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157 HYPNOSE EN MATERNITE : DE L’AISANCE A LA NAISSANCE Docteur J.M. Hérin Clinique Ste Anne, 182 route de Wantzenau, 67000 Strasbourg Mail : [email protected] «Bonjour Madame. Je suis le Dr Hérin. Nous allons faire en sorte de vous soulager le plus rapide- ment et le plus efficacement possible. Pour cela, je vais vous proposer quelques “trucs” qui vont vous aider. Je vous invite à installer les pieds bien à plat sur le tabouret, poser vos mains bien à plat sur les genoux… la main droite sur le genou droit, la main gauche sur le genou gauche… je vous propose de bien relâcher l’épaule gauche… je vous propose de laisser tomber votre épaule gauche... Vous prenez une grande inspiration et à partir de maintenant vous respirez de plus en plus profon- dément, de plus en plus calmement, afin que chaque respiration vous apporte du confort… que cha- que respiration vous apporte du calme… que chaque respiration vous apporte de la protection… » la patiente a déjà fermé les yeux sans avoir eu à le lui demander… Elle est confortable… L e médecin anesthésiste exerçant en maternité est amené à intervenir en salle de naissance ainsi qu’en consultation. En salle de naissance, les patientes sont prises en charge, en urgence, pour l’analgésie du travail, l’accouchement par césarienne ou bien pour des manoeuvres endo-utérines telles que révision utérine, délivrance artificielle. La pratique de l’hypnose est, dans toutes ces circonstances, une aide intéressante pour installer rapi- dement un climat de calme et de confiance propice à la prise en charge anesthésique optimale des parturientes. Cet exposé se limitera principalement à l’apport de l’hypnose dans la prise en charge anesthésique des patientes en maternité. On demande souvent quelle est la différence entre des techniques comme la relaxation, la sophrolo- gie, et l’hypnose. La différence fondamentale est que l’état d’hypnose correspond à un état de dis- sociation. «Vous savez, quand vous conduisez votre voiture et que vous faites un trajet régulier, qui ne vous demande pas de concentration, que vous faites comme automatiquement, comme du travail à la mai- son par exemple, il vous arrive d’arriver à destination et de n’avoir aucun souvenir du trajet. D’un côté, vous avez pensé à vos prochaines vacances ou bien à votre dernière soirée entre amis, à votre liste de courses… et pourtant, en même temps, de l’autre côté, vous avez conduit, passé les vitesses, débrayé, freiné, vous étiez capable de vous arrêter au feu rouge, d’éviter un piéton traversant brus- quement… vous étiez dissocié » … HYPNOSE EN SALLE DE NAISSANCE HYPNOSE ETANALGÉSIE DU TRAVAIL L’hypnose est un outil puissant dans la prise en charge de la douleur pendant le travail. Les princi- pales techniques sont les lieux sûrs (corporels, dans le temps, dans l’espace …), le morcellage, la

L'hypnose en maternité

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HYPNOSE EN MATERNITE : DE L’AISANCE A LA NAISSANCE

Docteur J.M. Hérin

Clinique Ste Anne, 182 route de Wantzenau, 67000 Strasbourg

Mail : [email protected]

«Bonjour Madame. Je suis le Dr Hérin. Nous allons faire en sorte de vous soulager le plus rapide-

ment et le plus efficacement possible. Pour cela, je vais vous proposer quelques “trucs” qui vont

vous aider. Je vous invite à installer les pieds bien à plat sur le tabouret, poser vos mains bien à plat

sur les genoux… la main droite sur le genou droit, la main gauche sur le genou gauche… je vous

propose de bien relâcher l’épaule gauche… je vous propose de laisser tomber votre épaule gauche...

Vous prenez une grande inspiration et à partir de maintenant vous respirez de plus en plus profon-

dément, de plus en plus calmement, afin que chaque respiration vous apporte du confort… que cha-

que respiration vous apporte du calme… que chaque respiration vous apporte de la protection… »

la patiente a déjà fermé les yeux sans avoir eu à le lui demander… Elle est confortable…

Le médecin anesthésiste exerçant en maternité est amené à intervenir en salle de naissance

ainsi qu’en consultation. En salle de naissance, les patientes sont prises en charge, en

urgence, pour l’analgésie du travail, l’accouchement par césarienne ou bien pour des

manœuvres endo-utérines telles que révision utérine, délivrance artificielle.

