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UNIVERSITÉ PAUL CÉZANNE - AIX-MARSEILLE III ECOLE DOCTORALE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES Faculté de Droit et de Science Politique LA LIBERTÉ CONTRACTUELLE EN DROIT DES TRANSPORTS MARITIMES DE MARCHANDISES L’exemple du contrat de volume soumis aux Règles de Rotterdam Thèse en vue de l’obtention du Doctorat en droit Présentée et soutenue publiquement Le 20 décembre 2010 Par Wei HOU MEMBRES DU JURY Cyril BLOCH Professeur à l’Université du Sud, Toulon-Var Pierre BONASSIES Professeur honoraire à l’Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III, Président honoraire de l’Association Française de Droit Maritime Philippe DELEBECQUE Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne, Paris 1 Président de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris Banggui JIN Maître de conférence à l’Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III, Directeur de l’Institut de Recherches Europe-Asie, Directeur de recherche Christian SCAPEL Maître de conférence à l’Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III, Directeur du Centre de Droit Maritime et des Transports VOLUME 1

Liberte contractuel

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  • 1. UNIVERSIT PAUL CZANNE - AIX-MARSEILLE III ECOLE DOCTORALE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES Facult de Droit et de Science Politique LA LIBERT CONTRACTUELLE EN DROIT DES TRANSPORTS MARITIMES DE MARCHANDISES Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam Thse en vue de lobtention du Doctorat en droit Prsente et soutenue publiquement Le 20 dcembre 2010 Par Wei HOU MEMBRES DU JURY Cyril BLOCH Professeur lUniversit du Sud, Toulon-Var Pierre BONASSIES Professeur honoraire lUniversit Paul Czanne, Aix-Marseille III, Prsident honoraire de lAssociation Franaise de Droit Maritime Philippe DELEBECQUE Professeur lUniversit Panthon-Sorbonne, Paris 1 Prsident de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris Banggui JIN Matre de confrence lUniversit Paul Czanne, Aix-Marseille III, Directeur de lInstitut de Recherches Europe-Asie, Directeur de recherche Christian SCAPEL Matre de confrence lUniversit Paul Czanne, Aix-Marseille III, Directeur du Centre de Droit Maritime et des Transports VOLUME 1
  • 2. II
  • 3. III A MA FAMILLE
  • 4. IV
  • 5. V REMERCIEMENTS Jexprime ici mes plus vifs remerciements Monsieur Banggui JIN et au Professeur Philippe DELEBECQUE pour leur aide, leur patience et leur encouragement accord pour la ralisation de ma thse. Je voudrais remercier tous les membres de jury, qui mont fait lhonneur de siger dans ce jury de thse. En particulier, je voudrais saluer Professeur Pierre BONASSIES, qui a accept comme un membre de jury de ma thse. Jexprime aussi ma gratitude lquipe de lIREA et CDMT, qui, pendant ces quatre ans, mont donn des soutiens. Je tiens particulirement remercier Monsieur Christian SCAPEL qui ma accept de suivre mes tudes de Master 2 au CDMT et ma donn son aide pendant ma recherche de thse. Ma gratitude va galement tous mes amis qui mont soutenu et aid. Ils sadressent particulirement Mademoiselle Anne-Ccile NAUDIN, Monsieur Shaolin XU, Monsieur Jie LI et Monsieur Qian SHEN. Laboutissement de cette thse a aussi t encourag par de nombreuses discussions avec des collgues. Je ne citerai pas de nom ici, pour ne pas en oublier certains.
  • 6. VI
  • 7. VII LISTE DES PRINCIPALES ABRVIATIONS ADMA Annuaire de Droit Maritime et Arospatial ADMC Annuaire de Droit Maritime Chinois ADMO Annuaire de Droit Maritime Ocanique AMC American Maritime Case BIMCO Baltic and International Maritime Council BT Bulletin des Transports BTL Bulletin des Transports et de la Logistique Bull.civ Bulletin des arrts de la Cour de cassation (chambres civiles) CA Cour dappel CAMP Chambre Arbitrale Maritime de Paris CDMT Centre de Droit Maritime et des Transports CIFFA Canadian International Freight Forwarders Association CJCE Cour de Justice des Communauts Europennes CMI Comit Maritime International CMR Convention on the International Carriage of Goods by Road CMLA China Maritime Law Association CNUCED Confrence des Nations Unis sur le Commerce et le Dveloppement CNUDCI Commission des Nations Unis pour le Droit du Commerce International COA Contract of Affreightment COGSA Carriage of Goods by Sea Act COM Chambre commerciale de la Cour de cassation DMF Droit Maritime Franais DP Dalloz Priodique ETL European Transport Law ESC European Shippers Council FCL Full Container Load FIATA International Federation of Freight Forwarders Associations FIOST Free In and Out and Stowed and Trimmed FMC Federal Maritime Commission (USA) IMTM Institut Mditerranen des Transports Maritimes JCP Semaine Juridique J.-Cl. Juris-Classeur JIML Journal of International Maritime Law JMLC Journal of Maritime Law and Commerce JMM Journal de la Marine Marchande LCL Less Than Container Load LGDJ Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence LLP Lloyds of London Press Llyods Rep. Lloyds Law Report LMCLQ Lloyds Maritime and Commercial Law Quaterly
  • 8. VIII LMLN Lloyds Maritime Law Newsletter NITL National Industrial Transportation League (USA) NSA NVOCC Service Agreement NVOCC Non Vessel Operating Common Carrier OCDE Organisation for Economic Co-operation and Development OLSA Ocean Liner Service Agreement OSRA Ocean Shipping Reform Act OTI Ocean Transportation Intermediaire PUAM Presses Universitaires dAix-Marseille PUF Presse Universitaire de France RD Recueil Dalloz RDC Revue des Contrats Rev.crit. Revue Critique de Droit International Priv Rev.dr.unif Revue de Droit Uniforme Revue Scapel Revue de Droit Commercial, Maritime, Arien et Des Transports RJDA Revue de Jurisprudence et de Droit des Affaires Ro-Ro Roll-on Roll-off RRJ Revue de la recherche juridique - Droit prospectif RTD civ. Revue Trimestrielle de Droit Civil SDNY Southern District of New-York TEU Twenty Feet Equivalent Unit VOCC Vessel Operating Common Carrier VSA Vessel Sharing Agreement WSC World Shipping Council (USA)
  • 9. IX SOMMAIRE INTRODUCTION TITRE PRLIMINAIRE PREMIRE PARTIE LA RECONNAISSANCE DE LA LIBERT CONTRACTUELLE DANS LE CONTRAT DE VOLUME SOUMIS AUX RGLES DE ROTTERDAM TITRE 1 LE FONDEMENT DE LA LIBERT CONTRACTUELLE DANS LE CONTRAT DE VOLUME Chapitre 1 La notion de contrat de volume Chapitre 2 Lintroduction de la libert contractuelle dans le contrat de volume TITRE 2 LES CONDITIONS PRALABLES LA RALISATION DE LA LIBERT CONTRACTUELLE DANS LE CONTRAT DE VOLUME Chapitre 1 La validit de la clause drogatoire du contrat de volume entre le transporteur et le chargeur Chapitre 2 Lopposabilit de la clause drogatoire du contrat de volume aux tiers autres que le chargeur Chapitre 3 Les conditions pralables la ralisation de la libert contractuelle dans le contrat de volume ayant laspect multimodal SECONDE PARTIE LES LIMITES LA LIBERT CONTRACTUELLE DANS LE CONTRAT DE VOLUME SOUMIS AUX RGLES DE ROTTERDAM TITRE 1 LA PRISE EN COMPTE DES OBLIGATIONS IMPRATIVES Chapitre 1 Les obligations impratives du transporteur Chapitre 2 Les obligations impratives du chargeur TITRE 2 LA PRISE EN COMPTE DU PRINCIPE DE BONNE FOI Chapitre 1 Lintroduction de la faute inexcusable dans le contrle de la libert contractuelle dans le contrat de volume Chapitre 2 Lapprciation de la faute inexcusable dans le contrle de la libert contractuelle dans le contrat de volume CONCLUSION
  • 10. X
  • 11. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 1 INTRODUCTION 1. La convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectu entirement ou partiellement par mer, appele Les Rgles de Rotterdam , a t adopte par lassemble gnrale des Nations Unies le 11 dcembre 20081 . Une crmonie officielle de signature a eu lieu le 23 septembre 2009 Rotterdam, aux Pays-Bas2 . Aujourdhui, il y a 23 pays qui ont sign cette convention internationale3 . La nouvelle convention est ouverte la ratification des tats et entrera en vigueur lissue de sa vingtime ratification4 . La pdagogie est en cours5 . Ds sa publication6 , cette convention internationale a 1 A/RES/63/122. En ce qui concerne les travaux prparatoires des Rgles de Rotterdam, voir : DELEBECQUE Philippe, Le projet CNUDCI dinstrument sur le transport de marchandise par mer, DMF 2003, p. p. 915/939 ; DELEBECQUE Philippe, Les travaux du Comit droit des transports du CMI sur le projet CNUDCI, DMF 2004, p.p. 820/833 ; DELEBECQUE Philippe, Le projet de Convention sur le transport de marchandises entirement et partiellement par mer, DMF 2006, p.p. 691/699 ; DELEBECQUE Philippe, Le projet de Convention CNUDCI sur le transport de marchandises entirement ou partiellement par mer (aprs la session de Vienne de novembre 2006), DMF 2007, p.p. 291/299 ; DELEBECQUE Philippe, Le projet CNUDCI sur le transport de marchandises entirement ou partiellement par mer : derners pas avant une adoption ?, DMF 2007, p.p. 771/778 ; DELEBECQUE Philippe, Le projet CNUDCI, suite et fin : La Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises entirement ou partiellement par mer , DMF 2008, p.p. 211/215 ; DELEBECQUE Philippe, La Convention sur le contrat de transport international entirement ou partiellement par mer : dernire prcisions, DMF 2008, p.p. 787/790 ; STURLEY Michal F., The United Nations Commission on International Trade Laws Transport Law Project : An Interim View of a Work in Progress, Texas international Law Journal 2003, p.p.66/109 ; BERLINGIERI F., La gense et les travaux prparatoires des Rgles de Rotterdam, Colloque des Rgles de Rotterdam des 20 et 21 mai 2010 Marseille ; DIAMOND Anthony, The Rotterdam Rules, LMCLQ [2009], p.p. 445/536. 2 Voir : http://www.rotterdamrules2009.com/cms/index.php. 3 LArmnie, le Cameroun, le Congo, le Danemark, lEspagne, les tats-Unis, la France, le Gabon, le Ghana, la Grce, la Guine, le Luxembourg, Madagascar, le Mali, le Niger, le Nigeria, la Norvge, les Pays-Bas, la Pologne, la Rpublique dmocratique du Congo, le Sngal, la Suisse, le Togo. 4 Il faut souligner la diffrence entre la signature et la ratification. Voir larticle 94 des Rgles de Rotterdam : La prsente convention entrera en vigueur le premier jour du mois suivant lexpiration dun dlai dun an compter de la date du dpt du vingtime instrument de ratification, dacceptation, dapprobation ou dadhsion. Pour tout tat qui deviendra tat contractant la prsente convention aprs la date du dpt du vingtime instrument de ratification, dacceptation, dapprobation ou dadhsion, la prsente convention entrera en vigueur le premier jour du mois suivant lexpiration dun dlai dun an compter de la date du dpt de linstrument appropri au nom dudit tat. 5 BAATZ Yvonne, The Rotterdam Rules : A Practical Annotation, Informa 2009 ; TOHMAS Rhidian, A New Convention for the Carriage of Goods by Sea- the Rotterdam Rules: An analysis of the UN Convention on Contracts for the International Carriage of Goods Wholly or Partly by Sea, Lawtext Publishing Ltd, 2009 ; 2009(SI Yuzhuo et HAN Lixin, tude sur les Rgles de Rotterdam, 2009, Dalian maritime university press) ; DIAMOND Anthony, The Rotterdam Rules, LMCLQ [2009], p. p. 445/536 ; TOHMAS Rhidian, The Carriage of Goods by Sea Under the Rotterdam Rules, Lloyds List, 2010 ; VAN ZIEGLER Alexander, SCHELIN Johan et ZUNARELLI Stefano, The Rotterdam Rules 2008, Commentary to the United Nations Convention on Contracts for the International Carriage of Goods Wholly or Partly by Sea, Kluwer Law International, 2010 ; STURLEY Michal F., FUJITA Tomotaka et VAN DER ZIEL G.J., Rotterdam Rotterdam Rules: The UN Convention on Contracts for the International Carriage of Goods Wholly or Partly by Sea, Sweet & Maxwell, 2010 ; BERLINGIERI F., A Comparative Analysis of the Hague-Visby Rules, the Hamburg Rules and The Rotterdam Rules, le site de CMI. 6 En ce qui concerne les Rgles de Rotterdam, il y a nombre darticles. Voir : la bibliographie publie par la CNUDCI : http://www.uncitral.org/uncitral/en/publications/bibliography_rotterdam_rules.html.
