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Coup de chaleur en banlieue Un contrôle policier sur une femme voilée qui tourne mal: la ville de Trappes a connu ce week-end de très vives tensions, symptôme d’un malaise des banlieues qui ne faiblit pas. PAGES 2-5 Montgolfier, les adieux de l’incorruptible Il aura fini sa carrière à Bourges mais c’est à Nice et à Valenciennes, où il se fit connaître dans l’affaire VA-OM, que ce procureur est devenue une figure marquante de la justice. PAGES 10-11 L’Amérique se redécouvre raciste La mobilisation s’amplifie dans la communauté noire après l’acquittement la semaine dernière de George Zimmerman, accusé d’avoir tué le jeune Trayvon Martin. PAGE 8 1984 ET SI DURAS N’AVAIT PAS EU LE PRIX GONCOURT? TOUT L’ÉTÉ, «LIBÉ» RÉINVENTE 40 ANS D’ACTUALITÉ PAGES 29-36 AFP Dans la cité des Merisiers, à Trappes, dans la nuit de samedi à dimanche. PHOTO NICOLAS MESSYASZ . ABACAPRESS 7 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 10011 LUNDI 22 JUILLET 2013 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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Coupdechaleurenbanlieue

Un contrôle policier sur une femme voiléequi tourne mal: la ville de Trappes a connu ceweek-end de très vives tensions, symptôme

d’un malaise des banlieues qui ne faiblit pas. PAGES 2­5

Montgolfier,les adieux del’incorruptibleIl aura fini sa carrière àBourges mais c’est à Niceet à Valenciennes, où il se fitconnaître dans l’affaireVA-OM, que ce procureur estdevenue une figuremarquante de la justice.

PAGES 10­11

L’Amériquese redécouvreracisteLa mobilisation s’amplifiedans la communauté noireaprès l’acquittement lasemaine dernière de GeorgeZimmerman, accusé d’avoirtué le jeune Trayvon Martin.

PAGE 8

1984ET SI DURASN’AVAIT PASEU LE PRIXGONCOURT?TOUT L’ÉTÉ, «LIBÉ»RÉINVENTE40 ANS D’ACTUALITÉPAGES 29­36

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• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO10011 LUNDI 22 JUILLET 2013 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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La ville sort d’un week-end d’émeutesprovoquées par un contrôle d’identité.La tension montait depuis des mois.

Trappes:l’embrasement,forcément

Par RACHID LAÏRECHEet BERNADETTE SAUVAGETPhotos STÉPHANE LAGOUTTE.MYOP

L'ESSENTIEL

LE CONTEXTELe contrôle d’une femme portantle voile intégral a donné lieu àdes affrontements ce week­endà Trappes et ailleurs dans les Yvelines.

L'ENJEUCertains quartiers frappés parle chômage et les discriminationsrisquent­ils de s’embraser ?

Par ÉRIC DECOUTY

Accablant

Le décor a changé,les acteurs aussi, mais c’estle même mauvais film quecelui des Minguettes – ily a plus de trente ans – quiest repassé ce week-endà Trappes. Avec la mêmeglose politique et la mêmevacuité du propos. Hier etavant-hier, BriceHortefeux, Geoffroy Didieret quelques autres ténorsde la droite ditedécomplexée ont ainsientonné la rengainede la gauche laxiste,du fléau de l’immigrationet de la montée ducommunautarisme. Vaineset pathétiques déclarationsqui témoignent, au fond,de la faillite politique faceau problème de labanlieue. Car au-delàdes causes immédiatesdes affrontements dansles Yvelines et aprèsl’indispensable rappelà l’application stricte de laloi de la République, c’estbien de l’échec des planssuccessifs dont il estquestion, à Trappescomme dans la plupartdes quartiers. Le dernierrapport de l’Observatoirenational des zonesurbaines sensibles a ainsirévélé que le taux dechômage était deux foisplus élevé dans cesquartiers qu’ailleurs(22,8%, contre 9,4% selondes chiffres de 2011). Qu’ilsavaient connu un départmassif des classesmoyennes, uneaugmentation croissantedu niveau d’échec scolaireet une paupérisationdésespérante despopulations. Un constatsinistre alimenté parla discriminationdes jeunes, «l’effetorigine» s’ajoutantà «l’effet quartiers».La responsabilitéaccablante de cettesituation incombe à lagauche comme à la droite.Et il n’était qu’à constaterla place minime occupéepar la banlieue dans lacampagne présidentiellede 2012 pour mesurerle malaise politique.Malgré la crise et la rigueurbudgétaire, lesaffrontements de Trappesrappellent pourtant legouvernement à l’urgence.

ÉDITORIAL

L e contrôle d’identité d’une femmeportant le voile intégral, a priori ba-nal, a dégénéré dans la nuit de ven-dredi à samedi en échauffourées ur-

baines à Trappes. Et donné lieuà une polémique politique (lirepage 5). Troubles ponctuels ouprémices d’un été chaud dans les quartiers?Si les traditionnelles passes d’armes ont eulieu, les autorités politiques et, sur place, lesresponsables musulmans ont prôné un retour

au calme, en plein ramadan. Hier, quatrejeunes majeurs ont été écroués. Ils seront ju-gés aujourd’hui en comparution immédiate.

QUE S’EST­IL PASSÉ À TRAPPES ?Lors de l’opération, selon la police, le mari dela musulmane en niqab se serait violemmentinterposé, s’en prenant physiquement à unpolicier. Cette version est contestée parMarwan Muhammad, le porte-parole du Co-mité contre l’islamophobie en France (CCIF).Se fondant sur les témoignages du couple etd’autres habitants, il affirme que ces deuxFrançais convertis à l’islam auraient été victi-mes de violences policières. La mère de lajeune femme contrôlée, accompagnée d’unetrentaine d’habitants du quartier, a voulu en-suite, toujours selon le CCIF, déposer plainteau commissariat, mais elle aurait été écon-duite. Environ 250 personnes se sont ensuiterassemblées à proximité du commissariat,provoquant la riposte de la police et des inci-dents très violents. Un jeune a perdu un œil,et plusieurs personnes ont été interpellées.Placé en garde de vue, le mari de la femmevoilée a été relâché samedi, ce qui a fait re-tomber la tension. Mais d’autres incidents onteu lieu dans la nuit de samedi à dimanche, àTrappes mais aussi dans des municipalitésenvironnantes, à Guyancourt et Elancourt.

LA LOI INTERDISANT LE PORT DU VOILEINTÉGRAL ACCROÎT­ELLE LES TENSIONS ?Si la plupart des habitants ne partagent pasles choix des musulmans les plus fondamen-talistes, comme celui du port du voile inté-gral, il existe, dans les banlieues, un fort sen-timent de solidarité. S’en prendre à unefemme voilée, c’est s’en prendre d’abord et

avant tout à quelqu’un du quar-tier. Issus le plus souvent de mi-lieux défavorisés, en panne d’in-

tégration économique et sociale, beaucoupde salafistes zélateurs du niqab vivent dansces cités réputées difficiles où les rapportsavec la police sont particuliè-

Devant le commissariat de Trappes (Yvelines), samedi. Hier, quatre hommes, âgés de 18 à 24 ans, ont été interpellés. Ils seront jugés aujourd’hui en comparution

Suite page 4

DÉCRYPTAGE

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 20132 • EVENEMENT

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Dans le quartier des Merisiers, calme en journée, beaucoup se disent harcelés par la police.

«On est toujours aussi maltraités»H ier, Trappes (Yvelines) a replongé dans la

torpeur de l’été. Le quartier des Merisiers,théâtre depuis deux nuits d’échauffourées

entre groupes de jeunes et forces de l’ordre, affi-che une étonnante quiétude. Seuls quelques vitresd’Abribus brisées et les décombres encore fu-mants des poubelles incendiées rap-pellent les heurts nocturnes. Lors dela prière du ramadan, les religieux ontlancé un appel au calme. «Les gens ont réagi vio-lemment face à un fait qui leur est apparu injuste,commente un responsable de la mosquée. Je penseque cela va se calmer très vite.»A l’entrée du commissariat pris pour cible, unedizaine de véhicules de CRS restent stationnés.La place située devant le poste de police est le ter-rain de jeu des enfants qui se rafraîchissent dansla fontaine. Etrange métamorphose entre la nuitet le jour. Pas d’attroupement ou de climat tenduentre les policiers et les quelques adolescents ve-nus faire du vélo sur l’esplanade. Les seules ba-tailles visibles ici sont des batailles d’eau.Embellie. La veille, incompréhension et colèredominaient. A 13 heures, sur la place du marchéhebdomadaire, un vieil homme se désolait : «Jepensais que nous en avions fini avec ce climat desuspicion et de violence. Rien n’a vraiment changéici depuis l’arrivée de Hollande. On est toujoursaussi maltraités.» Ce qui choque, c’est surtoutl’important dispositif de police qui a été déployéet le survol du quartier par des hélicoptères.Les habitants le reconnaissent, depuis les émeu-tes de 2005, le quartier des Merisiers a fait l’objetd’une profonde rénovation urbaine, les immeu-bles ont été réaménagés et la voirie embellie. Unprogramme de rénovation toujours en cours, quitend à favoriser la mixité sociale. Aucun troublen’a eu lieu depuis plusieurs années, mais le quar-tier a tout de même été inscrit sur la liste des zo-

nes de sécurité prioritaires par Manuel Vallsen 2012. «Il fait bon vivre ici, affirme une mère defamille. Ils ont créé des squares, des aires de jeuxpour les enfants.» On est loin de l’image du quar-tier «ghetto» aux tours délabrées. Mais le ravale-ment des façades ne suffit plus à dissimuler le

malaise grandissant d’une populationqui se sent mise au ban de la société.Les violences des dernières nuits ex-

priment aussi un ras-le-bol général. Au niveauéconomique, rien n’a vraiment changé depuisl’annonce d’un énième plan pour les banlieuesen 2008, sous le gouvernement Fillon. La crise estpassée par là, et le chômage avoisine les 15% dela population active.15 heures. Au pied des tours Thorez, un groupede jeunes donne sa lecture des violences de ven-

dredi: elles n’ont rien à voir avec la loi interdisantle port du niqab. «Ce ne sont pas des émeutes com-munautaires, comme disent certains politiques quiessayent de récupérer les événements pour taper surles musulmans», explique Medhi, qui affirmeavoir pris part aux échauffourées. A preuve, dansle quartier, elles ne seraient «plus que deux outrois» femmes à porter cette tenue qui recouvretout le visage, indique une femme voilée. «Cen’est pas une histoire de respect des religions ou deniqab, ajoute la jeune fille qui l’accompagne.C’est une question de respect des gens, du respectde nos droits en tant que citoyen français. Nous nesupportons plus d’être contrôlés quotidiennement.»

Ici, l’abandon de la promesse des socialistesd’instaurer un récépissé d’identité à chaque con-trôle de police laisse un goût amer.Et la répétition des contrôles continue de cristal-liser le mécontentement. «Ils nous contrôlent telle-ment qu’ils connaissent nos noms et dates de nais-sance par cœur», ironise Abdel, qui se dit victimede cette injustice. Ce sentiment prédomine chezles habitants du quartier, qui dénoncent des abusd’autorité de la part des forces de l’ordre.«Cow­boys». Assis sur un banc à l’ombre desplatanes, un homme d’une cinquantaine d’an-nées disserte avec son voisin. «Certains flics secomportent comme des cow-boys, ils savent qu’ilssont protégés par leur hiérarchie. Qui va croire nosgarçons ? Personne, car ils ne sont pas de la bonnecouleur.» Au moindre accrochage, cette colère se

transforme en révolte. Et les jeunesse désolent d’être caricaturés en«sauvages».«On ne va pas tout brûler pour le plaisir,explique Isam, âgé de 20 ans, diplôméd’un BTS d’électrotechnique en recher-che d’emploi depuis huit mois. Unquartier ne s’insurge pas du jour au len-

demain sans raison. L’histoire du niqab, ça a été lagoutte d’eau en trop.»La plupart des habitants se disent harcelés par lapolice et déclarent faire l’objet d’un traitementdiscriminatoire. «Quoi qu’on dise, quoi qu’onfasse, notre parole n’est jamais crédible aux yeux desmédias et des politiques», dénonce Isam.En visite dans le quartier, un médiateur socialdéplore lui aussi le manque de dialogue entre lesforces de l’ordre et la population. «Le sentimentd’injustice grandit de jour en jour. Il faut recréer unlien de confiance avec la police, on risque [autre-ment] de connaître d’autres explosions de violence.»

GEOFFREY LIVOLSI

On est loin de l’image du quartier«ghetto» aux tours délabrées. Maisle ravalement des façades ne suffit plusà dissimuler le malaise d’une populationqui se sent mise au ban de la société.

immédiate par le tribunal correctionnel de Versailles pour «violences», «outrages» ou «jets de projectiles contre les forces de l’ordre».

LE VOILEET LA LOIw Septembre 1989 Pre­mière affaire de voile isla­mique au collège de Creil(Oise). Le principal exclutdeux jeunes musulmanes .Jospin, ministre de l’Educa­tion, publie une circulaire,donnant aux profs le pou­voir de refuser un élève.w Mars 2004 Vote de la loiinterdisant le portde signes religieux ostenta­toires à l’école, après desannées de polémiqueet le rapport Stasi.w Octobre 2010 Votede la loi prohibant la dissi­mulation du visage dansl’espace public, visant defait le port du voile intégral.w Mars 2013 Hollandese dit favorable à une loisur le voile dans le servicepublic de la petite enfance.

REPÈRES

Trappes

Versailles

10 kmESSONNE

VAL-D’OISEVAL-D’OISE

EURE-ET-LOIR

YVELINES

Elancourt

LES MERISIERSConstruit dans lesannées 60, ce quartierregroupe un tiers des habi­tants de Trappes, soit envi­ron 10000 personnes,dans quelques tours de sixétages. 85% de sa popula­tion y vit dans des loge­ments sociaux.Classé en zone urbainesensible (ZUS) en 1996, lequartier a fait l’objet d’uneopération de rénovationurbaine: 506 logements yont été démolis et 900reconstruits.

«C’est inacceptablequ’une personneveuille se soustraireà un contrôle et,pire, s’en prenneaux forces del’ordre. Ce voile quinie l’identité mêmede la femme n’a paslieu d’être dansl’espace public.»Manuel Valls hier,sur BFMTV

REPORTAGE

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 2013 • 3

Page 4: LIBERATION N°10011 du Lundi 22 Juillet 2013.pdf

rement dégradés. Laquestion du port du voile intégral n’a pas étéréglée par la mise en place de la loi d’octo-bre 2010. Il y a toujours autant de femmes quile portent, observent sur le terrain plusieursresponsables associatifs. Mais elles ne sontqu’une toute petite minorité d’à peine 2000ou 3000. Le dispositif a sans doute eu un ef-fet dissuasif, puisque leur nombre n’a pasnon plus augmenté. En la matière, la loide 2004 interdisant de fait le port du voile àl’école publique a été plus efficace. De plusen plus fréquents au début des années 2000,les conflits au sein des établissements scolai-res ont disparu.

LE CONTEXTE ISLAMOPHOBEJOUE­T­IL UN RÔLE ?Depuis mai, la tension monte. A Argenteuil(Val-d’Oise), Trappes ou Reims (Marne),plusieurs femmes voilées ont été agresséesphysiquement. A deux reprises, à Marseille(Bouches-du-Rhône) et Argenteuil, les con-trôles d’identité de musulmanes portant levoile intégral ont aussi donné lieu à des inci-dents, sans qu’ils ne dégénèrent toutefoiscomme à Trappes. Si les actes contre les lieuxde culte musulmans sont assez répandus, unseuil a été franchi avec ces agressions physi-ques. Pour éteindre ce feu qui couvait, Ma-nuel Valls, le ministre de l’Intérieur, a entre-pris pendant le ramadan une tournée dansles mosquées, programmée avant les troublesde ce week-end. Il a participé la semainedernière à deux repas de rupture du jeûne,l’un à la Grande Mosquée de Paris et l’autreà celle de Lyon. Il devrait également se ren-dre dans deux ou trois lieux de culte plusmodestes, dont celui d’Ozoir-la-Ferrière(Seine-et-Marne).Affichant «l’affection» de la France à l’égarddes musulmans, Valls s’est voulu apaisant àParis et à Lyon, tout en réitérant sa fermetéà l’égard de toute dérive radicale. Mais le mi-nistre peine à convaincre les communautésmusulmanes, qui le suspectent d’avoir à leurégard la même attitude que Nicolas Sarkozy.Elles reprochent également au gouvernementde ne pas être suffisamment attentif aux at-teintes contre l’islam. «Manuel Valls ne s’estpas rendu à Argenteuil après l’agression desdeux jeunes femmes et il a tardé à les recevoir»,regrette un intellectuel musulman. D’où unsentiment de discrimination chez les musul-mans, qui considèrent généralement que lesautorités sont plus attentives aux actesantisémites.

L’ÉTÉ EST­IL UNE PÉRIODE À RISQUES ?Les raisons à l’origine des troubles sont sou-vent les mêmes: un contrôle qui tourne mal,voire, pis, la mort d’un jeune du quartieravec des forces de l’ordre plus ou moins im-pliquées. Les nuits qui suivent se transfor-ment souvent en batailles rangées. La policed’un côté, les jeunes de l’autre, avec les voi-tures et les poubelles qui crament au milieu.Certes, les violences urbaines se déroulentfréquemment l’été. En cette période de va-cances scolaires, beaucoup de familles n’ontpas les moyens de changer d’air. Les habi-tants de Firminy (Loire, 2009), Grenoble(Isère, 2010) et Amiens (Somme, 2012), oùdes troubles se sont produits, peuvent entémoigner.Mais les violences urbaines qui ont marquéles esprits ces dernières années n’ont pas eulieu l’été. Le 27 octobre 2005, à Clichy-sous-Bois, Bouna Traoré (15 ans) et Zyed Benna(17 ans) meurent par électrocution dans l’en-ceinte d’un poste source électrique d’EDF,après une course-poursuite avec la policealors qu’ils rentraient d’un match de foot(l’enquête est en toujours en cours). Après ledécès des deux ados, les violences urbaines

se propagent dans toute la France. Le 8 no-vembre 2005, l’état d’urgence est déclaré, etprolongé plusieurs semaines consécutives.Le 25 novembre 2007, Moushin Sehhouli(15 ans) et Laramy Samoura (16 ans) sont tuésdans la collision de leur moto-cross avec unevoiture de police à Villiers-le Bel (Val-d’Oise).Les deux nuits suivantes donnent lieu à unphénomène nouveau: l’utilisation d’armesà feu face aux forces de l’ordre.Samedi, à Trappes, un retraité qui vit près desMerisiers avait le regard fixé vers l’hélicop-tère qui survolait la ville: «Regardez: les en-fants, au lieu d’être en vacances, sont en trainde se battre avec des flics écœurés par leurs pe-tits salaires et conditions de travail à la noix.Lorsque deux bandes d’énervés se croisent, çapète toujours.» Et peu importe la saison.

UNE VIOLENCE AVANT TOUT SOCIALE ?Les scènes d’émeutes débutent la plupart dutemps avec la même sensation de déjà-vu:humiliation ou honneur bafoué d’un habitantdu quartier. Derrière, se cache aussi une vio-lence sociale. Et un sentiment de relégationpolitique (lire interview page suivante). Depuisles grandes émeutes de 2005, rien n’a changéou presque, malgré les promesses, d’oùqu’elles viennent. Le taux de chômage esttoujours aussi élevé. Dans le dernier rapportde l’Observatoire national des zones urbainessensibles (Onzus), les chiffres sont éloquents.La crise a encore aggravé la situation des751 zones urbaines sensibles (ZUS). Le tauxde pauvreté (la part des personnes vivantavec moins de 964 euros par mois) y est passéde 30,5% en 2006 à 36,1% en 2010. Au cours

de la même période, il n’a progressé quede 11,9% à 12,6% en dehors de ces quartiers.La santé est aussi touchée. Près d’un quartdes habitants a déjà renoncé à des soins parmanque de moyens. Baté, un jeune Trappiste,précise: «Pour trouver du travail, c’est chaud.Celui qui n’en trouve pas tourne en rond toute lajournée, et ce n’est pas la nouvelle peinture surles murs qui va lui rendre le sourire. Ici ça peutpéter pour un rien.» Comme le 26 juin à Ville-momble (Seine-Saint-Denis), quand la policea été alertée par la conduite acrobatique depilotes de deux-roues sans casque. Plusieursjeunes encerclent les forces de l’ordre. Débutd’émeute. Les policiers dégainent flash-ballset lacrymos. Une mère de famille qui passepar là est atteinte au visage. Elle perd un œil.Ce jour-là, il n’y avait ni barbes ni niqab.•

Suite de la page 2

Des policiers de la BAC dans les rues de Trappes, samedi. PHOTO MIGUEL MEDINA. AFP

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 20134 • EVENEMENT

Page 5: LIBERATION N°10011 du Lundi 22 Juillet 2013.pdf

Mohammed Mechmache, président d’ACLefeu:

«Exclu de la sociétépour une barbeou un bout de tissu»M ohammed Mechmache, le président

d’ACLefeu, créé en 2005, à la suite desviolences urbaines à Clichy-sous-Bois

(Seine-Saint-Denis), a remis un rapport le 8 juilletsur les banlieues au ministre de la Ville, FrançoisLamy. Il revient sur les événements du week-end.Comment expliquez-vous ce qui s’est passéà Trappes ?Je suis très inquiet, mais pas surpris.Le malaise social va être dépassé parune crise politique. Ça va nous faire trèsmal. Aujourd’hui, on est exclu de lasociété parce qu’on porte une barbe ouun bout de tissu sur la tête. C’est unacharnement et ça contribue à la mon-tée du racisme, alors que la plupartd’entre eux sont des enfants de laRépublique. Aujourd’hui, il faut rétablir un dialo-gue qui n’existe plus. OK, il y a des lois en Franceet il faut les respecter, mais ces gens sont nés enFrance. Comment voulez-vous expliquer à ungamin que sa maman ne l’accompagne pas à sasortie de l’école parce qu’elle porte le voile? For-cément, il grandit dans la violence etl’exclusion.Lorsque ça pète dans une banlieue, c’estla plupart du temps l’expression d’un mal-être.Ce n’est pas un hasard si les émeutes se passentsouvent l’été. L’être humain a besoin de respirer,de s’oxygéner. Là, c’est tout le contraire: les ga-mins restent sur le carreau, ils n’ont pas lesmoyens de souffler vraiment.Qui sort vainqueur de cette situation ?Cela fait le jeu de tous les extrêmes. Qu’ils soientpolitiques ou religieux. D’un côté, le Front nationalse met à faire dans le social et, de l’autre, les reli-gieux récupèrent des jeunes à l’abandon.Y a-t-il du changement depuis que la gauche estau pouvoir ?Les choses n’ont pas évolué, les gens sont dansl’attente. La République s’éloigne de plus en plusde la banlieue. La réconciliation de la gauche avecles quartiers n’est pas pour tout de suite. Le minis-

tère de l’Intérieur mène toujours une politique dedroite, alors qu’on sort des années Sarkozy où nousavons «morflé». Depuis que François Hollande estaux affaires, il n’a envoyé aucun signe fort en di-rection de la banlieue. On nous a promis des chosesfortes, comme le droit de vote des étrangers, maisça a été repoussé après les municipales. On auraitpu au moins en débattre, donner la parole aux ha-

bitants des quartiers. Pareil pour lecontrôle au faciès. Ça a été abordé, puisoublié. Les quartiers ont voté en majo-rité à gauche. Si Hollande est au pou-voir, c’est aussi grâce à la banlieue. Iln’est pas trop tard pour changer et ren-voyer l’ascenseur à ces électeurs.Comment la gauche peut-elle «ren-voyer l’ascenseur», comme vous dites?

Un peu plus de justice sociale serait bienvenue. Lapeinture ne suffit pas. Il faut du travail. Les fa-milles qui mangeaient à leur faim hier se nourris-sent aux Restos du cœur aujourd’hui. Le gouver-nement doit donner la parole à cette jeunesse. Onest exclu, on nous fait comprendre que nous

n’avons pas notre place dans cette so-ciété. Il faut arrêter l’hémorragie avantque les choses ne s’aggravent. En termes

de nominations, nous n’avons pas –ou très peu–de gens issus de l’immigration au gouvernementou à des postes-clés. La France doit comprendreque nous faisons partie des solutions et non desproblèmes.Cette année, c’est aussi les 30 ans de la Marche del’égalité, qu’est-ce qui a changé depuis ?Une partie de cette génération a disparu aprèsl’arrivée de la drogue dure au début des années 90dans les cités. On se bat encore et toujours pourles mêmes choses. On ne nous considère toujourspas comme des Français à part entière. A l’époquedéjà, c’était la gauche qui était au pouvoir avecFrançois Mitterrand et il n’avait pas tenu ses pro-messes. J’espère que François Hollande saura tenirparole, lui.

Recueilli par RACHID LAÏRECHE

Tout le week-end, la droite a tapé surle «laxisme» de la gauche au pouvoir.

La fleur au fusil,la Sarkozie réagit

F igures imposées. Après le«siège» du commissariat deTrappes (Yvelines) vendredi

soir –et les heurts qui ont opposéplusieurs centaines de «jeunes»aux forces de l’ordre–, la Sarkozied’hier et de demain est sortie dubois en nombre pour dénoncer le«laxisme» de la gauche au pouvoirface à la montée, selon eux conju-guée, des tensions communautai-res et de la délinquance. Mais si latriplette Ciotti-Estrosi-Hortefeuxa quasiment entonné à l’unissonle refrain de la fermeté «implaca-ble» contre ces deux maux, l’ex-garde des Sceaux Rachida Dati a,elle, joué hier une partition moinspavlovienne, tapant évidemmentsur «l’échec coupable de la gauche»dans les banlieues, mais estimantaussi qu’après dix années aux af-faires, «la droite ne doit pas s’exo-nérer de toute responsabilité».«Voyous». La violette au fusil,l’UMP Geoffroy Didier, compèrede Guillaume Peltier à la Droiteforte, n’a pour sa part pas fait dansla nuance. Une habitude. Il atrouvé sans tarder, et sans sur-prise, «des responsables bien identi-fiés : une gauche bien-pensante quis’englue chaque jour davantage dansla culture de l’excuse et l’acceptationdu communautarisme».A peine plus à droite, la présidentedu FN, Marine Le Pen, a affirméque les affrontements de Trappes«sont liés à la montée d’un commu-nautarisme délétère, exacerbé parune immigration de masse.» Etquand Le Pen regrette que la Ré-publique ait «le bras beaucoup tropmou», Hortefeux, ex-locataire dela place Beauvau et porte-paroleofficieux de Nicolas Sarkozy, ex-horte lui aussi l’actuel gouverne-ment à «avoir le courage de fairepreuve de sévérité face à des voyous

qui ne respectent rien et qui insultentles lois de la République». Le genrede discours qui porte moins quandle socialiste ministre de l’Intérieurse trouve être Manuel Valls, chan-tre lui aussi d’une totale fermeté,même s’il la revendique plus répu-blicaine que celle de Sarkozy.«Inadmissible». Samedi, depuisMarseille, l’ex-député-maired’Evry (Essonne) a tenu un dis-cours sans équivoque et il n’a parailleurs pas lésiné sur les forces del’ordre mobilisées. Pas questionque l’étincelle de Trappes se trans-forme en incendie dans les ban-lieues comme à l’automne 2005.De Valls à Benoît Hamon, minis-tre, député des Yvelines et leaderde l’aile gauche du PS, en passantpar le premier secrétaire, HarlemDésir, tous les responsables socia-listes ont qualifié les affronte-ments de Trappes d’actes «inac-ceptables». «Aucune raison nejustifie ces violences, a jugé le mi-nistre de l’Intérieur. […] S’en pren-dre aux forces de l’ordre, aux insti-tutions, aux biens publics n’a aucunsens, ne règle aucun problème et estinadmissible» Et le premier flic deFrance, rôle qu’il affectionne, demarteler : «L’ordre public est ré-tabli, il sera rétabli à Trappes.»Partisan décomplexé d’une loi in-terdisant le port du voile intégraldans l’espace public –jusqu’à fairepartie des 20 députés de gauche àl’avoir votée en juillet 2010– Valls,qui avait alors été sévèrement cri-tiqué par son camp, ôte du coup àla droite cet angle d’attaque. MaisGeoffroy Didier comme ValériePécresse s’en sont donné à cœurjoie avec les ministres Duflot, Ha-mon et Montebourg, tous opposésà la loi. Comme «leur complice»Le Pen, a osé Geoffroy Didier.JONATHAN BOUCHET-PETERSEN

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LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 2013 EVENEMENT • 5

Page 6: LIBERATION N°10011 du Lundi 22 Juillet 2013.pdf

Israël-Palestine:unevoiefragilepourdenouvellesdiscussionsLe secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a décroché une reprise desnégociations de paix. Mais les deux leaders ont peu de marge de manœuvre.