La pratique de l’hypnose est, dans toutes ces circonstances, une aide intéressante pour installer rapi-

dement un climat de calme et de confiance propice à la prise en charge anesthésique optimale des

parturientes. Cet exposé se limitera principalement à l’apport de l’hypnose dans la prise en charge

anesthésique des patientes en maternité.

On demande souvent quelle est la différence entre des techniques comme la relaxation, la sophrolo-

gie, et l’hypnose. La différence fondamentale est que l’état d’hypnose correspond à un état de dis-

sociation.

«Vous savez, quand vous conduisez votre voiture et que vous faites un trajet régulier, qui ne vous

demande pas de concentration, que vous faites comme automatiquement, comme du travail à la mai-

son par exemple, il vous arrive d’arriver à destination et de n’avoir aucun souvenir du trajet. D’un

côté, vous avez pensé à vos prochaines vacances ou bien à votre dernière soirée entre amis, à votre

liste de courses… et pourtant, en même temps, de l’autre côté, vous avez conduit, passé les vitesses,

débrayé, freiné, vous étiez capable de vous arrêter au feu rouge, d’éviter un piéton traversant brus-

quement… vous étiez dissocié » …

HYPNOSE EN SALLE DE NAISSANCEHYPNOSE ET ANALGÉSIE DU TRAVAIL

L’hypnose est un outil puissant dans la prise en charge de la douleur pendant le travail. Les princi-

pales techniques sont les lieux sûrs (corporels, dans le temps, dans l’espace …), le morcellage, la

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réification, l’induction d’une analgésie segmentaire, les métaphores. Ces techniques pourraient faire

elles même le sujet de plusieurs exposés et peuvent être utilisées par tout praticien formé à l’hyp-

nose : médecin anesthésiste mais aussi sage-femme, infirmière, gynécologue ... On se limite ici à

l’utilisation de l’hypnose lors de la prise en charge anesthésique des parturientes.

L’analgésie du travail se fait par anesthésie péridurale. Très rapidement, il est devenu habituel d’ef-

fectuer les anesthésies loco-régionales avec un accompagnement hypnotique allant d’une hypnose

conversationnelle à une transe plus ou moins profonde.

La patiente en salle de naissance est souvent dans un état de transe mais transe désagréable, chargée

d’angoisse, d’inconfort, de douleur. Le but est de la faire passer rapidement dans une transe agréa-

ble. Le médecin anesthésiste, appelé pour une péridurale, prend en charge une patiente inconnue

dans un contexte d’urgence algique souvent intense. Il s’agit alors d’installer alors une transe dans

les plus brefs délais afin d’effectuer des gestes techniques précis dans les meilleures conditions. La

patiente tournant le dos au médecin pendant la pose de la péridurale, il est difficile d’observer les

signes classiques d’entrée en transe hypnotique. Quand la patiente rentre en transe hypnotique, on

constate une immobilité, une diminution de la fréquence respiratoire, sur laquelle on peut se baser

pour faire du pacing. La fréquence cardiaque maternelle et éventuellement fœtale et la pression arté-

rielle ont tendance à diminuer. La patiente ne réagit pas lors de la désinfection cutanée (l’antisepti-

que est “légèrement frais” et non pas “froid”), lors de l’anesthésie locale («ça peut picoter légère-

ment» et non «je vous pique»), lors de l’introduction de l’aiguille de Tuohy («je vous invite à rester

bien immobile» plutôt que «ne bougez pas»)… Il est intéressant de noter que les besoins en anesthé-

siques locaux ont tendance à être moindres chez les patientes bénéficiant de la pose d’une péridu-

rale sous hypnose et que l’on bénéficie d’une meilleure stabilité hémodynamique.

Techniques d’induction de la transe hypnotiqueIl existe autant de techniques d’induction hypnotique que de praticiens à formation identique, le but

étant dans tous les cas d’inhiber le “cerveau gauche” et d’activer le “cerveau droit”. Pour peu que le

praticien soit un tant soit peu créatif et dispose de plusieurs techniques, les possibilités sont infinies :

techniques de la fixation de l’attention sur un point fixe, techniques de dissociation basées sur la

relaxation et les différentes sensations Visuelles, Auditives, Kinesthésiques, Olfactives (VAKO),

confusion …

La technique “du confort” permet de réaliser un “ici et maintenant”, un “VAKO” en très peu de

temps : installation du confort des pieds sur le tabouret, des mains sur les genoux, relâchement des

épaules, grande inspiration de départ, quelques “yes set” et quelques doubles implications, confu-

sions et saupoudrage … et la patiente est déjà dans un registre de calme pouvant aller jusqu’à une

transe profonde permettant d’effectuer la pose de la péridurale dans les meilleures conditions.

