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AVERTISSEMENT Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie. Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pénale. Contact : [email protected] LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4docnum.univ-lorraine.fr/public/DDOC_T_2012_0215_SALESINA.pdf · Les relations professionnelles au cœur des enjeux de

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  • AVERTISSEMENT

    Ce document est le fruit d'un long travail approuv par le jury de soutenance et mis disposition de l'ensemble de la communaut universitaire largie. Il est soumis la proprit intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de rfrencement lors de lutilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pnale. Contact : [email protected]

    LIENS Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

  • U N I V E R S I T E D E L O R R A I N E | I S A M - I A E N A N C Y L A B O R A T O I R E C E R E F I G E | E A N O 3 9 4 2 E C O L E D O C T O R A L E S J P E G | E D N O 7 9

    Contribution lanalyse de linluence des institutions reprsentatives du personnel sur les pratiques de gestion des ressources humaines dans le contexte franais

    T H E S E P O U R L O B T E N T I O N D U D O C T O R A T N O U V E A U R E G I M E E S S C I E N C E S D E G E S T I O N

    Prsente et soutenue publiquement le 30 novembre 2012 par

    Marc Salesina

    J U R Y

    D I R E C T E U R D E R E C H E R C H E M. Patrice Laroche Professeur des Universits ISAM-IAE Nancy | Universit de Lorraine

    R A P P O R T E U R S M. Charles-Henri dArcimoles Professeur des Universits ufr 06 | Universit Paris 1 Panthon-Sorbonne

    M. Jacques Igalens Professeur des Universits cole Suprieure de Commerce de Toulouse

    S U F F R A G A N T S M. Jos Allouche Professeur des Universits iae de Paris | Universit Paris 1 Panthon-Sorbonne

    M. Franck Bitry Matre de confrences, habilit diriger des recherches iae de Caen | Universit de Caen

    M. David Marsden Professor Department of Management | London School of Economics and Political Science

  • * Luniversit nentend donner ni approbation, ni improbation aux

    opinions mises dans cette thse. Ces opinions doivent tre considres comme propres leur auteur.

    *

  • I

    S O M M A I R E

    Remerciements .......................................................................................................................................................... ii Rsums ................................................................................................................................................................... iv Liste des sigles & abrviations .................................................................................................................................. v

    INTRODUCTION GENERALE Les relations professionnelles au cur des enjeux de la gestion des ressources humaines ........................................ 1

    PREMIERE PARTIE Revue de littrature. Relations professionnelles et gestion des ressources humaines : contextes et enjeux ............. 17

    CHAPITRE PREMIER. Conflits & dialogues ................................................................................................ 19 CHAPITRE II. Contraintes & partenariats .................................................................................................. 155

    DEUXIEME PARTIE Analyse empirique. Linfluence des institutions reprsentatives du personnel sur les pratiques de gestion des ressources humaines : une analyse quantitative dans le contexte franais ............................................................. 289

    CHAPITRE III. Cadre conceptuel & mthodologie de la recherche ........................................................... 291 CHAPITRE IV. Prsentation, analyse & discussion des rsultats ............................................................... 417

    conclusion gnrale Dialogues sociaux ................................................................................................................................................. 482

    Bibliographie ........................................................................................................................................................ 491

  • ii

    R E M E R C I E M E N T S

    Le travail de thse, sil est un exercice individuel, nen est pas pour autant solitaire. Au cours de ces quatre annes, jai eu la chance dtre entour de nombreuses personnes qui je tiens exprimer mes remerciements.

    En tout premier lieu, ma gratitude va M. le Professeur Patrice Laroche, qui a dirig cette recherche doctorale aprs avoir encadr mon mmoire de Master 2. Lancrage de cette thse dans la thmatique des relations professionnelles nest videmment pas un hasard et doit beaucoup ses travaux. M. Laroche a su stimuler et canaliser mes efforts, sest montr particulirement prsent et attentif dans les moments les plus difficiles et ma fait profiter de sa grande connaissance de la recherche et du monde scientifique. Je mesure la chance qui ma t donne de travailler avec lui.

    Je veux remercier M. le Professeur Charles-Henri dArcimoles et M. le Professeur Jacques Igalens pour avoir accept dofficier en tant que rapporteurs de cette thse. Je vis cet accord comme un honneur dont jessaierai de me montrer digne. Jadresse mes remerciements M. le Professeur Jos Allouche, M. Franck Bitry et M. David Marsden, dont les ouvrages de rfrence mont grandement inspir lors de ce travail doctoral. Quils trouvent ici toute mon estime et soient remercis de lhonneur quils me font dtre prsents lors de ma soutenance.

    Je tiens aussi exprimer ma reconnaissance aux collgues et aux amis qui mont accompagn. Tout dabord, je veux remercier Jrme Hubler. Durant les derniers mois de ce travail, son amiti bienveillante, son exprience et son sens critique mont t dun grand rconfort et dun grand secours. Renaud Garcia-Bardidia a galement t un soutien dterminant dans la dernire ligne droite. M. le Professeur Jean-Claude Ray a jou un rle important dans la maturation de ce travail, non seulement grce ses enseignements lcole doctorale SJPEG, mais aussi par la faon dont il a su me communiquer son plaisir et son enthousiasme faire de la recherche. Bien avant cela, Thierry Colin et Benot Grasser, qui ont t mes enseignants, ont grandement contribu faire natre mon intrt pour la gestion en tant que discipline scientifique. Au cours de mes annes de monitorat lIUT Nancy-Charlemagne, jai beaucoup appris, humainement et professionnellement, auprs de Christophe Cornolti, Yanne Gourvil-Le Perron & Grard Xolin. Merci galement Estelle Mercier & Florent Nol pour mavoir ouvert dautres horizons que mes thmatiques privilgies.

    Je remercie Batrice Salesina pour son soutien inconditionnel et indfectible. Je sais combien les pages qui suivent comptent pour elle. Je lui suis profondment reconnaissant pour avoir toujours t mes cts et pour mavoir toujours encourag dans mes choix. Jai videmment une tendre pense pour Jeanne Salesina, qui je souhaite ddier ce travail.

    Merci Kelsey Ipsen, qui ma quotidiennement support, dans tous les sens du terme, durant mon doctorat. Elle incarne, ma connaissance, le meilleur exemple de linfluence significativement positive dune prsence. Merci la grande famille du 22 rue saint-Michel Anne Barthlmy, Sarah Martin, Simon Masella, Thibault

  • I I I

    Huguenot & Yves Rizk ainsi qu Benjamin Schvartz, Geoffroy Gonzalez, Laurent Baillet & Adeline Karcher. Un remerciement tout particulier Cdric Tournier-Colletta, avec qui jai partag toute la palette des sentiments propres la condition de doctorant.

    Je voudrais aussi profiter de ces lignes pour renouveler Jean-Philippe Nau mes remerciements les plus sincres. Je ne me serais sans doute pas engag dans cette aventure sans une certaine conversation nocturne propos dHerbert Simon et de Jean-Paul Sartre, sans nos sorties sportives o nous voquions tantt Sonic Youth, tantt Wittgenstein, et surtout sans la certitude de pouvoir compter sur son amiti.

    Merci enfin Renaud Garcia-Bardidia, Jean-Philippe Nau & Batrice Salesina pour leurs relectures attentives et leurs conseils aviss.

