30
LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe ANDRE au nom de la Commission de l’Aménagement Régional, de l’Environnement, du Tourisme et des Transports et adopté par le Bureau du 29 juin 2000 selon la procédure d’urgence

LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENSDE L’ENERGIE :

UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE

Rapport présenté par M. Philippe ANDREau nom de la Commission de l’Aménagement Régional,

de l’Environnement,du Tourisme et des Transports

et adopté par le Bureau du 29 juin 2000 selon la procédure d’urgence

Page 2: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 2 -

SOMMAIRE

PROPOSITIONS… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .5

AVANT-PROPOS… … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … 7

1. INTRODUCTION ......................................................................................................... 7

2. DEUX DIRECTIVES POUR UNE MEME LOGIQUE DE LIBERALISATIONEUROPEENNE ................................................................................................................... 8

2.1. LA SEPARATION ET LA MISE EN CONCURRENCE DES DIFFERENTS METIERS .......................82.1.1. LA MISE EN CONCURRENCE DES DIFFÉRENTS METIERS DE L’ELECTRICITE .......................82.1.2. LA MISE EN CONCURRENCE DES DIFFERENTS METIERS DU GAZ...........................................9

2.2. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DE SEUILS D’ELIGIBILITE ....................................................92.2.1. LE MARCHE DE L’ELECTRICITE...................................................................................................102.2.2. LE MARCHE DU GAZ ......................................................................................................................10

2.3. LA MISE EN PLACE D’UNE INSTANCE DE REGULATION .............................................................11

3. DES OPPORTUNITES DE DEVELOPPEMENT ECHAPPANT PARTIELLEMENTAUX ENTREPRISES CLIENTES FRANCAISES.............................................................. 11

3.1. L’OUVERTURE FRANCAISE À LA CONCURRENCE DU MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ, ENDECALAGE PAR RAPPORT AUX AUTRES PAYS EUROPEENS ...............................................................12

3.1.1. LES PREMIERS EFFETS DE LA LIBERALISATION EN EUROPE.................................................123.1.1.1. Les concentrations des fournisseurs d’électricité .............................................................................123.1.1.2. La baisse des prix ...........................................................................................................................123.1.1.3. La diversification des méthodes de production ................................................................................13

3.1.2. UNE TRANSPOSITION TARDIVE ET A MINIMA DE LA DIRECTIVE EN FRANCE ....................133.1.3. LES PREMIÈRES CONSÉQUENCES POUR EDF DE LA LIBÉRALISATION DU MARCHÉ .........14

3.2. LA MISE EN PLACE DE LA FUTURE ORGANISATION GAZIERE .................................................153.2.1. UN MARCHE EUROPEEN EVOLUTIF ET EN CROISSANCE ........................................................163.2.2. UN MARCHE FRANCAIS EN COURS DE REDEFINITION ............................................................17

3.2.2.1. Un projet de loi sans ambition ........................................................................................................173.2.2.2. Un opérateur national à conforter ...................................................................................................20

3.3. LES NOUVELLES ORIENTATIONS DES MARCHES .........................................................................213.3.1. LE RAPPROCHEMENT DES INDUSTRIES DE L’ELECTRICITE ET DU GAZ..............................223.3.2. L’APPARITION DES COTATIONS EN BOURSE.............................................................................233.3.3. L’ACCÈS A UNE OFFRE MULTI-ACTIVITES ................................................................................24

Page 3: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 3 -

4. UNE POSITION NATIONALE A RECONSIDÉRER................................................... 24

4.1. UNE OUVERTURE TIMIDE DES MARCHÉS.......................................................................................24

4.2. DES CRITÈRES D’ÉLIGIBILITÉ NE PRENANT PAS EN COMPTE LA RÉALITÉ ÉCONOMIQUE25

4.3. UN SYSTÈME DE PRIX PEU RÉACTIF ET RIGIDE............................................................................25

4.4. DES PERSONNALITÉS JURIDIQUES INADAPTÉES ..........................................................................26

5. CONCLUSION........................................................................................................... 28

Page 4: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 4 -

PROPOSITIONS

Les marchés de l’électricité et du gaz sont actuellement en pleine restructuration, sousl’impulsion de deux directives européennes imposant leur libéralisation :

- l’une, datée du 19 décembre 1996, concernant les règles communes pour le marchéintérieur de l’électricité, qui vient d’être transposée en droit français avec une année deretard ;

- l’autre, datée du 22 juin 1998, concernant les règles communes pour le marché intérieurdu gaz naturel, dont la transposition en droit français doit avoir lieu, au plus tard, le 10août 2000.

Or, en France, contrairement à la majorité des pays de l’Union Européenne, les PouvoirsPublics n’ont retenu qu’une ouverture minimale de ces marchés, isolant ainsi les PME et PMI qui nepeuvent pas bénéficier des avantages liés à cette libéralisation.

Pour exprimer les attentes des entreprises de sa circonscription et défendre leurs intérêts, laCCIP présente donc les conclusions de son analyse critique de cette situation et propose dessolutions pour y remédier :

• l’ouverture d’un tiers seulement du marché de l’électricité et du gaz, respectivement en2006 et 2008, est l’option retenue par le Gouvernement français ; la France est ainsi isoléeau sein de l’Union puisque la plupart des pays européens prévoit l’ouverture totale de leurmarché ; les entreprises françaises, clientes des fournisseurs d’énergie, seront pénalisées enmatière de tarif notamment ; tout en prenant en compte l’attachement de la populationfrançaise au système de la péréquation, la CCIP demande une ouverture progressive maistotale du marché de l’électricité et du gaz ; afin de ménager les adaptations nécessaires desopérateurs, les dates visées pourraient être respectivement 2006 et 2008 ;

• la notion de « site » éligible à la libéralisation, est pénalisante pour les entreprises et devraitêtre remplacée par celle de « client » éligible ; l’accès des entreprises aux fournisseurseuropéens d’énergie en serait facilité ;

• le corollaire de l’ouverture à la concurrence est la liberté de négociation des prix entre lefournisseur d’énergie et son client ; or, en ce qui concerne le transport de l’électricité et dugaz, le Gouvernement a retenu comme principe, celui du prix réglementé, fixé avec l’accordpréalable de l’organisme de régulation des marchés , ce qui supprime les avantages de lanégociation des prix entre fournisseur et client et ne répond pas à l’exigence de flexibilité ;aussi, la CCIP demande que les prix du transport de ces deux énergies puissent êtrelibrement négociés ;

Page 5: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 5 -

• S’agissant de l’offre de stockage du gaz naturel, elle sera suffisamment abondante pourêtre commercialisée par les gestionnaires des sites de stockage. Elle ne justifie donc pasqu’une disposition particulière soit introduite dans le projet de loi.

• en ce qui concerne le marché du gaz, la CCIP souhaite que se développe la profession degrossiste car, dans le cadre d’un marché ouvert à la concurrence, il semble logique que cegenre de profession se développe en France ; en effet, le refus d’autoriser cette activitéaurait pour conséquence de délocaliser celle-ci au détriment de la place de marché deParis ;

• pour leurs activités qui relèvent strictement du secteur concurrentiel, les statuts d’EDF etde Gaz de France devraient être progressivement transformés de façon à ce que ces deuxétablissements puissent devenir des sociétés de droit commun et entrer dans la compétitioninternationale ; il importe que le changement de statut tienne compte de l’avantage de faitque détiennent ces deux entreprises (fichiers de clientèle...) afin de permettre à d’autresopérateurs concurrents d’intervenir sur le marché.