On peut, alors que la patiente est en transe, introduire des métaphores : métaphores de facilité, de

simplicité, métaphores de dilatation … On peut aussi initier un “ancrage”, ainsi que des suggestions

post hypnotiques. La réassociation se fera soigneusement : on “referme” dans le même ordre que

celui avec lequel on a “ouvert”.

MétaphoresMétaphore du tonneau : l’idée est d’ “isoler” le segment abdominal douloureux dans un tonneau

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dans lequel règnent des pressions plus ou moins importantes, comme si ce segment était “dissocié”

du reste du corps …

Métaphore du bain : bain dans une baignoire ou bain dans la mer : dissocier la partie immergée de

la partie émergée … introduction de jeux de mots hypnotiques, entre la mer calme et la mère calme,

la mère sereine, la mer cenaire …

Autres techniquesLieu sûr

- Lieu sûr géographique : s’isoler dans un endroit réel ou fictif où l’on se sent bien : une maison,

un lieu naturel, une pièce de la maison … («un peu comme si vous étiez dans un endroit totalement

confortable, totalement agréable, où vous vous sentez en sécurité, comme dans un cocon … agréa-

ble … où vous êtes totalement protégée …»)

- Lieu sûr temporel (distorsion dans le temps) : un moment dans le passé où l’on s’est senti parti-

culièrement bien et retrouver cet état agréable, un moment agréable dans un futur plus ou moins pro-

che («imaginez vous entrain de préparer la fête d’anniversaire des dix ans de votre bébé … la

nappe, les bougies le gâteau (V), les musiques que vous allez mettre pour la fête, les voix des enfants,

de votre mari (A), le contact rassurant de la nappe, la chaleur des bougies (K), l’odeur du gâteau

(O) … les odeurs des couleurs, le parfum des odeurs … (confusion)…»

- Lieu sûr corporel : retrouver, en état de transe, une région corporelle dont le contact avec la main

active des processus inconscients de soulagement, de bien-être … («et quand votre main retrouve le

contact de votre genou … la main gauche sur le genou gauche ou … la main droite sur le genou

droit … quand les circonstances s’y prêtent … vous retrouvez le calme … agréable … la protection

… en sécurité … protégée … agréablement …. (ancrage, saupoudrage …)

- Personnes “sûres” : «personnes avec qui, quoiqu’il arrive on se sent bien, on se sent en sécu-

rité…»

Techniques de déplacement d’analgésie : induire, par exemple, une analgésie au niveau de la main,

puis la transférer sur une autre zone corporelle ayant besoin d’être soulagée …

Baiser du cheval, ou encore la “torture indienne” : «je vous propose de prendre le temps nécessaire,

par exemple cinq respirations, pour “fermer” l’interrupteur … un peu comme, quand vous étiez

enfant, vous disiez “même pas mal” quand on vous donnait une fessée … »

Jeux de mots hypnotiques : Aux patientes qui pleurent : ne pas avoir peur des larmes, ratifier les

larmes : inutile de dire à une patiente qui pleure “arrêtez de pleurez” mais au contraire l’accompa-

gner dans ses pleurs «dans chaque larme vous éliminez quelque chose de désagréable pour ne gar-

der que les choses agréables, dans le mot “larme” s’il y a le mot “arme” … Aux patientes

anxieuses rappeler que le mot “inquiet” peut s’écrire “”in quiet” …

Prescription de symptôme : on demande aux patientes hyper crispées de se crisper encore plus en

leur demandant de serrer très fort une balle anti-stress, ou bien la main de la sage femme … on cher-

che à induire une confusion : «madame je vous demande maintenant d’enfoncer vos ongles le plus

fort possible dans les mains de la sage femme, ou bien de prendre sa main et de la … mordre !»

(induction d’une confusion tant chez la patiente que chez la sage femme, ayant pour effet de d’an-

nihiler toutes les tensions tant chez la patiente que chez la sage femme !) … On peut aussi avoir

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deux balles de couleurs différentes et faire serrer deux fois la rouge à gauche, une fois la bleue à

droite, quatre fois la rouge à bleu, trois fois la rouge à droite etc … ce qui induit un autre type de

confusion ….