  • iv

    R E S U M E S

    Contribution lanalyse de linfluence des institutions reprsentatives du personnel sur les pratiques de gestion des ressources humaines dans le contexte franais Mots-clefs

    Pratiques mobilisatrices de GRH Relations professionnelles en entreprise Institutions reprsentatives du personnel

    Rsum

    Depuis les dbut des annes 1980, la lgislation franaise des relations professionnelles a connu des transformations majeures. En particulier, la ngociation collective au niveau de lentreprise est devenue un enjeu central du processus de dcision RH et plusieurs rformes ont cherch stimuler la participation des salaris et le partenariat social. Ces changements interviennent alors que se sont dveloppes des pratiques de gestion des ressources humaines, dites mobilisatrices, dont un des objectifs est de fournir aux salaris des opportunits de participation directe la prise de dcision dans lentreprise. Elles sont ainsi parfois prsentes comme potentiellement concurrentes de laction des IRP. Ces lments sont porteurs dinterrogations sur le rle jou par les institutions reprsentatives du personnel sur lutilisation de pratiques de GRH mobilisatrices. En sappuyant sur les apports thoriques issus des champs des relations professionnelles le modle exit/voice/loyalty, la thorie des dcisions stratgiques et ses prolongements et de la gestion stratgique des ressources humaines, ce travail doctoral a pour objectif dclairer linfluence des IRP sur lutilisation de pratiques et systmes de pratiques mobilisatrices de GRH, partir des donnes de lenqute REPONSE 20042005. Les hypothses, testes par la mise en uvre de modles de rgression logistique, ont vocation tenir compte des spcificits du systme franais de relations professionnelles et interrogent ainsi linfluence de la prsence dIRP, de leurs configurations, de leurs stratgies et de leurs activits. Les rsultats peuvent tre prsents selon trois axes. En premier lieu, les IRP napparaissent pas constituer de frein ladoption de pratiques ou de systmes de pratiques de GRH. En second lieu, elles exercent des influences qui relvent de logiques diffrentes et qui semblent mal saccorder avec les rformes juridiques rcentes qui organisent la subsidiarit de leur participation la ngociation collective. En troisime lieu, la mise en vidence de rsultats divergents concernant les pratiques prises isolment et les systmes de pratiques semble souligner limportance de la dimension stratgique que revtent les pratiques mobilisatrices pour lensemble des acteurs des relations professionnelles en entreprise.

    Contribution to the Analysis of the Influence of Employee Representatives on the Use Human Resource Management Practices and Systems in French Workplaces Keywords

    High performance work practices Industrial and employment relations Employee representatives

    Abstract

    Since the beginning of the 1980s, the French legislation of workplace industrial relations has faced dramatic transformations. Specifically, collective bargaining procedures with employee representatives have become a central feature of the HR decision-making process, and several reforms intended to reinforce both employee participation and partnership between employers and employee representatives. Such changes raise questions about the role played by employee representatives in shaping human resource practices used in French workplaces, within a specific legal and historical framework. In conjunction, human resources practices based on employee involvement and commitment have developed, and their effects can be regarded as adversarial to employee representatives. Drawing on the theoretical works developed in the fields of industrial relationsnamely exit/voice model, strategic choice theory and its extensionsand strategic human resource management, the aim of this doctoral research is to offer an analysis of the influence of the presence, co-presence, activities and strategies of union as well as non-union employee representatives on the use of high performance work practices and systems. As such, we investigate if and to what extend employee representation can be regarded as determinants of human resource practices and systems at the workplace level. A quantitative analysis is conducted on a nationally representative sample of 2,500 French workplaces. The results of logistic regression estimates can be summed up into three main points. First, we note that employee representatives do not prevent the use of high performance work practices and systems. Second, the fact that union and non-union employee representatives show different influence over the use of practices raises questions about new legal features. Third, we show that the influence of employee representatives varies when we turn from the analysis of isolated practices to bundles of practices. This result underlines that high performance work systems have a strategic meaning to both the management and employee representatives.

  • ii

    L I S T E D E S S I G L E S & A B R E V I A T I O N S

    ACEMO (Enqute sur l) Activit et les Conditions dEmploi de la Main-duvre

    ANI Accord National Interprofessionnel C. com. Code de commerce Coef. Coefficient C. tr. Code du travail CCE Comit Central dEntreprise CCI Chambre de Commerce et dIndustrie CDD Contrat dure dtermine CDI Contrat dure indtermine CE Comit dEntreprise, Comit dtablissement cf. Confer CFDT Confdration Dmocratique du Travail CFE-CGC Confdration Franaise de lEncadrement-

    Confdration Gnrale des Cadres CFTC Confdration Franaise des Travailleurs

    Chrtiens CGP Commissariat Gnral au Plan CGPME Confdration Gnrale des Petites et Moyennes

    Entreprises CGT Confdration Gnrale du Travail CGT-U Confdration Gnrale du Travail Unifie CGT-FO Confdration Gnrale du Travail-Force

    Ouvrire CMA Chambre des Mtiers et de lArtisanat CNAM Caisse Nationale de lAssurance Maladie CNR Comit National de la Rsistance CNT Confdration Nationale du Travail DADS Dclaration annuelle des donnes sociales ddl Degrs de libert DGB Deutsche Gewerkschaftsbund DP Dlgu du personnel, dlgus du personnel DS Dlgu syndical, dlgus syndicaux DUP Dlgation unique du personnel, dlgu unique

    du personnel e.g. Exempli gratia EI Employee Involvement EIRO European Industrial Relations Observatory EP lections professionnelles ens. Ensemble et al. Et alii ts. tablissement

    FAAC Fdration gnrale Autonome des Agents de Conduite

    FADN Fdration Autonome de la Dfense Nationale FASP Fdration Autonome des Syndicats de Police FAT Fdration Autonome des Transports FEN Fdration de lducation Nationale FGAF Fdration Gnrale Autonome des

    Fonctionnaires FGSOA Fdration Gnrale des Salaris des

    Organisations Agricoles et Agro-alimentaires FNU Fdration Nationale Unitaire FSM Fdration Syndicale Mondiale GRH Gestion des Ressources Humaines HIMP High-Involvement Management Practices,

    High-Involvement Management Paradigm HRM Human Resource Management HPWS High-Performance Work Practices ibid. Ibidem ICTWSS Institutional Characteristics of Trade Unions,

    Wage Settings, State Intervention and Social Pacts

    id. Idem IGM Industriegewerkschaft Metall INSEE Institut National de la Statistique et des tudes

    conomiques IR Industrial Relations IRES Institut de Recherches conomiques et Sociales IRP Institutions Reprsentatives du Personnel JINT Journes Individuelles Non Travailles MCO Moindres carrs ordinaires Medef Mouvement des Entreprises De France MGRS Mouvement de la Gauche Radicale-Socialiste NAF Nomenclature dActivits Franaises NES Nomenclature conomique de Synthse NLRA National Labor Relations Act NLRB National Labor Relations Board NSP Ne sait pas OB Organizational Behaviour OCDE Organisation pour la Coopration et le

    Dveloppement conomiques PCF Parti Communiste Franais PME Petites et Moyennes Entreprises

  • ii

    PMI Petites et Moyennes Industries PS Parti Socialiste REPONSE Relations Professionnelles et Ngociations

    Sociales en Entreprise RGPP Rforme Gnrale des Politiques Publiques RSS Reprsentant de Section Syndicale SIRENE Systme informatique pour le rpertoire des

    entreprises et de leurs tablissements SFIO Section Franaise de lInternationale Ouvrire SGEN Syndicat Gnral de lducation Nationale SHRM Strategic Human Resource Management SKF Svenska Kullagerfabriken SM Salari Mandat SNCTA Syndicat National des Contrleurs du Trafic

    Arien SNJ Syndicat National des Journalistes SNUI Syndicat National Unifi des Impts sq., sqq. Sequiturque, sequunturque

    SSE Section Syndicale dEntreprise (dtablissement)

    SUD Solidaires Unitaires Dmocratiques UE Union Europenne UIMM Union des Industries Mtallurgiques et

    Minires, Union des Industries et Mtiers de la Mtallurgie

    Undic Union nationale interprofessionnelle pour lemploi dans lindustrie et le commerce

    UNSA Union Nationale des Syndicats Autonomes UNSA2A Union Nationale des Syndicats Autonomes

    Agriculture Agro-alimentaire UPA Union Professionnelle de lArtisanat URSS Union des Rpubliques Socialistes Sovitiques USS Union Syndicale Solidaires WERS Workplace Employment Relations Survey WIRS Workplace Industrial Relations Survey

  • I N T R O D U C T I O N G E N E R A L E

    LES RELATIONS PROFESSIONNELLES AU CUR DES ENJEUX DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

    P L A N

  • 1 | Intrt du thme choisi : origine de lobjet de recherche et enjeux pour la gestion des ressources humaines comme champ de recherche et comme fonction dans lentreprise 2