Page 6: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 6 -

AVANT-PROPOS

Ce rapport, présenté le 29 juin 2000 devant le Bureau de la CCIP par M. Philippe ANDRE,au nom de la Commission de l’Aménagement Régional, de l’Environnement, du Transport et duTourisme, a été instruit avec l’aide d’un Comité de pilotage constitué de représentants desorganismes ou services suivants :

• Electricité de France,• Gaz de France,• Mouvement des Entreprises de France,• Ministère de l’économie, des Finances et de l’Industrie (Direction du Gaz, Electricité,

Charbon ; Direction de la Prévision),• Union des Industries Chimiques,• Union des Industries Utilisatrices d’Energie.

Les débats engagés dans le cadre de ce Comité ont été l’occasion d’échanges fructueuxpermettant d’enrichir et d’éclairer le travail interne de la CCIP. Que les participants en soient icivivement remerciés.

On notera, à cet égard, que les propositions du rapport sont présentées sous la seuleresponsabilité de la CCIP et ne sauraient en aucun cas engager les membres de ce Comité.

Page 7: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 7 -

1. INTRODUCTION

L’Union Européenne a adopté successivement deux directives1 relatives à la libéralisation desmarchés de l’électricité et du gaz :

- l’une, datée du 19 décembre 1996, concernant les règles communes pour le marchéintérieur de l’électricité qui devait être transposée en droit interne pour le 19 février1999,

- l’autre, datée du 22 juin 1998, concernant les règles communes pour le marchéintérieur du gaz naturel dont la transposition en droit français doit avoir lieu au plustard le 10 août 2000.

Dans le contexte français de la loi du 8 avril 19462 édictant un monopole de la vente et dutransport de ces énergies, l’impulsion européenne constitue un tournant fondamental : désormais,les différents métiers, de la production à la distribution, sont scindées et ouverts à la concurrence.

Cette situation a pour conséquence immédiate une profonde restructuration des acteurs deces marchés et présente, pour les entreprises clientes des fournisseurs d’énergie, de nouvellesopportunités (baisse des prix, possibilité de choisir son opérateur, accession à de nouveauxservices...).

Pourtant, en France, les Pouvoirs Publics ne s’orientent pas vers une véritable libéralisationmais plutôt vers un système hybride ne répondant qu’aux exigences minimum des directives.

Pour exprimer les attentes des entreprises de sa circonscription et défendre leurs intérêts, laCCIP présente les conclusions de son analyse critique de cette situation et propose des solutionspour y remédier.

En tout état de cause, il apparaît que le risque est grand de voir les entreprises françaisesisolées par rapport à leurs concurrentes européennes, dans l’accès aux nouveaux services permispar la libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité.

1 Directive n° 96/92/CE du 19 décembre 1996, concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, JOCE L027 du 30/01/97Directive n° 98/30/CE du 22 juin 1998, concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, JOCE L 204 du21/07/19982 loi n°46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz

Page 8: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 8 -

2. DEUX DIRECTIVES POUR UNE MEME LOGIQUE DELIBERALISATION EUROPEENNE

Les directives relatives à la libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz3 comportentune logique commune qui s’articule autour de trois thèmes :

- la séparation et la mise en concurrence des différents métiers ;- la mise en place progressive de seuils d’éligibilité ;- la mise en place d’une instance de régulation.

2.1. LA SEPARATION ET LA MISE EN CONCURRENCEDES DIFFERENTS METIERS

De manière générale, les directives prévoient la séparation, l’accès aux tiers et la mise enconcurrence des différents métiers de l’électricité et du gaz : la production (uniquement pourl’électricité), le transport, la distribution et la vente.

En France, ces dispositions impliquent une profonde remise en cause des monopoles instituéspar la loi du 8 avril 1946 sur certaines de ces activités.

2.1.1. LA MISE EN CONCURRENCE DES DIFFERENTSMETIERS DE L’ELECTRICITE

La directive du 19 décembre 1996 vise l’ouverture à la concurrence de la production etl’accès aux tiers des réseaux de transport et de distribution d’électricité :

- en ce qui concerne la production, EDF ne bénéficiait pas d’un monopole maisl’électricité produite par des installations concurrentes devait obligatoirement êtrevendue à l’opérateur national. Désormais, toute personne physique ou morale peut êtreautorisée à produire de l’électricité et à la vendre à des clients éligibles ;

- le transport, quant à lui, doit désormais être géré par un gestionnaire indépendant envertu du principe de la séparation comptable, dans le but d’assurer l’accès au réseau àd’autres producteurs. Ainsi, en France, EDF reste propriétaire du réseau (> 20 kV)mais doit le gérer de façon indépendante et de manière à ce que la rémunération liée auservice du transport ne serve pas à financer les autres activités du groupe. Afin decontrôler la stricte séparation comptable, EDF doit rendre des comptes à laCommission de Régulation de l’Electricité et du Gaz ;

3 Directive n° 96/92/CE du 19 décembre 1996, concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, JOCE L027 du 30/01/97Directive n° 98/30/CE du 22 juin 1998, concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, JOCE L 204 du21/07/1998

Page 9: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 9 -

- de même, le réseau de distribution (<20kV) doit être accessible aux tiers et êtrecontrôlé par un gestionnaire indépendant.

Ces dispositions sont le résultat de négociations qui ont duré 9 ans, et elles concilient deuxpositions antagonistes, l’une emmenée par l’Allemagne et les pays du Nord, défendant unelibéralisation immédiate, et l’autre, prônée par la France et les pays d’Europe du Sud, favorable àune ouverture progressive.

2.1.2. LA MISE EN CONCURRENCE DES DIFFERENTSMETIERS DU GAZ

La directive du 22 juin 1998 vise l’ouverture à la concurrence du transport, de ladistribution et de la fourniture du gaz naturel. La production, ainsi que le marché des gazpropane et butane, dont la production et le transport sont déjà du ressort des industries pétrolières,sont exclus de son champ d’application.

La mise en place d’un système concurrentiel va se concrétiser par l’ouverture aux tiers duréseau de transport et de distribution. Cet accès devra être payé au gestionnaire du réseau, soit parl’intermédiaire de prix négociés, soit par des tarifs réglementés et publiés par les pouvoirs publics.Des principes tarifaires seront en tout état de cause définis.

2.2. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DE SEUILSD’ELIGIBILITE

L’objectif fixé par les directives est d’ouvrir à la concurrence, dès le départ, environ un quartdu marché européen pour atteindre, en 2006 pour l’électricité et en 2008 pour le gaz, uneouverture d’un tiers du marché. A l’issue de cette échéance, les membres de l’Union Européennedevraient se réunir afin de dresser un bilan et s’interroger sur l’opportunité de poursuivre dans cettevoie.

En fait, deux conceptions se sont opposées :

- l’une, d’inspiration anglo-saxonne, souhaitant une ouverture rapide et totale desmarchés,- l’autre, d’inspiration française, notamment, préconisant une ouverture progressive etpartielle de façon à permettre des adaptations.

Page 10: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 10 -

2.2.1. LE MARCHE DE L’ELECTRICITE

La directive prévoit une ouverture progressive du marché de l’électricité dont les étape sontles suivantes :

- en février 1999, ouverture du marché aux industriels consommant au moins 40 GWhpar an, soit près du quart du marché européen. En cas de non transposition dans lestemps de la directive en droit interne, un seuil minimum d’ouverture de 100 GWh paran doit être mis en place par les Etats retardataires4 ;

- en février 2000, abaissement du seuil à 20 GWh par an ;

- en février 2003, abaissement du seuil à 9 GWh par an, de manière à ce qu’un tiers dumarché européen soit ouvert en 2006.