Dans tous les cas, utiliser les éléments recueillis lors de la rapide prise de contact avec la patiente :

déroulement des accouchements précédents, vécu d’anesthésies … Une patiente, extrêmement pani-

quée pendant toute sa grossesse, et a fortiori le jour de l’accouchement, me dit qu’elle a fait “la

politique de l’autruche” et qu’elle n’a pas voulu travailler sur son angoisse pendant toute sa gros-

sesse, et que c’est pire que tout aujourd’hui. En la préparant pour la péridurale, je l’ai donc instal-

lée dans le confort, puis je lui ai proposé une promenade en Autruche, avec des montées et des des-

centes, où elle saurait qu’après chaque montée il y aurait une descente, et vice versa, et que pen-

dant cette promenade elle pourrait faire la politique de l’Autriche mais que ça n’était pas toujours

ce qu’il y a de mieux. Le temps de raconter tout cela en peu de mots la péridurale était installées et

la patiente était détendue et souriante.

L’hypnose peut-elle être une alternative à la péridurale dans le cadre de l’analgésie du travail ?

Certainement oui. En revanche elle ne se substitue pas à la prise en charge anesthésique classique

de la parturiente, à savoir anticiper sur les situations à risque d’anesthésie au moyen d’un cathéter

péridural en place.

HYPNOSE ET ACCOUCHEMENT PAR CÉSARIENNE

L’ “accouchement par césarienne” se fait soit, de manière itérative, sous rachianesthésie soit, en

urgence, sous réinjection de péridurale ou, exceptionnellement, sous anesthésie générale. Souvent

les patientes vivent mal le fait de ne pas accoucher par voie basse, d’être dépossédées de la nais-

sance de leur enfant. De nombreuses équipes ne parlent plus que “d’accouchement par césarienne”,

ce qui, tout en parlant de la même chose, modifie inconsciemment le vécu de la naissance.

L’hypnose est une aide efficace non seulement lors de la réalisation de l’anesthésie locorégionale

mais aussi pendant toute la procédure chirurgicale. Tout comme lors de la réalisation de la péridu-

rale, un accompagnement hypnotique est une aide intéressante pour la réalisation de la rachianesthé-

sie : technique de confort, de lieu sûr, de projection dans le temps, métaphore du bain… Cela per-

met de surcroît d’installer un état de détente pour la patiente et une ambiance calme dans la salle

d’intervention.

L’apparition d’éventuelles nausées/vomissements peut être ratifiée comme le signe du moment où

l’anesthésie s’installe profondément. “il peut arriver qu’au moment où l’anesthésie s’installe très

profondément vous puissiez ressentir des nausées. Si cela se produit dites le moi et je vous donne-

rai un haricot blanc» … le fait de parler de “haricot blanc” crée une confusion qui supprime instan-

tanément la moindre nausée, ce d’autant plus que l’on constate chez les patientes sous hypnose une

meilleure stabilité hémodynamique, tant sous péridurale que sous rachianesthésie. On peut aussi par-

ler de haricot vert ou de haricot rouge … le haricot bleu est déconseillé …

Des métaphores telles que celle du bain permettent de dissocier la partie émergée (au dessus de T4)

de la partie immergée (en dessous de T4). Le bain peut se faire dans la mer, ce qui permet d’intro-

duire la notion de vagues de plus en plus grandes, ou de dauphins venant taquiner le ventre, au

moment de la pose des écarteurs ou de l’extraction fœtale.

On réassocie la patiente juste avant l’extraction fœtale afin de placer la patiente dans un processus

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Page 5: L'hypnose en maternité

actif en lui demandant de pousser pendant l’extraction fœtale («je vous invite à pousser en soufflant

doucement, comme si vous souffliez sur une bougie sans faire bouger la bougie») et en demandant

au père, s’il est présent, de lui tenir la tête.

Une patiente venant de bénéficier d’un “accouchement par césarienne” m’a fait le plus beau com-

pliment dans ces circonstances:

«Mais finalement j’ai accouché ou j’ai eu une césarienne ?

-et bien au lieu de passer par la fenêtre il est passé par la porte.

mais là il est passé par la porte ou par la fenêtre ?

eh bien … il est passé par la porte fenêtre !»