  • 12. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 2 suscit un certain nombre de controverses et subi des critiques7 . Il est certain que le texte nest pas parfait. Il est un compromis pour quilibrer les intrts concerns : entre tradition et modernit, entre les intrts des chargeurs et des armateurs, entre les diffrents systmes de droit8 . Quant la forme, certains articles sont trs longs et lourds9 . En ce qui concerne le fond, lapproche maritime plus 10 , la limitation de responsabilit du transporteur11 et la libert contractuelle dans le contrat de volume12 seront les principaux obstacles de lentre en vigueur de cette nouvelle convention internationale13 . Notre tude portera sur la libert contractuelle dans le contrat de volume14 , la question plus controverse pendant la ngociation des Rgles de Rotterdam15 . 2. La libert contractuelle est lme des contrats. Laccord mutuel des volonts tient lieu de loi aux parties. Mais elle nest pas absolue, il semble quil soit ncessaire de la limiter. Il est difficile dimaginer quil existe une libert contractuelle relle entre le fort et le faible16 . Dans le domaine du transport maritime de marchandises, il ne faut pas oublier labus de la clause de ngligence du connaissement au XIXe sicle par les armateurs. La gense des Rgles de La Haye 7 TETLEY William, Summary of Some General Criticisms of UNICTRAL Convention (the Rotterdam Rules), JIML 2008, p. p. 625/628. Ce grand professeur du transport maritime oppose les Rgles de Rotterdam avec des maritimistes, voir : Particular concerns with regard to the Rotterdam Rules . 8 DELEBECQUE Philippe, La Convention sur les contrats internationaux de transport de marchandises effectu entirement ou partiellement par mer : a civil law perspective , DMF 2009, p. 336. 9 Par exemple, le chapitre 9 des Rgles de Rotterdam concernant la livraison. 10 NIKAKI Theodora, Conflicting Laws in "Wet" Multimodal Transport: The UNCITRAL Draft Convention on Carriage of Goods [Wholly or Partly] [by Sea], JMLC 2006, p.p.521/544 ; HANCOCK Christophe, Multimodal transport and the New UN Convention on the carriage of goods, JIML 2009, p. p. 484/495 ; BERLINGIERI F., Aspects multimodaux des Rgles de Rotterdam, DMF 2009, p. p. 867/879 ; VAN DER ZIEL Gertjan , Multimodal aspects of the Rotterdam rules, Yearbook de CMI, 2009, p. p. 301/313 ; FUJITA Tomotaka, The comprehensive Coverage of The New Convention : Performing Parties and the Multimodal Implications, Texas international Law Journal 2009, p. p. 349/373 ; ROSOEG Erik, Conflicts of Conventions in the Rotterdam Rules, site http://folk.uio.no/erikro; MUKHERJEE Proshanto K, Multimodal maritime plus: some Europe perspective on law and policy, JIML 2010, p.p. 211/242. 11 LANNAN Kate, Behind the Numbers: the Limitation on Carriage Liability in the Rotterdam Rules, Revue de droit uniforme 2010, p. p. 901/929. 12 DELEBECQUE Philippe, La Convention des Nations Unis sur le contrat de transport international de marchandises entirement ou partiellement par mer et la libert contractuelle, ADMO 2008, p. p. 485/494 ; HONKA Hannu, Scope of application, Freedom of contract, CMI Yearbook 2009, p. p. 255/270 ; BERLINGIERI F., Freedom of Contract under the Rotterdam Rules, Revue de droit uniforme 2010, p. p. 831/845. 13 SCHELIN Johan, The UNCITRAL Convention on Carriage of Goods by Sea:Harmonization or De-Harmonization, Texas International Law Journal 2009, p. p. 321/327 ; DELEBECQUE Philippe, Les Rgles de Rotterdam, Transports 2010, p.p.5/10. 14 Sur le contrat de volume, voir : MUKHERJEE Proshanto K et BASU BAL Abhinayan, A legal and Economic Analysis of the Volume Contract Concept under the Rotterdam Rules : Selected Issues in Perspective, Le colloque du 21 septembre 2009 Rotterdam; KOZUBOVSKAYA-PELLE Anastasiya, Le contrat de volume et les Rgles de Rotterdam, DMF 2010, p. p. 175/182. 15 Concernant les dbats autour du contrat de volume, voir: lextrait du document A/CN.9. 645, lannexe 19. 16 Dans le projet du Principes of Asian Civil/Commercial Law (la version du 20 avril 2010), une ide directrice porte sur la limite la libert contractuelle par la justice et linterdiction dexploitation. Proprement dit, la justice, la libert et lintediction dexploitation constitue une base du contrat. On peut trouver cette ide dans la section 1 de ce projet: La justice et la libert sont des principes fondamentaux du droit des contrats. La libert contractuelle ne permettra pas une des parties au contrat dexploiter lautre, en particulier la partie faible , voir : KANAYAMA Naoki, PACL (Principes of Asian Civil/Commercial Law), RDC 2010, p.1000 et 1001.
  • 13. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 3 avait pour objet de limiter la libert contractuelle absolue propose par cette clause en prenant en considration la protection des intrts de marchandises. Dsormais, le transport maritime est divis en deux volets : le contrat de transport sous connaissement de ligne rgulireet le contrat de transport sous charte-partie dans le tramping17 . Le premier est soumis au rgime impratif en considrant la protection de la partie plus faible ; le second est soumis la libert contractuelle au motif que les contractants se trouvent sur un pied dgalit18 . 3. Une question se pose : existe-il dautres contrats dans le transport maritime au-del du connaissement et des chartes-parties ? La rponse est affirmative. Les nouveauts ne sarrtent jamais en pratique. Au fur et la mesure du dveloppement des transports maritimes, les contrats maritimes sont en constante volution, notamment le contrat daffrtement despace de ligne rgulire19 , le contrat de service (service contract) de ligne rgulireaprs lentre en vigueur du Shipping Act de 1984 aux tats-Unis20 , et le contrat de tonnage dans le tramping21 , lesquels sont librement conclus entre le chargeur et le transporteur. Quel est le rgime applicable ? En ce qui concerne le contrat daffrtement despace et le contrat de tonnage, ils sont qualifis comme le contrat daffrtement et sont soumis la libert contractuelle. Nanmoin, il existe des hsitations sur le contrat de service. En droit positif, lgard de ce contrat spcifique, le connaissement ou les autres documents de transport mis en vertu du contrat de service sont imprativement soumis au rgime impratif. Par consquent, le rgime impratif sapplique indirectement au contrat de service. On se demande galement : est-il ncessaire que le rgime impratif intervienne dans le contrat de service lorsque les contractants se trouvent sur un pied dgalit ? La rponse nest pas vidente. 4. Selon lOCDE, la libert de ngociation des contrats sur des bases individuelles et confidentielles est fondamentale pour l'avenir des transports maritimes de lignes rgulires. Cest 17 Larticle 6 des Rgles de La Haye-Visby et larticle 2.3 des Rgles de Hambourg. 18 Selon larticle 1.b des Rgles de La Haye, lorsque le porteur du connaissement mis en vertu de contrat daffrtement nest pas laffrteur, les Rgles de La Haye sappliquent galement au rapport entre le transporteur et le porteur du connaissement. 19 SABADIE Bertrand, Laffrtement despace, PUAM, 2004 ; TASSEL Yves, Retour sur laffrtement despace, DMF 2003, p. p. 350/356 ; TASSEL Yves, Le contrat daffrtement despace, DMF 2005, p. p. 3/13. 20 DELEBECQUE Philippe, Contrats de services : quelle qualification ? Gazette de CAMP 2004, n 4 p. p. 2/5. 21 RODIERE Ren, Le contrat de tonnage, DMF 1980, p. p. 323/327 ; TASSEL Yves, Le contrat de tonnage, Gazette de la CAMP 2005, n 7 p.p.3/5.