J ohn Kerry est content. Lesmultiples allers-retours auProche-Orient du secrétaired’Etat américain ont payé.

L’Israélienne Tzipi Livni,ministre de la Justice etchef du parti centriste Ha-tnuah, retrouvera cette semaine àWashington le principal négo-ciateur palestinien, Saeb Erekat,marquant la fin de trois ans de bou-deries. Le secrétaire général desNations unies, la chef de la diplo-matie européenne, la Ligue arabe:tous se sont réjouis du retour auxdiscussions. Seul le Hamas, le partiislamiste palestinien, a joué lestrouble-fête et désapprouvé l’an-nonce de cette reprise des discus-sions. Les représentants des deux

parties, eux, ont exprimé leurbonne volonté, le Premier ministreisraélien, Benyamin Nétanyahou,affirmant que «la reprise du proces-sus de paix est dans l’intérêt straté-gique de l’Etat d’Israël» ; la prési-dence palestinienne s’est engagée

pour sa part à «négociersérieusement» pendant aumoins neuf mois, préci-

sant que dans l’accord annoncé parJohn Kerry, «il restait des détailsspécifiques à régler».

INDÉPENDANCE. Dès la premièreétape de ces pourparlers, des pri-sonniers palestiniens de longue datedevraient être libérés, les médiasisraéliens évoquant entre 100 et250 détenus. Derrière les parolesd’engagement pointe pourtant uncertain scepticisme. A l’image d’uncommentateur du quotidien Haa-

retz qui s’interroge: va-t-on assisterà un énième «processus de paix», ouarrivera-t-on à ratifier un «accordde paix»? Les deux leaders qui se-ront amenés à prendre des décisionssur un potentiel accord final dispo-sent d’une marge de manœuvre très

restreinte dans leurs camps respec-tifs. Chacun à leur manière, ce sontdes dirigeants faibles. Côté israé-lien, Benyamin Nétanyahou est à latête d’une vaste coalition. Maisceux qui s’opposent ouvertement àla création d’un Etat palestinien enCisjordanie et à Gaza –y compris

dans son propre parti, le Likoud– ypèsent d’un poids de plus en pluslourd. Le vice-ministre de la Dé-fense, Danny Danon, a de nouveauexprimé cette opinion, hier, sur lesondes de la radio publique israé-lienne. De même, Naftali Bennett,

à la tête du parti ultrana-tionaliste Maison Juive,écarte la possibilité d’ac-corder une indépendancetotale aux Palestiniens.La moindre concessionsur les colonies risquenon seulement d’ébranler

l’édifice de la coalition gouverne-mentale, mais aussi de faire perdreà Nétanyahou la direction de sonparti.A Ramallah, Mahmoud Abbas estégalement confronté à une crise delégitimité. Lors des élections muni-cipales à l’automne dernier – seul

véritable scrutin organisé de-puis 2006– les représentants de sonparti, le Fatah, ont essuyé de sé-rieux revers et les candidatures in-dépendantes se sont multipliées. Enoutre, Gaza a refusé au chef del’Autorité palestinienne «toute légi-timité pour négocier au nom du peu-ple palestinien». Mahmoud Abbasne pourra donc pas se permettre derevenir à la maison les mains vides,il en va de son poste.

AUGURES. La défiance entre «Bibi»Nétanyahou et Abou Mazen (le nomde guerre de Mahmoud Abbas) ris-que également de rendre chaotiquela voie vers un accord final. Les Is-raéliens ont pris ombrage des ten-tatives palestiniennes d’asseoir leurreconnaissance en intégrant desorganisations intergouvernementa-les (la Palestine a obtenu le statutd’Etat observateur à l’ONU en no-vembre), y compris celles quipourraient à terme condamner Is-raël devant la justice internatio-nale, plutôt que de reprendre lesdiscussions directes. Enfin, les di-vergences entre les deux campssemblent particulièrement profon-des, à commencer par le tracé desfrontières. Les négociations pro-grammées cette semaine repren-dront «à zéro», sans préconditions,et feront fi des dernières avancéesobtenues lors du mandat du précé-dent Premier ministre israélien,Ehud Olmert.Malgré ces antagonismes et lesaugures mitigés sous lesquelss’annoncent les discussions,impossible pour l’un ou l’autre derefuser la main tendue américaine:aucun des deux dirigeants nesouhaite être perçu comme celuipar lequel la paix ne se fera pas. Leplan Kerry, qui n’a pas été officiel-lement dévoilé jusqu’ici, contien-drait par ailleurs des incitationséconomiques novatrices pour lesPalestiniens et des garanties sécuri-taires solides pour les Israéliens.Davantage encore, les principauxintéressés constatent que leur petitmonde perd pour les Etats-Uniscomme pour l’Union européenneson intérêt central, alors que leMoyen-Orient fait face à d’autrescrises majeures. A terme, cedésintérêt pourrait signifier pourIsraël une diminution de l’aidemilitaire, et pour l’Autorité palesti-nienne une défection dans lessoutiens financiers. Israël craintégalement un accroissement de sonisolement sur la scène internatio-nale. Ainsi, la décision de Bruxelles,la semaine dernière, de rayer de lacoopération toute entité israélienneliée de près ou de loin aux territoiresoccupés, a fait l’effet d’une douchefroide pour l’Etat hébreu. •

Par AUDE MARCOVITCHCorrespondante à Tel­Aviv

Impossible de refuser la maintendue américaine: aucundes deux dirigeants ne souhaiteêtre perçu comme celui parlequel la paix ne se fera pas.

ANALYSE

John Kerry àRamallah, vendredi.

PHOTO MANDEL NGAN. AFP

360000C’est le nombre de colons juifsimplantés en Cisjordanie,auxquels s’ajoutent200000 Israéliens installésà Jérusalem­Est, annexé parIsraël après 1967.

Les précédentes négociationsde paix israelo­palestiniennes,lancées en septembre 2010,après quasiment deux ansd’interruption, ont trèsrapidement achoppé sur lapoursuite de la colonisationisraélienne à Jérusalem­Estet en Cisjordanie.

REPÈRES «Vous avez pris ladécision courageuse ethistorique de revenir à latable des négociations.»

Shimon Pérès président israélien,dans un message au présidentpalestinien, Mahmoud Abbas

JOHN KERRYA 69 ans, le chef de la diploma­tie américaine a réussi à arra­cher une reprise des pourparlersde paix. Il a passé vingt­huit anssur les bancs du Sénat et peut setarguer d’une solide expérienceinternationale.

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 20136 • MONDE

Page 7: LIBERATION N°10011 du Lundi 22 Juillet 2013.pdf

Amina n’en a pas ter-miné avec ses dé-boires judiciaires.

Tandis que les trois Femeneuropéennes venues la soute-nir seins nus ont été libéréesquelques jours avant la visitede Hollande, la jeune Tuni-sienne vient de dépasser lesdeux mois de détention pro-visoire. La militante, qui serevendique du mouvement«sextrémiste», est de nou-veau convoquée aujourd’huidevant le juge, pour «outrageà un fonctionnaire» et «dif-famation», suite à uneplainte du directeur de la pri-son de Messadine, où elle estincarcérée.Selon ses avocats, la jeunefemme aurait pris la défensed’une autre prisonnière lorsd’une altercation avec desgardiens. Le directeur assurequ’elle a proféré des insultes,ce que nie Amina. «C’est del’acharnement, on essaie àtout prix de la maintenir enprison», dénonce l’un de sesavocats, Ghazi Mrabet, quipromet «de grandes sur-prises» à l’audience, suggé-rant que la preuve de lamanipulation du système ju-diciaire y sera apportée.Profanation. Venue le19 mai à Kairouan, le jour oùles jihadistes d’Ansar al-Charia devaient y tenir leurcongrès, Amina avait tagué«Femen» sur le mur du ci-metière, au pied de la grandemosquée. Arrêtée, elle ad’abord été poursuivie pourle port d’un aérosol lacry-mogène, retrouvé dans son

sac ce jour-là, ce qui lui avalu 150 euros d’amende. Deplus lourdes charges ont en-suite été émises: «outrage àla pudeur», «profanation decimetière» et «associationde malfaiteurs». Une «dis-proportion flagrante entre laréalité des faits et les chefsd’accusation», dénoncent lesONG, à l’image de l’Organi-sation mondiale contre latorture. Finalement, lejuge d’instruction vient declore son enquête et seule la«profanation» a été retenue,faute de preuves. Mais le par-quet a fait appel de cette dé-cision, repoussant encore latenue du procès.Malgré l’abandon de deuxcharges, Amina est restée enprison. Toutes les demandes

de remise en liberté provi-soire formulées par la dé-fense, et appuyées par Hu-man Rights Watch, ont étérejetées. En Tunisie, la dé-tention préventive peut du-rer légalement jusqu’à qua-torze mois. «On veut la fairecraquer», accuse son père,Mounir Sboui, qui dénonceles tentatives «de faire taireles gens qui demandent plus delibertés».Amina, elle, se montre com-bative. Lors de son audienceen appel, pour le port de la

petite bombe lacrymogène,elle a ôté le sefsari, ce voileblanc traditionnel que lacoutume impose aux femmesjusticiables. «Elle s’est miseen colère quand sa mère lui ademandé de présenter ses ex-cuses et lui a dit avoir rencon-tré Meherzia Labidi [la vice-présidente de l’Assemblée,membre d’Ennahda, le partireligieux au pouvoir, ndlr].Elle refuse tout ça», rapporteaussi la blogueuse Lina BenMhenni, porte-parole de soncomité de soutien, quis’étoffe peu à peu.«Folle». Lors de cette ren-contre, la députée avait aussisouligné l’importance deprésenter au juge le dossiermédical d’Amina, qui a étésuivie par un psychiatre, ce

à quoi les avo-cats se refusentdepuis le dé-part. «Nous re-doutons qu’ellesoit libérée deprison pour êtreenvoyée en hô-

pital psychiatrique», expliquel’un d’eux, Halim Meddeb.«Je ne suis pas folle, je suislibre», a réagi Amina dans unmessage adressé vendredi,via son avocat, à l’opinion.«Je n’ai pas peur. Que je soisgardée en prison pour long-temps, cela ne m’importe pas.[…] Je suis derrière les bar-reaux mais je me sens pluslibre que beaucoup de gens àl’extérieur», y écrit encore lajeune femme.

ÉLODIE AUFFRAYCorrespondante à Tunis

L’Organisation mondialecontre la torture dénonceune «disproportion flagranteentre la réalité des faits et leschefs d’accusation».

Lajusticetunisiennes’acharnesurAminaACCUSATION De nouveau convoquée aujourd’hui, lajeune militante féministe se montre très combative.

Par MARC SEMO

Philippe, nouveau roides Belges, entre sangbleu et sang-froid

E n un dimanche de fêtenationale, Philippe,53 ans, est devenu le

nouveau roi des Belges, peuaprès l’abdication de sonpère, Albert II. En prêtantserment, le septième souve-rain de l’histoire du pays aappelé à donner «un nouvelélan d’enthousiasme» àune Belgique toujours plusfragile.

Quel est l’enjeu ?Avec les Diables Rouges,l’équipe nationale de foot, etle poids de la dette (100% duPIB), la royauté reste le der-nier ciment de l’unité. «Sila monarchie disparaît, laBelgique disparaît», soulignel’écrivain Patrick Roegiers.La Belgique est née en 1830,la monarchie un an plus tard,voulue par le peuple. «Pourcette raison, on parle de roi desBelges et non pas roi de Bel-gique; cette monarchie est à lafois modeste et très moderne»,rappelle ce romancier et es-sayiste, auteur de la Specta-culaire Histoire des rois desBelges (Perrin). Pour le nou-veau monarque, la parties’annonce difficile dans unpays divisé. Parmi les néer-landophones (60%), les par-tis les plus forts comme leNVA (nationalistes flamands)de Bart De Wever sont toutaussi hostiles à la Belgiquequ’à la monarchie, et veulentréduire ses pouvoirs déjà trèslimités. Les francophones,eux, restent attachés à l’unitédu pays, et donc au roi.

Quelles sont lesfaiblesses de Philippe ?Son immense timidité lui avalu longtemps la réputation

d’être «limité intellectuelle-ment», alors que son pèreAlbert II passe pour un bonvivant. Mais quand ce der-nier prêta serment en 1993, ilclaquait des dents d’émotion.«S’il est très coincé, Philippen’est pas une godiche, c’est unpilote de chasse qui a du sang-froid et il a eu le temps de seformer à son métier de roi»,souligne Patrick Roegiers.Son atout est aussi sa femmeMathilde, aristocrate belgeet première reine originairedu pays, aussi populaire etrayonnante que lui est terne.Leur fille aînée, future héri-tière du trône, a été inscrite àl’école néerlandophone.

Flamands contre Wallons,que peut faire le roi ?Les partis les plus attachés àl’unité belge, dont les socia-listes de la formation du Pre-mier ministre, Elio Di Rupo,avaient demandé à Albert IIde repousser son abdication,car les législatives demai 2014 annoncent untriomphe des nationalistesflamands du NVA et un paysingouvernable. Or le roi a unrôle discret mais bien réeldans les crises politiques, etl’ex-souverain avait montréson savoir-faire en sortant lepays de l’impasse après cinqcent quarante et un jourssans gouvernement. Philippeaura-t-il ce doigté ? Ce ti-mide se lâche parfois,comme en 2004 quand illança: «Certains partis extré-mistes veulent déchirer notrepays, ils auront affaire à moi.»Scandale en Flandres. Depuisil a appris à tempérer sespropos, sans changer deconvictions sur le fond. •

DÉCRYPTAGE

JORDANIE Un tribunal jor-danien a rejeté hier une de-mande de libération souscaution d’Abou Qatada(photo), prédicateur isla-miste inculpé pour terro-

risme après son extraditiondu Royaume-Uni. PHOTO AFP

YÉMEN Des hommes armésnon identifiés ont enlevé hierun diplomate iranien àSanaa. Téhéran a confirmé,affirmant n’avoir aucune in-formation sur les ravisseurs.

SYRIE Des combattantskurdes syriens ont affrontédes jihadistes dans le nord dupays, capturant un com-mandant de l’Etat islamiqueen Irak et au Levant (EIIL),avant de le relâcher, a an-noncé dimanche l’Observa-toire syrien des droits del’homme.

La Femen Amina Sboui à son procès à Sousse, le 4 juillet. PHOTO MED AMINE BENAZIZA. REUTERS60,6%C’est le pourcentagede Grecs estimant néces­saires des coupes clairesdans une administrationpublique pléthorique,selon un sondage (1)publié par l’hebdomadaireTo Vima. 64,5% sont favo­rables à la fin de l’inamovi­bilité des fonctionnaires.(1) Réalisé mardi et mercrediauprès de 1002 personnes.

L’opposant russe numéro 1et candidat à la mairie deMoscou, Alexeï Navalny, àpeine placé en liberté pro­visoire après sa condamna­tion à cinq ans de camp,a appelé à l’aider dans la«bataille» pour ce scrutin,lors de sa première inter­view à son retour dans lacapitale. «J’appelle tout lemonde à venir nous aiderà participer à la politiqueréelle, à une bataille réellepour les voix des gens»,a­t­il déclaré à la chaîne detélévision indépendanteDojd. Attendant le procèsd’appel, il assure ne pasavoir peur d’une nouvellearrestation : «Si vous avezpeur du loup, n’allez pasdans la forêt. Je pourraisêtre arrêté avant les élec­tions, après les élections…Mais si on y pense tout letemps, on ne pourra jamaisrien atteindre.» Lors duscrutin, le 8 septembre,Navalny doit affronter lemaire sortant, SergueïSobianine, proche dePoutine nommé par décreten 2010. PHOTO AP

ALEXEÏ NAVALNYRASSEMBLESES TROUPES

LES GENS

«J’appelle leprésident à ratifierles condamnationsà mort pour qu’onen finisse avecces attaquesterroristes qui tuentdes innocents.»La députée chiite Suzanal­Saad réclamant la reprisedes exécutions capitalesaprès la vague d’attentatsde samedi à Bagdad, quiont fait au moins 60 mortset plus de 190 blessés

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 2013 MONDEXPRESSO • 7

Page 8: LIBERATION N°10011 du Lundi 22 Juillet 2013.pdf

L’AFFAIRE ZIMMERMANLe jury d’un tribunal de Sanford, enFloride, a acquitté la semaine der­nière George Zimmerman, un vigilede quartier qui a tué en février 2012Trayvon Martin, 17 ans, estimant quece jeune homme en capuche avaitune allure suspecte. Les jurés ontestimé qu’il avait agi en situation delégitime défense.

REPÈRES

«Lorsque Trayvon Martin aété abattu, j’ai dit qu’il auraitpu être mon fils. Une autrefaçon de le dire, c’est qu’ily a trente-cinq ans, j’auraispu être Trayvon Martin.»Barack Obama le président américain,vendredi soir dans la salle de pressede la Maison Blanche

Le département de la Justice desEtats­Unis a indiqué qu’il examinaitla possibilité de présenter des chefsd’accusation contre GeorgeZimmerman s’il découvrait que cedernier avait violé les droits civiquesde l’adolescent noir.

ColèrenoireetmarcheblancheDes milliers d’Américains ont défilé samedi pour dénoncer le meurtre impuni de Trayvon Martin.

«N ous ne sommes paslà pour être vio-lents, nous sommeslà pour dénoncer la

violence perpétrée à l’encontred’un jeune homme innocent dunom de Trayvon Martin», déclareAl Sharpton, figure de la luttepour les droits civiques et initia-teur de la journée nationaled’action «Justice pourTrayvon», qui s’est déroulée sa-medi dans 130 villes améri-caines. A New York, il était ac-compagné de la mère de

l’adolescent, tué enfévrier 2012 suite àune altercation avec

George Zimmerman, qui a étéjugé pour meurtre puis inno-centé le 13 juillet. «Aujourd’hui,c’est mon fils. Demain, cela pour-rait être le vôtre. Il faut retroussernos manches et nous battre», lâ-che Sybrina Fulton, émue, ac-cueillie par les «amen» et les ap-plaudissements d’une foulemajoritairement afro-améri-caine.

PRESSION. Des milliers de per-sonnes se sont ainsi réunies de-vant les bâtiments fédéraux degrandes villes à travers le pays.Le mot d’ordre était partout lemême : manifester pacifique-ment, une semaine après qu’untribunal de Floride a innocentéGeorge Zimmerman, faire pres-sion sur le gouvernement fédéralpour qu’il engage à son tour despoursuites à son encontre, et dé-noncer la dangerosité des lois di-tes «Stand your ground», faisantde la légitime défense une vastenotion permettant à chacund’utiliser son arme et de tuer,chez soi comme à l’extérieur.Plus largement, ces événementsvisaient aussi à dénoncer les iné-galités qui frappent les Etats-Unis et à rappeler la situation

économique inquiétante de lacommunauté afro-américaine.Le problème est de taille: parmiles 44 millions d’Afro-Améri-cains, plus d’un individu surquatre vit aujourd’hui sous leseuil de pauvreté, un ratio quimonte à un sur trois pour les en-fants. Un record. Quant au tauxd’incarcération, les Afro-Améri-cains ne représentent que 14%de la population américaine,mais 1 million des 2,3 millions deprisonniers du pays. Une étude

récente de la grande Associationaméricaine pour l’avancementdes gens de couleurs, la NAACP,prévoit qu’à ce rythme, «unjeune homme afro-américain surtrois né aujourd’hui peut s’attendreà passer par la case prison». Cesinégalités sont donc au cœur ducombat mené depuis les an-nées 80 par Al Sharpton, révé-rend de 58 ans qui est désormaisen première ligne de la mobili-sation pour Trayvon Martin.Sharpton n’en est pas à son coupd’essai: il fut notamment à l’ori-

gine de manifes-tations d’enver-gure contre ledélit de faciès etles brutalités po-licières suite audécès d’Amadou

Diallo, jeune New-Yorkaisabattu en 1999 d’une quaran-taine de balles par quatre poli-ciers –ensuite acquittés–, alorsqu’il n’était pas armé.«L’ancienne génération des mili-tants pour les droits civiques mèneencore la danse», estime ainsiRachel, manifestante new-yor-kaise de 29 ans et membre del’association d’Al Sharpton, leNational Action Network. «Maisce n’est que le début d’un mouve-ment nouveau pour lutter contre le

racisme et les inégalités, j’espèrevoir progressivement plus dejeunes et plus de diversité. En at-tendant, heureusement qu’il est là.Sans lui, personne n’aurait levé lepetit doigt pour Trayvon», précisela jeune femme. A côté d’elle,l’une des rares femmes blanchesde l’assemblée explique être ve-nue pour montrer que «lesBlancs ne s’en fichent pas».

«DISPARITÉS». Mais à travers lepays, les manifestants se sontavérés moins nombreux que pré-vus. Certains y ont vu «l’effetObama», autrement dit les con-séquences du discours donné laveille par le Président, s’expri-mant pour la première fois de-puis le verdict sur l’affaireTrayvon Martin, mais aussi surson expérience d’homme noir.Prenant la parole de manièreinattendue lors d’une conférencede presse à la Maison Blanche, leprésident a déclaré, «il y atrente-cinq ans, j’aurais pu êtreTrayvon Martin», avant d’expli-quer : «La communauté afro-américaine observe ces questionsà travers un ensemble d’expé-riences, et une histoire qui nedisparaît pas. Il y a très peud’hommes afro-américains quin’ont pas vécu l’expérience d’être

surveillés dans un grand magasinoù ils faisaient leurs courses. Celaa été mon cas. La communautéafro-américaine sait aussi qu’ilexiste une histoire de disparités ra-ciales dans l’application de nos loispénales.» «Il a expliqué l’Amé-rique noire à l’Amérique blanche»,a résumé le journaliste FranckJames, de la radio publique NPR,estimant que c’était une bonneentrée en matière pour briser untabou et commencer à discuterdes problèmes raciaux aux Etats-Unis.«C’était un discours magnifique,il méritait d’être applaudi», réagitShani, 26 ans, croisée lors de lamanifestation new-yorkaise.«Mais j’espère que ce n’est pas ladernière fois qu’on va l’entendresur le sujet, ajoute-t-elle, scep-tique sur la suite des événe-ments. Il faudrait au moins quedes poursuites fédérales soient en-gagées à l’encontre de Zimmer-man, elles permettraient de cica-triser. Pour le reste ? La situationest dramatique, nous sommes descitoyens de seconde zone dans cepays, je ne sais pas comment onpeut faire pour changer cela.» Ellese tait, mais continue de brandirsa pancarte, sur laquelle estécrit : «Enfants noirs : vous avezde la valeur.» •

Par IRIS DERŒUXIntérim à New York

«[C’est] le début d’un mouvementnouveau pour lutter contrele racisme et les inégalités.»Rachel militante de National Action Network

RÉCIT

A Los Angeles, samedi. Des manifestations ont eu lieu dans 130 villes pour protester contre l’acquittement de George Zimmerman. DAVID MCNEW. REUTERS

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 20138 • MONDE

Page 9: LIBERATION N°10011 du Lundi 22 Juillet 2013.pdf

Par FLORENCE LA BRUYÈRE

Loi sur le tabac:les Hongrois craignentun enfumage massif

D evant la mystérieuseboutique aux vitresopaques, flanquée

d’un panneau «interdit auxmoins de 18 ans», deux tou-ristes s’interrogent : «Unsex-shop ?» A l’intérieur,point de vibromasseurs,mais… des cigarettes. Depuisle 16 juillet, ces dernièressont uniquement en ventedans ces nouveaux bureauxde tabac, alors qu’aupara-vant on les trouvait dans42 000 commerces : super-marchés, bars, épiceries.L’Etat a repris le monopole etattribué des licences, commeen France. Objectif : limiterl’accès des jeunes au produit.

Curieusement, la nouvelle loisur le tabac a été transmise àBruxelles – qui vérifie saconformité aux normeseuropéennes– depuis l’ordi-nateur du PDG de Continen-tal, un fabricant hongrois detabac. «C’est un expert !» ajustifié János Lázár, ami ducigarettier et surtout secré-taire d’Etat et bras droit deViktor Orbán, le Premier mi-nistre populiste. Ce dernieravait assuré que les débits detabac iraient aux petits en-trepreneurs, aux familles dé-favorisées ou à mobilité ré-duite. Ils sont les dindons dela farce: un bon tiers des en-treprises gagnantes appar-tiennent à des parents ou àdes entrepreneurs prochesdu Fidesz, le parti d’Orbán.Mais le nombre de bureauxde tabac tombés dans leurgiron est bien supérieurà 30%, car chacune a le droitd’ouvrir plusieurs débits. Sur5 400 licences, les sociétésliées au cigarettier Continen-

tal en ont ainsi obtenu 1800.C’est «la plus importante opé-ration de corruption étatiquejamais organisée en Hongrie»résume l’hebdomadaire in-dépendant HVG. «La gauches’en est mis plein les pochesquand elle était au pouvoir.C’est à notre tour !» justifieJános, musicien et sympa-thisant de droite. Malgrétout, plus de la moitié desélecteurs du Fidesz désap-prouvent le «trafik mutyi»(la «magouille du tabac»).Anna, barmaid en banlieue,observe : «La corruption abeaucoup augmenté, maispersonne ne se rebelle parceque les Hongrois sont desmoutons.»

