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L’IDENTITÉ PROFESSIONNELLE DE L’ENSEIGNANT FINLANDAIS : REGARD ETHNOGRAPHIQUE SUR LE CONTEXTE DE SA FORMATION INITIALE Mémoire Laurie Dorval-Morissette Maîtrise en administration et évaluation de l’éducation Maître ès Arts (M.A) Québec, Canada © Laurie Dorval-Morissette, 2013

L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

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Page 1: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

L’IDENTITÉ PROFESSIONNELLE DE L’ENSEIGNANT FINLANDAIS : REGARD ETHNOGRAPHIQUE SUR LE CONTEXTE

DE SA FORMATION INITIALE

Mémoire

Laurie Dorval-Morissette

Maîtrise en administration et évaluation de l’éducation Maître ès Arts (M.A)

Québec, Canada

© Laurie Dorval-Morissette, 2013

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Page 3: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

iii

Résumé

Le présent mémoire a pour but de rendre compte des résultats de recherche recueillis suite à

une immersion prolongée au sein du programme de formation des enseignants de

l’Université d’Helsinki en Finlande. Motivée par le désir de mieux comprendre

l’enseignant finlandais, cette étude s’est donnée pour objectif de dresser le portrait de cet

enseignant, en puisant de l’information au cœur même du milieu où il entame sa

socialisation professionnelle, soit dans le contexte de sa formation initiale.

La formation initiale, et plus spécifiquement son curriculum, constitue donc notre objet

d’étude. En effet, le curriculum de formation est appréhendé comme un document qui

traduit la culture professionnelle de l’enseignant. Le fait qu’un curriculum de formation

valorise certains savoirs et certaines compétences au détriment de certains autres nous

informe largement sur les compétences et les savoirs jugés essentiels à la formation d’un

bon enseignant. C’est pourquoi cette étude, bien qu’elle s’intéresse à l’identité

professionnelle de l’enseignant, se penche sur le contexte de sa formation initiale plutôt que

sur ses expériences et ses perceptions ce qui, selon nous, contribue à l’originalité de ce

projet de recherche.

Préconisant une démarche compréhensive, ce mémoire tente d’articuler la multitude de

données recueillies par ethnographie. Ces données, analysées à même la pensée

sociologique appliquée au curriculum (sociologie du curriculum) sont explicitées dans une

description ethnographique qui nous éclaire sur les connaissances et les compétences qui

caractérisent l’enseignant finlandais.

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Page 5: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

v

Remerciements Le jour du dépôt initial, comme je l’attendais! Je profite de cet avant-propos pour remercier

les personnes (ô combien nombreuses!) qui ont fait une différence dans mon parcours grâce

à leur soutien et leurs encouragements. J’aimerais avant tout remercier, du fond du cœur,

madame Annie Pilote qui, malgré la distance qui nous a séparé tout au long de ce projet, a

su trouver les mots pour me rassurer et me donner le goût d’apprendre et de faire toujours

mieux. Annie, merci pour ta sollicitude et ta patience!

Je tiens à remercier très chaleureusement ma famille: oncles, tantes, cousins et cousines

ainsi que mes grands-parents. Merci pour vos bons mots, votre joie de vivre contagieuse et

votre amour. Plus particulièrement, je tiens à exprimer ma plus sincère gratitude à mes

parents, qui sont toujours derrière moi et qui m’encouragent dans mes projets les plus fous.

Je les remercie pour la confiance qu’ils me portent ainsi que pour tout le soutien moral et

financier qu’ils ont eu la générosité de m’offrir alors que j’étais aux études.

J’en profite aussi pour remercier les étudiants inspirants qui ont croisé mon chemin durant

mon passage à la maîtrise. Jean-Michel, Jean-Luc, Anthony, Elizabeth, Emily, Caroline,

Laura et Jonas : votre curiosité, votre motivation et votre rigueur m’ont donné envie de me

dépasser. Dans les moments de doute, vous avez été pour moi des modèles de ténacité qui

m’ont encouragé à aller de l’avant et à ne pas abandonner.

Je ne pourrais passer sous silence l’ouverture d’esprit et la générosité des professeurs du

département de la formation des maîtres de l’Université d’Helsinki. Sans leur confiance et

leur temps, ce projet n’aurait pas pu voir le jour. J’aimerais remercier par la même occasion

les étudiants du programme de formation initiale à l’enseignement pour m’avoir accepté au

sein de leur groupe, alors que je ne parlais pas la langue et que j’avais tout à apprendre.

Kiitos paljon kaikille !

Page 6: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

vi

Finalement, je tiens à remercier très sincèrement la Fondation Rotary, organisme grâce

auquel j’ai pu mener ce très enrichissant travail d’ethnographie loin de la maison. Bien

qu’ardu, le séjour en Finlande s’est avéré riche sur tous les plans, et plein de surprises!

Je regarde les deux années qui viennent de passer, la tête dans les livres, les yeux rivés sur

l’ordinateur. Il m’est arrivé plusieurs fois, comme beaucoup d’autres, de me demander s’il

valait vraiment la peine de se donner tout ce mal. En contrepartie, il m’est aussi arrivé

d’avoir l’impression que ce mémoire donne plus de sens à ma vie que bien d’autres

projets… C’est donc le cœur gros mais plus léger que je mets fin à cette aventure qu’a été

celle de la maîtrise. Le voyage en Finlande ainsi que toutes mes inspirantes rencontres

feront vivre en moi pour toujours des souvenirs magnifiques de cette étape de ma vie.

Page 7: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

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Table des matières Résumé .................................................................................................................................. iii Remerciements ....................................................................................................................... v Table des matières ................................................................................................................ vi Liste des tableaux,figures et photos ...................................................................................... ix Liste des annexes .................................................................................................................. xi Chapitre 1 - Contexte général ............................................................................................. 1 1.1 Introduction .................................................................................................................. 1 1.2 La Finlande après PISA: objet de fascination .............................................................. 2

1.2.1 Les enjeux entourant la comparaison à visée évaluative .................................. 4 1.2.1.1 Sa fonction régulatrice ............................................................................... 4 1.2.1.2 La comparabilité au détriment du caractère particulier de chaque milieu . 6

Chapitre 2 - Problématique ................................................................................................ 9 2.1 Identité professionnelle et construction identitaire ...................................................... 9 2.2 Former à la pratique réflexive et former le praticien réflexif : la double nature du concept de réflexivité .................................................................. 13 2.3 L’identité professionnelle de base : le rôle de la formation initiale dans la construction identitaire de l’enseignant .................................................................. 15 2.4 Synthèse ...................................................................................................................... 18 2.5 Le profil identitaire de l’enseignant finlandais ........................................................... 19

2.5.1 Recension de la littérature .............................................................................. 20 2.5.1.1 Son milieu de travail ................................................................................ 22 2.5.1.2 Sa formation initiale ................................................................................ 22

2.6 Perspectives historiques ............................................................................................. 24 2.7 Objectifs de la recherche ............................................................................................ 30 Chapitre 3 - Cadre théorique ............................................................................................ 33 3.1 Les fondements théoriques de l’étude : l’approche sociologique .............................. 33 3.2 Étudier le programme de formation initiale : le concept de curriculum .................... 33 3.3 La culture du curriculum ............................................................................................ 35

3.3.1 Culture du curriculum et identité professionnelle .......................................... 36 3.4 Synthèse ...................................................................................................................... 38 Chapitre 4 - Méthodologie ................................................................................................ 41 4.1 Le choix de la démarche ethnographique ................................................................... 41 4.2 Devant les particularités d’un nouveau milieu : reculer pour mieux avancer ............ 41 4.3 Voir au-delà des apparences : composer avec le « paravent » ................................... 42 4.4 Posture critique, démarche compréhensive: le choix de l’ethnographie .................... 48 4.5 Comprendre la démarche ethnographique .................................................................. 49 4.6 Les informations spécifiques à notre terrain de recherche ......................................... 52

4.6.1 Terrain de recherche et cueillette de données ................................................. 53 4.7 Au-delà de la subjectivité : savoir faire preuve de rigueur scientifique ..................... 57 4.8 La triangulation comme moyen d’assurer la validité interne de la recherche ............ 59 4.9 Analyse des données .................................................................................................. 61

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Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données ................................................ 63 5.1 Composantes structurelles et organisationnelles ........................................................ 63

5.1.1 Le Département de la formation initiale à l’enseignement ............................. 63 5.1.1.1 La majeure en sciences de l’éducation ..................................................... 70 5.1.1.2 Projets de recherche ................................................................................. 71

5.1.2 Stages .............................................................................................................. 72 5.2 Les études multidisciplinaires (multidisciplinary studies) .......................................... 73 5.3 La mineure (optional minor subject and optional studies) ......................................... 74

5.3.1 Scénario 1: peaufiner des compétences liées à la pratique enseignante ......... 74 5.3.2 Scénario 2: se spécialiser dans une discipline (deuxième majeure)................ 75 5.3.3 Scénario 3: combiner compétences enseignantes et savoirs disciplinaires ..... 75

5.4 Les cours offerts au sein du programme ..................................................................... 76 5.5 Curriculum et culture du curriculum .......................................................................... 80

5.5.1 Le programme comme une grande communauté d’apprentissage .................. 80 5.5.1.1 La proximité ............................................................................................. 80 5.5.1.2 La collégialité........................................................................................... 85 5.5.1.3 Le rôle du formateur et de l’étudiant au sein de cette communauté

d’apprenants ............................................................................................. 89 5.6 Le programme comme un lieu d’épanouissement professionnel et personnel ........... 91 5.7 L’importance de la réflexivité ..................................................................................... 94

5.7.1 Systématiser une démarche professionnelle ................................................... 94 5.7.2 Favoriser l’épanouissement professionnel de chaque enseignant ................... 97

5.8 Culture du curriculum et identité professionnelle ....................................................... 98 5.8.1 L’enseignant finlandais : un professionnel efficace ........................................ 99 5.8.2 L’enseignant finlandais : un professionnel unique et essentiel à son milieu ................................................................................................... 100 5.8.3 L’enseignant finlandais : un professionnel averti ......................................... 100 5.8.4 L’enseignant finlandais : praticien-réflexif? ................................................. 101

Chapitre 6 - Conclusion ................................................................................................... 103 6.1 Retombées de notre étude ......................................................................................... 106 6.2 Limites de notre étude ............................................................................................... 107 6.3 Poursuite de la recherche .......................................................................................... 107 Bibliographie ..................................................................................................................... 109 Annexes ................................................................................. Erreur ! Signet non défini.

Page 9: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

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Liste des tableaux, figures et photos Tableau 1 : Profils identitaires d'enseignants portugais .................................................... 12

Tableau 2 : Champs de formation dans la majeure ........................................................... 67

Tableau 3 : Axes de formation dans la majeure ................................................................ 69

Figure 1 : Triangle d'influences dans le développement identitaire ................................ 37

Figure 2 : Structure générale du programme .................................................................. 66

Photo 1 : Le local de menuiserie .................................................................................... 64

Photo 2 : Le local de didactique des mathématiques ..................................................... 64

Photo 3 : Un local de pratique pour les leçons de piano ................................................ 64

Photo 4 : Le local d'arts .................................................................................................. 65

Photos 5-6 : Future enseignante en stage pratique à Helsingin Yliopiston Viikin Normaalikoulu .................................................................................................. 72

Photos 7-8 : Exposition de projets d'art .............................................................................. 84

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xi

Liste des annexes Annexe A : Canevas d'entretien destiné aux professeurs des cours disciplinaires ............ 117

Annexe B : Canevas d'entretien destiné aux professeurs en formation à la recherche ..... 118

Annexe C : Annonce de recrutement ................................................................................ 119

Annexe D : Consent Form ................................................................................................. 120

Annexe E : Grille d'observation ........................................................................................ 122

Annexe F : Grille d'analyse des résultats .......................................................................... 123

Annexe G : Curriculum for Class Teacher Education 2008 ............................................. 125

Annexe H : Document du Comité d'éthique de la recherche de l'Université Laval .......... 127

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Chapitre 1 - Contexte général

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Chapitre 1 - Contexte général

1.1 Introduction Il existe à plusieurs milliers de kilomètres du Québec, un lieu où l’enseignant semble

s’épanouir pleinement comme professionnel: la Finlande. L’enseignant finlandais, cité en

exemple depuis maintenant plus d’une décennie, est sorti de l’ombre grâce aux évaluations

du Programme international pour le suivi des acquis (PISA). Suite à ses succès répétés, la

Finlande a présenté le professionnalisme de ses enseignants comme un des éléments-clés

qui contribue à la réussite des élèves finlandais. Dans un contexte où la Finlande est

devenue synonyme de réussite éducative, dans la mesure où cette réussite est largement

associée au professionnalisme et à la qualité du travail des enseignants (Sahlberg, 2011),

nous avons jugé pertinent de se tourner vers ce modèle dans le cadre de notre mémoire, qui

s’inscrit dans une réflexion sur l’identité professionnelle de l’enseignant. Comme nous le

verrons, la conjoncture en matière d’éducation a fait de la Finlande, et plus spécifiquement

de l’enseignant finlandais, un cas suggestif1 propice à une réflexion sur l’identité

professionnelle de l’enseignant. Qui plus est, la popularité du modèle finlandais et la

fascination qui l’entoure ajoutait à la pertinence de notre étude, qui se donne pour objectif

de porter un regard compréhensif sur l’enseignant finlandais, un regard qui cherche à

dépasser cette « fascination », comme nous l’appelons, qui caractérise bon nombre d’écrits

sur le sujet.

Dans ce mémoire, il sera démontré que les connaissances que nous détenons actuellement

de l’enseignant finlandais restent superficielles, et qu’il est possible, par l’étude de son

curriculum de formation initiale, d’acquérir une compréhension approfondie des

caractéristiques de son profil identitaire qui contribuent à son caractère distinctif.

Le présent document est divisé en deux parties. La première partie comprend les quatre

premiers chapitres. Le premier chapitre propose de camper le projet dans son contexte

général, celui de la comparaison internationale en éducation et de ses enjeux. Le second

chapitre pose la problématique de notre recherche à partir d’une recension de la littérature

autour de l’identité professionnelle de l’enseignant en général et, de manière plus 1 Au sens entendu par Roy (2009), un cas suggestif prend la forme d’un « exemple particulièrement

révélateur qui exprime une réalité plus diffuse ou difficilement mesurable ailleurs » (p. 206).

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Chapitre 1 - Contexte général

2

spécifique, de l’enseignant finlandais. Ce chapitre pose notre objet de recherche : le

curriculum de formation. Il explicite aussi l’objectif général ainsi que les objectifs

spécifiques à notre projet. Le troisième chapitre présente les balises théoriques de notre

travail. Il délimite les concepts de curriculum et de culture du curriculum en les plaçant plus

largement dans la tradition sociologique. Ce chapitre établit aussi les liens qui unissent les

concepts de curriculum, de culture du curriculum et d’identité professionnelle à l’intérieur

de notre cadre théorique. Le quatrième chapitre présente notre méthodologie de recherche:

l’ethnographie. Il expose la démarche à travers laquelle nous avons fait le choix de cette

méthode, en plus de fournir des explications permettant de comprendre et d’apprécier la

complexité de la démarche ethnographique. Ce chapitre décrit aussi les particularités de

notre terrain de recherche.

La deuxième partie comprend les deux derniers chapitres du mémoire. Dans le cinquième

chapitre, les données qui ont été colligées suite à notre enquête de terrain sont présentées en

trois temps: 1) la présentation de la structure et de l’organisation du curriculum, 2) les

éléments propres à la culture de ce curriculum et 3) les profils identitaires qui émergent de

cette culture.

Finalement, le quatrième et dernier chapitre propose un bilan des apprentissages réalisés. Il

expose aussi les limites ainsi que les retombées possibles de notre étude.

1.2 La Finlande après PISA: objet de fascination

Entre 2000 et 2009, la Finlande se place en tête des palmarès PISA dans les catégories

suivantes: le rendement en mathématiques, les sciences et la lecture, les trois champs de

compétences évalués par ce programme (Trygvason, 2009; 2012; OCDE, 2000; 2003;

2006; 2009). PISA est une enquête comparative menée par l’OCDE sur une base triennale.

Elle s’effectue auprès de jeunes de 15 ans au sein d’établissements d’enseignement dans les

34 pays membres de l’OCDE et de nombreux pays partenaires. L’enquête évalue

l’acquisition des savoirs et des savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la

scolarité obligatoire. Elle teste aussi l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances

acquises à l’école aux situations de la vie réelle. Les tests portent sur la lecture, la culture

mathématique et la culture scientifique. Les résultats de ces enquêtes donnent lieu à la

construction de palmarès qui, une fois diffusés dans les milieux d’éducation, enclenchent

Page 15: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 1 - Contexte général

3

un processus de comparaison entre les milieux et de régulation avec les modèles éducatifs

faisant état des meilleurs résultats.

Compte tenu de son classement enviable au palmarès PISA, la Finlande est l’objet d’une

grande fascination et de beaucoup d’enthousiasme de la part de la communauté

internationale. Le moteur de recherche Google donne d’ailleurs accès à une foule d’articles

mettant en vedette la Finlande et son système d’éducation. À titre d’exemple, les mots-clés

« enseignant » et « Finlande » et leur équivalent en anglais « teacher » et « Finland »

donnent accès à une série de publications sur le sujet, dont notamment :

Les raisons de l’excellence finlandaise

Le miracle finlandais

L’éducation en Finlande : les secrets d’une étonnante réussite

Why are Finland’s schools successful?

What makes Finnish teachers special?

Why Finland’s schools are great?

The Finnish educational miracle

Miracle of education : the principles and practices of teaching and learning (ouvrage)

Finnish lessons: what can the world learn from educational changes in Finland? (ouvrage)

Finland’s phenomenon: inside the world’s most surprising school system. (film documentaire)

Cette liste d’articles qui inclut aussi un documentaire, deux ouvrages et un mémoire de

maîtrise, illustre la grande curiosité de la communauté internationale à l’égard de la

Finlande, qui semble avoir acquis une grande crédibilité ainsi qu’une certaine notoriété.

Nous sommes toutefois d’avis qu’il serait important, lorsqu'on s’intéresse à l’éducation en

Finlande, particulièrement dans un contexte où elle s’avère très populaire, de se pencher sur

ce cas avec une moins grande fascination et un regard plus critique. Sans présenter le

contenu des articles dont les titres figurent ci-haut, on peut remarquer que plusieurs

publications avec des titres tels que « le miracle finlandais » ou encore « les raisons de

l’excellence finlandaise » révèlent que le système finlandais est souvent associé à un

modèle de qualité et de réussite. Or, qu’est-ce qu’un système de grande qualité? Qui peut

Page 16: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 1 - Contexte général

4

délimiter ce concept et quels sont les impacts d’une telle vision de l’éducation sur le reste

du monde?

Loin de nous l’idée de remettre en question la pertinence de mener des études portant sur la

Finlande ou de s’y intéresser par simple curiosité (nous serions bien mal placée pour le

faire puisque notre propre recherche porte sur l’éducation en Finlande). Nous jugeons

toutefois important, pour ne pas dire essentiel, de mettre en lumière le mécanisme de

régulation des pratiques qui se cachent derrière la comparaison à visée évaluative comme

PISA, ce que nous tâcherons de faire dans les paragraphes qui suivent. Expliciter ce

mécanisme permet, selon nous, de contextualiser le succès de la Finlande et de le remettre

ainsi en perspective. Il ne s’agit pas de délégitimer le succès finlandais ou encore de

remettre en question la pertinence ou l’intérêt de la comparaison à visée évaluative, mais

plutôt d’en comprendre les enjeux et les mécanismes sous-jacents afin d’être en mesure de

poser un regard « averti » sur le succès finlandais.

1.2.1 Les enjeux entourant la comparaison à visée évaluative

Les enjeux entourant la comparaison à visée évaluative constituent à eux seuls de potentiels

projets de recherche2. C’est pourquoi il ne nous sera pas possible de présenter de manière

exhaustive la multitude d’enjeux ainsi que leurs différents impacts. Nous tenterons tout de

même de présenter les principaux éléments de cette problématique de manière à expliciter,

comme nous le croyons nécessaire, le mécanisme régulateur inhérent à l’évaluation PISA

comme aux autres études comparatives à visée évaluative.

1.2.1.1 Sa fonction régulatrice

Selon Baye (cité dans Malet, 2011), l’évaluation internationale comme le PISA travaille à

orienter le débat et les décisions politiques en matière d’éducation. Par la création de

palmarès, les organisations internationales responsables de mener les évaluations favorisent

l’établissement d’une dynamique compétitive et contribuent à la mise en place de réformes

dans différents milieux d’éducation (Malet, 2011). Cet acte régulateur s’opère, selon cet

auteur, par la valorisation de l’éducation offerte par les pays « performants » (ici, la

2 Voir entre autres l’essai d’Amélie Deschenau-Guay (2007). La « société du savoir ». Résonnance et

performativité d’un discours de légitimation du capitalisme.

Page 17: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 1 - Contexte général

5

Finlande) et la diffusion de recommandations quant à la manière de dispenser l’éducation

dans les pays « produisant » moins de réussite.

Pour Novoa et Yariv-Marshal (2003), cette dynamique s’inscrit dans une logique

concurrentielle visant la mise en place d’une politique dite d’imputabilité mutuelle (mutual

accountability). Dans ce contexte, les pays les plus performants deviennent la référence

obligée de tous les pays l’étant moins, faisant ainsi place à un lent mais sûr travail de

modification des politiques éducatives : The idea of mutual accountability brings a sense of sharing and participation, inviting each country to a perpetual comparison to the other […] this process brings a kind of verticality, that is a system of classification of schools according to standards that are accepted without critical discussion. […] The construction of comparable indicators serves as a “reference point” that will eventually lead the various national institutions to adopt “freely” the same kind of actions and perspectives within the educational field (Novoa et Yariv-Mashal, 2003, p.427-428).

Les études comparatives à visée évaluative contribuent donc à l’élaboration d’un langage

commun qui amène les pays du monde entier à valoriser des politiques semblables en

matière d’éducation. Elles cherchent, selon Malet (2011), à inciter ou à justifier

l’introduction de réformes éducatives ou scolaires, ce que Bayle (2001) désigne comme

étant la « fonction persuasive » des évaluations internationales :

Les évaluations internationales ont aujourd’hui – elles ont même été mises en place dans ce but – une « fonction persuasive » (Baye, 2001, p.12). Leur large diffusion est proportionnelle aux répercussions qu’on en attend sur les politiques éducatives nationales. Selon le point de vue où l’on se place, mais selon les contextes nationaux, les résultats de telles évaluations ont une fonction d’incitation, ou bien une fonction de justification, à l’introduction de réformes en matière éducative ou scolaire (Malet, 2011, p.323).

Force est de constater que la comparaison internationale, sous le couvert de l’objectivité

scientifique, opère une forte pression sur les différents milieux d’éducation et incite à la

conformité relativement à ce que les organisations internationales considèrent être un « bon

système d’éducation ». La promotion d’un système donné contribue à la propagation

d’idéologies partagées par un groupe. Pour Broadfoot (2000, p.360 ), la comparaison

internationale à visée évaluative (dont PISA) constitue, « the most powerful and insidious

development to date in the process of the world domination of one particular educational

model ». En d’autres mots, la comparaison à visée évaluative oblitère une logique

compétitive qui vise la domination d’un modèle unique en matière d’éducation.

Page 18: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 1 - Contexte général

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1.2.1.2 La comparabilité au détriment du caractère particulier de chaque milieu

La présentation du mécanisme régulateur inhérent à la comparaison à visée évaluative

souligne, selon nous, l’importance de poser un regard averti sur le succès finlandais. Plutôt

que de chercher des explications à leur succès, il semble plus intéressant de chercher à

comprendre la réalité finlandaise et à mettre en relief son caractère distinctif. Car la

comparaison à visée évaluative, en plus d’oblitérer un mécanisme de régulation des

pratiques qui incite la communauté internationale à adopter les pratiques des « plus forts »,

a pour défaut de n’offrir qu’une compréhension très partielle des systèmes d’éducation

qu’elle évalue. Métaphoriquement, nous pourrions dire que de l’iceberg tout entier,

l’évaluation PISA nous fait connaitre de la Finlande que la pointe. Novoa et Yariv-Mashall

(2003) font d’ailleurs cette critique à la comparaison à visée évaluative : celle du manque

de profondeur. Selon eux, la comparaison à grande échelle comme PISA amène une perte

de contact avec le caractère particulier, voire unique, des milieux d’éducation qui évoluent

dans des contextes sociaux et historiques qui leur sont propres. La comparaison à visée

évaluative aurait donc pour défaut de ne pas tenir suffisamment compte des caractéristiques

propres à chaque milieu. Elle privilégierait la rationalité instrumentale au détriment des

questions de sens et de culture, ce qui aurait pour effet l’élaboration d’équivalences dites

« fonctionnelles ». Or, pour Simola (2005), il n’existe pas de caractéristiques isolées qui

puissent expliquer le succès ou l’échec d’un système d’éducation. Pour lui, ce n’est pas la

mesure d’équivalences fonctionnelles, mais bien la connaissance d’un amalgame complexe

de facteurs sociologiques, historiques et organisationnels qui permettent de réellement

comprendre les subtilités d’un milieu d’éducation.

Cette perte de contact avec le milieu à des fins de comparabilité, ce que Malet (2011)

appelle « l’euphémisation des variations intra-culturelles » (Malet, 2011, p.6) aurait pour

conséquence l’atténuation de l’altérité entre les milieux :

Les concepts qui composent une langue, circulent et s’imposent dans un monde social renvoient à une histoire, à des usages dynamiques, et sont culturellement enracinés. Négliger cet ancrage social et culturel des mots expose à la construction de la comparabilité sur de seules équivalences fonctionnelles : bien que les pressions en ce sens soient fortes, c’est probablement le moyen le plus sûr de comparer l’incomparable (Malet, 2011, p.319)

Ce type de comparaison semble, dès lors, répondre à des fins utilitaires et pragmatiques

plutôt qu’à des fins de compréhension empathique de l’autre.

Page 19: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 1 - Contexte général

7

Nous sommes d’avis qu’étudier la Finlande en étant sensible aux limites de la comparaison

à visée évaluative constitue un atout pour notre étude. Adopter une attitude critique quant

aux résultats de l’étude PISA ou de toute autre comparaison à visée évaluative contribue à

rompre avec la fascination populaire pour le succès et la recherche de solutions faciles à des

problèmes d’éducation qui sont fort complexes.

C’est donc consciente des enjeux entourant la comparaison à visée évaluative que nous

avons choisi, malgré tout, de nous intéresser à la Finlande en cherchant, comme le suggère

Malet (2011) à palier au problème de l’euphémisation des variables intra-culturelles et ce,

en se donnant pour objectif d’acquérir une compréhension de la réalité finlandaise en la

documentant de l’intérieur. La démarche à la fois compréhensive et critique qui caractérise

notre mémoire a pour objectif de mieux comprendre la Finlande, que l’on s’entende ou non

sur la légitimité de son succès, bien qu’il ne soit pas ici question de le remettre en cause.

Ce mémoire s’inscrit dans un questionnement général sur la construction de l’identité

professionnelle de l’enseignant finlandais. De façon plus spécifique, il cherche à

documenter les caractéristiques propres au milieu de la formation initiale à l’enseignement

en Finlande, dans la mesure où ce milieu se présente comme un lieu de transmission de la

culture professionnelle de l’enseignant. La sociologie du curriculum sert de base à l’analyse

théorique de cette étude. Le futur enseignant est introduit à la profession par sa formation

initiale. Le curriculum de formation initiale devient donc, de manière plus spécifique, notre

objet d’étude et porte sur une étude de cas d’un programme de formation initiale à

l’enseignement, celui de l’Université d’Helsinki. Par une approche ethnographique, elle

cherche à documenter le contexte de la formation initiale offerte aux futurs enseignants.

Page 20: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais
Page 21: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

9

Chapitre 2 - Problématique Dans ce second chapitre, nous situons notre problème dans le champ de recherche sur la

construction et le développement d9e l’identité professionnelle en enseignement (IPE).

Puis, nous présentons le problème de la formation initiale à l’enseignement à partir d’une

revue des écrits sur le sujet. Enfin, nous exposons notre problématique de manière

spécifique, ainsi que les objectifs visés dans les chapitres suivants.

2.1 Identité professionnelle et construction identitaire

L’identité professionnelle de l’enseignant (IPE) est définie par Mockler (2010) comme

« the way teachers, both individually and collectively, view and understand themselves as

teachers (p.520) ». Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier (2001) proposent

pour leur part une définition plus élaborée :

(…) processus dynamique et interactif de construction d’une représentation de soi en tant qu’enseignant, mû par des phases de remise en question, généré par des situations de conflit (internes et externes à l’individu) et sous-tendu par les processus d’identisation et d’identification. Ce processus, qui débute dès le début de la formation du futur maître, mène à la construction et, virtuellement, à la transformation de la représentation que la personne a d’elle-même comme enseignant tout au long de sa carrière (p. 9).

Cette identité se construit selon deux dimensions : l’une psychologique, l’autre sociale. La

dimension psychologique implique « les aspects personnels qui font référence aux rapports

affectifs et cognitifs que l’individu entretient avec les autres et lui-même » (Riopel, 2006, p.

30). La dimension sociale, pour sa part, réfère « aux rapports qu’entretient l’individu avec

différentes communautés porteuses de cultures » (Gohier et Scheiffer dans Riopel, 2006, p.

29).

Il n’existe, à ce jour, aucun consensus quant à la manière de conceptualiser la construction

de l’IPE. Uwamariya et Mukamurera (2005) sont toutefois parvenues à distinguer, à partir

d’une méta-analyse de la littérature, deux grandes perspectives théoriques relativement à la

manière de conceptualiser la construction identitaire de l’enseignant. À partir de ces

perspectives, la construction identitaire est vue tantôt comme une succession de stades

comportant des changements propres à travers le temps (perspective développementale),

tantôt comme un cheminement qui se vit par l’acquisition d’un ensemble de savoirs

pertinents à l’enseignement (perspective axée sur la professionnalisation des enseignants).

Page 22: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

10

Bien que ces deux manières d’appréhender le développement professionnel soient

différentes, elles partagent toutes deux l’idée qu’il s’agit d’un processus dynamique,

continu et interactif de changement par lequel l’enseignant grandit et améliore sa pratique

au fil du temps, comme le mentionnaient Beauchamp et Thomas (2009).

Devant ce flou conceptuel, Beauchamp et Thomas (2009) ont cherché à identifier, à partir

d’une recension exhaustive de la littérature, certaines notions-clés sur lesquelles

s’entendent les chercheurs. À l’issue de leur analyse, ils s’entendent pour dire que l’idée

d’un processus dynamique, continu et interactif est celle qui fait présentement consensus :

The literature on teaching and teacher education reveals a common notion that identity is dynamic, and that teacher’s identity shifts over time under the influence of a range of factors both internal to the individual, such as emotion, and external to the individual, such as job and life experiences in particular contexts (Beauchamp et Thomas, 2009, p. 177)

Le développement de l’IPE se présente donc comme un phénomène dynamique et interactif

qui s’opère tout au long de la vie professionnelle de l’enseignant. À la fois « processus » et

« produit », sa construction implique une variété d’influences en interrelation (Ferreira et

al. 2009). En dehors de ces éléments-clés, il n’existe aucun consensus quant à la manière

dont se construit l’IPE. Notre recension de la littérature nous a toutefois permis de constater

l’omniprésence du concept de réflexivité dans les écrits portant sur l’IPE.

Pour ces chercheurs, l’enseignant (ou le futur enseignant) élabore lui-même son identité en

contexte et ce, en faisant appel à la dimension psychologique aussi bien que sociale de sa

personne. Le contexte apparait aussi comme une variable qui influence la construction de

l’identité professionnelle. Pour Korthagen (2005) comme pour Gohier, Anadon, Bouchard,

Charbonneau et Chevrier (2001), le développement professionnel est modelé par une série

d’influences externes. Les variables contextuelles comme l’environnement, les croyances et

la mission de l’école entrent en interaction avec l’individu et contribuent à altérer le

développement identitaire de l’enseignant. Ferreira, Lopes, Machado, Rocha, Sà et Silva

(2009) rendent compte, plus explicitement, de l’influence du contexte dans la définition du

processus de construction de l’IPE :

La construction de l’identité professionnelle est le produit (bien que provisoire) d’une double transaction biographique et relationnelle, et en même temps, que cette double transaction a lieu dans un contexte sociohistorique qui donne au sujet des significations typifiées spécifiques qui délimitent les contenus et les dynamiques de sa recherche d’identité dans les contextes de vie et dans les milieux scolaires (p. 130)

Page 23: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

11

Des éléments propres à l’individu, comme son bagage personnel, ses valeurs ou ses

aptitudes, interagissent avec les variables contextuelles.

Une revue de la littérature sur le sujet révèle toutefois que seul un faible nombre d’études se

sont intéressées à l’IPE en prenant comme angle d’analyse le contexte dans lequel elle se

construit. Il semblerait qu’en dépit de l’importance accordée à ce facteur dans la

construction de l’IPE, encore peu d’études ont cherché à documenter cette question. Seules

quelques études se sont intéressées plus spécifiquement au développement de l’IPE en

plaçant le contexte au cœur de l’analyse. L’étude de Poulin (2010), par exemple, a porté sur

l’identité professionnelle construite chez les enseignants travaillant au sein d’écoles

alternatives. Bien qu’elle s’intéresse au contexte de l’école alternative, cette recherche ne

documente toutefois pas le contexte en lui-même, mais bien l’expérience des enseignants

qui y travaillent. Dans cette recherche, Poulin (2010) observe qu’il existe des traits

caractéristiques sur le plan de l’identité professionnelle chez les enseignants travaillant au

sein d’écoles alternatives. Cette étude ne parvient toutefois pas à déterminer si ces

enseignants ont choisi l’école alternative parce qu’ils présentaient, d’emblée, certaines

caractéristiques communes ou si ces dernières se sont développées au sein de leur milieu de

travail.