HYPNOSE ET MANŒUVRES ENDO-UTÉRINES

La révision utérine se fait la plupart du temps sous anesthésie péridurale si le cathéter est en place,

sinon sous anesthésie générale. Les rares révisions pratiquées sous hypnose n’ont pas laissé un bon

souvenir aux sages femmes présentes car les patientes ont crié, sans pour autant manifester de signe

d’inconfort au signaling … Révision sous hypnose ? Révision sans anesthésie ? La frontière est

floue chez ces patientes souvent non préparées à ce geste dans un contexte hémorragique angoissant.

La nécessité d’une ratification de la transe reste à définir …

A noter que l’hypnose permet de diminuer les saignements de manière parfois spectaculaire : il

existe par exemple des métaphores telles que la source qui se tarit, la mer qui va vers la plage qui

va vers le désert, etc …

HYPNOSE ET CONSULTATION D’ANESTHÉSIECONSULTATION PRÉ ANESTHÉSIQUE

La consultation d’anesthésie pré accouchement n’a pas de spécificité si ce n’est de terminologie

ayant trait à la programmation neurolinguistique : éviter des mots comme “piquer”, “cathéter”…

Les différentes techniques de prise en charge de la douleur sont exposées et parmi ces techniques est

citée l’hypnose. Si la patiente est intéressée, on lui propose deux séances avant l’accouchement.

PRÉPARATION À LA NAISSANCE SOUS HYPNOSE

La préparation à la naissance sous hypnose est pratiquée dans notre établissement par un médecin

anesthésiste ou bien par une sage femme. On propose aux patientes motivées deux séances indivi-

duelles, avec ou sans le père, suivant les souhaits :

La première séance consiste en une prise de contact : vécu d’accouchements antérieurs éventuels,

craintes et attentes de la patiente. Nous recueillons soigneusement les éléments fournis par le dis-

cours de la patiente et qui vont nous fournir le “matériel” avec lequel nous allons travailler. On

expose des possibilités offertes par l’hypnose. On propose à la patiente une transe hypnotique pen-

dant laquelle on travaille sur le “matériel” donné lors de l’entretien. On peut introduire des métapho-

res de facilité, de simplicité («depuis que vous êtes avec moi avez-vous pensé à respirer ? Avez-vous

pensé à digérer, alors que l’on est en début d’après midi ? Vous voyez, votre corps est programmé

pour ces fonctions, sans que vous ayez à y penser … il en est de même pour l’accouchement … votre

corps sait faire ce qu’il y a à faire … pendant ce temps vous vous concentrez sur des sensations

agréables : des musiques, des lectures, des souvenirs agréables, des perspectives agréables …» .

On peut aussi proposer des techniques de lieux sûrs, de transfert d’analgésie, etc. On rappelle à la161

Page 6: L'hypnose en maternité

patiente qu’elle vient pour mettre au monde son enfant et non pour avoir des contractions, avoir des

douleurs, avoir une perfusion, une péridurale … Les techniques de “morcellage” sont intéressantes :

«une contraction dure environ une minute et vous avez environ une contraction toutes les cinq minu-

tes, ce qui, si on compte, signifie que l’inconfort dure environ douze minutes par heure, et ensachant

que toute la contraction n’est pas douloureuse …» On peut terminer la séance en proposant à la

patiente de faire une liste de choses agréables pouvant lui être utiles le jour de l’accouchement : liste

de musiques agréables, de souvenirs agréables, de personnes “sûres”, d’activités potentielles pen-

dant le travail …

La deuxième séance est une révision de la première séance en affinant les attentes et les réponses

aux attentes. On propose éventuellement l’apprentissage de l’autohypnose. La patiente acquiert des

techniques pour s’installer elle même dans un état de détente et de confort. “Plus de la moitié des

sages femmes de la maternité sont formées à l’hypnose”. «Le jour où vous accoucherez, la sage

femme qui vous prendra en charge ne sera pas forcément formée ou si elle l’est, elle ne pourra pas

forcément rester tout le temps avec vous. Je vous invite à apprendre à retrouver toute seule cet état

de calme agréable dont vous aurez besoin ce jour là … »

On demande à la patiente de nous écrire un petit mot après l’accouchement pour nous dire comment

a été vécu l’accouchement, qu’elle a été l’aide procurée par cette préparation.