A Darvas, village de600 âmes à 250km à l’est deBudapest, les fumeurs sontabasourdis. Plus de tabac, nià l’épicerie ni au kocsma(bistrot). Comme dans1 500 autres communes,aucun concessionnaire n’ajugé rentable d’ouvrir un dé-bit. Le plus proche est à12 kilomètres, et personnen’a d’argent pour l’essence.Du haut de ses 78 ans, lemaire (sans étiquette) a dé-claré au quotidien Népsza-badság : «Ecrivez bien ça, ettant pis s’ils me tirent une balledans la tête: personne ne s’estautant fichu de nous, les pau-vres gens, qu’Orbán et sa cli-que!» A Debrecen, la grandeville voisine, l’affaire a sur-tout boosté le marché noir.«J’appelle un numéro et un cy-cliste me livre à domicile desRonson ukrainiennes, deux foismoins chères que les bruneshongroises», explique unhabitant. •

VU DE BUDAPEST

Selon les estimations données par lestélévisions, le Premier ministre japo-nais, Shinzo Abe, du Parti libéral-dé-mocrate (PLD, droite) a largementremporté hier les élections sénatoria-les, ce qui lui offre un boulevard pourconduire sa politique de relance éco-nomique et de fermeté diplomatique.La moitié des 242 sièges de sénateursétaient en jeu lors de ce scrutin. Abe

jouit d’environ 60% d’opinions favo-rables depuis son retour au pouvoir ily a sept mois. La principale forced’opposition, le Parti démocrate duJapon (PDJ, centre gauche), subit unenouvelle lourde défaite après celle deslégislatives de décembre qui a mis finà ses trois ans à la tête du pays. Grâceà cette victoire, Shinzo Abe disposedésormais d’un horizon de trois ans

sans élection nationale et de tous lesleviers. Ses opposants redoutent aussiqu’après cette victoire, ce nationalistene remette sur le métier ses prioritésdiplomatico-militaires et, éventuelle-ment, n’édulcore les excuses du Japonpour les atrocités commises pendantla Seconde Guerre mondiale, au ris-que de froisser la Chine et la Corée duSud voisines. S.Etr.

G À CHAUD LE PARTI DU PREMIER MINISTRE REMPORTE LES SÉNATORIALES

Au Japon, Shinzo Abe assomme la gauche Selon un sondage publié hier par le quotidien El Mundo,une large majorité de personnes interrogées (89,1%)pensent que le chef du gouvernement espagnol, MarianoRajoy, du Parti Populaire (droite), doit s’adresser auParlement pour donner des explications sur l’affaire decorruption présumée dans laquelle son nom est apparu.Le scandale a rebondi début juillet, avec l’audition par lajustice de l’ex­trésorier du PP, Luis Bárcenas, qui a cité lechef du gouvernement parmi les bénéficiaires desommes versées en liquide. A la question «Pensez­vousque Mariano Rajoy soit l’une des personnes ayant touchédes compléments de salaires?» 65,6% des personnesinterrogées répondent oui. PHOTO AFP

LE PREMIER MINISTRERAJOY JUGÉ COUPABLEPAR LES ESPAGNOLS

LES GENS

A Kidal, des magasins saccagés dans les affrontements entre Noirs et Touaregs. PHOTO REUTERS

A l’approche de l’élec-tion présidentielle,prévue dimanche

prochain, l’instabilité gran-dit dans le nord-est du Mali.Des affrontements entreNoirs et Touaregs ont faitquatre morts et plusieursblessés à Kidal, dans la nuitde jeudi à vendredi. Desboutiques ont été saccagées,le marché incendié. Samedi,cinq agents électoraux et unélu local ont été enlevés pardes hommes armés à Tessa-lit, au nord de Kidal. Ils ontété relâchés hier. Mais latension n’est pas retombée,puisqu’une bombe de fabri-cation artisanale a été dé-couverte près du marché.Pression. Les enlèvementsn’ont pas été revendiquésmais les autorités maliennesdésignent les rebelles toua-regs du MNLA (Mouvementnational de libération del’Azawad). «C’est Baye AgDiknane, un responsable duMNLA, qui a commandité le

coup. Il est actuellement en-tendu par les forces internatio-nales à Tessalit», a affirmé àl’AFP un responsable au gou-vernorat de Kidal. Le MNLAavait pris le contrôle de laville en février 2013. Il a signéle 18 juin à Ouagadougou unaccord prévoyant le retourprogressif de soldats maliens,dont 50 sont désormaiscantonnés dans la ville.De sérieux doutes planentsur la tenue, dans cetterégion, d’un scrutin organisésous pression internationale,notamment de la France.Tiébilé Dramé, un des28 candidats, s’est retirémercredi, estimant qu’àKidal, le vote est préparé «àla hâte» par le gouverneurrentré il y a moins d’unesemaine. D’autres ont estiméqu’il s’agissait d’un prétextepour éviter une défaite.Pour l’un des favoris,Soumaïla Cissé, «les événe-ments au Nord ne doivent pasperturber la marche normale

du scrutin : certains essayentd’empêcher les élections, maisnous devons résister à cetteprovocation». Cissé reconnaîtnéanmoins avoir «de grandesinquiétudes sur des risques defraudes généralisées».«Reconstruire». Sanscompter que des centainesde milliers d’inscrits risquentde ne pas recevoir leur carted’électeur à temps. Même legénéral Grégoire de Saint-Quentin, qui va diriger lesforces spéciales françaisesaprès avoir mené l’opérationServal, reconnaît que le Malin’est pas «complètement sta-bilisé». Il l’a dit hier au JDD:«Pour ses deux tiers, le pays aété pendant un an sous lacoupe des terroristes qui ontmis à bas toutes les structuresadministratives et sécuritaires.[…] L’armée malienne a étédéfaite et ses matériels ont étédétruits. Il faut du temps pourreconstruire tout cela, dans unpays aussi vaste.»

S.Etr.

AuMali,pousséedetensionsavantlescrutinPRÉSIDENTIELLE Retrait d’un candidat, émeutes etrapts: l’instabilité grandit dans le nord-est du Mali.

Un portrait d’Adolf Hitler,des drapeaux ornés decroix gammées, desserveurs en uniforme SS:en Indonésie, un caféd’inspiration nazie estouvert depuis 2011. Sansguère susciter d’émoi, aumoins au niveau national.Le Soldaten Kaffee aouvert ses portes àBandung, à quelques heu­res à l’est de Jakarta, dansl’indifférence générale. Ilaura fallu attendre unarticle paru mardi dans lapresse indonésienneanglophone, et repris parles médias internationaux,pour pousser le maire àconvoquer Henry Mulyana,le propriétaire du café, quiaffirme aimer simplement«les objets militaires». La loiindonésienne punit d’unepeine maximale decinq ans d’emprisonne­ment l’incitation à la haineraciale, mais les condamna­tions sont très rares. «Onn’entend pas ici beaucoupde critiques contre lesnazis ou le fascisme», expli­que l’historien Asvi War­man Adam, de l’Institutindonésien des sciences.«Mein Kampf est en ventelibre ici. Il est traduit enindonésien et est souventépuisé.» Henry Mulyana,envisage d’ouvrir un autreSoldaten Kaffee sur l’îlede Bali…

EN INDONÉSIE,UN CAFÉ AUXCOULEURS NAZIES

L’HISTOIRE

«Nous avonsdes contactsavec les talibans,pour des raisonshistoriques,mais nous neles contrôlons pas.»Sartaj Aziz chef de ladiplomatie pakistanaise,hier, indiquant que songouvernement avait libéré,à la demande de Kaboul,26 talibans pour favoriserles négociations de paix

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 2013 MONDEXPRESSO • 9

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Le«BourreaudeBéthune»dégrafesarobeEric de Montgolfier,qui se fit connaîtreen 1993 commeprocureur dansl’affaire du matchtruqué de l’OMà Valenciennes,vient de prendre saretraite. Pas fâché.

Par PASCALE NIVELLEPhoto LAURENT TROUDE

L e dernier jour de sa vie de magis-trat, Eric de Montgolfier range desallumettes en petits tas, sur sonbureau Empire. Du travail bien fait.

Il a écrit une dernière lettre, au centre degestion des retraites. Reste à embal-ler sa statuette de Don Quichotte, saboule de cristal et sa robe noire deprocureur verdie par le temps. L’écran deson ordinateur, bloqué sur la page d’accueildu ministère de la Justice clignote: «Pourquitter, appuyer sur la touche Echap.» En-core deux heures dans l’ambiance assoupiedu tribunal de Bourges (Cher), et le cheva-lier blanc dégagera le parquet. Les matchstruqués de l’OM époque Bernard Tapie, àValenciennes en 1993, c’était lui. Lui aussià l’origine du grand ménage chez lesfrancs-maçons à Nice dans les an-nées 2000. Ironie de l’histoire, à bientôt67 ans, il s’efface quand resurgit BernardTapie, toujours aux affaires, à 70 ans. Cettefois, le procureur se fait avocat: «Ce n’estpas lui qu’il faut poursuivre, mais l’auteur dela bande organisée, sa mise en examen est uneescroquerie !»Le procureur Montgolfier s’en va, dans unsimple blazer bleu marine. Pas de rosette,ni de poireau. Pas de cérémonie non plus.La chancellerie n’a envoyé aucun message,les collègues de la Cour de cassation ou dela cour d’appel de Paris n’ont pas fait frap-per de médaille. Peu importe. A ces effu-sions d’usage, «toujours suspectes», il pré-fère «la robe triste de ce métier, que ne doitégayer aucune décoration», et les petits vinsde Loire qu’il offrira aux gens de son ser-vice. Les pots de départ à la retraite, c’estcomme les enterrements : «A chaque fois,quand j’entends les hommages, je me dis queje me suis trompé de cercueil ! L’affluence etl’éloquence sont inversement proportionnelles

à la qualité du disparu.» Il a toujours re-poussé les honneurs, insignes des «servi-teurs du pouvoir». Un jour, un collègue luia lancé, après l’une de ses diatribes contrela Légion d’honneur : «N’en dégoûtez pasles autres !»

CHAMPAGNE. L’incorruptible finit quandmême procureur général, avec un chauf-feur, un logement de fonction dans une de-meure historique et un traitement de8300 euros. Au sommet de la pyramide dela fonction publique, mieux payé qu’un mi-nistre de François Hollande. Quand il a re-vêtu la robe à 65 ans, ses collègues lui ontsouhaité bienvenue au club. NicolasSarkozy ne voulait pas lui faire ce plaisir,rêvant plutôt d’écraser ce petit pois rebelle,nommé à Nice par Elisabeth Guigou pour«faire le ménage». Eric de Montgolfier avaitaccepté la mission, jusqu’à faire condam-ner le procureur général d’Aix-en-Pro-vence dans une sombre affaire de primesmodulables. Quand, arrivé à l’âge légal dela retraite, le raide procureur a annoncéqu’il rempilait pour deux ans, on lui a cher-ché une porte de sortie. Il voulait Bruxelles,l’Office européen de la lutte antifraude, sa

spécialité. Ce fut Bourges, où rienne bouge. L’une des plus petitescours d’appel de France. «Ma

nomination était une nouvelle forme depromotion, la promotion débarras, dit Ericde Montgolfier. J’ai payé le prix de ma li-berté.» Quand il a empaqueté son

PROFIL

REPÈRES

LES ROMSDans un entretien à Bakchichen 2010, Eric de Montgolfierdit tout le mal qu’il pense de«la gerre contre les Roms» àlaquelle «il ne se sent pas tenude s’associer» : «Dans la loi etla Constitution, maintes formu­les prohibent les discrimina­tions. Donc, ma réponse,quand on me parle de ce “pro­blème”, est : “Ne comptez passur moi.” »

Don Quichotte, des policiers et des fonc-tionnaires niçois ont sabré le champagne.A Bourges, pas de terrain de foot fangeux,pas de politiques ni de collègues ripoux. Enseize mois, «l’Imprécateur», «le Justi-cier», «le Bourreau de Béthune» (du tempsoù il se mesurait à Bernard Tapie à Valen-ciennes) n’a fait honneur à aucun de sessurnoms. Rien à débusquer. Sinon que Jac-ques Cœur, grand argentier du roi natif deBourges, avait piqué dans les caisses deCharles VII, dans les années 1400. Il a aussipris plaisir à revêtir sa vieille robe noire, etaller rayer le parquet de ses griffes, en cor-rectionnelle ou aux assises. «Pour si peu»,il n’a pas pris la peine d’investir dans l’her-mine et le rouge de sa fonction, emprun-tant sa robe de procureur général à un amirangé des affaires.A Caen, dans les années 70, on l’avait sur-nommé «Eric le Rouge» dès son premierprocès, l’affaire d’un riche fermier qui avaittué l’homme qui lui avait volé un mouton:«La propriété, c’est bien. La vie, c’estmieux», avait tonné le jeune substitut. Lelendemain, son nom était dans le journal.Il y a pris goût : «Les médias disent que jesuis un bon client.» Son père, riche indus-triel et descendant de l’inventeur de lamontgolfière, l’avait prévenu : «C’est unmétier de con, tu ne gagneras pas ta vie.»Frappé par la justice à 16 ans dans le tribu-nal de Montluçon (Allier) où il était entrépar hasard, le fils s’était mis au service dela République, comme on entre dans

Montgolfier s’opposa à la chancellerie en 2009dans l’affaire des évadés fiscaux de HSBC.

La piste des fichiers suissesU ltime coup d’éclat avant de tirer

sa révérence: la gestion très sin-gulière d’Eric de Montgolfier de

l’affaire HSBC et de ses listings d’évadésfiscaux en Suisse. Au printemps 2009, ilest saisi d’une plainte pour violation dusecret bancaire diligentée par la justiced’Outre-Léman. En charge d’une com-mission rogatoire internationale, au sim-ple motif que l’employé de la banque–ayant copié des fichiers bancaires– ré-side dans les Alpes-Maritimes, le procu-reur de Nice est théoriquement réduit aurôle de petit télégraphiste: auditionner,perquisitionner, puis restituer le tout audemandeur helvète. Mais une fois la mainmise sur les fichiers bancaires, Montgol-fier se dit que la justice française pourraiten faire bon usage en matière de fraude

fiscale. Il s’oppose alors à la chancellerie,qui souhaitait restituer les fichiers auxSuisses comme si de rien n’était. «Je lesgarderai dans mon coffre», proteste-t-ilalors, selon le témoignage de Hervé Fal-ciani, l’ancien employé de HSBC. Il auragain de cause sur ce point, la justice fran-çaise ouvrant à retardement de multiplesprocédures. Mais il perdra cette autremanche contre Michèle Alliot-Marie :alors garde des Sceaux, elle refusera desaisir Eurojust [unité de coopération judi-ciaire de l’Union européenne, ndlr] qui per-met de coordonner la traque fiscale àl’échelle du continent. «Les pouvoirs pu-blics français n’étaient pas trop désireux dediffuser l’ensemble des éléments aux autrespays», euphémisera-t-il.

R.L.

Né en 1946 à Lyon, Ericde Montgolfier étudie le droità Paris­II (la fac d’Assas), avantd’intégrer l’Ecole nationale dela magistrature, dont il sorten 1975. En 1993, l’affaire decorruption dans le footballOM­VA lui confère unenotoriété médiatique.

L’AFFAIRE VA­OMAprès un match VA­OM (0­1) le20 mai 1993, des joueurs valen­ciennois révèlent avoir étéapprochés par des interlocu­teurs marseillais pour qu’ilslèvent le pied lors de larencontre. Bernard Tapie, alorsprésident du club marseillais,est mis en examen et condamnéen 1995, en appel,à vingt­quatre mois de prisondont huit fermes.

L’affaire du «tribunal de Nice»mise en lumière par Eric deMontgolfier concerne des col­lusions entre des élus pris dansdes affaires et des magistratschargés de les poursuivre, maisqui fréquentent les mêmesloges maçonniques.

«Beaucoup ont latentation de la carrière,des médaillons, leproblème du magistratest de parvenirà l’insoumission.»Eric de Montgolfier

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Eric de Montgolgier, le 1er juillet à Bourges, où il était procureur général depuis 2012. Sa sonnerie de portable: la Marseillaise. PHOTO LAURENT TROUDE

les ordres. Il avait un temps hésité àdevenir avocat: «Je redoutais de me retrou-ver en contradiction avec ma conscience, àcause de l’obligation de gagner ma vie.» De-venu magistrat, il a fait face à un autre casde conscience: «La tentation d’utiliser la loi,utiliser une procédure ou une qualification…la fin qui justifie les moyens, c’est la chose laplus horrible. Sans morale, il est facile de dé-tourner la loi.» Quarante ans plus tard, ilquitte la carrière, convaincu que la justiceest «un idéal hors de portée de la nature hu-maine». Persuadé aussi de «l’inégalité detous devant la loi» et de «la frilosité du corpsjudiciaire à l’égard des puissants». Le bilanest triste: «Quand il existe des prisons pourVIP, quand on condamne pour vol une mèrede famille qui a faim, quand il est plus facilede prendre un gosse des quartiers qu’un gossede riche qui deale… je trouve qu’il n’y a rienà espérer de la nature humaine.» Le quin-quennat Sarkozy a achevé de le convaincre.C’était la «monarchie», le roi sacrait son filsà l’Etablissement public pour l’aménage-ment de la région de la Défense (Epad), etla justice «maltraitée» avait plongé dansl’enfer de la «pression statistique». Dans lesparquets, «il fallait punir, punir, tout lemonde faisait la course». A Nice, ses servicesavaient été mal notés: «Pas de bons résultatsen matière pénale.» Epoque vraiment «fâ-cheuse» pour cet infatigable prêcheur del’indépendance des magistrats : «La loi etla justice étaient devenues les instruments dela politique, sacralisaient les victimes etl’émotion populaire était devenue la loi.»

ÉLOQUENCE. Le portable tressaute sur l’airde la Marseillaise, bousculant les piles d’al-lumettes. Un agent immobilier lui a trouvéune maison de notable. Il n’en rêve pas, luiqui n’a encore jamais été propriétaire, et nesait où se poser pour la retraite. De laFrance, il connaît surtout la carte judiciaireet les appartements de fonction à Caen,Chambéry, Valenciennes, Nice. Ce qui l’at-tire, ce sont les grands espaces déserts. Safemme, mère de ses trois grandes filles etavocate qui n’a jamais exercé, préfère lesvilles. Il la laissera choisir: «Il est temps, jelui ai beaucoup demandé.» Eric de Montgol-fier n’a pas peur de s’ennuyer dans le civil.Ce matin, pour la première fois un lundi, ils’est levé sans réveil, et sans «la mauvaiseconscience d’être en retard». Il fera des con-fitures pour ses petits-enfants. Suivra lacarrière d’une de ses filles, qui est assis-tante de justice à Nice en attendant de pas-ser le concours de l’Ecole nationale de lamagistrature. Il écrira une suite à son pre-mier livre, le Devoir de déplaire (Michel La-fon, 2006). Il annonce un ouvrage «bourréd’anecdotes», comme ce jour où ClaudeGuéant, ministre de l’Intérieur, l’a appelé:«Les Tunisiens en pleine révolution affluaientsur la Côte d’Azur, il voulait que je les metteen garde à vue, comme des étrangers en si-tuation irrégulière, et m’a supplié : “Aidez-moi.” Je lui ai répondu que j’étais légaliste etne pouvais donc pas.» Il se voit aussi donnerquelques conférences pour entretenir sacélèbre éloquence. Mais pas toucher à lapolitique, lui qui s’est «baladé d’un espoirà l’autre, sans jamais rejoindre les extrêmes».Le juge Halphen, Eva Joly, «se sont cra-més». Lui ne se verrait pas «se coucher de-vant l’électeur». Après «tous les coups re-çus», ce dont Eric de Montgolfier est le plusfier, c’est «être encore debout». La moindredes choses, pour un procureur. •

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Cahuzac: lechevalierblancCoursondoitfairesespreuvesLe président de la commission d’enquête parlementaire, qui réentendra mardil’ex-ministre du Budget, a multiplié les attaques contre Hollande et Moscovici.

C harles de Courson va denouveau connaître, de-main, son petit quartd’heure de gloire warho-

lien. La commission qu’il préside,chargée d’enquêter sur la gestionde l’affaire Cahuzac par le gouver-nement, va entendre pour ladeuxième fois l’ex-ministredu Budget. But de cettenouvelle audition, savoir cequi s’est exactement dit lors d’uneréunion, à l’issue du Conseil desministres du 16 janvier, entre leprésident de la République, le Pre-mier ministre, Jérôme Cahuzac, etson ministre de tutelle à Bercy,Pierre Moscovici. Ce dernier les in-formait qu’une demande d’entraide

judiciaire venait d’être adressée auxautorités helvètes.Depuis une semaine, Charles deCourson, député UDI de la Marne,d’ordinaire discret, mesuré et fleg-matique, ne cesse de faire parler delui. En affirmant notamment avecfracas mercredi sur France 2 que lacommission d’enquête détenait«les preuves que le chef de l’Etat a étéparfaitement informé» dès la fin

2012, plusieurs mois avantde bouter son explosif mi-nistre hors du gouverne-

ment. L’attaque a chauffé lesoreilles de la majorité. Le patrondes sénateurs socialistes, FrançoisRebsamen, a raillé un parlemen-taire qui cherche «à se faire un nom,à se faire de la publicité», tandis quela porte-parole du gouvernement,Najat Vallaud-Belkacem, a consi-

déré que Courson «aurait pu éviterd’aller distiller des doutes, des soup-çons, des présupposés ici ou là». Al’UDI, le député Maurice Leroyprend sa défense: «Quand Charlesavance quelque chose, c’est qu’il pos-sède les éléments pour le faire. Avecsa très grande rigueur, il n’avancejamais rien à la légère.»

«BOBARDS». Jeudi dernier, Mosco-vici est devenu à son tour la cible del’intransigeant Courson, qui l’ajugé «incompétent» dans le Figaro.Ce qui lui a valu une cinglante lettreouverte du patron de Bercy, danslaquelle celui-ci l’a accusé de ne te-nir «sciemment aucun compte de[s]es explications, des pièces précisesdu dossier et des témoignages re-cueillis sous serment […]. Votre com-portement montre que, loin de cher-

cher à établir une vérité de façonimpartiale, vous tentez de donnerchair à une thèse politique développéeavant même le début de votre en-quête». Et un député socialiste d’af-firmer que «Charles de Courson, enhabitué des croisades, veut cette foisse payer un ministre». «Faux, rétor-que Leroy, Charles n’est pas dans lescoups politiques Il ne prend ses ordresde personne. A la consigne, il répondpar sa conscience.» «La commissiond’enquête montre qu’on nous a ra-conté des bobards en affirmant qu’iln’y avait pas eu concertation au som-met de l’Etat à propos de cette af-faire», soutient Jean-ChristopheLagarde, le député-maire deDrancy (Seine-Saint-Denis), quipointe chez Courson des qualités«d’infatigable travailleur, une rigu-eur et une maîtrise des dossiers tech-

niques». «Il a un côté pit-bull, ajouteun député UDI. Quand il tient quel-que chose, il ne lâche rien. C’est unintransigeant.» Charles-Amédée duBuisson de Courson, dont un desancêtres a voté la mort deLouis XVI, cultiverait donc un petitcôté Saint-Just. Une attitude quiagace actuellement en haut lieu.

LITIGE. Membre influent de lacommission des finances de l’As-semblée – énarque passé par laCour des comptes comme FrançoisHollande –, Courson a déjà menébataille sans répit contre ce qu’iljugeait un manquement au droit.Mais dans ce précédent combat,alors contre Bernard Tapie, l’élu aeu un comportement ambigu. Enoctobre 2007, alors représentant duparlement au conseil d’administra-tion de l’EPFR (établissement pu-blic chapeautant le CDR, héritierdes dossiers plus ou moins douteuxdu Crédit lyonnais), il avait voté enfaveur de l’arbitrage pour solder lelitige à rallonge entre Tapie etl’Etat. «C’est entièrement faux»,s’est-il encore insurgé fin juin dansle Figaro Magazine, assurant «tenirà disposition» le procès-verbal duconseil d’administration de l’EPFRafin de prouver ses dires. Le docu-ment, connu de longue date,s’achève pourtant par: «La propo-sition est adoptée à l’unanimité.»Certes, Courson n’était pas physi-quement présent à ce CA, mais il ya participé par téléphone : le PVmentionne ses bémols, ses condi-tions avant d’entrer en arbitrage,puis son feu vert final. Une fois ren-due la sentence arbitrale, enjuillet 2008, il n’a eu de cesse de lacontester, en vain, devant le tribu-nal administratif. Jusqu’à devenirune bête noire de Tapie même s’ilsoutient que l’ex-homme d’affaires«avait droit à une indemnisation».Mais pas de plusieurs centaines demillions d’euros.Rapporteur de la commission Ca-huzac, Alain Claeys a publiquementpris ses distances avec le présidentCourson, affirmant s’en tenir, lui,aux seuls faits pour «ne pas rajouterde la confusion à la confusion». EtClaeys de conclure : «Le jour où lajustice a été saisie, elle a fait son tra-vail sans subir aucune entrave»,avant de rappeler que ladite com-mission d’enquête a vu le jour à lademande de Jean-Louis Borloo,président de l’UDI, et que celle-ci«a été acceptée par la majorité, ce quiest rarissime sous la Ve République».Courson, qui n’a pas pour habitudede rechercher le feu des projecteursmais qui va de nouveau se retrouversur le devant de la scène face à Ca-huzac, s’est astreint ce week-endà une cure de silence. Avant de re-partir en croisade. •

Par CHRISTOPHE FORCARIet RENAUD LECADRE

PROFIL

Lors de son audition, PierreMoscovici a confirmé qu’uneréunion s’était tenue le 16 jan­vier à l’Elysée en présence deCahuzac, alors que ce derniern’en avait pas fait mention devantla commission. Cette réunion aété révélée par la journalistedu Point Charlotte Chaffanjon.

REPÈRES «Soit [Courson] a unepreuve qui n’est pasconnue de la commissionet il la donne, soit il a vula même chose que moiet il n’a aucune preuve.»Bruno Le Roux député PS

Charles de Courson, en novembre 2011, à Paris. Le député UDI de la Marne est sorti de sa discrétion habituelle. PHOTO VINCENT NGUYEN. RIVA PRESS

«Je me réjouis decette prise de consciencedes travers de [Charles]de Courson. Je regrettequ’elle soit très tardive.»Bernard Tapie vendredidans une lettre à Pierre Moscovici

Jérôme Cahuzac, déjà audi­tionné le 26 juin par la commis­sion d’enquête, le sera ànouveau mardi à 16h45. La pre­mière audition de l’ex­ministre duBudget, mis en examen pourblanchiment de fraude fiscale,avait laissé nombre d’observa­teurs sur leur faim.

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Jamais avare quand il s’agit de distribuer les bons etsurtout les mauvais points, François Baroin a évoqué hierdans le Journal du Dimanche les courtes vacances accor­dées par François Hollande à son gouvernement –du 2 au19 août– et, surtout, la fatigue dont plus d’un ministreaurait fait état jusqu’au plus haut niveau. L’ancien loca­taire de Bercy a ainsi jugé «surréaliste et navrant de voirces serviteurs de l’Etat se plaindre d’un coup de fatiguealors qu’ils sont en poste depuis un an seulement». EtFrançois Baroin de rappeler pompeusement qu’«êtreministre, c’est un honneur, une responsabilité, un engage­ment au service de l’Etat et des Français». Ce qui seraitsuffisant selon lui pour serrer les dents sans s’épancher,même au terme d’une année chargée. Déniant par ailleursà Hollande le statut de «réformiste» qu’il a revendiqué etdéplorant une action présidentielle d’abord guidée par«l’idéologie» et «la doctrine», le député et maire UMP deTroyes (Aude) juge que l’actuel président mène de façon«trop modérée […] une politique sociale­libérale qui n’estpas assumée». Selon lui «sa plus grande faute». J. B.­P.PHOTO REUTERS

FRANÇOIS BAROINFAIT LA LEÇONAUX MINISTRES

FUMÉE La création de nou-veaux espaces publics non-fumeurs comme des parcs ouplages, souhaitée par la mi-nistre de la Santé, MarisolTouraine, est une «mesu-rette» qui ne «remplace pasune politique globale», a es-timé hier Yves Bur, le prési-dent de l’association Alliancecontre le tabac.