D’autres études, portant cette fois sur la formation initiale à l’enseignement, ont aussi

généré des résultats mettant en lumière l’influence du contexte de formation sur la

construction de l’identité professionnelle. Lopes et Pereira (2012) ont récemment cherché à

comprendre l’impact d’un programme de formation initiale offert dans une université

portugaise sur l’identité professionnelle des futurs enseignants. Pour Lopes et Pereira

(2012), le contexte de formation des maîtres opère une influence indéniable sur la

construction de l’identité professionnelle de base. Suite à une analyse comparative de

différents curriculums de formation en vigueur à différents moments au cours des cinquante

dernières années, elles affirment ceci : The relationship between the ecological system’s levels and the features of pre-service teacher education curriculum as a development scenario and landscape, also remind us that to change habits and ethos it is necessary to offer development scenarios capable of promoting identity conversion. The training climate must be strong in order to induce changes in representations and into personal and social perceptions (Lopes et Pereira, 2012, p. 33)

Page 24: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

12

Bien que ces auteurs n’aient pas documenté le curriculum de formation initiale, elles

observent qu’il existe un lien entre le « climat de formation » que nous associerons plus

tard au concept de « culture du curriculum » et les changements qui surviennent dans le

développement de l’identité professionnelle des enseignants portugais.

Finalement, l’étude de Ferreira, Lopes, Machado, Rocha, Sà et Silva (2009) témoigne plus

explicitement de l’influence du contexte sur le développement de l’IPE. Cette étude,

réalisée à partir de 40 entretiens biographiques d’enseignants formés à différentes époques

au Portugal, s’est intéressée aux impacts de la culture d’un curriculum de formation offert à

une époque donnée sur l’IPE. Les résultats révèlent que les identités professionnelles de

base sont différentes en fonction du moment sociohistorique de la formation, ce qui

démontre que la manière dont les programmes sont élaborés, ainsi que les contenus qui y

sont privilégiés, a bel et bien un impact sur l’IPE du futur enseignant qui y chemine. Les

auteurs parviennent d’ailleurs à distinguer quatre profils identitaires différents en fonction

de quatre périodes dans le temps :

Tableau 1: Profils identitaires d’enseignants portugais

Noyau Dimension pédagogique de l’activité

Dimension sociale de l’activité

1ère période Basée sur l’enseignement

De type austère et conformiste

2e période Basée sur le professionnel

De type affectif et transformateur

3e période Basée sur l’enseignement

De type technico-affectif et innovant

4e période Basée sur l’apprentissage

De type cognitif et civique

Tiré de Ferreira, Lopes, Machado, Sà et Silva (2009). Tableau n°3 –

Les identités professionnelles de base des enseignants formés au cours des trente dernières années, p. 127

Ces chercheuses mettent en lumière l’importance du contexte sociohistorique dans lequel

évolue l’enseignant. Elles parviennent à mettre en exergue, comme en témoigne le Tableau

3, comment les différentes époques de formation ont contribué à la formation de jeunes

Page 25: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

13

enseignants aux identités variées, puisque les programmes de formation offerts à ces

moments-là ont différé les uns des autres, autant sur le plan des contenus que sur le plan

des valeurs et des idéologies en regard à la profession enseignante.

Grâce à ces résultats de recherche, nous remarquons que l’identité de l’étudiant en

formation initiale se trouve altérée par le milieu dans lequel il évolue ainsi que par les

expériences auxquelles il est confronté. Ces derniers mettent en lumière l'influence

qu'opèrent les contextes (milieu de travail, formation initiale, culture organisationnelle)

dans le processus de construction de l'identité professionnelle des enseignants.

2.2 Former à la pratique réflexive et former le praticien réflexif : la double nature du concept de réflexivité

Nous avons abordé brièvement l’enjeu du concept de « praticien-réflexif » plus tôt dans ce

chapitre. Nous avons fait valoir son caractère polysémique en mentionnant qu’il était

difficile, selon nous, de définir avec précision l’enseignant finlandais en ayant recours à ce

concept.

Le Petit Larousse Illustré (2012, p.934) décrit la réflexivité comme « l’action de réfléchir à

quelque chose ». À l’instar du dictionnaire usuel, la littérature scientifique n’offre aucune

définition du concept de réflexivité qui fasse consensus et ce en dépit de sa grande

popularité. De nombreux auteurs rapportent d’ailleurs que le concept de réflexion demeure,

encore, à ce jour, peu clair et peu consensuel au niveau théorique (Beauchamp, 2006;

Chaubet, 2010; Tardif, 2012). Ces derniers soulignent la pluralité terminologique ainsi que

le caractère polysémique du concept. En plus de répondre à diverses appellations

(réflexivité, acte réflexif, praticien réflexif, etc.), le concept de pratique réflexive possède

une multitude de sens. À la fois processus et produit, la double nature qui caractérise la

pratique réflexive donne lieu à un important flou terminologique et conceptuel, comme le

souligne Fendler, cité dans Beauchamp (2006, p.12): Today’s discourse of reflection incorporates an array of meanings: a demonstration of self-consciousness, a scientific approach to planning for the future, a tacit and intuitive understanding of practice, a discipline to become more professional, a way to tap into one’s authentic inner voice, a means to become a more effective teacher, and a strategy to redress injustices in society. It is no wonder then that current research and practices relating to reflection tend to embody mixed messages and confusing agendas.

Page 26: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

14

D’un côté, la réflexivité se présente comme un acte essentiel au développement identitaire,

un outil grâce auquel l’enseignant construit son identité professionnelle et parachève son

développement identitaire. Cette compétence permet à l’enseignant d’analyser et de

conceptualiser sa pratique. Elle apparaît aussi comme un moyen de s’adapter à une réalité

professionnelle en perpétuelle évolution (Toy et Ok, 2012).

D’un autre côté, la réflexivité se présente comme une finalité en soi: celle de former un

praticien-réflexif. Force est de constater, toutefois, qu’il n’existe aucun consensus quant à

la manière de définir cet enseignant. Si certains associent d’emblée l’idée de praticien-

réflexif à la définition élaborée par Schön (1983; 1987), il serait faux de croire que tous les

écrits valorisant ce type d’enseignant partagent cette conception.

Une revue de la littérature nous permet de distinguer deux discours prépondérants quant

aux finalités de la formation d’un praticien-réflexif. Dans le premier cas, la pratique

réflexive a pour objet les enjeux moraux, éthiques, politiques et instrumentaux vécus et

intégrés dans la pratique quotidienne de l’enseignant. Elle vise à doter l’enseignant de

l’esprit critique nécessaire à la remise en question du statu quo en éducation (Kincheloe,

2004; Erlandson, 2005). Dans son idéal que nous avons appelé « critique » et que Tardif

(2012, p. 51) présente comme « la réflexion comme critique des idéologies et des rapports

de domination », le praticien-réflexif agit à titre de moteur de changement. Il est conscient

du caractère fondamentalement politique de l’école. Le but ultime de cet enseignant est de

contribuer, par son analyse des enjeux relatifs au monde de l’éducation, à une plus grande

justice sociale. Cet enseignant est notamment celui qui est valorisé par les textes de la

pédagogie critique. Les auteurs Giroux (2008) et Kincheloe (2004), dépeignent l’idéal-

enseignant comme un éducateur avisé et au fait des mécanismes régulateurs qui évoluent

autour de l’école. Dans cette perspective, le savoir enseignant constitue un phénomène

critique dont l’étude peut déceler les tensions sociales et les idéologies à travers lesquelles

elles s’expriment (Gauthier et Mellouki, 2006). L’acte réflexif ne se limite donc pas au

contexte même de la classe, mais s’inscrit plutôt dans le contexte sociohistorique de la

société dans laquelle évolue l’école et où se situe la classe.

Dans le second cas, la réflexion a pour objet l’efficacité des stratégies auxquelles a recours

l’enseignant. La réflexion est alors mise à contribution de la professionnalisation de

Page 27: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

15

l’enseignement. Elle sert d’outil permettant la systématisation d’une démarche de prise de

décision basée sur la rationalité, dans une perspective où l’enseignant est responsable, voire

imputable, de ses choix pédagogiques (Cochran-Smith, 2010, 2011; Rudduck, 1985;

Zeichner, 1983). Dans son idéal que nous avons appelé « autocritique » et que Tardif

(2012, p.53) présente comme « la réflexion comme expérience sociale », l’acte réflexif de

l’enseignant porte sur ses propres pratiques pédagogiques dans une perspective d’efficacité

et de développement professionnel. Cet enseignant se concentre sur les paramètres de sa

tâche et ses réflexions portent sur l’activité de la classe. L’enseignant efficace, bien qu’il ne

soit pas appelé à agir formellement en tant que chercheur, est invité à en adopter la

posture/l’attitude. Il doit porter un regard analytique sur ce qu’il fait, et veiller à réajuster

ses pratiques en se référant, en partie, à son savoir d’expérience, mais surtout en ayant

recours à des théories ou à des données de recherche empiriquement vérifiées.

Alors que notre survol de la littérature nous a permis de distinguer deux discours

prépondérants, Tardif (2012) pour sa part, distingue une troisième manière de

conceptualiser la réflexivité : la réflexion comme reconnaissance et interaction (p.64). Cette

troisième et ultime conception de la pratique réflexive a pour objet non pas la pratique

enseignante à proprement parler, mais bien une réflexion sur l'interaction de sa pratique

avec celle des autres enseignants ainsi qu’avec ses élèves. La réflexion s’inscrit au cœur des

interactions humaines, dans le flot quotidien des rapports entre les individus.

La pratique réflexive, qu’elle soit appréhendée comme une fin ou un moyen, occupe une

place importante dans la littérature sur l’IPE. Bien qu’il nous soit impossible de définir ce

concept avec plus de précision, être au fait des variétés de conception du terme nous permet

d’être vigilants au moment de lui donner un sens. En effet, nous savons maintenant que le

concept possède différentes significations en fonction des différentes idéologies en

présence.

2.3 L’identité professionnelle de base : le rôle de la formation initiale dans la construction identitaire de l’enseignant

En nous intéressant à la littérature documentant l’enseignant finlandais, nous avons

souligné la place qu’occupe la formation initiale à l’enseignement dans les écrits. Comme

en témoigne notre recension de la littérature, les informations sur la formation initiale, ses

Page 28: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

16

paramètres ainsi que ses objectifs, étaient souvent mises de l’avant pour parler de l’identité

professionnelle. Cette observation s’inscrit toutefois logiquement dans les informations que

véhicule la recherche en regard à l’IPE. En effet, il semblerait que la formation initiale à

l’enseignement constitue le premier milieu d’acquisition de la culture professionnelle de

l’enseignant, culture qui se présente comme « l’ensemble des façons de penser, de sentir et

d’agir propres à [un] groupe, apprises et partagées par [les] membres et qui servent à

constituer objectivement et symboliquement ceux-ci en groupe particulier et distinct »

(Lessard, 1986 dans Riopel, 2006 p. 33). Cette étape charnière du développement

identitaire de l’enseignant contribue au développement de ce qu'on appelle l’identité

professionnelle de base (Ferreira et al. 2012; Connely et Clandini, 1999).

La formation initiale se présente dans la littérature comme le berceau de la construction

identitaire sur le plan professionnel. À cette étape du cheminement professionnel de

l’enseignant, l’IPE se construit à partir d’un travail de négociation entre les expériences

personnelles de l’étudiant à titre d’ancien élève, la perception du rôle de l’enseignant qui en

découle et la compréhension théorique qu’il développe au sein de son programme de

formation initiale (Anspal, Eisenschmidt et Löfström, 2012; Mokler, 2010; Parkison, 2009).

La formation initiale se trouve dans une position où elle doit agir à titre de médiateur entre

les préconceptions des étudiants et l’idée qu’elle se fait d’un enseignant et d’une formation

à l’enseignement de qualité (Sugrue, 2004; Korthagen, 2004). Le curriculum de formation

des maîtres se présente, dès lors, comme le contexte au sein duquel le futur enseignant

développe une représentation positive et adéquate de lui-même en tant que professionnel.

La construction de l’identité professionnelle s’opère tout au long de la carrière de

l’enseignant. Bien que chaque étape de sa carrière ait une importance particulière dans la

construction de son identité, la recherche indique que la formation initiale constitue le lieu

où naissent les premiers efforts de construction identitaire de l’enseignant:

While it is clear to us that further identity development will take place in actual practice later on, a teacher education program seems to be the ideal starting point for instilling not only an awareness of the need to develop an identity, but also to anticipate sense of the ongoing shifts that will occur in that identity (Beauchamp et Thomas, 2009, p.186)

La formation initiale de l’enseignant représente une étape charnière de son développement

professionnel, période au cours de laquelle émergent des attentes face à la profession, en

Page 29: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

17

plus de servir de période de développement du rapport au métier, aux élèves ainsi qu’aux

savoirs (Riopel, 2009). Pour Evans (2010), supporter la construction de l’IPE dès le début,

et ce tout au long de la formation initiale revêt une importance capitale. La formation

initiale à l’enseignement se présente comme un mécanisme de socialisation à la profession

enseignante. Il s’agit du premier lieu au sein duquel le futur enseignant se familiarise avec

les normes et les valeurs partagées de la profession (Evans, 2010). Les résultats de

recherches portant sur le développement professionnel en contexte de formation des maîtres

font état de l’importance de la formation initiale comme étape charnière du développement

professionnel. Il s’agit d’une période au cours de laquelle émergent des attentes face à la

profession, en plus de servir de lieu de développement du rapport au métier et aux élèves

(Riopel, 2006; Ferreira et al. 2009).

La formation à la recherche a aussi été étudiée en tant que composante du curriculum de

formation initiale visant le développement de l’IPE. Plus précisément, la formation à la

recherche se présente comme un outil favorisant le développement de la réflexivité, qui à

son tour, contribue à la construction de l’IPE : (…) research during teacher education aims to encourage student teachers to engage in critical reflection, develop a questioning stance, understand school culture, construct new curricula and pedagogy, modify instruction to meet students’ needs, and become socialized into teaching by participating in learning communities (Cochran-Smith dans Dobber, Akkerman, Verloop et Vermunt, 2012, p. 1)

Dans leur étude, Dobber, Akkerman, Verloop et Vermunt (2012) ont comparé les activités de

recherche menées par deux groupes de futurs enseignants. Ils ont remarqué que les activités

de recherche donnaient la possibilité aux étudiants de vivre concrètement des situations de

collaboration et de prise de décisions qui favorisent la pratique réflexive. De son côté,

Lambe (2011) a exploré les impacts de la participation à la recherche-action en contexte de

FM sur les compétences réflexives des étudiants. D’après les résultats de cette étude, le

dialogue professionnel occasionné par la réalisation d’un projet de recherche contribue à

l’amélioration des capacités réflexives des futurs maîtres. La réalisation d’un tel projet crée

aussi des situations leur permettant de faire des liens entre la théorie présentée en contexte

universitaire et la pratique en milieu scolaire.

Les recherches que nous venons d’exposer démontrent que malgré la mise en place de

formules pédagogiques visant à favoriser le développement de la réflexivité, bon nombre

Page 30: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

18

d’étudiants ne parviennent pas à se détacher suffisamment de leur préoccupation pratique.

À ce sujet, la supervision, le mentorat et les autres formes d’activités pédagogiques

permettant la modélisation par le formateur (scaffolding) et le dialogue sont vus comme

facilitant une démarche de réflexion plus abstraite (Hume, 2009; Anspal, Eisenschmidth et

Löfström, 2012). Correa Molina, Collin, Chaubet et Gervais (2010), suite à une vaste

recension des écrits sur le sujet, soutiennent que l’interaction verbale qu’ils définissent plus

largement comme « la dimension collective » de la réflexivité, joue un rôle non négligeable

dans le développement de la capacité réflexive; les réflexions individuelles se partagent et

s’enrichissent au contact des autres. La pratique réflexive collective présenterait d’ailleurs

plus d’avantages que la pratique individuelle dans le contexte de la formation initiale

(Makinster, Barab, Harwood et Andersen, 2006 dans Correa Molina, Collin, Chaubet et

Gervais, 2010). De la même manière, la formation à la recherche contribue au

développement de la réflexivité grâce aux opportunités qu’elle offre de résoudre des

problèmes et d’analyser sa pratique.

2.4 Synthèse

À la lumière des informations recensées, nous savons que le mécanisme de construction

identitaire s’explique de diverses façons, et qu’il n’existe aucun consensus à cet égard.

Nous savons aussi que l’identité professionnelle se construit de manière dynamique et

continue; elle ne se résume pas à une étape de la vie professionnelle de l’enseignant et elle

est influencée par divers facteurs d'ordre personnel, professionnel et contextuel. En d’autres

termes, elle évolue à travers une multitude d’interactions et de contextes qui contribuent à

sa construction au fil des années. La formation initiale à l’enseignement, bien qu’elle ne

représente qu’une étape dans le cheminement professionnel d’un enseignant, revêt

cependant une importance particulière dans son développement identitaire. Elle est perçue

comme le premier milieu de socialisation avec la profession. C’est d’ailleurs à l’intérieur de

cette formation que se développe l’identité professionnelle de base, qui sera ensuite appelée

à évoluer au cours de la carrière de l’enseignant.

Nous savons aussi que le concept de réflexivité semble lié étroitement à celui de l’IPE. En

effet, la réflexivité existe à la fois comme outil de développement identitaire (utiliser la

réflexivité pour se développer professionnellement) et comme finalité de ce même

Page 31: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

19

développement (devenir un enseignant réflexif). Nous savons maintenant qu’il n’existe pas,

en dépit de sa popularité, de définition de la réflexivité faisant consensus, autant en ce qui

concerne la manière dont elle prend forme qu’en ce qui concerne ses finalités. Nous savons

toutefois que les liens étroits qui unissent l’exercice de la recherche, la pratique réflexive et

l’identité professionnelle donnent lieu à une importante valorisation de l’enseignant comme

praticien-réflexif. Ce profil identitaire, bien que répandu dans la littérature, ne semble

toutefois trouver aucun consensus quant à ce qui le caractérise. Cette absence de consensus,

qui caractérise aussi les écrits sur la réflexivité, témoigne des tensions idéologiques qui

règnent au sein de la profession enseignante. Ces tensions opposent tantôt une vision de

l’enseignant comme professionnel autonome à une vision davantage technicienne, tantôt

une vision humaniste à une vision davantage rationnelle (Zeichner, 1983; Zeichner et

Tabacnick). La charge idéologique des concepts utilisés dans la littérature rend leur

interprétation difficile. En effet, l’idée de praticien-réflexif, comme nous l’avons démontré,

réfère tantôt à un enseignant capable de porter un regard rationnel sur sa propre pratique,

tantôt à un enseignant apte à poser un regard critique sur des préoccupations sociales se

situant au delà du contexte de sa pratique. Ce pluralisme idéologique appelle à la

contextualisation des concepts utilisés. Nous entendons par-là qu’il nous apparaît

uniquement possible de définir plus clairement un concept comme celui de la réflexivité en

allant voir dans un milieu donné, le sens que lui donne les acteurs.

2.5 Le profil identitaire de l’enseignant finlandais

Maintenant que nous nous sommes intéressés à l’IPE comme champ de recherche, nous

nous attarderons plus spécifiquement aux études portant sur l’IPE de l’enseignant

finlandais.

L’enseignant finlandais est considéré par beaucoup comme l’élément-clé du succès que vit

présentement la Finlande. Morales (2012), qui s’est intéressée à la formation initiale des

enseignants finlandais dans une perspective comparée, affirme tout comme l’avait fait

Simola (2005) qu’il est difficile d’isoler un élément en particulier susceptible d’expliquer la

réussite éducative de la Finlande. Toutefois, nombreux sont les auteurs qui s’entendent

pour dire que la valorisation de la profession enseignante constitue, avec la qualité de leur

formation initiale, deux éléments susceptibles d’expliquer leur réussite (Kansanen, 2007;

Page 32: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

20

Niemi, 2011, Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Westbury et al, 2006). Bien que la

littérature n’attribue pas cette réussite davantage aux enseignants du « primaire » plutôt

qu’aux enseignants du « secondaire », nous avons choisi de nous intéresser à la formation

des enseignants de l’ordre primaire, appelés luokanopettaja3. Enseignante au primaire de

formation, nous nous sommes naturellement tournée vers cet ordre d’enseignement pour

mener notre recherche. Nous soutenons cependant qu’il aurait été tout aussi pertinent de

s’intéresser à l’enseignant du secondaire. Toutefois, la rédaction d’un mémoire de maîtrise

ne justifiait pas l’entreprise d’un aussi important chantier de recherche. Il était nécessaire,

dans ce contexte, de s’en tenir à l’un ou l’autre des ordres d’enseignement.

Dans les paragraphes qui suivent, nous allons répertorier les informations présentes dans la

littérature qui constitueront le point de départ à l’élaboration de notre problématique. Nous

tenons à spécifier, avant de conclure, que nous avons choisit d’utiliser le terme

« formateur » pour désigner les personnes qui œuvrent à la formation initiale des

enseignants. Ce terme implique tout type de formateurs (professeur, chargé de cours,

étudiant au doctorat) et nous évite ainsi de tomber dans les spécificités terminologiques des

différents milieux de formation. Par exemple, dans le cas de l’Université d’Helsinki, nous

aurions eu à distinguer le « lecturer » du « senior lecturer », du « Phd student ». Dans la

littérature anglophone, le terme « teacher educator » est généralement utilisé pour désigner

les formateurs au sens large (Krokfors et al., 2011).

2.5.1 Recension de la littérature

Les études qui se sont intéressées jusqu’à maintenant à l’identité professionnelle de

l’enseignant finlandais sont peu nombreuses. À notre connaissance, seules les publications

de Maaranen (2009; 2010) et de Maaranen et Krokfors (2008) se sont penchées sur cette

question, en prenant pour objet d’étude l’approche pédagogique spécifique au programme

de formation initiale, c’est-à-dire l’approche dite « basée sur la recherche ». Selon ces

chercheurs, cette approche pédagogique permettrait au futur maître de développer une 3 L’enseignant de classe (luokanopettaja) par opposition à l’enseignant des matières (aineopettaja) distingue,

dans le jargon de l’éducation finlandaise, l’enseignant du primaire de l’enseignant du secondaire. Mentionnons toutefois que nous construisons ces équivalences uniquement dans le but de faciliter la compréhension du lecteur québécois. En réalité, le système scolaire finlandais offre une formation dite « compréhensive » d’une durée de neuf ans qui ne segmente pas la formation « primaire » et la formation « secondaire ». L’enseignant de classe, qui fera ici l’objet de notre réflexion, est celui qui dispense la scolarité aux enfants âgés entre 7 et 12 ans. Il est tuteur d’un groupe le temps d’une année scolaire.

Page 33: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

21

attitude professionnelle en partageant le savoir qu’il construit avec ses pairs et un sens des

responsabilités face à ses compétences et ses connaissances à long terme. Le travail de

réflexion sur sa pratique induit par le travail de recherche génèrerait aussi, selon ces

auteurs, des compétences réflexives favorisant le développement de son identité

professionnelle.

Bien que nos recherches n’aient pas permis d’identifier d’autres études empiriques sur le

sujet, nous avons pu identifier différents ouvrages dans lesquels on parle de l’enseignant

finlandais. La plupart des écrits présentent l’enseignant finlandais comme un « high-quality

teacher », un « highly-qualified teacher » ou encore un « highly professional teacher »

(Jakku-Sihvonen et Niemi, 2006; Kansanen, 2006; Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012;

Sahlberg 2007; 2011). Bien qu’ils ne soient pas explicitement définis, ces termes semblent

être utilisés indistinctement et réfèrent généralement à la qualité de leur formation initiale,

laquelle sera traitée en détail plus loin dans ce chapitre.

L’enseignant est aussi présenté dans la littérature comme un « praticien-réflexif » (Aho,

Pitkänen et Sahlberg, 2006; Jakku-Sihvonen et Niemi; 2006, 2007; Niemi, Toom et

Kallioniemi, 2012; OPM, 1994; Sahlberg, 2011). Le concept de praticien-réflexif demeure

toutefois difficile à baliser et revêt différentes significations en fonction des différentes

idéologies qui le sous-tendent. Le fait de désigner l’enseignant finlandais comme étant un

praticien-réflexif soulève, à notre avis, davantage de questions qu’il n’offre de réponses.

Nous y reviendrons.

En dépit du grand intérêt qu’on porte à l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

et du volume important de publications s’y intéressant (Niemi, 2012; Sahlberg, 2011;

Jakku-Sihvonen et Niemi, 2007; Niemi, 2006), force est de constater que la littérature

abordant cette question nous fournit peu d’information sur ce qui caractérise l’enseignant

sur le plan identitaire. En effet, un survol de la littérature nous a permis de constater que

l’on traite généralement des éléments du contexte finlandais qui favorisent

l’épanouissement professionnel de l’enseignant, plutôt que de documenter les

caractéristiques propres à l’enseignant lui-même. Le contexte scolaire dans lequel est

appelé à travailler l’enseignant ainsi que le contexte de sa formation initiale sont les deux

milieux auxquels les auteurs se réfèrent le plus souvent pour étudier l’enseignant finlandais.

Page 34: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

22

Comme nous le verrons toutefois, l’abondance des informations disponibles nous laisse

devant de nombreuses interrogations relativement à notre question de départ : qu’est-ce qui

caractérise l’enseignant finlandais ?

2.5.1.1 Son milieu de travail

Les informations disponibles au sujet de l’enseignant finlandais concernent le plus souvent

le milieu scolaire dans lequel il évolue. Puisque cette littérature est volumineuse, nous

présenterons grosso modo les éléments en lien avec notre problématique de recherche. La

littérature fait état de la « culture of trust », que nous pourrions traduire par la « confiance »

dont jouissent les enseignants dans le cadre de leur travail (Niemi, Toom et Kallioniemi,

2012; Sahlberg, 2011; Kansanen, 2003). Il semblerait, en effet, que le travail de

l’enseignant soit socialement respecté et valorisé et qu’une grande crédibilité soit accordée

aux enseignants de la part des parents d’élèves et du personnel œuvrant dans les écoles.

Cette « confiance » envers le personnel enseignant entrainerait une grande autonomie

professionnelle pour l’enseignant. Elle aurait aussi pour conséquence l’absence de certaines

pratiques régulatrices communes à d’autres pays comme la reddition de compte

(accountability) et l’évaluation du personnel (Sahlberg, 2011, Toom et al., 2010).

L’absence de telles régulations aurait pour effet de favoriser le professionnalisme de

l’enseignant, que l’on associe dans la littérature à la liberté de choix et d’action sur le plan

pédagogique.

Finalement, la littérature souligne les bénéfices de l’absence d’évaluations standardisées

dans le système d’éducation finlandais (Sahlberg, 2007; 2011). On dit que la Finlande ne

soumet aucun élève à de telles évaluations avant le début de la 7ème année de peruskoulu

(l’équivalent des études secondaires). Cette façon de faire contribuerait aussi à la liberté

professionnelle de l’enseignant, qui est libre de choisir les contenus qu’il enseigne, selon

quel ordre et de quelle manière. Le temps d’enseignement serait, dès lors, utilisé pleinement

à des fins éducatives plutôt qu’à préparer les élèves pour des examens.

2.5.1.2 Sa formation initiale

Chercher à documenter l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais nous amène

aussi sur une autre piste: celle de la formation initiale à l’enseignement. Comme nous

l’avons mentionné, l’enseignant finlandais est fréquemment désigné comme étant un

Page 35: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

23

enseignant hautement qualifié (highly qualified). La formation initiale à l’enseignement

occupe donc une place importante quand il s’agit de définir l’enseignant finlandais sur le

plan de son identité professionnelle.

Le nombre d’écrits documentant la formation initiale est important. Plusieurs auteurs

finlandais ont publié, à différents moments et dans différentes revues scientifiques, des

articles qui se recoupent sur le plan du contenu. C’est pourquoi, après avoir lu tous les

documents, nous avons cru bon de nous en tenir à ceux qui, plus récents, donnent la même

information que d’autres articles publiés antérieurement. Avant de s’intéresser plus

spécifiquement aux travaux publiés par des auteurs finlandais, attardons nous à l’étude de

Morales (2012) qui s’est elle aussi intéressée à la formation des enseignants finlandais,

dans une perspective comparée. Grâce à son étude, Morales (2012) parvient à identifier en

quoi la formation des enseignants québécois ressemble et/ou diffère de la formation des

enseignants finlandais. L’auteure remarque que les deux milieux étudiés valorisent la

formation d’un enseignant professionnel, mais que le contexte socioculturel de la Finlande

favoriserait davantage l’épanouissement professionnel de ses enseignants. Bien que cette

étude documente abondamment la Finlande et son programme de formation initiale, elle se

borne toutefois à une limite à notre avis non-négligeable : la littérature. En effet, l’analyse

de Morales (2012) s’est effectuée à partir d’une large recension des écrits documentant

l’éducation finlandaise. L’apport de la recherche de Morales (2012) réside donc plus

spécifiquement dans l’effort de documenter et de comparer ces deux milieux d’éducation.

Elle ne fournit toutefois aucun éclairage quant à ce qui se vit concrètement au sein de cette

formation.

Avant de poursuivre, mentionnons que notre recension des écrits traite de la « formation

initiale » sans tenir compte des variations entre les programmes. En effet, les programmes

de formation initiale offerts en Finlande sont tous uniques, car les universités détiennent

une grande liberté dans l’organisation du curriculum (OPM, 1994; Finnish Ministry of

Education and Culture). Toutefois, toutes les universités qui souhaitent offrir la formation

initiale à l’enseignement sont contraintes d’appliquer les mêmes principes directeurs émis

par le Ministère de l’Éducation et de la Culture. Ces principes datent de l’année 1975,

année marquée par la publication d’un rapport qui balise la mise en place d’un programme

Page 36: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

24

de formation des maîtres en milieu universitaire. Les balises proposées dans ce rapport ont

été traduites en l’anglais par Jakku-Sihvonen et Niemi (2007, p.151) :

• All teacher education for comprehensive and upper-secondary schools should be

academic and carried out in universities;

• Teacher education should be unified for different teacher categories;

• The initial education of future teachers must give a common and broad qualification

to all teachers and this common background can be flexibly complemented by in-

service education;

• Pedagogical studies should be developed in such a way that teachers are prepared to

be educators in the broad sense of the concept and can attend to their pupils socio-

emotional growth. Teachers should have a pedagogical, optimistic attitude to their

work that is grounded into the latest research;

• Teacher education should consist of societal and educational policy studies.

Les universités en Finlande qui souhaitent offrir un programme de formation initiale à

l’enseignement doivent donc se conformer à ces principes directeurs qui, bien que

prescriptifs, laissent aux différents milieux la possibilité d’élaborer, de manière plus

concrète, leur propre curriculum (Jakku-Sihvonen et Niemi). C’est pourquoi nous parlerons

de « la formation initiale » au sens large, puisque tous les programmes doivent s’arrimer

aux mêmes principes directeurs. Nous tenions néanmoins à souligner le fait qu’aucun de

ces programmes ne sont identiques en tous points. Rappelons, par la même occasion, que

notre étude de cas porte spécifiquement sur le programme de formation initiale de

l’Université d’Helsinki.

2.6 Perspectives historiques

Historiquement, la formation des enseignants finlandais était dispensée par des écoles de

métiers, et ce jusqu’en 1975, année où le gouvernement met en place l’école

compréhensive.

Quatre ans plus tard, soit en 1979, la Finlande procède à une réforme massive de la

formation universitaire; le programme de formation initiale à l’enseignement devient alors

une discipline académique officielle. Conformément aux principes émis dans le rapport de

1975, la formation des maîtres adopte officiellement la structure d’un programme de

Page 37: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

25

maîtrise d’une durée de quatre ou cinq ans (Kansanen, 2007). Ce diplôme est alors exigé

afin de se qualifier pour travailler à titre d’enseignant. La structure du programme demeure

la même au courant des années 1980 et 1990, c’est-à-dire, une formation d’une durée de

cinq ans suivie de la rédaction d’un mémoire de maîtrise. Dès lors, la formation des maîtres

détermine l’intégration théorie-pratique par la recherche comme fondement du programme.

Ce n’est qu’en 2005, avec la mise en place du Processus de Bologne4, que des

modifications furent apportées au niveau de la structure et de la pédagogie du programme

dans le but de répondre aux exigences de standardisation des diplômes à l’échelle

européenne (Krokfors, 2007). Le programme fut scindé pour respecter les normes établies

par le Plan Bologne : trois années de formation au premier cycle, suivies de deux années de

formation au deuxième cycle. Cette réforme a été l'occasion de clarifier et de baliser le

concept de recherche comme fondement du programme de formation des maîtres. Elle a

aussi permis d’établir de nouvelles connexions théorie-pratique dans les cours offerts dans

le programme (Krokfors, 2007).

La formation initiale est aujourd’hui dispensée dans les huit universités qui se trouvent en

Finlande. De ce nombre, sept d’entre elles ont le finnois comme langue d’enseignement, et

une le suédois (Finnish National Board of Education). Comme nous l’avons expliqué plus

tôt, les programmes peuvent différer d’une université à l’autre étant donné la liberté

administrative et pédagogique octroyée aux administrateurs des programmes. Chaque

université est toutefois tenue de respecter certains principes directeurs.