2.2.2. LE MARCHE DU GAZ

Comme pour le marché de l’électricité, la directive impose une ouverture à la concurrencequi, dans un délai de 8 ans, devra atteindre au minimum 33 % du marché. Pour ce faire, elle prévoitdes seuils progressifs minimaux.

- dès 2000, le seuil d’ouverture minimal devra être de 20 % et concerner les entreprisesconsommant au moins 25 millions de m3 par an (soit une centaine en France),

- en 2003, ce seuil sera de 28 % et concernera les entreprises consommant au moins15 millions de m3 par an (soit environ 300 entreprises en France),

- en 2008, le seuil des 33 % du marché devrait concerner l’ensemble du secteur industrielet agro-alimentaire.

En outre, le libre accès au réseau ainsi que sa rémunération, qu’il s’agisse de l’énergieélectrique ou du gaz, doivent être contrôlés par une instance de régulation.

4 soit 81 sites en France concernant les industries métallurgiques, chimiques ou papetières

Page 11: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 11 -

2.3. LA MISE EN PLACE D’UNE INSTANCE DEREGULATION

Ce genre de structure est classique et existe déjà, à titre d’exemple, dans le domaine destélécommunications.

L’instance de régulation doit pouvoir affronter des problèmes nouveaux et des questionsmultiples, puisque le nombre des opérateurs devrait croître.

Pour ce faire, les directives prévoient que « les Etats membres désignent une autoritécompétente qui doit être indépendante des parties pour régler rapidement les litiges relatifs auxnégociations (... visant l’accès au réseau). Cette autorité doit notamment régler rapidement leslitiges concernant les négociations et le refus d’accès dans le cadre de la présente directive 5».

L’autorité compétente ainsi désignée aura à gérer « des mécanismes appropriés et efficacesde régulation, de contrôle, et de transparence afin d’éviter tout abus de position dominante, audétriment, notamment, des consommateurs et de tout comportement prédateur »6.

En France, les Pouvoirs Publics s’orientent vers la création d’une Commission de Régulationde l’Electricité et du Gaz, instance commune aux deux marchés, ce qui ne soulève aucune remarqueparticulière.

3. DES OPPORTUNITES DE DEVELOPPEMENTECHAPPANT PARTIELLEMENT AUX ENTREPRISESCLIENTES FRANCAISES

La libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité devrait apporter aux entreprisesclientes des avantages dans leur approvisionnement en énergie et l’accès à de nouveaux services.Ainsi, dans les pays où l’ouverture du marché de l’électricité est déjà bien engagée, on peut déjàobserver, à l’échelle européenne, une baisse des prix ainsi que des concentrations d’entreprisesfournisseurs d’énergie.

Pourtant, les orientations retenues par les Pouvoirs Publics, en France, sont en retrait parrapport à celles des autres pays européens, et place les entreprises consommatrices d’énergie ensituation de distorsion de concurrence par rapport à leurs homologues européennes.

5 article 21.2 de la directive 98/30/CE du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel. Ladirective sur l’électricité prévoit le même type de structure.6 article 22 de la directive 98/30/CE du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel. Ladirective sur l’électricité prévoit le même type de structure.

Page 12: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 12 -

3.1. L’OUVERTURE FRANCAISE A LA CONCURRENCE DUMARCHE DE L’ELECTRICITE, EN DECALAGE PARRAPPORT AUX AUTRES PAYS EUROPEENS

3.1.1. LES PREMIERS EFFETS DE LA LIBERALISATION ENEUROPE

Le marché européen de l’électricité représente environ 2 600 milliards de kWh. On peutd’ores et déjà constater que sa libéralisation a entraîné, outre la fin des monopoles, un mouvementde restructuration se traduisant par des concentrations, une baisse des prix et une diversification desméthodes de production.

3.1.1.1. Les concentrations des fournisseurs d’électricité

Afin de réaliser des économies d’échelle et de posséder des parts de marché plus importantes,les entreprises se regroupent. A titre d’exemple, en Allemagne VEBA et VIAG, respectivement 2°et 3° producteurs nationaux d’électricité, ont fusionné pour créer le troisième groupe européen dusecteur et le premier national.

D’autres entreprises, moins présentes dans ce secteur, en profitent pour développer leursfiliales « énergie ». C’est le cas, notamment, du groupe Suez-Lyonnaise des Eaux dont la filialeTractebel doit monter en puissance dans les secteurs de l’électricité et du gaz.

3.1.1.2. La baisse des prix

Depuis la libéralisation des marchés, les prix de l’électricité ont notablement baissé, notammenten Suède (-16%), au Danemark (-15,6%), en Italie (-12%) ou en Allemagne (-8%).

Les prix ont diminué en France de manière moins significative (-3%) mais EDF restetoutefois bien placée dans la compétitivité européenne. En effet, les tarifs proposés aux grandesentreprises, dont la consommation est supérieure à 50 GWh par an, sont les plus bas d’Europe,devant la Grèce, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas.

En revanche, la concurrence sera sans doute plus vive en ce qui concerne les PME/PMI, carles tarifs d’EDF se situent au quatrième rang derrière le Danemark, l’Espagne et la Grèce.

Page 13: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 13 -

3.1.1.3. La diversification des méthodes de production

Deux facteurs tendent à la diversification de la production.

Le premier relève des suites des conférences de Rio et de Kyoto visant à réduire les émissionsde gaz à effet de serre. En effet, les producteurs d’électricité sont, après le secteur des transports,les principaux responsables de ces émissions (nucléaire et énergies renouvelables mis à part). Ilapparaît donc nécessaire de produire plus propre, au détriment des centrales fonctionnant aucharbon ou au fioul.

Il faut cependant noter que, si cette problématique est sensible dans de nombreux payseuropéens, elle l’est moins en France, pays dans lequel la production d’énergie électrique est à 80%d’origine nucléaire, donc non productrice de gaz à effet de serre.

Le deuxième facteur est d’ordre économique : afin d’être compétitif, les électriciens ontbesoin de petites centrales d’appoint pouvant être rapidement amorties et destinées à vendre ducourant en période de pointe.

En fonction de ces deux paramètres, il est apparu que le gaz constituait une énergieprésentant de nombreux atouts pour la production d’électricité : il est plus respectueux del’environnement que le fioul ou le charbon, peu cher et les unités de production peuvent êtrerapidement amorties.

En France, de grands groupes tels Vivendi, Suez-Lyonnaise des Eaux ou Air liquide,souhaitent devenir producteur d’électricité et concurrencer EDF, notamment grâce à l’utilisation decentrales fonctionnant au gaz, énergie aujourd’hui relativement compétitive face au nucléaire (horsproblématique de l’effet de serre). Or, ces intentions ne pouvaient se concrétiser tant que latransposition de la directive européenne n’était pas effective.

3.1.2. UNE TRANSPOSITION TARDIVE ET A MINIMA DE LADIRECTIVE EN FRANCE

Après une année de retard ponctuée par de nombreux rebondissements, la France afinalement voté la loi de transposition7. La Commission européenne, qui avait entre temps lancé uneprocédure d’infraction, devrait désormais abandonner ses poursuites.

Quoi qu’il advienne, dès l’entrée en application de la loi, l’ouverture concernera entre 8008 et1 5009 sites consommant au moins 20 GWh par an. En 2003, le seuil sera abaissé à 9 GWh etconcernera près de 3000 sites10 de grosses et moyennes entreprises, soit 33% du marché national.