JEÛNE Le fondateur du Mou-vement des indignés de laRéunion, Samuel Mouen,67 ans, a entamé hier sonseptième jour de grève de lafaim devant la préfecture,pour réclamer le maintien dudispositif du RSTA (revenusupplémentaire temporaired’activité). La présidente duconseil général, NassimahDindar (UDI), a déclaré«soutenir son juste combat».

BRÉTIGNY Le trafic destrains Intercités sera «nor-mal» ou «quasi normal»aujourd’hui sur la majoritédes lignes habituelles au dé-part et à l’arrivée de Paris-Austerlitz vers le centre et lesud-ouest. En revanche, «lacirculation des trains du RER Crestera fortement perturbée ausud de Juvisy, le trafic des

trains reprenant très progres-sivement», a indiqué la SNCF.

HOMICIDE Un couple a ététrouvé sans vie, victime de«mort violente» hier à la mi-journée dans leur maisond’un village de l’Aude, ausud de Carcassonne. Un bébéde 18 mois a été trouvé in-demne dans la chambre voi-sine. L’homme, 50 ans, et sacompagne, 40 ans, semblentavoir été victimes de coupsportés à l’arme blanche.

AGRESSION Trois jeunes âgésde 17 à 18 ans, soupçonnésd’avoir poignardé unhomme de 19 ans qui auraitrefusé de leur donné une ci-garette, ont été arrêtés hier àMarseille. Le pronostic vitalde la victime, touchée à lacarotide, n’est pas engagé.

OUI Florence Cassez, libéréeen janvier après avoir été in-carcérée pendant plus desept ans au Mexique, s’estmariée samedi à Dunkerque.La jeune femme, âgée de38 ans, a épousé Fausto, unFranco-Mexicain installé de-puis plus de dix ans dans lesAlpes, qui lui avait rendu vi-site en prison.

«Jacques Chiracétait très heureux,j’étais venu le voirl’an dernier. Celava devenir quasi unrendez-vous, unrite. […] C’était uneconversation entreun ancien chefde l’Etat et un chefde l’Etat marquantune continuité,c’était amical.»François Hollande samedi àTulle après avoir rendu visiteaux Chirac

27%des Français interrogés par l’Ifop (1) pour le Journaldu Dimanche se déclarent satisfaits de l’action menéepar François Hollande à l’Elysée. Le président gagne1 point par rapport à son score du mois de juin (26%),tandis que la proportion de personnes qu’il mécontentes’élève à 72% (­1 point). Concernant Jean­Marc Ayrault,64% (=) des sondés ne sont pas satisfaits du Premierministre , quand 30% (­1 point) le sont.(1) Sondage réalisé du 19 au 20 juillet par téléphone auprèsd’un échantillon représentatif de 937 personnes.

L es Femen sont à la rue.Les locaux du groupeféministe, dans le quar-

tier de la Goutte-d’Or à Paris,ont été endommagés dans lanuit de samedi par un incen-die pour lequel la police pri-vilégie la piste accidentelle.Aucun blessé n’est à déplorerselon les pompiers, tandisque les Femen évoquent unjeune homme «légèrementbrûlé» qui «a quelque chose aubras». Mais le pire a été évité.«Hypothèse». Le feu a pris«peu avant 5 heures du ma-tin», dans la chambre d’InnaShevchenko, chef de file desFemen en France, qui n’étaitalors pas présente sur leslieux, a expliqué par la suitela jeune femme. Plusieursmembres du groupe fémi-niste dormaient toutefoisdans leur quartier général, audeuxième et dernier étage decet immeuble du XVIIIe ar-rondissement qui abrite lasalle de spectacles le Lavoir

moderne parisien. «Je dor-mais profondément. Toutes leslumières étaient éteinteset, tout d’un coup, le feu. On aentendu un bruit de verre et descrépitements», a raconté Pau-line Hillier, une militante quise trouvait dans la pièce oùl’incendie s’est déclaré.«Aucun élément ne permet dedéterminer l’origine du sinis-tre», mais «nous retenons à cestade l’hypothèse d’un départde feu accidentel», a déclaréune source policière.Les Femen, même si elles as-surent avoir l’habitude desmenaces de mort, se disent«choquées et troublées». Ettrouvent l’incendie «trèsétrange», laissant entendrequ’il pourrait être lié à «desraisons politiques». Hier,Inna Shevchenko a ainsirappelé que «les Femen ontbeaucoup d’ennemis qui es-saient de [les] arrêter depuislongtemps». Actuellement aucœur de nombreux combats

et de plusieurs polémiques,le groupe féministe a évoquédes «coïncidences troublan-tes» et notamment que lesdeux activistes présentesdans les locaux étaient Pau-line Hillier et MargueriteStern, revenues fin juin deTunisie après un mois de pri-son en compagnie de l’Alle-mande Joséphine Markmann(lire aussi page 7).Fureur. La sortie d’un tim-bre à l’effigie de Marianne,dont les traits ont été inspiréspar le visage d’une des Fe-men, a récemment réveillé lafureur de leurs nombreuxennemis. Début juillet, c’estun tweet d’Inna Shevchenkoqui avait échauffé les esprits.Elle écrivait: «Qu’est-ce quipeut être plus stupide que leramadan? Qu’est-ce qui peutêtre plus laid que cette reli-gion ?» Accusée d’islamo-phobie, elle avait plaidé la«religiophobie».

J.B.-P. (avec AFP)

LelocalparisiendesFemenenpartiebrûléCHAUD La police privilégie la piste accidentelle,même si les militantes se disent «troublées».

Les surveillants de la pri­son de Borgo (Haute­Corse) ont découvert ven­dredi soir les «ingrédients»pour préparer «une éva­sion d’une rare violence».Le matériel était caché«dans un extincteur, lui­même caché dans le fauxplafond d’un local com­mun», a précisé la CGTpénitentiaire. C’est lorsd’une «fouille ciblée» suiteà des «suspicions» que lessurveillants auraient trouvé«des cagoules, gants, col­liers de serrage –menottesen plastique–, armes facti­ces, et des ingrédients quidevaient servir à fabriquerune bombe agricole». Uneenquête administrative etune enquête judiciaire ontété ouvertes, pour établirqui a introduit le matérielet à qui il était destiné. Laprison de Borgo est con­frontée à «un phénomèneen pleine explosion»: le«parachutage» d’objetsprojetés par­dessusles murs, indique un res­ponsable de la CGT péni­tentiaire, en critiquant lemanque de moyensalloués, notamment descanners pour assurer lasécurité de l’établissementcorse.

UN KIT ÉVASIONDÉCOUVERT À LAPRISON DE BORGO

L’HISTOIRE

LES GENS

Des vestiges de l’incendie dans le local parisien des Femen, hier. PHOTO THOMAS COEX. AFP

L’Assemblée nationale va se saisirmercredi du projet de loi prévoyantque les patrons de chaînes et radiospubliques soient à nouveau désignéspar le Conseil supérieur de l’audiovi-suel. Une promesse du candidat Hol-lande. Le mode de nomination au CSAsera lui aussi modifié et ses membresréduits de neuf à sept. Les députés dé-battront en séance publique de deux

textes, sur lesquels ils voteront dansla foulée: l’ensemble du projet de loiet le projet de loi organique, visant àabroger le dispositif made in Sarkozyde nomination par le chef de l’Etatdes présidents de l’audiovisuel public.C’est la première réforme législative,hautement symbolique, voulue par legouvernement dans le domaine del’audiovisuel. Au final, le président de

la République ne conservera que lanomination du président du CSA,contre celle de trois membres actuel-lement. Les présidents de l’Assembléeet du Sénat désigneront, eux, chacuntrois membres, ces nominations de-vant désormais recevoir un avis con-forme d’une majorité des 3/5e descommissions des affaires culturellesdu Parlement.

A RETOUR SUR LES NOMINATIONS DANS L’AUDIOVISIUEL PUBLIC

Une loi pour rendre au CSA ses prérogatives

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 2013 FRANCEXPRESSO • 13

Page 14: LIBERATION N°10011 du Lundi 22 Juillet 2013.pdf

Bruitdupériph:ParisdérouleletapisUn revêtement bitumeux qui réduit le son de roulement desvéhicules est apposé cet été sur huit tronçons autour de la capitale.

Par HERVÉMARCHONPhotosCHRISTOPHEMAOUT

B eaucoup de bruit pour moinsde décibels. La semaine der-nière, sur le périphérique pari-sien, les travaux de pose d’un

bitume antibruit ont commencé dansle fracas des machines de chantier. D’icila fin de l’été, huit tronçons de 300 mè-tres (pour le plus court) à 600 mètres(pour le plus long) seront recouvertsd’un «enrobé phonique», comme ondit dans le BTP. Coût des travaux :3,4 millions d’euros.Il est 23 heures, Porte Maillot, trois en-gins fumants s’ébrouent lentementdans le martèlement des chenilles mé-talliques. Ils sont précédés de trois ca-mions qui versent dans leur gueulel’enrobé froid. Dans leursillage, les finisseurs étalentsur la chaussée le bitumechaud aux vapeurs alcoolisées, brillantet noir comme de la réglisse. La cin-quantaine d’ouvriers, grosses chaussu-res, gilets fluo et protections auditives,communique par onomatopées aboyéeset grands gestes. On n’entend plus queles aigus et les graves, les stridences et

plus cher que le bitume ordinaire :«1 euro de plus au mètre carré, expliquele chef de chantier. C’est la pose qui estchère : 30 à 40% de plus par mètrecarré.» La couche d’enrobé doit en effetêtre posée en une fois sur toute la lar-geur de la route pour éviter les joints,générateurs de bruit lorsqu’un véhiculeroule dessus. La semaine dernière, surle périphérique, les ouvriers penchés

les vrombissements. Les machines cou-vrent le bruit des voitures du périphéri-que extérieur ouvert, lui, à la circula-tion. En une nuit et 24 camions debitume, 560 mètres de voies seront ré-novés. Au petit matin, les voiturespourront rouler. En passant sur cetteportion de route, les auto-mobilistes auront presquel’impression de rouler sur dela moquette.

CONFORT. De fait, le bruitde roulement (celui despneus sur la chaussée), s’ilest atténué dans l’habitacle de la voi-ture, est surtout réduit pour les rive-

rains: de -2,2 à -4,3 décibels(dB) selon les immeubles.Quand on sait que le niveau

sonore du périphérique peut atteindre67 dB aux endroits les plus calmes et78 dB aux plus bruyants, le chiffre peutparaître faible. Pourtant, le son est ainsifait qu’il suffit d’une diminution du vo-lume sonore de l’ordre de -5 dB pourpercevoir une différence nette, et de

REPORTAGE

-10 dB pour avoir l’impression d’unbruit divisé par deux, selon Bruitparif,l’observatoire en Ile-de-France. L’asso-ciation a enregistré pendant un an –dejuin 2012 à juin 2013– la circulation surun tronçon du périph à la Porte de Vin-cennes recouvert, pour expérience,

d’un bitume antibruit. Son étude con-clut à une «baisse significative», no-tamment dans les fréquences corres-pondant à la voix humaine, quelle quesoit l’heure de la journée. Confort: dansles voitures, dans les appartements, onpeut s’entendre parler. Enfin, autreconclusion de l’étude, le bitume anti-bruit permet une diminution du niveausonore de 8,5 dB à l’heure la plusbruyante, c’est-à-dire entre 6 heures et6h30 le matin, quand le trafic est fluideet que les voitures roulent le plus vite.«La réussite de cette expérience nous aencouragés à étendre ce dispositif à huittronçons du périph, les plus bruyants, oùse concentrent de nombreuses habita-tions», explique Julien Bargeton, adjointau maire de Paris, chargé des déplace-ments des transports et de l’espace pu-blic. Gilet jaune seyant sur son costumed’élu, il est venu sur le chantier du pé-riph mettre les pieds dans le cambouis.Pour un non spécialiste, le bitume anti-bruit ressemble aux bitumes classiques.«C’est un mélange de gravillons, de liant.Pour l’antibruit, on rajoute du vide», ex-plique Jimmy Pluquet, d’Eiffage, direc-teur de chantier des travaux du périph.C’est l’air maintenu entre les gravillonspar le liant (un bitume et des adjuvants)qui «piège» le bruit des pneus au lieu dele laisser vagabonder sur la voie publi-que. Les gravillons doivent être petitsmais pas trop, le taux de vide, importantmais pas trop. Il y a vingt ans, on rajou-tait de la poudre de pneus, un pneu parmètre carré. Mais ces bitumes s’usaienttrop vite. A force de recherche et d’es-sais, toutes les boîtes de BTP ont mis aupoint leurs enrobés phoniques, baptisésde jolis noms évocateurs: Microphonepour Eiffage, Rugosoft pour Colas, Mi-croville pour Screg, par exemple.Le bitume antibruit n’est pas vraiment

Les ouvriers penchés sur l’asphalteencore fumant s’activent commedes jardiniers anglais sur un green:bouchage du moindre trou, lissageà la pelle, raclage des aspérités.

La pose de la couche d’enrobé antibruit (ici au niveau de la Porte Maillot) se fait en une fois pour éviter les joints. Elle est 30 à 40% plus coûteuse que celle du bitume classique.

REPÈRES

LE PÉRIPH A 40 ANSConstruit en 1973 autour de Paris,il est long de 35 kilomètres. Chaquejour, 1,1 million de véhicules l’emprun­tent. Dommage pour les 61000 rive­rains habitant à moins de 150 mètresdes voies. Le 11 juillet, le ministre del’Intérieur, Manuel Valls, s’est dit«favorable» à une baisse de 80 à70 km/h de la vitesse autorisée sur lepériph. Une mesure souhaitée par lamairie de Paris, qui entraînerait unebaisse du niveau sonore de 1 décibel.

7millionsde Français, soit 12 % de lapopulation, sont exposés à desniveaux de bruit extérieur excé­dant le seuil réglementaire des65 décibels. Les trois quarts sontdes riverains de routes et d’auto­routes. Aux abords du périph pari­sien, on enregistre régulièrementdes pics supérieurs à 70 dB.

LES 8 SECTEURSMODIFIÉS

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 201314 • ECONOMIE

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A Nantes, la hausse du traficdu périphérique a rattrapéles mesures antibruit,explique Pierre-Yves Sinou:

«Le niveaudevait baisser,il a augmenté»

P ierre-Yves Sinou est président de l’Associa-tion de défense des riverains du périphériqueet des voies extérieures (Arpe), à Nantes. Se-

lon lui, près de 80 000 riverains résident auxabords de cette grande ceinture de l’agglomérationnantaise. Pierre-Yves Sinou habite lui-même à80 mètres seulement de la voie rapide. Et en souf-fre quotidiennement.Quel est le niveau sonore du périphérique nantais?Selon les dernières mesures présentées par la Di-rection départementale de l’équipement (DDE) en2000-2001, aucun ne dépasse officiellement65 décibels. Le plus bas est de 55 décibels. Toujoursselon la DDE, il n’existe pas de «points noirs» so-nores sur le périphérique de Nantes. Nous contes-tons ces données. Sur les sites protégés derrièredes barrières acoustiques, nous avons enregistré37 pics sonores à plus de 70 décibels. Sur les sitesnon protégés, 73 pics. Ce sont les comportementsindividuels de camions qui dépassent la limite devitesse ou des motos dont l’échappement n’est pasréglementaire qui sont responsables de ces pics.Les riverains sont réveillés et ne dorment plus !Quelles sont les mesures prises par les pouvoirs pu-blics pour limiter le niveau sonore du périphériquenantais?Sur la commune de Sautron [au nord-ouest de Nan-tes], nous avons fait élever des merlons de terre de8 mètres de haut sur 3 kilomètres de long, cela apermis d’atténuer le niveau de 7 décibels. Desécrans antibruit ont été édifiés sur les ponts, despanneaux d’information ont été installés, ainsi quedes radars automatiques. La vitesse maximale estpassée de 110 km/h à la mise en service du péri-phérique, en 1985, à 90 km/h depuis 1998. La vi-tesse maximale des camions de plus de 12 tonnesest passée à 80 km/h. Enfin, en 2003, sur les40 kilomètres de chaussée du périphérique a étéposé un BBTM [béton bitumineux très mince], revê-tement antibruit.Quel est l’effet de ces deux dernières mesures?La réduction de la vitesse des véhicules devait en-traîner une baisse du niveau sonore de 2 à 2,5 dé-cibels selon les endroits. La pose du bitume unebaisse de 3 décibels. Mais ces réductions ont étéannulées par la hausse du trafic routier qui, en2010, était entre 4 et 6 fois supérieur aux prévi-sions des années 80. On compte aujourd’hui prèsde 100000 véhicules par jour sur le périph de Nan-tes. Là où j’habite, par exemple, il était prévu14000 véhicules. On en est à 80000… Le périphé-rique voit passer tous les camions de l’autoroutedes estuaires, qui relie Dunkerque à Bayonne, laBelgique à l’Espagne sans passer par Paris. Le ni-veau sonore devait baisser, il a au contraire aug-menté de 4,5 décibels! De plus, le revêtement an-tibruit est en fin de vie. Il est usé. Il n’atténue doncplus le bruit du roulement des véhicules. Il faut lechanger. Des travaux sont prévus pour l’annéeprochaine. Le revêtement antibruit, c’est bien,mais sa durée de vie est courte.

Recueilli par H.M.

sur l’asphalte encore fumant s’acti-vaient comme des jardiniers anglais surun green de golf: bouchage du moindretrou, lissage à la pelle des bords deroute, raclage des aspérités. Tout doitêtre lisse.

«MARGINALE». Mais malgré ce surcoût,la solution de l’enrobé antibruit estavantageuse. En comparaison, la cou-

verture des 400 mètres du périphériqueà la Porte de Vanves, en 2006, a coûté58,5 millions d’euros… Les collectivitéslocales sont donc intéressées. Et Parisn’est pas pionnière en la matière. Bou-levard Fleming à Marseille, boulevardJean Jaurès à Nîmes, boulevard Charles-de-Gaulle à Maubeuge, périphérique deNantes (lire ci-contre), autoroute A43 àSaint-Quentin-Fallavier (Isère), RN88

à Gages-le-Pont (Aveyron)… Depuisplus de vingt ans, les bitumes antibruitapaisent de nombreuses voies rapides,essentiellement urbaines. Pour un mar-ché national que les grands du BTP pei-nent pourtant à évaluer. «Notre produc-tion est marginale par rapport à celled’enrobé classique», indique-t-on chezColas, qui vante pourtant, comme sesconcurrents, un «produit innovant».•

La pose de la couche d’enrobé antibruit (ici au niveau de la Porte Maillot) se fait en une fois pour éviter les joints. Elle est 30 à 40% plus coûteuse que celle du bitume classique.

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 2013 ECONOMIE • 15

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Par DIDIER ARNAUD

Avoir un bon copain,c’est pas facile au turbin

C onnaissez-vous la re-vue Management ? Lemagazine pose cette

question cruciale: «Commentne pas perdre ses amis au bu-reau ?» Quand on y pense,l’interrogation est sensée.Selon un sondage TNS Sofres,60% des Français déclarentavoir rencontré un «véritableami» au bureau. Malheureu-sement, d’après l’auteur del’article, qui cite un coach«spécialiste de la créativité etde l’intuition», les liens ami-caux se défont aussi vitequ’ils se nouent, et ce «sousla pression de la compétition,du mensonge ou des liens hié-rarchiques». Retournez-vous,celui (ou celle) qui s’apprêteà vous planter un poignarddans le dos n’est peut-êtrepas loin. Voici les quatre casque vous risquez de rencon-trer dans votre entreprise.

1. Mon ami est devenumon boss… ou mon subor­donné. «Fatalement un rap-port de forces va s’installer»,explique l’auteur, qui cite unautre coach. «Cela va à l’en-contre du schéma classique del’amitié, où les partenairessont censés être sur un piedd’égalité.» Voici le conseil deManagement: «Ne dites pas àun camarade ce que vous nediriez pas à un chef ou à unsubordonné lambda.»

2. Mon ami m’a dissimulédes informations (voirpoint 1). Que faire? D’abordlui demander si l’ordre ve-nait d’en haut, auquel casvous pourrez être magna-nime. Sinon? «La trahison separdonne difficilement, […]

entamez le dialogue en souli-gnant que vous ne pourrezaccepter une nouvelle trompe-rie.» En cas de récidive, «ladécision de couper les pontss’imposera». On y auraitpensé tout seul.

3. Mon ami et moi som­mes en concurrence surun projet. «Lorsqu’un défiprofessionnel renvoie deuxamis dos à dos, le risque dedérapage est imminent»,est-il écrit. Exemple crous-tillant à l’appui: «Quand Gé-raldine et moi avons dû cha-cune présenter un projet auboss, je suis devenue folle, ra-conte Mathilde, ex-cadrechez L’Oréal. Je n’avais qu’undésir, qu’elle se plante. Sonéchec comptait plus que mapropre réussite. Cette réactionm’a fait peur.» A nous aussi.Mais voyons le dernier cas.

4. Mon ami a obtenu unepromotion et pas moi.D’abord, pensez à le féliciter.Ensuite, gardez de bons rap-ports avec lui. Ça pourra tou-jours servir. «Idéalement, vosamis devraient vous tirer versle haut, pas entraver votrecarrière», poursuit l’auteurde l’article. Cela reste àvoir… Heureusement, cettedernière information nousrassure:. «Avoir des amis ren-drait plus productif. Ceux quiont noué une amitié profes-sionnelle sont plus motivés parleur travail, plus productifs,plus créatifs et se déclarentplus satisfaits par leur sa-laire.» C’est ce que conclutl’institut Gallup après uneenquête auprès de 5 millionsde salariés dans 112 pays.•

AU BOULOT

C ertes, c’était à demi-mot. Mais FrançoisHollande avait préparé

les esprits lors de son allocu-tion du 14 Juillet. «Je ne feraides augmentations d’impôtsque si elles sont absolumentindispensables; dans l’idéal, lemoins possible», avait-il dé-claré. Une petite phrase entotale contradiction avecl’annonce qu’il faisait lemême jour, lorsqu’il expli-quait que la reprise était là.Mais dans les faits, toujourspoint de reprise à l’horizon…En revanche un nouveau tourde vis du côté des impôtssemble occuper BernardCazeneuve. Selon les in-formations du Journal du di-manche, le ministre du Bud-get aurait remis à FrançoisHollande une série de propo-sitions pour récolter de «4 à6 milliards» d’euros supplé-mentaires l’an prochain.L’équation budgétaire dugouvernement, qui n’étaitdéjà pas simple, semble doncse compliquer encore un peuplus.Fraude. Le ministre del’Economie, Pierre Mosco-vici, avait d’ailleurs déjà re-connu le 7 juillet la possibi-lité que 2014 soit la dernière

année d’augmentation de lapression fiscale et qu’elledépendrait «de l’état del’économie française», et passeulement du volontarismedu gouvernement.Selon le JDD, les principalespistes de hausses des impôtsportent sur les niches fiscaleset sociales. Ces dernièrespourraient de nouveau êtrerabotées. Gain possible? Prèsde 2 milliards d’euros de

recettes supplémentaires. Etce sont aussi, selon le JDD,2 autres milliards d’euros quipourraient rentrer dans lescaisses de l’Etat via la luttecontre la fraude fiscale et so-ciale.Plusieurs mesures allantdans le sens d’une plusgrande pression seraientaussi à l’étude. Elles portentnotamment sur la fiscalité dugazole professionnel et surcelle des sociétés immobi-lières. Deux pistes qui pour-raient rapporter près de500 millions d’euros. Au to-

tal, le taux de prélèvementobligatoire passerait de46,3% du produit intérieurbrut en 2013 à environ46,6% en 2014. Un recordabsolu.Consommation. L’effort decette nouvelle hausse desimpôts serait partagé entreles entreprises et lesménages. Bercy promet auJDD qu’il «se fera dans lajustice pour les ménages et

avec le souci depréserver lacroissance».C’est bien làtoute la com-plexité à la-quelle est

confronté le gouvernement.Rien ne garantit que la pers-pective d’une hausse de lapression fiscale ne setraduise pas par une baissede la consommation des mé-nages déjà mal en point. Etdonc par une réduction de laproduction. De quoi hypo-théquer singulièrement lebut recherché: renflouer lescaisses de l’Etat. Le pari estd’autant plus risqué que lacourbe du chômage n’atoujours pas pris le chemind’une inversion…

VITTORIO DE FILIPPIS

2 milliards d’euros pourraientrentrer dans les caissesde l’Etat via la lutte contrela fraude fiscale et sociale.

Fiscalité:pour2014,BercygratteencoreBUDGET D’après le «JDD», des propositions pourrécolter entre 4 et 6 milliards d’euros sont à l’étude.

MONACO La Société desbains de mer, qui gère lesgrands hôtels et casinos de laprincipauté, a besoin d’ar-gent frais. Elle va se recapi-taliser à hauteur de 180 à250 millions d’euros pour fi-nancer notamment la réno-

vation du fameux Hôtel deParis (photo). Des investis-seurs entreront au capitalmais l’Etat monégasque res-tera majoritaire. PHOTO AP

ACTIFS Le secteur de la ges-tion d’actifs est insensible àla crise, selon le cabinet deconseil américain McKinsey.En 2012 ses encours dans lemonde ont bondi de 12 % à43 400 milliards d’euros etses bénéfices de 5 % à36 milliards d’euros.

DÉLOCALISATION Le fabri-cant allemand de téléviseursLoewe veut déménager enAsie. Der Spiegel cite commepartenaires potentiels leschinois TCL, Changhong,Skyworth et Hise.

Il avait bâti un empire pharmaceutique: décédé samedi à 87 ans dans sa maison du Tarn,Pierre Fabre (ci­dessus en 2005) laisse derrière lui un groupe pesant 2 milliards d’eurosde chiffre d’affaires et employant 10000 salariés (dont 6700 en France). Tout com­mence en 1961 quand il met au point un veinotonique dans sa petite pharmacie de Cas­tres. Quatre ans plus tard, Pierre Fabre rachète Klorane. Ce sera le point de départ desa réussite: les laboratoires Pierre Fabre sont aujourd’hui numéro 2 européen des cos­métiques d’officine derrière L’Oréal. A toutes fins utiles, Pierre Fabre, célibataire et sansenfant, avait mis son groupe à l’abri des prédateurs, en faisant don de 65% de son capi­tal à une fondation d’utilité publique qui porte son nom. PHOTO FLORENCE DURAND. SIPA

COSMÉTIQUES LES LABOS PIERRE FABRE EN DEUIL

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DécèS

Hayhombres que luchanundía y sonbuenos.Hay otros que luchanun añoy sonmejores.

Hay otros que luchanmuchosaños y sonmuybuenos.Pero hay quienes luchantoda la vida, esos sonimprescindibles.(Bertolt Brecht)

BernardoCastillo Vaquero

Tus amigos y compañeros delConsuladoGeneral de EspañaenParís siempre estaremos endeuda de afecto contigo.

Gracias Bernardo.

SouvenirS

C. BABINnous a quittés il y a 16 ans.Marche du souvenirle 20 octobre 2013.Sa famille, ses amis.

Tél. 01 40 10 52 45Fax. 01 40 10 52 35

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LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 201316 • ECONOMIEXPRESSO

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TourdeFrance2013:Trois semainesdurant, l’AnglaisChristopher Froome(Sky) a marché surla centième GrandeBoucle. Flash-back.