L’organisation de la formation

Le premier élément dont il est question quand on s’intéresse à la formation initiale de

l’enseignement finlandais est la rigueur avec laquelle les futurs enseignants sont

sélectionnés par les programmes de formation des enseignants au sein des universités

(Kansanen, 2003; 2006, 2007; Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Sahlberg, 2007, 2011).

4 Le processus de Bologne est un processus de rapprochement des systèmes d'enseignement supérieur au sein de l’Union européenne. Initié en 1999, il a conduit à la création en 2010 de l’Espace européen de l’enseignement supérieur. Le processus a pour objectif de favoriser les échanges universitaires (étudiants, enseignants et chercheurs) et de faire converger les systèmes universitaires vers des niveaux de référence communs (European Commission).

Page 38: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

26

En effet, une minorité d’étudiants sont retenus annuellement, soit environ 15% des

demandes soumises aux comités de sélection des différentes universités. Il s’agit donc de

programmes fortement contingentés et très populaires auprès des étudiants. On associe

d’ailleurs la popularité de ces programmes à la valorisation qui est faite de la profession

enseignante dans le pays. Les étudiants désireux d’intégrer un de ces programmes doivent

se soumettre à une série d’évaluations dont, notamment, l’évaluation du dossier scolaire.

Les étudiants ne sont toutefois pas uniquement sélectionnés en fonction de l’excellence de

leur dossier scolaire. Ils doivent aussi prendre part à un entretien et faire un examen

d’admission. Seuls les étudiants les plus « performants » selon les critères établis par le

programme sont retenus, c'est-à-dire environ 150 étudiants sur plus de 1000 demandes

d’admission chaque année à l’Université d’Helsinki.

La littérature présente les programmes de formation initiale comme un tout réfléchi où les

objectifs du programme servent de point de départ à l’élaboration des contenus et au choix

d’une approche pédagogique dite « basée sur la recherche »:

Finnish teacher education is research-based, which refers to the design of the programme, which should be organized according to logical rules, an organizing theme, and principals stating the objectives of the curriculum, as well as be based on research results and evidence concerning teacher education (Maaranen, 2009, p. 222).

La formation à la recherche sert de principe directeur (organizing theme) à l’élaboration du

curriculum de formation initiale. Le programme s’articule autour des savoirs les plus

récents en matière de formation initiale à l’enseignement. La description du programme

fournie par Toom et al. (2010) explique plus concrètement la manière dont s’organise la

formation :

Firstly, the study programme is structured according to the systemic educational structure, secondly, all teaching is based on research, and thirdly, activities are organized so as to give students the opportunity to practice argumentation, decision making and justification when inquiring and solving pedagogical problems. Fourthly, students learn different research skills during their studies when they proceed to the master thesis level (p.108)

La formation basée sur la recherche est décrite comme une manière de concevoir le

programme qui intègre l’enseignement et la recherche au curriculum de formation: il s’agit,

pour les formateurs, de mettre les étudiants en contact avec des résultats issus de leurs

propres projets de recherche ou d’autres recherches avec lesquelles ils se trouvent en

contact. Il s’agit aussi d’introduire l’étudiant à la recherche scientifique en le formant à la

Page 39: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

27

recherche, c’est-à-dire en lui demandant d’agir lui-même à titre de chercheur. C’est par la

réalisation de deux projets de recherche, soit une thèse à la fin du premier cycle et une

seconde thèse de plus grande envergure en fin de deuxième cycle que l’étudiant s’initiera

au travail du chercheur et sera en contact, de manière directe, avec le monde de la recherche

en éducation. Les savoirs générés dans le cadre de ce projet sont généralement étroitement

liés à des considérations pratiques en lien avec le travail d’enseignant :

Primary teachers, also called class teachers, have educational science as their major, and this degree requires the completion of a master’s thesis. The topics of the theses can be highly school-related, and the theses are very often action research projects (Niemi, 2011, p. 135)

La littérature fait état d’un second élément-clé contribuant à harmoniser les structures du

programme et à faciliter la connexion entre l’approche basée sur la recherche et le

développement du raisonnement pédagogique : le souci d’intégration théorie-pratique.

C’est à l’intérieur de cette « formule », dont les principales caractéristiques sont présentées

par (Kansanen, 2007, p.135), que se développe le curriculum de formation :

1) Student teachers practice and analyze teaching as part of their studies together with teacher educators;

2) Integration takes place in the problem-based situations where student teachers practice their methodological skills and use research methods to solve pedagogical problems.

L’intégration de la théorie à la pratique agit à titre de facilitateur de l’approche de manière

concrète pour familiariser l’étudiant à la fois avec l’enseignement et la recherche. Cette

intégration théorie-pratique se présente comme une formule pédagogique appliquée au

programme de manière générale. Ainsi, le programme alterne entre une formation pratique

dans les écoles associées et une formation théorique en milieu universitaire. D’un côté, les

étudiants sont appelés à réaliser des stages où ils vivent des expériences concrètes

d’enseignement. D’un autre côté, ils sont aussi appelés à réaliser deux projets de recherche

dont les problématiques touchent le contexte de la classe et leurs expériences de stage. En

ce sens, le programme intègre la théorie à la pratique en s’assurant d’un va-et-vient continu

entre ces deux sphères de connaissances. De manière plus spécifique, les cours du

programme ont aussi pour mandat de permettre une intégration théorie-pratique. Les cours

sont organisés de manière à mettre les étudiants en contact avec différentes théories de

Page 40: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

28

pédagogie tout en leur donnant l’occasion de voir comment recourir à ces théories dans le

contexte pratique de la classe.

Le programme est donc élaboré selon une logique à deux axes: l’enseignement et la

recherche. De la même manière, il suit une logique à deux niveaux: théorique et pratique.

Les axes d’enseignement et de recherche réfèrent aux principales composantes du

programme. D’un côté, le curriculum de formation des maîtres dispense de l’enseignement

visant l’acquisition par les étudiants de connaissances utiles à leur future profession. De

l’autre côté, le curriculum intègre la production et la consommation de savoirs scientifiques

générés par la recherche dans le domaine des sciences de l’éducation. Dans son application,

l’axe de l’enseignement dispense des cours qui serviront à outiller le futur enseignant. Ces

cours sont axés sur le développement de compétences techniques et ancrés dans la réalité

quotidienne du travail de l’enseignant.

Le niveau pratique s’intéresse au travail quotidien de l’enseignant, à l’acquisition de

connaissances essentielles et de compétences pratiques (Toom et al., 2008; Byman et al.,

2009). Le niveau théorique, pour sa part, s’intéresse aux concepts et aux idées qui guident

l’action de l’enseignant en contexte pratique. Ce niveau se veut plus donc général. Son but

est d’apprendre à l’étudiant à se distancier de la pratique en ayant recours à la réflexion et à

l’autocritique en regard à sa pratique :

Although connected to the basic level, general level takes a certain distance from the teacher’s everyday practical work. This refers to reflection, thinking, discussion and other research-related activities. General level also implies a kind of metacognition of one’s own work and pedagogical decision-making (Kansanen, 2007, 134).

Le curriculum est conçu de manière à faire cheminer l’étudiant du stade pratique vers le

stade théorique (Kansanen, 2007; Niemi et Jakku-Sihvonen, 2011). Il s’agit, comme nous

l’avons déjà abordé, de lui apprendre à s'éloigner de la pratique dans le but de réfléchir de

manière plus abstraite et ainsi 1) identifier les problèmes relatifs à sa pratique et veiller à

trouver des solutions et 2) élaborer ses propres théories en regard à la pédagogie (Toom et

al. 2010)

Les objectifs de la formation initiale

Bien que l’étudiant doive se prêter à l’élaboration d’un projet de recherche dans le cadre de

sa formation initiale en enseignement, Toom et al. (2010, p.333) expliquent que l’objectif

Page 41: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

29

derrière la rédaction du mémoire n’est pas de faire de l’étudiant un chercheur à proprement

parler :

The aim is not to produce researchers, but rather to provide students with skills and knowledge to complete their own studies, observe their pupils and analyze their thinking (…) its main priority is not to produce new knowledge or novel results, but rather to produce a research report and discover something either practical or theoretical based on the research.

Différents auteurs mentionnent que la formation à la recherche n’a pas pour objectif de

former des chercheurs, mais plutôt de former des enseignants capables de réfléchir comme

le ferait un chercheur. Kansanen (2007) parle de réfléchir « along with the lines of research

principles » alors que Toom et al. (2010) présentent plutôt l’approche comme une manière

d’acquérir une posture de recherche (acquire an inquiring attitude) vis-à-vis la pratique de

l’enseignement. Krokfors et al. (2011) expliquent d’ailleurs que la volonté de former les

futurs enseignants à la recherche ne réside pas dans le besoin de former des chercheurs,

mais plutôt dans la nécessité de former des enseignants autonomes, capables de prendre des

décisions basées sur des arguments rationnels. Il ne s’agit donc pas de former un chercheur,

mais plutôt de former un enseignant capable d’en adopter la posture. Cette volonté de

former les futurs enseignants selon cette approche réside dans l’objectif ultime de la

formation, soit celui de former des enseignants capables de raisonner sur le plan

pédagogique.

Comme il est possible de le constater, la littérature présente l’acte d’enseigner comme un

exercice constant de prise de décisions et de résolution de problèmes sur le plan

pédagogique. La formation encourage d’ailleurs le futur enseignant à concevoir sa future

profession de la sorte: Teacher students are encouraged to view teaching as a problematic and complex process, which demands continuous decision-making and rational argumentation (Krokfors et Maaranen, 2007, p. 360).

À l’issue de cette recension des écrits, nous sommes à même de constater le peu

d’informations tangibles que nous offre la littérature quant aux éléments qui caractérisent

l’enseignant finlandais sur le plan identitaire? En dépit de toute la crédibilité qui lui est

octroyé, les caractéristiques identitaires qui contribuent au caractère distinctif de

l’enseignant finlandais, que l’on identifie comme un acteur-clé du phénomène de la réussite

éducative qui touche présentement la Finlande, reste à ce jour assez méconnu.

Page 42: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

30

2.7 Objectifs de la recherche

Consciente du caractère régulateur et incitatif des résultats générés par les évaluations

PISA, cette étude refuse de recevoir l’information « as given » (telle qu’elle nous est

transmise) et se donne pour objectif de cerner le caractère particulier de cet enseignant en le

situant dans son contexte. En d’autres termes, cette étude adopte une posture critique face

aux limites de la comparaison à visée évaluative et la fascination qu’ont engendrés les

succès de la Finlande suite aux évaluations du PISA. Ce projet s’inscrit donc dans une

volonté de pallier aux limites de la comparaison à visée évaluative présentées dans les

pages précédentes. Dans un contexte où les études comparées viennent imposer une

dynamique nouvelle de « mesure de l’autre » en éducation, cette recherche permet de

remettre en perspective un système d’éducation présenté comme un « modèle à suivre ».

La pertinence de cette recherche se voit rehaussée par le flou idéologique et terminologique

qui caractérise la littérature portant sur l’IPE et le concept de réflexivité. En l’absence de

définitions explicites et univoques, se contenter d’une littérature qui présente l’enseignant

finlandais comme un praticien-réflexif ou encore un high-quality teacher nous apparaît fort

insatisfaisant.

Dans un contexte où, comme nous l’avons souligné, nous détenons une compréhension très

superficielle de l’enseignant finlandais, et dans le contexte où la formation initiale à

l’enseignement constitue une étape charnière du développement identitaire des enseignants,

cette recherche a pour objectif général de distinguer le profil identitaire de l’enseignant

finlandais en procédant à une analyse de son curriculum de formation initiale. Comme nous

le ferons valoir dans le prochain chapitre, il existe un triangle d’influence entre la manière

de conceptualiser l’enseignant, la manière de concevoir sa formation initiale et les

manifestations concrètes des idéologies véhiculées par ce même curriculum. Notre enquête

s’intéressera donc aux éléments du quotidien qui traduisent les idéologies du curriculum de

formation initiale et qui contribuent au développement de l’IPE.

En d’autres termes, cette étude cherche à documenter le curriculum de la formation initiale

à l’enseignement dans ses manifestations concrètes, dans la mesure où cette étape de la

carrière d’un enseignant joue un rôle de première importance dans le développement de son

IPE. Comme en témoigne la littérature, la formation initiale constitue le premier lieu de

Page 43: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 2 - Problématique

31

socialisation avec la profession enseignante. C’est à cette étape que l’on introduit

l’enseignant à la culture professionnelle propre au monde de l’enseignement.

Les objectifs spécifiques sont au nombre de trois. Le premier objectif est de documenter le

curriculum de formation initiale en s’intéressant à ses caractéristiques structurelles et

organisationnelles. Le deuxième objectif est de dégager, à partir de ces caractéristiques, les

éléments d’une culture propre à ce curriculum de formation. Finalement, notre ultime

objectif est de dégager, à partir de notre documentation de la culture du curriculum, des

éléments qui nous informent, directement ou indirectement, sur l’identité professionnelle de

l’enseignant finlandais. Les questions de recherche suivantes sont associées à ces trois

objectifs spécifiques :

- En quoi consiste la formation initiale à l’enseignement à laquelle les futurs enseignants finlandais prennent part?

- En quoi les caractéristiques du programme sur le plan de l’organisation et de la structure nous informent-elles sur une culture du curriculum?

- En quoi cette culture nous informe-t-elle sur le profil identitaire professionnel de l’enseignant finlandais?

Page 44: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais
Page 45: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 3 - Cadre théorique

33

Chapitre 3 - Cadre théorique

3.1 Les fondements théoriques de l’étude : l’approche sociologique

Il peut sembler inadéquat, à première vue, de chercher à répondre aux objectifs de cette

recherche en adoptant un regard sociologique. Le choix de ce cadre d’analyse est toutefois

le fruit d’une longue réflexion. Il réside dans une volonté que nous avons explicitée

précédemment, qui est celle de chercher à comprendre l’enseignant finlandais « au-delà »

des informations qui nous sont déjà offertes. Or, cette volonté de comprendre une réalité

sociale au delà de ses apparences s’inscrit dans la pensée sociologique, dans la mesure où la

sociologie se définit comme une science qui refuse les évidences sociales, qui cherche à

interpréter les actions dans la conscience ordinaire (Berger, 2006). Le travail de

démystification de l’identité professionnelle de l’enseignant, tel que nous l’entamons ici,

s’inscrit donc naturellement dans la pensée sociologique.

Dans cette section, nous expliquerons les assises théoriques qui serviront de cadre

d’analyse à notre recherche. Plus précisément, cette section a pour objectifs de mettre en

relief 1) le caractère non neutre de tout curriculum de formation et 2) les interrelations qui

existent entre formation initiale, vision du bon enseignant et conception de la réflexivité.

Finalement, cette section fait aussi valoir l’idée d’une culture inhérente à un curriculum,

culture qui se présente comme une concrétisation des idéologies et des valeurs qu’il

contient.

3.2 Étudier le programme de formation initiale : le concept de curriculum

Dans le cadre de cette recherche, le curriculum de formation initiale constitue notre objet

d’étude, car c’est lui qui, comme nous le soulignerons, instigue la culture scolaire qui sert

de contexte au développement de l’identité professionnelle. Avant de poursuivre, nous

jugeons pertinent de définir le concept de curriculum tel qu’il sera entendu ici.

Le terme curriculum, emprunté à la tradition de recherche britannique, ne trouve pas son

équivalent dans la littérature scientifique francophone. Plus qu’un simple « programme de

formation », l’idée de curriculum implique que l’on prenne en considération l’ensemble

d’un parcours de formation. Les éléments d’un programme donné ne doivent pas être

étudiés isolément, mais bien de manière globale et dynamique (Forquin, 2008). La

Page 46: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 3 - Cadre théorique

34

définition suivante correspond à ce qui est entendu par « curriculum » dans la présente

recherche :

Un ensemble institutionnellement prescrit et fonctionnellement différencié et structuré de tout ce qui est censé être enseigné et appris, selon un ordre déterminé de programmation et de progression, dans le cadre d’un cycle d’études donné (Forquin, 2008, p.8).

Selon la définition de Forquin, un curriculum de formation peut prendre toutes sortes de

formes et se vivre dans toutes sortes de milieux d’éducation. Dans le cadre de cette étude, le

curriculum de formation initiale à l’enseignement est envisagé comme le contexte au sein

duquel se développe l’IPE de base du futur enseignant. Plus précisément, la culture

inhérente à ce curriculum de formation, comme nous le présenterons dans les prochains

paragraphes, est appréhendée comme le contexte dans lequel l’identité professionnelle se

construit.

La sociologie du curriculum s’intéresse particulièrement aux tensions idéologiques

inhérentes aux processus de sélection des savoirs à transmettre dans différents contextes

éducationnels. Elle est définie par Forquin (2008) comme « une approche spécifique des

faits éducatifs qui tente d’élucider l’ensemble des fonctionnements et des enjeux sociaux de

la scolarisation en prenant comme point de vue privilégié les phénomènes de sélection,

d’organisation et de programmation » (p.77).

Cette branche de la sociologie a émergé en Angleterre au milieu des années 1960, dans les

débats autour de l’implantation de l’école compréhensive, d’une part, et dans ceux

concernant l’intégration des disciplines au milieu scolaire, d’autre part (Forquin, 1984). Ces

enjeux, le premier à caractère politique, le second à caractère épistémologique, ont

contribué à ce que Forquin (1984, p. 25) appelle la « cristallisation polémique du champ de

recherche en sociologie du curriculum ». Cela signifie que la sociologie du curriculum a,

dès lors, limité son champ d’études aux thèmes relatifs aux enjeux politiques et

épistémologies en lien avec le milieu de l’éducation.

La sociologie appliquée au curriculum évolue selon l’idée que la construction d’un

curriculum est sous-tendue par des rapports de pouvoir, des conflits d’intérêts ainsi que des

enjeux idéologiques. Pour Durkheim (cité dans Mangez, 2008), un curriculum est un

construit social imprégné des valeurs de groupes sociaux dominants. Les milieux

Page 47: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 3 - Cadre théorique

35

d’éducation agissent, alors, comme lieu de consécration et de conservation, de gestion et de

transmission des savoirs et des symboles dans une société moderne. Il n’existerait donc pas

de curriculum qui soit « neutre », puisque le discours véhiculé par un curriculum de

formation s’élabore autour des valeurs et des idéologies du ou des groupes sociaux ayant

travaillé à son élaboration. Un curriculum de formation se présente, dès lors donc, comme

un objet socialement construit ou idéologiquement biaisé, comme le mentionne ici Spodek

(1974) au sujet de la formation initiale à l’enseignement : All teacher education is a form of ideology. Each program is related to the educational ideology held by a particular teacher educator or teacher education institution, even though the relationship may not be explicit. There is no such thing as a value-free teacher education just as there is no such thing as a value-free education for children (Spodek, 1974, p.8-9)

La sociologie du curriculum s’intéresse spécifiquement aux tensions idéologiques

inhérentes aux processus de sélection des savoirs à transmettre dans différents contextes

éducationnels. Elle est définie par Forquin (2008) comme « une approche spécifique des

faits éducatifs qui tente d’élucider l’ensemble des fonctionnements et des enjeux sociaux de

la scolarisation en prenant comme point de vue privilégié les phénomènes de sélection,

d’organisation et de programmation (p.77) ».

L’approche par la sociologie du curriculum, à la fois compréhensive et critique, sert les

objectifs de cette recherche puisqu’elle permet de démystifier la nature, le statut ainsi que

les valeurs propres à un curriculum donné, dans un contexte où l’arbitraire inhérent à

l’élaboration d’un curriculum de formation demeure le plus souvent inconnu.

3.3 La culture du curriculum

Joseph (2011) parle d’une culture du curriculum pour faire référence au style de vie induit

par un curriculum de formation. Cette culture est plus qu’un référentiel de critères,

d’objectifs que l’on démystifie par une analyse du discours qui le compose. Suivant la

théorie de l’auteure, les éléments qui composent un curriculum comme document écrit se

concrétisent dans la réalité, et seul l’intérêt pour ce « théâtre » quotidien donnerait accès

aux visées réellement poursuivies par un curriculum de formation donné : Curriculum conceptualized as orientation gives theorists a meaningful strategy for comprehending the fields of curriculum. The naming of curricula orientations provides a platform for awareness, analysis, and critique that allows for interpretation of the broad and perplexing field and for the encouragement of dialogue about curricula

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Chapitre 3 - Cadre théorique

36

intentions and consequences- clarifying our beliefs and experiences about curriculum Joseph, 2011, p.13

Dans cette perspective, le programme de formation initiale à l’enseignement, ou plus

spécifiquement la culture induite par son curriculum agit à titre de contexte dans lequel

évolue le futur enseignant : The controlling institution is more than a governing body […] it also provides the ideological basis to organize the structure and content of teacher preparation program (Evans, 2010, p. 184)

En adoptant ce cadre théorique, il devient possible de s’intéresser à tous les détails ainsi

qu’à toutes les spécificités d’un milieu afin d’obtenir une compréhension précise, qui tienne

compte du fait que le curriculum, comme document écrit, est constamment interprété et

renégocié par les acteurs qui évoluent dans ce contexte. Il devient aussi possible,

conformément aux objectifs de Joseph (2011) et des théoriques critiques en général,

d’identifier des influences idéologiques et de mettre des mots sur les orientations prises par

un curriculum, dans la mesure où ces dernières sont généralement envisagées comme

« allant de soi » : […] our intention is to name, articulate, and reveal curricula as visions and belief system. We analyze these curricula worlds through philosophical inquiry informed by our understanding of various curricula components (Joseph, 2011, p.34)

L’idée de « culture » dans le contexte de la recherche sur le curriculum a pour postulat que

la compréhension holistique d’un curriculum s’opère par l’analyse de ses composantes

culturelles.

3.3.1 Culture du curriculum et identité professionnelle

Nous avons fait valoir l’idée qu’un curriculum de formation est porteur de valeurs et

d’idéologies qui se traduisent à l’intérieur d’une « culture » scolaire ou, dans notre cas,

universitaire (Joseph, 2011). La culture d’un curriculum se présente donc comme le

contexte dans lequel évolue l’apprenant. Au-delà du discours et des prescriptions qu’il

porte, le curriculum « prend vie » à travers ceux qui évoluent en son sein. Le programme de

formation initiale à l’enseignement se présente comme le contexte dans lequel le futur

enseignant entame le développement de son identité professionnelle. Les prémisses de son

développement identitaire se trouvent alors influencées par les valeurs et les idéologies

inhérentes à la culture du curriculum par laquelle le futur enseignant se forme. De la même

manière, les valeurs et idéologies inhérentes à une culture sont elles-mêmes influencées par

Page 49: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 3 - Cadre théorique

37

la conception que l’on se fait d’une identité professionnelle souhaitable. Les valeurs et

idéologies d’un curriculum, qui se concrétisent à travers des manifestations dites

« culturelles » (Joseph, 2011) sont sous-tendues par une définition particulière de l’identité

professionnelle (Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier; 2001), comme

l’illustre le tableau suivant :

Figure 1: Triangle d’influences dans le développement identitaire

Cette conception de l’idéal-enseignant se construit à partir des savoirs et des idéologies

valorisés par un milieu, des systèmes normatifs et déontologiques ainsi que des demandes

sociales en regard à la profession (Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier;

2001). En d’autres termes, un programme de formation initiale à l’enseignement se base sur

une définition de l’identité professionnelle, une vision du bon enseignant. Il s’élabore par la

suite autour d’un questionnement sur les qualités essentielles que doit détenir un enseignant

et la manière de favoriser le développement de ces qualités. Pour Korthagen et Wubbels

(1995), la vision du bon enseignant se construit plus spécifiquement autour de ces deux

questions :

Page 50: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 3 - Cadre théorique

38

1) Qu’est-ce qu’un bon enseignant?

2) Quels sont le rôle et la nature de la réflexion dans ce contexte?

Le concept de réflexivité, que nous avons présenté comme un élément central du processus

de développement identitaire apparaît comme une composante importante de la définition

de l’IPE. Pour Korthagen et Wubbels (1995), il existerait un lien entre la manière de définir

l’identité professionnelle et celle de définir la réflexivité en contexte de formation initiale : The various approaches to the development of reflective teachers differ substantially on a number of issues (Tom, 1985), one of which is the underlying view of what constitutes a good education, and what the role of the teacher should be in that education (Korthagen, 1993a). Authors who propose different objects of reflection often have differing views on what good teaching is. (p.51-52)

En effet, la définition que l’on se fait d’un bon enseignant (question 1) semble influencer la

conception que l’on se fait du rôle et de la nature de la réflexivité (question 2) et vice versa.

Il existerait donc des liens cohérents entre les choix qui sont faits sur la manière de former

les enseignants et l’identité professionnelle qui est valorisée au sein d’un programme : There is an assumed relationship between the conception of reflection, teacher competence and teacher education. If professional competence is supposed to indicate [a] kind [of] absolute autonomy […], it seems to be logical to give the student teacher a thorough training in critical reflection before he or she is permitted to start practical teaching in school (…) If, on the contrary, professional competence is supposed to indicate a capacity to reflect in action, this can be used as an argument for first of all giving the student teacher a supervised practical training in order to initiate him or her into the practical problems of the profession (Bengtsson, 1995, p.25)

Cet extrait traduit précisément les assises théoriques que nous avons cherché à établir dans

la présente section du chapitre. Bengtsson (1995) explique en effet les interrelations qui

existent entre formation initiale, vision du bon enseignant et conception de la réflexivité.

3.4 Synthèse

Dans le cadre de cette étude, la formation initiale est considérée comme un contexte porteur

d’une culture scolaire empreinte de valeurs et d’idéologies au sein de laquelle se développe

l’identité professionnelle du futur enseignant. La manière dont s’organise et se vit la

formation est vue comme une concrétisation des valeurs et des idéologies contenues dans

son curriculum. Les diverses composantes d’une culture scolaire nous informent sur les

principes et les idées régissant un curriculum de formation donné, principes et idées qui se

Page 51: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 3 - Cadre théorique

39

construisent fondamentalement autour de l’identité professionnelle valorisée par le ou les

groupes responsables de son élaboration.

Ainsi, nous avançons l’idée que l’étude dynamique, systémique et empathique d’un

programme de formation à l’enseignement, dit « curriculum de formation », constitue un

moyen à la fois original et rigoureux de cerner l’identité professionnelle valorisée par un

milieu.

Page 52: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais
Page 53: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

41

Chapitre 4 - Méthodologie

4.1 Le choix de la démarche ethnographique

Présenter notre méthodologie de recherche sans s’attarder d’abord à la manière dont nous

sommes parvenus à la choisir éclipserait une importante partie de notre travail de recherche.

Le choix d’une approche ethnographique, que nous prendrons soin de détailler plus loin,

n’est pas le fruit d’une décision prise avant notre séjour en Finlande. Au contraire, le choix

de cette démarche est issu d’un travail d’exploration du terrain, grâce auquel nous avons pu

à la fois peaufiner notre problématique et choisir l’approche méthodologie la plus adéquate.

De même, le concept de culture du curriculum ainsi que la démarche ethnographique qui

s’y rattache ne constituent pas des choix théoriques et méthodologiques réalisés a priori de

notre arrivée en Finlande. La découverte de cette approche théorique et méthodologique

découle de notre travail d’exploration. C’est à partir d’un travail de familiarisation avec le

milieu que nous en sommes venus à identifier les aspects qu’il serait intéressant d’examiner

ainsi que les limites des approches théoriques et méthodologiques que nous envisagions

alors.

Bien que cette façon de faire nécessite plus de temps (étant donné la phase exploratoire),

nous croyons que cette démarche inductive nous a permis de tirer le maximum de notre

expérience sur le terrain. En effet, à l’issue de notre passage en Finlande, nous croyons

qu’il aurait été moins fructueux d’imposer a priori une méthodologie de recherche à notre

terrain plutôt que d’accepter d’évoluer dans l’incertitude pendant un certain temps, afin de

choisir une approche qui tienne compte des réalités du milieu.

C’est pourquoi, avant de donner plus de détails sur l’approche ethnographique comme telle,

nous prendrons soin d’exposer la phase exploratoire de notre recherche.

4.2 Devant les particularités d’un nouveau milieu : reculer pour mieux avancer

Le début de cette recherche remonte déjà à l’an 2010, année où nous avons entamé des

études de maîtrise et avons aussi été récipiendaire d’une bourse de mobilité étudiante

permettant d’étudier pendant un an dans une université européenne. Devant cette

possibilité, nous nous sommes longuement questionnés à savoir où il serait pertinent de

voyager, car cela s'avérait intéressant de pouvoir combiner la réalisation du mémoire à

Page 54: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

42

notre séjour de mobilité étudiante. C’est au fil de nos lectures sur la réussite scolaire des

petits finlandais que nous avons décidé de poser nos valises en Finlande afin de se pencher

sur des interrogations qui, malgré nos lectures, ne trouvaient pas de réponses claires.

L’élaboration de notre projet de recherche était motivée, comme nous l’avons mentionné au

chapitre 2, par le désir de mieux comprendre l’identité professionnelle de l’enseignant

finlandais. Devant les contraintes de notre bourse d’étude, à savoir 1) l’obligation de

fréquenter un établissement d’enseignement à temps plein et 2) de mener à terme des cours

en lien avec notre formation de deuxième cycle, nous avons choisi de circonscrire notre

étude au contexte de la formation initiale à l’enseignement, puisque nous allions passer

l’année entière sur le campus avec les futurs enseignants finlandais. De surcroit, une

recension de la littérature nous a permis de constater 1) l’importance de cette étape de la

carrière d’un enseignant dans le développement de son identité professionnelle et 2)

l’influence de la culture inhérente au curriculum de formation initiale sur le développement

de l’IPE.

À notre arrivée en Finlande, notre plan de recherche était encore bien imprécis. Alors que

d’autres auraient su, avant leur arrivée, ce qu’ils venaient investiguer, pourquoi et

comment, nous avons mis le pied en Finlande munis de quelques objectifs de départ qui

avaient comme but de briser l’ennui et de minimiser nos angoisses face à notre projet en

construction. Avec la rentrée universitaire, nous avons établi les premiers contacts avec le

milieu et fait nos premières rencontres avec les formateurs et les étudiants locaux, mais

surtout, avec les autres étudiants internationaux comme nous. Cette étape s’est avérée être

la phase la plus importante de notre étude, car c’est à partir de cette étape d’exploration que

nous avons pu baliser le travail de recherche présenté dans ce mémoire.

4.3 Voir au-delà des apparences : composer avec le « paravent »

Les premières semaines sur le terrain nous ont permis de réaliser l’existence d’un

« paravent5 » n’offrant qu’une compréhension superficielle de notre objet de recherche

c’est-à-dire le curriculum de formation initiale. Nous avons remarqué cet hermétisme dès

5 Nous avons appelé « paravent » les observations ainsi que les données d’entretien n'offrant qu’une

compréhension très superficielle du programme de formation. Dans le cadre de notre enquête, nous avons eu à composer avec une « façade » qui nous a longtemps empêchés de pénétrer au cœur du programme, au sein de ce qui s’y passe vraiment.

Page 55: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

43

notre arrivée, quand nous avons appris que les cours auxquels nous prenions part étaient

destinés uniquement aux étudiants internationaux. En effet, l’Université d’Helsinki avait

conçu une série de cours offerts seulement aux étudiants étrangers ainsi qu’aux autres

« pèlerins6 » de l’éducation finlandaise. Lors du premier semestre, nous avons donc eu

accès uniquement aux cours de ce microprogramme, lequel offrait une formation axée sur

le modèle finlandais, comme en témoignent les titres des cours:

- Système scolaire finlandais

- L’éducation préscolaire en Finlande

- Histoire de l’éducation en Finlande

- Enseignement et apprentissage des langues en Finlande

Les étudiants internationaux prenant part à ces cours étaient pour la plupart en formation

pour devenir enseignants. Nous y avons aussi croisé des professionnels de l’éducation

notamment des enseignants, des directeurs d’école, des conseillers pédagogiques ainsi que

différents acteurs de l’administration scolaire venus en Finlande pour de brefs séjours. Les

étudiants internationaux ainsi que les pèlerins inscrits aux cours étaient majoritairement

européens. Nous avons toutefois rencontré quelques enseignants d’Amérique du Sud qui

prenaient part à une formation d’un mois, ainsi qu’une étudiante canadienne.

Plusieurs voyageurs se déplaçaient afin de visiter des écoles primaires, et suivre des

formations en milieu universitaire. Or, pour la majorité d’entre nous, le contact avec le

milieu scolaire a été limité à une ou deux visites de quelques heures :

Nous avons fait une autre table ronde pour nous présenter aujourd’hui. Plusieurs des étudiants du cours sont les mêmes que dans le cours d’hier. Quand le formateur nous a demandé ce que nous aimerions faire dans le cours, les étudiants ont encore répondu qu’ils aimeraient visiter des écoles, ou même faire de courts stages. Le formateur nous a expliqué qu’il était devenu très difficile de visiter des écoles au centre-ville depuis quelques années. Il nous a dit que les directions d’école et les enseignants avaient commencé à refuser l’accès aux visiteurs internationaux, car ils avaient l’impression que leurs écoles devenaient des « musées ». Il ne pouvait pas nous garantir que nous aurions la chance de visiter une école (26 septembre 2011).