La première patiente adressée par un gynécologue l’était parce qu’elle était totalement paniquée à

l’idée d’avoir une deuxième césarienne. Mon confrère me la confie en me disant que “je devrais lui

faire de l’hypnose, ça lui fera du bien”. Je l’ai vue dans un premier temps en consultation d’anes-

thésie “classique” puis lui ai proposée de la voir deux fois en “consultation d”hypnose”. Je lui

ai proposé de préparer une liste de toutes les raisons qui ont fait qu’elle a un mauvais souvenir et

de faire une liste de tout ce que l’on pourrait améliorer la prochaine fois.

La première consultation a consisté à examiner cette liste. La première raison était LE FROID. La

deuxième raison était LE NOMBRE DE PERSONNES DANS LA SALLE DE CÉSARIENNE. Une

fois qu’elle avait dit son angoisse de se retrouver nue, grelottante, au milieu d’inconnu(e)s, la plus

grande partie du “travail hypnotique” était faite !

Nous pouvons être amenés à revoir une 3ème fois la patiente en cas de besoin ou de difficultés ressen-

ties ou exprimées.

L’hypnose peut être proposée dans les menaces d’accouchement prématuré afin de faciliter la

détente et le relâchement de la patiente. Elle peut être un complément efficace pour diminuer les

contractions utérines.

HYPNOSE ET EXAMENS GYNÉCOLOGIQUES

Cela sort du cadre de l’anesthésie. On peut néanmoins mentionner l’aide précieuse de l’hypnose

pendant les examens gynécologiques et certaines manœuvres telles que les versions.

HYPNOSE ET POST PARTUMLe médecin anesthésiste intervient peu en post partum. Cependant, l’hypnose est un outil intéressant

pour la prise en charge des douleurs après l’accouchement, ainsi que pour les phénomènes liés à l’al-

laitement.

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Page 7: L'hypnose en maternité

CONCLUSION : L’HYPNOSE C’EST DE LA DYNAMIQUE !Trois ans après les premières formations hypnose, deux médecins sur sept (pour l’instant) ainsi que

quinze sages-femmes sur 40 ont été formés. Il n’est pas question de comparer, par exemple, les taux

de péridurale, ni les taux de césarienne… euh… d’accouchement par césarienne ! On peut en revan-

che parler de satisfaction de patientes, du vécu différent et des patientes et des sages femmes et des

gynécologues qui commencent à demander de l’hypnose, à proposer à leurs patientes de l’hypnose

pour l’accouchement. On peut aussi parler de tracabilité des séances d’hypnose par les sages-fem-

mes pendant l’accouchement, lors de la réalisation des actes d’anesthésie, envisager un développe-

ment de la préparation à la naissance sous hypnose, parler de la création d’une “bibliothèque hyp-

nose”, évoquer toutes les perspectives d’évolution de cette discipline qui, si elle est vieille comme

le monde, n’en est qu’au début de son plein essor…

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. L’approche hypnotique comme aide analgésique pour l’accouchement, Yves Halfon, “Douleur et

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. Manuel d’hypnose pour les professions de santé, Didier Michaux, Yves Halfon, Chantal Wood,

Editions Maloine 2007

. Métaphores et suggestions hypnotiques. Corydon Hammond Ed SATAS

. Hypnose. Olivier Lockert Ed IFHE

. Les thérapies brèves. Dominique Megglé Ed Presses de la renaissance

. Erickson, hypnose et psychothérapie. Dominique Megglé Ed RETZ

. Qu’est ce que l’hypnose ?. François Roustang Ed de minuit

. Le libraire. Régis de Sà Moreira Ed Au diable Vauvert

. Le tramway. Claude Simon, Ed de minuit

. Pas à pas. Guide de l’autopréparation à l’accouchement par l’hypnose. Armelle Touyarot ed SATAS

. Recherches et succès cliniques de l’hypnose contemporaine. Sous la direction de Claude Virot Ed

Le souffle d’or

. Le langage du changement. Paul Watzlawick Ed POINTS ESSAIS

. Le testament du poète juif assassiné. Elie Wiesel Ed POINT

La guérison par l’esprit : pour l’introduction. Stephan Zweig (livre de poche)

LIENS

www.emergences-rennes.com

www.hypnose-ericksonienne.com

www.hypnose.fr

CONTACT

[email protected]

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Page 9: L'hypnose en maternité