Par JEAN­LOUIS LE TOUZETet SYLVAIN MOUILLARD

T rois semaines sans pénétrer les se-crets. Une équipe victorienne rem-porte le Tour pour la deuxième an-née consécutive. La monnaie du

vélo, c’est aujourd’hui la livre sterling. L’em-pire cycliste britannique est encore plusgrand qu’on ne le croit. Si bien qu’on se ris-que à parier un paquet d’actions sur un se-cond titre de Christopher Froome, l’an pro-chain. Son équipe, la Sky, a choisi les lieuxet l’heure où la bataille sera gagnée et où lesdividendes seront certains. En attendant, re-tour sur les trois semaines de course.

LE VILLAGE DÉPARTLe Tour reste la chambre des secrets où ré-sonnera encore longtemps l’âme de LanceArmstrong. Un music-hall itinérant, dontl’incarnation suprême est le village départ.Il provoque l’incompréhension des Britanni-ques. On peut les comprendre. Il s’agit d’unecage commerciale d’un hectare avec des gar-diens et un aïeul considérable à l’intérieur:Raymond Poulidor, qui signe des autogra-phes. C’est la rente du Tour, et ça donne en-vie, parfois, de lancer des oranges par-dessusle grillage.

LE LABEUR DU SUIVEURLe travail du suiveur, c’est celui du battantde cloche. Comme le bourdon, il sonne lesquarts et les demies en se rafraîchissant lespieds dans des fontaines bienfaisantes. Maisau fond, que voit-il ? Des coureurs habilléscomme les Daft Punk qui boiventl’obstacle. Se pose le problème del’identification aux héros. «Com-ment se reconnaître en tel ou tel ?» s’interro-geait un matin Paul Fournel, écrivain et lui-même grand rouleur.

UNE COURSE QUI DÉÇOITCe fut un Tour sans hardiesse, où l’on a vu enCorse des coureurs «pendus», largués dansles premières étapes. Certains y ont alors dé-tecté le signe que la lutte contre l’incessantfléau marquait des précieux points. Puis peuà peu, comme les choses étaient écrites, lagrande société anonyme a pris les choses enmains, et la course, jour après jour, s’est re-pliée sur elle-même. Les succès des Saxo de-venaient incertains, Alberto Contador se fai-sant même éjecter par Joaquin Rodríguez dupodium samedi, dans une étape remportéepar le Colombien Quintana, de taille extrê-

mement courte et à l’histoire qui tient de lafable andine.

L’ÉPATE À MOTOL’étape à moto sur la selle d’un ancien cou-reur de chez Castorama, c’est le seul momentoù la course se voit. Se respire. Où le cyclisme

sent l’embrocation, la vitesse, lapeine, la sueur et la trouilleaussi. On voit le Luxembour-

geois Laurent Didier qui descend au niveaude la voiture de son directeur, six bidons glis-sés dans le dos: le sacrifice en direct pour sesleaders. Mots aigres-doux échangés avec undirecteur sportif à 60 à l’heure. Sieste d’uninvité dans une voiture du Tour. Le type ron-fle comme un bienheureux pendant les deuxtiers de l’étape, lève une paupière puis re-plonge et se détend comme un ressort à l’ar-rivée : «Etape formidable ! Quelle course !»

LE JOUR DE REPOSSouvenir d’une première journée de repos,en compagnie de la Movistar. Les Lotto-Beli-sol dînent au moment où les Espagnols dres-sent les tables dans le jardin. Barbecue, ca-gettes pour faire partir le feu, brasier géant,poilade énorme des managers espagnols.

Une bouteille de rosé sur la nappe à carreaux.Mécanos, petites mains, lingères et cham-pions, tous à table. Valverde se mêle à la con-versation. Eclats de rires. Quintana, assis, sespetites pattes sur une chaise, répond de dosen biberonnant sa gourde. Devant les deuxcoureurs, les contrôleurs antidopage atten-dent de relever le pipi. Cela tarde. L’heuretourne, n’en déplaise aux contrôleurs: «Ona l’habitude.» L’équipe Garmin-Sharp, dansle même hôtel, est déjà dans son premiersommeil.

CHEZ SKY, FROOME A LA PATATELa Sky enseigne la médecine des espaces si-déraux. L’Equipe d’hier nous apprend que lesecret de Froome réside notamment dans lapomme de terre, précisément dans la gre-naille, la rate du Touquet, voire, selon la sai-son, la Noirmoutier. Il en raffole.Pensant bien que son Tour viendrait, Froome,originaire du Kenya, n’a jamais été surpris devoir arriver des troupeaux de journalistes,tels des hippopotames se vautrant dans laboue du dopage et posant mille questionsfielleuses. A chaque fois, il a des manièrescharmantes en retour. Habitués au doute,aux grandes entreprises frauduleuses, les sui-

veurs repartent convaincus que Froome estl’incarnation du coureur sain, merveilleuse-ment doué, que la nature ne lui a rien refusé,que cette équipe-là ne peut faire la courseaux provisions. La Sky travaille à la gommearabique pour effacer les erreurs du passé.Elle promet même de répondre aux journalis-tes en leur absence. Elle est équipée d’un ser-vice, mieux, d’une ruche, qui répond auxquestions qui ne viennent pas à l’idée. Quil’aurait cru? Elle dispose d’une machine quiécrit les articles. Elle fournit aussi l’encre etle papier. Elle nourrit la presse et la paresse.C’est un département dédié. Et quand le ma-nager, Dave Brailsford, sergent Hartman del’écurie british, est saisi de doutes cornéliens,il consulte son pote Alastair Campbell.

UN «SPIN DOCTOR» DANS LE MOTEURAlastair Campbell, l’ancien spin doctor deTony Blair, se chargeait en 2003 de persuaderson monde que Saddam Hussein cachait desarmes de destruction massive. En 2012, il sereconvertit dans un autre type d’artillerielourde. Quand éclate l’imposture Armstrong–«une avalanche, un désastre absolu»–, c’estlui qui aide David Brailsford à gérer la défla-gration. Résultat : tous les anciens dopés de

DÉCRYPTAGE

Au menu de la dernière étape hier: champagne pour le maillot jaune, visite de monuments historiques et coucher de soleil. Ça, c’est Paris!

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 201318 • SPORTS

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la Sky sont virés. «Tolérance zéro», chan-tonne la maison impériale.«Je ne suis pas le conseiller de David, rectifieCampbell. Mais nous nous connaissons depuislongtemps, nous parlons.» Un ami, un vrai,cet Alastair, qui trouve quand même cesgratte-papiers un peu pénibles : «Certainespersonnes ne veulent pas croire en Froome alorsqu’elles devraient.» Il y a là une «petite formede jalousie», certifie le communicant. «C’estdifficile pour vous Français, après une domina-tion américaine, de voir un Australien puis deux“Brits” gagner le Tour.»Il tempère : «Si Novak Djokovic avait battuAndy Murray à Wimbledon, toute la salle depresse aurait été déçue.» Et puis, cette suspi-cion est bien normale, «après tout ce qui s’estpassé». Un dernier conseil, pour la route :«Ne surtout pas être sur la défensive, montrerde la transparence. Ce qui compte, au final,c’est de gagner le Tour.» Côté com, la Saxon’est pas en reste, mais c’est plus modeste.Plus artisanal.

AU SPRINT, SAGAN EN ROUE ARRIÈREChez les sprinteurs, ça sent le neuf. L’équipeOmega Pharma-QuickStep a beau avoir ex-tirpé de sa retraite ce vieux bandit d’Ales-

sandro Petacchi (39 ans!), les nouveaux mas-tards du peloton sont là. Peter Sagan,d’abord. Le Slovaque, 23 ans, boucle ses deuxpremiers Tours avec deux maillots verts. Sa-gan, c’est un sacré moteur, repéré depuis lescatégories de jeunes, et une rock star. Uncontingent de supporteurs extatiques le suitun peu partout, fait le pied de grue devant lebus de la Cannondale et exige que le cham-pion vienne bénir les enfants. Peter aimeaussi faire rire ses coéquipiers. Au Ventouxet au Semnoz, il les gratifie d’une roue arrièreau sommet du col.Il y a aussi l’Allemand Marcel Kittel et sacoupe rockabilly, quatre victoires d’étapes,qui a peu d’égards pour ses illustres prédé-cesseurs, Jan Ullrich et Erik Zabel. «Leursépoques et la mienne sont totalement oppo-sées», disait-il hier à l’Equipe. A 25 ans, ilmordille déjà les fesses de Mark Cavendish.

LES FRANÇAIS DANS LE DURLes Français? En cure de silence. ChristopheRiblon sauve la mise à l’Alpe-d’Huez. Thi-baut Pinot n’a pas eu la santé florissante del’an dernier. Il n’en fallait pas plus pour queGilbert Duclos-Lassalle, toujours d’unegrande délicatesse, l’assassine en deux phra-

ses: il grimpe pas mal mais archi-nul en con-tre-la-montre et descend les cols comme unchien dans l’escalier. On remercie «Gibus»pour l’excellence de son intervention.Pierre Rolland a couru comme un nigaud,chassant les pois en Corse, avant de se souve-nir qu’il visait un Top 5 au général. L’Orléa-nais bâche en 24e position. Romain Bardet,22 ans, se classe premier Français, 15e au gé-néral. Et la Cofidis place l’Espagnol DanielNavarro 9e : l’équipe nordiste s’est réveilléeà soixante-douze heures de l’arrivée.

UN PALMARÈS PROVISOIRELe Top 10? Avant, on jetait tout à la benne lelendemain de l’arrivée. Aujourd’hui, on at-tendra que le facteur de l’Agence françaisede lutte contre le dopage (AFLD) nous ap-porte un courrier avant d’appuyer sur la pé-dale de la poubelle. Au final, le suiveur a,comme toujours, le foie engorgé par les terri-nes et les vins capiteux. Il est heureux d’avoirsi bien servi la patrie du vélo et, surtout,d’avoir échappé à un scandale majeur, quiaurait encore terni l’image du Tour. Maisvoilà ses jugements ratiocineurs à nouveaudétraqués. C’est à mettre sur le compte dupropre et du merveilleux. •

L’ÉTAPE DE SAMEDIC’est une sacrée partie de bonneteauqui s’est jouée dans la dernière ascen­sion du Tour de France vers Le Semnoz(Haute­Savoie). Quelques kilomètresà fort pourcentage qui auront vu ChrisFroome manipuler les cartes avecdextérité. Hop, hop, hop! Elles sontoù les belles places sur le podium?Là, non pas là, ici. Bravo messieurs!Nairo Quintana a été le vainqueurdu jour, avec dans sa roue JoaquinRodríguez. Désolé monsieur… Monsieurcomment déjà? Monsieur Contador,Alberto. Vous avez tout perdu,vos derniers espoirs et votre placesur le podium. Le petit ColombienQuintana, 23 ans, rafle donc la plusgrosse mise, avec le maillot à pois demeilleur grimpeur et la deuxième placeau général. Et l’Espagnol Rodríguez,34 ans, a gagné sa place sur la boîte.

REPÈRES

«Après le départ le plusau sud, la Corse [cette année],ce sera le point le plus au nordpour un grand départ[en 2014].»Christian Prudhomme directeur du Tour,qui partira l’an prochain de Leeds,pour le deuxième départ britanniquede son histoire

L’ÉTAPE D’HIERDe jour comme à la tombée de la nuit, ily a des traditions qui ne se perdent pas.La dernière étape du Tour commenceen douceur, se prolonge par une coupede champagne pour le futur vainqueur.Une fois dans Paris, la course s’animeavec des échappées qui ne s’échappentjamais vraiment. Et puis, en vue de laligne d’arrivée sur les Champs­Elysées,place aux sprinteurs. Hier, l’AllemandMarcel Kittel s’est imposé pour la4e fois, devant André Greipel, MarkCavendish et Peter Sagan!

PHOTO FRANÇOIS GUILLOT. AFP

LES CLASSEMENTSGénéral 1. Christopher Froome (G.­B.) ;2. Nairo Alexander Quintana Rojas(COL) +04’20’’ ;3. Joaquin Rodríguez Oliver (ESP)+05’04’’.Points 1. Peter Sagan (SLQ) 409 pts;2. Mark Cavendish (G.­B.) 312pts;3. André Greipel (ALL) 267pts.Montagne 1. Nairo AlexanderQuintana Rojas (COL) 147 pts;2. Christopher Froome (G.­B.) 136 pts;3. Pierre Rolland (FRA) 117 pts.Jeune 1. Nairo AlexanderQuintana Rojas (COL);2. Andrew Talansky (É.­U.) ;3. Michal Kwiatkowski (POL).Equipe 1. Team Saxo­Tinkoff (DAN);2. AG2R­la Mondiale (FRA);3. RadioShack Leopard (LUX).Combatif Christophe Riblon (FRA).

Albionàréaction

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Faire confiance à ses salariés pour reprendreune entreprise, une hérésie? C’est ce quesemble penser le Medef.La prise de position récente du patronatsur un projet de loi qui sera présentéle 24 juillet en Conseil des ministres (1)caricature la réalité des entreprises et des

entrepreneurs. Ces derniers sont plus ouverts et pluscréatifs que ce que semble penser le Medef. De quois’agit-il? Non pas d’une mesure révolutionnaire maisd’une disposition de la loi sur l’économie sociale etsolidaire visant à faciliter la reprise d’entreprise parles salariés en cas de départ du dirigeant, à traversun droit d’information préalable des salariés des PMEdeux mois avant la cession. Le défi est de taille: tenterd’éviter que des milliers de PME rentables cessentd’exister faute de faire confiance à leurs propressalariés pour poursuivre l’activité dans les meilleuresconditions. Chaque année, 50 000 emplois sonten jeu.Dans le contexte morose actuel, il est plus que jamaisnécessaire de sortir des idéologies traditionnelles pourexplorer de près la réalité des pratiques des entre-preneurs et des entreprises sur les territoires. L’enjeu

collectif de l’économie est bien celui du maintien etdu développement de l’emploi en France. Et, nousle voyons chaque jour, les entrepreneurs sur le terrainrelèvent leurs manches pour y parvenir !D’ailleurs, certains choisissent de faire confiance aupotentiel des personnes pour maintenir l’emploi dansla crise sans précédent que nous connaissons.

Les salariés sont souvent bien placés pour proposer desoffres de reprises de leur entreprise. Correctement ac-compagnés et conseillés, ils peuvent reprendre avecsuccès leur entreprise, comme en témoigne parexemple la reprise de l’entreprise Ceralep. Cette der-nière produit, depuis près d’un siècle, des isolateursélectriques en porcelaine, utilisés en particulier parles constructeurs de TGV, de centrales nucléaires et delignes à haute tension, et a connu une liquidation judi-

ciaire, le fonds de pension américain à sa tête jugeantle marché mondial trop concurrentiel. Une majoritéde salariés, fortement attachés à leur entreprise, déci-dent de la racheter en se constituant en coopérative.Au final, 52 postes ont été sauvegardés et 10 personnessupplémentaires ont été embauchées depuis. Suite àcette reprise, la motivation des salariés est accrue et,

par leur engagement, ils contribuent ra-pidement à un bond de productivitéde 30%. La liberté entrepreneuriale estune des clés du renouveau économique,et elle passe aussi par les salariés !Plus largement, on constate que, partouten France, des entrepreneurs et diri-geants d’entreprises redoublent d’ef-

forts et d’ingéniosité pour lutter contre le chômageet la crise de la croissance en créant de la valeur éco-nomique et de l’emploi là où ils sont, à partir des ri-chesses de leur territoire. Ces «entrepreneurs de terri-toire» savent miser avec talent sur les savoir-faire etdes compétences des personnes pour développer denouveaux marchés porteurs. Ils font ainsi la preuvequ’il est possible de sauvegarder ou de relocaliserl’emploi et l’activité et que ces démarches répondentà des logiques de rationalité économique éprouvées.Leurs actions demeurent à ce jour peu médiatisées etne sont pas reconnues à leur juste valeur. Pourtant,elles sont largement répandues.C’est le cas du groupe Archer, situé à Romans dansla Drôme, où le taux de chômage était particuliè-rement élevé en raison du déclin de l’industrie dela chaussure depuis les années 80. Toute la stratégiede cette entreprise qui compte plus de 1200 salariésest tournée vers la création, la sauvegarde et le déve-loppement du capital emploi du territoire via le lance-ment de nouvelles activités économiques porteuses:vente de dispositifs à base de fibre optique, dévelop-pement de la filière bio, etc. Mais aussi via la reprised’activités et d’entreprises en difficulté ou en voie dedélocalisation. Ces créations et reprises successivesont donné naissance à une quinzaine de pôles d’acti-vités très diversifiées : bâtiment, travaux publics,espaces verts, sous-traitance industrielle… Le groupea même relancé l’activité de la chaussure avec la mar-que «Made in Romans» qui réinvente la chaussure dequalité en s’appuyant sur le savoir-faire des habitantsdu territoire. Récemment, l’entreprise a relocaliséavec succès pour Ford des activités de sous-traitanceindustrielles à Romans-sur-Isère.Ces entrepreneurs de territoire ne sont pas isolés etfont d’ores et déjà mouvement au cœur de l’écono-mie. Le Medef, dont le président se donne pour objec-tif de développer l’emploi, a donc tout intérêt à s’inté-resser de près à cette dynamique. C’est bien en misantdavantage sur la richesse de leurs initiatives que l’onpourra favoriser la création d’activité et d’emploi pourtous en France. Le projet de loi porté par Benoît Ha-mon actuellement en débat vise aussi, dans une cer-taine mesure, à renforcer cette dynamique. Il s’inscritainsi dans la réalité des motivations et des pratiquesde ces entrepreneurs qui n’attendent pas le retour dela croissance pour développer cette économie de de-main, l’économie qu’on aime : efficace, réaliste et quicroit à l’intelligence collective pour inventer de nou-velles solutions face à la crise !(1) Projet de loi portant reconnaissance de l’économiesociale et solidaire.

Auteurs de: «l’Economie qu’on aime! Relocalisations,création d’emplois, croissance: de nouvelles solutions faceà la crise», éditions Rue de l’Echiquier, mai 2013.

Le défi est de taille: tenter d’éviter que desmilliers de PME rentables cessent d’exister fautede faire confiance à leurs propres salariés pourpoursuivre l’activité dans les meilleuresconditions.

Par AMANDINEBARTHÉLÉMY,SOPHIEKELLERet ROMAINSLITINEExperts­associésde l’Essec,économisteset enseignantsà Sciences­PoParis et Lille.Cofondateursde Odyssem,un collectifd’entrepreneursau service del’innovationsociale.

Et si le Medef s’intéressaità l’économie que l’on aime?

À PARTIR DU LUNDI 29 JUILLET

Seize écrivains, philosophes,psychanalystes répondentdans les pages Rebonds de

Marie Darrieussecq,Scholastique Mukasonga,J.M.G. Le Clézio,Barbara Cassin,Tobie Nathan,Alain Mabanckou...

D’oùécrivezvous?

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 201322 • REBONDS

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Brechtsurle montVentoux

A l’arrivée au sommet du Ventoux,le maillot jaune Froome déclenchal’attaque. Une attaque fulgurante et pé-père à la fois, qui cloua sur place lescommentateurs de France 2. «Cette at-taque, assis sur la selle, c’est pas facile.Surréaliste.» Mais ils n’avaient pas toutvu, les commentateurs. En pleine atta-que, et après téléconférence àl’oreillette avec son directeur sportif,Froome leva le pied.Second coup de théâtre. «On lui a de-mandé de temporiser, la démonstrationétait trop forte. On lui demande de ralen-tir.» Ralentir, mais pour-quoi donc ? «Pour fairebien dans le tableau, pourpas qu’on dise qu’il est dopé, c’est ça ?»Oui, c’était bien «ça». Et les commen-tateurs d’«espérer» que sa victoire se-rait «propre».Surréaliste, surhumain, extraterres-tre, etc. sont des expressions de la lan-gue vernaculaire des commentateurscyclistes qui, en français courant, setraduisent par un même mot : dopé.En clair, les commentateurs du Ventouxdisaient donc : «Son directeur sportifvient de lui demander de décélérer. S’ilcontinue à cavaler sur le Ventoux assissur sa selle comme dans le fauteuil depépé, même les plus bienveillants nepourront croire qu’il ne s’est pas dopé.»Non seulement ils soupçonnaient doncFroome de s’être dopé, mais ils lui prê-taient la stratégie consécutive : anti-ciper l’accusation de dopage, et pourcette raison ralentir. Au lieu de saluer,comme les autres années, le formidableexploit, les commentateurs en direct deFrance 2 répandaient donc leurs doutes.Chaque année, depuis que les vilainesaffaires de dopage abonnent le Tour à larubrique faits divers-médecine, au dé-triment des pages sportives, les com-mentateurs en direct se trouvent devantune mission impossible. Ils doiventcommenter «comme si» c’était unevraie épreuve sportive, une vraie com-pétition, à la loyale, propre. Toutes cesdernières années, dans le feu du direct,ils se gardaient donc de toute allusiontrop transparente. Ils pouvaient poserune question, à l’arrivée de l’étape,mais chaque chose en son temps. Toutau long de l’étape, les coureurs étaientprésumés propres. A l’arrivée,ils étaient rattrapés par des curiosités dejuges d’instruction.Ainsi s’efforçaient-ils de porter à boutde bras une illusion théâtrale épuisée,assumant bravement le risque de passerpour des idiots utiles de la mafia ducyclisme.Doutant explicitement, et en direct,

ils ont fait entrer le spectacle dansune nouvelle catégorie. On ne peut pas,dans la retransmission télévisée endirect d’un événement, pratiquerla distanciation brechtienne. Imagi-nons, au milieu du live d’une visite dupape, le commentateur s’égarant sou-dain: «Mais au fond, tous ces gens ras-semblés, croient-ils vraiment à l’exis-tence de Dieu ? Qu’est-ce d’autre,le pape, qu’un vieillard souffrant revêtud’une chasuble blanche, une institutionconstruite sur l’exploitation de la crédu-lité publique.» Ou bien, au milieu du

défilé du 14 Juillet :«N’oublions pas que cescorps triomphants que

nous voyons défiler sont des cadavrespotentiels. N’oublions pas que la mort,éventuellement atroce, est la finalité detoute armée. Les mutilés, les estropiés,les gueules cassées, les gazés : ayons unepensée en cet instant pour les mutinésde 1917.» Ce serait fondé. Ce serait salu-taire. Ce serait courageux. C’est impos-sible. Et pas seulement parce que lestandard de la chaîne serait noyé sousles protestations des militaristes et descroyants. Ce n’est pas possible, parceque cela tuerait immédiatement le spec-tacle. C’est la même puissance irrésis-tible, qui pousse un commentateur devisite papale à fondre d’extase devantles miracles de Lourdes, c’est-à-dire à«coller» au texte des acteurs (évêques,généraux, «spécialistes»), dont il trans-met l’image, et qui pousse les spécia-listes cyclistes à adhérer à la coursequ’ils commentent. Ils ne sont plus lescommentateurs, mais les transmet-teurs, de ces fictions (Dieu existe, lacourse est propre, l’armée est technolo-gique et la guerre est joyeuse).Les spectateurs sont consentants :même si, comme toujours, une mino-rité d’esprits forts aimeraient êtreinformés, et pas seulement hypnotisés,l’immense majorité d’entre eux ne sou-haitent pas être réveillés. Comme dansla télé-réalité, par exemple : même sinous savons qu’elles sont scénarisées,que les répliques ont été pré-écrites parla prod, que les personnages ne sont quedes récitants, nous regardons ces émis-sions comme s’il s’agissait vraiment dela réalité. Voilà pourquoi le Tour, repré-sentation centenaire, est peut-êtremort en 2013, pour faire place à un néo-Tour, distancié, ayant pulvérisé sespactes de lecture, avec conséquencesimprévisibles. Brecht a planté sa tentesur le Ventoux, et il ne sera pas facile dele faire déguerpir.

Cette chronique reprendra le 19 août.

MÉDIATIQUES

Par DANIELSCHNEIDERMANN

Pour sortir de la crise,fions-nous aux «faiseux»plutôt qu’aux «diseux»

En politique comme ailleurs, on dis-tingue communément les «diseux»et les «faiseux». Si l’on peut toujourscompter sur les seconds pour déve-

lopper un territoire voire, dans les momentsdifficiles, participer au redressementd’un pays, on reconnaît davantage les pre-miers à leur verbe haut et à leur art de culti-ver le paradoxe.C’est ainsi que l’on a pu entendre certains,y compris à gauche, déplorer l’absence deréformes fortes, notamment en matière fis-cale. Comme si l’égale imposition des reve-nus du travail et du capital, la mise en placed’une nouvelle tranche d’imposition à 45%,la taxe sur les transactions financières etl’augmentation des droits de succession, del’ISF, entre autres, ne constituaient pasun changement radical après la suppressiondu bouclier fiscal cher à la droite.D’autres – souvent les mêmes – implorentle gouvernement de repousser sine die des ré-formes aussi cruciales que celle de notre sys-tème de retraite par répartition quenous devons pérenniser au plus vitepour les générations futures. Sansparler de ceux qui assimilent à del’austérité une politique visant à créer60000 postes dans l’Education natio-nale et 100000 emplois d’avenir. Al-lez comprendre !La majorité dont nous nous revendiquons estsans doute moins bruyante, moins friande depolémiques ou de pétitions en tous genres ;elle agit jour après jour, au gouvernementcomme au Parlement, avec cohérence etconstance au service d’un objectif: la bataillepour l’emploi.La première condition pour la remporterconsistait, dès le lendemain du 6 mai 2012,à restaurer la crédibilité du pays en Europeen assainissant nos comptes publics.Quelle était l’alternative ? Laisser courirles déficits, voir nos taux d’intérêt augmenterpour in fine subir une cure d’austérité –cettefois bien réelle– imposée par nos partenaireseuropéens et perdre ainsi notre souverainetéau profit des marchés financiers ?C’eût été une faute historique, nous l’avonsévitée. Car c’est bien cette crédibilité retrou-vée grâce au sérieux budgétaire qui a permisau président de la République de réorienterune Europe jusque-là obnubilée par la logi-que purement comptable de réduction desdettes et indifférente aux graves inégalitésqui se creusaient entre le Nord et le Sud del’Europe. C’est bien elle qui a permis de trou-ver un accord pour stabiliser la zone euro etfaire de la jeunesse européenne qui douteaujourd’hui, une priorité nouvelle pourl’Union.Deuxième impératif : sortir la France dela crise en actionnant tous les leviers néces-saires au redémarrage de la croissance. C’esttout le sens de la mise en place du Crédit

d’impôt pour la compétitivité et l’emploi(Cice), de la Banque publique d’investis-sement (BPI) et de l’accord sur la sécurisationde l’emploi. Nous assumons la priorité don-née au redressement productif de notre éco-nomie et en particulier de notre industrie quinous permettra dans un second temps demener une politique plus redistributive.Le troisième pilier, sans doute celui dontla portée est la plus grande et la responsa-bilité la plus lourde, c’est la préparation del’avenir. Préparer l’avenir de notre pays,c’est poser les nouvelles pierres de la Francede demain, celle qui, en dépit du sinistre hé-ritage légué par la droite, doit avoir retrouvéd’ici à dix ans toute sa place en Europe. Lenouveau programme d’investissementsd’avenir, annoncé par le Premier ministre etconsacré en grande partie à la transition éco-logique, s’inscrit pleinement dans cette pers-pective.Préparer l’avenir, c’est aussi et surtout don-ner toutes ses chances à la génération quivient, lui permettre dès la petite enfance jus-qu’à l’entrée dans la vie active, de maîtriserles itinéraires de son existence. Avec la créa-

tion de 275000 places d’accueil destinées auxenfants de moins de 3 ans, la refondation del’école, celle de l’université ainsi que la miseen place des emplois d’avenir et des contratsde génération, le gouvernement a pris desmesures sans précédent pour réduire les iné-galités scolaires, favoriser la démocratie dela réussite et l’accès à l’emploi.Voilà pourquoi nous sommes fiers de sou-tenir, avec autant de force que d’exigencela politique conduite depuis un an par le pré-sident de la République et le gouvernement.Voilà pourquoi nous appelons toutes celles etceux qui se reconnaissent dans cette ambi-tion à se faire entendre et à agir plus effica-cement encore au service des Françaises etdes Français.

