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Séance du 16 décembre 2010 du séminaire sur l'altérité du département "Judaïsme et christianisme" L’homme sensé à la lumière du fou ? Le fou et l’homme sensé au prisme des configurations du roi Saül et des modes dramatiques de l’être
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Sujet de la séance (1ère partie) :
L’homme sensé à la lumière du fou ?
Cette conférence m’a donné l’occasion d’examiner un mouvement épistémologique qui
s’est opéré au tournant des XVIIIe/XIXe siècles en France, avec comme figure de prou P.
Pinel (1745-‐1836).
Celui-‐ci initia dans un contexte propre à la genèse de la médecine aliéniste, le passage de
l’insensé à l’aliéné.
Il s’agissait d’examiner certains effets de ce mouvement de bascule sur la question de
l’appréhension thérapeutique du fou, sa portée via le traitement moral, mais également
ses limites. En parallèle, il ne fallait pas omettre d’observer la rupture induite par Pinel, à
l’égard de certains systèmes philosophiques (sensualisme…) et religieux (la « vieille »
scolastique médiévale des facultés de l’âme…).
En effet, par sa posture, il s’est dégagé de la tradition biblique et du modèle judéo-‐
chrétien axé sur le péché, où l’insensé est aussi la figure coupée de Dieu. Cette mise entre
parenthèse du domaine théologique domina alors le monde médical et participa à la
sécularisation du regard sur le fou. De fait, en s’inspirant des idéologues, Pinel inaugura
une « alliance » entre médecine (aliéniste) et philosophie, amorçant par là même une
médicalisation progressive de la société où la question religieuse en général, et la
mystique en particulier, ne furent pas exempts (cf. l’expertise médicale du prophète
délirant M. de Gallardon, ou les entités nosographiques1 censées métaboliser des aspects
relatifs au domaine du sacré).
1 Nosographie : Description et classification des maladies.
Collège des Bernardins, Séminaire sur l’Altérité
Département Judaïsme et Christianisme
Séance du 16 décembre 2010
Intervenant et compte rendu : Stéphane Gumpper
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Ces longs prémices m’ont permis ensuite de dégager une filiation philosophique,
s’originant de Maine de Biran (1766-‐1824), poursuivi dans un sillage français par l’école
médico-‐psychologique
(Baillarger , Moreau de Tours…), héritière de Pinel et d’Esquirol ; qui appliqua leurs
travaux de physiologie historique à des figures religieuses (prophètes, saints,
mystiques…) dont les manifestations diverses (extases, stigmates, visions…) furent
réduites à des expressions morbides… Dans la suite de ce lignage, Taine (1828-‐1893) à sa
manière, mais surtout Ribot (1839-‐1916) contribua à l’édification d’un modèle hiérarchisé
des activités intellectuelles et affectives au sommet duquel trôna un sujet de la
conscience claire. Il fallait alors noter l’amorce progressive du tour de force suivant : la
tentative de définir l’homme sensé à la lumière du fou !
Deux grands axes furent dès lors brièvement examinés : d’une part, la psychologie
pathologique de Ribot, et les variantes élaborées par son disciple Janet ; ou le modèle
organo-‐dynamique néojacksonien de Ey ; et d’autre part, en décalage, la psychanalyse
avec Freud qui éclata la ligne de démarcation entre normal et pathologique. Dans cette
suite j’ai mentionné très succinctement la conception de la polarité des archétypes dans la
théorie de Jung, en décalage radical avec les thèses freudiennes ; et commenté le
décentrement opéré par Lacan, en me branchant sur son adage « la guérison vient de
surcroît » (car si le désir c’est effectivement ce qui rend malade, on ne pourrait dès lors
pas guérir… de son symptôme !).
En conclusion j’ai essayé d’ouvrir cette question de « l’homme sensé à la lumière
du fou », à partir des « méditations » de quelques autres auteurs (Canguilhem, Foucault)
ou courants de pensée (psychothérapie institutionnelle, antipsychiatrie) propre au XXe
siècle.
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Intervenant et compte rendu : Bernard Forthomme
Sujet de la séance (2ème partie) :
Le fou et l’homme sensé
Au prisme des configurations du roi Saül et des modes dramatiques
de l’être
Etre à présent un homme sensé (a sensible man),
tout à l’heure un fou (a fool), et bientôt une brute
(a beast) ! Oh ! étrange !
W. Shakespeare, Othello, the Moor of Venice, Acte II, sc. 3 (1604).
Comme nous ne pouvions envisager de présenter toute la généalogie de la
question du « fou » et de l’homme sensé, y compris dans sa polysémie métaphorique, ni
même analyser le passage moderne de la figure de l’insensé à celle de l’aliéné, il nous a
semblé fécond de prendre comme fil conducteur les métamorphoses de la perception de
l’image du « fou » et du « sensé » au prisme de la figure du roi Saül, à la naissance du
politique en Israël, élu avant d’être rejeté, lui qui représente, dans l’histoire mondiale, la
première grande figure proprement tragique quelque peu documentée.
Ensuite seulement, nous avons évoqué les différents modes de la « folie » comme autant
de révélateurs des parcours modaux de l’existence dramatique, dans l’esprit de la
pathosophie de Viktor von Weizsächer suivant l’interprétation donnée par le Dr Jacques
Schotte dans son enseignement magistral de Louvain.