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Article original Lhospitalisation temps plein en psychiatrie infantojuvénile : un état des lieux Full time hospitalisation in child and adolescent psychiatry: overlook of the french situation B. Welniarz a, * , H. Medjdoub b a Chef de service, secteur 93I03, EPS de Ville-Evrard, 202, avenue J.-Jaurès, 93332 Neuilly-sur-Marne, France b Praticien hospitalier, secteur 93I03, EPS de Ville-Evrard, 202, avenue J.-Jaurès, 93332 Neuilly-sur-Marne, France Résumé Les auteurs présentent les résultats dune enquête nationale réalisée en 20032004 auprès des services de psychiatrie, hospitalisant à temps plein des enfants et des adolescents. Les principaux points étudiés sont le fonctionnement des services, la pathologie présentée par les patients hospitalisés, lutilisation de psychotropes et le recours à lisolement thérapeutique. Les résultats sont présentés selon trois groupes : les services hospitalisant des enfants, les services hospitalisant des adolescents et les services hospitalisant à la fois des enfants et des adolescents. Les auteurs discutent les différences de pratique soignante dans les différents services. © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS. Abstract The authors presents the major outcome of a national survey realized in 2003-2004 in the psychiatry teams in charge of child and adolescent full time hospitalization. The principal studied points are: the functioning of the departments, the main disorders of the patients, the use of psychotropic drugs, and the use of seclusion. The outcomes are presented in three groups: the departments for children, the departments for adolescents and the departments hospitalizing together children and adolescents. The authors discuss the different practices of the teams. © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Hospitalisation temps plein ; Psychiatrie infantojuvénile ; Épidémiologie ; Psychotropes ; Isolement thérapeutique Keywords: Full time hospitalization; Child and adolescent psychiatry; Epidemiology; Psychotropic drugs; Therapeutic seclusion Les lits de pédopsychiatrie sont rares et bien trop peu nom- breux par rapport à la demande et aux besoins dhospitalisa- tion. Tout pédopsychiatre a fait lexpérience des difficultés importantes pour trouver un lit dhospitalisation pour un patient présentant des troubles aigus. Cette pénurie, qui, espérons-nous, sera un peu compensée par les projets prévus au SROS de troisième génération, a des causes historiques, car le développement des secteurs de psychiatrie infantojuvé- nile depuis 1972 a entraîné la reconversion de 70 % des lits existant précédemment. Cette nécessité de penser la pratique avec un recours très modeste à lhospitalisation influe certainement sur les organi- sations de soins des secteurs qui ont développé des alternatives àlhospitalisation. Dun côté cette pénurie a poussé des sec- teurs à se montrer inventifs et créatifs, dun autre côté les patients ny ont pas toujours trouvé leur compte car, chaque année, de nombreux adolescents de moins de 16 ans sont hos- http://france.elsevier.com/direct/NEUADO/ Neuropsychiatrie de lenfance et de ladolescence 55 (2007) 401406 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Welniarz). 0222-9617/$ - see front matter © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.neurenf.2007.07.004

L'hospitalisation temps plein en psychiatrie infantojuvénile : un état des lieux

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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 55 (2007) 401–406

Article original

L’hospitalisation temps plein en psychiatrie infantojuvénile :un état des lieux

* AuteurAdress

0222-9617doi:10.101

Full time hospitalisation in child and adolescent psychiatry:

overlook of the french situation

B. Welniarza,*, H. Medjdoubb

aChef de service, secteur 93I03, EPS de Ville-Evrard, 202, avenue J.-Jaurès, 93332 Neuilly-sur-Marne, FrancebPraticien hospitalier, secteur 93I03, EPS de Ville-Evrard, 202, avenue J.-Jaurès, 93332 Neuilly-sur-Marne, France

Résumé

Les auteurs présentent les résultats d’une enquête nationale réalisée en 2003–2004 auprès des services de psychiatrie, hospitalisant à tempsplein des enfants et des adolescents. Les principaux points étudiés sont le fonctionnement des services, la pathologie présentée par les patientshospitalisés, l’utilisation de psychotropes et le recours à l’isolement thérapeutique. Les résultats sont présentés selon trois groupes : les serviceshospitalisant des enfants, les services hospitalisant des adolescents et les services hospitalisant à la fois des enfants et des adolescents. Les auteursdiscutent les différences de pratique soignante dans les différents services.© 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.