    1.1 | DEVELOPPEMENTS DU DIALOGUE SOCIAL ET MUTATIONS DE LA NEGOCIATION COLLECTIVE EN ENTREPRISE 2

    1.2 | ACTEURS ET PRATIQUES DES RELATIONS PROFESSIONNELLES EN ENTREPRISE 2

    1.3 | ENJEUX POUR LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES EN TANT QUE CHAMP DE RECHERCHE 2

    1.3.1. RELATION DEMPLOI INDIVIDUELLE ET ACTION COLLECTIVE 2

    1.3.3. VOLUTION DES PRATIQUES DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES & DES RELATIONS PROFESSIONNELLES EN ENTREPRISES : UNE CONJONCTION HISTORIQUE 2

    2 | Lobjet de la recherche 2

    3 | Cadre conceptuel de la recherche 2

    3.1 | PRATIQUES ET SYSTEMES DE PRATIQUES 2

    3.2 | LE CHAMP DE RECHERCHE DES RELATIONS INDUSTRIELLES 2

    3.3 | UNE APPROCHE CONTEXTUALISEE DE LINFLUENCE DES INSTITUTIONS REPRESENTATIVES DU PERSONNEL SUR LES PRATIQUES DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES 2

  • I N T R O D U C T I O N G E N E R A L E 3

    3 | Objectifs & mthodologie 3

    3.3 | OBJECTIFS 3

    3.4 | METHODOLOGIE 3

    4 | Contributions et organisation de la recherche 3

    4.1 | CONTRIBUTIONS DE LA RECHERCHE 3

    4.2 | ORGANISATION DE LA RECHERCHE 3

  • I N T R O D U C T I O N G E N E R A L E

    LES RELATIONS PROFESSIONNELLES AU CUR DES ENJEUX DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

    EN C HOIS IS S ANT DE S UB OR DONNER, par lintroduction de la loi no 2007130 du 31 janvier 2007 1, tout

    projet de rforme envisag par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives de

    travail, lemploi et la formation professionnelle une concertation pralable avec les organisations

    syndicales de salaris et demployeurs reprsentatives au niveau national et interprofessionnel visant ouvrir

    la voie une ngociation collective, le lgislateur a raffirm limportance de cet outil dans la dynamique qui

    anime le dialogue social en France. La promotion dun esprit de concertation entre reprsentants syndicaux et

    patronaux a trouv, rcemment, une nouvelle illustration travers lorganisation dune grande confrence

    sociale , les 9 et 10 juillet 2012, linvitation du Prsident Franois Hollande.

    Bien quelle soit explicitement vise par le Code du travail, la notion de dialogue social nest pas

    prcisment dfinie par la loi ou la jurisprudence. Elle renvoie ainsi une large gamme de pratiques selon les

    lieux et les poques (Martin, 2007 ; Heery, 2002) et on peut en proposer la dfinition suivante : il sagit de

    toute discussion, information, consultation et ngociation (ayant abouti ou non), dont le libre fonctionnement

    est garanti par ltat, stablissant entre les reprsentants des employeurs et des travailleurs (Kappopoulos,

    2010, p. 15). Le dialogue social recouvre ainsi un ensemble de processus formels ou informels, obligatoires au

    regard de la loi ou dinitiative prive. Une de ses finalits est de contribuer la production des normes qui

    constituent le droit social. Une de ses particularits est de se drouler en plusieurs lieux : au niveau national,

    rgional, au niveau des branches dactivits, au niveau de lentreprise ou encore de ltablissement.

    1. Cette loi est galement dnomme loi de modernisation du dialogue social ou encore loi Larcher , du nom de M. Grard

    Larcher, alors Ministre dlgu lEmploi, au Travail et lInsertion professionnelle des jeunes au sein du Gouvernement Villepin (31 mai 200515 mai 2007). Elle a t abroge par la loi no 200867 du 21 janvier 2008, qui na pas modifi la substance des dispo-sitions mais a port cration dun chapitre prliminaire en exergue de la partie lgislative du Code du travail intitul Dialogue so-cial , lequel reprend le contenu des articles crs par la loi Larcher.

  • 6 | I N T R O D U C T I O N G E N E R A L E

    La conduite du dialogue social en entreprise constitue une des missions premires de la fonction ressources

    humaines (GRH). La gestion des relations avec les partenaires sociaux a pour objectifs de permettre le

    fonctionnement et lanimation des institutions reprsentatives du personnel (IRP), dvaluer le climat social afin

    dagir sur la prvention et la gestion des conflits, ainsi que la conduite des procdures de ngociation collective

    (Laroche, 2010).

    Ce travail doctoral a pour ambition dapporter une contribution la connaissance de linfluence des

    relations professionnelles en entreprise sur les pratiques de gestion des ressources humaines. Il sintresse ainsi

    mettre au jour les dterminants lis aux acteurs porteurs dun mandat de reprsentation des salaris qui

    agissent sur la varit des pratiques de gestion des ressources humaines. Plus particulirement, ce sont les

    pratiques dites mobilisatrices qui seront le centre dintrt privilgi de cette recherche (Barraud-Didier,

    Guerrero & Igalens, 2003).

    1 | Intrt du thme choisi : origine de lobjet de recherche et enjeux pour la gestion des ressources humaines comme champ de recherche et comme fonction dans lentreprise

    Les trente dernires annes ont t marques par une volution profonde de lencadrement juridique des

    relations professionnelles en gnral et de la ngociation collective dentreprise en particulier. Ces volutions

    concernent en premier lieu les acteurs du systme de relations professionnelles. Plusieurs dentre eux

    dlgus du personnel, dlgus du personnel au comit dentreprise ont vu leurs missions intgrer de

    nouvelles facettes. Dautres salaris mandats, reprsentants de section syndicale ont t intgrs

    ldifice des IRP.

    Elles concernent galement les techniques qui servent de support la concrtisation des interactions entre

    les acteurs des relations professionnelles en entreprise. La ngociation collective a en effet conquis de

    nouveaux territoires. Dune part elle peut, sous certaines conditions, droger au droit commun. Lautonomie

    normative dont dispose lentreprise via la rglementation conventionnelle concourt ainsi faire de la

    ngociation collective un enjeu majeur. De lautre, elle fait lobjet dobligations ou dincitations lgales sur des

    thmes de plus en plus nombreux, dont certains concernent directement la gestion des ressources humaines. La

    question de linteraction entre les acteurs des relations professionnelles se pose ainsi comme une question qui

    porte sur ladoption de rgles et les mcanismes de prise de dcision qui y conduisent.

    1.1 | DEVELOPPEMENTS DU DIALOGUE SOCIAL ET MUTATIONS DE LA NEGOCIATION COLLECTIVE EN ENTREPRISE

    Les volutions du cadre lgislatif des relations professionnelles ont pour toile de fond un mouvement de

    dcentralisation des sources du droit du travail vers lentreprise. Pour les synthtiser, on peut distinguer deux

    orientations fondatrices et complmentaires.

  • L E S R E L A T I O N S P R O F E S S I O N N E L L E S A U C U R D E S E N J E U X D E L A G R H | 7

    En premier lieu, le processus de dcentralisation repose sur la volont de renforcer la contribution des

    salaris la prise de dcision dans lentreprise. Cette contribution se droule dans le double cadre du droit la

    participation et du droit la ngociation collective, par le biais dinstitutions reprsentatives dment habilites

    selon des rgles procdurales dfinies par la loi. Cest ainsi la volont de promotion de la dmocratie sociale au

    niveau de lentreprise qui a anim linstauration de la ngociation annuelle obligatoire par les lois Auroux de

    1982.