  • 14. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 4 une nouvelle tendance22 . Il existe actuellement des gros chargeurs, notamment NIKE ou Wal-Mart Stores, qui ont suffisamment de capacit de ngociation avec les transporteurs. Daprs le droit amricain, plusieurs chargeurs ou une association de chargeurs peuvent tre une partie dun contrat de service23 . La solidarit des chargeurs permettait dquilibrer le pouvoir de ngociation entre les chargeurs et les transporteurs. L encore, la confrence maritime va progressivement quitter la scne internationale, notamment aprs le rglement 4086/56 en Europe24 . Dans ce contexte, le rgime impratif est-il ncessaire pour intervenir afin de protger les chargeurs, qui sont plus forts quavant25 ? Le droit positif ne peut rpondre cette question. Le rgime impratif adopt par les Rgles de La Haye est quelque peu prim sur ce sujet. Lintervention du lgislateur dans le contrat de transport maritime a pour lobjet de protger la partie plus faible qui adhre au contrat dadhsion. Mais on doute si le rgime impratif concernant le transport maritime de marchandises restreigne la libert contractuelle pour des contrats sur un service rgulier de transport maritime, conclus entre les parties sur un pied dgalit. 5. Dans le fameux projet du Carriage of Goods by Sea Act de 1999 aux tats-Unis (COGSA 1999)26 , le contrat de service a t concern. Le projet du COGSA 1999 a donn une grande libert contractuelle au contrat de service dans les domaines suivants : Relief-From-Liability-Clauses 27 ; Foreign forum provision 28 ; Limitation of liability 29 . En ralit, il ny a aucune limite la libert contractuelle du contrat de service dans ce projet, voire lobligation de navigabilit du transporteur et le transport de marchandises dangereuses. Cette ide directrice a t suivie par les Rgles de Rotterdam relativement au contrat de volume au niveau international. Cette convention internationale donn une grande libert contractuelle au contrat de volume dans la ligne rgulire. En droit positif, le rgime impratif 22 Voir le site suivant : http://www.oecd.org/document/59/0,3343,fr_2649_34367_2676219_1_1_1_1,00.html. 23 Voir: La section 3.19 du Shipping Act de 1984. 24 Voir: BESANCON Marion et FEDI Laurent, La fin du rgime des confrences maritimes : vers une concurrence pure et parfaite du transport par mer au dpart ou destination de lUnion europenne ? DMF 2008, p. p. 791/803 ; LEGA Alessandro, Competition and Liner Shipping, IL DIRITTO MARITTIMO 2007, p.p. 367/387; MUNARI Francesco, Liner shipping and antitrust after the repeal of Regulation 4056/86, LMCLQ 2009, p.p. 42/56. 25 HAICONG Z., A Call for the Restoration of Contractual Freedom in Cargo Shipping, Revue de droit uniforme, 2003-1 /2, vol. VIII, p. 81. 26 La version du 24 septembre 1999, voir lannexe. 27 La section 7 (h) du projet de COGSA 1999 US 28 La section 7 (i) du projet de COGSA 1999 US 29 La section 9 (h) du projet de COGSA 1999 US
  • 15. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 5 impose des obligations et responsabilits au transporteur, qui ne sont pas soumises la libert contractuelle. Larticle 3.8 des Rgles de La Haye-Visest est le contrleur des clauses exonratoires du contrat de transport. En principe, cette approche est reprise par les Rgles de Rotterdam. Par contre, le contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam peut droger aux obligations et aux responsabilits imposes, soit au chargeur, soit au transporteur. Imaginons une clause qui dit : le transporteur nest pas responsable de la perte ou dommage de marchandise pendant la dure de responsabilit du transporteur . Sans doute, cette clause figurant sur le connaissement sera condamne par larticle 3.8 des Rgles de La Haye-Visby, au motif quelle a pour objet de rduire la responsabilit du transporteur impose par larticle 3.2. Toutefois, cette clause sera probablement valable dans le contrat de volume lorsque des conditions sont runies conformment larticle 80 des Rgles de Rotterdam. Quelle innovation ! 6. Linnovation apporte par la libert contractuelle dans le contrat de volume entrane beaucoup de problmes pour les intrts des chargeurs, qui sinquitent du fait que le transporteur peut abuser de son pouvoir de ngociation30 . Tout dabord, on se demande pourquoi on donne la libert contractuelle au contrat de volume. notre sens, la reconnaissance de la libert contractuelle dans le contrat de volume se fonde sur deux motifs : dune part, la demande commerciale dans le transport maritime, dautre part, un compromis lgislatif. Au cours de la ngociation des Rgles de Rotterdam, les dbats autour de la libert contractuelle dans le contrat de volume taient trs vivants31 . Avant tout, on a essay de limiter la libert contractuelle travers la dfinition du contrat de volume32 . Pourtant, on na pas trouv de solution satisfaisante. Pour protger la partie plus faible, notamment les petits ou moyens chargeurs, des mesures de sauvegarde ont t mises en place33 . 7. En premier lieu, en vue de bnficier de la libert contractuelle, le contrat de volume 30 Voir : le rapport de MALOOF, David T devant lassociation de droit maritime amricaine le 9 avril 2008, Concerns about volume contract, voir : le site de http://www.mlaus.org/; Questions and Answers Why the MLA Needs An Open Debate Concerning the Volume Contracts Exception to the Proposed Rotterdam Rules, David Maloof, le 5 novembre 2008. Voir le site : http://www.mcgill.ca/maritimelaw/rotterdamrules/; NEUMEISTER Michel, Rgles de Rotterdam : trois bonnes raisons pour ne pas les ratifier, JMM 2009, n 4678, p. 4 ; View of the European Shippers Council on the Convention on Contracts for the International Carrying of Goods Wholly or partly by Sea also know as the Rotterdam Rules , http://www.europeanshippers.com/public_statements.jsp. 31 A/CN.9/645, para. 235-253. 32 A/CN.9/WG.III/WP.88 et A/CN.9/612. 33 Larticle 80 des Rgles de Rotterdam.
  • 16. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 6 devra remplir des conditions pralables. Dabord, le contrat de volume nonce de manire apparente quil droge la prsente convention. Ensuite, le contrat de volume a fait lobjet dune ngociation individuelle, ou indique de manire apparente lesquelles de ces clauses contiennent les drogations. De plus, le chargeur est mis en mesure de conclure un contrat de transport conformment aux dispositions de la prsente convention, sans aucune drogation telle quadmise par le prsent article, et est inform de cette possibilit. Enfin, la drogation nest ni incorpore par rfrence ni contenue dans un contrat dadhsion non soumis ngociation. Simultanment, la protection du tiers autre que chargeur a t prise en compte. La clause drogatoire du contrat de volume est opposable au tiers autre que chargeur condition que cette personne accepte expressment cette clause. La mise en place de ces conditions pralables est-elle satisfaisante ? La rponse nest pas certaine. Larticle 80 est le fruit de compromis. Nombre dambiguts rsisteront, et les divergences dans linterprtation seront envisageables lavenir. Comment interprter larticle 80.2.b ? Comment sapplique la dfinition du contrat dadhsion dans les diffrents pays ? Comment comprendre la ngociation individuelle ? Les difficults dinterprtation sont videntes. Par ailleurs, les conditions pralables la ralisation de la libert contractuelle dans le contrat de volume ne sont quune question de forme. Si une partie a lintention dabuser de son pouvoir vis--vis de son cocontractant, ces conditions ne sont pas difficiles remplir. Une partie plus forte profitera de la libert contractuelle par linsertion de clauses exonratoires de responsabilit ou de clauses limitatives de rparation dans le contrat, sans ngociation relle34 . 8. En second lieu, afin dquilibrer les intrts des contractants et protger la partie plus faible, il convient de faire appel au droit commun afin de limiter la libert contractuelle dans le contrat de volume. Larticle 80.4 des Rgles de Rotterdam a bien tenu compte les limites la libert contractuelle au fond. Deux approches ont t adoptes. Dun ct, les obligations impratives sont prvues. Le projet du COGSA 1999 aux 34 Voir : A response to the attempt to clarify certain concerns over the Rotterdam Rules published 5 august 2009 par Svante O. Johansson, A Barry Oland, Jan Ramberg, William Tetley, Kay Pysen, Doulgas G. Schmitt, In theory, the above requirements should give the shipper an opportunity to negotiate a higher freight rate for a higher liability under the Rotterdam Rules. In reality, creative carriers will use contractual forms that arguably comply with the Rotterdam Rules, but without real negotiation. Thus the opting-out is very likely and possible.