Abstract

The author’s presents the major outcome of a national survey realized in 2003-2004 in the psychiatry teams in charge of child and adolescentfull time hospitalization. The principal studied points are: the functioning of the departments, the main disorders of the patients, the use ofpsychotropic drugs, and the use of seclusion. The outcomes are presented in three groups: the departments for children, the departments foradolescents and the departments hospitalizing together children and adolescents. The authors discuss the different practices of the teams.© 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.

Mots clés : Hospitalisation temps plein ; Psychiatrie infantojuvénile ; Épidémiologie ; Psychotropes ; Isolement thérapeutique

Keywords: Full time hospitalization; Child and adolescent psychiatry; Epidemiology; Psychotropic drugs; Therapeutic seclusion

Les lits de pédopsychiatrie sont rares et bien trop peu nom-breux par rapport à la demande et aux besoins d’hospitalisa-tion. Tout pédopsychiatre a fait l’expérience des difficultésimportantes pour trouver un lit d’hospitalisation pour unpatient présentant des troubles aigus. Cette pénurie, qui,espérons-nous, sera un peu compensée par les projets prévusau SROS de troisième génération, a des causes historiques,

correspondant.e e-mail : [email protected] (B. Welniarz).

/$ - see front matter © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.6/j.neurenf.2007.07.004

car le développement des secteurs de psychiatrie infantojuvé-nile depuis 1972 a entraîné la reconversion de 70 % des litsexistant précédemment.

Cette nécessité de penser la pratique avec un recours trèsmodeste à l’hospitalisation influe certainement sur les organi-sations de soins des secteurs qui ont développé des alternativesà l’hospitalisation. D’un côté cette pénurie a poussé des sec-teurs à se montrer inventifs et créatifs, d’un autre côté lespatients n’y ont pas toujours trouvé leur compte car, chaqueannée, de nombreux adolescents de moins de 16 ans sont hos-

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pitalisés dans des services de psychiatrie générale qui ne sontpas adaptés à leur prise en charge.

En 2003–2004, nous avons réalisé une enquête sur l’hospi-talisation en psychiatrie infantojuvénile en France afin demieux connaître les possibilités d’hospitalisation, les popula-tions accueillies et les modalités thérapeutiques employées.Après un bref historique, nous présenterons la méthodologieet des résultats de l’enquête qui détailleront l’organisationgénérale des services, les pathologies des patients, l’utilisationdes psychotropes et le recours à l’isolement.

1. Historique

Ce n’est qu’au cours du XIXe siècle que furent créés peu à

peu des services séparés pour les enfants dans les « asilesd’aliénés ». Si l’on remonte à une époque plus ancienne, ilapparaît que, sous l’ancien régime, au XVII

e siècle, les hôpitauxgénéraux abritaient des enfants « idiots » au milieu des indi-gents [8]. La loi du 30 juin 1838, qui fut à l’origine de la cons-truction d’un asile par département ne faisait pas de différenceentre les majeurs et les mineurs. Néanmoins, les premières ten-tatives de regroupements des enfants dans les asiles sont attri-buées à J.-P. Falret qui, dès 1821, organisa un service de fillesépileptiques et idiotes à la Salpêtrière, ainsi qu’à Félix Voisinqui fut chargé, en 1833, d’organiser un service temporaired’enfants idiots et épileptiques à l’hospice des incurables dela rue de Sèvres. Ce service fut transféré à Bicêtre en 1836où depuis 1828 Ferrus avait organisé un service articulé autourde la pédagogie et du traitement moral. Delasiauve ainsi queSeguin, qui dirigea l’école de Bicêtre, influencèrent Bourne-ville qui leur succéda et fut le promoteur d’un mouvement deconstruction des « asiles–écoles ». À côté de ces innovationsdu traitement médicopédagogique, le sort des enfants des asilesd’aliénés resta longtemps préoccupant. Un rapport de 1875déplore que seuls une douzaine d’asiles en France aient réservédes quartiers spécifiques aux enfants. Ailleurs, ils sont mélan-gés aux adultes. Et même ces lieux spécifiques sont décritscomme surencombrés, insalubres et sans équipements. L’émer-gence de la psychiatrie de l’enfant fut lente ; la première chairede psychiatrie de l’enfant ne fut créée qu’en 1948, et GeorgesHeuyer, qui l’occupa à la Salpêtrière, dut sa renommée grâce àla consultation externe.