7 Loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité (JO du 11février 2000)8 source EDF9 source DIGEC/Secrétariat à l’Industrie10 source DIGEC et EDF

Page 14: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 14 -

L’ouverture au marché européen décidée en France se fera donc a minima,contrairement à ses voisins d’Europe du Nord qui, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suèdeou la Finlande, ont déjà adopté une ouverture à 100%. L’Espagne et les Pays-Bas devraient suivredans cette voie dès 2007.

Il n’est pas encore possible de connaître précisément le nombre d’entreprises éligibles,notamment en Ile-de-France. Cette situation devrait évoluer lorsque les décrets d’application de laloi seront publiés. En effet, la loi prévoit que le ministre chargé de l’énergie établit et rend publiquela liste des clients éligibles et celle des producteurs et opérateurs qui achètent pour la revente auxclient éligibles11.

Quoi qu’il en soit, le tableau récapitulatif suivant montre que les entreprises françaises neseront pas dans la même situation que leurs concurrentes européennes.

LA LIBERALISATION DU MARCHE DE L’ELECTRICITE EN EUROPE

Pays Ouverture théorique en 1999 Ouverture en 2007SUEDE 100% 100%

FINLANDE 100% 100%ROYAUME-UNI 100% 100%ALLEMAGNE 100% 100%

ESPAGNE 42% 100%PAYS-BAS 30% 100%

ITALIE 30% 40%FRANCE 27% 33%

UNION EUROPEENNE 63% 74%

3.1.3. LES PREMIERES CONSEQUENCES POUR EDF DE LALIBERALISATION DU MARCHE

Pour le moment, en terme de respect de la libre concurrence, EDF, favorable à l’ouverturedes marchés, a subit gravement le retard législatif français parce que les gouvernements et lesconcurrents étrangers se plaignent de ne pas pouvoir accéder facilement au réseau français.

A la suite de l’échec de la Commission Mixte paritaire du 18 novembre dernier, l’Espagne etles Pays-Bas ont même menacé de suspendre leurs contrats d’approvisionnement en électricitéauprès d’EDF tant qu’une solution ne serait pas trouvée. La Hollande avait même décidé de« geler » l’étude des nouveaux contrats d’achat.

11 article 22 V de la Loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public del’électricité (JO du 11 février 2000)

Page 15: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 15 -

Le vice-Premier ministre et ministre de l’Economie néerlandais, Annemarie JORRISTMAaffirmait alors, qu’en l’absence de libéralisation du marché français de l’électricité, « la France(serait) mise sur la liste des pays non autorisés à livrer de l’électricité ici aux clients sous les100 GWh ». Les contrats déjà signés seraient respectés, mais aucun nouvel accord de livraison neserait autorisé. « J’ai compris qu’un nouveau contrat devait être proposé aujourd’hui ou demain. Jeme ferai un plaisir de le mettre au réfrigérateur (sic) ».

Même si cette dernière hypothèse n’était pas juridiquement recevable, car les clauses deréciprocité sont interdites entre les Etats membres12, elle illustrait bien la tension que provoquait leretard législatif français...

On peut d’autant plus comprendre les griefs des pays voisins qu’EDF a déjà racheté« London Electricity » pour 13 milliards de francs (fournissant ainsi de l’électricité à 4 millions debritanniques) et a été retenue pour acquérir, pour 20 milliards de francs, 25 % des parts de EnBW,quatrième électricien allemand.

Il faut cependant préciser qu’EDF a, dans le même temps, perdu 20% de ses plus gros clients.

Enfin, parallèlement, la libéralisation du marché de l’électricité pourrait modifier enprofondeur la politique électronucléaire française. En effet, le report à 2004 du lancement duprogramme franco-allemand EPR risque, dans un contexte de positionnement sur le marchéinternational, de condamner économiquement ce projet au profit de centrales nucléaires plus petiteset moins onéreuses pour l’électricien français. En tout état de cause, il faudra veiller à ce que leschoix économiques et financiers de court et moyen terme ne remettent pas en cause la pérennité del’indépendance énergétique française.

3.2. LA MISE EN PLACE DE LA FUTURE ORGANISATIONGAZIERE

La directive européenne du 22 juin 1998 concernant les règles communes pour le marchéintérieur du gaz naturel, qui doit être transposée en droit français pour le 10 août 2000, ouvre à laconcurrence le marché du gaz.

Ce marché est moins développé que celui de l’électricité et commence à peine à être libéraliséen Europe, alors même qu’en France la transposition prend déjà du retard.

12 article 19-5 de la directive

Page 16: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 16 -

3.2.1. UN MARCHE EUROPEEN EVOLUTIF ET ENCROISSANCE

Alors que l’ouverture du marché de l’électricité entraîne de profondes mutations, les grandesmanoeuvres ne semblent pas encore commencées dans le secteur du gaz. Il se peut, cependant, queles mouvements capitalistiques observés pour l’électricité, se produisent rapidement pour le gaz.

L’observation des différents gaziers en Europe montre qu’ils sont, dans leur quasi-totalité,des opérateurs présents dans la production ou ont à leur capital des groupes pétroliers, ce qui leurpermet d’avoir une bonne maîtrise de leurs achats de gaz. De plus, beaucoup sont associés à desélectriciens.

Ces liens permettent la mise en place de stratégies d’intégration verticale dont les priorités dedéveloppement, telles qu’on peut les observer, sont les suivantes 13:

- développement vers l’amont pour mieux maîtriser l’approvisionnement en gaz,

- renforcement de la pénétration du gaz sur le territoire national de l’opérateur etdéveloppement de nouveaux services,

- projection sur le marché mondial pour ne pas asseoir uniquement sa rentabilité àl’échelle locale.

Pour le moment, les perspectives de libéralisation du marché du gaz en Europe sont lessuivantes :

PAYS LOI DE TRANSPOSITION OUVERTURE PREVUEAllemagne Votée, pas encore en application 100%Autriche Loi en discussion Non arrêtéBelgique Votée, pas encore en application 100% en 2010

Danemark En discussion Non arrêtéEspagne Votée, pas encore en application 100% en 2008Finlande Marché libre 100%France Projet de loi non discuté 33% en 2008Grèce Introduction du gaz naturel en 1997. Disposition dérogatoire pour 10 ansIrlande En discussion 100%Italie Loi en discussion Non arrêté

Pays-Bas Votée, pas encore en application 100% en 2007Portugal Introduction du gaz naturel en 1996. Disposition dérogatoire pour 10 ans.

Royaume-Uni Marché libre 100%Suède Marché libre 100%

13 Mission de réflexion et de concertation sur la transposition de la directive européenne sur le marché intérieur du gaz, Rapport auPremier ministre, Nicole BRICQ, députée, 27 octobre 1999

Page 17: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 17 -

Seuls le Royaume-Uni, la Suède, la Finlande et l’Allemagne ont un marché ouvert à 100%. Sila Suède et la Finlande représentent de petits marchés, le Royaume-Uni, premier marché européen,a procédé à une libéralisation dès 1986 pour les plus gros consommateurs et pour tous, depuis1998.

C’est également cette année là que l’Allemagne a adopté une loi cadre sur l’énergie, ouvrant,dès lors, son marché. Selon une étude14, cette libéralisation devrait faire chuter les prix d’environ20% au cours des deux ou trois prochaines années.