  • 17. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 7 tats-Unis, comme nous lavons vu, na pas pris en considration les limites la libert contractuelle dans le contrat de service, y compris lobligation de navigabilit ou le transport de marchandises dangereuses. A la suite de nombre de dbats pendant la ngociation des Rgles de Rotterdam, la thorie des obligations impratives ou absolues a t retenue35 . La libert contractuelle au contrat de volume ne sapplique pas lobligation de navigabilit nautique du navire du transporteur36 . Du ct du chargeur, la libert contractuelle dans le contrat de volume ne peut porter sur lobligation du chargeur de fournir des informations, instructions et documents37 ainsi que les obligations du chargeur dcoulant des rgles spciales concernant les marchandises dangereuses38 . Dun autre ct, le principe de lexcution du contrat de bonne foi a t soulign. En droit positif chinois et en droit positif franais, la clause exonratoire et limitative nest pas valable lorsque le dbiteur a commis une faute lourde dans lexcution du contrat39 . A la diffrence, cette fois, la faute lourde ne joue plus son rle lors de lapprciation de la clause drogatoire du contrat de volume. On fait appel la faute inexcusable40 . Les clauses drogatoires du contrat de volume ne sont pas valables lorsque la partie qui se prvaut de ces clauses a commis une faute inexcusable ou une faute intentionnelle dans lexcution du contrat. 9. Trs important, il est ncessaire de prciser des terminologies dans notre tude. Au regard du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam, nous devons le distinguer dun terme similaire : le contrat de tonnage (Contract of affreightment). En effet, le contrat de tonnage en droit positif nexiste que dans le tramping41 . Mme si le contrat de tonnage dans le tramping entre dans la dfinition du contrat de volume dans les Rgles de Rotterdam 42 , il est compltement exclu par les Rgles de Rotterdam43 . Le contrat de volume dans notre tude ne 35 la premire partie de larticle 80.4 des Rgles de Rotterdam. 36 Larticle 14 a et b des Rgles de Rotterdam. 37 Larticle 29 des Rgles de Rotterdam. 38 Larticle 32 des Rgles de Rotterdam. 39 DELEBECQUE Philippe et MAZEAUD Denis, Les clauses de responsabilit : clauses de non responsabilit, clauses limitatives de rparation, clauses pnale, les sanctions de linexcution des obligations contractuelles, tude de droit compar, Bruylant et LGDJ, 2001, p.p. 361/391 ; MAZEAUD Denis, Les clauses limitatives de rparation, Les obligations en droit franais et en droit belge, convergence et divergence, Actes des journes dtude organises les 11 et 12 dcembre 1992 par la Facult de droit de Paris Saint-Maur et la Facult de droit de lUnversit libre de Bruxelle, Bruylant et Dalloz, 1994 ; 40 La deuxime partie de larticle 80.4 des Rgles de Rotterdam. 41 Voir les contrats type du contrat de tonnage publis par le BIMCO : VOLCOA, GENCOA. 42 Larticle 1.2 des Rgles de Rotterdam. 43 Larticle 6.2 des Rgles de Rotterdam.
  • 18. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 8 dsigne que le contrat de la ligne rgulire. En fait, le contrat de volume de la ligne rgulire prvu par les Rgles de Rotterdam a lorigine du contrat de service en droit amricain. Cependant, ils ne sont pas identiques. Le contrat de service a pour objet de renforcer la comptition entre les transporteurs en faisant bnficier le chargeur de la possibilit de ngocier le taux de fret. A prsent, ce contrat est indirectement soumis au rgime impratif. Par contre, le contrat de volume dans les Rgles de Rotterdam a pour objet de droger au rgime impratif. A propos des contrats daffrtement sur lutilisation du navire, soit dans la ligne rgulire, soit dans le tramping, ils sont totalement exclus par les Rgles de Rotterdam. Toutefois, le contrat de transport y soumis doit tre scind en deux catgories aprs la reconnaissance de la libert contractuelle dans le contrat de volume : le contrat de transport sans drogation et le contrat de volume avec drogation. Le contrat de transport sans drogation est soumis au rgime impratif ; par contre, le contrat de volume avec drogation est soumis la libert contractuelle lorsquil se conforme larticle 80. Pour le chargeur, il est toujours en droit de choisir de conclure un contrat de transport sans drogation avec le transporteur. Pour les grands chargeurs ou les chargeurs sophistiqus, ils peuvent individuellement ngocier un contrat de volume avec drogation vis--vis le transporteur. Le transporteur peut insrer des clauses exonratoires ou limitatives de responsabilit dans le contrat de volume pour sexonrer de sa responsabilit. En droit positif, certaines clauses exonratoires du contrat de transport sont valables, par exemple, le before and after clause 44 ; la clause qui est contraire larticle 3.8 des Rgles de La Haye-Visby est rpute non crite. Dans le contrat de volume, il convient de distinguer la clause exonratoire et la clause drogatoire. La clause drogatoire ne dsigne que la clause exonratoire qui a pour objet de droger au rgime impratif impos par les Rgles de Rotterdam. Stricto sensu, le champ de la clause drogatoire est plus troit que celui de la clause exonratoire. Dans le but de protger les petits ou moyens chargeurs, les obligations impratives et le principe de bonne foi ont t mis en place. Nanmoins, on ne peut confondre la notion dobligation imprative et une autre notion trs importante en droit franais, surtout aprs laffaire Chronopost45 , lobligation essentielle46 . Lobligation imprative est clairement prvue 44 Larticle 7 des Rgles de La Haye-Visby. 45 Cass.com., 22 octobre 1996, Bull, civ.IV, n 261; D. 1997. Jur. 121, note Sriaux, et Somme. 175, obs. Delebecque. 46 CARDOSO-ROULOT, Les obligations essentielles en droit priv des contrats, Thse de Dijon, 2006 ; SEFTON-GREEN
  • 19. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 9 par la loi, notamment larticle 3.1 et larticle 3.2 des Rgles de La Haye-Visby ; lobligation essentielle dsigne lobligation concernant lessence du contrat , une chose insaisissable, qui laisse une grande libert aux juges de linterprter. Pour apprcier la clause drogatoire du contrat de volume, la faute inexcusable a t introduite. De facto, elle a une vocation traditionnelle : la neutralisation du droit de limitation de responsabilit du transporteur47 . Aujourdhui, il lui a t confi une nouvelle mission en considrant luniformisation : le contrle de la clause drogatoire du contrat de volume. Il faut noter que, en ce qui concerne la clause exonratoire qui ne droge pas aux Rgles de Rotterdam, la faute lourde continue jouer son rle, notamment en droit chinois et en droit franais. Ainsi, la distinction entre la faute lourde et la faute inexcusable est significative lorsque dans un contrat de volume existent la fois la clause exonratoire sans drogation et la clause drogatoire. 10. Comme un compromis, la libert contractuelle dans le contrat de volume est finalement retenue dans la controverse. Les critiques sont violentes48 . Certains pays pensent que la libert contractuelle sera un grand obstacle pour quils ratifient les Rgles de Rotterdam au motif que les intrts des petits ou moyens chargeurs seront nuit49 . notre sens, cette proccupation est ncessaire. En effet, les lgislateurs ont pris conscience de ce point. Cest la raison pour laquelle des mesures de sauvegarde ont t adoptes pour protger les petits ou moyens chargeurs. Bien videmment, ces mesures de sauvegarde ne sont pas parfaites puisquil existe des lacunes lgislatives. Lorsquun contrat de volume concerne un transport multimodal, le conflit entre la libert contractuelle dans le contrat de volume et les instruments sappliquant au transport non maritime a t parfaitement ignor pendant la ngociation des Rgles de Rotterdam. En ce qui concerne les conditions pralables la ralisation de la libert contractuelle dans Ruth, La notion dobligation fondamentale : comparaisons franco-anglaise, LGDJ, 2000 ;AUBERT DE VINCELLES, Plaidoyer pour un affinement raliste du contrle des clauses limitatives de rparation portant sur les obligations essentielles, RDC, juillet 2008, p. p. 1034/1045 ; LARROUMET C., Obligation essentielle et clause limitative de responsabilit, D.1997,Chr. p. 145 ;MEKKI Mustapha et GRIMALDI Cyril, Les clauses portant sur une obligation essentielle, RDC 2008, p. p. 1095/1108 ; DELEBECQUE Philippe, Pour ou contre les clauses limitatives de rparation ? RDC 2008 Juillet, p. p. 979/982 ; MAZE53AUD Denis, Clauses limitatives de rparation : les quatre saisons, Recueil Dalloz 2008, n 26, 1176 ; JESTAZ Ph., Lobligation et la sanction : la recherche de lobligation fondamentale, In Mlanges P. Raynaud, Dalloz-Sirey, 1984, p. p. 273 . 47 Larticle 4 bis. 4 des Rgles de La Haye-Visby, larticle 8 des Rgles de Hambourg et larticle 61 des Rgles de Rotterdam. 48 Voir, http://www.europeanshippers.com/public_statements.jsp. View of the European Shippers Council on the Convention on Contracts for the International Carrying of Goods Wholly or partly by Sea also know as the Rotterdam Rules ; NEUMEISTER Michel, Rgles de Rotterdam : trois bonnes raisons pour ne pas les ratifier, JMM 2009, n4678, p. 4 ; Questions and Answers Why the MLA Needs An Open Debate Concerning the Volume Contracts Exception to the Proposed Rotterdam Rules, David Maloof, le 5 Novembre, 2008. Voir le site : http://www.mcgill.ca/maritimelaw/rotterdamrules/. 49 A/CN.9/658.