L’essentiel des lits de pédopsychiatrie installés dans les asi-les d’aliénés, qui allaient devenir des hôpitaux psychiatriquesen 1936, puis des CHS, furent des lits de défectologie où desenfants psychotiques et autistes côtoyaient des patients présen-tant des pathologies neurologiques.

Tout l’enjeu institutionnel de la psychiatrie infantojuvénilemoderne fut de sortir de ces pratiques asilaires tout en dévelop-pant, à partir de 1972, une politique de secteur basée sur uneapproche psychodynamique.

Cette évolution se traduisit par de nombreuses fermetures delits et leur reconversion en structures de soins ambulatoires. LaDREES donne quelques chiffres [1] : entre 1986 et 2000 lenombre de lits passe de 5380 à 1604 : une diminution de3776 lits, soit 70 %. Sur les 320 secteurs de psychiatrie infan-

tojuvénile français, 155 étaient dotés de possibilité d’hospitali-sation temps plein en 1995, ils ne sont plus que 129, soit 38 %,en 2000. Parallèlement, la durée moyenne de séjour diminuaitdans des proportions importantes : dans les CHS 112 jours en1991, 47 jours en 2000 pour respectivement 72 et 36 joursdans les CHR aux mêmes dates. Cette diminution de la duréede séjour ainsi que la modeste augmentation du taux d’occupa-tion (63,4 % en 2001), ne compensent ni la fermeture de 70 %des lits en 15 ans, ni les grandes inégalités régionales en termesd’équipement : certains départements sont complètementdépourvus de lits. Bien que parfois nécessaire, le recours àl’hospitalisation temps plein en psychiatrie infantojuvénile neconcerne qu’une faible partie des mineurs ayant recours au sys-tème de soins des secteurs de psychiatrie infantojuvénile quiest en très grande majorité dirigé vers les prises en chargeambulatoires. En effet, sur les 432 000 enfants et adolescentsfaisant partie de la file active des secteurs en 2000, 85 % ont euune prise en charge strictement ambulatoire. Néanmoins, 6600enfants et adolescents ont été hospitalisés à temps plein dansles services de psychiatrie infantojuvénile au cours de cettemême année 2000 [1].

2. Situation en France : résultat d’une enquête nationale

Nous présentons les résultats d’une enquête sur l’hospitali-sation réalisée entre avril 2003 et avril 2004, qui a porté sur lespratiques des services et secteurs de psychiatrie infantojuvéniledisposant de lits temps plein.

2.1. Méthodologie

2.1.1. Recensement des litsLa DREESS qui nous a communiqué le fichier des établis-

sements ayant déclaré des lits et/ou entrées en hospitalisationtemps plein en pédopsychiatrie en 2001 dans la statistiqueannuelle des établissements (SAE), soit au total 133 services.Nous avons élargi aux établissements répertoriés comme ayantdes lits dans le fichier FINESS.

2.1.2. Modalités de l’enquêteIl s’agit d’une enquête postale avec une relance pour les

services n’ayant pas répondu au premier envoi : 261 question-naires ont été envoyés et nous avons reçu 151 réponses, soit untaux de réponse de 58 %.

Quatre-vingt-quinze réponses sont directement exploitableset 56 réponses non exploitables en raison de l’absence de litsd’hospitalisation spécifiques. Ces réponses concernent des pla-ces d’accueil familial thérapeutique, des hospitalisations enpédiatrie et des hospitalisations mères–enfants.

2.1.3. Représentativité des réponsesSi on ramène le nombre de réponses aux services disposant

réellement d’hospitalisation temps plein d’enfants ou d’adoles-cents, la représentativité est importante : 95 questionnaires pro-venant de 83 établissements sur 121 soit 69 % des établisse-ments ayant déclaré du temps plein. Par rapport au nombre de

Tableau 2Durée moyenne de séjour (DMS) par type de service

Type de service < 1 mois < 2 mois < 9 mois > 1 an (entre1 et 3 ans)

Enfants (%) 35 64Adolescents (%) 48 51 1Enfants–adolescents (%) 58 23 19

Tableau 3Principales pathologies par tranches d’âge. En pourcentage de patients

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lits : ces services représentent 1128 lits sur 1604, soit 70 % deslits installés. Les réponses sont donc représentatives des prati-ques développées en matière d’hospitalisation temps plein enpsychiatrie infantojuvénile.

