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25/11/13 11:46 Lia Rodrigues fait claquer les corps et le plastique Página 1 de 3 http://abonnes.lemonde.fr/culture/article/2013/11/22/lia-rodrigues-fait-claquer-les-corps-et-le-plastique_3518546_3246.html Lia Rodrigues fait claquer les corps et le plastique LE MONDE | 22.11.2013 à 10h49 • Mis à jour le 22.11.2013 à 11h31 | Par Rosita Boisseau Une bâche en plastique transparent, de l'eau, des corps nus, le silence. La pauvreté du dispositif du nouveau spectacle de la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues, Pindorama, est inversement proportionnelle à son impact. Quant à sa force d'expansion, elle possède une voilure insoupçonnée au premier abord qui emporte inexorablement. De quoi filer un merveilleux coup de fouet dans une rentrée chorégraphique plutôt morose. Pindorama, nom du Brésil avant l'arrivée des Portugais, a été créé le 15 novembre, à l'issue d'une résidence de travail de deux semaines, au Théâtre Jean-Vilar, à Vitry (Val-de-Marne), qui soutient Lia Rodrigues depuis neuf ans. Il s'engouffre dans les précédentes œuvres de la chorégraphe carioca dans un formidable effet de ressac, motif chorégraphique majeur de Rodrigues. UNE TRILOGIE SUR L'EAU Après Pororoca (2009), qui désigne une vague immense née de la confrontation de l'océan et d'un fleuve, puis Piracema (2010), qui signifie "Pindorama", de Lia Rodrigues. | SAMMI LANDWEER

Lia Rodrigues Fait Claquer Les Corps Et Le Plastique

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Lia Rodrigues fait claquer les corpset le plastiqueLE MONDE | 22.11.2013 à 10h49 • Mis à jour le 22.11.2013 à 11h31 |

Par Rosita Boisseau

Une bâche en plastique transparent, de l'eau, des corps nus, le silence. Lapauvreté du dispositif du nouveau spectacle de la chorégraphe brésilienneLia Rodrigues, Pindorama, est inversement proportionnelle à son impact.Quant à sa force d'expansion, elle possède une voilure insoupçonnée aupremier abord qui emporte inexorablement. De quoi filer un merveilleuxcoup de fouet dans une rentrée chorégraphique plutôt morose.

Pindorama, nom du Brésil avant l'arrivée des Portugais, a été créé le 15novembre, à l'issue d'une résidence de travail de deux semaines, auThéâtre Jean-Vilar, à Vitry (Val-de-Marne), qui soutient Lia Rodriguesdepuis neuf ans. Il s'engouffre dans les précédentes œuvres de lachorégraphe carioca dans un formidable effet de ressac, motifchorégraphique majeur de Rodrigues.

UNE TRILOGIE SUR L'EAU

Après Pororoca (2009), qui désigne une vague immense née de laconfrontation de l'océan et d'un fleuve, puis Piracema (2010), qui signifie

"Pindorama", de Lia Rodrigues. | SAMMI LANDWEER

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« contre-courant », toujours dans la langue tupi, Pindorama complète unetrilogie sur l'eau, la communauté et le Brésil, d'une cinglante justesse.

Pas de scène proprement dite pour Pindorama ; une seule boîte noirepour les onze interprètes et le public, debout dans l'espace où il est invitéà déambuler. Les danseurs y déplient lentement un couloir en plastiquedont chaque extrémité est tenue par trois d'entre eux. Le dispositif estposé.

Apparition d'une femme nue qui se douche avec une bouteille d'eau, puisglisse au sol avant d'être emportée par une incroyable tempête. En criant,les interprètes secouent la bâche et lèvent un coup de vent qui ballotte ladanseuse et ébouriffe aussi les spectateurs. On est au théâtre, on plongedans une mer déchaînée.

L'art et la nature scellent un pacte serré dans Pindorama. Il fait surgir unterritoire commun où les matériaux les plus basiques, les plus artificielsaussi donnent à voir comme en surimpression des paysages. Les vagues dela toile débordent pour se transformer en rouleaux océaniquesindomptables. Ses claquements sur le sol se teintent de sons orageux.

UNE ÉTHIQUE SPECTACULAIRE

Ces visions se superposent aux situations mises en scène sans communemesure d'échelle mais émotionnellement parfaitement raccords. Pendantque les corps nus de plusieurs danseurs finissent empaquetés comme desdébris sous vide, des images de cyclones glissent devant les yeux.Cataclysme imaginaire bien réel que le spectacle électrise de façonmagique. Du minimum, Lia Rodrigues extrait le maximum.

Une foule de situations fugaces et belles se recouvrent les unes les autresau cours de Pindorama. Ressac encore. Violence et douceur toujoursmélangées. Les éclats de lumière des ballons d'eau flottant sur le solcomme des méduses dialoguent avec la peau des interprètes. Lesdéplacements des spectateurs, refoulés par les corps nus qui roulent àleurs pieds, se font naturellement.

Le silence, le souffle et le bruit des corps en action, le « splash » de l'eaurassemblent tout un chacun dans un espace commun simplement partagé.Si la différence de statut entre le danseur et le spectateur est évidente, ellese laisse oublier dans une sorte de chaîne humaine. Le thème du collectifjoue sur tous les tableaux.

Un point majeur claque aux yeux. L'économie de Pindorama estexemplaire. En temps de crise et dans le contexte brésilien, sa volontairemodestie, son artisanat pesé deviennent non seulement des partis prisesthétiques imparables, mais une éthique spectaculaire.

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SOUTENUE PAR LE FESTIVAL D'AUTOMNE ET LE THÉÂTREDE CHAILLOT

Preuve aussi que les vraies idées n'ont besoin que d'elles-mêmes pours'imposer. Et ce n'est pas rien aujourd'hui que ce cercle vertueux du fondet de la forme trouve sa place au milieu du public.

Sans ostentation, Lia Rodrigues, soutenue, entre autres, pour cetteproduction par le Festival d'automne et le Théâtre de Chaillot, à Paris,travaille dans des conditions strictes, s'en accommode et en fait un atout.

Installée depuis 2003 dans la favela de Maré (140 000 habitants), situéeen bordure de la grosse avenida Brasil, qui relie Rio de Janeiro àl'aéroport, elle répète dans un hangar devenu le Centro de Artes da Maré.Elle a séparé le bâtiment en deux pour y ouvrir, en 2012, une école dedanse pour les jeunes. Une douzaine d'étudiants profitent actuellementd'une invitation au Théâtre Jean-Vilar, à Vitry, où ils répètent unspectacle, Execicio m, conçu par Lia Rodrigues à partir de son répertoire.

Pindorama, de Lia Rodrigues. Festival d'automne. Théâtre de la Citéinternationale, 17, bd Jourdan, Paris 14 . Jusqu'au 26 novembre, à 20 h30. Tél. : 01-43-13-50-60. De 7 € à 22 €. Au Centquatre(http://www.104.fr/programmation/evenement.html?evenement=254) , 5, rue Curial, Paris 19 ,

du 28 au 30 novembre, à 20 h 30. Tél. : 01-53-35-50-00. L'Apostrophe-Théâtre des Louvrais (http://www.lapostrophe.net/?spectacles/348) , place de la Paix, à

Pontoise (Val-d'Oise). Le 3 décembre, à 20 h 30. Tél. : 01-34-20-14-14.

Execicio m. Plateau des EMA, 71, rue Camille-Groult, Vitry (Val-de-Marne). Le 5 décembre, à 19 h 30. Tél. : 01-55-53-14-90.

Rosita Boisseau

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