En Espagne, l’organisation du secteur gazier a été profondément remaniée depuis le débutdes années 1990. C’est aujourd’hui un secteur très dynamique qui devrait être totalement ouvert en2008.

Les Pays-Bas, dont la production de gaz naturel représente un quart de la production totalede l’Europe de l’Ouest, visent l’ouverture totale en 2007.

Enfin, la Belgique, « plaque tournante » de l’approvisionnement de gaz en Europe a remisson ouverture totale à 2010.

Pour conclure, on constate que l’ensemble des « grands » pays de l’Union Européenne,l’Italie et la France exceptées, ont déjà voté leur loi de transposition.

3.2.2. UN MARCHE FRANCAIS EN COURS DE REDEFINITION

Alors que la plupart des pays européens sont prêts, la France accuse, d’ores et déjà, commepour l’électricité, un retard dans la transposition a minima de la directive sur le gaz. Cette situationn’empêche pas Gaz de France, dont le statut pourrait évoluer, d’investir à l’étranger.

3.2.2.1. Un projet de loi sans ambition

On peut raisonnablement estimer que la directive ne sera pas transposée dans les temps. Eneffet, la loi sur l’électricité a pris un tel retard qu’il sera sans doute techniquement impossible d’envoter une autre, à la suite, sur le gaz.

Pour le moment, un Livre Blanc, auquel la CCIP a répondu15, a été adressé aux acteurséconomiques dans le but de recueillir leur avis sur différents thèmes comme :

- la prise en compte des obligations de service public,- l’accès des tiers aux différents métiers du gaz (transport, distribution, stockage),- la progressivité de l’éligibilité des consommateurs,- les problèmes liés à la régularisation de la concurrence,- la place du marché français du gaz au regard des marchés européens et mondiaux.

14 cabinet Mummer & Partner15 Réponse de M. Michel FRANCK, adressée au Préfet de la Région Ile-de-France, le 17 septembre 1999

Page 18: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 18 -

Plus récemment, un projet de loi16, a été élaboré. Cet outil, qui sera certainement amendé etmodifié, permet cependant de dresser les grandes lignes de ce que pourrait être la future loi detransposition. Il est ainsi possible et de les comparer avec les propositions formulées par la CCIPdans sa réponse au Livre Blanc.

a. Concernant les seuils d’éligibilité

Le projet de loi privilégie, comme pour l’électricité, une ouverture a minima du marché, cequi ne s’inscrit pas dans la logique européenne de grand marché unique. Afin d’éviter lesdistorsions de concurrence, il serait souhaitable que ces seuils d’éligibilité soient les plus baspossibles. En effet, des problèmes risquent d’apparaître entre les industries du même secteur : cellesqui seront éligibles et auront accès à différents opérateurs, et celles qui se situeront en-deçà du seuild’éligibilité et qui, par conséquent, n’auront pas les mêmes opportunités de bénéficier desréductions des prix et d’accroître ainsi leur compétitivité.

En outre, il convient de réduire les distorsions de concurrence entre les nouveaux clientséligibles et les PMI non éligibles, notamment en termes de prix et de qualité de services.

b. Concernant l’accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution

Si l’accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution est imposée par la directive, lafixation d’un système de prix est, quant à elle, laissée au libre arbitre des Etats.

La CCIP s’est prononcée pour une liberté de la négociation du prix (par opposition aux prixréglementés) à condition, bien sûr, que la sécurité et la continuité de l’approvisionnement soienttoujours pris en considération.

Le coût de l’utilisation des infrastructures étant proportionnel à la distance, le prix pourrait secomposer d’un terme fixe correspondant aux frais administratifs et d’un terme proportionnel à ladistance et à la puissance retenue.

Or, le projet de loi a retenu un système de prix réglementé. En effet, les différents opérateursdevraient définir leurs prix « en fonction de critères objectifs, transparents et non discriminatoires,en tenant compte des caractéristiques du service rendu et des coûts correspondants ». Ensuite, cesprix seraient soumis à la Commission de régulation de l’électricité et du gaz qui donnerait ou nonson accord dans un délai réglementé.

Afin d’introduire une certaine souplesse, « la publication des conditions commerciales nefait pas obstacle à des conditions contractuelles spécifiques lorsque celles-ci sont justifiées ». Entout état de cause, la Commission de régulation devrait se prononcer.

16 projet de loi relatif à la modernisation du service public du gaz naturel, et au développement des entreprises gazières (mai 2000)

Page 19: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 19 -

L’avantage d’un tel système est sa transparence mais son principal inconvénient est d’imposerune rigidité commerciale à l’opérateur qui risque d’entraîner un marché peu réactif aux fluctuationsdes cours du gaz, situation peu compatible avec un développement du marché spot17.

c. Concernant le stockage

L’une des spécificités du marché du gaz est l’importance du stockage18. Ces réservespermettent d’assurer une continuité et une sécurité des approvisionnements. Or, si l’ouverture duréseau aux tiers est imposée par la directive, cette dernière ne prévoit rien quant à l’ouverture dessites de stockage. Il semble pourtant que celui-ci soit le corollaire du transport, à l’image dumarché du pétrole.

En outre, afin de permettre au marché spot de se développer et d’accéder à un vrai marchéconcurrentiel, la réserve de capacité faite par un client éligible devrait pouvoir être de courte durée.

Selon les professionnels concernés, des règles d’usage, transparentes et claires, pourraientêtre mises en place en s’inspirant, notamment, du « règlement du PLSE » (Pipe Line SudEuropéen) relatif au secteur pétrolier, confronté à des problèmes du même ordre.

Ainsi, les gestionnaires des sites de stockage géologiques pourraient, dans la mesure où lesréserves nécessaires à la sécurité de l’approvisionnement sont constituées, proposer à des tiers(clients éligibles, fournisseurs, grossistes), dans des conditions à discuter mais qui ne soient pasdiscriminatoires, des possibilités de stockage. Les principes tarifaires et comptables retenus pour letransport pourraient valablement s’appliquer ici.

Dès lors, il n’y a pas lieu d’introduire de disposition particulière dans le projet de loi.

d. Concernant la profession de grossiste

La directive laisse la possibilité de reconnaître ou non la profession de grossiste, c’est-à-direde toute personne physique ou morale qui achèterait et vendrait du gaz naturel et qui n’assureraitpas de fonctions de transport ou de distribution.

17 marché à court terme, par opposition au marché take or pay, de long terme18 environ 20% de la consommation annuelle sont stockées

Page 20: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 20 -

Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, semble ambiguë quant à la possibilité d’exercer ounon cette profession. La CCIP souhaite donc que les Pouvoirs Publics s’engagent clairement àdévelopper cette activité car :

- il convient d’éviter tout amalgame entre la situation du marché de l’électricité, pourlequel cette profession n’a pas été autorisée par le Parlement pour des raisonsd’opportunité politique et non pas techniques, et celui du gaz ;

- la France est presque totalement importatrice du gaz qu’elle consomme (95% environ),ce qui justifie mécaniquement le négoce et, par conséquence, la profession de grossiste ;

- dans le cadre d’un marché ouvert à la concurrence, il semble logique que ce genre deprofession se développe ; cela permettrait la création d’un nouveau secteur d’activité enFrance ; en effet, le refus d’autoriser cette activité pour l’électricité a eu pour conséquencede délocaliser celle-ci sur Londres alors que l’on souhaite, parallèlement, développer laplace de marché de Paris.