Les écoles finlandaises, surtout celles de la capitale Helsinki, ont été victimes d’un fort

achalandage dans les dernières années. Pour cette raison, les écoles refusaient de nous 6 Nous avons appelé « pèlerins » les différents regroupements de spécialistes de l’éducation qui font de courts

séjours en Finlande afin de recueillir des informations sur la manière d’y mener l’éducation. Le terme pèlerin a été emprunté au jargon local «educational pilgrims», que nos formateurs utilisaient souvent afin d’illustrer la forte popularité et la grande crédibilité de la Finlande auprès de la communauté internationale.

Page 56: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

44

accueillir, tant et si bien que lors des trois premiers mois de notre séjour, nous n’avons eu

droit qu’à une seule visite de trois heures au sein d’une école primaire située à Espoo, en

banlieue d’Helsinki.

À cette étape de notre enquête, nous avons dû nous résoudre à prendre part aux cours qui

nous étaient offerts c’est-à-dire ceux destinés aux étudiants étrangers. Malgré nos

demandes, nous n’avons pas réussi à intégrer les cours auxquels participaient les étudiants

finlandais. Les raisons données étaient, notamment, que le programme de formation initiale

auquel nous souhaitions prendre part n’accepte que des étudiants qui ont été soumis au

processus de sélection7. Certains formateurs ont aussi mentionné la barrière de la langue

comme obstacle à notre participation active aux cours. En prévision du semestre d’hiver,

nous nous sommes donc inscrits à un cours d’introduction au finnois afin de nous

familiariser avec la langue, en espérant que les règles s’assoupliraient avec le temps et que

nous gagnerions le droit de participer aux cours de ce programme au semestre d’hiver. En

effet, notre situation était telle que nous allions passer toute l’année universitaire en

Finlande, contrairement aux autres étudiants qui y passaient seulement quelques jours,

quelques semaines ou encore un semestre. Nous espérions donc que notre sérieux et notre

motivation nous donneraient certains accès privilégiés que nous avons éventuellement

obtenus à l’hiver 2012.

Malgré la distance qui nous séparait du contexte réel de formation, cette première étape de

l’enquête a eu pour avantage de nous faire connaître de notre nouveau milieu. Nous avons

établi des contacts avec les formateurs qui nous enseignaient. Nous avons pu nous

introduire et leur parler de notre projet de recherche. Nous avons aussi sollicité leur aide

afin de nous faire connaître des personnes susceptibles de répondre à nos questions et

certains ont eu la gentillesse de nous présenter à des collègues. De fil en aiguille, ces

premières semaines au sein du Département de la formation nous ont permis de nous faire

connaître en plus de permettre la collecte des premières données de notre enquête. Malgré

la réticence que nous avons sentie face à nos premières demandes (participer aux cours

7 C’est au sein du programme de formation des enseignants du primaire (luokanopettaja) que nous voulions

réaliser notre enquête, pour des raisons que nous avons mentionnées plus tôt, à savoir la faisabilité de la recherche et l’intérêt du chercheur pour cette formation (voir page XX).

Page 57: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

45

réservés aux étudiants finlandais), nous avons rencontré une ouverture de la part du

personnel enseignant face à notre projet de recherche.

Nous avons aussi profité de cette première étape pour questionner nos formateurs au sujet

du programme. Nos premiers entretiens se sont toutefois avérés peu fructueux, car le plus

souvent, nous détenions déjà les informations qu’ils acceptaient de nous transmettre. Les

informateurs avaient tendance à nous présenter des généralités en lien avec le programme,

des informations que nous avions déjà acquises lors du travail de lecture préparatoire. En

effet, nous avions pris la peine, avant notre voyage, de rassembler des documents qui nous

permettraient d’acquérir une base de connaissances sur le système d’éducation finlandais

dans son ensemble et sur la formation initiale à l’enseignement de manière plus spécifique.

Ces documents nous ont révélé beaucoup d’information relativement à certains concepts

centraux du programme même si, à l’origine, ils nous semblaient sans grand intérêt. Voici

une liste non exhaustive des documents ayant servis de lectures préparatoires:

- publications réalisées par des chercheurs finlandais au sujet de la formation des maîtres en Finlande (des ouvrages disponibles à la bibliothèque de la Faculté, mais aussi des articles);

- documents ministériels disponibles en anglais (le plus souvent des versions abrégées);

- plans de cours disponibles sur le portail du Département de la formation initiale;

- plateforme Internet de l’Université ainsi que celle spécifique au Département de la formation initiale;

- documents destinés aux étudiants internationaux de l’Université d’Helsinki;

- publications de l’Organisation de coopération et de développement économique;

- blogue de Pasi Sahlberg (spécialiste de l’éducation en Finlande).

À cette étape, nous avons été confrontés à un problème relatif au discours des acteurs qui a

engendré un défi méthodologique : Les informateurs avec qui je parle disent toujours les mêmes choses : le programme opère un processus de sélection sévère, les formateurs ont une grande liberté pédagogique, les écoles laissent les enseignants être autonomes, il n’y a pas de supervision ni de rapport hiérarchique entre les acteurs dans les écoles, la formation des maîtres mise sur la recherche, etc. J’ai l’impression que je devrai trouver une manière de rompre avec le discours institutionnel si je veux vraiment accéder à des informations nouvelles, brutes. C’est comme si les gens interviewés se mettaient en mode « pilote automatique » pour me parler de la formation initiale offerte à l’Université d’Helsinki. D’ailleurs, ils sont nombreux à parler de « nous, à l’Université

Page 58: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

46

d’Helsinki » ou encore « ici, à l’Université d’Helsinki ». Je devrai trouver une manière de faire en sorte que les formateurs me parlent vraiment de ce qu’ils font plutôt que de me présenter les grandes lignes du programme (tiré du journal ethnographique).

Nos premiers entretiens exploratoires ont donc donné peu de résultats. En effet, les

informateurs avaient tendance à formuler presque mot pour mot les écrits parus au sujet de

la formation initiale. Sous la formulation « ici, à l’Université d’Helsinki » ou encore « nous,

en Finlande », les formateurs parlaient avec détachement de leur programme de formation,

certains se servant d’une présentation PowerPoint ou d’un feuillet d’information. Nos

premiers entretiens s’étant avérés infructueux, nous en sommes venus à la conclusion que

notre manque d’expérience en recherche ne nous dotait pas des compétences nécessaires

pour pallier au problème auquel nous étions confrontées. L’art de mener des entretiens,

celui de trouver les bonnes questions et d’adopter la meilleure approche, n’est pas simple à

maîtriser. Nous nous sommes aussi demandés si le programme de formation était tel qu’on

le présentait dans la littérature qui servait alors de point d’ancrage à notre étude : Pour le moment, je ne sais plus si je peux me baser sur les écrits. Parfois, j’ai l’impression que tout a été dit, puisqu’on me répète sans cesse les mêmes informations. À d’autres moments, je suis étonnée par ce que je vois ou que j’entends. Il se passe des choses qui ne sont pas trop abordées dans la littérature. Le programme est présenté toujours de manière très cartésienne, alors que sur le terrain j’ai peine à me retrouver dans la diversité des cours, les étudiants en sarrau plein de peinture, ceux qui travaillent assidûment sur leur mémoire à la bibliothèque et ceux qui mesurent les tables de la cafétéria avec des réglettes. Je crois que je devrai trouver des réponses à mes questions dans tous les indices du quotidien des étudiants et des formateurs plutôt que d’espérer des réponses à partir d’entretiens (tiré de notre premier journal de bord)

L’hermétisme qui caractérisait autant la formation offerte que le discours des acteurs

acceptant de répondre à nos questions nous a permis de constater l’existence d’une sorte de

« paravent » qui entravait notre démarche d’investigation. Peu à peu, nous avons compris

qu’en réponse à l'intérêt international, l’Université d’Helsinki a procédé à l’élaboration de

ce que nous appelons une « mise en scène » du programme à l'intention des acteurs

internationaux. Dès lors, le discours des acteurs, celui que nous pouvions aussi retracer

dans la littérature, était à la fois peu révélateur et très hermétique, comme en témoigne

l’extrait suivant8 : Aujourd’hui, je rencontre une professeure pour un premier entretien. Je suis pleine

8 Bien que, au début de notre séjour, nous ne détenions pas de journal ethnographique que nous remplissions

systématiquement, nous avions pris la peine de tenir un journal de bord afin d’assurer une sorte de suivi de notre démarche d’intégration au milieu.

Page 59: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

47

d’attentes, parce que tout le monde au département me parle d’elle comme le « grand manitou » du programme et c’est elle qui a écrit plusieurs des articles que j’ai lus jusqu’à présent. Elle m’accueille à son bureau avec une présentation PowerPoint. Elle me présente plusieurs tableaux, différents écrits qu’elle a publiés sur le sujet. Quand je repars, je ne sais rien de plus que ce que je savais en arrivant. Je ressens plus ou moins la même frustration que lors de mon cours de la semaine passée où le professeur nous a fait écouter la vidéo « Finland’s phenomenon ». Depuis deux semaines, j’ai l’impression de ne jamais avoir été aussi loin de la réalité finlandaise que depuis que j’y habite (tiré de notre premier journal de bord).

Les entretiens que nous avons menés de même que les cours auxquels nous avons participé

en début d’enquête nous ont surtout permis de constater l’ampleur du « paravent » avec

lequel nous aurions à composer. Nous avons remarqué que la popularité de la Finlande était

telle qu’au fil des ans, les différents acteurs du milieu de l’éducation, notamment ceux de la

formation initiale à l’enseignement, avaient intégré un discours « commercial » qu’ils

utilisaient d’emblée lorsque questionnés au sujet du programme. Ce discours était aussi

transmis à l’intérieur des cours offerts aux pèlerins de l’éducation dont nous faisons en

quelque sorte partie. Ce discours inclut notamment l’importance de la formation à la

recherche dans le développement de l’autonomie professionnelle, la qualité de la formation

en lien avec l’importance accordée à la recherche issue d’une tradition pédagogique vieille

de trente ans ainsi que la qualité de la formation optimisée par la sélection des étudiants les

plus doués. D’autres éléments plus généraux en lien avec l’éducation dans son ensemble

sont aussi mentionnés notamment, le fait d’offrir une formation de type « compréhensif »

dans laquelle les élèves ne sont pas soumis au stress des examens, où les repas sont fournis

par l’école et dont les frais reliés au cheminement scolaire de chaque élève sont entièrement

couverts par le système public font partie des renseignements fréquemment donnés.

Finalement, cette étape nous a permis de faire certaines découvertes intéressantes,

notamment trois ouvrages auxquels nous n’aurions pas eu accès à la bibliothèque de

l’Université Laval et qui expliquent, en détail, plusieurs éléments centraux du programme

de formation soit la formation à la recherche et le concept de rationalité pédagogique. Nous

avons d’ailleurs intégré ces ouvrages à nos lectures préparatoires, de manière à nous

approprier plus en profondeur les concepts inhérents au programme.

C’est à partir des réussites et des échecs de nos premières semaines sur le terrain que nous

nous sommes tournés vers la démarche ethnographique et de manière plus générale, vers le

cadre théorique et méthodologique proposé par Joseph (2011) que nous avons pris soin

Page 60: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

48

d’exposer dans le chapitre précédent. Cette démarche a pour avantage de mettre de l’avant

l’expérience du chercheur (nous-mêmes) dans la découverte d’un nouveau milieu. En

choisissant cette approche méthodologique, notre objectif était d’arriver à générer des

résultats de recherche en lien avec notre problématique en puisant de l’information dans

notre quotidien et dans nos interactions avec le milieu plutôt que de nous en tenir aux

discours des acteurs.

L’intégration au terrain de recherche s’est faite graduellement, notre connaissance du

milieu permettant de nous rapprocher des acteurs et d’évoluer au cœur de ce qui se vit dans

le programme. Notre compréhension du terrain de recherche s’est peaufinée au fil des mois.

Nous croyons que notre immersion prolongée au sein du programme a largement contribué

à la réussite de ce projet de recherche.

4.4 Posture critique, démarche compréhensive: le choix de l’ethnographie

Cette étude s’inscrit dans le paradigme de la recherche qualitative/interprétative issue du

courant anthropologique. La recherche qualitative a pour avantage d’offrir la souplesse

nécessaire à la réalisation d’une étude qui, comme dans le cas présent, privilégie la

compréhension approfondie d’un milieu. Elle s’ajuste aux caractéristiques ainsi qu’à la

complexité des phénomènes humains et sociaux, en plus de mettre en valeur la subjectivité

du chercheur et des sujets étudiés (Anadon, 2006).

Pour Joseph (2011), un curriculum de formation contient des informations que seul le

contact avec les milieux d’éducation permettra de mettre en lumière. Le concept de

« culture » dans le contexte de la recherche sur le curriculum valorise l’idée qu’une

compréhension holistique d’un curriculum s’opère par l’analyse systémique de ses

composantes culturelles, celles qui nous informent sur la manière dont les acteurs ont

interprété le contenu d’un curriculum.

Ceci est rendu possible, toujours selon Joseph (2011) par le contact avec le milieu, par

l’observation et l’interaction avec un milieu d’éducation ou de formation. De ce fait, la

démarche ethnographique est vue comme la meilleure manière d’étudier le curriculum, car

elle permet d'aller au-delà de l’assemblage de ses critères et objectifs. Joseph (2011) dit de

la méthode ethnographique qu’elle est capable de fournir une meilleure compréhension

d’un curriculum en s’intéressant directement aux contextes éducatifs :

Page 61: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

49

Through the discipline of anthropology or ethnography inquiry, we can better understand curriculum by evoking authentic representation of schooling, looking for patterns of belief and behaviour within classroom and educational system. [It] allows us to study curriculum not just as an explicit set of aims or plans, but as experiences encountered, the values inherent in the environment of the classroom and school, and connections to the encompassing culture surrounding the school (Joseph, 2011, p.28).

4.5 Comprendre la démarche ethnographique

Nous pouvons décrire l’ethnographie comme un travail de description-interprétation de

faits. Il s’agit de construire le savoir à partir du voir et d’une écriture du voir (Laplantine,

1996). La démarche ethnographique est associée à une expérience de l’altérité. C’est

pourquoi, le plus souvent, on l’associe aussi à l’expérience personnelle (Copans, 2010) et

au dépaysement (Beaud et Weber, 1997). D'ailleurs la métaphore du poisson de

l’anthropologue Margaret Mead fait valoir l’idée qu’il est difficile de prendre conscience de

ce qui caractérise la culture dans laquelle nous évoluons: « if a fish were to become an

anthropologist, the last thing he would discover would be water » (cité par Spindler, 1982

dans Joseph, 2011). Pour cette anthropologue, c’est dans la distance et la nouveauté qu’il

est possible de rompre avec ce que chacun considère comme familier.

Le chercheur qui a recours à cette méthode n’est donc pas face à un objet du monde

extérieur; il est lui-même un sujet face à d’autres sujets qui entretiennent des relations

sociales (Watier, 2005). En d’autres mots, l’observateur est intégré dans le champ même de

son observation. Par sa proximité avec son objet d’étude, le chercheur est en mesure de

relever l’épaisseur des pratiques, de leur donner un relief que d’autres approches

scientifiques ne sauraient donner. L’ethnographie constitue donc une méthodologie de

recherche qui fait appel à l’expérience subjective car elle n’est contrôlée que par le

chercheur alors qu’il évolue au sein même du milieu qu’il étudie. La démarche

ethnographique est d’ailleurs qualifiée par Laplantine (1996) « d’expérience physique

d’une immersion totale » (p.49).

Les données sont recueillies au sein de la démarche ethnographique par l’enquête de terrain

et le terrain constitue le lieu où le chercheur entre en interaction avec ceux qu’il étudie.

Cette méthode suppose un lent travail d’imprégnation et de familiarisation avec l’objet. Sur

le terrain, le chercheur qui privilégie l’ethnographie doit mettre de l’avant intelligence,

sensibilité et empathie. Le travail de terrain exige du chercheur qu’il soit simultanément

Page 62: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

50

capable de sociabiliser, d’écouter, de mémoriser et d’interpréter ce qu’il voit (Peretz, 2007).

Comme la démarche ethnographique ne permet jamais de savoir à l’avance comment va

évoluer l’enquête, l’ethnographe doit aussi faire preuve de flexibilité (Beaud et Weber,

1997).

Afin d’objectiver son travail d’observation, le chercheur qui est appelé à s’immerger dans

son terrain de recherche doit aussi faire un travail de distanciation avec ce qu’il étudie, ce

dernier étant intégré dans le champ même de son observation et y jouant un rôle actif. Le

journal de bord constitue, dès lors, le principal outil de l’ethnographe ainsi que le principal

outil de mise à distance avec le terrain. Il traite du rapport du chercheur au milieu et du récit

des journées d’observation (Beaud et Weber, 1997). Le chercheur y collige les données de

sa recherche et ces données peuvent prendre diverses formes. En effet, l’ethnographe est

libre de recueillir des données de diverses sources. En réalité, il peut s’attarder à tout ce qui

lui semble utile ou intéressant. Il est d’ailleurs invité à considérer avec intérêt des objets qui

peuvent, à prime abord, paraître sans valeur. On parle alors de « fabrication » de données

ethnographiques, c'est-à-dire que toutes données peuvent s’avérer pertinentes dans la

mesure où elles contribuent au travail d’interprétation du chercheur (Beaud et Weber,

1997). En plus de pouvoir varier les sources, le chercheur choisissant l’ethnographie peut

aussi recourir à différents modes de collecte des données. L’analyse documentaire,

l’observation directe et l’entretien ethnographique constituent trois techniques de collecte

de données auxquelles les ethnographes ont souvent recours :

L’analyse documentaire

L’analyse documentaire constitue généralement la première étape d’une recherche

ethnographique, bien que le chercheur puisse choisir de prendre en compte de nouveaux

documents tout au long de son étude. Au début, l’analyse documentaire sert à construire

une première compréhension de son terrain de recherche. Beaud et Weber (1997) affirment

d’ailleurs que c’est par la lecture que se font les premiers apprentissages du milieu à

l’étude. Selon Combessie (1996), le chercheur qui se prête à une analyse documentaire peut

utiliser différentes sources : articles scientifiques, documents officiels, journaux, etc.

Page 63: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

51

L’observation

L’observation ethnographique peut prendre différentes formes : directe, indirecte,

participante ou non-participante. Ces formes d’observation de distinguent entre elles par la

proximité du chercheur avec le terrain et par son niveau d’implication aux activités

entreprises par les acteurs.

L’observation participante a pour principale caractéristique de placer le chercheur au centre

du processus d’observation. Le chercheur s’implique dans la situation qu’il observe de

manière à la vivre en même temps que les observés. Son travail consiste à percevoir,

mémoriser et noter, dans un va-et-vient permanent, les faits observés sur le terrain de

recherche (Copans, 2010). Le chercheur qui, par exemple, observe les discussions

qu’entretiennent les étudiants à la cafétéria de l’université est un observateur non-

participant. Celui qui repère des visages connus, s’assoit avec eux et prend part à leur

discussion est un observateur participant, car il s’implique au sein même du groupe qu’il

observe. Les distinctions entre l’observation directe et indirecte résident dans le rapport à

l’objet de recherche.

L’observation directe, pour sa part, consiste à être le témoin des comportements sociaux

d’individus ou de groupes dans les lieux mêmes de leurs activités ou de leurs résidences

sans en modifier le déroulement ordinaire (Peretz, 2007). C’est aussi une forme

d’observation dite naturelle, c’est-à-dire que l’action n’est pas détournée de son

déroulement ordinaire (Peretz, 2007). Pour reprendre le même exemple, le chercheur qui

s’intéresse aux interactions entre les étudiants universitaires dans les contextes informels

s’installera dans les lieux fréquentés par les étudiants pour observer ce qu’ils font (la

cafétéria, le café, la salle de spectacles, etc.). Celui qui, au contraire, adopte une approche

indirecte, cherchera plutôt à reproduire artificiellement ces situations.

L’entretien ethnographique

L’entretien ethnographique est comme une seconde paire d’yeux et d’oreilles. Pour un

chercheur, qui n’est pas surhomme, il est impossible de tout voir et de tout entendre. En

effet, le chercheur n’a que deux bras, deux jambes, deux yeux et deux oreilles. Dès lors, il

lui est impossible d’être partout à la fois. L’entretien ethnographique permet donc à

l’ethnographe d’acquérir une connaissance du milieu au-delà de ce qui lui est possible

Page 64: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

52

d’observer. S’entretenir avec les acteurs permet d'obtenir de nouvelles informations ainsi

que des explications aux interrogations générées par son travail d’observation.

D’autre part, l’entretien ethnographique sert à valider ou à vérifier les informations

recueillies par observation (Kaufmann, 2007). Les entretiens que mène le chercheur ont

pour objectif, dans ces cas-là, de s’assurer que ses observations sont justes. Les

informations alors transmises par les acteurs peuvent aider le chercheur dans l’analyse et

l’interprétation des données.

L’entretien ethnographique peut prendre la forme d’un entretien semi dirigé ou non dirigé

dépendamment des besoins du chercheur. En d’autre termes, le chercheur peu posséder, ou

non, un canevas d’entretien. Dans la mesure où il n’en détient pas, il questionne

simplement les acteurs à partir de ses observations et de ses interrogations. L’entretien

ethnographique peut se dérouler autant dans des contextes formels (entretien sur rendez-

vous) qu’informels (sur le vif).

4.6 Les informations spécifiques à notre terrain de recherche

Afin de mieux comprendre l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais, nous avons

réalisé une étude de cas au sein d’un programme de formation initiale à l’enseignement,

celui de l’Université d’Helsinki en Finlande. Le choix de l’Université d’Helsinki relève de

contraintes organisationnelles et à titre d’étudiant international, cette institution s’avérait

être la plus accessible.

La possibilité de passer dix mois sur le terrain de recherche a permis l’amélioration

constante des outils de collecte de données notamment la grille d’observation et la grille

d’entretien en procédant aux ajustements nécessaires au fur et à mesure des découvertes et

des questionnements suscités. Le contact prolongé avec le terrain a aussi permis la

réalisation d’une collecte de données riches et variées. Les prochains paragraphes

présentent d’abord notre terrain de recherche. Il expose ensuite, de manière séquentielle,

l’ordre général dans lequel la collecte de données a été réalisée, bien que ces étapes se

soient parfois chevauchées et/ou entrecoupées.

Page 65: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

53

4.6.1 Terrain de recherche et cueillette de données

Notre terrain de recherche prenait la forme d’un petit territoire dans lequel cogitaient les

étudiants inscrits dans un programme de formation initiale à l’enseignement. Il incluait tous

les lieux dans lesquels on retrouve les étudiants de la formation initiale à l’enseignement

primaire. Rappelons que nous avons choisi de documenter uniquement la formation des

enseignants du primaire (luokanopettaja), car seule cette formation était dispensée en

totalité au Département de la formation initiale. La formation des enseignants du secondaire

(aaineopettaja) s’effectue un peu partout sur le campus de l’Université : dans les autres

facultés, dans le réseau d’écoles associées. La formation des enseignants du secondaire, de

par le contenu des cours (disciplinaires) rendait notre participation aux cours quasi

impossible. Dans le cas de la formation des enseignants du primaire, bon nombre de cours

pratiques nous étaient facilement accessibles, puisqu’il s’agissait le plus souvent de

manipuler des objets, des outils ou encore des instruments de musique. Les formules

pédagogiques déployées dans ces cours (les projets, les plénières) ont aussi facilité notre

intégration. Le contexte assez informel des rencontres, le petit nombre d’étudiants, sont

autant d’éléments qui nous ont permis de se faire une place au sein de la formation des

enseignants du primaire. Ces lieux se situent dans quatre édifices principaux

(Siltavuorenpenger 1A, 3A, 5A et 10) dans lesquels on retrouve des salles informatiques,

une cafétéria, une bibliothèque, une didacthèque ainsi que des locaux spécialisés pour les

cours d’arts et de musique. Ces édifices regroupent aussi des locaux pour le personnel

administratif, les bureaux des formateurs ainsi que des équipes de recherche.

Sur le terrain, les acteurs observés et rencontrés étaient des étudiants, des formateurs ainsi

que certains membres de l’administration du programme de formation des maîtres. Les

étudiants que nous avons côtoyés en étaient à différentes étapes de leur scolarité.

Mentionnons toutefois que la plupart d’entre eux faisaient leurs études de premier cycle ou

débutaient leurs études de deuxième cycle. Il n’était pas vraiment possible, comme nous le

verrons au chapitre 4, de suivre une « cohorte » d’étudiants, car les cheminements des

étudiants varient en fonction de leur plan d’étude.

Le travail d’observation a débuté en septembre 2011 et s’est poursuivi jusqu’en juin 2012.

Comme le contact avec les acteurs est devenu plus naturel et plus souple au fil des mois, un

travail d’observation plus soutenu s’est effectué entre février et juin 2012. Une grille

Page 66: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

54

d’observation a servi de support à notre travail d’observation. Dans son tableau intitulé

« investigating curriculum », Joseph (2011, p.68) distingue six composantes culturelles

susceptibles de nous informer sur les idéologies et les valeurs qui sous-tendent un

curriculum : la vision, les étudiants, les formateurs, le contexte, la planification et

l’évaluation. Nous avons construit notre grille d’observation à partir de ces composantes

(voir annexes E et F) :

- Vision : les finalités de la formation;

- Étudiants : les croyances du programme vis-à-vis les besoins des élèves, leurs intérêts

et leur source de motivation à l’école;

- Formateurs : les croyances des enseignants quant à leur rôle professionnel;

- Le contexte : l’environnement de la classe et de l’école;

- La planification : la manière d’élaborer le curriculum de formation : les acteurs en

charge, les décideurs;

- L’évaluation : la manière de procéder à l’évaluation des étudiants, la manière

d’élaborer l’échelle d’appréciation des résultats aux évaluations.

Notre grille a servi de point de chute à toutes les informations recueillies ici et là par nos

diverses méthodes de collecte. Les informations comprises dans nos grilles ainsi que toutes

les autres observations ou commentaires furent recueillis et compilés dans un journal

ethnographique. Nous y avons eu recours quotidiennement pour y noter nos observations,

nos commentaires et nos interrogations. Nous y avons aussi noté la progression de la

recherche ainsi que les événements se rapportant à l’enquête.

Mentionnons toutefois que, de manière générale, le travail d’objectivation de nos

observations n’a pas été une tâche facile. En effet, les premières semaines d’observation ont

été biaisées par notre fascination pour le nouveau milieu. En plus, notre regard était

particulièrement conditionné par notre propre expérience de formation initiale à

l’enseignement. En effet, nous avions tendance à comparer les éléments du programme

finlandais à ceux du programme québécois. Dès lors, notre attention focalisait sur des

éléments précis au lieu de considérer l’ensemble des composantes culturelles. Bien que

notre travail soit réellement le fruit d’un regard croisé entre notre propre expérience à titre

d’ancienne étudiante en formation des maîtres et notre expérience de formation en contexte

finlandais, nous croyons cependant avoir appris, au fil des semaines, à tirer le meilleur

Page 67: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

55

profit de ce « double bagage ». Le journal ethnographique, la démarche d’écriture et de

lecture qui lui est inhérente, a permis une mise à distance entre ces expériences et nous-

mêmes.

Pour ce qui est des entretiens, nous en avons mené dix-huit, d’une durée moyenne de 40

minutes et chaque entretien a été enregistré sur ordinateur à l’aide de l’application Smart

Recorder. Les participants étaient tous des formateurs du Département de la formation

initiale à l’enseignement et ont été recrutés suite à notre travail sur le terrain. Nous les

connaissions pour nous avoir donné un cours ou pour avoir animé un séminaire. Certains

d’entre eux nous ont été référés par d’autres formateurs, par le bouche à oreille. Le

recrutement s’est effectué selon deux critères simples : 1) agir à titre de formateur au sein

du programme des enseignants du primaire 2) et ce depuis au moins cinq ans. Nous avons

arrêté ces critères, en particulier, car nous tenions à nous entretenir avec des formateurs

capables de nous parler des cours offerts par le programme. Dès lors, il était essentiel que

ces derniers dispensent réellement des cours. Nous avons aussi choisi d’inclure un critère

« d’ancienneté » de cinq années afin de nous assurer que les formateurs détiendraient une

connaissance relativement bonne du programme dans son ensemble. Mentionnons toutefois

que nous nous sommes entretenus avec un professeur émérite qui, bien qu’il ne dispensait

plus la formation, en connaissait beaucoup sur le programme puisqu’il avait contribué à son

élaboration dès les années 1970. Ce formateur ne donnait plus de cours depuis quatre ans,

mais s’impliquait encore dans l’administration du programme. À ce sujet, mentionnons

aussi que nous avons cherché à recruter des formateurs qui, en plus de répondre à nos

critères de sélection de base, détenaient une expérience dans l’administration du

programme de formation (directeur de programme, responsable de la formation à la

recherche). Nous avons cru bon de les inclure afin qu’ils puissent nous fournir un éclairage

sur certains faits difficilement observables (des faits historiques, par exemple ou encore

certaines contraintes administratives que nous n’arrivions pas à démystifier à partir de nos

observations).

Nous avons choisi de nous entretenir uniquement avec les formateurs étant donné qu’il était

facile de communiquer avec eux en anglais. Qui plus est, nous jugions que ces derniers

étaient les mieux placés pour nous aider à documenter le curriculum de formation,

puisqu’ils travaillent quotidiennement à son élaboration et à son fonctionnement. Notre

Page 68: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

56

objet de recherche étant le curriculum de formation, les formateurs et les administrateurs

étaient les mieux placés pour répondre à nos questions. Les étudiants, pour leur part, ont été

observés et questionnés sur le vif, dans le cadre de notre travail d’observation participante.

Nous aurions aussi pu mener des entretiens auprès d’eux. Toutefois, nous tenions à ne pas

tomber dans des entretiens traitant de l’appréciation ou encore des perceptions des étudiants

à l’égard du programme. Non pas que ces informations ne soient pas dignes d’intérêt, mais

nous devions garder en tête notre objet d’étude, c’est-à-dire le curriculum, et non

l’expérience de formation des futurs enseignants. Mentionnons toutefois, pour conclure sur

ce point, que nous avons eu la chance de côtoyer les étudiants de près dans le cadre de nos

cours, et ainsi retirer de nos échanges informels des informations intéressantes que nous

avons compilées dans notre journal de bord.

Suite à une première rencontre informelle où nous nous introduisions et expliquions

brièvement notre projet, nous recrutions formellement les formateurs par l’envoi d’un

courriel les invitant à prendre part à l’étude. À ce courriel était jointe une description

détaillée du projet de recherche (voir annexe C). L’objectif visé par ces entretiens était

d’accumuler un maximum d’informations, en particulier celles qui sont difficiles à observer

sur le terrain: par exemple, l’information concernant l’évaluation, les dilemmes ou encore

la planification. Ces thèmes plus abstraits sont difficiles à observer dans les situations

concrètes du quotidien. Les propos des acteurs venaient aussi compléter, infirmer ou

confirmer certaines interprétations découlant de nos observations. Dès lors, la

retranscription intégrale ne s’avérait pas nécessaire puisque nous ne nous intéressions pas

au caractère « récurrent » des informations transmises par les informateurs. Chaque

entretien a été écouté entre trois et cinq fois en adoptant la méthode « d’attention flottante »

telle que décrite par (Kaufmann, 2007). Il s’agissait d’écouter l’entretien en s’intéressant à

la fois à tout et à rien. Chaque écoute révélait de nouvelles informations intéressantes et

nous mettait sur de nouvelles pistes d’interprétation. Les informations que nous jugions

intéressantes étaient compilées dans un tableau construit à partir des composantes de la

culture du curriculum que nous avons abordées plus tôt (voir annexes E et F).

Page 69: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

57

4.7 Au-delà de la subjectivité : savoir faire preuve de rigueur scientifique

L’ethnographie, bien qu’elle présente de nombreux avantages sur le plan méthodologique

comme la souplesse et la proximité, doit être menée avec rigueur puisqu’elle se fonde sur la

subjectivité du chercheur et de ses informateurs. Faire preuve de rigueur dans le cadre

d’une enquête de terrain implique, selon Merriam (1988), de procéder à une observation à

long terme des sujets étudiés, d’impliquer les participants à toutes les étapes de la recherche

et finalement, de déclarer la subjectivité et les préconceptions du chercheur dès le début du

projet.

Dans le cadre de ce projet, on peut affirmer que ces trois recommandations ont été prises au

sérieux et mises en application. Mentionnons d’emblée que nous avons privilégié

l’utilisation d’un journal de bord comme principale stratégie de mise à distance. En effet,

c’est par l’écriture que nous sommes parvenus à objectiver notre démarche de recherche

celle-ci permettant de porter un regard analytique sur notre travail.

Les dix mois passés ensuite au sein du programme de formation ont permis une intégration

graduelle qui a facilité les activités d’observation, lesquelles étaient de plus en plus fidèles

à la réalité des acteurs. Alors qu’au départ, les observations se faisaient de loin, dans les

corridors, ou à l'intérieur des cours n’incluant que quelques étudiants inscrits au programme

de formation des maîtres, les dernières semaines d’observation se sont déroulées dans les

cours pratiques destinés uniquement aux étudiants de la formation des maîtres.

Les contacts avec la Faculté, les formateurs puis avec les étudiants finlandais, le contact

avec le pays et la langue, ont contribué à la richesse des données et à la qualité du travail de

description-interprétation. Au fil des mois, notre compréhension du terrain s’est affinée et

le travail d’interprétation a été nourri jusqu’à la fin de nos expériences dans un contexte

universitaire. À ce sujet, mentionnons que les enjeux de proximité et de contact prolongé

avec le terrain nous ont fait opter pour la rédaction d’un journal de bord (journal

ethnographique) comme principale stratégie de mise à distance avec notre terrain d’étude.