2.1.4. Traitement des donnéesLe traitement des questionnaires a été effectué sur EPI-Info

avec l’aide du Dr Jean-Pierre Darlot et de Marc Nectoux, DSI(Direction des systèmes d’information), université Paris-v.

2.2. Résultats

Pour une meilleure lisibilité nous avons séparé les servicesen trois catégories, enfants, adolescents et enfants–adolescents.Cette répartition s’est opérée selon deux facteurs : la déclara-tion des services et la moyenne des âges supérieurs et inférieursdes patients accueillis. L’intérêt d’une telle distinction est demettre en relief la diversité des pratiques dont l’âge est un fac-teur discriminant. La répartition est la suivante :

● 17 services pour enfants (âges moyens 4–12,4 ans) repré-sentant 160 lits. Dont 78 ouverts 365 j/an et 82 litsséquentiels ;

● 44 services pour adolescents (âges moyens 12,3–17,8 ans)représentant 516 lits dont 342 ouverts 365 j/an et 174 litsséquentiels ;

● 34 services hospitalisant les enfants et les adolescents (âgesmoyens 5–18 ans), représentant 452 lits dont 312 ouverts365 j/an et 140 séquentiels.

Ces différents services sont majoritairement situés dans desCHS (Tableau 1). La répartition régionale des réponses couvrel’ensemble du territoire français. Mais l’Île-de-France et larégion Rhône-Alpes sont surreprésentées, ce qui correspond àl’implantation plus importante des services dans ces régions.La plupart de ces services d’hospitalisation sont intersectoriels,voire départementaux ou régionaux. Ils ne restent attachés à unsecteur que dans 25 % des cas.

3. Durée moyenne de séjour (DMS)

Nous avons vu que la DMS moyenne en 2000 était de72 jours pour les CHS et 36 jours pour les CHR (DREES).Mais ces chiffres sont biaisés par le jeu des entrées et sortiessuccessives du même patient. Aussi avons-nous demandé auxresponsables de service de donner une durée moyenne deséjour. Ces chiffres ne sont pas des données objectives, maisreflètent une opinion subjective des soignants. Nous observons

Tableau 1Répartition des services en fonction de l’âge et par type d’établissement

Type d'établissement Enfants Adolescents Enfants–adolescents

Total

CHS 10 28 17 55CHG 4 7 9 20CHU 2 5 7 14Et associatif 0 2 1 3

des durées de séjour beaucoup plus longues dans les serviceshospitalisant exclusivement des enfants (Tableau 2). Ce fonc-tionnement d’hospitalisation au long cours est à rapprocher despathologies principales que présentent les patients : psychoseinfantile et autisme dans plus de la moitié des cas. Aucontraire, les services hospitalisant des adolescents ont desdurées de séjour brèves en rapport avec les troubles présentéspar les patients : dépression, pathologies narcissiques.

4. Réponse à l’urgence

La réponse à l’urgence, en fonction des places disponibles,est organisée dans 41 % des services pour enfants, 68 % desservices pour adolescents et 79 % des services pour enfants–adolescents. Ces chiffres indiquent que les troubles à l’adoles-cence peuvent s’exprimer de façon plus bruyante et que lerecours aux services d’urgence est plus habituel à l’adolescenceque durant l’enfance.

À côté de la réponse à l’urgence, la plupart des services(89 %) organisent des hospitalisations pour bilan, montrantainsi des capacités de se situer dans l’expertise clinique.

5. Principales pathologies

Les pathologies des patients hospitalisés varient en fonctionde l’âge et des principales pathologies émergentes graves quel’on retrouve aux différentes périodes de la vie des enfants etdes adolescents (Tableau 3). Les données ne reflètent pas declassification particulière, car il ne s’agit pas de reprendre unestatistique précise des pathologies des patients, mais de recueil-lir l’orientation clinique des services.