3.2.2.2. Un opérateur national à conforter

Gaz de France (France)

Centrica (Royaume-Uni)

TransCanada Pipelines(Canada)

Snam (Italie)

Ruhrgas Group (Allemagne)

NGC (Etats-Unis)

Gasunie (Pays-Bas)

Enron (Etats-Unis)

Gazprom (Russie)

0 50 100 150 200 250 300 350

Gaz de France (France)

Centrica (Royaume-Uni)

TransCanada Pipelines(Canada)

Snam (Italie)

Ruhrgas Group (Allemagne)

NGC (Etats-Unis)

Gasunie (Pays-Bas)

Enron (Etats-Unis)

Gazprom (Russie)

PRINCIPALES COMPAGNIES GAZIERES DANS LE MONDE (ventes totales en milliards de m3)

Page 21: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 21 -

Gaz de France poursuit aujourd’hui une stratégie de développement à l’international et dediversification de ses activités.

En effet, totalement absent hors de France il y a huit ans, l’entreprise développe des projetsaux quatre coins du monde : en Chine, pour construire un terminal de gaz naturel liquéfié enassociation avec Total-Fina, en Inde, pour un projet similaire mais moins avancé, ou au Mexique.L’objectif consiste à trouver, hors de France, la croissance que le marché national ne peut pasassurer, d’autant que ce dernier sera bientôt ouvert à la concurrence.

En outre, l’opérateur national souhaite investir, en amont de la chaîne, dans de nouvellesactivités telles l’exploration et la production d’hydrocarbures et, en aval, dans les services et ladistribution. Gaz de France s’est fixé pour but de détenir en 2005 des gisements représentant 15%de sa production.

Face à de telles ambitions, une question se pose : l’opérateur national dispose-t-il, au-delà deson statut, des moyens humains et financiers pour mener à terme son développement ?

Le rapport de Mme Nicole BRICQ19 suggère une réponse à cette question. En effet, lesacquisitions de Gaz de France devront se faire, en partie, sur des fonds propres. Or l’entreprise« n’est pas en mesure de mobiliser seule l’ensemble des ressources nécessaires à la réalisation deses objectifs dans un délai compatible avec celui de la réorganisation du secteur gazier eténergétique en Europe ».

Dans ces conditions, l’évolution de la personnalité juridique de GDF vers une sociétéanonyme paraît être la solution la plus adaptée.

3.3. LES NOUVELLES ORIENTATIONS DES MARCHES

L’introduction de la concurrence devrait inéluctablement et profondément modifierl’organisation des marchés de l’électricité et du gaz : ces marchés devraient se rapprocher et desbourses de cotation et de négoce, se développer.

19 « Mission de réflexion et de concertation sur la transposition de la directive européenne sur le marché intérieur du gaz »,Rapport au Premier ministre, Nicole BRICQ, Députée, 27 octobre 1999 (www.ladocfrançaise.gouv.fr)

Page 22: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 22 -

3.3.1. LE RAPPROCHEMENT DES INDUSTRIES DEL’ELECTRICITE ET DU GAZ

De manière structurelle, les entreprises des secteurs du gaz et de l’électricité présententcertains points communs :

- il s’agit d’une industrie de réseau, c’est-à-dire que le marché suit en grande partie ledéveloppement des infrastructures de transports ;

- leur marché n’est pas facilement « contestable », c’est-à-dire les coûts fixesirrécupérables élevés (centrale de production, gazoduc) empêchent une grande diversitéet une grande fluctuation des concurrents potentiels.

De plus, aujourd’hui, l’ouverture de ces marchés débute dans un contexte particulier. Eneffet, l’offre de gaz naturel est abondante et le prix des hydrocarbures très avantageux, malgré leurrécente hausse. Ainsi, les nouvelles techniques de production d’électricité à partir du gaz (centralesau gaz à cycles combinés, cogénération) permettent de concurrencer les prix de production del’électricité d’origine nucléaire (voir tableau) suivant les conditions d’utilisation et hors prise encompte de l’effet de serre.

LES COUTS DE REFERENCE DE LA PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE20

Coût de Production(centimes/kWh)

Minimum Maximum Moyen

Nucléaire (N4 deuxième train, mise enservice industrielle 2000)

19,2 26,8 22,8

Cycle combiné à gaz (caractéristiquesactuelles, mise en service industrielle 2000)

19,6 29,9 24,3

Cycle combiné à gaz (caractéristiquesfutures, mise en service industrielle 2005)

18,7 28,1 22,6

Ces dernières années, (à moindre échelle en France qui, pour des raisons historiques nedispose que de très peu de centrales fonctionnant au gaz par rapport aux autres pays européens), laproduction d’électricité à partir de gaz a connu un essor très important. Les opérateurs se sontmassivement engagés dans l’exploitation de technologies de type centrales au gaz à cycles combinésqui sont à la fois compétitives, souples, et peuvent être amorties rapidement.

Il existe donc un lien de plus en plus étroit entre les fournisseurs de gaz et les producteursd’électricité. Cette tendance est marquée dans les pays dont les marchés sont déjà ouverts. Mais, au-delà de ce rapprochement, on constate également que les activités de fournitures de services seregroupent ce qui pose, à terme, des problèmes de respect de la concurrence.

20 Source DIGEC - Secrétariat d’Etat à l’Industrie mai 1999

Page 23: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 23 -

3.3.2. L’APPARITION DES COTATIONS EN BOURSE

En Europe, l’expérience de la libéralisation des marchés de l’énergie est encore limitée cartrop récente ; mais on peut, cependant, tirer quelques enseignements des expériences britannique,norvégienne et suédoise.

En effet, l’électricité y est devenue un bien comme les autres et s’échange sur des boursesvia le « Pool » anglais et le « Nordpool » commun à la Suède, Norvège et Finlande :

- des contrats de court terme sont conclus en fonction du prix du kWh qui varie selonl’offre et la demande,- afin de se garantir contre la volatilité des cours, les acteurs économiques ont élaborédes systèmes d’assurance prenant la forme, comme pour les biens habituels, d’optionséchangées sur les marchés à terme.

Ceci permet aux entreprises d’acheter de l’électricité au meilleur prix sur un marchélibrement défini.

Pour le gaz, il est probable que la même évolution fasse jour à travers une montée enpuissance des contrats à court terme « spot », mouvement déjà perceptible sur le marché.

A terme, le négoce de l’énergie devrait s’exercer au sein de bourses ouvertes mais aussidirectement chez les opérateurs :

- les producteurs peuvent compléter leur offre en achetant de l’énergie (activité degrossiste),- les distributeurs peuvent développer des activités de trading pour s’approvisionner aumeilleur prix.

Pour autant, une bourse unique à l’échelle européenne n’est pas, pour le moment,imaginable. En effet, il existe de nombreuses disparités dans le coût du transport. Si un achatd’électricité peut être intéressant sur le Nordpool, le prix de son transport peut être rédhibitoire.

De plus, les distorsions fiscales sur l’énergie pouvant exister entre les différents pays,rendraient difficile l’achat d’énergie entre des pays ne disposant pas de règles communes. Uneharmonisation européenne de la fiscalité de l’énergie autour d’une moyenne commune est doncnécessaire21.

Pour l’heure, seules des bourses locales ou régionales pourront se développer, accueillantdes transactions concernant des zones homogènes et interconnectées.