    La nature de cette volution constitue une transition dans le principe de lgitimation du mode de rgulation

    de lentreprise : elle institue le passage de la primaut des principes issus du droit celle du march et de la

    performance conomique (Amadieu & Groux, 1996, p. 181). Une telle transition reflte la concomitance de

    plusieurs lments. On peut dabord noter le dplacement de lobjet des compromis sociaux. Prcdemment

    limpulsion en faveur de la dcentralisation de la ngociation collective, le salaire constituait la thmatique

    centrale du compromis ; en dautres termes, ce dernier portait sur le partage du profit. Lorsque la conjoncture

    conomique se caractrise par un ralentissement de la croissance, le compromis se dplace vers un change

    entre le maintien de lemploi et la flexibilisation des conditions demploi (Erbs-Seguin, 1999). Il est ensuite

    possible de relever un dplacement des enjeux recouverts par la rglementation conventionnelle. Dans premier

    temps, la ngociation collective, particulirement au niveau des branches dactivits, permettait au politique

    dagir sur certains aspects de la relations demploi (Morin, 2003). Aujourdhui, elle invite les acteurs les

    dterminer eux-mmes, en tenant compte de nouveaux enjeux, que Jean-Franois Amadieu & Guy Groux

    dsignent comme les conditions internes de la production matrielle et de la mise en uvre des critres de

    profitabilit (1996, p. 184, les auteurs soulignent).

    Ainsi, les relations professionnelles sont devenues un enjeu central pour la gestion des ressources humaines,

    parce quelles elles font dsormais partie intgrante des processus par lesquels les rgles sont cres au niveau

    de lentreprise, et parce que ces rgles sont soumises un objectif qui est celui de la performance. Les rformes

    juridiques rcentes ont en effet considrablement accru lautonomie de lentreprise en matire normative.

    Louverture de ces nouveaux espaces de rgulation, qui peuvent smanciper de la tutelle du droit commun, ont

    pour fondement un triple argumentaire (Supiot, 1994, p. 171 sqq.) : argument conomique dabord, qui fait de

    la flexibilit des rgles pour permettre ladaptation de lentreprise aux exigences de la comptitivit une source

    de performance ; social ensuite, parce que loutil de cette mancipation la ngociation collective fait

    intervenir de manire indirecte les salaris dans la prise de dcision ; politique enfin, comme restitution la

    socit civile des attributions qui sont naturellement les siennes. Cette autonomie stend la gestion des

    ressources humaines.

    Le moyen principal qui est donn lautonomisation de lentreprise comme lieu de cration de rgles est la

    ngociation collective. Le Code du travail franais nen donne pas de dfinition explicite, mais en fournit une

    dlimitation technique, qui la borne dans son objet et ses modalits concrtes dapplication il pose le droit

    des salaris la ngociation et organise le droit de la ngociation collective , mais qui ignore aussi une partie

    de finalit. En effet, la ngociation collective dentreprise, comme toute technique ngociatoire, possde deux

    versants consubstantiels : elle est la fois une mthode de rduction dun antagonisme dintrts et une

    mthode de production de rgles (Thuderoz, 2000). Aussi, sa finalit appartient tout autant ltablissement

  • 8 | I N T R O D U C T I O N G E N E R A L E

    dune justice distributive qui organise la rpartition des changes qu celui dune justice commutative

    qui rgle lquit des changes (Kappopoulos, 2010).

    En second lieu, la dcentralisation de la cration de rgles sappuie sur largument qui fait de la flexibilit

    organisationnelle une rponse lintensit accrue de la concurrence sur les marchs. Depuis les annes 1970, la

    mondialisation de lconomie a en effet largi le terrain concurrentiel. Sur un mme march saffrontent des

    entreprises qui agissent avec des contraintes radicalement diffrentes, notamment du point de vue de la

    lgislation sociale. Dans les pays o cette lgislation sociale est la plus avance, laction sur les salaires est

    limite et il nest pas ais de trouver dans les modulations salariales une source de comptitivit, compromis

    qui avait jusqualors t privilgi. Il est donc ncessaire de reporter sur dautres aspects organisationnels

    lenjeu de flexibilit, ce qui aurait conduit au dveloppement de nouvelles formes de GRH, fondes sur

    limplication individuelle et la prise de parole directe des salaris (Walton, 1985 ; Lawler, 1986 ; Appelbaum &

    Batt, 1994 ; Cadin, Gurin & Pigeyre, 2007).

    Dans ce contexte, la ngociation au niveau de lentreprise sapparente une lgislation autonome (Amadieu

    & Groux, 1996) qui aurait pour double avantage de provenir des acteurs eux-mmes et dassurer la proximit

    de lobjet de la ngociation avec la ralit concrte dont lentreprise fait lexprience. La mise en perspective

    de ces deux lments double finalit de la ngociation collective et recherche de flexibilit permet

    dclairer lvolution des compromis quengendre la ngociation dentreprise.

    1.2 | ACTEURS ET PRATIQUES DES RELATIONS PROFESSIONNELLES EN ENTREPRISE

    lvolution des rgles sajoute une volution des acteurs. En effet, les rgles institues par des procdures de

    ngociation doivent faire lobjet dune lgitimit dmocratique incontestable : la lgitimit au niveau de

    lentreprise doit quivaloir la lgitimit dont le lgislateur est investi par le truchement du suffrage universel

    (Morin, 2003). La reprsentativit, qualit par laquelle la capacit sexprimer et agir au nom et pour le

    compte des salaris est dvolue un syndicat, sacquiert dsormais, dans les entreprises et les tablissements,

    par le truchement des suffrages exprims aux lections professionnelles (loi du 20 aot 2008).

    Cette rforme a mis fin un systme opposant cinq confdrations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et

    CGT-FO), qui bnficiaient dune prsomption irrfragable de reprsentativit aux niveaux national, de branche

    et de lentreprise, aux autres organisations syndicales de salaris, dont la reprsentativit devait tre prouve.

    Cette transition entre diffrents rgime de reprsentativit est porteuse dinterrogations sur la capacit des

    organisations syndicales sadapter un tel dfi (Bitry, 2007a).

    Un des rles majeurs des organisations syndicales consiste contribuer la rgulation des conditions

    demploi et de travail des salaris. Or, depuis les annes 1980, les pressions en faveur de la dcentralisation de

    la ngociation collective, de la flexibilit des contrats de travail et la drgulation des marchs du travail sont

    autant de dfis pour la ngociation aux niveaux national et des secteurs dactivits. La marge de manuvre

    dans le cadre des ngociations salariales a considrablement dcru, sous les effets cumuls de la dgradation de

    la situation conomique, du chmage massif et durable, du passage de politiques publiques dinspiration

  • L E S R E L A T I O N S P R O F E S S I O N N E L L E S A U C U R D E S E N J E U X D E L A G R H | 9

    keynsienne centres sur la demande des dispositifs no-libraux dirigs vers loffre, laccroissement de la

    concurrence au niveau mondial et les contraintes montaires fixes par lUnion europenne (UE ; Ebbinghaus,

    2004). Cette situation paradoxale a souvent t souligne (e.g. Adam, 2000) : le rle des organisations

    syndicales gagne en importance sur des aspects qui gouvernent directement les conditions demploi des

    salaris alors mme quelles apparaissent, leur gard, dans une situation qui mle dsamour et dfiance.

    1.3 | ENJEUX POUR LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES EN TANT QUE CHAMP DE RECHERCHE

    Ces volutions font apparatre un point de tension entre le pouvoir de direction de lemployeur et le droit des

    salaris la participation la prise de dcision et lexpression dans lentreprise. Elles invitent ainsi le

    chercheur interroger ces enjeux.

    1.3.1. RELATION DEMPLOI INDIVIDUELLE ET ACTION COLLECTIVE

    Une des missions principales de la gestion des ressources humaines, en tant quensemble de techniques et

    dactivits permettant ladquation entre les besoins quantitatifs et qualitatifs de lentreprise en ressources

    humaines (Cadin, Gurin & Pigeyre, 2007) de manire atteindre un objectif (Dietrich & Pigeyre, 2005), est la

    rsolution dun problme de coordination collective de type principal-agent (Jensen & Meckling, 1976). Ce

    problme peut sexprimer de la manire suivante (Marsden, 2004, p. 78, notre traduction) :

    [C]omment raliser des gains partir de la coopration entre des parties animes par leur intrt personnel, tant donn que chacun en sait plus que lautre sur dimportants aspects de leur collaboration et que rompre le contrat [de travail, MS] est coteux ?