Signataires: Nathalie Appéré, Didier Boulaud,Thierry Coursin, Carole Delga,Frédérique Espagnac, Pascale Gérard,Laurent Grandguillaume, Odette Herviaux,Martine Pinville, Marie Récalde, Christine RevaultD’Allonnes­Bonnefoy, Gwendal Rouillard,Louis­Mohamed Seye, Rachid Temal,Yannick Trigance, Clotilde Valter.

Par DES MEMBRES DE LA DIRECTIONNATIONALE DU PARTI SOCIALISTE

Comment peut-on assimiler à del’austérité une politique visant à créer60000 postes dans l’Educationnationale et 100000 emplois d’avenir.

Retrouvez nos chroniques sur:http://www.liberation.fr/chroniques

• SUR LIBÉRATION.FR

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AVIGNON Bien que trop longue et dense, la piècedu Polonais Krzysztof Warlikowski détonne parson aspect corrosif et déconcertant.

«Kabaret»,le bazar faitbien les choses

O n pourrait avoir quelques raisonsd’être agacé par le nouveau spec-tacle de Krzysztof Warlikowski.Trouver qu’il est trop long – dans

les 4 heures 45!–, trop ambitieux (la montéedu nazisme, les attentats du 11 Septembre, laPologne d’aujourd’hui, le sexe, le sadomaso-chisme, la mort), trop bourré de référencescinématographiques et surtout littéraires(John Van Druten, Christopher Isherwood,Jonathan Littell, John Cameron Mitchell,John Maxwell Coetzee), trop en surplomb desspectateurs (comprenne qui pourra). Diffi-cile, à un moment ou l’autre de ce KabaretWarszawski, de ne pas être rattrapé par unmoment de lassitude, une envie d’arrêter. Etimpossible d’en rester là.

PAILLETTES. Warlikowski a le chic pour re-tourner les situations, bifurquer là où on nel’attend pas, remettre du théâtre partout. Sila fascination ou le plaisir l’emporte sur lesréticences, c’est qu’au fond, on a la certitudeque ce qui se déroule sur scène est beaucoupplus important que ce qui nous attend au de-hors. Le metteur en scène polonais s’y en-

Par RENÉ SOLISEnvoyé spécial à Avignon

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 201324 •

CULTURE

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tend pour susciter chez ses spectateurs unesorte de dépendance amoureuse, ce qui estd’ailleurs l’un des thèmes de son spectacle.On y succombe d’autant plus volontiers qu’ily a, dans son Kabaret hanté par l’horreur duXXe siècle, une gaîté, ou en tout cas un hu-mour qu’on n’avait pas ressenti aussi fort de-puis Kroum l’ectoplasme, la pièce de HanochLevin qu’il avait présentée à Avignon en 2005(lire ci-dessous).Même si on y reconnaît des échos du film deBob Fosse avec Liza Minnelli (1972), qu’on ytrouve un orchestre, un meneur de revue, desboys et des girls, des paillettes et des plumes,le Kabaret Warszawski («cabaret de Varso-vie») ne prétend pas à la reconstitution his-torique. Il est plutôt comme une image proje-tée dans un grand espace vide, avec des murs

carrelés de blanc évoquant l’hôpital (labo,salle d’autopsie…) et de chaque côté, derrièredes vitres translucides, une salle de bain ouune cabine de douche. Autant d’éléments ca-ractéristiques de l’univers de MalgorzataSzczesniak, la scénographe qui travaille avecWarlikowski depuis toujours.La première scène n’est pas au cabaret, maissur un canapé de salle d’attente où, SallyBowles, jeune blonde parfaitement saoule(Magdalena Cielecka), rejoint un homme–ami, amant?– et deux autres personnages,dont une femme d’allure très stricte (Magda-lena Poplawska). Tous s’expriment en anglaiset leur quatuor, de saynète en saynète, sem-ble obéir aux règles d’un manuel de conver-sation en langue étrangère. Mais tout dérailleet se complique, l’ivrogne multiplie les pro-vocations à l’intention des deux hommes ;l’autre jeune femme perfectionne son anglaisparce qu’elle est juive et souhaite émigrer auxEtats-Unis. Un indice historique (Allemagnedes années 30?) contredit par la pizza enta-mée dans son carton que Sally engloutit oudistribue à la ronde. Le canapé devient le lieud’un imbroglio sexuel et politique où se téles-copent histoires et époques. Une scène d’in-troduction qui annonce le reste, brio des ac-teurs compris. Pas tous les jours qu’on en ade ce niveau-là, tels Zygmunt Malanowicz,le monsieur Loyal du Kabaret, avec cinquanteans de métier derrière lui depuis le Couteaudans l’eau, de Roman Polanski (1962).Mais il faudrait citer les quinze artistes, pourleur capacité à remettre toujours, partout, dela finesse, à retourner leurs rôles commedes gants, à ne pas s’enfermer dans la carica-ture, à passer des scènes de groupe (la revuedu Kabaret, avec chant traditionnel en al-lemand) à l’intimité inouïe d’un duo sur unlit, quand la danseuse (Staszka Celinska),mise à la retraite, fait l’éloge d’Hitler,l’amour avec Pepe –son amant juif (RedbadKlijnstra) – et meurt au bout de la tristesseet de la brutalité.

A cette première partie, ancrée dans l’his-toire, obsédée par le nazisme et l’antisémi-tisme, sur le mode de la farce tragique, War-likowski ajoute un deuxième acte, plusproche du New York post-11 Septembre etexplicitement centré sur le sexe.

JEUX SM. En ouverture, une étreinte sauvagederrière les parois de la cabine, entre deuxperformeurs, frère et sœur, de John Lennonet de Yoko Ono. Et, en fil conducteur, lesaventures hilarantes –même si inquiétantes–d’une sexologue frigide et d’un couple d’ho-mosexuels en crise. Ou l’on croisera aussiune boxeuse adepte de jeux SM et d’autresjeunes gens aux pratiques variées.La théâtralisation et l’humour des acteurscontribuent à désamorcer le réalisme de si-

tuations qui ne prétendent jamaisimiter la vraie vie. Wagner cèdealors la place à Radiohead, pour ac-compagner ce que l’on prend aussibien comme un éloge de la libertéque comme le constat de la malédic-tion qui frappe le désir. Le touts’achevant sur un presque happe-ning d’une grande partie de la

troupe, regroupée dans ce qui n’est plusqu’un cabaret underground (les carreauxblancs pourraient être ceux d’un tunnel demétro désaffecté), avec des joints qui tour-nent et une «cérémonie» autour d’un cer-cueil où chacun, tout près du salut, viendrase coucher avant d’en ressortir. «The showmust go on.» •

KABARET WARSZAWSKIde KRZYSZTOF WARLIKOWSKIA la Fabrica, 17 heures, jusqu’à jeudi.

La scène d’introduction annoncele brio des acteurs. Ce n’est pas tousles jours qu’on en a de ce niveau-là,tels Zygmunt Malanowicz,avec cinquante ans de métier depuisle Couteau dans l’eau de Polanski.

TROISIÈME VIEDE FRANÇOIS D’ASSISEde JEAN­MICHELBRUYÈREAu lycée Saint­Joseph,de 13 à 18 heures, jusqu’à mardi.

L e premier choc vousattend de l’autre côtédu drap blanc qui mar-

que le début de l’installa-tion-spectacle du collectifLFKS. Un homme nu, noir,grand et très maigre tend lamain pour déchirer votrebillet. Dans la salle, unhomme joue du piano, unautre en longue chemiseblanche effilochée tourne etchante, un troisième estdebout tout au fond, de dos,la tête sous une capuche.Dépouillement, pauvreté, fo-lie, recueillement : c’est cequi s’appelle plonger enquelques secondes dans unailleurs. Celui-ci a pour titreTroisième Vie de Françoisd’Assise, nouveau chapitredans la longue – et pas tou-jours simple– histoire qui lieJean-Michel Bruyère (et soncollectif basé à Marseille) auFestival d’Avignon.Connivence. Bruyère, quiest athée, se dit séduit parl’idéal de fraternité du fon-dateur des franciscains, etpar sa «négligence de l’ar-gent, de la propriété, de l’écri-ture, de la préservation desoi». Mais cette connivencene fait pas pour autant deFrançois d’Assise un objetde célébration. Bruyère leconsidère plutôt comme leprétexte à une exploration,une revisite d’église où cha-cun est invité à se faire sapropre religion.Les deux confessionnauxinstallés à l’extérieur, dansce qui sert d’ordinaire de ga-rages à vélo, ne sont pas là

pour collecter les sentimentsdu public. Aucun prêtre n’estprésent pour vous y écouter–d’ailleurs, les «instructionspour se confesser» punaiséesà l’intérieur sont déchirées–,mais on y entend, via haut-parleur, une voie assourdielisant l’évangile.«Politique». Une «basili-que» – ou un «abri» – detoile blanche complète le dé-cor. On peut y voir un film,une crèche vivante, un chienqui s’appelle Faust. Le film aété tourné en avril-mai, ducôté de Marseille et d’Aix-en-Provence. Il rassembledes membres du groupe demusique AOBH et deuxmembres du collectif debreakdance Marginals Crew,qui ne se sentent pas parti-culièrement en paix avec lemonde tel qu’il est.Jean-Michel Bruyère, qui atravaillé ces dernières annéessur les Black Panthers, ahorreur de mâcher le travailà ses spectateurs-visiteurs etn’est pas du genre à fournirun mode d’emploi. Tout auplus à livrer quelques pistes,dans un entretien disponiblepour le public, et réalisé parun membre de sa troupe (onn’est jamais si bien servi quepar soi-même): «Une œuvreest un objet public, et il faut enparler essentiellement de façonpolitique, même lorsque sonsujet n’a rien de politique. Lefait que je me rapproche detous ceux ayant de bonnesraisons de détester l’organisa-tion de ce monde. Parce que cemonde a besoin de cela, a be-soin de toute la profondeur denotre réprobation, de notre ap-pétit à le détruire pour enfin enhabiter un autre.» La frater-nité, mais les armes à lamain, en somme.

R.S. (à Avignon)

AVIGNON Avec son installation-spectacle, l’artiste inviteà une étrange visite d’église.

«Françoisd’Assise», enplein Bruyère

MagdalenaCielecka, dansle rôle de SallyBowles, une jeuneblonde ivrogne.PHOTO CHRISTOPHERAYNAUD DE LAGE.WIKISPECTACLE

Né en 1962 à Szczecin (Pologne), au bordde la Baltique, Krzysztof Warlikowski,qui a fait une partie de ses étudessupérieures à Paris, est passé par l’Ecolenationale supérieure de théâtre deCracovie où il a notamment été l’élèvede Krystian Lupa. Il est depuis 2008directeur artistique du Nowy Teatrde Varsovie, et plusieurs de ses acteursl’accompagnent depuis ses premiersspectacles dans les années 90. A Avignon,Warlikowski a notamment présentéun Hamlet (2001), Purifiés de Sarah Kane(2002), Kroum l’ectoplasme de HanokhLevin (2005), Angels in America de TonyKushner (2007) et (A)pollonia (2009).Il a aussi mis en scène à l’Odéon, en 2010,une adaptation d’Un tramway nommédésir d’après Tennessee Williams avecnotamment Isabelle Huppert. De plusen plus dans ses spectacles, Warlikowskicroise les textes et les références,comme si le théâtre était pour lui unechambre d’échos où histoires et situationsrebondissent. Il est aussi un adeptede pièces au long cours, dont il ralentitle rythme tout en les maintenant soushaute tension. R.S. (à Avignon)

LE THÉÂTRE AU LONGCOURS DE WARLIKOWSKI

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 2013 CULTURE • 25

Page 26: LIBERATION N°10011 du Lundi 22 Juillet 2013.pdf

PLEIN AIR Malgré une chute des entrées, le raout breton reste le plus grand le rendez-vous musical de France.

Irréductibles Vieilles CharruesV oilà à peu près vingt

ans que ça dure. Car-haix, aimable bour-

gade de 8 000 habitants duFinistère, perdue entre montsd’Arrée et Montagnes noires,se transforme durant quatrejours en fourmilière où con-vergent des dizaines de mil-liers de festivaliers plus oumoins débraillés. Routes bar-rées, débits de boissons tour-nant à plein régime, jardinsfleuris de tentes multicolo-res, pour sa 22e édition, leplus gros rendez-vous musi-cal de France n’a pas dérogéà la règle, même si sa fré-quentation a connu un netfléchissement, avec à peineplus de 160 000 entréespayantes. «La crise», soupireun membre de l’équipe.Côté festivaliers, on évoqueplutôt la défection d’EltonJohn pour cause d’appendi-cite aiguë et une program-mation plus faiblarde, mêmesi, après Dylan, les Charruesont réalisé un vieux rêve ens’offrant le toujours vaillantNeil Young et son fidèleCrazy Horse. Sur l’immenseprairie de Kerhampuil, écra-sée de chaleur, le créateur deTonight’s the Night aura aumoins réussi à faire le plein,le temps d’une prestation in-candescente où ne manquaitque le regretté Jean-PhilippeQuignon, coprogrammateurdu festival, disparu en sep-tembre à l’âge de 50 ans.«Par habitude». Pour lereste, on aura pu vérifier lesstatistiques d’une récenteétude attestant de la jeunessedu public (45% ont moins de26 ans), de sa féminité pro-noncée (57%) et de sa «bre-

tonnitude» affirmée (70%résident dans la région, d’oùla forêt de Gwen Ha Du, ledrapeau traditionnel, flottantau-dessus de la foule dèsqu’un artiste pointe son nez).Nonobstant ces grandes ten-dances, qu’il s’agisse de l’af-fiche, capable d’une mixtureMarc Lavoine-Alt J-Santanale même soir, ou du public,on trouve, à l’instar du BHV,un peu de tout aux VieillesCharrues. On y vient en toutcas autant «par habitude»,explique Sophie, une Pari-

sienne de 34 ans, que «pourretrouver des potes», mais ra-rement pour un artiste enparticulier. Se dandinant sur

les rythmes electro-pop duduo danois Rangleklods,Jean-Luc, un autre habituévenu du Limousin, les che-

veux dégarnis à la Léo Ferré,ne cache pas davantage sajoie. «Les Charrues, ça fait vi-vre la région, et les mamies qui

vous font des ga-lettes de sarrasin,j’adore! Pour moi,c’est un bain dejouvence annuel»,lâche-t-il, netrouvant guèreque Patrick

Bruel, programmé samedi,pas à son goût.Sur la colline battue par desdizaines de milliers de tongs

et de baskets, on en voyaitbeaucoup en chemisettes co-lorées ou robes légères desaison, certains s’efforçantaussi, tant bien que mal, decoller au thème de l’édition:les Gaulois. Côté musique, onaurait bien aimé ficeler quel-ques bardes à une branche dechêne, mais pas tous. Ainsivendredi, pendant que LillyWood and the Prick s’échi-nait un peu vainement à mo-biliser les foules sous le ca-gnard, le chapiteau de lascène Gwernig offrait un vé-

ritable havre de paix, parfaitpour apprécier le free-nozsubtil et chatoyant, avec vio-lon, contrebasse, accordéonet saxophone, du régionalJacky Molard Quartet.Valorisation. Le lendemain,la venue du Crazy Horse étaitcélébrée dès midi dans unebrasserie près de la mairie, letemps d’un bœuf-hommageimpromptu. «C’est pas mal,mais ça vaut quand même pasTinariwen», commentaientplacidement deux Touaregsen boubous impeccables surle marché artisanal attenant.Une ambiance qui feraitpresque oublier que lesVieilles Charrues restentd’abord une formidable ma-chine à drainer de l’argent,puisqu’on estime à 5 millionsd’euros les sommes injectéeschaque année dans l’écono-mie locale.Sans compter – lorsque bé-néfices il y a– l’argent réin-vesti dans des projets muni-cipaux. «Environ 2 millionsd’euros au cours des dix der-nières années», précise lemaire de Carhaix, ChristianTroadec. Après un lycéeDiwan en langue bretonne etle centre culturel Glenmor, lacommune finistérienne vaainsi lancer à la fin de l’an-née le chantier du futurcentre de valorisation desVieilles Charrues, inspiréd’un centre édifié à Wood-stock, ancêtre qui demeure,l’anarchie en moins etl’éclectisme en plus, une ré-férence obligée aux yeux desorganisateurs bretons.

Envoyé spécial à Carhaix(Finistère)

PIERRE-HENRI ALLAIN

V endredi dans la soirée, lesénergiques Catalans deLa Troba Kung-Fu avaient

quelque raison de se sentir chezeux, à l’ombre d’un donjon cons-truit par un de leurs ancêtres,comte de Barcelone et roi d’Aragon.Du château bâti à la fin du XIIe siè-cle, il ne reste que cette tour carréequi est à l’origine du festival, expli-que le maire de Chanac (Lozère),Philippe Rochoux. Les Détours dumonde sont nés en 2004, de la ren-contre entre une association qui dé-sirait mettre en valeur le patrimoinehistorique du village –1500 habi-tants– et d’un groupe d’étudiantsde Mende passionnés de musique.

«Nous cherchions des animationspour valoriser le village, la propositionest arrivée au bon moment.»Artisanat. Vendredi et samedi, ladixième édition des Détours dumonde a fait le plein: 1400 specta-teurs (la jauge maximum) ont ac-clamé l’Angolais Bonga, le Congo-lais Jupiter&Okwess ou l’EthiopienMulatu Astatke. Et beaucoup plusde gens sont passés par le Villagedu monde, où les stands militants(antinucléaires, anti-gaz deschiste, pro-espéranto, solidairesdu Chiapas) côtoient l’artisanatworld et la cuisine bio. Pour le di-recteur artistique, Florian Olivères,la partie est serrée. «Sur un budget

de 120 000 euros, nous nous autofi-nançons à 50% : plus de40000 euros de billetterie, le reste enbuvette.» L’autre moitié provient,elle, des subventions, en baissecomme partout. «Nous avons 5% demoins sur le financement public : lamairie, le département et la régionLanguedoc-Roussillon, qui est leprincipal contributeur. Le festivalRadio France de Montpellier, dontnous sommes partenaires, paie le ca-chet d’un des artistes, cette année legroupe Forabandit.»Si les subventions baissent, les ca-chets des artistes restent, au mieux,stables, et les frais fixes grimpent:location de matériel son et éclai-

rage, sécurité, nuits d’hôtel. Flo-rian Olivères ajoute : «Nous avonsaugmenté le prix des places de 1 euro,à 21 euros par jour et 35 le pass pourles deux soirées. Un levier que nous nepourrons pas utiliser l’an prochain.»Le festival, géré par des bénévoles,à l’exception de deux intermittents,un régisseur et une chargée de pro-duction employés quelques mois,est tous les ans sur la corde raide.La pluie? Les organisateurs préfè-rent ne pas y penser. Mais pasquestion de quitter le site pour unespace plus grand.Gadulka. En neuf ans, les Détoursont fait connaître Chanac, redonnévie au centre du village et valorisé

l’immobilier, se félicite le maire.Sans miser sur les grands noms (lebudget ne le permet pas), mais avecune programmation exigeante quiprivilégie les découvertes. Parexemple, les Violons barbares. Unmorin khuur de Mongolie, une ga-dulka bulgare (violons respective-ment de deux et quatorze cordes) etune multitude de percussions sontles armes de ce trio qui est bienmieux qu’une curiosité pour eth-nomusicologues: avec une énergiefolle et des rythmiques quasi disco,il a entraîné le public, samedi aprèsminuit, dans une transe irrésistible.

Envoyé spécial à Chanac (Lozère)FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ

WORLD Les Détours des mondes ont offert une programmation relevée en dépit de moyens limités.

Mondes et merveilles à Chanac

Pour sa 22e édition, le thème du festival de Carhaix était «les Gaulois». PHOTO FRED TANNEAU.AFP

Qu’il s’agisse de l’affiche,capable d’une mixture MarcLavoine-Alt J-Santana, ou dupublic, on trouve, à l’instardu BHV, un peu de tout.

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 201326 • CULTURE

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L’artiste Jean Metzinger (1883­1956). PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

L a cour d’appel de Parisvient d’arbitrer de ma-nière édifiante une

controverse peu banale. Cel-le-ci porte sur un tableau de60 cm sur 45 cm, Maisonblanche –que tous les spécia-listes, soit dit en passant,s’accordent à trouver médio-cre –, qui porte la signaturede Jean Metzinger. Au débutdes années 20, cette person-nalité du cubisme est reve-nue à des simplificationsgéométriques inspirées deCézanne pour produire desbâtisses entourées d’arbres.Quand la Maison blanche enquestion lui fut présentée,en 2005, la spécialiste del’artiste, Bozena Nikiel, nepeut manquer la correspon-dance avec cette série. Maisla maladresse puérile luisaute aux yeux: un angle defaçade réduit à une lignetremblante sur un planblanc, un chemin en «L»aplati, une ombre démesu-rée, une toiture inexistante,des arbres tracés à gros traits.Rien ne correspond pour elleà un peintre atteignant laquarantaine, «en pleine pos-session de ses moyens» et férude rigueur mathématique.Catalogue. Contrarié parcet avis, Laurent Alexan-dre, le propriétaire de latoile, qui espérait en tirer60000 euros, n’en reste pas

là. Il explique tenir l’œuvrede la belle collection de songrand-père, Léon Velluz, quifut membre de l’Académiedes sciences. En 2007, Lau-rent Alexandre somme Nikield’indiquer si elle comptel’inclure dans son catalo-gue raisonné. Devant son re-fus, il obtient une expertise

judiciaire qui est confiée àRoberto Perazzone. Lequelconclut pour sa part à…l’authenticité. Après avoirexaminé plusieurs œuvres deMetzinger, il note en effet lasimilarité des motifs.Autre élément probant, selonRoberto Perazzone, une notemanuscrite de Léon Velluz,rapportant l’achat, en 1954,d’un Metzinger galerie Bau-gin, rue Miromesnil, à Paris:dans les indications de pro-venance, la présence d’uneinitiale, «D.», pourrait cor-respondre à Louis Dimier,«historien de l’art, qui étaità l’époque conservateur demusée», ayant conseillé lecollectionneur. Et les chif-fres «200000+20000» ren-verraient au prix d’achat et àsa commission.

Cet engagement pour uneœuvre cubiste aurait été sur-prenant pour un fervent tra-ditionaliste qui milita à l’Ac-tion française. Dans tous lescas, Dimier aurait eu du malà servir d’intermédiaire, caril est mort en 1943 !Plus sérieux, sur le châssis,figure un bout d’étiquettedéchirée qui laisse aperce-voir le nom de la galeriede l’Effort moderne, ouverteen 1924 par Léonce Ro-senberg. Perrazone estimeque c’est une garantie del’authenticité de l’oeuvre.Cet élément ne convainc pasnon plus Bozena Nikiel, sa-chant que les étiquettes ontparfois volé d’un tableau àl’autre, voire été fabriquéespour les besoins de la cause.«Conviction». La confron-tation se résume donc à unespécialiste et un généraliste,tous deux réputés intègres.Ce dernier ne conteste pas«les faiblesses» manifestes del’œuvre, mais elles ne doi-vent pas empêcher sa recon-naissance : «Les artistes ontdes bons et des mauvais jours.Les spécialistes ont toujoursdu mal à l’admettre, hélas.»«Mais alors, lui oppose Bo-zena Nikiel, comment soutenirqu’elle aurait été achetée parun grand marchand commeRosenberg ?» «Personne nepeut me faire aller contrema conviction intime… Vous

disposez de l’avisde M. Perazzone,pourquoi ne pasvous en conten-ter?» répond-elleau propriétairequi se fait pres-

sant et qui lui réclame140 000 euros.En 2011, sur la foi de l’exper-tise judiciaire, les juges dé-crètent l’«œuvre authenti-que» en condamnant BozenaNikiel à verser 21 000 euroset à inscrire la peinture àson catalogue. Le 12 octo-bre 2012, la cour d’appel ag-grave la sanction: elle doit enplus payer 30 000 euros aupropriétaire si elle refuse delui délivrer un certificatd’authenticité. Les sommesen jeu dépassent cette scien-tifique. Invoquant une at-teinte à la liberté d’opinionet d’expression, elle attaqueen cassation, une jurispru-dence qui ébranle les fonde-ments de l’histoire de l’art etle droit d’auteur en France.

VINCENT NOCE

DOUTE Condamnée pour refuser de déclarer authentiqueune œuvre cubiste, une spécialiste va en cassation.

Experts en guerreautour d’un Metzinger

Les juges décrètentl’«œuvre authentique»en condamnant BozenaNikiel à verser 21000 euros.

Superman et Batmanseront face à face dans unnouveau film, ont annoncésamedi au congrèsinternational Comic­Con,à San Diego (Californie),les studios Warner Brosainsi que Zack Snyder,le réalisateur du récentMan of Steel. Briton HenryCavil jouera le rôle deSuperman. Pour Batman,le successeur de ChristianBale, qui a abandonné sacape après le troisième etdernier volet de Batman,n’a pas encore été choisi.En réunissant ainsides super­héros, la Warnersemble vouloir suivrela formule utilisée parDisney en 2012 avecAvengers. «Soyons honnê­tes, c’est plus que mythiquede voir Superman et notrenouveau Batman s’affron­ter, étant donné qu’il s’agitdes plus grands super­hé­ros du monde», a déclaréle cinéaste au journalVariety. La sortie en sallesest prévue pour 2015.

SUPERMANET BATMAN,NOUVELLE MANNE

L’HISTOIRE

Hermeto Pascoal Septuagénaire sorcier albinos du Nordestebrésilien New Morning, 7­9, rue des Petites­Ecuries, 75010. Ce soir, 21h.

Noreum Machi Percussions chamaniques et acrobatiesspectaculaires de Corée (festival Paris Quartier d’été)Parc de Belleville, rue Piat, 75020. Ce soir, 18h. Gratuit.

Julieta Venegas Star du Mexique popCabaret sauvage, parc de la Villette, 75019. Ce soir, 19h30.

MÉMENTO

8C’est le nombre d’eaux­fortes de Jean Moulin adjugéessamedi à Brest pour 3700 euros, à un collectionneurprivé. Ces œuvres, datées autour de 1935, sont pourl’essentiel des images religieuses et des représentationsde la mort. On commémore cette année les 70 ansde la disparition du résistant.

Prix record pour un «Michelin» 1900Un Guide Michelin de 1900 a été adjugé pour 19500 euros lorsd’une vente aux enchères samedi à Royat (Puy-de-Dôme),battant le record pour un tel ouvrage, dont il ne resteraitqu’une petite trentaine d’exemplaires dans le monde.

Jazz à Juan dans les clousPlus de 25000 personnes, soit une fréquentation sensible-ment identique à celle de 2012, ont assisté d’après les organi-sateurs à la 53e édition de Jazz à Juan qui a pris fin samedi lorsd’une soirée consacrée à Larry Graham et Marcus Miller.