Les services pour enfants hospitalisent davantage depatients autistes et psychotiques, tandis que les services pouradolescents ont plus de patients présentant des pathologies nar-cissiques, des troubles du comportement ou des dépressions.Notons qu’additionnés, les troubles du comportement et lespathologies narcissiques représentent le groupe le plus impor-tant quel que soit l’âge.

accueillis

Type de pathologie Enfants (%) Adolescents(%)

Enfants–adolescents (%)

Psychose 28,8 16,9 26,5Autisme 26,7 4,1 10,4Schizophrénie 1,4 9,1 4,5Troubles du comportement 24,6 26,9 22,6Pathologie narcissique 12,9 19,1 14,5Dépression 5,4 20,9 15,5

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Les autres motifs d’hospitalisation retenus sans qu’ils soientcités avec suffisamment de fréquence pour entrer dans des don-nées statistiques sont : les troubles des conduites alimentaires,les troubles névrotiques et TOC, les tentatives de suicide, lestroubles anxieux et la phobie scolaire.

6. Scolarisation durant l’hospitalisation

Les modalités de scolarisation des mineurs hospitalisés sontrésumées dans le Tableau 4. La grande majorité des services depsychiatrie infantojuvénile sont soucieux de la scolarisation deleurs patients. Proportionnellement les enfants sont plutôt sco-larisés en interne et les adolescents en externe. Un certain nom-bre de services utilisent ces deux modalités. L’hospitalisationen psychiatrie infantojuvénile permet donc dans la plupart descas le maintien d’une scolarité.

7. Prescription de psychotropes

Lors des hospitalisations en psychiatrie infantojuvénile, laprescription de psychotrope n’est pas la règle. Neuf pour centdes services déclarent prescrire « rarement ». Nous avonsdemandé aux différents services de donner une approximationde la fréquence de leurs prescriptions (Tableau 5). Les servicesaccueillant exclusivement des adolescents prescrivent plus fré-quemment que les services pour enfants ; néanmoins près de14 % d’entre eux prescrivent peu, voire très peu. Les pratiques

Tableau 4Modalités de scolarisation selon le type de service

Type de service Enfants Adolescents Enfants–adolescents

Total

Scolarisation interne 12 19 25 56Scolarisation externe 8 27 12 47Nombre de services 17 44 34 95/103

Tableau 5Fréquence des prescriptions de psychotropes en %

Type de service Enfants (%) Enfants–adolescents (%) A

Prescrivent rarement 16,7 14,7 2Prescrivent un peu 55,6 32,4 1Prescrivent souvent 16,7 41,2 6Prescrivent très souvent 0 5,9 1

Tableau 6Prescription hors AMM en pourcentage

Prescriptions hors AMM (%Enfants 61,1Enfants–adolescents 55,9Adolescents 61,4Tous adolescents 59,0

Tableau 7Neuroleptiques atypiques en pourcentage

Prescrivent NP atypiques Rispéridone OlanzapiEnfants 55,6 50,0 0,0Enfants–adolescents 82,4 55,9 17,6Adolescents 90,9 70,5 38,6Tous adolescents 87,2 64,1 29,5

hospitalières, en matière de prescription médicamenteuse, reflè-tent l’orientation psychodynamique des pratiques en pédopsy-chiatrie. Pour une étude plus détaillée, nous avons repris dansce chapitre quatre catégories : les services pour enfants, adoles-cents, enfants–adolescents, et nous avons développé une caté-gorie supplémentaire regroupant tous les services hospitalisantdes adolescents (adolescents + enfants–adolescents), appelésdans les tableaux « tous adolescents ».

8. Prescriptions hors AMM et formes injectables

Les particularités de la pratique hospitalière se retrouventpuisque les prescriptions hors AMM et les prescriptions de for-mes injectables — rappelons qu’elles ne sont pas recomman-dées chez l’enfant [2] — sont régulièrement utilisées(Tableau 6).

8.1. Prescriptions d’antipsychotiques

Les Tableaux 7 et 8 représentent la proportion de servicesqui utilisent un antipsychotique donné et non la proportiond’utilisation des divers produits par les services. Nous consta-tons que les services hospitalisant des enfants utilisent plusvolontiers des neuroleptiques classiques et, au premier rangd’entre eux la cyamémazine (Tercian®), alors que les serviceshospitalisant des adolescents utilisent plus volontiers des pro-duits de nouvelle génération tels la rispéridone (Risperdal®), etOlanzapine (Zyprexa®). Ces différences de pratique sont pro-bablement liées à l’absence d’AMM de la rispéridone chezl’enfant de moins de 11 ans au moment de l’étude ainsi qu’àl’absence d’AMM pour les autres produits de nouvelle généra-tion chez l’enfant [4].