    En ce sens, la relation demploi est individuelle et sert de support la relation de subordination entre salari

    et employeur. Le fonctionnement des IRP repose sur une logique sensiblement diffrente : lexercice collectif de

    droits individuels.

    On peut ainsi lire les enjeux qui concernent plus prcisment la GRH la lumire de cette opposition. Leur

    tendance lindividualisation des traitements (la GRH individualisante au sens de Franck Bitry ; 2007a)

    prive les IRP, au premier rang desquelles celles qui sont de nature syndicale, dun de leurs socles fondateur : le

    collectif de travail. Dans le mme temps, lindividualisation est un vent contraire face au dveloppement de la

    ngociation collective, puisquelle suppose que le rapport de force stablisse entre les seules parties la

    relation demploi : salari et employeur.

    Nanmoins, la loi prvoit explicitement la participation des reprsentants des salaris la prise de dcision

    dans lentreprise via les procdures de ngociation collective obligatoires et en laissant ouverte la possibilit de

    ngocier linitiative des parties. La concrtisation du droit des salaris la participation llaboration de

  • 1 0 | I N T R O D U C T I O N G E N E R A L E

    leurs conditions de travail et demploi impose que des acteurs qui nappartiennent pas au management

    intervienne dans le mcanisme de prise de dcision.

    1.3.3. VOLUTION DES PRATIQUES DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET DES RELATIONS PROFESSIONNELLES EN ENTREPRISES : UNE CONJONCTION HISTORIQUE 2

    Lhistorien du droit Jacques Le Goff (2004, p. 518 sqq.) livre une analyse particulirement clairante de

    lvolution conjointe des pratiques de gestion et des comportements individuels dans les annes 1970, quil met

    en regard de la lgislation encadrant les relations professionnelles et le droit du travail. La flexibilit

    saccompagne du dveloppement de lindividualisation, dabord du temps de travail, puis des salaires, enfin par

    lapproche en termes de comptences. Les mutations des mthodes de production saccompagnent

    paralllement dune mutation de lautonomie et de la subordination du salari.

    Les volutions du droit du travail et des pratiques de GRH trouvent ainsi un point de rencontre sur la

    question de la participation et de lexpression des salaris dans lentreprise. Ce point de rencontre met aussi en

    jeu les reprsentants du personnel dans la mesure o ils sont un mcanisme part entire de lexercice des

    droits garantis aux salaris par la loi sur ces thmatiques.

    Cet argumentaire est rapprocher de celui dvelopp dans le contexte nord-amricain. Bien quil existe des

    diffrences profondes entre les systmes de relations professionnelles, le questionnement concernant le rle des

    reprsentants du personnel au niveau de lentreprise sy est cristallis sur des notions voisines de celles qui

    animent le dbat franais.

    Face la pression concurrentielle sur les marchs, on a assist au dveloppement dune nouvelle GRH,

    organise autour de la flexibilit organisationnelle, de lautonomie et de la participation directe des salaris la

    prise de dcision (Appelbaum et al., 2000). Paralllement, les relations professionnelles se sont cartes de leur

    modle traditionnel, dont la reprsentation syndicale et la ngociation collective constituaient les lments

    centraux, au profit de relations individualises, ce qui aurait conduit aux tats-Unis la croissance du secteur

    non-syndicalis (Kochan, Katz & McKersie, 1986).

    Nanmoins, certains auteurs soulignent que limplication syndicale dans ladoption et la mise en uvre des

    pratiques mobilisatrices peut tre lorigine de rsultats positifs pour lentreprise. En effet, les syndicats

    peuvent faciliter lintroduction et le dveloppement des pratiques de GRH en participant llaboration de leurs

    conditions de mise en uvre (dimension protectrice), ce qui contribue leur lgitimation aux yeux des salaris

    (dimension dorganisation de lexpression collective) et in fine, leur efficacit (Eaton & Voos, 1992). Ce

    raisonnement conduit une partie des observateurs privilgier la coopration (Walton, Cutcher-Gershenfeld &

    McKersie, 1994) et le partenariat dans les relations professionnelles (Kochan & Osterman, 1994 ; cf. infra).

    2. Lexpression est emprunte Jean-Louis Laville (1992).

  • L E S R E L A T I O N S P R O F E S S I O N N E L L E S A U C U R D E S E N J E U X D E L A G R H | 1 1

    2 | Lobjet de la recherche

    Lobjet de la recherche est donc de saisir ces enjeux qui apparaissent stimulants aussi bien pour la pratique de

    la gestion des ressources humaines en entreprise que pour la recherche en sciences de gestion.

    Selon Florence Allard-Posi & Garance Marchal, [] les problmes ne nous sont pas donns par la

    ralit, nous les inventons, les construisons, et ce, quel que soit le projet de connaissance du chercheur (2007,

    p. 35). Plus loin, les auteures ajoutent que [p]our un chercheur positiviste, lobjet de la recherche consiste

    principalement interroger des faits afin den dcouvrir la structure sous-jacente (ibid., p. 39 sq.).

    La problmatique qui anime cette recherche est donc la suivante :

    Quelle est linfluence des institutions reprsentatives du personnel sur lutilisation de pratiques mobilisatrices de gestion des ressources humaines dans les tablissements de France ?

    En dautres termes, il sagit dtudier en quoi lexistence dans lentreprise de certains acteurs, investis dun

    mandat de reprsentation collective quils peuvent exercer ou non travers diffrentes activits,

    influencent les pratiques de gestion des ressources humaines. En ce sens, ce travail porte sur les contenus (les

    pratiques de GRH) et non sur les processus qui conduisent leur laboration, leur adoption ou leur utilisation

    effective.

    3 |Cadre conceptuel de la recherche

    Le cadre conceptuel de la recherche sappuie sur les propositions de la gestion stratgique des ressources

    humaines et des relations industrielles.

    3.1 | PRATIQUES ET SYSTEMES DE PRATIQUES

    Une contribution importante du champ de la gestion stratgique des ressources humaines concerne la manire

    de conceptualiser linfluence des pratiques de GRH sur la performance de lentreprise. Dune part, il est propos

    que les pratiques mobilisatrices permettent une amlioration de la performance de lentreprise (Appelbaum et

    al., 2000).

    De lautre, il sagit de prendre en compte la manire dont ces pratiques sont combines au sein de systmes

    de pratiques, combinaison qui permettrait de dvelopper des liens de synergie entre les diffrentes pratiques.

    Les systmes de pratiques RH sont considrs comme la source dun avantage concurrentiel durable. En outre,

    les effets individuels des pratiques se cumulent par le biais de leur association cohrente pour atteindre des

    niveaux de performance levs (Delery & Doty, 1996).

  • 1 2 | I N T R O D U C T I O N G E N E R A L E

    3.2 | LE CHAMP DE RECHERCHE DES RELATIONS INDUSTRIELLES

    Les travaux raliss dans le champ de recherche des relations industrielles offrent des points dentre

    enrichissant pour expliquer les mcanismes par lesquels les IRP sont susceptibles dinfluencer les pratiques de

    GRH. Ces dernires sont ici apprhendes comme des rgles. Lobjet des relations professionnelles et

    dorganiser la conception, ladoption et la mise en uvre de ces rgles.

    Le modle exit/voice/loyalty (Freeman & Medoff, 1984) propose ainsi une explication qui fait intervenir un

    effet direct et un effet indirect du syndicalisme sur lentreprise. Le premier peut tre assimil un effet

    choc : le syndicalisme agit comme une contrainte qui pse sur les dcisions du management. Ce dernier peut

    tre amen modifier le contenu des pratiques de gestion quil utilise, dans le sens dune rduction de

    linefficience organisationnelle. Le second repose sur une dynamique de communication au sein de

    lentreprise : le syndicat agrge les prfrences des salaris quil exprime au management sous forme de

    revendications. Ce dernier peut alors oprer un tri parmi ces revendications et r-orienter les pratiques de

    gestion mises en uvre. Dans les deux cas, linfluence syndicale peut se traduire par une modification du

    contenu des pratiques de gestion.