21 voir « Fiscalité environnementale : se limiter à encourager l’écologie et l’innovation », Rapport présenté par M. FrédéricBRUNET, au nom de la Commission de l’Aménagement Régional, de l’Environnement, du Tourisme et des Transports et de laCommission Fiscale, et adopté par l’Assemblée Générale du 9 septembre 1999

Page 24: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 24 -

3.3.3. L’ACCES A UNE OFFRE MULTI-ACTIVITES

L’énergie tendant à devenir ainsi un bien comme un autre, on assiste à une stratégie desgrands groupes multi-activités visant à proposer des offres globales de services aux entreprises :fourniture de gaz, d’électricité, de chaleur mais aussi de télécommunication, de gestion des déchets...C’est l’objet actuel des différents mouvements capitalistiques dans le secteur de l’énergie.

Face à ces développements, la question qui se pose est donc de savoir si l’orientation prisepar les Pouvoirs Publics permettra à des groupes comme EDF ou Gaz de France d’offrir, eux aussi,une offre globale de services. En effet, on voit mal comment ils pourraient affronter la concurrenced’autres grands groupes à l’échelle européenne, en ne fonctionnant pas avec les mêmes règles queleurs concurrents.

4. UNE POSITION NATIONALE A RECONSIDERER

Face à de tels enjeux, les Pouvoirs Publics ont opté pour une ouverture minimale desmarchés de l’électricité et du gaz et proposent un système peu réactif et rigide qui, d’une part, neprend pas suffisamment en compte les réalités du marché et, d’autre part, risque d’isoler lesentreprises françaises du marché européen.

4.1. UNE OUVERTURE TIMIDE DES MARCHES

Comme on l’a vu, l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz ne devrait pas dépasserun tiers, contrairement à la majorité des autres pays de l’Union Européenne. Cette situation aura ledouble inconvénient de retarder la mise en place d’un vrai marché concurrentiel en France et de tenirà l’écart de services nouveaux un bon nombre d’entreprises clientes, risquant de créer ainsi desdistorsions de concurrence arbitraires entre les industries d’un même secteur d’activité.

Si une période de transition est nécessaire et s’explique par l’organisation historique dessecteurs de l’électricité et du gaz, la volonté de conserver un semblant de monopole ne s’expliquepas par des raisons rationnelles car elle ne répond pas à la logique de l’économie de marché quiprévaut aujourd’hui en Europe.

Il serait donc souhaitable que les Pouvoirs Publics s’engagent plus résolument versune libéralisation progressive à 100% à moyen terme, de façon à ce que la France ne soit pasune exception au sein de l’Union Européenne.

Page 25: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 25 -

4.2. DES CRITERES D’ELIGIBILITE NE PRENANT PAS ENCOMPTE LA REALITE ECONOMIQUE

S’ajoute aux critères d’éligibilité, déjà peu ouverts, la notion de « site », au détriment de lanotion de « client ». Cela signifie que seuls les sites consommant davantage que le seuil d’éligibilitépourront avoir accès à d’autres fournisseurs. En revanche, une entreprise disposant de plusieurs sitesindividuellement inférieurs à ce seuil ne pourra pas grouper ses achats d’énergie de façon à deveniréligible.

Il paraît donc difficile, dans ces conditions, de voir se développer en France un marché réactifcomme il en existe déjà en Europe du Nord. Cela se traduira, pour les entreprises françaises, par unaccès plus difficile que pour leurs homologues européennes aux marchés de l’énergie et, dans unecertaine mesure, par des distorsions de concurrence. En effet, à titre d’exemple, on se rappelle queles tarifs d’EDF pour les PME/PMI se situent au quatrième rang derrière le Danemark, l’Espagne etla Grèce : à supposer que ce classement soit maintenu malgré l’ouverture des marchés, uneentreprise française ne pourra pas bénéficier de conditions plus favorables que celles offertes parEDF.

On peut donc porter le constat suivant : la culture de l’opérateur national unique risquevolontairement de perdurer et de créer une sorte d’isolement des entreprises françaises non éligiblesau regard de leurs concurrentes européennes.

Il est donc nécessaire d’introduire le plus rapidement possible, la notion de « clientéligible » et de renoncer à la notion de « site éligible » qui ne correspond aucunement à laréalité économique. Cette situation isole doublement un bon nombre d’entreprises françaises :d’une part, elle ne leur permet pas d’accéder à de nouveaux opérateurs et, donc, à denouveaux services et, d’autre part, elle crée des situations de distorsion de concurrence aveccertaines entreprises européennes.

4.3. UN SYSTEME DE PRIX PEU REACTIF ET RIGIDE

A ce système s’écartant volontiers des réalités de l’économie moderne, s’ajoute la mise enplace en France, d’une tarification rigide du transport et de la distribution de l’électricité et du gaz,qui ne pourra pas s’adapter rapidement à l’évolution de l’offre et de la demande. En effet, le principed’une tarification réglementée a été retenu. Cela signifie que les prix sont fixés et publiés aprèsaccord d’une autorité de tutelle.

La contrepartie principale est, naturellement, la transparence des prix. En revanche, ceux-cine pourront pas être ajustés au plus juste, en fonction des cours. A titre d’exemple, les cotationsréalisées dans le cadre du Pool ou du Nordpool montrent bien que le cours de l’électricité varientsans cesse en fonction de l’offre et de la demande. Cela n’empêche pas les opérateurs de se prémunircontre ces variations grâce à la mise en place de systèmes d’assurance prenant la forme, comme pourles biens habituels, d’options échangées sur les marchés à terme.

Page 26: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 26 -

Le principe retenu en France sera donc en décalage par rapport aux cours fixés par lemarché. En outre, il ne permet pas à un opérateur de transport d’agir en tant que prestataire deservices envers des clients et de moduler ses prix en fonction d’une politique commerciale qu’il auralibrement déterminée.

A titre d’exemple, le projet de loi relatif à la modernisation du service public du gaznaturel et au développement des entreprises gazières prévoit d’introduire un peu de souplesse, maisavec l’autorisation préalable de l’autorité de tutelle.

Comme la CCIP l’avait déjà souligné lors de sa réponse au Livre Blanc sur la futureorganisation gazière française22, si la sécurité et la continuité de l’approvisionnement doiventtoujours être prises en considération, le corollaire de l’ouverture à la concurrence est la libertéde la négociation des prix entre l’opérateur de transport et de distribution, et son client.

4.4. DES PERSONNALITES JURIDIQUES INADAPTEES

Enfin, le principal obstacle à une libéralisation totale réside certainement dans lapersonnalité juridique des deux opérateurs nationaux. En effet, EDF et Gaz de France sont desétablissements publics soumis au « principe de spécialité ».

Ce principe signifie que la personne morale, dont la création a été justifiée par la mission quilui a été confiée, n’a pas de compétence générale au-delà de cette mission. Il n’appartient pas àl’établissement d’entreprendre ou de s’immiscer dans des activités extérieures à cette mission.

Cependant, un établissement public à caractère industriel et commercial peut se livrer àd’autres activités économiques à la double condition :

- d’une part, que ses activités annexes soient techniquement et commercialement lecomplément normal de sa mission statutaire principale,

- d’autre part, que ces activités soient à la fois d’intérêt général et directement utiles àl’établissement public.

Le Conseil d’Etat a précisé23 que cette double condition « ne peut être interprétée commetémoignant d’une volonté du législateur d’exclure, en ce qui concerne les activités d’EDF et deGDF, du principe de spécialité ».