  • 20. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 10 le contrat de volume, il est difficile dimaginer la faisabilit en pratique : comment ralise lavis donn aux tiers lorsquil existe une clause de confidentialit dans le contrat de volume ? Comment interprte la notion contrat dadhsion et ngociation individuelle dans les pays diffrents ? lgard des obligations impratives du contrat de volume, il est incomprhensible de lexclusion de la navigabilit commerciale comme une obligation imprative du transporteur. Pourquoi lobligation du transporteur concernant le transport de marchandises dangereuses na-t-elle pas t prise en compte si limportance de la scurit maritime est souligne ? Lobligation du transporteur concernant la livraison de marchandises sera-elle soumise la libert contractuelle dans le contrat de volume ? Concernant lintroduction de la faute inexcusable pour apprcier la clause drogatoire du contrat de volume, cette faute unbreakable peut-elle effectivement jouer son rle pour protger les petits ou moyens chargeurs ? De surcrit, on se demande si elle est une faute personnelle, en raison des ambiguts de larticle 80.4. Dailleurs, la divergence dinterprtation concernant lapprciation in abstracto ou lapprciation in concreto rsistera. Nombre dhsitations resteront. Certains estiment quil y aura 90 % de conteneurs qui seront transports sous le contrat de volume lavenir. Inutile de souligner limportance de la libert contractuelle dans le contrat de volume. Elle sera certainement un grand obstacle pour des pays lacceptation des Rgles de Rotterdam. Cest une question dactualit lorsque nombre de pays sont en train dvaluer cette convention internationale50 avant de faire leur propre choix : accepter ou refuser. cet gard, il 50 En Asie, la Chine est en train dapprcier les Rgles de Rotterdam. Le reprsentant du chargeur, le Ministre de Commerce, a distribu un questionnaire aux chargeurs pour connatre les avis des chargeurs chinois. Ce questionnaire concerne des questions suivantes: le commerce lectronique; le contrat de volume; lobligation du transporteur; les cas excepts du transporteur; la livraison sans connaissement; limitation de responsabilit; lobligation du chargeur; le chargur documentaire. A la fois, le reprsentant du transporteur, le Ministre de transporteur a install deux Groupe de travail pour tudier les effets apports par les Rgles de Rotterdam. Un concerne les intrts transporteur maritime, lautre sagit des intrts portuaires. Des runions ont t organises ; pour instant, la conclusion dfinitive nest pas sortie. Au Japon, il semble que les armateurs ne sont pas satisfaisants des Rgles de Rotterdam. En Core du Sud, cest le mme cas. Aux Etats-Unis, les Rgles de Rotterdam ont obtenu le soutien des organisations professionnelle, notamment NITIL et WSC. Le 1 mai 2009, lassociation de droit maritime amricaine (ADMA) a invit les Etats-Unis de ratifi les Rgles de Rotterdam : RESOLVED that The Maritime Law Association of the United States urges the United States of America to sign and ratify the United Nations Convention on Contracts for the International Carriage of Goods Wholly or Partly by Sea, which will probably be known as the Rotterdam Rules. RESOLVED that The Maritime Law Association of the United States urges the United States of America to opt into Chapter 14 (Jurisdiction) of the United Nations Convention on Contracts for the International Carriage of Goods Wholly or Partly by Sea, which will probably be known as the Rotterdam Rules. RESOLVED that The Maritime Law Association of the Untied States urges the United States of America to opt into Chapter 15 (Arbitration) of the United Nations Convention on Contracts for the International Carriage of Goods Wholly or Partly by Sea, which will probably be known as the Rotterdam Rules.. En fvrier 2010, lAmericain Bar Association a officiellement soutenu les Rgles de Rotterdam : The present legal regimes for maritime cargo transportation are numerous and outdated. COGSA is the enactment of a convention drafted eighty-five years ago. The drafters of the existing regime simply could not have anticipated the coming age of containerization, multimodal transport, and e-commerce, which changed the face of sea carriage. The Rotterdam Rules address these issues and set forth, with greater clarity, the rights and responsibilities of the interested parties. The Rotterdam Rules will provide greater harmony, efficiency, uniformity, and predictability for those involved in marine shipping. The United States interests were represented in UNCITRAL throughout negotiation of the
  • 21. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 11 apparat particulirement intressant de procder ltude de ce sujet autour de deux ples : PREMIRE PARITE : LA RECONNAISSANCE DE LA LIBERT CONTRACTUELLE DANS LE CONTRAT DE VOUME SOUMIS AUX RGLES DE ROTTERDAM SECONDE PARTIE : LES LIMITES LA LIBERT CONTRACTUELLE DANS LE CONTRAT DE VOLUME SOUMIS AUX RGLES DE ROTTERDAM Rotterdam Rules, and on September 23, 2009, the United States signed the treaty. Therefore, the attached Recommendation now proposes that the House of Delegates urge the United States Senate to ratify the Rotterdam Rules. Au niveau europen, le 5 mai 2010, le parlement europen a declar son soutien aux Rgles de Rotterdam; il invite les tats membres signer et ratifier les Rgles de Rotterdam. Du 24 au 26 mai 2010, lors du Forum de lOrganisation pour la scurit et la coopration en Europe (lOSCE), le Danemark, la Norvge et les Pays-Bas sont galement intervenus avec insistance en faveur dune ratification de ces rgles. Pour instant, lAllemagne nest pas un supporteur des Rgles de Rotterdam, surtout son dcontentement de larticle 26 de cette convention internationale. Un autre pay important europen, la France, a sign les Rgles de Rotterdam. Mais, elle na pas fait son choix definitif. En Grande-Bretagne, un Groupe de travail consultatif a t install pour tudier les effets des Rgles de Rotterdam.
  • 22. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 12
  • 23. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 13 TITRE PRLIMINAIRE LINCERTITUDE QUANT LA MANIRE DE RESTREINDRE LA LIBERT CONTRACTUELLE DU CONTRAT TRNASPORT MARITIME EN DROIT POSITIF 11. Au XIXe sicle, la clause dite ngligence tait abusivement utilise par les armateurs pour sexonrer de leurs responsabilits. Sur une longue priode, cette clause a t reconnue devant les juridictions des pays maritimes, notamment la Grande-Bretagne et la France. Cet abus de droit portait sans doute atteinte aux intrts de marchandises. Devant la rsistance des chargeurs amricains, la Cour suprme amricaine a rendu pour la premire fois cette clause nulle en 1889, au motif quelle tait contraire lordre public. Quatre ans plus tard, le Harter Act a t adopt pour limiter la clause de ngligence du connaissement. Trs rapidement, cette lgislation a t suivie dans le monde. Pour uniformiser le droit du transport maritime, la Convention de Bruxelles devient une convention internationale relative au connaissement. Dans la suite, la libert contractuelle au contrat de transport maritime est limite pour protger les intrts de marchandises et viter labus de droit du transporteur en occupant une position dominante. Le transporteur est tenu par des obligations et des responsabilits. Cette ide a t suivie tant par la lgislation nationale que par la lgislation internationale. Lorsque de nouveaux contrats maritimes sont largement utiliss, notamment le contrat de service de la ligne amricaine, on se demande si le rgime impratif doit intervenir dans les contrats librement ngocis par des contractants se trouvant sur un pied dgalit. Il est difficile de rpondre cette interrogation en droit positif. Tout dabord, cette question se pose aux tats-Unis lorsquon essaie de moderniser le COGSA 1936. On ne peut oublier que ce sont les tats-Unis qui ont ferm la porte de la libert contractuelle dans le contrat de transport maritime constat par le connaissement. Cette fois, ce sont eux qui vont ouvrir cette bote de Pandora.
  • 24. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 14 Dans leur projet de COGSA 1999, le contrat de service est rgi comme un contrat de transport. Cependant, ce type de contrat, il est accord une large libert contractuelle, notamment concernant les obligations et la responsabilit, la limitation de responsabilit, la clause de juridiction et la clause compromissoire. Quelle rvolution ! Aprs avoir compar le droit positif et le projet de COGSA 1999, on doute que le rgime impratif doit intervenir pour quilibrer les intrts du chargeur et du transporteur se trouvant sur un pied dgalit. Pour bien dmontrer cette incertitude, il convient dtudier des questions prliminaires : dune part, la restriction de la libert contractuelle au contrat de transport en droit positif (Chapitre 1), dautre part, la particularit du service contract (Chapitre 2). CHAPITRE 1 : LA RESTRICTION DE LA LIBERT CONTRACTUELLE EN DROIT POSITIF CHAPITRE 2 : LA PARTICULARIT DU CONTRAT DE SERVICE
  • 25. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 15 CHAPITRE 1 LA RESTRICTION DE LA LIBERT CONTRACTUELLE EN DROIT POSITIF 12. Conformment larticle 1134 du Code civil franais, les conventions lgalement formes tiennent lieu de loi ceux qui les ont faites. En effet, le principe de la libert contractuelle est la base du contrat. Les contractants peuvent librement amnager les obligations et la responsabilit des contractants. La libert contractuelle est-elle absolue ? La rponse est ngative car lordre public peut la contrler. Au propos du transport maritime, la libert contractuelle fut mise en cause aprs la naissance de la clause de ngligence du connaissement dans le transport de ligne rgulire. La clause de ngligence du connaissement avait pour objet dexonrer larmateur des fautes et ngligences de ses prposs. Pendant trs longtemps, cette clause a t reconnue par des juridictions nationales. Larmateur nassumait pas sa responsabilit, mme sil tait en droit de rcuprer le fret maritime51 . Un dsquilibre significatif entre le chargeur et larmateur demeurait cette poque. Sous la rsistance des intrts de marchandises des tats-Unis, en 1889, le juge amricain a condamn pour la premire fois la clause de ngligence au motif que cette clause tait contraire lordre public. Quatre ans plus tard, le Harter Act a t adopt pour restreindre la validit de la clause de ngligence du connaissement. Cette grande lgislation donnait beaucoup dinfluence aux pays de chargeurs, surtout les dominions britanniques, notamment lAustralie et le Canada. Propulses par les Anglais, les Rgles de La Haye ont t labores en 1921 comme une loi type, pour uniformiser les questions concernant la clause de ngligence du connaissement. En 1924, les Rgles de La Haye sont devenues une convention internationale. En 1931, cette convention internationale est entre en vigueur. Dores et dj, la libert contractuelle du 51 POOR Wharton, A new code for the carriage of goods by sea, Yale Law Journal, 1923, p. 134.
  • 26. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 16 connaissement tait strictement limite, afin de protger les intrts de marchandises. Cette ide a t suivie par les autres lgislations, tant sur le plan international que sur le plan national. Pour bien illustrer la restriction de la libert contractuelle dans le domaine du transport maritime en droit positif, il convient dtudier son fondement (Section 1) et sa mthode (Section 2). SECTION 1 LE FONDEMENT 13. De fait, lintroduction de la clause de ngligence dans le connaissement tait une volution progressive52 . La clause de ngligence du connaissement ntait pratique que dans le transport de ligne rgulire. En outre, cette clause jouait son rle aprs que le connaissement tait reconnu comme un document contractuel 53 . Plus important, la position dominante du transporteur maritime conduisait considrablement la naissance de la clause de ngligence, surtout aprs lapparition de la confrence maritime54 . Du point de vue juridique, la naissance de la clause de ngligence du connaissement a pour objet de rduire la responsabilit du transporteur en droit commun (1). Cependant, la clause de ngligence du connaissement tait reconnue tant sur le plan conomique que sur le plan juridique (2). 1 La naissance de la clause de ngligence du connaissement 14. Du ct des armateurs, ils assumaient une responsabilit trs lourde impose par le droit commun (A). Ils introduisaient la clause ngligence dans le connaissement afin dchapper la responsabilit lourde impose par le droit commun (B). A. La responsabilit de larmateur en droit commun avant la naissance de la clause de ngligence 52 COLE Sanford D., The Hague Rules 1921 Explained, EFFINGHAM WILSON, 1922, p. 5. 53 BONASSIES Pierre, Le connaissement. Evolution historique et perspectives, Annales IMTM 1984, p.p. 103/121 ; MURRAY Daniel E., History and Developpement of the Bill of Lading, Unversity of Miami Law Review 1983, p.p. 689/732. 54 CARBONE Sergio M., La rglementation du transport et du traffic mariitimes dans le dveloppement de la pratique internationale, Recueil des cours, tome 166 (1980), p. 265 et 266.