ANNEXE

EXEMPLE D’ACCOMPAGNEMENT HYPNOTIQUE PENDANT LA POSE D’UNE PÉRIDURALE

Bonjour, je suis le Dr H.. Nous allons faire en sorte de vous soulager le plus rapidement possible. Pour celaje vais vous donner quelques “trucs” qui vont vous permettre de gérer mieux les contractions avant que la péri-durale ne fasse effet.Je vous propose d’installer confortablement vos pieds sur le tabouret corail (citer la couleur exacte du tabou-ret) ... d’installer le plus confortablement possible vos mains sur les genoux ... la main droite sur le genou droit... la main gauche sur le genou gauche .... et surtout, c’est important pendant les contractions, de relâcher le

plus possible lesépaules ... relâ-cher l’épaule gau-che ... détendre leplus possiblel’épaule droite ... Je vous invitemaintenant àprendre unegrande respiration... (respirer avec lapatiente miroring)... et à souffler leplus lentementpossible ... etmaintenant vousrespirez le plus

lentement possible ... le plus profondément possible ... de manière à ce que chaque respiration vous apporteun peu plus de confort ... un peu plus de relâchement ... un peu plus de relaxation ... Vous sentez comme, àchaque respiration, le confort s’installe entre le pied gauche et le tabouret gauche, le pied droit et le tabouretdroit (confusion), la main droite et le genou droit, la main gauche et le genou gauche, chaque respirationapporte un peu plus de confort entre le genou droit et la main droite .... la main gauche et le genou gauche ...un peu plus de relâchement au niveau de l’épaule droite ... un peu plus de détente entre l’épaule gauche etl’épaule gauche ... ... un peu comme si ce confort vous enveloppait d’une manière agréable ... d’une manière totalement confor-table ... totalement rassurante ...(saupoudrage) un peu comme si, à chaque respiration, vous vous sentiez desplus en plus en sécurité, de plus en plus rassurée, de plus en plus enveloppée, un peu comme si vous étiezdans un cocon protecteur ... un cocon où vous êtes totalement à l’abri ... totalement en sécurité ... totalementprotégée, un cocon qui peut s’ouvrir quand vous le souhaitez …... et chaque respiration vous apporte un peu plus de relâchement ... un peu plus de .... facilité ... comme sitout est simple ... tout est facile ... un peu comme par enchantement ... un peu comme par ... enfantement

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Page 10: L'hypnose en maternité

... un cocon où seules des images agréables peuvent venir à vos yeux (langage dissociatif)... un cocon oùseuls des sons agréables peuvent venir à vos oreilles ... des musiques ... des voix ... des voix agréables ... desvoix familières ... des voix qui vous rassurent ... des voies qui vous accompagnent ...des voies qui s’ouvrentagréablement ... pour que vous vous sentiez totalement protégée ... totalement à l’abri ...(saupoudrage) un peucomme si seules les sensations agréables avaient de l’importance ... des images ... des sons ... des parfumspeut être ... les parfums des couleurs ... les couleurs des parfums (confusion)... peut être une agréable sen-sation de fraîcheur ... (badigeonnage cutané) ... reprendre les éléments des quatre paragraphes précédents et saupoudrer ... ... ... des voix ... des voix qui pico-tent ... peut être (anesthésie locale) ...... (continuer le saupoudrage) ... et maintenant que vous faites le dos le plus rond possible (continuer le saupou-drage et/ou introduire une métaphore) .... (réalisation de la péridurale ... ponction ... montée du KT ... injection...) ... parce que ... peut être.... la prochaine contraction sera déjà différente ... peut être plus facile ... peut êtreplus simple ... peut être plus ... courte ... observez la très attentivement pour voir à quel point elle est différente... et vous prenez le temps de bien ancrer ce confort qui s’est installé entre votre main droite et votre genou

droit ... ou bien entre votre genou gauche .... vous prenez le temps de le laisser bien s’installer ... et mainte-nant vous savez comment retrouver du confort ... quand vous le souhaitez .... quand les circonstances s’y prê-tent ... vous savez qu’il suffit d’une grande respiration ... et du contact entre votre main droite et votre genoudroit ... ou de votre main gauche sur le genou gauche ... (ancrage, suggestion post hypnotique)... et quand vous le souhaitez vous prenez une grande respiration (respirer avec la patiente), vous bougez lesmains ... les pieds ... encore ! ... voilà ... très bien ... (reassociation) ça va ? Ca vous a aidé ce que je vous airaconté ? ... c’est de l’hypnose ! Vous pourrez raconter à vos copines que l’anesthésiste vous a hypnotisée !... et maintenant on va vous rallonger confortablement ....

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