    Dautre part, la thorie des dcisions stratgiques (Kochan, Cappelli, McKersie, 1984 ; Kochan, Katz &

    McKersie, 1986) offre une analyse qui fait intervenir linitiative du management dans linnovation en matire

    de gestion des ressources humaines. Linfluence syndicale se joue alors dans sa capacit orienter les dcisions

    mises en uvre. Elle intervient principalement travers des mcanismes de ngociation collective. Lintrt de

    ces propositions est quelles font intervenir la dimension stratgique du comportement des acteurs. Les

    propositions thoriques sarticulent autour de largument qui fait des stratgies coopratives les plus efficaces

    pour dgager des gains destination de toutes les parties prenantes (Walton &McKersie, 1965 ; Walton,

    Cutcher-Gershenfeld & McKersie, 1986).

    3 | Objectifs & mthodologie

    3.3 | OBJECTIFS

    La perspective qui est adopte ici est dabord descriptive et vise savoir si cette intervention dacteurs non

    managriaux a une incidence sur les pratiques de gestion des ressources humaines observes l o se nouent les

    interactions en matire de relations professionnelles (lentreprise et/ou ltablissement). Dautre part, elle se

    propose dexpliquer les conditions qui dterminent linfluence ou labsence dinfluence des acteurs incarnant

    les institutions reprsentatives du personnel.

  • L E S R E L A T I O N S P R O F E S S I O N N E L L E S A U C U R D E S E N J E U X D E L A G R H | 1 3

    3.3.1. UNE RECHERCHE DANS LE CONTEXTE FRANAIS

    Les travaux de Charles-Henri dArcimoles & Isabelle Huault (1998) soulignent que la mobilisation de cadres

    thoriques issus des relations industrielles doit faire lobjet dune contextualisation. Ils proposent doprer cette

    contextualisation en intgrant lanalyse des descripteurs et des facteurs de contingence importants

    lorigine de la varit des systmes de relations professionnelles.

    Nous souhaitons ainsi faire figurer dans notre dmarche des lments propres au systme franais. Plus

    prcisment, nous considrerons :

    La nature concurrentielle de la reprsentation des salaris. Cette concurrence se joue deux niveaux : plusieurs

    IRP, qui sont assignes des missions diffrentes, reprsentent les mmes salaris ; plusieurs organisations

    syndicales peuvent galement implanter des reprsentants au sein dun mme tablissement. Nous proposons

    ainsi une lecture qui distingue la prsence dIRP, les configurations dIRP et le pluralisme syndical au sein de

    ltablissement.

    Nous distinguons galement la prsence dIRP dans ltablissement de lactivit des IRP dans ltablissement

    dans la ligne de travaux rcents.

    Nous proposons enfin dtudier linfluence des stratgies mises en uvre par les IRP. Ce choix est notamment

    motiv par lexistence de nombreuses offres syndicales qui reposent sur des cadres idologiques et stratgiques

    singuliers.

    Enfin, nous intgrons notre projet de recherche lanalyse de linfluence des IRP sur lutilisation de

    pratiques mobilisatrices prises individuellement et linfluence des IRP sur lutilisation de systmes de pratiques

    mobilisatrices.

    3.4 | METHODOLOGIE

    Pour conduire cette recherche, nous nous sommes appuys sur une mthodologie de nature quantitative.

    Une tape importante est ainsi constitue par la mise en vidence de systmes de pratiques mobilisatrices.

    Loprationnalisation adopte permet de tenir compte de deux dimensions complmentaires :

    Lintensit du recours des pratiques mobilisatrices, conformment largument qui postule une relation

    croissante entre le nombre de pratiques mobilisatrices mises en uvre et la contribution du systme la

    performance de lentreprise.

    Lexistence de grappes de pratiques, qui a pour objet dvaluer linfluence des IRP sur lutilisation de pratiques

    combines de manire cohrente

    Les hypothses de recherche ont t testes laide de modles de rgression logistique, qui mettent

    profit la base de donnes constitue par la version 20042005 de lenqute REPONSE (Relations

    Professionnelles et Ngociations dEntreprise).

  • 1 4 | I N T R O D U C T I O N G E N E R A L E

    4 | Contributions et organisation de la recherche

    4.1 | CONTRIBUTIONS DE LA RECHERCHE

    Ce travail doctoral permet dapporter trois types de contribution la connaissance de linfluence des IRP sur les

    pratiques de GRH

    Des contributions thoriques, travers la mise en perspectives des contributions complmentaires issues des

    relations industrielles et de la gestion stratgique des ressources humaines dune part, et de la contextualisation

    des modles thoriques au cas franais

    Des contributions mthodologiques, par la prise en considration de linfluence de diffrentes mesures de la

    prsence, de lactivit et des stratgies des IRP dune part, et diffrentes mesures de lutilisation de pratiques

    mobilisatrices dautre part

    Des contributions managriales, qui permettent dclairer les conditions dans lesquelles les IRP peuvent tre

    considres comme des dterminants de lutilisation de pratiques et de systmes de pratiques mobilisatrices.

    4.2 | ORGANISATION DE LA RECHERCHE

    Ce travail doctoral est articul autour de quatre chapitres. Chacun deux rpond un objectif particulier qui doit

    alimenter et enrichir diffrents aspects de la recherche.

    Le chapitre premier propose une contextualisation des enjeux qui animent le systme de relations

    professionnelles franais. Il a vocation prsenter le contexte juridique des relations professionnelles, les

    acteurs de la reprsentation des salaris dans lentreprise et la manire dont ils font vivre les institutions du

    dialogue social.

    Le chapitre II consiste en une revue de littrature des apports thoriques et empiriques concernant les

    pratiques mobilisatrices et linfluence des institutions reprsentatives du personnel sur les pratiques de GRH.

    Dans un premier temps, il sagit de prsenter ce quil faut entendre par pratiques mobilisatrices. Cette

    prsentation fait merger un enjeu qui lie directement ces pratiques aux IRP. En effet, des vues opposes

    existent qui les prsentent comme concurrentes ou complmentaires. Le regard se porte ensuite sur lexamen

    des propositions thoriques qui sintressent aux mcanismes par lesquels les reprsentants des salaris

    influencent lorganisation et les pratiques de GRH en particulier. Enfin, nous proposons une synthse logique de

    la littrature empirique.

    Le chapitre III prsente le cadre thorique et conceptuel mobilis pour alimenter notre question de

    recherche. Le champ de la gestion stratgique des ressources humaines permet doprer une distinction entre

    pratiques et systmes de pratiques mobilisatrices de GRH. Le champ des relations industrielles invite rpondre

    la problmatique par une interrogation de linfluence de la prsence, de lactivit et des stratgies des IRP. En

  • L E S R E L A T I O N S P R O F E S S I O N N E L L E S A U C U R D E S E N J E U X D E L A G R H | 1 5

    outre, certains enjeux spcifiques au contexte franais sont intgrs lanalyse, plus prcisment les

    possibilits laisses ouvertes par le cadre lgal dune reprsentation plurielle des salaris, par diffrentes IRP ou

    par diffrentes organisations syndicales au sein dune mme IRP. Le choix dappliquer une mthodologie

    quantitative, ralise partir de modles de rgressions logistiques, apparat justifier au regard des thories

    mobilises et de la mobilisation dun objet de recherche portant sur des contenus.

    Le chapitre IV expose les rsultats de la recherche. La discussion des rsultats permet de nourrir la

    rflexion dun point de vue thorique dune part, et la lumire des volutions juridiques rcentes dautre part.