22 Réponse de M. Michel FRANCK, adressée au Préfet de la Région Ile-de-France, le 17 septembre 199923 Assemblée Générale, Avis n°356.089 du 7 juillet 1994 : spécialité des établissements publics (EDF-GDF), Les Grands Avis duConseil d’Etat, Dalloz, 1999

Page 27: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 27 -

Il ajoute que « les activités qui engagent les établissements dans un rapport très différentavec leurs clients et qui requièrent des techniques n’ayant qu’un rapport lointain avec laproduction, le transport ou la distribution d’énergie, ne peut trouver un fondement en tant quecomplément normal des missions principales ».

Cet avis du Conseil d’Etat expose clairement que les deux opérateurs nationaux ne sont pasdes sociétés comme les autres et que le principe de spécialité s’oppose à ce qu’elles agissent commetels sur un marché désormais concurrentiel.

Il en résulte que, pour ce qui relève strictement du secteur concurrentiel, les statutsd’EDF et de Gaz de France devraient être progressivement transformés de façon à ce que cesdeux établissements puissent devenir des Sociétés Anonymes de droit commun et entrer dansla compétition internationale ; il importe que le changement de statut tienne compte del’avantage de fait que détiennent ces deux entreprises (fichiers de clientèle...) afin depermettre à d’autres opérateurs concurrents d’intervenir sur le marché.

Page 28: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 28 -

5. CONCLUSION

L’Union Européenne a adopté successivement deux directives relatives à la libéralisation desmarchés de l’électricité et du gaz :

- l’une, datée du 19 décembre 1996, concernant les règles communes pour le marchéintérieur de l’électricité qui devait être transposée en droit interne aux pays membrespour le 19 février 1999,

- l’autre, datée du 22 juin 1998, concernant les règles communes pour le marchéintérieur du gaz naturel dont la transposition en droit interne doit avoir lieu au plustard le 10 août 2000.

Aux termes de ces directives, les marchés de l’électricité et du gaz doivent s’ouvrir d’untiers, au minimum, à la concurrence afin de permettre aux entreprises européennes de bénéficierpotentiellement des prestations de chaque opérateur européen.

On constate déjà sur les marchés suédois, norvégien et britannique, dont le marché del’électricité est ouvert à 100%, des tendances qui devraient se généraliser à toute l’Europe à moyenterme :

- une baisse des prix sur l’ensemble des marchés,

- une concentration des différents opérateurs corrélativement à un développement del’offre globale de services des groupes ainsi constitués (électricité, gaz, gestion desdéchets, télécommunication...),

- la création de bourses de l’énergie comme le Nordpool scandinave ou le Poolbritannique, qui permettent de traiter l’offre et la demande d’électricité comme un bienusuel et de développer les marchés de court terme, permettant ainsi aux entreprisesd’ajuster au plus juste les prix de leurs achats.

Or, en France, les orientations retenues par les Pouvoirs Publics semblent inadaptées àl’évolution du marché de l’énergie et risquent d’isoler les entreprises de leurs concurrenteseuropéennes.

En effet, si la majorité des Etats européens souhaite, à terme, une ouverture à 100% de sesmarchés de l’électricité et du gaz, le Gouvernement français n’a, pour le moment, retenu qu’uneouverture d’un tiers du marché national aux horizons 2006 et 2008, respectivement pour l’électricitéet le gaz.

Page 29: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 29 -

En outre, la notion de « site » a été préférée à celle de « client ». Cela signifie que seuls lessites consommant davantage que le seuil d’éligibilité (à titre d’exemple 20 GWh pour l’électricité, 25millions de m3 pour le gaz dès 2000) pourront avoir accès à d’autres fournisseurs français oueuropéens. En revanche, une entreprise disposant de plusieurs sites ne pourra pas grouper ses achatsd’énergie de façon à devenir éligible.

Cela se traduira, pour les entreprises françaises, par un accès plus difficile que pour leurshomologues européennes aux marchés de l’énergie et, par voie de conséquence, par des distorsionsde concurrence. Ainsi, à titre d’exemple, on se rappelle que les PME/PMI non éligibles sontassujetties aux tarifs d’EDF qui se situent au quatrième rang derrière le Danemark, l’Espagne et laGrèce.

A ce système s’écartant du réalisme économique, s’ajoute la mise en place d’une tarificationrigide qui ne pourra pas s’adapter rapidement à l’évolution des cours. En effet, le principe d’unetarification réglementée a été retenu, tant pour l’électricité que pour le gaz. Cela signifie que les prixsont fixés et publiés après l’accord d’une autorité de tutelle.

Le principe retenu en France sera donc en décalage par rapport aux cours européens etmondiaux. En outre, il ne permet pas à un opérateur national d’agir en tant que prestataire deservices envers des clients, et de moduler ses prix en fonction d’une politique commerciale qu’il auralibrement déterminé.

Globalement, il apparaît que les orientations retenues par les Pouvoirs Publics ne vont pasdans le sens d’une libéralisation effective des marchés de l’énergie et ce, au détriment des entreprisesconsommatrices d’énergie. La CCIP exprime les positions suivantes :

• l’ouverture d’un tiers seulement du marché de l’électricité et du gaz, respectivement en2006 et 2008, est l’option retenue par le Gouvernement français ; la France est ainsi isoléeau sein de l’Union puisque la plupart des pays européens prévoit l’ouverture totale de leurmarché ; les entreprises françaises, clientes des fournisseurs d’énergie, seront pénalisées enmatière de tarif notamment ; tout en prenant en compte l’attachement de la populationfrançaise au système de la péréquation, la CCIP demande une ouverture progressive maistotale du marché de l’électricité et du gaz ; afin de ménager les adaptations nécessaires desopérateurs, les dates visées pourraient être respectivement 2006 et 2008 ;

• la notion de « site » éligible à la libéralisation, est pénalisante pour les entreprises et devraitêtre remplacée par celle de « client » éligible ; l’accès des entreprises aux fournisseurseuropéens d’énergie en serait facilité ;

• le corollaire de l’ouverture à la concurrence est la liberté de négociation des prix entre lefournisseur d’énergie et son client ; or, en ce qui concerne le transport de l’électricité et dugaz, le Gouvernement a retenu comme principe, celui du prix réglementé, fixé avec l’accordpréalable de l’organisme de régulation des marchés , ce qui supprime les avantages de lanégociation des prix entre fournisseur et client et ne répond pas à l’exigence de flexibilité ;

Page 30: LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : … · LIBERALISATION DES MARCHES EUROPEENS DE L’ ENERGIE : UNE POSITION FRANCAISE MINIMALISTE Rapport présenté par M. Philippe

- 30 -

aussi, la CCIP demande que les prix du transport de ces deux énergies puissent êtrelibrement négociés ;

• S’agissant de l’offre de stockage du gaz naturel, elle sera suffisamment abondante pourêtre commercialisée par les gestionnaires des sites de stockage. Elle ne justifie donc pasqu’une disposition particulière soit introduite dans le projet de loi.

• en ce qui concerne le marché du gaz, la CCIP souhaite que se développe la profession degrossiste car, dans le cadre d’un marché ouvert à la concurrence, il semble logique que cegenre de profession se développe en France ; en effet, le refus d’autoriser cette activitéaurait pour conséquence de délocaliser celle-ci au détriment de la place de marché deParis ;

• pour leurs activités qui relèvent strictement du secteur concurrentiel, les statuts d’EDF etde Gaz de France devraient être progressivement transformés de façon à ce que ces deuxétablissements puissent devenir des sociétés de droit commun et entrer dans la compétitioninternationale ; il importe que le changement de statut tienne compte de l’avantage de faitque détiennent ces deux entreprises (fichier de clientèle...) afin de permettre à d’autresopérateurs concurrents d’intervenir sur le marché.