Nos préconceptions, pour leur part, étaient d’abord issues de notre propre expérience de

formation à l’enseignement en adaptation scolaire et sociale. Le fait d’avoir pris part à un

programme de formation initiale à l’enseignement nous a poussés à nous intéresser aux

éléments de contenu et de structure comparables à ceux présents dans le programme de

Page 70: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

58

formation québécois. Voici, à titre d’exemple, des réflexions issues du journal

ethnographique qui montrent combien, dans les premiers mois de l’étude, nous tendions à

comparer ce que nous observions en Finlande avec ce que nous connaissions du contexte

québécois :

Je remarque que les stages sont vraiment courts comparativement à nous (20 semaines en Finlande et dix mois au Québec). Je trouve aussi que les cours sont curieusement organisés. On ne reçoit pas de plan de cours. On reçoit juste des consignes pour des travaux (essai) avec plusieurs dates de remises différentes. Les lectures obligatoires sont substantielles ! (tiré du journal ethnographique, 26 septembre 2011).

L’idée très positive que nous détenions de la formation des maîtres dispensée en Finlande

fut une autre préconception ayant contribué à biaiser nos observations et nos interprétations

de la réalité dans les premières semaines de travail sur le terrain. À notre arrivée, nous

étions rapidement tentés d’observer et d’interpréter la réalité en considérant, d’emblée,

toutes les caractéristiques du programme comme des éléments expliquant la performance

des élèves aux évaluations PISA. La fascination que nous avions pour le programme nous a

toutefois empêchés de prendre le recul nécessaire pour l’observer selon ce qu’il est

vraiment. Pendant plusieurs semaines, les observations réalisées menaient de facto à des

interprétations positives de la réalité. Une fois passée l’étape de familiarisation avec le

terrain, ces interprétations se sont avérées impressionnistes.

Je trouve que les étudiants semblent cultiver une belle curiosité intellectuelle. On est en octobre et la bibliothèque est déjà pleine. Les étudiants ne se plaignent jamais du travail à faire dans les cours et ils parlent tous en anglais. Ils participent même à des cours en anglais qui ne sont pas obligatoires à leur cheminement. Je trouve qu’ils sont très motivés (tiré du journal ethnographique, 3 octobre 2011).

Nos préconceptions à l’égard du modèle finlandais ont eu une influence sur le regard que

nous posions sur les situations. Comme nous savions que les étudiants de la formation

initiale étaient soumis à un processus de sélection sévère, ces derniers nous apparaissaient

d’emblée comme étant « brillants » et « motivés ». De plus, les expériences que nous

avions vécues dans le cadre de notre propre formation, où des étudiants cherchaient à

diminuer les charges de travail proposées par les formateurs, nous ont fait voir les étudiants

finlandais comme étant « travaillants » et « sérieux » puisqu’ils n’adoptaient pas ce genre

d’attitude.

Page 71: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

59

Ce regard sur le programme et ses étudiants était aussi biaisé par la conception que nous

nous avions alors d’un « bon » programme de formation à l’enseignement, conception que

nous avions développée suite à notre propre expérience de formation perçue alors comme

incomplète. Pour nous, un bon programme cherche à former des enseignants qui valorisent

la curiosité intellectuelle en favorisant des apprentissages n’étant pas directement en lien

avec la tâche d’enseignement, mais qui contribuent à enrichir le savoir de l’enseignant.

Comme nous pensions que la Finlande valorise ce type de formation, nous avions tendance

à interpréter la réalité de manière à inscrire ce que nous voyions dans ce type de formation :

Je vois que le programme offre une série de cours vraiment variés pour développer la culture générale des étudiants. Il y a des cours d’histoire et de musique. Il y a même des cours de littérature et de langues étrangères. On voit que le programme cherche vraiment à ouvrir les enseignants sur le savoir. Ça fait une formation vraiment intéressante comparativement à une formation qui est davantage axée sur l’acquisition de compétences utiles uniquement à notre tâche d’enseignement (tiré du journal ethnographique, 21 septembre 2011).

Ces préconceptions, au fil des semaines, étaient mises en exergue par le travail d’analyse

des observations et des discussions avec le superviseur de recherche. Les premières

observations du terrain se sont effectuées à travers des « lunettes » cherchant des réponses à

nos questions plutôt que des pistes de réflexion. Avec le temps, ces préconceptions se sont

amoindries et un réel travail de compréhension du milieu s’est enclenché par une mise à

distance de l’objet d’étude. À ce sujet, nous croyons que le fait d’avoir passé près d’une

année entière sur notre terrain de recherche a eu un impact positif sur le travail de terrain,

d’abord parce qu’il nous a permis de nous rapprocher des acteurs, mais aussi parce que ce

n’est qu’après avoir rompu avec nos préconceptions qu’une réelle démarche de

compréhension de l’autre a été rendue possible.

4.8 La triangulation comme moyen d’assurer la validité interne de la recherche

Selon Kaufmann (2007), la validité d’un travail de recherche peut être observée dans la

cohérence de l’ensemble de la démarche. Cette cohérence est assurée par la méthode de

validation appelée « triangulation ». Elle s’effectue en recherchant les convergences entre

les résultats (Kaufmann, 2007). Elle s'applique à la confrontation de plusieurs sources de

données ou d’instruments variés de collecte de données. Elle exige donc un travail

préalable de variation des points de vue et des modes de collecte de données de la part du

Page 72: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

60

chercheur. La triangulation devrait généralement inclure deux séries de comparaison (Van

der Manen, 1996). La première série consiste à aller chercher de l’information en variant

les sources sans toutefois diversifier les techniques de collecte. La seconde série nécessite

de varier les techniques sans apporter de changement à la source d’information. Cette

combinaison d’informateurs et d’instruments contribue à la construction de la complexité

de l’objet d’étude et dès lors, à la validité interne du cas.

Dans le cadre de cette recherche, la méthode de triangulation a été prise en considération,

mais n’a toutefois pas été appliquée de manière systématique. Bien que nous ayons eu

recours à différentes sources de données et à différents modes de collecte, ces derniers

n’ont pas été appliqués systématiquement à toutes les situations, comme le préconise la

triangulation. Par exemple, les formateurs rencontrés n’ont pas tous été à la fois observés et

interviewés. Certains se sont prêtés à un entretien, alors que d’autres ont été observés. Il en

va de même pour les étudiants impliqués dans l’étude. La validité de cette recherche ne

réside donc pas dans la régularité de sa démarche, mais plutôt dans le souci d’accumuler

une grande quantité d’informations variées permettant la construction d’une compréhension

précise de la réalité dans laquelle nous avons évolué au cours de cette année en Finlande.

Pour Anadon (2006), d’autres critères de validité s’ajoutent à l’importance de la cohérence

de la démarche. Ces critères sont: la crédibilité, l’immersion sur le terrain et le respect de

principes éthiques.

Dans le cadre de notre recherche, le choix de la Finlande, que nous avons pris soin de

justifier en introduction, répond au critère de crédibilité, si l'on considère que ce pays se

démarque considérablement pour la qualité de l’éducation. Le fait de participer au

programme de formation initiale à l’enseignement sur une période de près d’une année (dix

mois) répond au deuxième critère de rigueur, qui est celui de l’immersion sur le terrain. En

plus d’une immersion significative à même le programme de formation des maîtres, ce

projet de recherche a pour qualité d’avoir eu un contact prolongé avec le terrain, permettant

ainsi un travail d’interprétation mieux informé.

Finalement, ce projet fut soumis et accepté par le Comité d’Évaluation de la Recherche de

l’Université Laval et son déroulement respecte toutes les exigences prescrites par ce

comité. Les informateurs contactés pour les entretiens semi-dirigés ont été informés sur les

Page 73: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

61

buts et les modalités du projet de recherche grâce à un formulaire de consentement qu’ils

ont dû signer pour signifier leur accord quant à leur participation au projet (voir annexe D).

La protection de la vie privée des informateurs fut assurée par la substitution de leur nom et

prénom par des pseudonymes lorsque nous nous y référions dans notre journal. Les

enregistrements ainsi que toutes les informations issues des observations ont été conservés

dans un endroit sûr, sous clé, et y resteront pour une période de cinq ans, après quoi toutes

les données seront détruites. Finalement, afin d’assurer un maximum de transparence, un

compte-rendu de la recherche et des résultats qu’elle a générés sera envoyé aux

informateurs.

4.9 Analyse des données

Nous avons parlé, dans le chapitre 3, de l’existence d’une culture du curriculum. Ce

concept théorique soutient qu’un curriculum de formation existe par-delà son syllabus. Le

contenu du curriculum, le choix des thèmes abordés, le temps octroyé à la formation

pratique et théorique, la manière d’organiser la progression des apprentissages sont autant

d’éléments qui insufflent un style de vie propre à un programme de formation. Joseph

(2011) nous invite d’ailleurs à observer les manifestations concrètes de ce curriculum

auprès des étudiants et des formateurs, ce que nous avons fait. Ce concept se trouve au

cœur de notre travail de recherche. Bien qu’il balise notre travail de description et

d’interprétation, la démarche d’analyse inhérente à cette étude est une démarche inductive.

Car ni les profils identitaires, ni les caractéristiques propres à la culture du curriculum qui

seront identifiées sur le terrain ne peuvent en tout point se coller à une typologie

préexistante. D’ailleurs, il nous apparaît important de souligner que Joseph (2011) parle

d’un canevas pour comprendre le curriculum, et non pas pour en faire l’analyse. Il ne s’agit

donc pas de camper nos observations dans les catégories établies par Joseph (2011), mais

plutôt d’utiliser ces catégories pour structurer notre travail d’observation et d’analyse. Nous

ne voulons pas contraindre nos données à une catégorisation toute faite. Nous savons que

chaque terrain est unique, et nous voulons présenter le nôtre avec toutes ses richesses sans

avoir à laisser tomber des données au profit d’une catégorisation. Le concept de culture du

curriculum demeure au cœur de notre étude. Le cadre proposé par Joseph (2011) est pour

nous un outil visant à faciliter notre travail d’observation et d’analyse plutôt qu’une

typologie que nous nous imposons.

Page 74: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 4 - Méthodologie

62

Notre analyse s’exécute en trois temps, afin de répondre à nos trois objectifs de recherche.

Dans un premier temps, il s’agit de s’intéresser plus spécifiquement au curriculum, à la

manière dont sont dispensés les cours. À cette étape, nous documentons le curriculum sans

toutefois s’intéresser à la culture qui lui est inhérent. Il s’agit surtout de découvrir le

curriculum dans son aspect formel. Nous cherchons à documenter ce qui pourrait

éventuellement nous informer sur une culture du curriculum, à savoir les caractéristiques

structurelles et organisationnelles du programme.

Dans un deuxième temps, notre analyse porte sur les caractéristiques du programme

décrites à l’étape précédente. À cette étape, les informations qui ont été recueillies sont

replacées dans le contexte de notre grille d’analyse. Une fois dans la grille, il devient

possible de voir ressortir certaines caractéristiques prédominantes. Ce sont ces

caractéristiques que nous présenterons alors.

De la même manière, la troisième étape implique de réfléchir sur les compétences, les

qualités et les aptitudes valorisées par un curriculum dont la culture est X, la structure Y et

l’organisation Z. À cette étape, le travail d’analyse des deux sections précédentes nourrit le

travail d’interprétation. Les compétences, aptitudes et qualités identifiées seront

rassemblées par profil identitaire.

Page 75: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

63

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données Notre travail d’ethnographie nous a permis de recueillir une multitude de données, que

nous avons choisi de présenter en trois différentes parties. Dans un premier temps, ce

chapitre présente les caractéristiques structurelles et organisationnelles du programme de

formation que nous avons étudié. Par la suite, il propose une interprétation de la culture du

curriculum. Le chapitre se conclut par une analyse des profils identitaires qui émergent des

caractéristiques propres à cette culture.

5.1 Composantes structurelles et organisationnelles

5.1.1 Le Département de la formation initiale à l’enseignement

Le Département de la formation des maîtres (opettajankoulutuslaitos) fait partie de la

Faculté des behavioral sciences avec le Département de psychologie et des sciences du

langage. Ce département compte six programmes, dont celui de la formation initiale à

l’enseignement, destiné à la formation des enseignants du primaire (luokanopettajan

koulutus). Le département se spécialise aussi dans la formation des éducateurs à l’enfance

(lastentarhanopettajan koulutus), des enseignants en adaptation scolaire

(erityispedagogiikan koulutus), des enseignants du secondaire (aineenopettajan koulutus)

ainsi que des enseignants spécialisés dans la formation aux travaux manuels et aux arts

(kotitalous ja käsityötieteen koulutus).

La formation initiale à l’enseignement est offerte par la Käyttäytymistieteellinen Tiedekunta

(Faculté des Sciences behaviorales). Les cinq édifices qui accueillent les étudiants de la

Faculté sont tous situés dans un même quartier du centre-ville d’Helsinki. Certains édifices

sont dotés de locaux spécialisés permettant la manipulation et l’expérimentation de

différents équipements utiles au développement des compétences de l’enseignant

(équipements de menuiserie, métiers à tisser, salles insonorisées, salles informatiques,

espace aménagé pour la lecture d’albums pour enfants à la bibliothèque, etc.).

Page 76: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

64

Photo 1: le local de menuiserie*

* tirée du journal ethnographique

Photo 2: le local de didactique des mathématiques*

* tirée du journal ethnographique

Photo 3: un local de pratique pour les leçons de piano *

* tirée du journal ethnographique

Page 77: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

65

Photo 4: le local d’arts*

* tirée du journal ethnographique

Le syllabus

La formation initiale offerte à l’Université d’Helsinki est composée d’un programme de

premier cycle d’une durée de trois ans, suivi d’une formation de deuxième cycle d’une

durée de deux ans. Les études de premier cycle sont complétées lorsque l’étudiant a réalisé

la totalité des cours obligatoires et optionnels, en plus de la rédaction de son projet

personnel (bachelor thesis). Les études de deuxième cycle, quant à elles, sont complétées

une fois que l’étudiant a réalisé la totalité des cours exigés par le département (obligatoires

et optionnels), ainsi que son mémoire de maîtrise.

Le syllabus de la formation, dans sa version intégrale, est disponible à l’annexe G de ce

document. Sa composition s’avère cependant assez difficile à saisir. En effet, ce n’est qu’à

la suite de plusieurs semaines sur le terrain que nous sommes parvenus à le démystifier.

C’est pourquoi nous tenterons, afin d’en faciliter la compréhension, d’expliquer les grands

domaines de la formation, sans toutefois chercher à expliquer les cours et leur contenu.

La littérature indique, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, que le programme

se construit autour de trois grands concepts: le raisonnement pédagogique, l’intégration

théorie/pratique et, plus largement, l’approche basée sur la recherche. La figure suivante,

tirée de Krokfors et al. (2011, p. 4), illustre comment les grands concepts et les cours

coexistent pour former le programme tel qu’il existe :

Page 78: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

66

Figure 2 : Structure générale du programme, tiré de Krokfors,, Kynäslahti, Stenberg, Toom, Maaranen, Jyrhämä, et al. (2011).

Comme il est possible de constater, les cours du programme (présentés à droite) sont

répartis entre trois grands champs: la majeure en sciences de l’éducation (education as a

main subject), les études multidisciplinaires (education as a minor subject), les mineures et

les cours optionnels (option minor subjects/optional studies). Cette structure, que nous

allons présenter plus en détail dans cette section, se révèle être une source intéressante

d’information.

Le curriculum de formation initiale à l’enseignement offert à l’Université d’Helsinki

possède donc trois champs de formation prioritaire. En établissant des rapports de

proportions entre les différentes parties du programme, il est possible de voir l’importance

accordée aux différents éléments du curriculum de formation.

Page 79: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

67

Tableau 2: Champs de formation dans la majeure

Champs de formation ECTS9 % Nombre de cours

Major in Education • Cultural basis of education • Psychological basis of education • Pedagogical basis of education • Research studies in education • Teaching practice

140 46,66 16

Multidisciplinary studies 60 20 17

Optional minor subject and optional studies 75 25 N/A

TOTAL: 300 100

En regardant ces grands regroupements, on constate ce à quoi l’on accorde le plus

d’importance au sein de la formation. Sans grande surprise, le Major in Education occupe

la plus importante portion du curriculum (46,66%).

Fait intéressant, la seconde plus grande portion du curriculum est dédiée à la partie

optionnelle/libre de la formation, c’est-à-dire les minor studies (25%). Le cinquième de la

formation est réservé aux multidisciplinary studies. Il s’agit des études dites

« vocationnelles », où les futurs enseignants reçoivent une formation pratique sur les

sujets/matières qu’ils auront à enseigner en milieu scolaire.

On remarque que cette section compte pour 60 crédits, répartis sur 17 cours. Il s’agit donc

de petits cours si l’on compare à ceux offerts au sein de la majeure (140 crédits répartis sur

16 cours).

Mentionnons, avant de poursuivre, que la présentation qui suit a été divisée non pas en

fonction du cycle d’études (premier ou deuxième cycle) mais plutôt en fonction des quatre

domaines du programme. Nous avons choisi de procéder de la sorte afin de refléter le

mieux possible le programme tel qu’il est instauré. En effet, bien que le document présenté

en annexe G établisse des frontières explicites entre la formation de premier cycle et celle 9 L’European Credit Transfert System (ECTS) octroie un crédit pour environ 27 heures de formation. Pour

des fins de comparaison, disons qu’un crédit canadien correspond à trois ECTS. À titre d’exemple, la formation initiale à l’enseignement qui compte pour 300 ECTS dans une université finlandaise correspond à une formation d’environ 100 crédits dans une institution d'enseignement universitaire québécoise.

Page 80: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

68

de deuxième cycle, la réalité s’avère beaucoup moins clairement définie. Lors de son

élaboration dans les années 1970, le programme était composé de cinq années de formation

complétées par la rédaction d’un mémoire de maîtrise, ce dernier menant à l’obtention d’un

diplôme et d’un permis d’enseigner. Avec la mise en place du Plan Bologne, la structure du

programme s’est scindée de manière à respecter les nouvelles contraintes européennes.

Même si la formation prend officiellement la forme « two tiers » privilégiée par le Plan

Bologne, l’ancienne formule plus souple laisse encore sa trace aujourd’hui dans la manière

d’organiser le programme et de faire cheminer les étudiants. À l’image du programme

d’origine, le cheminement des étudiants s’organise avec souplesse, faisant en sorte qu’il est

non pertinent de chercher à situer un cours donné dans une année ou un semestre en

particulier. Un des défis de notre présence sur le terrain a d’ailleurs été de déchiffrer cette

façon d'organiser le curriculum :

Je rencontre des étudiants de 4ème année qui ont terminé leur mémoire, mais qui n’ont toujours pas fait aucun stage. Inversement, j’ai rencontré des étudiants de cinquième année qui avaient fait leur stage et travaillaient présentement en milieu scolaire, sans toutefois avoir complété leur mémoire. Dans mon cours de musique, certains étudiants sont en stage en avant-midi, c’est pourquoi il leur arrive de s’absenter, alors que d’autres en sont seulement à leur deuxième année de formation. Je remarque que les étudiants semblent emprunter des chemins différents, ne pas être rendus au même stade au même moment... Une étudiante m’a brièvement expliqué aujourd’hui qu’ils sont libres d’organiser leur formation en établissant leur propre plan d’étude avec l’accord de la direction du programme. Il faudrait voir à quel point ils sont libres de choisir, car j’ai compris en procédant à mon inscription que certains cours étaient préalables à d’autres (tiré du journal ethnographique, 18 novembre 2011).

La formation à toute vitesse

La formation évolue dans un contexte pressurisé par la multitude de cours imposés par le

curriculum. Bien qu’il soit impossible de donner un nombre exact de cours à suivre étant

donné les différents parcours, on peut affirmer que les cours obligatoires du programme

sont au nombre de 45, soit neuf cours par année. Ceci exclut, comme je l'ai mentionné, les

cours relevant de choix personnels, c'est-à-dire les mineures. Si l’on considère que certaines

sessions ne comptent qu’un seul cours, par exemple lors des stages et de la rédaction du

mémoire, on peut estimer que chaque session compte entre sept et neuf cours. Les cours

offerts au sein du programme comptent généralement pour peu de crédits (en moyenne 3

crédits, où 1 crédit compte pour environ 27 heures). Plusieurs informateurs reprochent

d’ailleurs au programme d’inclure trop de petits cours : « the program is too full of too little

Page 81: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

69

things » soutient un formateur avec lequel nous nous sommes entretenus du manière

informelle. Cette réalité place les étudiants devant une multitude d’exigences et de travaux

variés. Des informateurs nous dirons d’ailleurs que peu d’étudiants complètent réellement

la formation en cinq ans. Une grande partie d’entre eux, bien que nous ne détenions pas le

chiffre exact, choisissent d’alléger la formation qui se veut très intense surtout les deux

premières années. Selon certaines formatrices, la formation serait, le plus souvent,

complétée en six ou même sept ans pour certains. Le temps à allouer à la rédaction du

mémoire, de même que la possibilité d’obtenir un contrat de suppléant avant d’avoir

complété la formation sont d’autres facteurs qui contribueraient à ralentir leur cheminement

au sein de programme.

De manière spécifique, nous nous sommes aussi intéressées aux contenus enseignés dans la

majeure en sciences de l’éducation, domaine de formation qui se situe au cœur du

programme et qui occupe une place prépondérante.

Tableau 3: Axes de formation dans la majeure

Axes de formation ECTS %

Cultural basis of education 15 5

Psychological basis of education 15 5

Pedagogical basis of education 20 6,66

Research studies in education 70 23,22

Teaching practice 20 6,66 TOTAL: 140 100

Dans ce tableau, on remarque que le pourcentage de la formation dédié à la réalisation de

stages en milieu scolaire est de 6,66%, ce qui représente une des plus petites portions du

curriculum. Ce pourcentage nous indique que les stages ne sont pas de première importance

dans ce curriculum. À l’inverse, la formation à la recherche compte pour quatre fois plus,

soit 23,22% du total de la formation. Les stages, qui comptent pour 20 crédits, ne sont

toutefois pas les seuls moments où les étudiants sont en contact avec le milieu scolaire.

Nous le verrons plus tard, d’autres cours, offerts plus tôt dans la formation, font figurent de

« mini-stages ».

Page 82: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

70

Le plan d’étude est un des éléments importants du programme de formation. Chaque

étudiant a son propre plan qu’il établit, à la fois, en fonction de ses intérêts et de ses besoins

de manière à conjuguer la formation avec, par exemple, un travail ou avec des contraintes

familiales. La flexibilité du programme constitue une de ces caractéristiques qui contribue à

son caractère distinctif. Nous y reviendrons plus loin. Pour le moment, nous allons détailler,

de manière plus précise, les différents domaines du curriculum de formation.

5.1.1.1 La majeure en sciences de l’éducation (Major in Education)

La majeure en sciences de l’éducation offre des cours axés sur l’acquisition de

connaissances jugées « fondamentales » dans la profession enseignante: la pédagogie, la

psychologie ainsi que les fondements sociaux de l’éducation. Ce bloc intègre aussi des

cours axés sur le développement de compétences en recherche: introduction aux méthodes

qualitatives et quantitatives en recherche, suivi, au deuxième cycle, des cours de méthodes

de recherche avancées. À ce stade, l’étudiant choisit entre un cours de méthodes

qualitatives OU quantitatives en fonction du projet de recherche qu’il compte mener.

Cette section de la formation inclut aussi les stages pratiques qui ont lieu en milieu scolaire

et qui font officiellement partie de la formation de deuxième cycle. Ces derniers comptent

pour 20 crédits, ce qui représente environ 7% de la formation. Les crédits sont répartis sur

deux expériences de stage: la première, de 12 crédits, est axée sur l’enseignement de

disciplines prédéterminées par l’université (généralement, le finnois, les mathématiques

ainsi que les arts plastiques ou la musique).

Des 120 de la majeure, 70 crédits sont attribués à des cours de formation à la recherche. De

ce nombre, 50 crédits vont à la rédaction des deux projets de recherche. La rédaction du

projet personnel de baccalauréat compte pour 10 crédits, alors que la rédaction du mémoire

compte pour 40. L’étudiant mène sa recherche de manière indépendante, avec le support de

son superviseur qui a généralement une douzaine d’étudiants sous sa responsabilité. Les

étudiants lui sont attribués en fonction de leurs intérêts de recherche.

Les cours « Méthodes de recherche en éducation » et « Méthodes de recherche avancées en

éducation » (qualitatives ou quantitatives) sont deux cours qui traitent des techniques

spécifiques aux méthodes qualitatives et/ou quantitatives de recherche. Le cours offert au

premier cycle aborde à la fois la recherche qualitative et quantitative. Ce cours introductif a

Page 83: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

71

pour objectif de préparer l’étudiant à la rédaction de sa thèse de premier cycle, un document

d’une quarantaine de pages dans lequel l’étudiant doit élaborer toutes les étapes d’une

recherche scientifique. Le cours de méthodologie avancée, offert au deuxième cycle, se

concentre soit sur les méthodes qualitatives ou quantitatives. L’étudiant s’inscrit à l’un ou

l’autre des deux cours en fonction de ses besoins pour son propre sujet de recherche. Les

séminaires de recherche, pour leur part, servent à accompagner l’étudiant dans la rédaction

de ses deux projets de fin d’études (projet personnel de premier cycle ou mémoire).

5.1.1.2 Projets de recherche

Le parcours de formation est ponctué par deux projets de recherche, lesquels s’inscrivent

dans la majeure en sciences de l’éducation. Il s'agit 1) du projet de fin d’études et 2) du

mémoire de maîtrise. Le projet de fin d’études est un travail de recherche réalisé en guise

de conclusion aux études de premier cycle. La production de ce document est une exigence

nouvelle du programme. Ce projet a été instauré dans la foulée du Plan Bologne, afin de

permettre aux étudiants d’obtenir une certification officielle à la fin de leurs études de

premier cycle. L’étudiant procède à la rédaction de son projet de manière autonome

supervisé par un formateur qui a pour mandat de le conseiller et de l’orienter dans ses

démarches. Il élabore une courte recherche dont la problématique, le cadre théorique, la

méthodologie, les résultats et les interprétations seront présentés dans un document d'une

quarantaine de pages. L’étudiant intègre un séminaire de recherche où les étudiants

partagent les mêmes intérêts de recherche que lui. À titre d’exemple, un étudiant désireux

de réaliser un projet en didactique de l’histoire sera placé sous la supervision d’un

professeur en didactique de l’histoire.

Le second projet de recherche constitue le point culminant de la formation. Il s’agit du

mémoire de maîtrise, lequel compte pour 40 des 300 crédits qui composent le programme.

La rédaction du mémoire, au même titre que celle du projet de fin d’études, se fait de

manière individuelle, sous la supervision d’un professeur. Quant aux séminaires de

recherche, ils ont lieu tout au long de l’année et les étudiants sont invités à prendre la parole

à deux reprises: une première fois pour présenter leur plan de recherche, une seconde pour

faire part de leurs résultats. Lors des séminaires, les autres étudiants de même que le

professeur interviennent avec des questions ou pour suggérer des pistes de réflexion dans le

but d’améliorer les travaux de leur collègue. Il est aussi fréquent, selon les informations

Page 84: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

72

recueillies, que l’étudiant choisisse d’approfondir, à la maîtrise, le thème de recherche

choisi pour son projet de fin d’études. Cette façon de faire est encouragée par le

département, car elle permet à l’étudiant de bâtir un projet de plus grande envergure à partir

d’une base existante au lieu de reprendre une recherche depuis le début.

5.1.2 Stages

Le programme de formation initiale à l’enseignement a sa propre école primaire, appelée

Helsingin Yliopiston Viikin Normaalikoulu (University of Helsinki – Department of

Teacher Education). Cet établissement scolaire est destiné à la formation pratique des futurs

enseignants. Il reçoit, tout au long de l’année, des stagiaires et des étudiants d’un jour, en

stage d’observation. Il reçoit aussi les étudiants qui effectuent les deux stages officiels du

programme. En effet, le curriculum inclut deux stages pratiques, dont l’un ou l’autre doit

s’effectuer dans cette école.

Le premier, d’une durée de huit semaines, a lieu habituellement durant la troisième année

de formation. Il porte sur l’enseignement des différentes disciplines comprises dans le

curriculum scolaire finlandais. L’étudiant doit donc avoir préalablement terminé tous les

cours d'études multidisciplinaires avant d’y prendre part.

Le second stage se déroule lors de la quatrième ou de la cinquième année de formation de

l’étudiant. D'une durée de quatre semaines, ce stage implique une prise en charge complète,

où l’étudiant remplace l’enseignant dans toutes ses fonctions. Ce stage est supervisé de la

même façon que le stage précédent. La première semaine de stage est consacrée à la

planification des leçons qui auront lieu lors de la prise en charge.

Photos 5 et 6: future enseignante en stage pratique à Helsingin Yliopiston Viikin Normaalikoulu. * tirées du journal ethnographique

Page 85: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

73

Les expériences de stage se vivent généralement en équipe de deux. Les futurs enseignants

sont jumelés et travaillent en étroite collaboration tout au long de leur passage en milieu

scolaire. Les prises en charge se font en alternance et l'étudiant qui n’est pas en pris en

charge agit à titre d’assistant. Il suit le déroulement de la leçon telle que planifiée par son

pair, et lui prête assistance lorsque nécessaire. Il peut aussi arriver que l’étudiant non pris

en charge agisse à titre d’observateur et d’évaluateur. Il partage alors ses observations et ses

commentaires avec l’étudiant observé en fin de leçon. Les stages constituent des milieux de

travail propices au travail collaboratif et au développement d’un esprit de collégialité.

La supervision du stagiaire est faite par un formateur de l’Université d’Helsinki. Les

méthodes de supervision sont variées et ce, dans le but de s’adapter aux contraintes des

superviseurs et des étudiants. L’étudiant est invité à collaborer avec son pair lors du stage.

5.2 Les études multidisciplinaires (multidisciplinary studies)

Le domaine des « études multidisciplinaires » totalise 60 crédits, soit le cinquième de la

formation universitaire. Celui-ci comprend les cours de didactique de toutes les matières

scolaires à enseigner aux élèves finlandais: le finnois-langue maternelle, les mathématiques,

les arts visuels, les travaux manuels, l’éducation physique, la musique, l’histoire, la religion

et/ou l’éthique, la géographie, la biologie, la physique et la chimie (NBOE, 2012). Ces

cours permettent à l’étudiant de développer des compétences pratiques directement en lien

avec son travail d’enseignant et ont pour but d’outiller le futur enseignant en lui apprenant

des techniques étroitement liées à sa tâche. En d’autres termes, ces cours priorisent

l’apprentissage de techniques et de savoirs disciplinaires.

Ces cours sont élaborés de manière à couvrir toutes les disciplines que le futur enseignant

devra dispenser dans le cadre de ses fonctions: le finnois, l’éducation physique, la musique,

la biologie, la physique, la chimie, l’éducation à l’environnement, la géographie, l’histoire,

les arts plastiques, la menuiserie ainsi que l’enseignement religieux ou moral. Ils sont aussi

élaborés de manière à ce que le futur enseignant puisse participer activement et

expérimenter différentes techniques qui lui seront utiles en contexte de classe. Les 60

crédits de ce bloc sont répartis en 14 cours, ce qui signifie qu’ils sont généralement assez

courts, comptant généralement un ou trois crédits (soit entre 80 et 110 heures). Ces cours se

distinguent de ceux offerts à la majeure par leur caractère appliqué. Nous avons d’ailleurs

Page 86: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

74

remarqué que le caractère appliqué de ces cours semblait rendre difficile l’intégration de la

recherche scientifique.

5.3 La mineure (optional minor subject and optional studies)

La mineure, pour sa part, totalise 75 crédits soit le quart de l'ensemble de sa formation.

L’étudiant doit normalement réaliser deux mineures dans le cadre de sa formation, soit une

par cycle d’études. Cette partie de son cheminement relève de choix personnels que

l’étudiant prend en adéquation avec ses intérêts et ses aspirations. Il n’existe donc pas de

scénario unique quant au cheminement scolaire des étudiants de la formation des maîtres.

En effet, le cheminement de chaque étudiant est susceptible de varier en fonction des choix

de mineures qu’il fait. C’est pourquoi l’Université d’Helsinki exige de chaque étudiant

qu’il ait un plan d’études personnalisé. Il s’agit d’un moyen pour baliser le cheminement de

l’étudiant en lui accordant la plus grande liberté possible.

Grâce au plan d’étude, l’étudiant est placé devant une multitude de choix, autant dans la

façon de répartir ses crédits que dans le choix de disciplines dans laquelle ou lesquelles il

choisira de se spécialiser. Les trois scénarios décrits ci-après constituent les trois

principales avenues empruntées par les étudiants. Ces scénarios ont été élaborés à partir des

données colligées par entretiens ethnographiques.

5.3.1 Scénario 1: peaufiner des compétences liées à la pratique enseignante

Le Département de la formation des maîtres offre une quinzaine de mineures permettant à

l’étudiant d’acquérir des compétences plus approfondies dans les domaines qui touchent

directement le travail de l’enseignant. Ces programmes courts comptent 25 ou 35 crédits.