Sont également cités, mais utilisés de façon moinsfréquente : la Propériciazine (Neuleptil®), le Melleril® (retiré

dolescents (%) Tous adolescents (%) Ensemble enfants+ adolescents (%)

,3 7,7 91,4 20,5 275,9 55,1 481,4 9 7

) Formes injectables (%)38,944,177,362,8

ne Clozapine Amisulpride Loxapine0,0 5,6 5,60,0 17,6 14,72,3 34,1 11,41,3 26,9 12,8

Tableau 8Neuroleptiques classiques en pourcentage

Prescription NP classiques Halopéridol Cyamémazine Lévopromazine ZuclopenthixolEnfants 61,1 22,2 55,6 5,6 0,0Enfants–adolescents 47,1 8,8 38,2 5,9 8,8Adolescents 38,6 4,5 47,7 4,5 13,6Tous adolescents 42,3 6,4 43,6 5,1 11,5

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du marché depuis), le tiapride (Tiapridal®), le pimozide(Orap®), et le sulpiride (Dogmatil®).

8.2. Benzodiazépines

Les benzodiazépines sont peu utilisées chez les mineursdans le contexte d’hospitalisation. La seule exception est leclorazépate (Tranxène®) qui est utilisé surtout chez l’adoles-cent (18,2 % des services).

8.3. Antidépresseurs

Les antidépresseurs sont régulièrement prescrits en hospita-lisation temps plein ; plus dans les services d’hospitalisationpour adolescents que dans les services pour enfants. Ces der-niers utilisent moins les inhibiteurs de la recapture de la séro-tonine (IRS) que les services pour adolescents. Les produits decette classe les plus prescrits sont : sertraline (Zoloft®), fluoxé-tine (Prozac®), paroxétine (Deroxat®), citalopram (Seropram®),fluvoxamine (Floxyfral®). Les autres produits cités sont venla-faxine (Effexor®), mirtazapine (Norset®), miansérine(Athymil®). Les tricycliques, moins utilisés sont essentielle-ment la clomipramine (Anafranil®) et l’amitriptyline(Laroxyl®) (Tableau 9).

8.4. Thymorégulateurs

Les différents services utilisent principalement l’acide val-proïque et la carbamazépine. Le lithium n’est pas prescrit chezl’enfant. L’utilisation importante du valproate peut être liée àsa maniabilité plus importante ainsi qu’à une probable actionsur l’agressivité (activité qui n’est pas démontrée scientifique-ment) (Tableau 10).

Tableau 9Prescription d’antidépresseurs

Antidépresseurs IRSEnfants 38,9 16,7Enfants–adolescents 76,5 58,8Adolescents 86,4 59,1Tous adolescents 82,1 59,0

Tableau 10Prescription de thymorégulateurs

Thymorégulateurs ValproateEnfants 50,0 38,9Enfants–adolescents 67,6 50,0Adolescents 77,3 52,3Tous adolescents 73,1 51,3

8.5. Psychostimulants

Les principaux utilisateurs des psychostimulants sont lesservices pour enfants (44,4 %). Néanmoins, près de 18 % desservices pour adolescents utilisent ces produits.

9. Recours à l’isolement

Au cours de leur hospitalisation, de nombreux mineurs peu-vent se trouver en situation d’isolement.

La définition de l’isolement présentée par l’Anaes recouvreune large série de pratiques : « Tout patient dont la porte estverrouillée et qui est séparé de l’équipe de soins et des autrespatients et se trouve de fait en isolement. Cet isolement ne peutêtre qu’à but thérapeutique conformément à la mission de soinsdes établissements de santé ».

L’intégration de la pratique de l’isolement au processus thé-rapeutique implique qu’un certain nombre de règles soientrespectées : prescription médicale, étude des indications etcontre-indications, accompagnement du patient, etc.

Nous avons développé dans un article, une réflexion surl’orientation thérapeutique de ces pratiques [9] (Tableau 11).

La grande majorité des services ont recours à l’isolementthérapeutique et cela quel que soit l’âge des patients. Il nes’agit donc pas d’une pratique marginale, mais d’une éventua-lité pour plusieurs milliers d’enfants et d’adolescents qui fontl’objet d’une hospitalisation en psychiatrie chaque année.L’isolement est plus fréquemment utilisé chez l’adolescentque chez l’enfant, ce qui semble logique, mais néanmoins65 % des services hospitalisant des enfants de moins de13 ans l’utilisent.