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 2013 CULTURE • 27

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A LA TELE CE SOIR20h50. Les experts :Miami.Série américaine :En moins d’une minute,L’un d’entre nous,Après la fête...,Tueur né.Avec David Caruso,Emily Procter.0h00. Dexter.Les filles des barils,Instinct primal.Série.2h05. Sept à huit.Magazine.

20h45. Meurtres au paradis.Série américaine :Le shérif est mort,Noces de sang,La mariée était enblanc.Avec Ben Miller.23h45. Privatepractice.Deux pas en arrière,Baiser d’adieu.Série.1h20. Au clair de lalune.

20h45. Le passagerde l’été.Drame français deFlorence Moncorge-gabin, 97mn, 2005.Avec Catherine Frot,Laura Smet.22h25. Soir 3.22h50. Ma saisonpréférée.Comédie dramatiquefrançais d’AndréTéchiné, 125mn, 1992.Avec CatherineDeneuve.

20h55. Engrenages.Série française :Épisodes 1, 2 & 3.Avec Caroline Proust,Gregory Fitoussi.23h30. Spécialinvestigation.L’affaire Alessandri :contre-enquête sur un meurtre.Documentaire.0h25. L’œil de links.Série.0h55. Nos plus bellesvacances.

20h50. Le sauvage.Comédie franco-italienne de Jean-PaulRappeneau, 100mn,1975.Avec Yves Montand,Catherine Deneuve.22h35. HeinrichGeorge.Un acteur envers etcontre tout.Documentaire.0h30. Au fond desbois.Film.

20h50. L’amour estdans le pré.Télé-réalité présenté par Karine Le Marchand.23h10. Nouveau lookpour une nouvelle vie.Virginie et Simon /Spéciale mariage :Pascal et Gaëlle.Magazine présenté par Cristina Cordula.1h35. The unit :commando d’élite.Série.

20h45. Shaolin basket.Comédie chinoise deYen-ping Chu, 95mn,2008.Avec Jay Chou,Charlene Choi.22h15. Moi, Bruce Lee.Documentaire.23h40. En territoireennemi : missionColombie.Téléfilm.1h10. Consomag.1h15. Francofolies de laRochelle 2012.

20h40. Sale tempspour la planète.Tunisie - Le climat aupouvoir.Documentaire.21h35. Vu sur terre.Archipel des Bijagos.Documentaire.22h30. C dans l’air.Magazine.23h35. Avis de sorties.23h45.Superstructures SOS.Le satellite d’Ariane.Documentaire.

20h40. La revue depresse.Le meilleur de la revuede presse (2/3).Spectacle présenté parJérôme De Verdière.22h40. Le Luron enliberté au gymnase.Divertissement.0h10. Paris dernière.Best of sexy.Magazine.1h00. Max Pécas, le roidu navet.Documentaire.

20h50. La guerre des mondes 2.Téléfilm de C. ThomasHowell.Avec C. ThomasHowell, Fred Griffith.22h25. Strike back - Le projet AuroreDarfour - Parties 1 & 2,Un irlandais en colère -Parties 1 & 2.Série.1h50. Poker night.Jeu.

20h45. Le bossu.Film de cap et d'épéefrançais d’AndréHunebelle, 105mn, 1959.Avec Jean Marais,Bourvil.22h25. C’est pas parcequ’on n’a rien à direqu’il faut fermer sagueule.Comédie française deJacques Besnard,90mn, 1974.Avec Michel Serrault.0h10. Octopus 2.

20h45. Footballféminin : France /Danemark.Quart de finale del’UEFA Euro Féminin2013.Sport.22h50. Riders.Film d'action françaisde Gérard Pirès, 83mn,2001.Avec Stephen Dorff.0h00. Médium.Le démon de l’amour.Série.

20h45. Fabien Cosma.Téléfilm français :La répétition.Avec Louis-KarimNébati, Pierre Vaneck.22h20. Madamela proviseur.Téléfilm français :Le secret de MadameJaubert.Avec Charlotte DeTurckheim, Sébastien Cotterot.23h50. Les Parent.Série.

20h50. Au cœur del’enquête.Magot, filature et ADN.Documentaire.22h15. Au cœur del’enquête.Gang, bijoux et vidéos.Documentaire.23h25. Au cœur del’enquête.Flics contre dealers :comment arrêter lestrafiquants ?Documentaire.

20h45. Mortes depréférence.Téléfilm de Jean-LucBreitenstein :1 & 2/2.Avec Bruno Madinier,Lisa Martino.23h15. Marie Humbert :l’amour d’une mère.Téléfilm de MarcAngelo.Avec Florence Pernel.1h00. Un mari de trop.Téléfilm.

20h50. CommissaireMoulin.Téléfilm français :36 quai des OmbresAvec Yves Rénier, Alice Béat.22h25. CommissaireMoulin.La pente raide.Téléfilm.0h10. Star story.Featuring, quandl’union fait le tube.Documentaire.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

A LA TELE CE SOIR20h50. Les experts :Miami.Série américaine :En moins d’une minute,L’un d’entre nous,Après la fête...,Tueur né.Avec David Caruso,Emily Procter.0h00. Dexter.Les filles des barils,Instinct primal.Série.2h05. Sept à huit.Magazine.

20h45. Meurtres au paradis.Série américaine :Le shérif est mort,Noces de sang,La mariée était enblanc.Avec Ben Miller.23h45. Privatepractice.Deux pas en arrière,Baiser d’adieu.Série.1h20. Au clair de lalune.

20h45. Le passagerde l’été.Drame français deFlorence Moncorge-gabin, 97mn, 2005.Avec Catherine Frot,Laura Smet.22h25. Soir 3.22h50. Ma saisonpréférée.Comédie dramatiquefrançais d’AndréTéchiné, 125mn, 1992.Avec CatherineDeneuve.

20h55. Engrenages.Série française :Épisodes 1, 2 & 3.Avec Caroline Proust,Gregory Fitoussi.23h30. Spécialinvestigation.L’affaire Alessandri :contre-enquête sur un meurtre.Documentaire.0h25. L’œil de links.Série.0h55. Nos plus bellesvacances.

20h50. Le sauvage.Comédie franco-italienne de Jean-PaulRappeneau, 100mn,1975.Avec Yves Montand,Catherine Deneuve.22h35. HeinrichGeorge.Un acteur envers etcontre tout.Documentaire.0h30. Au fond desbois.Film.

20h50. L’amour estdans le pré.Télé-réalité présenté par Karine Le Marchand.23h10. Nouveau lookpour une nouvelle vie.Virginie et Simon /Spéciale mariage :Pascal et Gaëlle.Magazine présenté par Cristina Cordula.1h35. The unit :commando d’élite.Série.

20h45. Shaolin basket.Comédie chinoise deYen-ping Chu, 95mn,2008.Avec Jay Chou,Charlene Choi.22h15. Moi, Bruce Lee.Documentaire.23h40. En territoireennemi : missionColombie.Téléfilm.1h10. Consomag.1h15. Francofolies de laRochelle 2012.

20h40. Sale tempspour la planète.Tunisie - Le climat aupouvoir.Documentaire.21h35. Vu sur terre.Archipel des Bijagos.Documentaire.22h30. C dans l’air.Magazine.23h35. Avis de sorties.23h45.Superstructures SOS.Le satellite d’Ariane.Documentaire.

20h40. La revue depresse.Le meilleur de la revuede presse (2/3).Spectacle présenté parJérôme De Verdière.22h40. Le Luron enliberté au gymnase.Divertissement.0h10. Paris dernière.Best of sexy.Magazine.1h00. Max Pécas, le roidu navet.Documentaire.

20h50. La guerre des mondes 2.Téléfilm de C. ThomasHowell.Avec C. ThomasHowell, Fred Griffith.22h25. Strike back - Le projet AuroreDarfour - Parties 1 & 2,Un irlandais en colère -Parties 1 & 2.Série.1h50. Poker night.Jeu.

20h45. Le bossu.Film de cap et d'épéefrançais d’AndréHunebelle, 105mn, 1959.Avec Jean Marais,Bourvil.22h25. C’est pas parcequ’on n’a rien à direqu’il faut fermer sagueule.Comédie française deJacques Besnard,90mn, 1974.Avec Michel Serrault.0h10. Octopus 2.

20h45. Footballféminin : France /Danemark.Quart de finale del’UEFA Euro Féminin2013.Sport.22h50. Riders.Film d'action françaisde Gérard Pirès, 83mn,2001.Avec Stephen Dorff.0h00. Médium.Le démon de l’amour.Série.

20h45. Fabien Cosma.Téléfilm français :La répétition.Avec Louis-KarimNébati, Pierre Vaneck.22h20. Madamela proviseur.Téléfilm français :Le secret de MadameJaubert.Avec Charlotte DeTurckheim, Sébastien Cotterot.23h50. Les Parent.Série.

20h50. Au cœur del’enquête.Magot, filature et ADN.Documentaire.22h15. Au cœur del’enquête.Gang, bijoux et vidéos.Documentaire.23h25. Au cœur del’enquête.Flics contre dealers :comment arrêter lestrafiquants ?Documentaire.

20h45. Mortes depréférence.Téléfilm de Jean-LucBreitenstein :1 & 2/2.Avec Bruno Madinier,Lisa Martino.23h15. Marie Humbert :l’amour d’une mère.Téléfilm de MarcAngelo.Avec Florence Pernel.1h00. Un mari de trop.Téléfilm.

20h50. CommissaireMoulin.Téléfilm français :36 quai des OmbresAvec Yves Rénier, Alice Béat.22h25. CommissaireMoulin.La pente raide.Téléfilm.0h10. Star story.Featuring, quandl’union fait le tube.Documentaire.

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LLEE MMAATTIINN Matinée calme et douce,avec quelques bancs de grisaille enAquitaine et orages en Bretagne.Rapidement très chaud.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Très chaud. Le soleildomine parmi quelques nuagesorageux sur les montagnes ainsi quedans le nord.

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Les orages s'étendent en direction desPyrénées en remontant vers les côtesnormandes. Très lourd.

MARDI Orageux de Rhône-Alpes auxfrontières de l'Est. Retour d'un tempssec par l'Ouest avec des températuresde saison.

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L’ÉTÉ DES 40 ANS

ET SI «L’AMANT» N’AVAIT

DurasB ertrand Poirot-Delpech fran-

chit en cinq minutes les500 mètres qui séparentla rue des Italiens de la

place Gaillon. Claude Gallimard vientd’appeler, comme convenu, auPar CLAIRE DEVARRIEUX

REWIND Cet été, «Libération» transforme l’Histoire en fictions.La romancière rate le prestigieux prix. Convaincue d’avoir étéspoliée par les jurés, elle prend sa revanche.

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Monde des livres. Poirot-Delpecha le Goncourt. Quand il arrive devantDrouant, François Nourissier, face aubuisson de micros, est en train d’an-noncer la victoire de l’Eté 36. Poirot-Delpech est content. Est-on étonné,quand le sort joue des tours pareils ?A Trouville, Marguerite Duras a reçu,elle aussi, le coup de fil attendu de sonéditeur. Mais Jérôme Lindon ne lui a pasannoncé ce qu’elle espérait. Sans vou-loir y croire. «Les éditions de Minuitn’auront jamais le prix Goncourt, luidit-il, puisque vous ne l’avez pas.» Il dé-taille le vote: six voix pour Poirot-Del-pech, trois pour l’Amant et une pourBernard-Henri Lévy. «Bernard n’est pasun romancier», dit Duras.

RILLETTES. Rue des Saints-Pères, à Pa-ris, on apprend que seule EdmondeCharles-Roux, auteure Grasset, a votépour BHL et son Diable en tête. Mais lesautres ? «A qui sont allées les voix deNourissier, Bazin, Stil… Et de Roblès, quel’on venait de mettre sous contrat pour sonthéâtre? Et celle de Sabatier, dont on pu-blie les œuvres de l’épouse?» Ainsi persi-fle Jacques Brenner (1), invité par Jean-Louis Curtis chez Tiburce, le restaurantde la rue du Dragon. A Trouville, Mar-guerite Duras a demandé à Yann Andréad’ouvrir un petit pot de rillettes, pen-dant qu’elle râpe les carottes. Il faudraitdécrocher le téléphone s’ils veulent dé-jeuner tranquilles. Jean-Marc Turine–l’ami de Jean Mascolo, dit Outa, le filsde Marguerite Duras– arrive par le traindu soir. Michèle Manceaux a pris surelle et a appelé. Elles sont brouillées de-puis que Manceaux, la voisine deNeauphle, a publié Brèves.La tonalité est toujours la même: la sur-

prise, l’injustice. Il n’y a pas que lesamis. Les gens que croise ce lundi-làMarguerite Duras dans le hall des Ro-ches-Noires, où elle a son appartement,

puis aux Vapeurs, la brasserie où elleemmène Turine dîner, s’approchentpour dire leur sympathie. Pour eux,l’Amant est le livre de l’année. Ce n’estpas la première fois que le Goncourt setrompe et que le perdant fait davantagede bruit que le gagnant: Céline, en 1932,à qui le jury a préféré Guy Mazeline. La

différence est que Poirot-Delpech ap-précie les livres de Duras. Il le confirmele soir, au journal de TF1, lorsqueClaude Sérillon lui rappelle le feuilleton

élogieux qu’il a consacré àl’Amant. «Je crois que j’aiécrit un roman qui peut plaireau plus grand nombre, racontel’auteur de l’Eté 36, je parledes congés payés et de l’amourplus fort que la lutte des clas-ses. Mais Marguerite Duras,c’est autre chose. C’est une

œuvre, un génie.» «Bertrand est très in-telligent», réagit-elle lorsqu’on lui rap-porte ces propos.

QUIPROQUO. Duras garde un souveniramer d’autres critiques du Monde des li-vres. Manquer le Goncourt commeen 1950 avec Barrage contre le Pacifique?

«Mon détachement à cet égard est consi-dérable», déclare-t-elle à un journalistedu Matin. «Ils ne m’ont jamais aimée. Ilsne m’aimeront jamais», répète-t-elle àYves Mourousi au journal de 13 heures.Un léger quiproquo a lieu quand Mar-guerite Duras déclare: «C’est l’histoiredu Barrage, vous voyez. L’histoire qui con-tinue. La même abjection. A mon en-droit.» Le présentateur se méprend: «Aquoi fait-on barrage ?» «Je veux direqu’ils ont ruiné ma mère et qu’ils cher-chent à me ruiner. Pas mon éditeur. Monéditeur à présent est riche, grâce à moi.»Mourousi, pas dupe, la coupe : «Raterle Goncourt vous a profité.» Duras rit decontentement dans son col roulé blanc,le même qu’elle portait à Apostrophes enseptembre, seule face à Bernard Pivot.De fait, Goncourt ou pas, l’incroyablesuccès de l’Amant s’amplifie. En jan-

Après le prix manqué,l’argent pleut. MargueriteDuras dit que c’est comme«la pluie d’été».

Ci­contre:Les mainsde la romancière.En bas:L’intérieurde sa résidencede Trouville.PHOTOS HÉLÈNEBAMBERGER .COSMOS

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«Il arrive qu’elle intrigue pouressayer d’obtenir le prix»L’historien de la littérature Robert Kopp raconte comment le jurydu Goncourt a fini par primer Duras.

E ntre le jury Goncourt et Duras,c’est une vieille histoire. Nousavons demandé à Robert Kopp,

historien de la littérature et auteurd’un épatant «Découvertes» Galli-mard, Un siècle de Goncourt (2012), denous la raconter.Pensez-vous que les Goncourt ontpensé un jour accueillir Marguerite Du-ras comme jurée?Je ne pense pas qu’on ait voulu la faireentrer, je n’ai rien vu de semblabledans les archives.Son passé communiste a-t-il joué con-tre elle ? Ils ont attendu longtempsavant de lui donner le prix.Son passé n’a pas du tout joué contreelle, le jury avait depuis toujours uneaile gauche et une aile droite ; à l’ailegauche, pour le jury, Roland Dorgelès,Hervé Bazin, André Stil, Aragon, etpour les lauréats : Elsa Triolet, RogerVailland, Simone de Beauvoir, RobertMerle. Ce qui a fait obstacle, c’est latradition naturaliste du Goncourt, parconséquent très éloigné du nouveauroman; on a fini par lui donner un prixparce que le Goncourt ne peut pas pas-ser totalement à côté d’un succès at-testé par d’importants tirages.On dit toujours que Barrage contre lePacifique (1950) a frôlé de près le prix.Dans votre livre, vous écrivez qu’onparle d’elle à partir de 1963. Qu’enest-il exactement?Vous avez partiellement raison pour leBarrage en1950; le nom de Duras cir-cule parmi les jurés et il sera encorementionné dans les années suivantes,d’autant que Duras, à partir de 1951, ya un ami en la personne de Raymond

Queneau ; mais elle ne figure jamaissur aucune liste et n’est jamais parmiles finalistes (en 1950, par exemple,c’est Bernard Pingaud qui a deux voix,André Dhôtel une, ainsi que MichelZéraffa, contre Paul Colin qui l’em-porte au cinquième tour par 5 voix). Ilarrive que Duras intrigue un peu pouressayer d’obtenir le prix. Ainsi,en 1963, elle mobilise Robert Galli-mard qui mobilise Queneau (pour leRavissement de Lol V. Stein, qui paraîtraen 1964) ; mais Queneau estime qu’il

est trop tard et qu’il ne faut pas con-currencer Gérard Jarlot (qui n’aurarien…). Donc, on peut dire qu’à partirde 1950, son nom est évoqué – sansplus –, qu’à partir de 1963 elle est«candidate», personne ne peut plusl’ignorer, et qu’on finit par lui donnerun prix (de rattrapage pour le jury)en 1984.Le Goncourt qui prime l’Amant, doncMinuit, est-il le signe d’une ouvertureplus grande à l’égard des «petites»maisons d’édition?Oui et non. Duras est aussi un auteurGallimard et le Goncourt profite àl’ensemble de son œuvre; la remarqueserait plus vraie pour Rouaud (1990) ouEchenoz (1999); ceci dit, il y a toujourseu parmi les lauréats, de temps entemps, un auteur édité par une petitemaison ; mais l’étude du jeu des in-fluences est délicat. Exemple: le Gon-court 2012, Jérôme Ferrari, Actes Sud,maison moyenne –sinon petite–, maisdistribuée par Flammarion qui venaitd’être rachetée par Gallimard ; il nefaut pas oublier parmi les bénéficiairesles distributeurs…Le jury 2013 a-t-il quelque chose decommun avec celui de 1984?Le jury d’aujourd’hui n’a plus rien àvoir avec celui de 1984; il est beaucoupplus diversifié, plus indépendant etsans doute plus «honnête». En 1984,sous Bazin, on est encore dans le règnede la combinazione, avec Stil et Nouris-sier, ayant chacun leur clan. On estplus dans la bataille entre éditeurs(Gallimard, Grasset, Seuil). Mais cetemps est révolu.

Recueilli par Cl.D.

POUR DE VRAI

1985 Claude Simon reçoit leNobel de littérature. MargueriteDuras, l’année précédente,a le Goncourt. Bertrand Poirot­Delpech et BHL étaientses concurrents. L’engouementsuscité par l’Amant dès sa sortieest indéniable. Le graphique desventes faramineuses a bien étépublié dans le Monde en 1985,année de la Douleur chez POL.1986 Parution des Yeux bleuscheveux noirs, chez Minuit.Duras n’a pas écrit de livresur son fils, Jean Mascolo –dontle projet d’ouvrage de photosest bien à l’origine de l’Amant.1987 Citée comme témoindans le procès de Klaus Barbie,elle a peut­être pensé y aller maisne l’a pas fait.3 mars 1996 Duras meurtchez elle, dans sa 82e année.

vier, Jérôme Lindon publie un graphi-que dans le Monde: 630000 exemplairesvendus. Après le 12 novembre, jour duprix manqué, un décrochage se produit.Vers le haut. L’argent pleut, MargueriteDuras dit que c’est comme «la pluied’été». Mais elle reste taraudée parl’idée que les jurés Goncourt ont cher-ché à la spolier. Sa mère avait été ruinéepar l’achat d’un terrain au Cambodge,dont on lui avait promis monts et mer-veilles, alors qu’il était inondé une par-tie de l’année. Cette injustice, plusieursde ses livres en portent la trace. La ro-mancière estime qu’elle la poursuit.

IMMODESTIE. Entretemps, Duras ter-mine un film, les Enfants, puis elle se re-met au travail. Elle donne à Paul Ot-chakovsky-Laurens, pour sa collectionHachette-POL, la Douleur et d’autrestextes, dont «Albert des Capitales»dans lequel elle décrit comment des ré-sistants torturent un traître, séance di-rigée par une femme, Thérèse. Thérèse,c’est elle. Les proches de MargueriteDuras –dont le père de son fils, DionysMascolo– sont indignés par la parutionde la Douleur, où elle raconte le retourde déportation de son mari, Robert An-telme. Autant elle a su se réconcilieravec les amis que son immodestie, avecle triomphe de l’Amant, avait refroidis,autant elle ne supporte pas la critiquevenant de la famille. Est-ce par provo-cation qu’elle débute l’écriture d’Outa?Ou par esprit de revanche ?Marguerite Duras avait toujours ditqu’elle n’écrirait jamais sur son fils.Dans un de ses films, Nathalie Granger,il est question d’un enfant, ingérable etviolent, envoyé en pension. Elle en faitle héros de son nouveau roman. Commeelle souhaite rompre avec l’allure auto-biographique qui a fait de l’Amant untexte abordable par tous, dans Outa, elles’efface totalement. Elle laisse la placeà ce garçon de 12 ans qu’on éloignebrusquement de ses parents, de sa mèresurtout, et qui va vivre cette expériencecomme un bannissement.Jean-Marc Turine plaide que son amiOuta a déjà été blessé par l’Amant, quidevait être à l’origine le commentaired’un ouvrage de photos édité par sessoins; et qu’il le sera davantage par ceportrait de lui que sa propre mère s’ap-prête à mettre sur la place publique. Envain. Duras est obsédée par ce livrequ’elle voit au contraire comme une ré-paration. En juin, elle décline une invi-tation à partir en reportage: Serge Julyvoudrait la voir enquêter sur le meurtredu petit Grégory Villemin. «C’est unehistoire sublime», affirme le directeur deLibération. «Forcément», répond Duras.Mais elle n’a pas le temps. Outa sort auxéditions de Minuit le 12 septembre 1985.

Approché par Michel Tournier fin août,Jérôme Lindon a fait savoir que Margue-rite Duras refuserait bien sûr le Gon-court s’il lui était enfin attribué. Le10 octobre 1985, dans la matinée, Lin-don appelle rue Saint-Benoît, au domi-cile parisien de l’auteure d’Outa. Il vou-drait parler à Marguerite, c’est urgent.Yann Andréa refuse de lui passer Duraset demande s’il peut transmettre unmessage. «Oui, dit l’éditeur, aveccomme un sarcasme dans la voix. Dites-lui qu’elle a le prix Nobel.»

Marguerite Duras aura trop voyagé,toute l’année 1986. Epuisée, elle n’estplus la même, disent ses proches. Ellemeurt d’un arrêt cardiaque, à 73 ans, le4 avril 1987 –jour de son anniversaire–dans le TGV qui l’emmène vers KlausBarbie. Ses derniers mois sont en effetassombris par le témoignage qu’elle ac-cepte d’apporter au procès du tortion-naire nazi, à Lyon, à la demande del’avocat Jacques Vergès. Elle veut té-moigner. Elle aussi a torturé, le mal està la portée de tous. Le destin, heureuse-

ment, en a décidé autrement. La der-nière image que veulent garder ses amisest celle de l’auteure penchée sur samachine à coudre. A Laure Adler, quis’étonnait de la voir installer une ca-nette de fil doré, Duras répondit qu’ellese cousait un gilet doublé de soie, pourla réception à Stockholm. •Demain: Rock Hudson n’est pas mort dusida.

(1) Toutes les citations de cet article sontfausses, sauf celle de Jacques Brenner(«Journal» tome V, éditions Pauvert).

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LIBÉRATION Lundi 22 juillet2013 www.liberation.fr

VOUS PERMETTEZ ?

Michaux et Truffautsont dans un bateauPourquoi se souvient-onque 1984 est l’année de lamort de François Truffaut,deux jours après celle deHenri Michaux ? Peut-êtreparce que Truffaut est ledernier cinéaste populaire,le seul dont les enfants etles adultes attendaient leprochain film, grandpublic et pourtant prisdans une tramepersonnelle. Pendant desannées, il était de bon tonde mépriser ce cinéma,trop clair, tropdivertissant, trop chargéd’émotions, trop attentifau public, trop bien joué,trop rythmé, et peut-êtreaussi trop hétérosexuel,trop «bourgeois», on aentendu ce qualificatifdans la bouche depersonnes qui n’ont riende prolétaires. Jusqu’aujour où on a réaliséqu’accumuler tous ces«trop» n’allait pas de soi.Trente ans après sa mort,personne n’occupe laplace du cinéaste : uneferveur inquiète dans uneforme sage ; une proximitéavec le spectateur, quireconnaît une vie de filmen film, si bien quebeaucoup ont pu se sentirendeuillés à sa mort.«Enfant, j’avais envoyé unelettre à Truffaut pour luidire qu’Adèle avait raison.Il m’a répondu enm’envoyant l’affichedédicacée par lui et Adjanid’Adèle H, se souvient unquidam. J’ai récidivé à lasortie de Barocco deTéchiné, mais ça n’a pasmarché.» Il y a toujoursdes gens qui cherchent àfaire un cinéma populaire,mais leurs films necomposent aucunensemble, ne dessinentaucune figure. L’histoire

qu’ils montrent est claire,mais d’une clartééprouvante d’ennui, on lasent contrainte par lesdécideurs. Bien sûr, cesfilms peuvent remplir lessalles, ils sont là pour ça.Le casting est attrayant,leur «pitch» est vendeur,mais le cinéaste, lui, adisparu. Il a bien une tête,qui passe à la télé, onl’entend, la période depromo est intense, etpourtant il n’est jamaisidentifiable, rien ne ledifférencie des autres. Sices cinéastes semblentsubstituables les uns auxautres, c’est peut-êtrequ’ils le sont. L’acteurAndré Wilms : «Quatre-vingts pour cent des filmsfrançais sont réalisés par lechef op, responsable de sacouleur, quand inopinémentune teinte d’originalitésurgit.»Et Henri Michaux ?Pourquoi est-il lié àTruffaut s’ils n’ont rien àvoir ? Grâce à Libération.Le 22 octobre, le journalpartageait sa une : Michauxest mort. Truffaut estmort, et pour les deux unephoto en miroir. C’étaitsimple, c’est resté enmémoire. Henri Michaux adroit à cinq pages, unédito. On ne parle pas d’unpoète mort à la télé, nousa-t-on répété. Mais dansles journaux ? Accepterait-on aujourd’hui deconsacrer cinq pages à unpoète-peintre, qui refusaitque ses livres paraissent enpoche ? 1984 : l’époque oùles journaux pouvaienttraiter de ce qui lesintéressait, plutôt que dessupposés désirs deslecteurs et, ce faisant, neconnaissaient pas lacrise. •

Par ANNE DIATKINE Qu’un son impurabreuve nos sillons!ÇA VA ÇA VIENT Le compact disc débarque, balayantle vieux vinyle. Mais pour combien de temps?