Voici, à titre d’exemple, quelques unes des mineures offertes par le Département des

sciences de l’éducation. Elles comportent généralement cinq cours de 5 ECTS et

s’échelonnent sur une année universitaire :

- Langue maternelle et littérature – 25 ECTS

- Éducation préscolaire et premier cycle du primaire – 25 ou 35 ECTS

- Éducation multiculturelle – 25 ou 35 ECTS

- Discours et éducation théâtrale – 25 ECTS

- Éducation aux médias – 25 ECTS

Page 87: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

75

5.3.2 Scénario 2: se spécialiser dans une discipline (deuxième majeure)

La seconde possibilité qui s’offre à l’étudiant est qu'il puisse faire non pas deux courtes

mineures, mais bien une longue mineure de 60 crédits, où tous les cours optionnels sont

prévus afin qu'il se spécialise dans une seule et même matière. On parle alors d’un

cheminement incluant deux majeures, la première étant la spécialisation en sciences de

l’éducation, obligatoire à tous les étudiants de la formation des maîtres. Comme 75 crédits

sont octroyés suite à la réalisation d’une mineure, les 15 crédits restants peuvent être

utilisés à la discrétion de l’étudiant, avec l’accord du superviseur responsable de son plan

d’étude.

À titre d’exemple, un étudiant au Département de la formation des maîtres, qui se destine à

être enseignant au primaire, peut choisir de faire ses deux mineures au Département

d’histoire et ainsi se qualifier à titre d’enseignant d’histoire au secondaire. Selon les

informations obtenues en entrevue, cette option offrirait à l’étudiant de meilleures chances

sur le marché de l’emploi (car plus polyvalent) et une légère augmentation de salaire étant

donné cette qualification supplémentaire.

Il existe différents accords entre la faculté qui chapeaute la formation des maîtres et les

autres facultés de l’Université, notamment dans des disciplines comme les mathématiques,

les langues (le finnois évidemment mais aussi le suédois, l'anglais, le français, etc.),

l’histoire, la géographie et les arts.

5.3.3 Scénario 3: combiner compétences enseignantes et savoirs disciplinaires

Une autre possibilité qui s’offre à l’étudiant est celle de réaliser une des deux (ou les deux)

mineures dans un autre département de la faculté ou dans une autre faculté. Selon les

informations recueillies en entrevue, les étudiants qui choisissent cette option doivent

d’abord faire approuver leur choix par le Département de la formation des maîtres. Il

semble que les demandes sont approuvées dans la mesure où elles répondent au critère

« supporter l’enseignement ». Une mineure de 25 crédits en sociologie, par exemple,

pourrait être une possibilité; bien que cette discipline ne soit pas directement en lien avec la

tâche de l’enseignant. Elle le dote cependant de capacités réflexives face à divers

phénomènes sociaux en lien avec l’école. Elle peut donc être considérée comme aidante à

Page 88: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

76

la tâche d’enseignement, même si elle n’est pas directement liée à l’aspect pratique de la

tâche.

5.4 Les cours offerts au sein du programme

Nous venons de présenter les trois grands domaines où l'on offre différents cours et le détail

de ces cours est disponible en annexe G. Loin de nous l’idée de procéder à une description

exhaustive des contenus de chacun, la présente section a pour objectif de distinguer les

différentes approches pédagogiques qu’il nous a été possible d’observer sur le terrain. Bien

qu’elles peuvent sembler sans surprise, nous tenons à mettre l’emphase sur l’originalité de

ces formules, qui s’organisent et se synchronisent de manière à favoriser l’intégration de la

théorie et de la pratique.

Avant de poursuivre, mentionnons que chacune de ces formules est susceptible d’être

utilisée dans un cours. Les différentes formules pédagogiques sont intégrées aux cours dans

diverses mesures selon différents objectifs. Mentionnons toutefois que ces formules

existent distinctement et qu’elles sont intégrées au cours de manière séquentielle. Nous

entendons par là que, pour un cours donné, le nombre d’heures octroyé à une formule

pédagogique ou à une autre est prédéterminé. Le calendrier des rencontres pour un cours

donné distingue d’ailleurs les périodes réservées aux apprentissages théoriques de celles

consacrées à l’expérimentation ou au travail d’équipe.

Les cours se donnent dans de grands amphithéâtres, dans des salles de classe ainsi que dans

différents locaux spécialisés comme ceux présentés sur les photos. Les cours offerts dans le

programme s’élaborent selon différentes activités pédagogiques. Certaines de ces activités

sont propices à accueillir un grand nombre d’étudiants (les cours magistraux en sont le

meilleur exemple). À l’opposé, certaines formules, davantage axées sur le travail

collaboratif et l’expérimentation, se font en petits groupes. Voici, de manière plus détaillée,

les différentes formules pédagogiques exploitées au sein du programme. Pour un cours

donné, on peut choisir de répartir les heures d’enseignement prévues selon une ou plusieurs

de ces formules.

o Activité pédagogique A : les cours

Les « conférences » sont des périodes réservées à l’enseignement magistral. Elles se

déroulent habituellement dans un amphithéâtre et incluent environ une centaine d’étudiants.

Page 89: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

77

Lors de ces périodes d’enseignement, le formateur a recours, la plupart du temps, à une

présentation de type PowerPoint. Ce matériel est mis à la disposition des étudiants avant le

cours par l’intermédiaire d’une plateforme Web.

Le formateur n’exige habituellement pas que l’étudiant se prépare au cours. J’entends par là

qu’il n’y a pas de lectures ou d’exercices préalables à une conférence donnée. Plusieurs

informateurs expliquent cela par des contraintes reliées au respect des normes en vigueur à

l’Université d’Helsinki quant à la charge maximale de travail autonome à donner aux

étudiants. Cette charge de travail inclut normalement la lecture d’un ouvrage obligatoire et

la rédaction d’un travail de session (voir travail autonome) et ces derniers soutiennent qu’il

ne reste pas assez de temps à accorder aux lectures/exercices/activités préparatoires aux

conférences. Les cours théoriques sont donc des moments où l’étudiant se déplace pour

recevoir un enseignement sur un sujet donné. Un cours peut compter une ou plusieurs

leçons. Il arrive parfois que plusieurs chargés de cours/professeurs dispensent un même

cours. Ils se séparent alors la tâche d’enseignement en fonction de leur expertise. À titre

d’exemple, dans un cours de développement de l’enfant offert au département, un

formateur X donne une conférence sur le développement de l’enfant et lors de la rencontre

suivante, un formateur Y vient parler des stratégies d’apprentissage chez l’enfant.

La présence à ces segments de cours n’est pas obligatoire. L’étudiant ne désirant pas ou

étant dans l’impossibilité de se présenter à un cours a pour responsabilité de prendre

entente avec d’autres étudiants présents au cours. Il peut aussi choisir de se familiariser

avec le contenu du cours par lui-même à partir du matériel disponible en ligne. Bien qu’il

ne soit pas obligatoire d’assister aux conférences, il demeure toutefois obligatoire de s’y

inscrire afin de pouvoir s’inscrire par la suite aux activités en sous-groupes.

o Activité pédagogique B : Les ateliers

L’apprentissage en sous-groupe constitue généralement une portion importante des cours.

Les sous-groupes sont conçus pour accueillir une vingtaine d’étudiants et sont formés à

partir du nombre total d'inscriptions à un cours donné. À titre d’exemple, un cours

comptant 120 inscrits aux conférences se divisera en six sous-groupes de 20 étudiants.

Étant donné le petit nombre d’étudiants, le sous-groupe constitue un environnement propice

à la discussion avec les pairs et au travail collaboratif.

Page 90: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

78

Ce type d’activité d’apprentissage est axé sur l’application pratique et l’expérimentation

des contenus théoriques présentés lors des conférences. C’est pourquoi, dans la plupart des

cas, l’horaire des rencontres est conçu de manière à alterner les conférences et les

rencontres en sous-groupe. Dans d’autres cas, les personnes en charge des cours jugent

qu’il est plus approprié de donner toutes les conférences dans un premier temps, et

d’enchainer avec les activités en sous-groupe une fois que tous les contenus théoriques ont

été vus.

D’après les informations recueillies, les activités réalisées en sous-groupe prennent la forme

de courts projets que l’étudiant peut compléter à l’intérieur du temps prescrit pour une

rencontre. Ces activités sont de diverses natures et ont toutes pour objectif d’assurer

l’intégration de la théorie à la pratique :

- Concevoir une constellation d’idées sur un sujet donné puis mener une discussion

sur les idées qui ont été générées;

- Planifier une leçon en équipe de trois ou quatre étudiants et partager le fruit de son

travail avec les autres;

- Visiter une exposition d’art et commenter les œuvres en équipe;

- Procéder à l’analyse de contenu de certains manuels de classe puis présenter son

analyse à ses pairs;

- Présenter les résultats d’une recherche effectuée sur le terrain, puis mener une

discussion à partir des interrogations/réflexions suscitées par ce travail;

- Lire un article et mener une discussion sur les contenus de l’article en classe;

- Mettre en pratique une technique d’art plastique, par exemple le modelage, puis

façonner un vase qui sera photographié puis ajouté au portfolio de l’étudiant.

o Activité pédagogique C : le travail individuel

Le travail individuel doit être réalisé par l’étudiant de manière autonome. Le plus souvent,

une lecture obligatoire constitue la majeure partie de sa tâche et le reste des heures peut être

octroyé à différentes tâches. Les plus fréquentes sont: 1) la rédaction d’un essai qui prend la

forme d’une réflexion sur les apprentissages faits dans le cours ou sur un thème donné par

le responsable du cours; 2) la rédaction d’un journal d’apprentissage où l’étudiant note au

fur et à mesure des cours ce qu’il apprend; 3) la préparation d’un travail d’équipe qui inclut

Page 91: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

79

normalement une rédaction et une présentation orale. Certains cours ont des exigences

particulières quant à l’utilisation de ces heures. Le cours de didactique de l’éducation

physique, par exemple, exige de l’étudiant qu’il pratique le ou les sports appris en classe et

dont il ne maîtrise pas bien les techniques (le patin, la natation, etc.). Le cours de didactique

des mathématiques, pour sa part, exige qu’une partie des heures soit consacrée aux devoirs

à faire à la maison. Ces devoirs sont en réalité des exercices préparatoires aux sessions

d’apprentissage en sous-groupe.

o Activité pédagogique D : l’examen

Pour un cours donné, un examen peut être prévu en fin de session. Cet examen porte

généralement le nom de « book exam » ou « examen sur le livre ». Cela s’explique par le

fait que l’examen porte majoritairement sur le contenu de l’ouvrage obligatoire. Il arrive

aussi que le formateur inclut certaines questions qui portent sur le contenu des conférences.

L’examen prend souvent la forme de questions à développement où l’étudiant doit formuler

ses réponses en se basant sur les contenus du livre ou de ses notes de cours. Ce dernier n’a

toutefois accès ni à ses notes, ni à l’ouvrage. Les examens sont notés sur 5 (5 étant la

meilleure note et 1 représentant l’échec). On offre normalement plusieurs dates pour la

passation d’un même examen (généralement deux ou trois). L’étudiant peut choisir de se

présenter à la date de son choix, et peut aussi se présenter à une reprise d’examen s’il n’est

pas satisfait de sa note ou s’il est en situation d’échec lors du premier examen.

Ce ne sont pas tous les cours qui incluent un examen. Dans certains cas, l’évaluation porte

uniquement sur le travail de session et la participation en classe, par exemple. Dans ces cas-

là, l’étudiant reçoit la note P (pass) ou F (fail).

o Activité pédagogique E : le contact avec le milieu scolaire

Les activités sur le terrain constituent le dernier type d’activité qui peut être mis en place

dans le cadre d’un cours. Bien que seulement quatre des 42 cours offerts dans le

programme incluent ce type d’activité pédagogique, les activités sur le terrain sont très

importantes, car elles sont considérées par le département comme de courtes expériences de

stage; elles permettent les premiers contacts entre l’étudiant en formation des maîtres et le

milieu scolaire. Ces activités impliquent une vingtaine d’heures de participation aux

Page 92: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

80

activités de l’école. Les projets visant à mettre l’étudiant en contact avec le milieu scolaire

sont variés. Voici trois exemples recueillis lors des entretiens:

- Observer les pratiques pédagogiques d’un enseignant;

- Apprendre à connaître un élève en l’observant en contexte scolaire;

- Connaître les stratégies utilisées par un élève lorsqu’il résout des problèmes mathématiques.

Lors des plages horaires réservées aux activités sur le terrain, l’étudiant a pour

responsabilité de se rendre en milieu scolaire pour mener certaines observations. Les

expériences vécues ainsi que les informations recueillies sont ensuite discutées avec le

formateur et les autres étudiants lors des rencontres subséquentes en sous-groupe.

5.5 Curriculum et culture du curriculum

5.5.1 Le programme comme une grande communauté d’apprentissage

En évoluant au sein du programme, nous avons été à même de réaliser toute l’importance

accordée à la construction dynamique des savoirs, et ce, autant pour l’étudiant en formation

que pour ses formateurs. Le programme est conçu de manière à placer l’étudiant devant

l'obligation de participer activement à la construction de ses connaissances. C’est par

l’intégration théorie-pratique que les programmes de formation rassemblent les ingrédients

nécessaires à la mise en place d’un climat de travail dynamique et motivant pour l’étudiant.

Dans cette perspective, le programme de formation initiale à l’enseignement incarne une

grande communauté d’apprentissage, où le savoir de l’un devient le savoir de l’autre, où les

acteurs construisent ensemble leur compréhension de l’enseignement et du monde de

l’éducation de manière plus générale.

5.5.1.1 La proximité

Le premier élément nous permettant d’envisager le programme de formation comme une

grande communauté d’apprentissage est celui de proximité. Nous utilisons ce terme pour

illustrer le lien étroit entre le savoir et les étudiants. En effet, notre présence sur le terrain

nous a permis de constater que quels que soient les savoirs à apprendre, les étudiants ainsi

que leur formateur évoluent au centre de ces savoirs. L’étudiant apprend par les échanges,

la manipulation, l’expérimentation, la pratique ou encore la rédaction. Son savoir se

Page 93: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

81

construit activement de différentes manières et selon différents objectifs. Dans ce qui suit,

nous tenterons de fournir des exemples issus du terrain qui soutiennent cette idée.

La formation à la recherche constitue certainement l’élément du programme qui traduit le

plus explicitement le désir de placer les étudiants en contact étroit avec la connaissance.

Cette formation offre d’abord une introduction à la recherche scientifique grâce aux cours

axés sur la méthodologie de recherche et au projet de fin d’études. Elle offre par la suite la

possibilité à l’étudiant d’approfondir ses compétences à titre de chercheur par la réalisation

d’un mémoire professionnel.

En se prêtant à l’exercice de rédaction du projet de fin d’études et du mémoire, l’étudiant

apprend à produire autant qu’à s’approprier les savoirs issus de la recherche. Dans les

séminaires de recherche tout comme dans l’exercice autonome de la recherche, l’étudiant

est appelé à faire des recherches en lien avec son sujet de mémoire dans les bases de

données. Ce travail de recension de la littérature l’amène à consulter et sélectionner des

articles pertinents. Dans ce contexte, l’étudiant évolue au sein même du savoir en sciences

de l’éducation. Il participe activement à la construction de ses connaissances en lien avec

son objet de recherche. À cette étape de son travail, l’étudiant devient un utilisateur du

savoir. Plus tard, le processus de collecte de données et d’écriture le placera plutôt dans une

position de producteur du savoir. Cette proximité avec le milieu de la recherche constitue,

selon un informateur, le meilleur moyen de rendre compte du caractère évolutif des savoirs

dans le domaine des sciences de l’éducation :

Je note les propos de cet informateur suite à notre entretien d’aujourd’hui au sujet de la formation à la recherche : « future teachers have to understand that knowledge is constantly changing. What’s good today was not necessarily good ten years ago, and might not be any more in ten years from now. If teachers want to be competent throughout their career, they have to understand that by making their own research, they can realize it, and only then they know how important it is to update their knowledge regarding pedagogy » (tiré du journal ethnographique, 3 décembre 2011).

La formation à la recherche telle que présentée dans cet extrait donne à l’étudiant

l’occasion de se familiariser avec le monde de la recherche en éducation. En apprivoisant

cette dimension de la formation universitaire, notamment par la réalisation d’un mémoire,

l’étudiant est à même de constater le caractère changeant, évolutif et parfois même

contradictoire de la connaissance. La proximité avec le savoir qu’offre cette formation

permet aussi à l’étudiant de « désacraliser » le savoir scientifique, de le démystifier de

Page 94: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

82

manière à en comprendre la teneur et l’implication dans le contexte plus pratique du travail

de l’enseignant. Le contact avec la recherche a permis à cette étudiante de découvrir en

quoi consistent les activités de recherche et de reconnaître la portée des résultats générés

par ces activités sur sa propre pratique :

Pour ma collègue, le séminaire de projet personnel a été comme une « révélation ». Elle m’a dit qu’au départ, elle avait vraiment peur que ce soit difficile et « plate », parce qu’elle ne voyait pas ce que ça lui donnerait et que beaucoup d’étudiants se plaignaient que c’était inutile. Pourtant, elle admet avoir beaucoup appris de son séminaire. Elle dit qu’elle se sentait très « intelligente » quand elle comprenait les articles. Elle s’était même fait un cahier de notes. Elle dit que certains articles lui donnaient des idées pour ses stages ou encore qu’elle comprenait dans les articles des choses par rapport à son propre passé d’élève. Elle m’a parlé notamment des études en lien avec son projet de recherche sur la lecture à soi pour les élèves de première année. Elle me disait qu’elle avait beaucoup aimé connaître les différentes manières de présenter la lecture à des apprentis et elle avait particulièrement été « épatée » par les retombées positives des activités de lecture à voix haute qu’elle a pu répertoriées dans le cadre de son mémoire (tiré du journal ethnographique, 25 janvier 2012).

Par la recherche, l’étudiant est invité à découvrir, à utiliser et à produire du savoir. Nous

avons utilisé le terme « désacraliser » afin d’illustrer le caractère inaccessible, le rapport

hiérarchique qui peut exister entre les connaissances à caractère pratique que possède un

enseignant et les connaissances théoriques produites par la recherche. Dans le cas de cette

formation, l’intégration théorie-pratique cherche en quelque sorte à briser ce rapport

hiérarchique pour établir un rapport sain, basé sur la curiosité intellectuelle, l’effort et la

rigueur de chacun. Il n’y a pas de savoirs jugés inaccessibles ou trop complexes. Chaque

étudiant a la possibilité d’apprivoiser le savoir par le travail, la discussion et l’entraide.

D’ailleurs, la collégialité des rapports entre les étudiants et les formateurs constitue une

caractéristique importante du programme, qui contribue à l’établissement d’un climat

propice au développement d’une communauté d’apprentissage. Nous reviendrons sur ce

point dans la prochaine section de ce chapitre.

Nous venons de voir que la formation à la recherche offre à l’étudiant l’occasion d’évoluer

en contact étroit avec un savoir à caractère théorique, qu’il est appelé à intégrer dans sa

pratique. La proximité avec le savoir s’observe aussi dans la formation à caractère pratique,

soit la formation dite « multidisciplinaire ». La formation à la recherche est présentée dans

la littérature comme le cœur de la formation initiale offerte en Finlande. Pourtant, nous

avons remarqué qu’elle ne trouvait pas toute cette importance sur le terrain. L’intégration

Page 95: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

83

théorie-pratique se vit en partie à travers cette formation, mais elle se vit surtout dans les

études multidisciplinaires et les stages, segments de la formation qui semblent intéresser

davantage les étudiants. En effet, ces derniers semblent tirer davantage de satisfaction de

leur formation multidisciplinaire que de leur formation à la recherche. Ils associent

d’ailleurs la formation à la recherche à une charge substantielle de travail n’étant pas

directement reliée à la tâche d’enseignement :

Je remarque que beaucoup d’étudiants me disent que la rédaction du mémoire de maîtrise constitue une étape difficile et frustrante de la formation. Plusieurs d’entre eux affirment ne pas être en mesure d’évaluer la portée ni les retombées de ce travail sur leurs compétences professionnelles. Les commentaires recueillis permettent aussi de constater que les étudiants appréhendent la formation à la recherche comme un passage obligé, alors qu’ils semblent apprécier davantage les cours à caractère pratique comme le cours de musique dans lequel j’ai eu la chance de les questionner. Les étudiants déplorent le fait qu’ils cheminent beaucoup plus lentement à cause de la formation à la recherche, information qui concorde avec celle recueillie auprès d’un formateur qui m’expliquait que les étudiants prennent généralement six ans pour terminer leurs études, alors que le programme est conçu pour être réalisé en cinq ans (tiré du journal ethnographique, 15 mars 2012).

La formation multidisciplinaire, bien qu’elle ne soit pratiquement jamais mentionnée dans

la littérature au sujet du programme, constitue, à notre avis, un élément très important de la

formation. Bien que nous reconnaissions l’importance et l’originalité de la formation à la

recherche, nous croyons que la formation multidisciplinaire contribue fortement à la fois à

la création d’une communauté d’apprentissage et à une expérience de formation captivante,

car elle donne à l’étudiant la chance de faire des expérimentations, des manipulations et de

se découvrir des talents ainsi que des intérêts nouveaux. Si la formation à la recherche offre

une proximité avec le savoir théorique, la formation multidisciplinaire, pour sa part,

introduit l’étudiant à une quantité de savoirs pratiques indispensables.

En effet, les études multidisciplinaires proposent des contenus concrets: l’étudiant

expérimente des techniques en lien avec l’éducation physique (le ski de fond, la natation,

etc.), rédige des poèmes dans le cours de littérature finnoise, visite le musée d’art moderne

suite à un projet en lien avec cette forme d’art. Les études multidisciplinaires permettent à

l’étudiant d’expérimenter les techniques propres à une discipline. Bien que les cours

incluent aussi une formation didactique, à savoir « comment enseigner » une discipline

donnée, les cours qui font partie des études multidisciplinaires se tournent surtout vers

l’expérimentation et la découverte :

Page 96: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

84

Je remarque que les ateliers sont des moments réservés à l’expérimentation et à la discussion, de manière à développer des habiletés propres à chaque domaine d’activité. La première fois que je suis entrée dans un local de musique, je me suis demandée où j’étais. Les étudiants s’étaient déchaussés. Mon formateur se tenait devait moi, avec sa guitare. J’ai alors compris qu’aujourd’hui contrairement au cours précédent, nous n’allions pas seulement parler de didactique de la musique, nous allions bel et bien jouer de la musique. J’ai joué de la guitare électrique. Nous avons aussi chanté des chansons connues en créant de nouveaux rythmes. Tout le monde semblait avoir beaucoup de plaisir. Maintenant, avec le cours d’éducation physique, je fais des kilomètres de randonnée de ski de fond ou je m’exerce à patiner à reculons…! (tiré du journal ethnographique, 18 janvier 2012).

Les étudiants réalisent des projets artistiques dans les cours d’art, apprennent le piano dans

les cours de musique et façonnent des plateaux-repas dans leur cours de menuiserie. Leurs

travaux sont souvent exposés ou publiés et des expositions spéciales sont parfois organisées

dans les salles communes de la faculté, comme dans le cas de cette exposition de projets

d’art en face de la bibliothèque et dans les corridors du pavillon principal.

Photos 7 et 8 (tirées du journal ethnographique)

D’autres événements, notamment une pièce de théâtre, sont organisés annuellement par les

étudiants prenant part au cours d’introduction à l’art dramatique. En avril, les étudiants font

la promotion de leur pièce avec des affiches et par la distribution de « flyers ». Trois

représentations sont organisées en collaboration avec une salle de théâtre de la ville

d’Helsinki.

Les études multidisciplinaires, dans ce contexte, offrent à l’étudiant la possibilité d’évoluer

en étroite relation avec le savoir, au même titre que la formation à la recherche. La

différence entre ces deux sphères de la formation réside dans la nature des connaissances à

bâtir : des connaissances pratiques/techniques versus des connaissances théoriques.

Page 97: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

85

5.5.1.2 La collégialité

Nous avons présenté le programme de formation comme une communauté d’apprentissage.

Nous avons illustré la volonté du programme de faire évoluer l’étudiant en relation étroite

et dynamique avec le savoir. Nous avons aussi exposé les différents contextes, certains

plutôt théoriques, d’autres plus pratiques, dans lesquels l’étudiant est appelé à construire

son savoir. Il est toutefois important, avant de conclure sur cet aspect du programme,

d’aborder un élément de la culture du curriculum qui contribue largement à l’existence de

cette communauté d’apprentissage : la collégialité.

La collégialité des rapports entre les formateurs et les étudiants, les formateurs entre eux ou

encore les étudiants entre eux peut être observée dans plusieurs situations. Le programme

est caractérisé par les rapports égalitaires, respectueux et intéressés qu’entretiennent, entre

eux, les acteurs du programme: apprendre ensemble, apprendre des autres et avec les autres,

construire son savoir en équipe, par l’échange, l’entraide, le pairage, et ce dans toutes sortes

de contextes : travaux, examens, séminaires de recherche, etc.

Le désir de placer le futur enseignant dans des situations authentiques de collaboration avec

ses pairs s’observe d’abord et avant tout dans la manière d’organiser les cours. La manière

dont les étudiants sont répartis en plusieurs petits groupes témoigne d’une volonté de

permettre aux étudiants ainsi qu’aux formateurs d’apprendre à se connaître et à travailler

ensemble. Contrairement à certains cours donnés dans un amphithéâtre d'une centaine

d’étudiants, la majorité des cours auxquels participent les enseignants en formation offre

une approche pédagogique qui favorise la proximité avec le savoir, comme nous l’avons

fait valoir, mais aussi la proximité avec les autres étudiants ainsi qu’avec leur formateur.

Les rencontres en petits groupes servent à mener de courts projets, à en partager les

résultats et à échanger sur les tenants et aboutissants du projet expérimenté dans le cours.

Cet environnement permet de développer un sentiment de collégialité où l’étudiant réalise

l’apport positif de la contribution de ses pairs à la réalisation d’une tâche. Le temps alloué

aux discussions en groupe est particulièrement propice à l’apprentissage par les pairs :

Le cours de didactique des mathématiques portait sur les jeux de société utiles pour le développement de notions mathématiques. Nous avons passé la période en équipe de quatre à démystifier les différents jeux et à voir comment et quand il serait pertinent de les utiliser en classe. À la fin de la période, le formateur avait réservé du temps pour discuter de nos expérimentations. Une étudiante a tenu à nous parler des problèmes survenus quand elle avait introduit ces jeux lors d’une journée de suppléance. Elle

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Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

86

disait ne pas se sentir à l’aise de répéter l’expérience, car les enfants avaient été très turbulents. D’autres étudiants l’ont encouragé en partageant des expériences similaires qui, avec un peu plus de préparation, avaient donné de meilleurs résultats. Ça m’a donné l’impression que la discussion donnait aux étudiants la chance de se supporter les uns les autres dans les situations plus difficiles de la formation. Le formateur qui donne le cours et avec lequel j’ai pu échanger à la fin de la période aujourd’hui, met aussi de l’avant l’idée que les étudiants se sentent plus à l’aise/réconfortés quand ils voient que leur crainte par rapport à l’apprentissage des mathématiques est partagée par leurs pairs. Tout ça semble placer l’étudiant dans une situation où il se donne le droit de faire des erreurs et de ne pas se montrer infaillible aux yeux de ses futurs collègues. J’ai l’impression que ça place tout le monde sur une sorte de « pied d’égalité » où l’important n’est pas ce que tu sais déjà mais plutôt ce que tu es prêt à apprendre (tiré du journal ethnographique, 12 avril 2012).

Par leurs échanges, les futurs enseignants enrichissent leurs connaissances en s’alimentant

de celles de leurs pairs. C’est aussi une manière pour eux de partager des expériences

vécues et d’ouvrir leurs horizons à de nouvelles façons de voir les choses en confrontant

leurs opinions à celles des autres. Il arrive aussi que certaines discussions soient source de

réconfort pour ces derniers, qui découvrent en leurs pairs les mêmes craintes, les mêmes

difficultés, les mêmes interrogations.

L’apprentissage par les pairs s’effectue aussi dans le cadre plus informel des travaux

d’équipe. Notre présence sur le terrain nous a permis d’observer de nombreuses situations

de travail en équipe dans les formules « ateliers » ainsi que dans les séminaires de

recherche. Les étudiants sont alors placés devant des tâches à accomplir. Le plus souvent, il

ne s’agit pas de projets à moyen terme (comme un travail de session), mais plutôt de tâches

à réaliser lors d’une rencontre, en lien avec le thème du cours. Lors de ces activités, les

étudiants sont appelés à se mobiliser afin de mener à terme la tâche prescrite. Pour un des

formateurs avec lequel nous avons pu nous entretenir, le travail d’équipe constitue le « best

of both worlds » parce qu’il place l’étudiant à la fois dans une situation d’apprentissage et

de coopération: Dans l’atelier d’aujourd’hui, les étudiants devaient élaborer un champ sémantique autour de la Fête de Pâques dans la religion catholique. Ils devaient y inclure des informations qu’ils ont apprises dans le cours théorique de la semaine passée. Dans mon équipe, nous avons élaboré le champ sémantique ensemble à partir de nos notes de cours. Nous sommes ensuite sortis de la classe pour aller à la bibliothèque de la faculté, où nous avons pris un livre sur le thème de Pâques (religieux) et un livre plus commercial (l’histoire d’un lapin de Pâques). Nous avons ensuite élaboré une séquence d’enseignement qui avait pour but de faire comprendre à des enfants de deuxième cycle la différence entre « Pâques » la fête religieuse et « Pâques » la fête du chocolat. L’idée de comparer ces livres a été apportée par un étudiant de l’équipe.

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Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

87

Nous avons ensuite ajouté d’autres idées afin de monter une séquence d’enseignement complète. C’était intéressant de voir l’ouverture des étudiants et leur pro-activité devant la tâche à accomplir. À la fin de la période, les équipes avaient généré des idées très différentes : illustrer la résurrection de Jésus suite à la lecture d’un passage de la Bible, créer des moules en chocolat illustrant des scènes du chemin de croix, participer à la représentation du chemin de croix organisée par la ville d’Helsinki à titre d’acteur ou de bénévole (tiré du journal ethnographique, 2 mai 2012).

Le travail d’équipe est une façon de recréer le contexte de l’école et de mettre l’étudiant à

la place de l’élève qui apprend en interaction avec d’autres apprenants et de l’enseignant

qui coopère avec ses collègues. La collégialité s’observe alors dans les échanges entre les

étudiants ainsi que dans leur façon de s’entraider et de travailler en équipe. Dans ce

contexte, le savoir se construit à l’intérieur d’une communauté d’apprentissage, à travers les

échanges et dans les relations qu’entretiennent les étudiants et leurs formateurs. Le travail

d’équipe constitue donc une partie importante de la formation des étudiants que ce soit lors

des rencontres formelles en classe où à l’extérieur des cours, les étudiants eux aussi sont

appelés à s’entraider. Ils le font d’ailleurs spontanément, même lorsque les occasions de

rendre service ne sont pas directement en lien avec la formation :

Quand je leur ai expliqué que je devais manquer le cours de demain pour cause de conflit d’horaire avec un autre cours, deux étudiants se sont offerts pour prendre les notes à ma place et me transmettre les documents. J’étais surprise. Je me disais qu’ils étaient sûrement gentils parce que j’étais étudiante internationale et que je faisais un peu « pitié ». Mais en réalité, je me suis rendue compte que je n’étais pas la seule à devoir m’absenter et que les étudiants étaient tous conscients des difficultés relativement aux horaires. Il règne un climat d’entraide à l’égard de cette réalité. J’observe depuis ce jour-là de nombreux échanges de bons procédés du même genre. Il arrive même que deux étudiants forment une équipe (lorsqu’ils participent aux même cours). Quand il y a conflit d’horaire, l’étudiant A se présente à un cours et prend les notes, alors que l’étudiants B participe à l’autre cours. Ensemble, ils partagent le fruit de leur travail et évitent ainsi de manquer des [contenus de] cours (tiré du journal ethnographique, 27 avril 2012).

Il est intéressant de voir, dans cet extrait, que la nécessité d’établir des rapports collégiaux

prend une dimension très significative. Par l'échange de bons procédés, l’étudiant tire

bénéfice de ses actes de collaboration. De la même manière, dans les discussions avec les

pairs, comme nous en avons parlé plus tôt, l’étudiant est à même de réaliser les bienfaits de

la collégialité dans le réconfort et le support qu’il trouve dans les témoignages de ses pairs.

Nous pensons que la culture de la collégialité de ce programme pourrait inciter les futurs

enseignants à adopter une telle attitude, car il leur est possible, dès leur formation initiale,

d’en mesurer les retombées positives. C’est d’ailleurs ce que nous a mentionné un

Page 100: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

88

informateur interrogé sur les activités de pairage qu’il organise dans son cours d’éducation

physique :

Pour ce formateur, l’importance du pairage entre deux étudiants réside non seulement dans la nécessité d’apprendre les techniques spécialisées comme le patinage ou le ski de fond, mais bien dans la nécessité pour les étudiants de découvrir les aspects positifs de la collaboration et de l’apprentissage par les pairs. Pour elle/lui, les étudiants doivent « apprendre à apprendre » des autres. Quand une étudiante enseigne la natation à une autre qui lui enseigne le patinage en retour, cela représente une situation très concrète d’entraide. Le but de cette formule est certes de favoriser et de maximiser les apprentissages dans le contexte où les cours sont très courts, mais pour mon informateur, l’idée derrière le pairage est de « former à la collégialité » (elle me dit train them to be open-minded regarding their peers), de façon à ce que l’étudiant développe de l’intérêt pour ses pairs et un désir de partager ce qu’il sait tout en apprenant des autres (tiré du journal ethnographique, 3 février 2012).