  • 27. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 17 15. Avant de la naissance de la clause de ngligence, larmateur assumait trois obligations en droit commun : veiller la conservation de la chose, procder au transport dans les conditions et dlais convenus, livrer la marchandise destination. Larmateur ne sexonrait de sa responsabilit que dans trois cas : la force majeure, le vice propre de marchandise et la faute du chargeur. Dailleurs, larmateur tait tenu non seulement de ses propres fautes, mais galement de celles de son capitaine et de lquipage du navire55 . En effet, cette poque, la responsabilit de larmateur tait lourde par rapport au risque du transport maritime. Nanmoins, larmateur pourrait droger la responsabilit impose par le droit commun sur plusieurs points. En France, le dbiteur pouvait se librer de sa responsabilit par la cession de tous ses biens. Plus prcisment, le Code de commerce franais autorisait larmateur se librer par une cession partielle : labandon du navire et du fret 56 . A cette poque, larmateur assumait une responsabilit trs stricte. Il tait rput comme lassureur de marchandises. 16. Dans la seconde moiti du XIXe sicle, la jurisprudence anglaise a volu. Le juge anglais a dcid que les pertes ou avaries rsultant de fortune de mer, chouement ou abordage, ntaient plus des prils de mer si cet chouement ou cet abordage tait d une faute de navigation. De fait, la technologie maritime cette poque ntait pas assez dveloppe lencontre des fortunes de mer. Ce revirement de jurisprudence rendait larmateur responsable de la plupart des prils de mer, alors que toutes les polices dassurances continuaient considrer labordage et lchouement arrivs dans ces conditions comme pril de mer, quelle quen soit la cause57 . B. Lutilisation de la clause de ngligence 17. Au fur et la mesure du dveloppement de la technologie maritime, notamment par lutilisation du navire propulsion vapeur aprs la rvolution industrielle, la ligne rgulire est apparue. la fin du XXe sicle, le dveloppement de lindustrie des transports et la mise en 55 Notamment larticle 1384 du Code civil franais. 56 ARMAND M., Le problme des clauses de non-responsabilit dans les connaissements, Thse de Toulouse, 1927-1928, p. 12. 57 ARMAND M., Le problme des clauses de non-responsabilit dans les connaissements, Thse de Toulouse, 1927-1928, p. 13.
  • 28. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 18 place des confrences maritimes dans le transport de ligne rgulire mettaient larmateur dans une situation dominante vis--vis des chargeurs. Cela donnait loccasion aux armateurs dinsrer des clauses de non-responsabilit dans le connaissement, pour sexonrer de leur responsabilit dans la perte ou le dommage de marchandises. En ralit, ce fut larmateur anglais qui introduisit tout dabord des clauses de non-responsabilit dans le connaissement. Gnralement, ces clauses revtaient deux formes types : Dune part, la clause de ngligence ou clause de non-responsabilit de larmateur en raison des fautes du capitaine, de lquipage ou de tous agents de larmateur ; Dautre part, la clause de non-responsabilit des fautes personnelles de larmateur. Trs vite, cette pratique fut reprise par les armateurs trangers dans le monde. De plus, dautres clauses taient largement utilises, notamment les clauses poids et qualits inconnues , de mouille , de vol , etc. Le connaissement tait difficile lire et comprendre58 . En ce moment l, la validit de la clause de non-responsabilit de larmateur tait condamne par le juge. Ainsi, la clause dite de ngligence pour les fautes du capitaine ou d quipage tait trs frquente. 18. La clause de ngligence avait pour objectif dexonrer larmateur des fautes et ngligences de ses prposs. En rgle gnrale, elle tait rdige en une formule trs simple : Larmateur ne rpond pas des fautes ou ngligences du capitaine ou de lquipage . Cette clause couvrait toutes les fautes, erreurs ou ngligences du capitaine, des officiers, de lquipage, mcaniciens, matelots et autres agents civils de larmateur. On peut lire cette clause dans la formule de connaissement de sortie de France de 1914 : La compagnie ne rpond pas des barateries, vices darrimage, ngligence ou fautes quelconques des capitaines, des hommes dquipage, mcaniciens, chauffeurs, ou toutes autres personnes embarques ou travaillant bord du navire ou des chalands, allges ou gabarres, ou terre ou dans les magasins ou hangars, quelque titre que ce soit, tant dans lexploitation commerciale que pendant la navigation 59 . 58 Comme S.W.W. Paine la dcrit la Confrence de La Haye: Avant davoir lu un connaissement du commencement la fin, vous ne savez jamais ce quil peut contenir il dbute dune faon tout fait anodine et vous vous garez travers toute une srie de conditions tout fait innocentes et parfaitement justes et loyales, lorsque tout coup vous trouvez, cache dans un petit coin, une condition qui sape littralement les bases de votre contrat envers lui (le chargeur) et met le banquier dans une situation telle que les marchandises peuvent lui tre abandonnes . 59 Voir galement, la clause de ngligence du connaissement dans larrt du 11 fvrier 1867 de la cour dappel dAix-en-Provence : La compagnie ne sera pas responsable des suites quelconques rsultant daccidents de mer ou de rivire ;
  • 29. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 19 2 La reconnaissance de la validit de la clause de ngligence du connaissement 19. la suite de la naissance de la clause de ngligence, pendant longtemps, sa validit ne posa pas de grands problmes : elle tait reconnue tant du point de vue conomique (A) que du point de vue juridique (B). A. Une analyse du point de vue conomique 20. La clause de ngligence est ne dans une situation complique. La rvolution industrielle acclrait le dveloppement social. Le capitalisme renforait la comptition entre les commerant. Ctait aussi une poque maritime. Une forte flotte tait un symbol de la force dun pays. Nombre de mtier sadaptait pour rpondre au dveloppement du transport maritime, notamment lassurance maritime. Par consquent, il convient de faire des analyses sur la clause de ngligence du connaissement du point de vue comique ci-aprs : lintrts commercial du chargeur (1), la concurrence maritime (2); lassurance sur facults (3) et lassurance de responsabilit (4). 1) La prise en compte de lintrt commercial du chargeur 21. Le fait le plus remarquable du XIXe sicle, au point de vue de lindustrie des transports maritimes, fut la baisse considrable des frets maritimes : certains frets baissrent de moiti ou des trois quarts en lespace de trente annes60 . Devant la tendance des chargeurs chercher uniquement le minimum de fret, mais non le maximum de garanties pour les conditions du transport, les armateurs ont d sefforcer par tous les moyens de diminuer leurs prix. Ctait alors que les armateurs anglais ont eu lide de saffranchir du risque rsultant des fautes du capitaine et de lquipage vis--vis des chargeurs, pour pouvoir offrir ceux-ci des frets moins levs. ni pour perte, dommages ou retard occasionns par le feu, les machines, les chaudires ou la vermine ; larrt de princes ou puissances ; les actes de pirates ou voleurs sur mer ou terre ; jet, baraterie, collision ; ni pour ngligence ou faute quelconque de la part du pilote, du capitaine, des matelots ou autres agents employs par la compagnie dans la navigation de ses paquebots . 60 Voir le rapport de M. Rodolphe Rousseau la Commission interministrielle de 1904, p. 11 et 12.
  • 30. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 20 Toutes les marines en concurrence avec la marine anglaise ont d adopter la mme pratique, pour ne pas se trouver en tat dinfriorit vis--vis de celle-ci, et consentir les mmes diminutions sur leur fret61 . 22. partir de 1896, sous lhsitation des chargeurs, toutes les grandes compagnies de navigation en France mirent en usage deux connaissements : lun avec la clause de ngligence pleine et entire, lautre dit connaissement de garantie dans lequel larmateur prend sa charge moyennant un surfret62 . Certaines compagnies faisaient imprimer les deux formules de connaissement. Les autres se contentaient dajouter la main la formule de garantie, sur demande des chargeurs. La Compagnie des messageries maritimes alla plus loin encore dans cette voie : en vertu de larticle 17 de son connaissement de garantie, et moyennant une taxe quivalente une prime dassurance ordinaire, elle assurait les chargeurs contre tous les risques rsultant des fautes de leur personnel, et elle se portait solidairement garante de lexcution de cette police. Comme ctait prvoir, les chargeurs choisissaient presque toujours le connaissement sans garantie, qui tait moins cher. Il paratrait que ce dernier connaissement ne fut rclam que trois fois. Le chargeur prfrait accepter le connaissement contenant des clauses de non-responsabilit moyennant lassurance sur facults. En fait, le chargeur nest pas layant droit qui aura se plaindre dune avarie ou dun manquant. Un vendeur CAF qui na pas supporter les risques de route et qui veut augmenter son bnfice en abaissant le prix de transport. Cest, la plupart du temps, un transitaire qui se proccupe fort peu du sort ultrieur des marchandises et qui, lorsquil a fait un forfait, ne recherche que le fret le plus rduit. 2) La prise en compte de la concurrence maritime 23. la fois, la concurrence maritime tait prise en compte lors de lapprciation de la validit de la clause de ngligence. Dans sa thse de 1910, Monsieur Francis SAUVAGE a pens que : Si nous nous plaons maintenant un point de vue purement national, linterdiction totale 61 SAUVAGE Francis, Les clauses de non-responsabilit des fautes dans le contrat de transport par mer en France et ltranger, Thse de Paris, 1910, p.203. 62 SIEVEKING F., The Harter Act and Bills of Lading legislation, Yale Law Journal 1906, p. 28.