  • P R E M I E R E P A R T I E

    R E V U E D E L I T T R A T U R E

    RELATIONS PROFESSIONNELLES & GESTION DES RESSOURCES HUMAINES Contextes et enjeux

    c h a p i t r e I c h a p i t r e I I

    C O N F L I T S & D I A L O G U E S C O N T R A I N T E S & P A R T E N A R I A T S

    Relations professionnelles et gestion des ressources humaines dans le contexte franais

    Linfluence des institutions reprsentatives du personnel sur les pratiques de gestion des ressources humaines

  • C H A P I T R E P R E M I E R

    CONFLITS & DIALOGUES Relations professionnelles en entreprise et gestion des ressources humaines dans le contexte franais

    P L A N

    S E C T I O N I

    DE LA RELATION DEMPLOI AUX RELATIONS PROFESSIONNELLES 21 LES FONDEMENTS JURIDIQUES DU SYSTEME FRANAIS

    1 | LA RELATION DEMPLOI DANS LE DROIT DU TRAVAIL FRANAIS 21 LINEGALITE INDIVIDUELLE COMPENSEE PAR DES DROITS COLLECTIFS A | La subordination de la volont du travailleur salari, source d ingalit entre gaux 21 B | Lautonomie collective et louverture dun champ daction pour les relations professionnelles 21

    1 | Compenser le dsquilibre : droit de participation, droit dexpression et droit la ngociation collective 21

    2 | Protection des salaris et amlioration des rgles existantes : ordre public social et principe de faveur 21

    C | Conventions et accords collectifs, concrtisation des droits collectifs des salaris 21

  • 2 2 | C H A P I T R E P R E M I E R

    1 | Conventions et accords collectifs, sources de droit ngocies 22

    2 | La nature juridique des conventions et accords collectifs : source dgalit entre les salaris 22

    2 | ACTEURS & ACTIONS 22 LES INSTITUTIONS REPRESENTATIVES DU PERSONNEL ET LA NEGOCIATION COLLECTIVE AU NIVEAU DE LENTREPRISE A | Qui pour agir, agir pour qui ? 22

    1 | La reprsentativit syndicale value par laudience lectorale 22

    2 | Cadre de la reprsentation des salaris et lections professionnelles, moyens de la dmocratie sociale au niveau de lentreprise 22

    B | Comment agir ? Les institutions reprsentatives du personnel et la ngociation collective au niveau de lentreprise 22

  • P L A N | 2 3

    1 | Les institutions reprsentatives du personnel : une spcialisation prvue par les textes 23

    1.1 | LES INSTITUTIONS REPRESENTATIVES DU PERSONNEL ELUES PAR LES SALARIES : RECLAMATIONS, INFORMATION ET CONSULTATION 23

    1.1.1. COMITE DENTREPRISE, COMITE CENTRAL DENTREPRISE, COMITE DETABLISSEMENT ET COMITE DE GROUPE : INFORMATION ET CONSULTATION EN MATIERE ECONOMIQUE, GESTION DES ACTIVITES SOCIALES ET CULTURELLES 23

    1.1.2. DELEGUES DU PERSONNEL ET DELEGATION UNIQUE DU PERSONNEL : RECLAMATIONS ET PROTECTION DES SALARIES A TRAVERS UN DIALOGUE AVEC LEMPLOYEUR FORTEMENT ENCADRE PAR LA LOI 23

    1.1.3. LE COMITE DHYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL 23

    1.2 | LES ORGANISATIONS SYNDICALES PROFESSIONNELLES DE SALARIES 23

    1.2.1. LIBERTE SYNDICALE ET ACTION DE SUBSTITUTION : DEFENSE DES INTERETS INDIVIDUELS ET COLLECTIFS 23

    1.2.2. LES DIFFERENTES FORMES DE LA PRESENCE SYNDICALE DANS LENTREPRISE 23

    1.2.3. LE SALARIE MANDATE 23

    2 | La ngociation collective au niveau de lentreprise ou de ltablissement : apparition de nouveaux acteurs et largissement des thmes 23

    2.1 | LE PRINCIPE : LA REPRESENTATION DES SALARIES PAR LES DELEGUES SYNDICAUX 23

  • 2 4 | C H A P I T R E P R E M I E R

    2.2 | LEXCEPTION : LA COMPETENCE SUBSIDIAIRE DE NOUVEAUX ACTEURS EN MATIERE DE NEGOCIATION COLLECTIVE DENTREPRISE 24

    2.2.1. LA PARTICIPATION DES REPRESENTANTS ELUS A LA NEGOCIATION COLLECTIVE DENTREPRISE 24

    2.2.2. LA PARTICIPATION DU SALARIE MANDATE A LA NEGOCIATION COLLECTIVE DENTREPRISE 24

    2.2.3. LA PARTICIPATION DU RESPONSABLE DE SECTION SYNDICALE A LA NEGOCIATION COLLECTIVE DENTREPRISE 24

    2.3 | LOBJET DE LA NEGOCIATION : OBLIGATIONS PERIODIQUES ET APPARITION DE NOUVELLES THEMATIQUES 24

    S E C T I O N I I

    LES INSTITUTIONS & LEURS ACTEURS 24 STRUCTURATION HISTORIQUE ET PRATIQUES DES RELATIONS PROFESSIONNELLES EN ENTREPRISE

    1 | LES ACTEURS DES RELATIONS PROFESSIONNELLES EN ENTREPRISE 24 SYNDICALISMES DE SALARIES

    A | Les origines et la diversit des syndicats : un syndicalisme la franaise ? 24

    1 | Le mouvement ouvrier en France : origines et structuration du syndicalisme franais 24

    1.1. UN SYNDICALISME HERITIER DE LA CLANDESTINITE ET HISTORIQUEMENT DIVISE 24

  • P L A N | 2 5

    1.2. DES ORIGINES AUX ANNEES 1970 : AU-DELA DES DIVISIONS, UN SYNDICALISME PRODUCTEUR DIDENTITES COLLECTIVES 25

    2 | Organisations syndicales et partis politiques : une indpendance proclame mais ambigu 25

    3 | L miettement syndical : des idologies irrconciliables ? 25

    3.1. LE SYNDICALISME DORIGINE OUVRIERE 25

    3.1.1. LA CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL : 18951906, UNE FRAGILE UNIFICATION 25

    3.1.2. LA CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL : 19061947, LES OCCASIONS MANQUEES 25

    3.1.3. LA CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL DE 1945 A 1995 : DE LA TUTELLE COMMUNISTE AUX PREMICES DE LEMANCIPATION 25

    3.1.4. LA CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL DEPUIS LE DEBUT DES ANNEES 1990 : DE LEMANCIPATION A LEGARD DU PARTI COMMUNISME AU DEFI DE LA MODERNISATION 25

    3.1.5. LA CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL-FORCE OUVRIERE : DU DIALOGUE A LA RADICALISATION, LA PRIORITE A LA POLITIQUE CONTRACTUELLE ? 25

    3.2. LE SYNDICALISME DINSPIRATION CHRETIENNE 25

    3.2.1. LA LIGNEE CFTCCFDT 25

  • 2 6 | C H A P I T R E P R E M I E R

    3.2.2. LA CFTC MAINTENUE , LA RELATION DEMPLOI AU CUR DE LA VIE DU TRAVAILLEUR 26

    3.3. LE SYNDICALISME DE LENCADREMENT : LA CONFEDERATION FRANAISE DE LENCADREMENT-CONFEDERATION GENERALE DES CADRES 26

    3.4. LE SYNDICALISME AUTONOME ET INDEPENDANT 26

    3.4.1. LE SYNDICALISME SOLIDAIRES : LALTERNATIVE RADICALE DE LUSS 26

    3.4.2. LE SYNDICALISME AUTONOME : EMERGENCE ET DEVELOPPEMENT DE LUNION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES 26

    B | Le syndicalisme franais aujourdhui : crises ou lendemain de crise ? 26

  • P L A N | 2 7

    1 | Quest-ce que la crise du syndicalisme ? 27

    1.1. LES DIFFERENTES APPROCHES DE LA CROISSANCE ET DU DECLIN SYNDICAL 27

    1.2. LES CAUSES EXOGENES DE LA CRISE DU SYNDICALISME FRANAIS 27

    1.3. LES CAUSES ENDOGENES DE LA CRISE DU SYNDICALISME FRANAIS 27

    2 | Paradoxes et nuances : lments complmentaires concernant le syndicalisme franais 27

    2.1. FAIBLESSE DES EFFECTIFS, FAIBLESSE SYNDICALE ? DECLIN DE LA SYNDICALISATION, AUDIENCE ELECTORALE ET IMPLANTATION SYNDICALE 27