Cet extrait explique l’idée d’une « posture collégiale » dont la finalité est de former des

futurs enseignants enclins à adopter une attitude d’ouverture et à travailler au sein d’une

réelle communauté d’apprentissage.

Les relations qu’entretiennent les formateurs entre eux sont aussi marquées par la

collégialité. En effet, ces derniers sont constamment appelés à travailler en équipe dans le

cadre des cours. Le plus souvent, un cours est supporté par un chef, mais ce sont deux,

trois, quatre et parfois même cinq formateurs différents qui s’occupent de le dispenser.

Cette manière de faire implique une concertation des acteurs qui doivent tous, chacun à leur

façon, travailler envers des objectifs communs : Quand j’ai procédé à mon inscription en septembre dernier, je ne comprenais pas pourquoi je devais choisir un formateur en particulier pour me donner un cours. Le plus souvent, je pouvais choisir entre trois ou quatre personnes, et je n’en connaissais aucune. À l’issue de mon entretien avec la direction du programme, je comprends aujourd’hui que les cours sont la responsabilité de plusieurs formateurs, qui décident ensemble de ses contenus et de ses objectifs. Les cours doivent être dispensés par plusieurs formateurs, car ils n’accueillent généralement qu’entre 15 et 20 étudiants alors qu’il y a une centaine d’inscriptions. La formation de petits groupes apparaît comme une manière intéressante de personnaliser la formation, de la rendre « à échelle humaine ». Il est probablement plus facile de discuter de pédagogie dans un contexte propice à la pédagogie, qui se rapproche du contexte de la classe. Cela démontre aussi l’importance pour les formateurs de travailler ensemble et de partager une mission commune pour un cours donné (tiré du journal ethnographique, 29 novembre 2011).

Cet extrait illustre comment l’organisation du programme est propice au développement

d’une attitude collégiale entre les formateurs. La façon d’organiser les cours, en partageant

la responsabilité entre plusieurs formateurs, invite à la collaboration et à l’entraide. Le

Page 101: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

89

travail d’équipe revêt, dès lors, une importance particulière, car il permet aux formateurs de

mener à bien l’organisation des cours

5.5.1.3 Le rôle du formateur et de l’étudiant au sein de cette communauté d’apprenants

Le formateur incarne, en quelque sorte, l’enseignant qu’il aimerait voir ses étudiants

devenir. On peut observer son rôle de modèle à différents niveaux: d’abord, en contexte de

classe, il prend soin de modéliser la posture du chercheur en expliquant aux étudiants sa

démarche réflexive dans différents contextes. Cela peut être à la fois une manière

d’expliciter une démarche que l’on souhaite systématiser chez l’étudiant et une façon de

maximiser le temps de classe en ne soumettant pas aux étudiants les publications

scientifiques et autres ouvrages auxquels il se réfère: Depuis les deux derniers cours, le formateur fait constamment référence à des recherches qu’il ne nous présente pas, ne nous demande pas de lire, rien. Il est souvent en train de dire qu’elle/il a « lu une recherche » ou « que la recherche a démontré que ». Il me donne l’impression de réfléchir à voix haute pour qu’on voit comment il fait. C’était plus flagrant quand il a dit « je n’étais pas du tout en accord avec les résultats de cette recherche. J’avais déjà lu d’autres articles sur l’importance de fréquenter un jardin d’enfants avant l’âge de quatre ans, et les auteurs arrivaient à des conclusions différentes ». J’y ai vu comme un effort d’expliciter sa manière de réfléchir et de remettre en question les conclusions d’une recherche scientifique en la mettant en lien avec d’autres études sur un même thème (tiré du journal ethnographique, 8 février 2012)

Le formateur agit aussi à titre de modèle par son attitude auprès de ses collègues et dans

son milieu de travail. Tout comme l’enseignant en milieu scolaire, les formateurs doivent

faire preuve d’une grande ouverture face au travail collaboratif. Ils doivent souvent partager

les charges de cours. Le plus souvent, un formateur est responsable des aspects

fondamentaux d’un cours (la partie théorique) et le segment pratique est assuré par

plusieurs formateurs différents. Ces derniers doivent donc collaborer à la planification du

cours. Ils doivent s’entendre sur les modalités d’évaluation, les lectures ainsi que les

travaux à réaliser. Nous avons remarqué que, la plupart du temps, les formateurs adoptent

une attitude d’ouverture face aux étudiants. Il n’est pas rare de voir les formateurs partager

un repas entre collègues à la cafétéria de la faculté, à travers le lot d’étudiants qui s’arrêtent

pour échanger avec eux. Les étudiants utilisent d’ailleurs le tutoiement avec leurs

formateurs et les autres membres du personnel de l’université. De plus, les formateurs se

montrent très disponibles à recevoir des étudiants pour discuter. Ils agissent de la manière

Page 102: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

90

qu’ils souhaitent voir agir les futurs enseignants lorsque ces derniers auront intégré la

profession.

En plus d’agir comme modèle, le formateur agit aussi comme guide. Il n’est pas en classe

seulement pour transmettre le savoir, mais bien pour le partager et pour guider l’étudiant

sur les traces du savoir. Dans ce contexte, son rôle est de mettre l’étudiant en contact avec

des éléments théoriques et de lui permettre de connecter cette théorie à la pratique. Le

formateur agit donc à titre de facilitateur, qui place les étudiants dans des circonstances

favorables au développement de son savoir. Son rôle de guide s’observe aussi dans la

manière dont il supervise les travaux des étudiants, qu’il s’agisse de travaux de recherche

ou de simples travaux de session.

Le travail de guide du formateur est facilité par le fait qu’il n’enseigne que ce dans quoi il

est expert. Nous entendons par là que le formateur se doit d’être actif en recherche dans un

domaine donné afin de pouvoir enseigner dans ce domaine. Par exemple, monsieur C,

enseignant en didactique de la physique, fut d’abord bachelier en sciences physiques avant

d’entreprendre des recherches en didactique de la physique. Il travaille aujourd’hui

activement comme chercheur, et profite des cours pour informer les étudiants de faits

récents issus de la recherche dans le domaine. Dans ce contexte, il agit aussi à titre de

facilitateur entre le savoir scientifique et les étudiants. Bien que, le plus souvent, on ne

fasse pas la lecture de publications scientifiques en classe, les étudiants s’approprient

lentement le jargon d’un domaine et développent éventuellement une curiosité pour un

champ de recherche: Le formateur que j’ai interviewé aujourd’hui m’a dit qu’il reçoit normalement une dizaine d’étudiants par année dans son séminaire pour le projet de fin de baccalauréat (bachelor thesis). Il m’explique que les étudiants qui se joignent à son cours sont ceux qui ont aimé les cours en didactique de la physique et qui aimeraient faire une recherche sur ce thème. Je note que c’est une forme intéressante de jumelage, car elle assure à la fois la compétence du superviseur et l’intérêt des étudiants pour le sujet. Cet informateur me mentionne qu’à partir de là, son rôle est surtout d’aguiller les étudiants sur de bonnes pistes de réflexion et de les mettre en contact avec des ouvrages/publications pertinents (tiré du journal ethnographique, 2 avril 2012)

L’enseignant agit à titre de modalisateur de la posture réflexive. Il agit aussi à titre de guide

et de chercheur actif. Son rôle est de placer l’étudiant dans un cadre stimulant de

découverte et de réflexion.

Page 103: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

91

Si le formateur a pour mission d’agir comme guide, l’étudiant a pour responsabilité de

prendre part à l’exploration, c’est-à-dire, d’être l'agent actif de ses apprentissages. Il

apprend à travers l’expérimentation, le questionnement et la discussion. Bien que plusieurs

d’entre eux se présentent aux conférences avec leurs broches à tricoter, alignant les mailles

en écoutant le formateur donner son cours théorique, le rôle passif de l’étudiant se résume à

quelques heures par semaine. Le temps qu’il accorde à ses travaux personnels ainsi que le

temps passé dans les activités en sous-groupe l’oblige à travailler activement à la

construction de son savoir. Il doit jouer de la guitare dans son cours de musique, tisser des

tapis dans son cours de travail manuel, élaborer un projet de recherche dans son séminaire

de maîtrise, mener une enquête dans son cours d’enseignement de l’éthique et des religions

ou encore vulgariser un article scientifique à ses pairs dans son cours sur le développement

des curriculums. Le futur enseignant finlandais est donc le principal responsable de ses

apprentissages. L’énergie qu’il investit dans ses cours contribuera grandement à la qualité

de la formation qu’il aura reçue :

Le formateur avec qui je parle aujourd’hui confirme mes observations concernant les plans de cours. Comme le curriculum comprend plusieurs cours, chacun d’entre eux vaut pour peu de crédits. Toutefois, le formateur m’explique que malgré le faible nombre de crédits accordés pour un cours, le contenu à transmettre est souvent très dense, ce qui a pour conséquence de pressuriser les cours. La solution envisagée par le personnel est généralement, selon ses dires, de donner beaucoup de travail personnel à l’étudiant, notamment la lecture d’un ou deux ouvrages complémentaires au cours, en plus d’un travail de session (tiré du journal ethnographique, 23 janvier 2012).

L’étudiant finlandais apprend par le contact avec les autres, l’expérimentation et les

échanges. C’est pourquoi il est souvent placé en situation d’apprentissage par les pairs.

Paradoxalement, il est aussi fréquemment mis en situation de travail autonome, où il doit

apprendre à gérer son temps et sa charge de travail. Qu’il s’agisse de la réalisation du

mémoire de maîtrise ou des lectures obligatoires, l’étudiant finlandais doit faire preuve de

beaucoup d’autonomie, de débrouillardise et de flexibilité devant les différentes tâches à

accomplir.

5.6 Le programme comme un lieu d’épanouissement professionnel et personnel

Le curriculum offre un cadre très souple en ce qui a trait autant au cheminement dans son

ensemble qu’au fonctionnement des cours. Il semble régner dans ce programme un souci

pour la formation d’enseignants aux profils diversifiés. Du cheminement au sein du

Page 104: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

92

programme au choix des travaux de session, le programme laisse à l’étudiant la possibilité

de donner une certaine couleur à sa formation. En effet, le programme de formation offre la

possibilité aux étudiants de modifier leur cheminement pour qu’ils puissent progresser à

leur propre rythme et selon leurs intérêts. Cette caractéristique donne la possibilité à

l’étudiant de se définir comme enseignant de manière unique, selon une démarche

personnelle et ce, en se spécialisant dans un ou plusieurs domaines qui l’intéressent

particulièrement. Qu’il s’agisse de la liberté dans le choix des cours ou des évaluations, ces

pratiques témoignent de l'importance accordée au développement d’une identité propre à

chaque futur enseignant : Je rencontre des étudiants de quatrième année qui ont terminé leur mémoire, mais qui n’ont toujours fait aucun stage. Inversement, j’ai rencontré des étudiants de cinquième année qui avaient fait leur stage et travaillaient présentement en milieu scolaire, sans toutefois avoir complété leur mémoire. Dans mon cours de musique, certains étudiants sont en stage en avant-midi, c’est pourquoi il leur arrive de s’absenter, alors que d’autres en sont seulement à leur deuxième année de formation. Je remarque que les étudiants semblent emprunter des chemins différents, ne pas être au même stade au même moment... Une étudiante m’a brièvement expliqué qu'ils sont libres d’organiser leur formation en établissant leur propre plan d’étude10 avec l’accord de la direction du programme. Aujourd’hui, un formateur me disait que les étudiants peuvent choisir de prioriser la formation à la recherche en réalisant les deux projets de recherche d’abord, puis les stages ensuite. Ce dernier me mentionne que dans plusieurs cas, les étudiants choisissent plutôt de faire les stages d’abord. Plusieurs terminent la formation à la recherche à temps partiel, car ils obtiennent souvent de petits contrats ou travaillent comme suppléant (tiré du journal ethnographique, 17 novembre 2013).

Au-delà de la possibilité d’organiser sa progression au sein du programme, l’étudiant a

aussi la possibilité d’en choisir le contenu. En effet, la formation comprend deux mineures

comptant pour un total de 75 crédits. Le choix du contenu des mineures est laissé à la

discrétion de l’étudiant. Il peut alors choisir de 1) peaufiner des compétences liées à la

pratique enseignante, 2) se spécialiser dans une discipline ou 3) combiner compétences

enseignantes et savoirs disciplinaires. Ces différents parcours constituent une opportunité

pour l’étudiant de nourrir sa curiosité intellectuelle tout en personnalisant sa formation :

10 Le plan d’étude est un document dans lequel l’étudiant prédétermine son cheminement au sein du

programme, avec l’aide d’un superviseur qui lui est attitré en début de formation. Le plan peut être révisé d’une année à l’autre afin de mieux s’adapter aux réalités de l’étudiant. Chaque étudiant possède son propre plan, qu’il établit à la fois en fonction de ses intérêts et de ses besoins. Avec l’accord de la direction du programme, l’étudiant peut cheminer à sa manière, en respectant les engagements qu’il a pris dans son plan d’étude.

Page 105: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

93

Aujourd’hui, j’ai pris part au cours d’arts plastiques de niveau « avancé ». J’ai eu la permission du formateur pour assister aux cinq prochains cours. En classe, je m’informe auprès de mes collègues à savoir pourquoi il s’agit d’un cours « avancé ». Une étudiante m’explique qu’il n’y a qu'un seul cours d’art obligatoire dans le programme de formation et qu’il s’agit d’un cours d’introduction. Les étudiants qui aiment l’art, qui ont du talent en art ou qui cherchent à se spécialiser peuvent faire une mineure en didactique des arts plastiques. Cette mineure de 25 crédits compte cinq cours d’arts plastiques de niveau avancé. Elle me dit qu’elle avait eu envie de se spécialiser en arts, mais qu’une autre étudiante avec qui elle est amie (et que je connais d’un autre cours) avait plutôt choisi de faire la mineure en littérature finnoise. C’est pourquoi elles avaient beaucoup moins de cours ensemble cette année (tiré du journal ethnographique, 15 avril 2012).

La flexibilité offerte par le programme de formation apparaît comme une façon de

permettre à chaque étudiant de personnaliser son cheminement. Cette diversité de profil

présente, aux yeux des formateurs, des avantages notables sur la qualité de l’enseignement

dispensé dans les écoles. Pour ce formateur, le cadre souple qui caractérise le programme

contribue au développement d’enseignants intéressants et curieux :

Ce formateur me dit qu’elle/il a pour objectif personnel de ne pas former des enseignants « ennuyeux ». Elle cherche à m’expliquer pourquoi elle laisse les étudiants libres de mener les travaux de recherche de leur choix, sans donner trop de consignes. Pour elle, imposer un type de travail (l’essai) et un nombre de pages (10-15 pages, par exemple) est suffisant. Elle préfère laisser l’étudiant explorer des sujets qu’ils n’ont pas le temps de voir en classe, car elle admet ne pas avoir tout le temps dont elle aurait besoin pour couvrir toute la matière. Pour elle, c’est aussi une manière de garder les étudiants motivés et de leur donner la chance d’apprendre sur des sujets qui les intéressent. Pour elle, cette façon de faire nourrit la curiosité des étudiants. Elle explique qu’il fut un temps où elle imposait des thèmes et que les travaux qu’elle recevait alors n’étaient pas aussi bons que ceux qu’elle reçoit aujourd’hui (tiré du journal ethnographique, 9 février 2012).

De plus, en variant l’expertise de chaque enseignant, chacun d'entre eux est vu comme un

professionnel indispensable à son milieu de travail, comme le mentionne cet informateur:

J’apprends aujourd’hui par un formateur qui travaillait anciennement à la direction du programme que l’idée derrière les mineures est de donner à chaque futur enseignant une sorte « d’expertise » qu’il pourra faire bénéficier à son milieu de travail. L’exemple donné lors de l’entretien est celui de la mineure ou du programme court en histoire. Le formateur m’explique que l’idée derrière la mineure est que les enseignants en milieu scolaire puissent se fier sur celui qui a une expertise en histoire pour être une ressource pour ses collègues, de pouvoir aider au renouvellement des livres d’histoire à la bibliothèque de l’école, ou commander du nouveau matériel pédagogique par exemple (tiré du journal ethnographique, 11 mai 2012).

Page 106: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

94

5.7 L’importance de la réflexivité

5.7.1 Systématiser une démarche professionnelle

La formation d’un enseignant réflexif est située au cœur des préoccupations du programme.

La réflexivité se présente comme la compétence à développer dans le but d’assurer

l’autonomie du futur enseignant. Elle est envisagée comme un exercice permettant à

l’enseignant d’analyser ses propres pratiques en adoptant une posture critique, et a pour

objectif de maximiser l’efficacité des pratiques pédagogiques de l’enseignant :

“As future teachers, they have to learn to make decisions by themselves and to justify them. Being a good teacher means making decisions based on knowledge that aren’t only intuitive. On the contrary, they should always base their argumentation on rational arguments. Teachers should always be able to justify why they decided to use some specific approach over another. That being said, deciding isn’t always easy, but it is something the teacher has to do by himself if he wants to be considered as a professional” (tiré du journal ethnographique, extrait d’un entretien, 24 février 2012).

La réflexivité est considérée comme un outil de travail visant à systématiser une démarche

de remise en question de ses actes et de ses décisions pédagogiques. Le fait d’être

autocritique par rapport à son travail contribue à garantir une certaine qualité des pratiques,

car l’enseignant cherche constamment à s’améliorer sur le plan pédagogique. La réflexivité

est vue comme une compétence nécessaire à un processus de « prise de décisions

pédagogiques ». À ce sujet, nous avons remarqué que plusieurs formateurs associent la

tâche d’enseignement à une tâche de prise de décisions. Pour plusieurs, l’acte d’enseigner

constitue, en partie, une tâche de résolution de problèmes pédagogiques. La réflexivité est

associée à la capacité d’autoréguler ses pratiques professionnelles ainsi qu’à celle d’assurer

sa formation continue, comme en témoigne cet extrait d’entretien auprès d’un informateur :

Les informateurs parlent fréquemment de « rationalité » en référence à une démarche de résolution de problèmes centrée sur la justification des décisions prises par l’enseignant. L’informateur rencontré aujourd’hui me disait : «°teachers have to learn to make educational decisions based on rational argumentation. To work efficiently as a teacher, you need to be able to rely on research to help you decide what is best to do in the classroom. Relying only on personal experience is not sufficient to be a good teacher anymore°» (tiré du journal ethnographique, 1er mars 2012).

Il est souhaité que le futur enseignant apprenne à poser un regard analytique sur sa propre

pratique, ce que la littérature présente comme « metacognition of one’s own work ». Le

désir de développer, chez le futur enseignant, des capacités réflexives s’observe à l’intérieur

de la formation à la recherche. L’étudiant est alors placé dans une position de

Page 107: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

95

questionnement face aux pratiques pédagogiques qu’il expérimente et qu’il observe en

milieu scolaire. Bien que cette formation serve réellement à introduire l’étudiant à une

démarche scientifique, à consommer ainsi qu’à produire du savoir, les informations

recueillies sur le terrain nous portent à croire que l’objectif derrière la formation à la

recherche est davantage de développer chez l’étudiant la « posture du chercheur » que de

former des chercheurs à proprement parler :

Le futur enseignant apprend à analyser son travail, sa pratique en adoptant l’attitude du chercheur qui se questionne constamment, qui ne prend rien pour acquis et qui ne valide pas ses pratiques en se basant uniquement sur son savoir d’expérience. Il ne s’agit pas tant de recourir aux données de la science que de réfléchir en adoptant la posture du chercheur. Même si beaucoup d’emphase est mise sur la formation à la recherche, ce n’est pas tant la capacité de faire des recherches sinon le bon prétexte que donne la réalisation d’une recherche. L’étudiant doit se questionner, chercher des réponses, être rationnel (tiré du journal ethnographique, 30 mai 2012).

Dans ce contexte, on comprend que la formation dite « basée sur la recherche » n’a pas

pour objectif de former des chercheurs, mais bien des enseignants qui en adoptent la

posture. Si on insiste sur la nécessité de se référer à des informations issues de la recherche

scientifique, c’est que l’on cherche à former des enseignants qui ne se fient pas

exclusivement à leur savoir d’expérience. Nous avons d'ailleurs remarqué que le contact

avec le milieu scolaire par les stages est moins important que la formation à la recherche ou

les études multidisciplinaires :

J’ai profité de ma rencontre pour lui faire part de mes observations à l’égard des stages. Je lui disais que j’étais surprise de constater que les stages comptaient pour uniquement 20 des 300 crédits du programme. Il me disait que cela comptait pour 12 semaines en milieu scolaire à l’intérieur d’une formation de cinq ans. Il me dit: « We prefer to train our teachers within the university, where they can acquire knowledge that they can’t really find in the schools » (tiré du journal ethnographique, 16 novembre 2011)

La forte valorisation de la formation à la recherche au détriment de la formation pratique en

milieu scolaire témoigne toutefois de l’importance et de la crédibilité accordée aux savoirs

issus de la recherche par rapport aux savoirs d’expérience. Cela s’observe notamment à

travers des commentaires recueillis lors d’entretiens. Au sein du programme, les savoirs

scientifiques sont associés à des savoirs « vivants » alors que les savoirs issus de la pratique

et de l’expérience sont associés à des savoirs « morts » ou « figés dans le temps ». Pour

plusieurs formateurs, le savoir d’expérience est conceptualisé comme un bagage qui n’est

pas appelé à évoluer vers de nouvelles pratiques, plus récentes. Il s’ancre dans les pratiques

Page 108: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

96

du passé et se conforte dans ces dernières. Former à la recherche constitue donc un moyen

de mettre l’étudiant en contact avec des savoirs en évolution au lieu de mettre les étudiants

uniquement en contact avec l’héritage de l’expérience pratique de leur prédécesseur. Dès

lors, les cours offerts dans la formation semblent détenir une plus grande importance que le

temps passé à chausser les bottes d’un enseignant en contexte de stage pratique :

Mon professeur me parle de « dead knowledge » en référence aux savoirs d’expérience. J’en comprends qu’il associe en quelque sorte les connaissances issues de la pratique à des connaissances « figées », qui n’évoluent pas avec le temps. Il renchérit aussi sur le sujet de manière très intéressante quand il parle des stages et qu’il mentionne, à ma grande surprise, que « practice is good, but too much practice is not good. 30 years of teacher’s work is enough practice » (tiré du journal ethnographique, 7 février 2012).

Grâce aux propos de cet informateur, il est possible de constater toute l’importance que l’on

accorde aux savoirs de la recherche associés au progrès, versus les savoirs d’expérience,

que l’on associe d’une certaine manière à des savoirs ancrés dans le passé et qui refusent

d’évoluer.

La réflexivité s’entend donc comme la « posture du chercheur ». Elle sert à baliser le

processus décisionnel de l’enseignant vis-à-vis ses pratiques pédagogiques. Ce qui

explique d’ailleurs pourquoi, dans la littérature, l’argument de rationalité est fortement mis

en valeur. Le travail de l’enseignant est vu comme une tâche de prise de décisions

pédagogiques se basant sur des arguments rationnels. Les résultats issus de la recherche

scientifique en éducation sont considérés comme des arguments rationnels.

Notre présence sur le terrain nous a permis de réaliser que la réflexivité, même quand elle

est dite critique, réfère davantage à une manière de systématiser une démarche rationnelle

de résolution de problèmes. La tâche de l’enseignant est donc vue comme une tâche de

résolution de problèmes, et la réflexivité est là pour assurer le jugement rationnel de

l’enseignant. La réflexivité comme une manière d’assurer un professionnalisme de qualité,

une manière d’assurer l’autonomie de l’enseignant qui a pour guide cette posture réflexive.

En conclusion, la réflexivité est considérée comme une compétence à développer dans le

but d’assurer l’autonomie du futur enseignant. Elle est envisagée comme un exercice

permettant à l’enseignant d’analyser ses propres pratiques en adoptant une posture critique.

« Being reflexive gives the teacher the capacity to keep learning and doing better outside of the University. It is only by increasing this capacity that we can ensure the

Page 109: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

97

quality of the teaching staff in the school 20 years from now » (tiré du journal ethnographique, extrait d’entretien, 2 février 2012).

La réflexivité a aussi pour objectif de maximiser l’efficacité des pratiques pédagogiques de

l’enseignant. Les informateurs parlent fréquemment de « rationalité » en référence à une

démarche de résolution de problèmes centrée sur la justification des décisions prises par

l’enseignant :

« Teachers have to learn to make educational decisions based on rational argumentation. To work efficiently as a teacher, you need to be able to rely on research to help you decide what is best to do in the classroom. Relying only on personal experience is not sufficient anymore to be a good teacher » (tiré du journal ethnographique, extrait d’entretien, 2 février 2012).

L’autonomie est abordée, sur le terrain, comme la compétence que l’enseignant doit

posséder dans le monde d’aujourd’hui et cette compétence se présente comme essentielle à

l’accomplissement de sa tâche. La réflexivité constitue l’outil permettant à l’enseignant

d’être autonome, et la rationalité agit comme régulateur de l’acte réflexif. Dans ce contexte,

la réflexivité se présente comme un moyen « indirect » d’opérer un certain contrôle sur la

pratique de l’enseignant qui agit de manière autonome. Cette compétence est associée à la

capacité d’autoréguler ses pratiques professionnelles ainsi qu’à celle d’assurer sa formation

continue :

« The teacher has to be autonomous in order to stay updated in a world where knowledge evolves very fast. It is only by adopting a reflexive stance that a teacher will be able to react and adapt his or her practice to newer approaches » (tiré du journal ethnographique, extrait d’entretien, 4 novembre 2011).

5.7.2 Favoriser l’épanouissement professionnel de chaque enseignant

La réflexivité se présente aussi dans une tout autre perspective, celle du développement

personnel et de l’épanouissement sur le plan professionnel. Bien que l’on semble accorder

une importance indubitable à la rationalité, nous avons noté dans le discours le désir de

laisser s’épanouir le futur professionnel en permettant à ses intérêts, ses sentiments et ses

expériences d'alimenter sa construction identitaire. Les informateurs interrogés ont souvent

mentionné le souhait de permettre aux futurs enseignants de se découvrir sur le plan

professionnel. Plusieurs formateurs ont relevé l’importance pour les futurs enseignants de

connaître leurs forces et leurs faiblesses mais aussi leurs intérêts qui font d’eux des acteurs

uniques du milieu de l’éducation.

Page 110: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

98

Mentionnons aussi que dans plusieurs cours, avec des formules comme l’essai ou les bilans

de stages, on incite l’étudiant à exprimer comment il se sent, comment il vit sa formation et

comment il perçoit sont rôle d’enseignant. On l’invite à poser un regard réflexif sur son

passé d’élève, sa propre expérience influençant la vision de son rôle, à identifier ses forces

et ses faiblesses ainsi que les caractéristiques qui font de lui un professionnel unique. La

réflexivité prend alors un autre sens. Alors que la réflexivité dite « critique » cherche à

systématiser une démarche professionnelle, cette forme de réflexivité plus personnelle

favorise le développement de l’identité professionnelle de l’étudiant en valorisant ses forces

et ses intérêts. Les propos de cet informateur témoignent de l’importance accordée à

l’épanouissement de l’étudiant au sein de sa formation. Pour lui, l’enseignant doit être en

mesure d’identifier ses forces, ses faiblesses et ses intérêts afin de développer son identité

professionnelle :

« We have to support student teachers in discovering their personal strengths and constructing their professional identities based on these strengths. Every teacher is unique and has something special to provide to his or her working environment. University is the moment when they get to know what kind of teacher they want to be and why » ((tire du journal ethnographique, extrait d’entretien, 20 janvier 2012).

Alors que, dans le contexte de la formation à la recherche, la réflexivité permet de définir

une forme de rationalité servant à baliser un processus de prise de décisions, elle se définit

dans le reste de la formation davantage comme une forme d’introspection visant une

meilleure connaissance de soi sur le plan professionnel.

À la lumière de ces observations, il est possible d’affirmer que le contexte dans lequel

évoluent les étudiants en est un d’ouverture, qui célèbre la diversité d’intérêt des étudiants

en leur permettant de diversifier leur formation de toutes sortes de façons.

5.8 Culture du curriculum et identité professionnelle

Notre interprétation de la culture du curriculum se présente comme suit : une formation qui

mise sur le développement de compétences professionnelles spécifiques, tout en favorisant

la diversité des modèles. Nous entendons par là que le programme de formation, bien qu’il

cherche à systématiser chez le futur enseignant une démarche réflexive bien précise,

favorise aussi la diversification des parcours des étudiants en fonction de leurs intérêts et de

leurs habiletés respectives. La culture du curriculum se caractérise donc par sa volonté de

Page 111: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

99

former une variété de professionnels adoptant une démarche de travail avec comme

fondement la réflexivité et ce, dans une perspective de rationalité et de prise de décisions.

5.8.1 L’enseignant finlandais : un professionnel efficace

Notre description ethnographique nous a permis d’identifier la finalité du programme à

former des enseignants capables de prendre des décisions basées sur des arguments

rationnels. Dans la littérature comme sur le terrain, les arguments rationnels se définissent

comme des arguments qui ne sont pas uniquement issus du savoir d’expérience, mais qui

prennent plutôt racine dans une démarche réflexive où l’enseignant adopte une position

autocritique face à ses pratiques pédagogiques. La formation à la recherche, qui agit à titre

de thème organisateur du programme de formation, n’a donc pas pour mandat de former

des chercheurs mais de former des enseignants capables d’en adopter la posture, et ce afin

de les doter de la capacité d’analyser leur pratique dans le but de les améliorer tout au long

de leur carrière.

À la lumière de cette analyse du programme, nous pouvons déduire qu’il est essentiel, aux

yeux des administrateurs et des formateurs à l’origine de ce curriculum, de former des

enseignants qui appréhendent la tâche d’enseignement de la même façon, c’est-à-dire,

comme un acte de résolution de problèmes dans lequel la rationalité sert de point de départ

au processus décisionnel. C’est donc dire, en premier lieu, que l’enseignant finlandais est

d’abord appréhendé comme un idéal que nous qualifions « efficace », c'est-à-dire qu’il

cherche à maximiser la portée et l’efficacité de ses pratiques pédagogiques à travers une

démarche réflexive bien spécifique, celle de la posture du chercheur.

Les futurs enseignants formés à l’Université d’Helsinki sont appelés à développer des

compétences professionnelles tournées vers l’efficacité de leurs pratiques pédagogiques.

Cela se voit notamment dans le choix d’une approche basée sur la recherche dans laquelle

on valorise une forme de réflexivité et où la tâche de l’enseignant est vue comme un

exercice de résolution de problèmes. L’importance accordée au développement de la

flexibilité et de l’autonomie témoigne aussi de la volonté de former un enseignant capable

de mener son travail de manière indépendante, tout en sachant s’adapter aux différentes

situations de la vie professionnelle. La flexibilité, l’autonomie et la collégialité sont

d’ailleurs associées à l’idée de « lifelong learning » que nous pourrions traduire par

Page 112: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

100

« apprentissages tout au long de la vie ». Dans cette perspective, la formation initiale est

vue comme un milieu au sein duquel le professionnel apprend à apprendre à travers la

réflexion sur sa pratique. Cette posture de remise en question perpétuelle motive

l’acquisition de nouvelles connaissances en lien avec son champ d’études, et ce au-delà de

la formation initiale. Cette posture est d’ailleurs fortement valorisée par le programme à

travers l’approche basée sur la recherche, qui semble avoir deux objectifs : 1) développer

chez le futur enseignant la posture du chercheur qui prend des décisions rationnelles basées

sur des faits empiriques plutôt que sur ses intuitions et 2) développer la posture de

l’apprenant désireux d’actualiser ses connaissances et ses compétences.

5.8.2 L’enseignant finlandais : un professionnel unique et essentiel à son milieu

Nous sommes toutefois placés devant un paradoxe intéressant. Alors que, comme nous

venons de le présenter, le programme de formation s’efforce à former des enseignants qui

réfléchissent selon une démarche uniforme, on constate que le programme cherche aussi à

diversifier les cheminements de manière à former des enseignants aux expertises variées.

D’un côté, le programme impose une sorte de « moule » en systématisant une démarche

réflexive et de l’autre, il invite chaque étudiant à revêtir ses propres couleurs.

L’enseignant finlandais est appréhendé comme un professionnel unique en ce sens qu’il est

valorisé par une manière de cheminer selon ses talents et ses intérêts. Fait intéressant, la

volonté de diversifier les profils existe afin mieux répondre aux besoins du milieu scolaire.

En effet, les formateurs s’entendent généralement pour dire que la qualité de

l’enseignement réside dans la mise en commun des connaissances de chacun. L’enseignant

finlandais est donc invité à construire une identité professionnelle à son image, et à en faire

bénéficier les autres enseignants. Sa formation lui donne la chance de choisir des cours lui

permettant de se spécialiser dans une discipline académique ou de perfectionner des

techniques propres à l’enseignement. Les formules pédagogiques utilisées par les

formateurs lui donnent la chance de se questionner sur ses valeurs et sa mission, d’élaborer

sa propre conception de l’acte d’enseigner, de son rôle et des besoins de ses élèves.

5.8.3 L’enseignant finlandais : un professionnel averti

L’enseignant finlandais est aussi envisagé comme un professionnel averti au sens où il est

appelé à comprendre, notamment, les mécanismes à travers lesquels le savoir est construit

Page 113: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

101

et divulgué. Bien que nous ayons recueilli très peu de commentaires nous permettant de

valider cette interprétation, le programme semble propice au développement d’une pensée

critique chez les étudiants ayant un intérêt particulier pour des questions en lien avec les

aspects politiques, sociaux et moraux de l’éducation.