La durée moyenne de l’isolement est plus courte chezl’enfant que chez l’adolescent et, bien sûr, plus courte quechez l’adulte, ce qui signe la capacité qu’ont les jeunes patientsà retrouver plus rapidement leur état affectif antérieur et leurs

Amitryptiline Clomipramine11,1 5,611,8 2,94,5 4,57,7 3,8

Carbamazépine Lithium16,7 0,023,5 5,918,2 11,420,5 9,0

Tableau 11Pratique de l’isolement

Hospitalisation enfants Hospitalisation adolescents Hospitalisation enfants–adolescentsPratiquent l'isolement (%) 65 80 71Disposent de chambre d'isolement (%) 35 32 26Isolement dans la chambre (%) 59 61 62Durée moyenne de l'isolement 30 minutes 12 heures 7 heuresDurée maximum (heures) < 24 > 100 < 100Protocole d'isolement (%) 29 45 44Échelle d'évaluation (%) 6 18 15

B. Welniarz, H. Medjdoub / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 55 (2007) 401–406406

capacités d’adaptation. Les études comparatives montrentqu’on utilise l’isolement chez l’enfant plus souvent que chezl’adulte, mais pour des durées plus brèves [2,3,5,6]. Il est pro-bable que les motifs d’isolement sont également différents, etque chez les jeunes, ce sont principalement les troubles ducomportement qui s’inscrivent dans des pathologies narcissi-ques qui sont en cause. Notons néanmoins que certains enfantspeuvent être isolés 24 heures d’affilée.

La majorité des équipes choisissent d’isoler le mineur danssa chambre quand l’état du patient permet cette pratique, plutôtque l’utilisation d’une chambre d’isolement ; car l’isolementdans un lieu déjà investi peut favoriser la mise en jeu d’uncontinuum représentationnel ayant un effet facilitateur sur larestitution des limites.

Plus de la moitié des services n’utilisent pas de protocole oud’échelle d’évaluation, alors que ces dispositions existent dansles services de psychiatrie générale suivant les recommanda-tions de l’Anaes. Les services hospitalisant les adolescentssont plus rigoureux que ceux qui accueillent des enfants.L’absence de formalisation des pratiques d’isolement chezl’enfant semble choquante du point de vue éthique d’autantque des normes internationales existent [7]. Ces données impli-quent la nécessité d’une formalisation des pratiques d’isole-ment thérapeutique chez l’enfant.

10. Conclusion

Les éléments fournis par les réponses à l’enquête permettentde pondérer le chiffre brut que représente la fermeture de 70 %des lits d’hospitalisation en 15 ans. Bien que quelques servicescontinuent à fonctionner avec des durées de séjour très lon-gues, la majorité des services hospitaliers ont évolué et modifiéleurs pratiques en réduisant leurs durées de séjour et en aug-mentant leur file active. L’analyse détaillée des résultats del’enquête ne fait pas apparaître d’hétérogénéité importante, etles exceptions sont peu nombreuses. Cependant, ce mouvementde fermeture de lits de pédopsychiatrie a été trop important, etnous nous trouvons actuellement dans une situation de pénuriede places d’hospitalisation.

D’autres réponses, que nous n’avons pas pu prendre encompte dans l’étude, font état de conventions d’hospitalisation

avec les services de pédiatrie selon des modalités innovantes etintéressantes, mais qui restent réservées aux pathologies moinsbruyantes. Les problèmes d’articulation avec les institutionssociales ou médicosociales rendent souvent les sorties diffici-les, alors qu’une séparation d’avec le milieu familial en internatest souvent souhaitable.

Les problèmes rencontrés lors de la recherche d’un litd’hospitalisation, l’existence de départements « sans lits » quidoivent s’adresser à leurs voisins, la nécessaire prise en comptedes besoins spécifiques des enfants et des adolescents lorsd’une hospitalisation plaident non seulement en faveur dumaintien des capacités d’hospitalisation temps plein actuelles,mais aussi en faveur de la nécessaire poursuite de l’équipementen structures d’hospitalisation temps plein de la psychiatrieinfantojuvénile.

Références

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