  • 31. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 21 ou partielle des clauses dexonration par le lgislateur franais serait une lourde faute 63 . Il se fondait sur le fait que cette mesure lgislative allait augmenter le fret maritime ; de surcrot, la marine franaise se trouverait place de ce fait dans un tat incontestable dinfriorit, puisque lexprience avait dj montr que les chargeurs prfraient toujours le fret le plus bas. Si la France prenait une mesure lgislative, les navires trangers pourraient maintenir le fret primitif grce aux clauses dexonration64 . En 1869, Monsieur le premier avocat gnral De Raynal a donn une explication excellente sur le point ayant pour objet de reconnatre la validit de la clause de ngligence du connaissement : La pratique anglaise montre, dune manire clatante, que la clause litigieuse ne compromet aucun intrt srieux et vigilant. On peut emprunter sans crainte une nation qui a pouss si loin le culte des intrts commerciaux et qui a su les dvelopper avec un incomparable gnie, une convention qui ne doit son origine qu son utilit mme. Il est clair que, si nos tribunaux la repoussaient, ils creraient, par cela mme, une clause dinfriorit profondment regrettable au dtriment de notre marine nationale, partout o elle se trouverait en concurrence avec la marine anglaise 65 . En France, la premire proposition de loi, dpose en 1886 par MM. Flix Faure et Siegfried, avait pour effet dajouter larticle 281 du Code de commerce un paragraphe, aux termes duquel les transporteurs maritimes ne pourraient plus sexonrer que des fautes nautiques du capitaine et de lquipage, lexclusion de leurs fautes commerciales. Cette proposition prcdait le fameux Harter Act de 1893 aux tats-Unis. Mais cette proposition neut pas de suite. Ces ides ont t retrouves dans un projet de loi dpos le 22 octobre 1895. La commission parlementaire nomme pour examiner ce projet considrait quil tait impossible de prohiber en France les clauses dexonration66 , si la mme mesure ntait pas prise dans les autres pays. La 63 SAUVAGE Francis, op.cit., p. 206. 64 SAUVAGE Francis, op.cit., p. 206. 65 20 janvier 1869, Cass, Ch.Civ. 66 Voir : Report on the Full Negligence Clauses of Bills of Lading par lItalian Association of Maritime Law le 24 mai 1921, STURLEY Michal F., The legislative history of the carriage of goods by sea act and the travaux prparatoires of the Hague Rules, Colorado, 1990, volume 2, p. 151 et 152, I will only mention that, besides the reason caused by the reflection that a law of such a nature world have had the effect of aggravating the condition of the French shipowners before foreign competition, since the increase of the charges from which the foreign shipowners would have been exempt, and the Commission was greatly influenced by the fact that these latter would have been able to avoid this increase or responsability even when in French ports. It would be enough, in fact, for the foreign shipowners to insert in their Bills of lading a clause give exclusive juridiction to thir own national tribunal in order to avoid the nullity of the clauses forbiden by french law. It is true that this inconvenience could have been avoided by adding a regulation to the law declaring null such clauses, but this addition was not thought advisable because it would, among other things, have caused other States to make reprisals as these States could have, in their return, attributed juridiction over such cases exclusively to their own Courts. I shall also mention that in 1893 the Scandinavian States, on the occasion of the reform and the unification of their marine legislation, did not accept the proposal to declare null the Full negligence clauses because such a mesure did not exist in any of the large States.
  • 32. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 22 Commission invita le gouvernement franais prendre linitiative dune confrence internationale, mais les dmarches chourent sous la rsistance de lAngleterre. 24. Jusquici, il nest pas difficile de comprendre que ce sont les tats-Unis, un pays de chargeurs, qui ont labor les premiers le Harter Act pour limiter la libert contractuelle de la clause de ngligence dans le connaissement, afin de protger les chargeurs amricains. Il est clair que les juristes de cette poque comprenaient parfaitement bien les effets ngatifs de la clause de ngligence pour les chargeurs. Mais les lgislateurs anglais et franais nont pris aucune mesure pour limiter labus de la libert contractuelle au regard de la concurrence maritime. Concrtement, la prise en compte de la concurrence maritime tait un lment essentiel pour les magistrats et les lgislateurs supportaient la validit de la clause de ngligence cette poque. 3) La prise en compte de lassurance sur facult 25. Certains ont prtendu que le dbat autour des clauses de non-responsabilit ntait en ralit quune question de taux de primes dassurances, et que les chargeurs ne subissaient aucun prjudice puisquen ralit, ils nacquittaient quun fret rduit, ce qui leur permettait de payer aux assureurs des primes plus leves pour couvrir les clauses de non-responsabilit. Ainsi, on pensait que le recours lassurance constituait pour le chargeur un moyen efficace de se garantir contre les consquences des clauses de non-responsabilit. Cette ide fut accepte par la jurisprudence. M. de Raynal, avocat gnral la Cour de cassation, dans larrt clbre rendu le 10 mars 1869, sexprimait ce sujet dans les termes suivants : la vrit, le chargeur peut recourir une garantie plus efficace, lassurance. Il faut le dire, notre esprit nest pas encore assez familiaris avec ces combinaisons multiples de lassurance qui prennent chaque jour de nouveaux dveloppements et qui offrent des ressources infinies pour combattre les caprices du hasard, les mauvaises chances de la vie, les fautes mmes de lhomme et la puissance des lments Le propritaire du navire peut saffranchir intgralement de sa responsabilit au moyen de lassurance, quil a le droit de contracter contre les fautes mmes du capitaine et de lquipage ; on ne voit pas pourquoi il ne pourrait pas sen affranchir par une convention librement consentie avec les chargeurs qui, non seulement,
  • 33. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 23 conservent la garantie personnelle du capitaine, mais peuvent, de leur ct, par lassurance, grce la diminution du fret, se sauvegarder contre les prjudices possibles ; et aucun principe ne parat srieusement combattre une telle solution . Ainsi, Monsieur de Raynal prconisait le principe du renversement de la prime. 26. En ralit, cette poque, lassurance sur facult avait un domaine assez tendu. Les formules des polices taient souvent trs comprhensives : Les assureurs prennent leurs risques les consquences des clauses, tant imprimes que manuscrites, des connaissements. (Police franaise) Les assureurs adhrrent aux consquences et aggravations de risques rsultant des clauses, conditions et rserves, tant imprimes que manuscrites, des connaissements. (Police dAnvers) ... To cover all liberties and clauses as per bill of lading or charter-party. (Police anglaise.) Il faut souligner que lassureur sur facult reprsente les intrts des chargeurs ou des destinataires ; laccord de lassureur sur les clauses dirresponsabilit est un accord des chargeurs eux-mmes. 27. Monsieur Paul Scapel a critiqu cette opinion. Il pense que : En effet, les propritaires de marchandises, pour se garantir contre lirresponsabilit conventionnelle du transporteur maritime, ont pris lhabitude de sassurer contre les risques dont ne rpondait pas larmateur. Il semblerait donc premire vue, cette question de franchise mise part, que les chargeurs voyaient leurs droits sauvegards grce au contrat dassurance. La situation, en ralit, est plus complexe. Lirresponsabilit amne bien des abus. Les armateurs, trop bien protgs par les stipulations de leurs connaissements, ont par trop nglig leurs obligations. Le nombre des sinistres ayant augment dans des proportions considrables, les compagnies dassurances maritimes se sont mues 67 . notre sens, la position de Monsieur. Paul Scapel est convaincante, il a ralis que la clause de ngligence allait apporter labus de droit du transporteur dans lexcution du contrat de transport. On peut trouver cet argument pendant une confrence 67 SCAPEL Paul, La nouvelle lgislation sur les transports des marchandises par mer, Recueil Sirey, 1936, p. 103.
  • 34. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 24 internationale des assureurs en 1902 Paris, pour lutter contre la faute commerciale de la clause de ngligence68 . 4) La prise en compte de lassurance de responsabilit 28. Maintenant, il convient de rflchir une autre question : pourquoi le transporteur navait-il pas rcupr un fret lev pour acheter une assurance de responsabilit de P&I club, au lieu de percevoir un fret bas pour sexonrer de sa responsabilit par les clauses exonratoires ? Cest logique pour la rpartition du fret et lassurance. Du point de vue actuel, la rpartition des risques entre le chargeur et le transporteur est bien la rpartition des risques entre lassurance sur facult et lassurance de responsabilit. Malheureusement, il ny avait pas beaucoup de recherches sur cette question essentielle. Rellement, jusqu la fin du XIXe sicle, les armateurs ntaient pas considrs comme pleinement responsables de la perte ou du dommage des marchandises quils transportaient, en raison de la clause de ngligence. Cette situation abusive disparut grce deux clbres affaires du droit maritime anglais. Tout dabord, dans les annes 1870 laffaire Westen Hope , dans laquelle ce navire effectua un voyage jusqu Cape Town en Afrique du Sud mais dt se drouter Port lisabeth o il effectua une escale. Le juge dcida que larmateur ne pouvait valablement se prvaloir des dispositions contractuelles du contrat de transport et des exceptions qui y taient incorpores. Larmateur avait d indemniser les intrts cargaison pour la complte valeur de la marchandise. Ensuite, ce fut laffaire Emily dans laquelle ce navire ainsi que la marchandise furent perdus. Larmateur ne put invoquer lexception du pril de mer. Le juge dcida que la perte de la marchandise et du navire tait due une faute de navigation, ce qui ntait pas lpoque exclu 68 SIEVEKING F., The Harter Act and Bills of Lading legislation, Yale Law Journal 1906, p. 27 et 28, The first of these facts is the result of an International Conference of Underwriters, held in Paris in 1900. This conference was attended by a great number of representatives of marine insurance companies from Paris, Havre, Hamburg, London, Berlin, Mannheim, Milan, Liverpool, Copenhagen, Antwerp, St. Petersburg, Gothenburg, Stockholm, Amsterdam, Rotterdam, Turin, Bale, Zurich. In his address to the conference the president pointed out that, in consequence of the underwriters having accepted their liability for damages to or loss of goods shipped under bills of lading which contain the negligence clause and the other usual exonerating clauses, the insurance on goods, whose original purpose was to cover accidents of the sea only and accidents of navigation arising out of faults of master and crew, had come to protect the shipowner against "commercial faults" committed by his agents and employees in the fulfilment of contracts entered into by the shipowner. This extension of liabilities, so the president argued, ought to be abolished because it led to this, that the fulfilment of contracts which were destined to secure a safe transportation of goods was neglected, and the responsibility for the carrying out of such contracts was taken off the shoulders of those to whom in law and equity it should attach.