Bien que notre enquête n’ait pas explicitement relevé de moments dans lesquels les

étudiants furent appelés à poser un regard critique sur des questions relatives à la mission

de l’école, aux mécanismes de régulation qui régissent l’école ou plus largement à des

questions en lien avec la justice sociale, nous sommes d’avis que le programme contribue

au développement d’un professionnel critique dans la mesure où le futur enseignant, par la

formation à la recherche, est exposé à la manière de créer et de sélectionner le savoir. Cette

proximité avec la connaissance donne lieu à des réflexions intéressantes sur les mécanismes

qui régissent les savoirs qui sont enseignés à l’école, la manière dont certains savoirs sont

valorisés au détriment d’autres. Le fait de s’impliquer dans des séminaires de recherche où

le futur enseignant est appelé à évaluer le travail de ses collègues lui donne aussi la chance

de se questionner sur les fondements de l’évaluation et son caractère normatif. Finalement,

la diversification des parcours de formation permet à certains étudiants d’opter pour une

formation à caractère plus libéral en choisissant, notamment, d’étudier les sciences

politiques, la sociologie, la philosophie ou encore la littérature. Ce bagage de connaissances

est propice au développement d’un regard critique porté au-delà de l’acte d’enseigner et des

préoccupations concrètes de la classe.

5.8.4 L’enseignant finlandais : praticien-réflexif?

L’idée du praticien-réflexif, comme nous l’avons souligné, renvoie à une variété de

conceptions différentes. Dans le contexte de cette étude, il est possible d’associer la volonté

de former des enseignants «°efficaces°» à une forme de réflexivité autocritique, qui porte

sur les pratiques professionnelles de l’enseignant et qui vise l’amélioration constante de ses

pratiques pédagogiques.

Le futur enseignant apprend à analyser son travail, sa pratique en adoptant l’attitude du

chercheur qui se questionne constamment, qui ne prend rien pour acquis et qui ne valide

pas ses pratiques en se basant uniquement sur son savoir d’expérience. L’attitude du

chercheur sert en quelque sorte à baliser le processus décisionnel de l’enseignant en regard

Page 114: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données

102

à ses pratiques pédagogiques. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi, dans la littérature,

l’argument de rationalité est fortement mis en valeur. Le travail de l’enseignant est

considéré comme une tâche de prise de décisions pédagogiques se basant sur des arguments

rationnels. Les données issues de la recherche scientifique en éducation sont considérées

comme telles. Toutefois, il ne s’agit pas tant de recourir aux données de la science mais

plutôt de réfléchir en adoptant la posture du chercheur.

Nous avons vu, dans la formation de cet enseignant réflexif, une volonté de systématiser la

démarche de prise de décisions de l’enseignant en lui inculquant le désir de justifier ses

pratiques pédagogiques à partir de certains critères de rationalité. Cela peut s’interpréter/se

comprendre comme une forme indirecte de « contrôle » de la qualité du personnel

enseignant dans un contexte où l’administration de l’éducation est fortement décentralisée

et où les enseignants détiennent une grande liberté professionnelle.

Dans ce contexte, on comprend que la formation dite « basée sur la recherche » n’a pas

pour objectif de former des chercheurs, mais bien des enseignants qui en adoptent la

posture. Si on insiste sur la nécessité de se référer à des informations issues de la recherche

scientifique, c'est que l’on cherche à former des enseignants qui ne se fient pas

exclusivement à leur savoir d’expérience. La réflexivité est envisagée comme un outil de

travail visant à systématiser une démarche de remise en question de ses actes et de ses

décisions pédagogiques. Le fait d’être autocritique face à son travail contribue à garantir

une certaine qualité des pratiques, car l’enseignant cherche constamment à s’améliorer sur

le plan pédagogique.

Page 115: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 6 - Conclusion

103

Chapitre 6 - Conclusion

Nous avons exposé, au chapitre 3, les liens qui unissent le curriculum de formation, la

culture qu’il induit et l’identité professionnelle développée par le futur enseignant. Nous

avons alors fait valoir l’idée qu’une culture scolaire (universitaire dans notre cas), comme

celle présentée dans le chapitre précédent, s’élabore autour d’un curriculum de formation

qui lui, se construit autour d’une vision idéale de l’enseignant. Nous avons appelé « idéal-

enseignant » cette conception idéale, et ce en référence au concept de « vision of good

teaching » proposée par Korthagen et Wubbels (1995). Dans le même ordre d’idées, nous

avons fait valoir que la culture d’un curriculum nous informe sur les qualités et les

compétences jugées essentielles chez le bon enseignant.

L’objectif général de cette étude était, rappelons-le, de distinguer le profil identitaire de

l’enseignant finlandais en procédant à une analyse de son curriculum de formation initiale.

De manière plus spécifique, nous avions pour objectif de documenter le curriculum de

formation initiale en s’intéressant à ses caractéristiques structurelles et organisationnelles.

Notre deuxième objectif était de dégager, à partir de ces caractéristiques, les éléments d’une

culture propre à ce curriculum de formation. Finalement, notre troisième objectif est de

dégager, à partir de notre documentation de la culture du curriculum, des éléments qui nous

informent, directement ou indirectement, sur l’identité professionnelle de l’enseignant

finlandais.

À l’issue de cette étude, nous sommes parvenus à répondre à nos objectifs de recherche.

L'immersion prolongée au sein de ce programme de formation nous a permis d’acquérir une

compréhension du programme qui va au-delà des informations disponibles dans la

littérature, informations qui se sont vite présentées à nous comme un paravent qui en disait

bien peu sur les éléments qui lui donnent son caractère distinctif.

Conformément à notre premier objectif spécifique, nous sommes parvenus à documenter en

profondeur le curriculum de formation. Nous savons maintenant que la formation initiale

dispensée à l’Université d’Helsinki est constituée d’un amalgame complexe de cours,

certains destinés à une formation pratique, d’autres à une formation davantage théorique.

Nous savons que la formation pratique implique un réel travail de manipulation,

d’expérimentation et de créativité par l’étudiant. De la même manière, nous savons que la

Page 116: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 6 - Conclusion

104

formation à la recherche compte pour une partie importante de la formation, et qu’elle

implique de la part de l’étudiant qu’il accepte de relever des défis, dont notamment celui de

mener à terme la rédaction d’un mémoire de manière autonome. Documenter le curriculum

de formation nous a aussi permis d’apprendre que le temps accordé à la formation pratique

dite «°en stage°» était de moindre importance par rapport à la formation théorique dite «°de

recherche°». Bien que les étudiants prennent part à des stages, ce ne sont qu’une douzaine

de semaines sur une formation de cinq ans qui sont destinées à l’apprivoisement de la

réalité scolaire. Ces informations donnent une profondeur nouvelle à celle proposée par la

littérature présentement disponible, qui ne fait généralement valoir que la qualité de la

formation à la recherche et l’importance de l’intégration théorie-pratique dans le

programme. Or, comme nous l’avons souligné, le curriculum se distingue bien au-delà de

sa formation à la recherche. La formation multidisciplinaire, qui permet à chaque futur

enseignant de développer des habiletés en lien avec la profession, de même que les cours

optionnels qui permettent à chacun de se spécialiser en fonction de ses intérêts, sont autant

de caractéristiques qui contribuent au caractère distinctif de ce programme.

Conformément à notre deuxième objectif, qui était de dégager, à partir des caractéristiques

structurelles et organisationnelles du programme, les éléments d’une culture propre à ce

curriculum de formation, nous sommes parvenus à faire trois grands constats. La culture du

programme se distingue par un profond respect dans les relations humaines. Cette grande

«°communauté d’apprentissage°» comme nous l’avons appelée, privilégie les rapports

collégiaux et se préoccupe du rapport de proximité qu’entretiennent les individus entre eux

ainsi qu’avec le savoir. Elle se distingue aussi par l’importance qu’elle accorde à

l’épanouissement des futurs enseignants, autant sur le plan personnel que professionnel.

Finalement, le programme nourrit une importante culture de la réflexivité. En effet, le

concept de pratique réflexif évolue au cœur du programme. Si l’approche basée sur la

recherche agit à titre de thème organisateur du programme, l’intégration théorie-pratique

agit comme facilitateur de la mise en œuvre de cette approche. Le raisonnement

pédagogique se présente comme l’objectif premier de la formation. Le désir de former les

étudiants à partir de savoirs théoriques et/ou empiriquement vérifiés est justifié par

l’importance pour l’enseignant de pouvoir se référer à autre chose que son savoir

d’expérience dans le cadre de sa pratique. La recherche est utilisée pour développer, chez le

Page 117: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 6 - Conclusion

105

futur enseignant, le désir de justifier ses décisions pédagogiques selon des données

vérifiables plutôt que sur son savoir d’expérience. Il ne s’agit donc pas, dans les faits, de

former des enseignants capables de mener des études ou de les publier, mais plutôt de

former des professionnels conscients du caractère contradictoire et évolutif des savoirs, et

aptes à réfléchir en adoptant une posture rationnelle. L’approche basée sur la recherche se

présente, dès lors, comme un contexte de formation mis en place dans le but de favoriser le

développement de compétences réflexives associées au professionnalisme enseignant,

c’est-à-dire à l’autonomie professionnelle et à l’imputabilité.

Le troisième objectif, celui de dégager à partir de notre analyse de la culture du curriculum,

des éléments qui nous informent sur l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais, a

lui aussi été atteint. À l’issue de cette recherche, nous savons de l’enseignant finlandais

qu’il est appelé à adopter, dans une perspective d’efficacité des pratiques, une posture

autocritique à travers laquelle il porte un regard critique sur les actions qu’il pose et les

décisions pédagogiques qu’il prend. Si l’objectif principal semble être la formation d’un

professionnel efficace, le programme de formation des maîtres de l’Université d’Helsinki

nous a toutefois révélé différents objectifs en lien avec l’identité professionnelle, certains

placés au premier plan, d’autres plus effacés. En effet, bien que l’on semble chercher à

systématiser une démarche de réflexion professionnelle dans une perspective d’efficacité, le

programme cultive aussi un désir de diversifier les cheminements de formation en laissant

l’étudiant libre de choisir une importante partie de son cursus. On remarque aussi une

volonté de faire comprendre le caractère évolutif, changeant et voire même politique de la

connaissance et de la transmission des savoirs. On remarque toutefois que certains efforts,

certes plus marginaux, sont faits dans le but de former un enseignant dont les

caractéristiques s’inscrivent dans l’idéal sensible de l’enseignant, observation qui peut

sembler paradoxale si elle n’est pas mise en contexte. L’analyse fait aussi état des

potentialités du programme quant à la formation de l’enseignant dans son idéal critique.

Bien que cet objectif ne semble pas de première importance, certaines caractéristiques du

programme permettent à ceux qui ont une propension vers ce type d’enseignement de s’y

découvrir des intérêts. La formation d’enseignant aux profils diversifiés fait aussi partie des

préoccupations du programme.

Page 118: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 6 - Conclusion

106

La valorisation d’une réflexivité parfois rationnelle, parfois empathique et parfois critique

au sein d’un même programme témoigne encore ici du pluralisme idéologique qui

caractérise le concept de réflexivité. Il est toutefois intéressant de constater que différentes

conceptions de la réflexivité puissent coexister au sein d’un seul et même programme.

C’est une observation qu’avait faite Zeichner (1983) qui mentionnait, suite à son étude des

paradigmes de la formation initiale aux Etats-Unis, que bien qu’un programme de

formation adopte une idéologie dominante, il est possible de retracer toutes les formes

d’idéologies à différents niveaux d’importance.

À l’issue de cette étude, l’enseignant finlandais apparait comme un professionnel efficace

doté d’une expertise qui contribue à le distinguer de ses collègues et qui invite à la

collaboration et au partage des connaissances. Bien plus qu’un praticien réflexif, comme la

littérature nous le présente, l’enseignant finlandais s’est présenté à nous comme un acteur

du monde de l’éducation, capable de faire preuve de discernement, mais aussi d’empathie

et d’ouverture face au défi que représente la profession enseignante.

L’Université d’Helsinki et son programme de formation des maîtres offrent un bel espace

de réflexion sur les finalités de la formation enseignante et sur les manières d’arriver à ces

fins. Dans un contexte où les études comparées viennent imposer une dynamique nouvelle

de « mesure de l’autre » en éducation, cette recherche permet de remettre en perspective un

système d’éducation présenté comme un « modèle à suivre ».

6.1 Retombées de notre étude

La principale retombée de notre étude est de contribuer à une meilleure connaissance de la

Finlande et de son système d’éducation. Dans un contexte où, comme nous l’avons

souligné, la recherche comparative tend à atténuer les différences entre les milieux, à se

questionner quant à l’identité professionnelle valorisée dans un contexte social spécifique,

elle nous informe 1) sur les rôles que l’enseignant sera appelé à jouer une fois dans le

milieu scolaire, 2) sur la manière dont on conçoit l’apprentissage et l’apprenant et 3) sur la

mission de l’école. Par le choix de ce thème de recherche, nous croyons que les résultats

générés par cette étude contribueront à une compréhension plus claire d’un système

d’éducation qui s’est illustré comme un modèle à suivre.

Page 119: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 6 - Conclusion

107

6.2 Limites de notre étude

Dans l’élaboration de sa théorie du curriculum comme culture, Joseph (2011) rappelle qu’il

n’existe pas de culture qui soit « pure ». L’auteur entend par là qu’il est impossible de

délimiter les frontières entre les éléments qui relèvent d’une culture de curriculum et celles

qui relèvent d’une autre. De la même manière, nous tenons à souligner les limites de notre

travail d’interprétation relativement à cette idée de culture. En effet, nous avons présenté

les composantes du curriculum comme relevant uniquement de la formation initiale à

l’enseignement. Or, nous nous imaginons que certaines de ces composantes relèvent peut-

être davantage de la culture universitaire dans son ensemble (pensons, entre autres, à

l’importance accordée au travail autonome) ou encore à la culture facultaire (pensons à

l’importance de l’intégration théorie-pratique, élément qui peut s’avérer tout aussi

important au sein des autres programmes composant la faculté).

Qui plus est, cette étude a pour limites celles qui caractérisent généralement l’étude de cas.

Il est impossible de généraliser les résultats de notre étude à d’autres programmes de

formation initiale qu’à celui que nous avons étudié. En ce qui a trait à la subjectivité du

chercheur dans le travail de cueillette et d’interprétation des données, nous sommes

consciente de l’influence qu’a pu détenir notre propre expérience de formation initiale en

enseignement dans la réalisation de cette recherche. Nous avons toutefois pris soin, comme

nous l’avons exposé dans notre chapitre méthodologie, d’expliciter nos préconceptions au

fil de l’étude.

6.3 Poursuite de la recherche

Les profils identitaires que nous avons pu identifier ne sont, en réalité, qu’une esquisse qui

pourrait être peaufinée en menant d’autres études s’intéressant plus spécifiquement à

l’identité de base construite à l’issue de cette formation. Il serait intéressant de se pencher

sur l’expérience des étudiants ainsi que sur la perception qu’ils détiennent de leur identité

professionnelle, un peu comme l’ont fait Beauchamp et Thomas (2009), qui ont étudié cette

question auprès d’étudiants québécois.

Dans un autre ordre d’idées, il y a lieu de porter un regard sur les enseignants qui ont

terminé la formation initiale et qui travaillent en milieu scolaire. L’identité professionnelle

Page 120: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Chapitre 6 - Conclusion

108

s’altère avec le temps et en fonction de divers facteurs. Il serait donc intéressant de voir

comment s’épanouit l’IPE de ces enseignants après leur passage en formation initiale.

Page 121: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

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Page 129: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

117

ANNEXES

Annexe A

Canevas d’entretien destiné aux professeurs des cours disciplinaires

Professeur : ____________________________ Autre fonction : _____________________ Cours dispensé (s): ________________________

1. Comment le contenu du cours est-il déterminé (en équipe, par vous-même, par le programme, etc.) - How do you determine what is to be learned in the course?

2. Si vous deviez donner une note de zéro à cinq, zéro signifiant que vous n’avez jamais recours à la littérature scientifique et cinq signifiant que vous y avez toujours, quel chiffre décrirait le mieux votre cours - Giving a note from 0 to 5, 0 meaning never and 5 meaning always, how would you grade your use of scientific literature among your course?

3. Comment choisissez-vous les lectures / activités à caractère scientifique qui seront faites dans le cadre du cours et pourquoi - How do you choose the research-based readings and activities to do in class, and why?

4. Comment choisissez-vous la formule pédagogique pour aborder un article / ouvrage scientifique - How do you decide of the way to use those readings?

5. Quel est votre objectif quand vous présentez un article / ouvrage scientifique a vos étudiants - What are you aiming to do when you introduce research-based literature to your students?

6. Quels sont les travaux que les étudiants ont à réaliser dans le cadre du cours (en référence au travail autonome)? Quels sont vos objectifs par rapport à ceux-ci -What is the independent work that students have to do within your course? What are your objectives related this type of work?

7. De par vos expériences, comment les étudiants participent-ils au cours en général - How do the students participate in class?

8. Pensez-vous qu’ils bénéficient du contact avec la recherche? Si oui, comment? Si non, pourquoi - Do you think pre-service teachers gain from the research-based approach? If so, how? If not, why?

9. En somme, votre cours contribue-t-il, selon vous, à la formation à la recherche des étudiants? Justifiez - Would you say your course contributes to the research training of the students? Why?

10. Autres questions en lien avec les observations réalisées en contexte de classe, le cas échéant – Other questions related to observation sessions.

Page 130: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

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Annexe B

Canevas d’entretien destiné aux professeurs en formation à la recherche Professeur : ____________________________ Autre fonction : _____________________ Cours dispensé (s) : ________________________

1. Comment expliquez-vous l’importance/ la nécessité de la maîtrise dans la formation des enseignants - How would you explain the importance/ necessity of a master's degree for teachers?

2. Le curriculum offre cinq cours de formation portant spécifiquement sur la recherche en éducation. À quels moments ces cours sont-ils placés dans le curriculum - The curricula offers five courses related to research studies in education. When are those courses taking place?

3. Quels sont les travaux que les étudiants ont à réaliser dans le cadre de ces cours (en référence au travail autonome)? Quels sont vos objectifs par rapport à ceux-ci - What is the independent work that students have to do within your course? What are your objectives related to this?

4. Qu’est-ce qui distingue la thèse du baccalauréat de la thèse de la maîtrise? Ces deux projets s’articulent-ils ensemble? Si oui, comment - What are the distinctions between the bachelor and the master’s thesis? Are those two projects related somehow?

5. Quel est le support offert aux étudiants pendant la réalisation de leurs thèses (baccalauréat et maîtrise) - What kind of support is given to the students during the writing of their thesis?

6. En quoi consistent les séminaires de recherche -What are the research seminars like?

7. Les projets de maîtrise dans le département de la formation des maîtres sont-ils soumis aux mêmes exigences que dans le reste de la faculté? Si non, quelles sont les différences - Are the evaluation criteria the same among the different departments of the faculty concerning the writing of the master's thesis? If not, what are the differences?

8. Diriez-vous que le programme de formation des maîtres cherche davantage à former des producteurs de recherches scientifiques, des consommateurs ou les deux? Pourquoi -Would you say that the research-based approach tends to train producer or consumer of research, or both? Why?

9. Pensez-vous que les étudiants bénéficient du contact avec la recherche? Si oui, comment? Si non, pourquoi? - Do you think pre-service teachers gain from the research-based approach? If so, how? If not, why?

10. Autres questions en lien avec les observations réalisées en contexte de classe, le cas échéant – Other questions related to observation sessions.

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Annexe C

Annonce de recrutement

Dear Madam or Sir, My name is Laurie Dorval-Morissette and I am a master’s student from Université Laval, Canada. I am currently in Helsinki in order to study the functioning of the research-based approach within the teacher education program at the University of Helsinki. The objective of this research is to better understand the application of the research-based approach within the curriculum. This study has been approved by Université Laval’s research ethics committee, approbation number 2011-283/ 06-01-2012. As part of my research, I am currently recruiting professors from the Department of teacher education to realize 45 to 60 minutes individual interviews. This interview is meant to collect information on how the research-based approach is taking place within the teacher education program. Interviews will be recorded to facilitate note-taking. A second interview could be done if necessary with the agreement of the participant. As a complement to the interview, a series of three to five observations in class could also be done with the agreement of the participant and its students. Your collaboration to my project would be much appreciated. It would contribute to the development of knowledge related to teacher education. The interview can be realize whenever suits you the best. Thanks for taking time to participate to this research project. You can show your interest to this project by sending an e-mail to the following address: [email protected] Best regards and thank you for your collaboration, Laurie Dorval-Morissette

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Annexe D

CONSENT FORM

RESEARCH PROJECT: The functioning of research-based teacher education: a case study of the University of Helsinki Dear Madam or Sir:

I am a Master’s student at the Faculty of Education (Département des fondements et pratiques en éducation) at Université Laval, Canada. I am presently studying the research-based approach within the teacher education training at the University of Helsinki. This project is undertaken independently by the University of Helsinki. It is supervised by madame Annie Pilote, professor and researcher at Université Laval.

As part of my research, I am currently recruiting participants for a study. The objective of this study is to document the application of the research-based approach among the courses offered in teacher education at the University of Helsinki. This research project should lead to a better understanding of the research-based approach and a better understanding of the training offered to pre-service teachers within this institution.

The research method consists of one individual interview with the student-researcher (myself). This semi-structured interview, lasting between 45 to 60 minutes, will take place at the University of Helsinki during winter session 2012. An audio recorder will be used during the interviews to facilitate note-taking. The recordings will be reserved exclusively for the research study and will not be made available to any other individual or organization. A second interview could be realized if necessary with the agreement of the participant.

As a complement to the interview, a series of 3 to 5 observations in class could be realized with the agreement of the participant and its students.

Please note that all research activities will be carried out with strong adherence to rules of ethics and that this study has been approved by the university’s research ethics committee, approbation number 2011-283/ 06-01-2012. I ensure confidentiality to all participants in the study, by using fictional names in the research report and in any other distribution of information. A code will be used in all research documents and only myself will have access to the list of codes and names. If quotations (excerpts from the interviews) are used, we ensure that it will not be possible to identify interview participants or other parties mentioned during the interview. Material collected during the research will be kept locked or inside electronic files to which the access is protected by a password. It should be noted that all information and material collected during the research, including the recordings, will be kept for a period of 5 years and will then be destroyed (no later than fall 2017)”.

Page 133: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

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You may also note that participation is voluntary. Participant can withdraw at any time confidentially and without providing any explanation by contacting using the contact information provided below. In that case, information and data collected from the participant will be destroyed. Upon completion of the study, the results will be made available to all participants who wish to consult them. A summary will also be prepared to facilitate distribution of results to those interested.

*Please keep one copy of this document for your personal files.

1. I, the undersigned, ____________________________ declare that I have read and understand the information contained in the document “Consent Form”. By signing this document, I consent to participating in the study entitled “The functioning of research-based teacher education: a case study of the University of Helsinki” according to the research method described.

2. I understand that I may ask the student-researcher any question I wish, so as to better understand the methods of the study.

3. I may withdraw myself from this study at any time without giving a reason and without prejudice.

____________________________ ________________________ Signature of the participant Date ____________________________ ________________________ Signature of student- researcher Date

Any complaints or concerns may be addressed to the Head of the Class teacher programme:

Anu Laine Siltavuorenpenger 5A, 308 C Helsinki, Finland Phone number: 09-19129551 E-mail: [email protected]

***IMPORTANT***

All questions related to the project may be addressed to the researcher:

Laurie Dorval-Morissette Hietaniemenkatu 14 A, 501

Helsinki, Finland Email : [email protected]

Telephone : 04 06 25 49 41 (Finland) +001 418 839 9259 (Canada)

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Annexe E

Grille d’observation

Focus Explanation What are the existing beliefs and norms in classrooms and schools?

Visions Ultimate purposes of education?

Students Students’ need and how they learn?

Teacher Role of teacher?

Context Subject matter and its organization? Environment of the classroom and school?

Planning How curriculum should be planned and who should be involved?

Evaluation How students should be assessed and curriculum evaluated?

Tableau X: Adaptation de « Investigating Curriculum » (tiré de Bolotin Joseph et al. 2011, p.68)

Page 135: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

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Annexe F

Grille d’analyse des résultats

Focus Explanation

Visions Ultimate purposes of education.

Students Students’ need and how they learn.

Apprennent beaucoup de manière autonome (projet personnel et lecture de livres) *le fait de ne pas être obligé d’assister aux lectures renforce cette idée. L’étudiant peut apprendre en « autodidacte » à partir du matériel disponible en ligne. Lecture : ils ont presque toujours un livre à lire. Parfois une lecture obligatoire et une lecture au choix. Renforce encore l’idée du travail autonome et de l’apprentissage personnel. Section « good to know » avec des lectures suggérées. Beaucoup de travail collaboratif dans les séminaires/petits séminaires ou séminaires de thèses.

Teacher Role of teacher. Assurer le lien théorie-pratique en proposant la théorie pertinente, ainsi que les activités appropriées pour mettre cette théorie en pratique. Travailler en équipe, de concert avec les pairs. Parfois, ils se divisent la tâche des lectures en fonction de leurs expertises. D’autres fois, quelqu’un prend en charge les lectures et d’autres prof/CDC donnent les séminaires.

Le prof ou CDC sert de modèle, modélisation « la recherche dit que, j’ai lu dans une publication scientifique que »: plusieurs d’entre eux servent de superviseur pour les thèses. Ils guident les étudiants en fonction des thèmes qu’ils ont choisi et ils animent les séminaires.

Context - Subject matter and its organization.

- Environment of the classroom and school.

Les sous-groupes comptent une vingtaine d’étudiants dans des petits locaux. Souvent, les locaux possèdent des équipements spéciaux (S10 – local de käsityö technique et textile, d’arts, de musique. Les lectures ont lieu dans des auditoriums et incluent normalement de 80 à 120 étudiants.

*L’organisation du curriculum, se référer aux calculs faits.

Page 136: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

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Planning How curriculum should be planned and who should be involved.

Intégration théorie-pratique. Les cours sont divisés en différentes parties. Le plus souvent: cours théoriques, apprentissage en sous-groupe et travail autonome. La répartition du travail se fait le plus souvent suivant cet ordre (de la plus grosse charge de travail vers la plus petite): 1) travail autonome, 2) apprentissage en sous-groupe, 3) lectures.

Peu de temps semble accordé à l’enseignement magistral conventionnel. Cela peu s’expliquer par le fait qu’il existe une règle au sein du département voulant qu’il n’est pas obligatoire de la part de l’étudiant de participer aux lectures

Evaluation How students should be assessed and curriculum evaluated.

Les évaluations prennent la forme de notes : 1 à 5 (5 signifiant la meilleure note), la simplement la forme P/F (Pass or Fail). Les évaluations prennent souvent la forme de book exam ( %) ou d’essais.

( %), parfois d’examen en groupe, parfois rien du tout.

Book exam : souvent question à cours développement où l’étudiant doit témoigner de ses connaissances issues de la lecture de l’ouvrage et/ou des sujets traités en classe.

Page 137: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

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Annexe G

Curriculum for class teacher education 2008 300 ECTS credits

BEd= studies included in the Bachelor of Education degree MEd= studies included in the Master of Education degree

BEd MEd Communication studies and orientation studies 25 CR Basics of curriculum planning 5 cr 3 cr 2 cr Language and communication skills 14 cr Mother tongue Speech communication and interaction skills 4 cr Scientific writing 4 cr Foreign language 3 cr Second national language 3 cr Information and communication technology in studies 3 cr 3 cr Introduction to media education 3 cr 3 cr Main subject studies in education 140 cr Cultural bases of education 15 cr Introduction to educational sciences 3 cr Change and continuity in education 7 cr Individual confronting change 5 cr Psychological bases of education 15 cr Growth, development, and learning 5 cr Knowing your pupil 5 cr Special needs education and pupil welfare services 5 cr Pedagogical bases of education 20 cr Didactics 7 cr Theory and didactics of early childhood education 3 cr Curriculum theory and evaluation 3 cr Pedagogical knowledge and construction of personal practical theory 7 cr Research studies in education 70 cr Introduction to educational research 3 cr Educational research methods 7 cr Bachelor’s thesis (incl. seminars 4 cr) 10 cr Research in teaching 5 cr Advanced quantitative research methods or 5 cr Advanced qualitative research methods 5 cr Master’s thesis 40 cr BEd MEd

Page 138: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

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Teaching practice 20 cr Minor subject teaching practice 12 cr Main subject teaching practice 8 cr Minor subject studies Multidisciplinary studies in subjects and cross-curricular issues taught in comprehensive school 60 cr 1. Mother tongue and literature education 8 cr 8 cr 2. Mathematics education 7 cr 7 cr 3. Arts and skills education 13 cr 3.1 Arts education 3 cr 3.2 Crafts education 4 cr 3.3 Physical education 3 cr 3.4 Music education 3 cr 4. Didactics in humanistic subjects 6 cr 4.1 History education 3 cr 4.2 a) Evangelical-Lutheran religious education or 3 cr 4.2 b) Secular ethics education 3 cr 5. Didactics in environmental and science subjects 12 cr 5.1 Geographical education 3 cr 5.2 Biology education 3 cr 5.3 Physics education 3 cr 5.4 Chemistry education 3 cr 6. Optional courses 14 cr 6.1 Arts education 4 cr 6.2 Crafts education 4 cr 6.3 Physical education 4 cr 6.4 Music education 4 cr 6.5 History education 3 cr 6.6 Evangelical-Lutheran religious education 3 cr 6.7 Secular ethics education 3 cr 6.8 Geographical education 3 cr 6.9. Biology education 3 cr 6.10 Physics education 3 cr 6.11. Chemistry education Optional minor subject and optional studies 75 cr 40 cr 35 cr Study points in the whole degree: 300 CR 1 ECTS credit = 27 hours of work Department of Applied Sciences of Education Faculty of Behavioural Sciences University of Helsinki

Page 139: L’identité professionnelle de l’enseignant finlandais

Annexe H

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APPROBATION DE L’ÉTHIQUE

Projet de recherche impliquant des êtres humains ou la consultation de renseignements personnels

Ce projet de recherche a été examiné en conformité avec les

Modalités de gestion de l’éthique de la recherche sur des êtres humains de l’Université Laval, par le Comité sectoriel d’éthique de la recherche en psychologie et en sciences de

l’éducation Projet intitulé : L'application de l'approche basée sur la recherche en

formation des maitres: le cas de l'Université d'Helsinki

Nom du chercheur : Madame Laurie Dorval Morissette

Nom du directeur de recherche : Madame Annie Pilote

Numéro d’approbation : 2011-283 / 06-01-2012

Date de décision : 6 janvier 2012

Date d’expiration de l’approbation : 1er février 2013

Après examen des informations et des documents qui lui ont été transmis, le Comité a constaté que ce projet respecte les principes d’éthique de la recherche avec des êtres humains. Il prend acte de la confirmation écrite de la chercheure à l’effet qu’elle a pris connaissance des mesures de suivi11 associées à l’émission de l’approbation éthique de son projet et qu’elle accepte de les appliquer. Par conséquent, le Comité approuve ce projet pour un an.

Lise Giard, vice-présidente Comité d’éthique de la recherche en psychologie et en sciences de l’éducation

Date

11 Rappel des mesures de suivi au verso

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MEsUREs DE sUIvI AssOcIÉEs à L’APPROBATION ÉTHIQUE

Pour le projet intitulé : L'application de l'approche basée sur la recherche en formation des maitres: le cas de l'Université d'Helsinki (numéro de dossier : 2011-283)

1. Faire parvenir la réponse officielle des autorités de l’Université d’Helsinki dès qu’elle sera

disponible, afin de compléter votre dossier; 2. Informer le Comité par écrit et dans les meilleurs délais (indépendamment du calendrier de ses réunions

statutaires) des situations suivantes si elles se présentent : • de toute modification au projet, comme il a été approuvé en ce jour, qui comporterait des

changements dans le choix des participants, dans le recrutement, dans la manière d’obtenir leur consentement, de réaliser la collecte des données ou encore, dans les risques ou inconvénients encourus par la participation, et ce, préalablement à l’application de ce changement (modèle de lettre de demande d’amendement disponible sur le site Internet des CÉRUL);

• de toute modification qui serait apportée à un instrument utilisé pour le recrutement (annonces, affiches, etc.), confirmer le consentement (formulaire de consentement, feuillet d’information, etc.) ou effectuer la collecte des données (questionnaire, grille d’entrevue, etc.) en fournissant la nouvelle version du document concerné, où les modifications auront été mises en évidence, préalablement à son utilisation;

• de tout événement imprévu et sérieux (ex. : détresse psychologique d’un participant, menace proférée à l’égard d’une personne, effets secondaires ou imprévus ou indésirables d’un produit, d’un médicament ou d’un test, etc.) qui surviendrait dans le déroulement d’une activité du présent projet et qui impliquerait un participant, en complétant le formulaire VRR-EI disponible sur le site Internet des CÉRUL;

• de l’interruption prématurée de ce projet de recherche pour une raison quelconque, qu’il soit financé ou non, y compris en raison de la suspension ou de l’annulation d’approbation d’un organisme subventionnaire.

3. Tant que le recrutement ne sera pas définitivement terminé, présenter annuellement une demande de renouvellement de l’approbation, en fournissant un rapport sur le déroulement de la recherche, le nombre de participants recrutés et, le cas échéant, sur les difficultés rencontrées en cours de réalisation. à l’aide du formulaire VRR-107 qui doit être transmis au Comité dans un délai de 2 à 3 semaines avant la date de fin de l’approbation.