I l n’y avait rien de spé-cialement cool, en 1984,à mettre un disque vi-nyle sur sa platine. Le

gros disque noir, lancéen 1948 pour remplacer letrop fragile et limité 78 tours,vivait ses belles années rou-tinières. Depuis deux ans, leThriller de Michael Jacksonplanait tout en haut des clas-sements de ventes, à peinemenacé cette année-là par labande originale de Footloose.En France, le premierTOP 50, diffusé le 4 novem-bre sur Canal +, avait pourchampions Peter et Sloane(Besoin de rien envie detoiiiiiiiii), Cookie Dingler(Femme libérée) et Scorpions(Still Loving You)…Bulldozer. Le compact disc,symbole d’un futur hyper-technologique lancé dans lecommerce depuis 1982, dé-collait à peine. Les lecteursse vendaient pour plusieursmilliers de francs et pre-naient la place d’un micro-ondes. Mais en posséder un,c’était changer de généra-tion. Comme aller voir Retourvers le futur l’année suivante.Après des années de cracho-tements, de frottements et de

rayures malencontreuses, leCD apportait enfin à domi-cile le son limpide dont rê-vaient les amoureux de mu-sique. Logiquement, lamusique classique fut la pre-mière à profiter de ce formatrévolutionnaire, qui permet-tait d’entendre une sympho-nie en haute définition sansavoir à se lever pour retour-ner le vinyle. Certes, les mai-sons de disques ont misquelques années avant demaîtriser la chaîne de pro-duction qui a permis d’en fi-nir avec le son un rien glacédes premiers CD, mais cenouveau format a eu vite faitd’enterrer le vieux vinyle,héritage de l’après-guerre,déjà dépassé en 1984.En 1991, devenu bulldozer, leCD a réduit le vinyle à néantà coups de compilations et demégamix. Pire, les albums decette époque étaient livrésdans un boîtier en plastiquequi ne demandait qu’à secasser et renvoyait le gra-phisme de la pochette aurang d’argument négligea-ble. Remarquablement peucoûteux à produire et à dis-tribuer – et donc terrible-ment rentable –, le CD fut

l’outil de l’apogée de l’in-dustrie musicale au tout dé-but des années 2000. Lamême qui n’a pas vu – aumême moment – le venttourner lorsque les premiersMP3 ont commencé às’échanger librement sur In-ternet. La même qui n’atrouvé comme réponsequ’une géguerre judiciairedont on sort à peine.Spleen. Après quelques an-nées en perfusion directe de-puis SoulSeek, BitTorrent etPirate Bay, les amoureux demusique ont toutefois vus’installer un spleen inat-tendu. La facilité à trouverun album sur Internet étaitdevenue inversement pro-portionnelle à l’engagementémotionnel qu’on y plaçait.La musique était devenue unflux distant dans lequel onpiochait avec une frénésiecoupable. Il fallait ralentir,essayer de se poser un ins-tant… Et quoi de mieuxqu’un vinyle, symbole dedécennies aussi glorieusesque fantasmées ?Depuis cinq ans, le disquevinyle est ainsi devenu l’undes rarissimes cas de tech-nologie obsolète réapparuedans les habitudes deconsommation. Surfantautant sur une préoccupa-tion sonore que sur une pas-sion pour l’ancien, il attireles nostalgiques et les bran-chés futurophobes qui nemanquent jamais de vanter«le son chaud du sillon» enfrisant leur moustache.Pendant ce temps, les CDmoisissent dans les brocan-tes en se demandant si onn’aurait pas sacrifié leursqualités dans cette sombrehistoire.

SOPHIAN FANEN

ETAU

SSI

CHAUD BIZ Partouze pour tous

L es plans à plusieurs, y a queles cathos français qui saventy faire, parce qu’en Inde, zéro.

Pour preuve, en juin 1984, la manifBCBG pour l’école libre (c’est-à-direcontre l’école publique et républi-

caine) rassemble entre 700 000 et2 millions de participants qui enfan-tent à peu près autant de consan-guins, lesquels défileront en 2013contre les droits des pédés. Au Pun-jab, dix-huit jours plus tôt, l’armée

indienne fait 650 morts et 240 bles-sés au Temple d’Or, refuge des sépa-ratistes sikhs. Le plan à onze françaisréussit sa coupe d’Europe. MichelPlatini refuse toujours de poser pourles Dieux du Stade. Et nous on pleure.

SURP

RISE

33 tours et puis s’en vont. GEORGE BENSON. PLAIN PICURE

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LIBÉRATION Lundi 22 juillet 2013 www.liberation.fr

Le site de l’Opéra­Bastille, qui sera dessiné par l’architecte canadien Carlos Ott. PHOTO CHRISTIAN VIOUJARD. GAMMA

La Bastille prisepar «les Troyens»ÇA A EU LIEU L’Opéra, un des grands travaux du présidentMitterrand, est lancé. Un feuilleton à rebondissements.

D ébut juin, bulldo-zers et marteaux-piqueurs conjuguentleurs forces pour

mettre à bas l’ancienne gare dela Bastille, désaffectée de-puis 1969, où François Mit-terrand a décidé, pour d’évi-dentes raisons symboliques,d’ériger l’opéra populaire deParis. Contrairement aux idéesreçues, ce projet n’est pas néde la cuisse du dernier grandmonarque ou de l’imaginationdu premier pharaon de France,mais fut régulièrement remissur le tapis au XXe siècle, avantd’être concrétisé dans le cadredes grands travaux.Plus de 700 architectes ontpostulé au concours de l’Opé-ra-Bastille – qui devait origi-nellement faire partie de la citéde la Musique, porte de Pantin.

La légende voudrait que Mit-terrand ait choisi le projet deCarlos Ott, un Canadien d’ori-gine uruguayenne – alors dé-butant–, persuadé d’avoir re-connu le style de RichardMeier. De Jean-Pierre Bross-mann à Daniel Toscan du Plan-tier, en passant par Gérard

Mortier et Dominique Meyer,on ne compte plus les person-nalités missionnées et démis-sionnées jusqu’à l’inaugura-tion, le 13 juillet 1989.Premier président de l’institu-tion, Pierre Bergé offre au pu-blic parisien les Troyens de Ber-lioz en version intégrale, un Bal

masqué de Verdi, avec Pavarottiet retransmis sur écran géantplace de la Bastille, des Contesd’Hoffmann montés par Po-lanski, avec la jeune NatalieDessay, ou encore la produc-tion signée Peter Sellars, pourSalzbourg, du Saint Françoisd’Assise de Messiaen. Mais en-

tre les dalles de pierre qui chu-tent dans la rue de Lyon etobligent à entourer le bâtimentd’un filet , les scandales –ren-voi du chef Daniel Barenboimau profit de Myung-WhunChung – et l’acoustique af-freuse, le lieu de 2 700 placesattendra 1994 et la nominationde Hugues Gall pour trou-ver sa vitesse de croisière.Aujourd’hui, de Graz à Shan-ghai, on construit des dizainesd’opéras par an.Seul problème, les voix capa-bles de rendre justice auxgrands rôles de Verdi, Pucciniou Wagner sont trop rarespour faire de l’opéra un art demasse, à moins de le travestir.Ce qui est souvent le cas.

ÉRIC DAHANDemain: Au large de Terre­Neuve, où repose «le Titanic».

ÇA PASSE OU ÇA CLASSEValérieE xiste aussi au masculin. Valère ou Valéry?

Valérian, marié avec Laureline. En hypoco-ristique, Valoche, mais pas terrible pour

guédra (genre t’as des valoches sous les yeux mapauvre fille). Sinon tu es célèbre pour ton rôle chezWagner («la Chevauchée des Waléries»), pour tes

tweets irrités contre l’ex-meuf de ton mari dePrésident, ton massacre déco des intérieurs fran-çais à coups de stickers et de rideaux de fil, telleune Yayoi Kusama qui toucherait le RSA. Parfois,tu fais des films ensemble: Lemercier et Donzelli,on vous embrasse chaleureusement.

Tout l’été, coupez, collezet reconstituez

le dessin de StéphaneBlanquet sur une page

de Libé du 9 juilletLes puzzles complets

gagneront une surprise.

PUZZLE

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LIBÉRATION Lundi 22 juillet2013 www.liberation.fr

Comment avez-vous trouvé votreprestation ce soir?J’ai été content de l’émission, j’aitrouvé que c’était sympathique,mais je suis tout à fait incapable dejuger ma prestation.Vous rejouez-vous certaines ques-tions dans votre tête genre: «J’auraisdû répondre ceci ou cela»…Bien sûr. Je devrais regarder la cas-sette, ne serait-ce que pour me cor-riger des défauts de forme ou des er-reurs de fond. Mais je vous l’avoue,je ne le fais pas. Parce qu’il faut dutemps et que les jours passent.[…] Y a-t-il eu des moments ce soiroù vous vous êtes senti meilleur qued’autres?

(Silence) Non.Préférez-vous qu’on vous pose desquestions agressives?J’ai plus de goût pour réagir àl’agressivité que pour le dialogue unpeu mou. Ce qui d’ailleurs a été uninconvénient: je lui dois mon imagede marque autoritaire et dure, ceque je ne suis pas en réalité, mais quis’est imprimée dans les esprits.Mais c’est vrai que j’ai une espècede goût spontané pour réagir àl’agression.Vous préparez-vous pour une telleémission?Non. Vous savez, je fais des réunionsen permanence. Hier, à Sarcelles,j’ai répondu pendant deux heures

aux questions. C’était pratiquementles mêmes. Je ferai une réunion àToulon, cette semaine, une autredans le Cantal.Une émission ne justifie pas un tra-vail d’étude particulier de dossiers.On ne parle pas de la même façon àun haut fonctionnaire et à des mil-lions de téléspectateurs.Essayez-vous de simplifier votre lan-gage à la télévision?Oui. Je devrais d’ailleurs faire un ef-fort pour le simplifier davantage.J’emploie probablement un langagetrop abstrait, dû à ma formation defonctionnaire. Il n’est pas ressentide façon concrète, comme il fau-drait le faire.[…] Y a-t-il des hommes politiques,des orateurs, que vous admirez pourleur style?Je n’ai pas de noms particuliers entête, mais il y a des hommes qui sontde bons orateurs et il y en a demoins bien. L’art oratoire est mortavec le micro. Avec la sono.Quand il fallait s’imposer à unesalle, cela nécessitait des capacitésphysiques et intellectuelles, surtoutà une époque beaucoup plus contes-tataire qu’aujourd’hui – je pense àla IIIe République.Et puis le jour où n’importe qui avecun filet de voix a pu s’imposer àn’importe quelle salle grâce à la so-norisation, n’importe qui a pu par-ler. J’ai très bien connu un homme,un des fils spirituels de Léon Blum,Charles Spinasse. A 80 ans, il fai-sait des discours absolument fa-buleux, mais qu’il apprenait parcœur.C’était une époque où l’on apprenaitses discours, «ces improvisations quej’ai tant de mal à préparer», disaitAristide Briand. Et je voyais Spi-nasse qui écrivait n’importe queldiscours de comice agricole, l’ap-prenait par cœur, puis se promenaitdans son jardin en le récitant.Evidemment, cela donnait des dis-cours superbes, d’une qualité ex-traordinaire. Toute sa vie, il avaitcultivé sa voix, c’était un très grandorateur.Vous ne voyez plus aujourd’huiquelqu’un apprendre son discourspar cœur. Nous sommes dans unepériode de passivité, chacun lit enânonnant plus ou moins son dis-cours. Grâce au micro, sa voix porteet s’impose, il n’y a plus de vraisorateurs.

Recueilli par MLLE HH 007(Paru le 29 mars 1984)

L’interviewé de samedi­dimanche étaitColuche.

«L’art oratoireest mort avecle micro»QUI VA LÀ? Quel homme politiquefrançais répondait cette année­làà nos questions?

ETAU

SSI

QUI TWEETE?

Ça vient des anciennes danses decombat des Caraïbes, ça touche toutela culture noire et des îles #première

Réponse:Sidney,animateurdel’émissionH.I.P.H.O.P.

«Regarde, le jour se lève, dans la tendresse, sur la ville.— Tume fais vivre comme dans un rêve, tout ce que j’aime.» Maispourquoi autant de vaseline sur l’image de la vidéo? Pour-quoi ces coupes de caniche déjà démodées? Pourquoi cetair de Sheila et de Ringo Starr sous coke ?

Réponse:Besoinderienenviedetoi,dePeteretSloane.

Le «XIII»amnésique

QUIZ Le hérosde la BD culte faisaitsa première apparition.

1 En 1984 paraît le premier tome de laBD signée Van Hamme et Vance:A. Le Jour le plus long.B. Le Jour des longs couteaux.C. Le Jour du soleil noir.D. Le Jour de la marmotte.

2 Sur quelle partie du corps le héros a-t-il le chiffre XIII tatoué?

A. A l’arrière du cou.B. Sur l’épaule droite.C. Au bas du dos.D. Au-dessus de la clavicule gauche.

3 Qui est le numéro 1 de laconspiration des XX, voulant le

pouvoir après l’assassinat du Président?A. Le frère du Président.B. Le conseiller du Président.C. La femme du Président.D. Le fils du Président.

4 Comment s’appelle le tueur à gageslancé aux trousses de XIII?

A. La Vipère.B. Le Caméléon.C. Le Squale.D. La Mangouste.

5 A quelle chanteuse le major Jonesemprunte-t-elle ses traits?

A. Donna Summer.B. Janet Jackson.C. Tina Turner.D. Whitney Houston.

6 Dans quel pays imaginaire XIII est-ilconnu comme «el Cascador»?

A. Le San Theodoros.B. Le Costa Verde.C. La Palombie.D. Le Sao Rico.

7 Quel acteur a le premier incarné XIIIpour la télévision, en 2008?

A. Stuart Townsend.B. Jason Statham.C. Stephen Dorff.D. Jean Dujardin.

Réponses:1.c;2.d;3.a;4.d;5.d;6.b;7.c.

SIPA

BANDE­SON MAIS C’EST BIEN SÛR!

Par GUILLAUME LAUNAY

REU

TERS

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LIBÉRATION Lundi 22 juillet 2013 www.liberation.fr

L e cycle infernal de la famineexplose en Afrique dans lesannées 80. Sebastião Sal­gado, photojournaliste

brésilien raconte : «Je veux savoir,j’ai envie d’aller voir.» En collabora-tion avec l’organisation humanitaireMédecins sans frontières, il entame,en 1984, un travail documentairesur la sécheresse et son effet dévas-tateur dans la région du Sahel.

Christian Caujolle, alors chef duservice photo à Libération, publie enjanvier 1985 ce reportage de fondsur la famine. Face aux images denews répétitives, il cherche uneécriture singulière et trouve en Se-bastião Salgado un nouveau regard,un traitement à la fois engagé etbouleversant.Le photographe décortique la dou-loureuse réalité de cette catastro-

phe. Un témoignage précieux, dé-taillé, qui sera primé l’annéesuivante au World press photo. Il re-mettra les 30 000 francs du prix àMSF pour l’Ethiopie, publiera le li-vre Sahel, l’homme en détresse, éga-lement au profit de l’association,continuant ainsi de dénoncerl’inacceptable afin d’encourager desmouvements de solidarité.

SERVICE PHOTO

PHOTOSCOPIE

Prochede la faim

L’Ethiopie est frappée par une famine historique: au centre d’hospitalisation pédiatrique et de nourriture de Korem, dans le nord du pays.

Préparation avant la cérémonie funéraire. Les pieds des victimes sont attachés afin que les jambes ne se cassent pas.

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LIBÉRATION Lundi 22 juillet2013 www.liberation.fr

Un meurtre non résolu. GérardLebovici, le producteur, agent, etéditeur de Guy Debord, estretrouvé mort dans sa Renault 30 TX,au premier sous-sol du parking del’avenue Foch. «La victime a étéexécutée de quatre balles de 22 longrifle dans la nuque, à bout portant.Trois douilles jonchent le tapis duvéhicule, la quatrième est posée,debout, sur la lunette arrière : lemessage est clair, le crime a étéperpétré par contrat.» (Jean­LucDouin).Mort de Julio Cortázar, Henri Mi­chaux, Chester Himes, RichardBrautigan, Victor Chklovski. Mortde Céleste Albaret, la gouvernantede Proust, et de l’éditeurJoséCorti. Michel Foucault meurt dusida. Obsèques à Los Angeles de Tru­man Capote. Beaucoup de monde,des caméras de télévision, au

cimetière de Westwood Village, où ilvenait visiter les tombes de ses amiesNatalie Wood et Marilyn Monroe. Onlit le premier chapitre de De sang-froid. Harper Lee et Joan Didionsont là. «Christopher Isherwood,fragile, la démarche lente, fut ledernier à s’avancer. Il ne prononçaque quelques mots, puis il se mit àrire.» (Lawrence Grobel,Conversations avec Truman Capote).Le Goncourt à l’Amant deMarguerite Duras, le Booker Prizeà Hôtel du lac d’Anita Brookner.La première «vie» du premier livrede Pierre Michon, Vies minuscules(Gallimard) est celle d’AndréDufourneau et commence ainsi :«Avançons dans la genèse de mesprétentions. Ai-je quelque ascendantqui fut beau capitaine, jeune enseigneinsolent ou négrier farouchementtaciturne ?» •

Par CLAIRE DEVARRIEUX

LE CARNET LIVRES

Guy Debord perdson mentor

A la belle époque, où toutétait plus simple, les gen-tils étaient gentils, les

méchants méchants et la couleurgrise n’avait pas encore été inven-tée. En URSS, on ne se cassait pasla tête lors des passations de pou-voir. Le 13 février 1984, quelquesjours après la mort de Iouri An-dropov (resté un an et demi aupouvoir), Constantin Tchernenkoest désigné secrétaire général ducomité central du Parti commu-niste. Le plus vieux dans le gradele plus élevé, un choix d’une logi-que gérontocrate assez épatante.Pur stalinien, il ne s’est pourtantjamais fait remarquer pour sesidées ou prises de positions. Maisplutôt pour ses talents d’officierpolitique dans une unité de gardefrontières dans les années 30, puis

pour sa fidélité à Brejnev. Origi-naire d’une famille paysanned’Ukraine déportée au début dusiècle en Sibérie, il est le symboled’un appareil à bout de souffle, in-capable de se réformer. Le Canardenchaîné parle alors du «triomphedu marxisme-sénilisme». Tcher-nenko, comme l’URSS, est, ausens propre, pourri de l’intérieur.Emphysème des poumons, insuf-fisance cardiopulmonaire, hépa-tite chronique évoluant en cir-rhose, les treize mois de son règnene sont qu’une suite de séjours àl’hôpital. Lors de ses dernières ap-paritions publiques, son teint estbleu, il arrive à peine à respirer etle cerveau n’est plus très bien ali-menté en oxygène. Le 13 mars1985, son cœur s’arrête.

QUENTIN GIRARD

Tchernenko,marxiste-sénilisteBOULET Moribond, le successeurd’Andropov prend le pouvoir en URSS.

CASE MÉMOIRE Par FRANÇOIS AYROLES

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22 au 26 juillet• Faire un bon synopsis pour mieuxvendre sa pige22 juillet

• Concevoir et diffuser une newsletter25 et 26 juillet

Du 19 au 30 août 2013

Unété numérique

Cinq ateliers pour s'exercer aux outils ettechniques des métiers de l'information.

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Les ateliers d'aoûtLes bases de la réalisation vidéoLes outils et la pratiquedu journalisme multimédiaAméliorer la qualité de ses écritsSe lancer dans la pigeLes nouveaux outils et supportsde la communication associative

Du 29 juillet au 16 août 2013

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Trois semaines pour découvrir unmétier ou préparer une reconversion.

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11/39RÉSUMÉ DESÉPISODESPRÉCÉDENTSLe dragueur type,notre héros, tentedes approchesimproviséespour séduire unefemme, n’importeoù. Ici, dans lemétro, c’est unéchec. Mais lebraillement d’univrogne agressantune fille donnepeut­être à notrehéros uneopportunité.

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LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 2013 BD • 39

Page 40: LIBERATION N°10011 du Lundi 22 Juillet 2013.pdf

PORTRAIT HERVÉ LEBRETON

ble», décrète-t-il. D’autres se seraient contentés de s’indi-gner. Lui commence une croisade qui le situe quelque partentre Don Quichotte et Kafka. Il interpelle d’abord le députéde sa circonscription. Hasard ou coïncidence, il se trouve quecelui-ci est alors le président de la commission des finances.Il s’agit d’un certain Jérôme Cahuzac. N’obtenant pas deréponse de ce côté («il s’est foutu de ma gueule»), Lebretonva frapper à toutes les portes possibles. Il commence parl’Assemblée, où «dès qu’un citoyen appelle, ils sont perdus».Il découvre que ces budgets sont alloués par deux ministères,l’Intérieur et le Budget. Il écrit à tout ce petit monde, sanssuccès. Il se tourne ensuite vers la Commission d’accès auxdocuments administratifs. Quand, malgré l’avis favorablede cette dernière, il n’obtient toujours rien, il décide de saisirla justice. Il dépose un recours devant le tribunal adminis-tratif. Lequel lui donne raison. Le voilà en possession d’undocument fort de plusieurs milliers d’entrées, qu’il passe sesnuits à dépiauter, aidé du collectif Regards citoyens et dejournalistes.Quand Lebreton considère le chemin parcouru, il a du malà y croire lui-même. Mais il confie avec un sourire presqueespiègle : «Je déroute un peu les gens. Quand j’ai une idée entête, je sais que je vais y arriver.» Il n’a pas étudié le droit.

Sa soif procédurière se nourrit exclusivement de ce qu’iltrouve sur Internet. Lorsqu’il s’agit de resituer le déroulé desévénements, il s’emmêle dans les dates. Il avoue avoir du mal«à apprendre par cœur». Mais s’il y a bien une chose aveclaquelle il ne plaisante pas, c’est la Constitution, qu’il necesse de citer avec fougue. «Je suis un peu rigide là-dessus»,admet-il. Rigide, tenace, intransigeant même. Il revendiquemalgré tout une forte capacité d’adaptation, due à sa solideformation scientifique, maths sup et spé, ainsi qu’à dix an-nées passées à vadrouiller comme prof remplaçant, des sixiè-mes aux BTS. Une faculté qui se révèle utile quand il vient,seul, plaider sa cause devant un tribunal, face à des avocatschevronnés. «J’ai entendu les avocats dire “M. le Président”,alors j’ai fait pareil.»La réserve parlementaire n’est pas le premier combat du zélécitoyen. En 2008, il décide de fonder l’association Pour unedémocratie directe. L’objet de son pointilleux courroux :le régime spécial de pension des parlementaires, qui fait tacheà l’heure de la réforme des retraites de M. Tout-le-monde.«Quand je vois mon voisin vivre avec 300 euros, c’est inconce-vable.» Là aussi, il accumule les démarches, envoie une lettreà chacun des 577 députés, remue, réécrit, interpelle, rappelle,vingt fois s’il le faut. Il envoie tellement de mails qu’il doitgruger pour ne pas êtreclassé comme spammeurauprès de son fournisseurd’accès. Père de deux petitesfilles, sa compulsion admi-nistrativo-légaliste vient parvagues, et n’empiète pas tropsur sa vie de famille.«Je viens d’une famille où onparle de politique et de religionsans que personne ne se fâcheà Noël.» Et si un joursa femme, professeur desécoles, lui dit stop, il arrê-tera. «Elle me tempère. Si ellen’était pas là, j’aurais déjàmonté ma tente Quechua de-vant l’Assemblée nationale.»Il ajoute : «Je suis citoyen,je n’ai peur de rien.»Pas peur non plus de se lancer dans la course des législatives,en 2012, portant fièrement son affiliation «sans étiquette».«J’avais envie de voir ce qu’un simple citoyen peut faire en dehorsdes partis», organismes qu’il estime nécessaires mais pas as-sez efficaces. Il ne dévoile pas ses préférences, mais son rigo-risme moderniste allié à un souci d’équité pointerait vers uneforme d’écolo-bayrouisme. Pendant la campagne, il se pro-duit dans une réunion publique affublé d’une énorme pan-carte pour rappeler au tout nouveau ministre du Budget sespromesses de déontologie et de transparence. Il obtient 1,21%des voix. L’ironie a voulu que dans sa chute, Cahuzac braquele projecteur sur les sujets chers à Lebreton, ranimant les vel-léités d’éthique gouvernementale. Ce qui a encouragé le profde maths à se représenter à la législative partielle de juin,attentif à l’application du code électoral à la lettre. Il a saisile CSA pour obtenir du temps de parole et incendié le préfetparce qu’il manquait l’un des 17 panneaux d’affichage devantune mairie. Son score, cette fois ? 1,69 % des voix…«Il a un côté chevalier blanc qui peut sembler désuet ou à côtéde la plaque, mais il est impressionnant de rigueur», confieJérôme Schrepf, journaliste de la Dépêche du Midi qui l’a cô-toyé. Qu’on le traite d’emmerdeur le touche finalementmoins que ceux qui l’accusent, par son comportement, defaire le jeu du FN, en pleine progression à Villeneuve-sur-Lot.Un sujet sur lequel il s’épanche peu : «On n’a que ce qu’onmérite. Ils sont légitimes mais ça m’arrache le cœur.»Il ne regarde pas le journal télé («trop violent») et préfèrela radio. Chez lui, les dossiers s’empilent. Quant au budgetcourrier, il le sort de sa poche. «Personnellement, je ne retirerien de ces démarches.» A part peut-être un peu d’orgueil…Comme pour s’en préserver, il répète : «Il ne faut pas queje prenne la grosse tête.»En attendant, le contexte évolue, jusque sur les bancs desparlementaires, prêts à voter la publicité de la cagnotte. «Il estapparu aux sénateurs que c’était désormais inévitable»,convient l’un d’eux. Pas suffisant pour l’intransigeant profde maths, qui a acquis la conviction que ce système devaitêtre supprimé pour de bon. Dans les règles, bien entendu. •

Par SOPHIE GINDENSPERGERPhoto BRUNO CHAROY

EN 6 DATES

1971 Naissance à Blois (Loir­et­Cher). 2008 Créel’association Pour unedémocratie directe.2010 Pétition sur la pensiondes parlementaires. 2012Candidat sans étiquetteà Villeneuve­sur­Lot.2013 Obtient gain de causecontre le ministère del’Intérieur sur la réserveparlementaire. Lundi22 juillet Le texte sur latransparence de la réserveparlementaire revient àl’Assemblée nationale.

L a première fois qu’il a pénétré au Palais-Bourbon,il était très impressionné. Non par l’apparat et les do-rures, mais plutôt par les grandes lois qui y ont vule jour. C’était le 10 juillet. Ce jour-là, Hervé Lebre-

ton, 42 ans, professeur de mathématiques dans le Lot-et-Ga-ronne, s’est invité à l’Assemblée nationale. Il y étalait sonrécent butin, fruit de deux années de recherches: la liste dessubventions de l’année 2011 allouées aux collectivités locales,dans le cadre de la réserve parlementaire.«Dire “réserve parlementaire” est un abus de langage. Le termeexact, c’est “crédits 122-01, aide exceptionnelle aux collectivitésterritoriales”», précise d’emblée ce tatillon à l’air juvénile,attablé dans un café à deux pas de la Chambre. Une sorte de«caisse noire» légale d’environ 150 millions d’euros qui,selon une pratique coutumière, permet aux députés de finan-cer les collectivités locales et les associations de leur circons-cription. Ce qui, de fait, ouvre la voie à tous les clientélismes.Quand, il y a deux ans, ce père de famille découvre ce pro-cédé au cours d’une conversation anodine, c’est «un groschoc». «Argent public et système opaque, cela ne va pas ensem-

Pointilleux et acharné, ce professeur de maths du Lot-et-Garonne réclame la suppression de la réserve parlementaire.

Citoyen sans réserve

LIBÉRATION LUNDI 22 JUILLET 2013