytose correspond, pour sa part, à une valeur inférieure à 200/mm3. Il s’agit d’une urgence médicale nécessitant une hospitalisation immédiate.

F Une augmentation des polynucléaires éosino-

philes (hyper-éosinophilie) > 500/mm3 se rencontre dans les allergies et les parasitoses. Il peut s’agir égale-ment d’une cause iatrogène : β-lactamines, anti-épileptiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, etc.

F Une augmentation du nombre de lymphocytes (hyperlymphocytose) > 4 000/mm3 peut être occasion-née par des maladies infectieuses (mononucléose infec-tieuse, infection à cytomégalovirus, infection au virus de l’immunodéficience humaine [VIH], toxo plasmose, etc.), en cas de réactions allergiques ou d’hémopathies malignes (leucémie lymphoïde chronique, lymphomes).

F Une diminution du nombre de lymphocytes < 1 000/mm3 survient en cas de chimiothérapie, de radiothérapie, d’immunodépression pour greffe d’organe, d’infection par le VIH, au cours des traite-ments par corticoïdes ou immuno suppresseurs.

F Une augmentation des polynucléaires neutro-

philes > 7 000/mm3 s’accompagne le plus souvent d’une hyperleucocytose. Elle peut être causée par des infections bactériennes (abcès, angine, panaris,

infections urinaires ou génitales, etc.), une maladie inflammatoire chronique évolutive (polyarthrite rhuma-toïde, maladie de Crohn, etc.), une réaction allergique aiguë, une nécrose tissulaire, une hémorragie ou une hémolyse importante, un syndrome myéloprolifératif ou un tabagisme chronique. La prise de certains médi-caments, comme les corticoïdes ou le lithium, peut entraîner une augmentation des poly nucléaires neutrophiles.

F Une diminution des polynucléaires neutrophiles (neutropénie) peut être due à certaines infections virales (grippe, zona, hépatite, mononucléose infectieuse, sida, etc.) ou à la prise de certains médicaments (Retrovir®, Cymevan®, Bactrim®, Fansidar®, Profenid®, Indocid®, Rifadine®, etc.) ou encore survenir après une chimio-thérapie, au cours de certaines maladies de la moelle (myélome, lymphome, leucémie), dans les aplasies, etc.

F Une augmentation des polynucléaires basophiles survient dans les états allergiques ou inflammatoires (dermatoses, asthme, allergie, etc.), en cas de maladies hématologiques et de syndrome myéloprolifératif.

F Une augmentation des monocytes > 1 000/mm3 peut être réactionnelle (infections bactériennes, virales ou parasitaires, mononucléose infectieuse, infection à cytomégalovirus, toxoplasmose, hépatite virale, brucel-lose, syphilis, zona, varicelle, rougeole, etc.). Elle peut aussi survenir en cas de leucémies aiguës ou de myélo-dysplasies.

Lignée plaquettaire F Une augmentation du nombre de plaquettes

(thrombocytose) > 400 000/mm3 entraîne un risque de thrombose. Elle est observée dans les réactions inflam-matoires. Toutefois, en cas de thrombocytémie, c’est-à-dire d’augmentation massive du nombre de plaquettes > 1 000 000/mm3, il faut évoquer un syndrome myéloprolifératif.

F Une diminution des plaquettes (thrombopénie) < 150 000/mm3 doit amener à pratiquer systématique-ment en urgence un bilan d’hémostase. Elle se produit en cas d’atteinte virale ou de traitement médicamenteux (héparine, α-méthyldopa, digoxine, aspirine, etc.). Une thrombopénie peut être engendrée par une aplasie médullaire touchant toutes les lignées ou seulement les plaquettes. Cette aplasie peut être soit spontanée, soit induite par une chimiothérapie. w

Remerciements

Merci à Véronique Annaix,

maître de conférences

des universités en biochimie,

praticien hospitalier,

Faculté de pharmacie d’Angers,

pour sa relecture.

Déclaration d’intérêts 

L’auteur déclare ne pas avoir

de confl its d’intérêts en relation

avec cet article.