  • 35. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 25 par les connaissements. Les protecting clubs ne prvoyaient pas cependant la garantie de ce type dvnement dans leurs rgles. Le retentissement de ces deux dcisions allait entraner une adaptation ncessaire des garanties proposes par les protecting clubs. Ils ajoutrent une indemnity class pour fournir la couverture indispensable aux armateurs. Tel fut le cas en 1866 pour le Shipowners Mutual Protection Society. Les P&I Clubs taient ns69 . Ainsi, comme le remarque justement Franoise Fouchet de France P&I : les Clubs, tels que nous les connaissons aujourdhui, sont le rsultat de lvolution du march de lassurance et de laugmentation des responsabilits pesant sur les armateurs. 70 29. Se fondant sur lhistoire prcdente, on en dduit quil ny avait pas dassurance de responsabilit du transport maritime avant lapparition des clauses de non-responsabilit du connaissement. Pour rpartir les risques naturels de la mer, les armateurs invoquaient les clauses de non-responsabilit pour se dfendre contre le rgime strict impos par le droit commun. Simultanment, les armateurs rduisaient le fret pour attnuer leur responsabilit. Les chargeurs faisaient appel lassurance sur facult, avec la partie de rduction du fret. Un quilibre conomique et juridique tait trouv. Imaginons quil y ait eu une assurance de responsabilit ce moment-l, est-ce quil aurait t possible pour les armateurs dassumer une responsabilit stricte sous la protection de lassurance de responsabilit, en rcuprant un fret plus lev, quivalent la prime dassurance ? La rponse est positive au regard de la pratique maritime actuelle. B. Une analyse du point de vue juridique 30. Sur la validit de la clause de ngligence du connaissement, la thorie de la libert contractuelle jouait un rle dcisif (1). En considrant de la spcificit du transporteur maritime, la clause de ngligence du connaissement tait reconnue comme une exception du droit maritime (2). En raison de la lacune lgislative, la clause de ngligence du connaissement tait valable lorsquil ny a pas de disposition contraire (3). De plus, la clause de ngligence du 69 GARO Philippe, Intervention la confrence internationale de lUnion des Avocats Europens sur le droit maritime europen, 4 mars 2005. 70 FOUCHER Franoise, Laction directe contre les P & I Clubs, DMF 600 janvier 2000 p.3
  • 36. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 26 connaissement tait sous contrle du principe de bonne foi, notamment la thorie de la faute lourde et le dol (4). Il faut souligner que ces arguments taient trs souvent culmutatifs lorsquon avait apprci la clause de ngligence. 1) La libert contractuelle 31. La thorie de la libert contractuelle est la base fondamentale de la reconnaissance de la validit de la clause de ngligence du connaissement. Le transporteur, qui soccupe dans une position dominante, nassumait aucune responsabilit envers les ayants droit la marchandise en insrant la clause de ngligence dans le connaissement. Mme si le connaissement est un contrat dadhsion, il est certainement un contrat. Lorsque le chargeur accepte le connaissement, il est li par toutes les clauses. 2) Lexception en droit maritime 32. Un commettant est responsable envers les tiers des fautes de ses prposs car ce commettant a commit une faute dans le choix du prpos, ou bien une faute dans la surveillance quil aurait d exercer sur celui-ci. Pourtant, il existait des exceptions en matire du transport maritime car larmateur ne pourrait effectivement exercer aucun contrle, depuis que le navire a lev lancre, sur les actes du capitaine. Par consquent, larmateur doit pouvoir sexonrer de sa responsabilit par une clause de ngligence envers les tiers mme si le capitaine ou lquipage a commis une faute71 . 3) Labsence de dispositions rputes dordre public 33. En outre, en France, cette clause tait soutenue par des grands maritimistes, notamment le doyen Lyon-Caen, Danjon et Ripert, car aucune disposition lgale expresse ne la prohibait ; 71 Voir larrt du 14 mars 1877 de la Cour de cassation : quen effet, tout en admettant que lordre public ou les bonnes murs ne permettaient pas, en principe, de sexonrer des fautes de ses prposs, et sil est vrai que le capitaine soit le commis du propritaire du navire, il est galement vrai que, dans lexercice de son commandement, le capitaine chappe en fait et en droit lautorit de son commettant et sa direction.
  • 37. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 27 mais encore elle nest pas prohibe en raison de ce quil nest pas contraire lordre public quun armateur se dcharge par avance de la responsabilit des fautes du capitaine et de lquipage72 . Les anglais suivaient galement cette ide lors de la reconnaissance de la clause de ngligence du connaissement73 . Dans les pays scandinaves, la juridiction avait pris cette position sur la validit de la clause de ngligence. Effectivement, les articles 142 des Codes de commerce sudois, norvgien et danois dterminant la responsabilit du frteur, taient muets sur la question des clauses de non-responsabilit. La jurisprudence de ces trois pays avait reconnu la validit de ces clauses au motif quelles ntaient pas prohibes par la loi74 . 4) La reconnaissance limite 34. Dans certains pays, la clause exonratoire est valable sauf si le dbiteur a commis une faute lourde ou une faute intentionnelle en droit positif75 . Cette thorie a t invoque par certaines juridictions lors de lapprciation de la clause de ngligence, notamment en Hollande et dans les pays mditerranens. Leurs juridictions limitaient les effets de la clause la faute lgre du capitaine et de lquipage, lexclusion du dol ou de la faute lourde76 . SECTION 2 LA MTHODE 35. lencontre de la clause de ngligence, la critique des intrts de marchandises tait considrable 77 . Comment quilibre la libert contractuelle reprsente par la clause de 72 Voir : Bonnecase, Droit commercial maritime, n 744. 73 Voir le rapport du Imperial Shipping Committee en Fvrier 1921: By the Common Law of England the shipowner is responsible for the safe carriage and delivery of goods committed to his charge as a common carrier, unless prevented by certain difinite cause such as the Act of God of Kings enemies ; but there is nothing in English law to stop him from contracting out the whole or any part of his liability, and, by a practice which has gradually extended since about 1880, British shipowner do habitually in their Bills of lading contract themselves out of their Common Law liability to a large extent. 74 Voir : 24 mai 1893, Tribunal maritime de Copenhague ; 17 dcembre 1900, Cour suprme de Sude ; 19 dcembre 1899, Cour suprme de Christiania. 75 Notamment en droit franais et en droit chinois. 76 Voir : 18 novembre 1887, Cour de cassation nerlandaise, 17 juin 1887, Cour dAthnes ; 14 juillet 1887, Cour de cassation de Florence. 77 M. Charles S.Haight, Prsient de the Bills of lading Committee of the International Chamber of Commerce, a fait un synthse sur les critiques du chargeur: 1. That carriers have unfairly exemped themselves from pratically all liability for the fault of their servants in the stowage, custody and delivery of cargo by negligence clause, or, where such clauses are prohibited by law, have limited their liability to a whole inadquate figure100$ or less per package ; 2. That carriers have unfairly evaded the payment of just claims by bill of lading stipulations requiring claims to be presented within an impossibly short period ; 3. That carriers
  • 38. La libert contractuelle en droit des transports maritimes de marchandises Lexemple du contrat de volume soumis aux Rgles de Rotterdam 28 ngligence, et la protection des intrts de marchandises ? Cette question se posait tant devant le juge (1) que devant le lgislateur (2), et des mesures protectrices ont t retenues. 1 Contrle de la clause de ngligence par le juge 36. Sous la rsistance des intrts des chargeurs, la validit de la clause de ngligence du connaissement tait mise en cause selon les motifs suivants: dune part, lordre public (A) ; dautre part, le champ dapplication de la clause de ngligence (B). A. La rsistance de juge conformment lexigence de lordre public 37. Pendant longtemps, la diffrence du juge anglais, le juge amricain tait trs dfavorable la clause de ngligence du connaissement. En 1848, le juge amricain a condamn larmateur assumer une responsabilit totale, mme sil existait une clause limitative de responsabilit du connaissement78 . En 1851, la Cour suprme a estim que le chargeur pouvait neutraliser la clause exonratoire en prouvant la ngligence du transporteur79 . En 1873, la Cour suprme amricaine a fortement hsit sur la libert contractuelle exprime par les clauses de ngligence dans le connaissement, lesquelles avaient pour objet dexclure la responsabilit du transporteur maritime80 . Cette ancienne colonie britannique a refus de subir plus longtemps la loi des armateurs anglais (voire aussi norvgiens)81 . Dans laffaire Liverpool & Great Steam Co. v. Phonix Insurance Co. de 188982 , la clause de have evaded the payment of claims of pilferage and similar losses ; and have even encouraged such losses by casting an impossible burdon of proof upon cargo owners ; 4. That carriers have improperly stipulated in their bill of lading for the benefit of insurance effected by the shippers. Voir : COLE Sanford D., The Hague Rules 1921 Explained, EFFINGHAM WILSON, 1922, p. 10. 78 New Jersey Steam Nav.Co v. Merchants Bank (Lexington), 47 U.S. 344 (1848). 79 Clark v. Barnwell, 53 U.S. 272 (1851). Notwithstanding, therefore, the proof was clear that the dammage was occasioned by the effect of the humidity and dampness of the vessel, which is one of the dangers of navigation, it was competent for the libelants to show that the respondents might have prevented it by proper skill and diligence in the discharge of their duties. 80 New York Cent. R.R. v. Lockwood, 84 U.S. (17 Wall.) 357.379 (1873). Selon cette haute juridiction : The carrier and his customer do not stand on a footing of equality. The latter cannot afford to haggle or stand out His business will not admit such a course. He prefers, rather, to accept any bill of lading, or sign any paper the carrier presents ; often indeed without knowing what the one or the other contains. The business (of the carrying trade) is mostly concentrated in a few powerful corporations whose position in the body politic enables them to control These circumstances furnish an adverse (to say the least) to the dictates of public policy and morality. 81 BONASSIES Pierre et SCAPEL Christian, Trait de droit maritime, LGDJ, 2006, p. 570. 82 Joseph C. SWEENY, Happy birthday, Harte : An Appraisal of the Harter Act and its 100th Anniversary, Journal of Maritime Law and Commerce, 1993, p. p. 6/7. Cargo carried aboard the British ship Montana from New York to Liverpool was lost at the result of the the vessel running aground. The subrogate cargo insurer sued carrier to recover the damages allegedly caused by carriers servants negligence. In his defense, carrier relied on a bill of lading clause relieving carrier from liability for its