    2.1.1. LES LIMITES DE LEXPLICATION DE LA SYNDICALISATION PAR LE MODELE DE MANCUR OLSON 27

    2.2.2. STABILISATION DU TAUX DE SYNDICALISATION DEPUIS LES ANNEES 1990, DISPARITES DE LA PRESENCE SYNDICALE ET IMPORTANCE DES FORMES DORGANISATION DU TRAVAIL 27

    2.2.3. UN REBOND DE LIMPLANTATION SYNDICALE ? LES CONFIGURATIONS DINSTITUTIONS REPRESENTATIVES DU PERSONNEL 27

    2.2 | TRANSFORMATION DE LA SOCIETE ET QUOTIDIENNETE DE LACTION SYNDICALE DANS LENTREPRISE : PROBLEME DE LIEU, PROBLEME DE TEMPS 27

    a) Varits et variations 27

    b) Centrales syndicales et sections dentreprise, organisations syndicales et salaris : loignements et lgitimit27

  • 2 8 | C H A P I T R E P R E M I E R

    c) Les nouvelles formes de mobilisation collective et lindividualisation des rapports sociaux 28

    C | Les difficults des organisations syndicales : une exception franaise ? 28

  • P L A N | 2 9

    3.1 | LA DECENTRALISATION DES RELATIONS PROFESSIONNELLES : DES ENJEUX VARIABLES SELON LES CONTEXTES NATIONAUX 29

    3.1.1. LA DECENTRALISATION DES RELATIONS PROFESSIONNELLES DANS LES SYSTEMES STAKEHOLDERS-ORIENTED 29

    a) La dcentralisation des relations professionnelles en Allemagne : la perte de vitesse de la ngociation sectorielle 29

    b) La dcentralisation de la ngociation collective en Sude : une division du travail entre ngociation sectorielle et ngociation dentreprise, fonde sur le droit la co-dtermination 29

    3.1.2. LA DECENTRALISATION DANS LES SYSTEMES ANGLO-SAXONS : ENTRE CONCESSION BARGAINING ET COOPERATION 29

    a) La transformation des relations professionnelles amricaines 29

    b) Les difficults de la ngociation collective au Royaume-Uni 29

    3.2 | LE DECLIN DE LA SYNDICALISATION ET DE LA CAPACITE DACTION SYNDICALE, PHENOMENE INTERNATIONAL ET ANCIEN 29

    3.2.1. DYNAMIQUES DE LA SYNDICALISATION DANS LES ECONOMIES STAKEHOLDERS-ORIENTED 29

    a) La rponse la dsyndicalisation en Allemagne : fusions, centralisme et nouveau rle des organisations syndicales 29

    b) La dsyndicalisation en Sude, un phnomne rcent li la rforme de lassurance-chmage 29

    3.2.2. LA REPONSE A LA DESYNDICALISATION AUX TATS-UNIS ET AU ROYAUME-UNI 29

    a) Les tats-Unis 29

  • 3 0 | C H A P I T R E P R E M I E R

    b) La perte de vitesse du syndicalisme britannique depuis les annes Thatcher 30

    S E C T I O N I I I

    LA DYNAMIQUE DES INSTITUTIONS 30 STRUCTURATION HISTORIQUE DU SYSTEME JURIDIQUE ET PRATIQUES DES RELATIONS PROFESSIONNELLES EN ENTREPRISE DANS LE CONTEXTE FRANAIS

    1 | LA STRUCTURATION HISTORIQUE DU SYSTEME JURIDIQUE 30 DU SILENCE A LA PAROLE DES SALARIES, VERS DES NOUVEAUX ENJEUX POUR LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES A | Lmergence et la construction du systme traditionnel de relations professionnelles 30

    1 | 17911936 : une longue marche vers la citoyennet dans lentreprise 30

    2 | 19361982 : linstitutionnalisation de la reprsentation des salaris et de la ngociation collective dans lentreprise 30

    2.1 | INSTITUTIONS ELUES, INSTITUTIONS DESIGNEES : GENESE DUN SYSTEME DUAL 30

    2.2 | DU DROIT DE LA NEGOCIATION COLLECTIVE AU DROIT A LA NEGOCIATION COLLECTIVE 30

    B | Le systme de relations professionnelles aujourdhui : entre dcentralisation, flexibilit et lgitimit 30

  • P L A N | 3 1

    1 | Des lois Auroux aux lois Aubry : dveloppement, incitation , et affirmation de la ngociation collective dentreprise 31

    1.1 | CONCILIER LAFFIRMATION DE LA CITOYENNETE DANS LENTREPRISE ET LACCOMPAGNEMENT DE LEVOLUTION DES MODES DE PRODUCTION ET DES PRATIQUES DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES 31

    1.2 | LA NEGOCIATION COLLECTIVE DENTREPRISE, COURROIE DE TRANSMISSION DE LA FLEXIBILITE ? 31

    2 | La ngociation collective dentreprise, mthode d autorglementation conventionnelle en mutation 31

    2 | LA NEGOCIATION COLLECTIVE DENTREPRISE 31 UN ETAT DES LIEUX A | Lessor quantitatif de la ngociation collective dentreprise 31 B | Limpact de la prsence dinstitutions reprsentatives du personnel et la question des taux de signature 31 C | La persistance de difficults 31

  • 3 2 | C H A P I T R E P R E M I E R

    1 | Les nouveaux enjeux de larticulation des niveaux de ngociation collective : quels liens entre la branche et lentreprise ? 32

    1.1 | LEVOLUTION DE LA NEGOCIATION COLLECTIVE AU NIVEAU DES BRANCHES DACTIVITES 32

    1.2 | ET DE SON ARTICULATION A LA NEGOCIATION COLLECTIVE DENTREPRISE 32

    2 | Importances des incitations lgales, dveloppement ingal 32

    3 | La ngociation collective et ses acteurs : jeux de pouvoir, dtournements 32

    C O N C L U S I O N

    CONFLITS & DIALOGUES 32 LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES AU CUR DES ENJEUX DE LACCOMPAGNEMENT DE LA MODERNISATION DU DIALOGUE SOCIAL, LA MODERNISATION DU DIALOGUE SOCIAL AU CUR DES ENJEUX DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

  • C H A P I T R E P R E M I E R

    CONFLITS & DIALOGUES Relations professionnelles en entreprise et gestion des ressources humaines dans le contexte franais

    LE S OC IO LOG UE FR AN AIS Michel Lallement (1996b, p. 3) dfinit les relations professionnelles comme

    lensemble des pratiques et des rgles qui, dans une entreprise, une branche, une rgion ou lconomie tout

    entire, structurent les rapports entre les salaris, les employeurs et ltat. travers cette dfinition, on peut

    mettre en lumire les diffrents lments qui articulent ce chapitre.

    En premier lieu, les relations professionnelles sont un ensemble de rgles procdurales et substantielles qui

    visent organiser les interactions entre les diffrents acteurs du systme. Ces rgles ont deux particularits.

    Une partie dentre elles a pour fonction ddicter les modalits de fonctionnement du systme de relations

    professionnelles. Une autre partie est cre par les acteurs des relations professionnelles eux-mmes, grce

    des procdures de ngociation collective, et vise enrichir les sources juridiques. Selon cette dfinition, les

    rgles sont donc la fois le cadre et lobjet des relations professionnelles.

    En second lieu, les relations professionnelles sont un ensemble de pratiques. Ces pratiques recouvrent

    diverses dimensions. Les pratiques concernent le rapport aux rgles des acteurs, qui mettent en uvre des

    manires spcifiques de les faire vivre. En ce sens, on peut dire quil existe une diffrence entre laccord

    collectif (la rgle) et la ngociation (un des processus qui y conduit), de mme quil peut exister une diffrence

    entre la lettre de la rgle et la faon dont elle est applique (Reynaud, 1989). La pratique des relations

    professionnelles renvoie aussi sa technique, aux stratgies et aux tactiques adoptes par les acteurs, quelles

    se dfinissent au niveau dune politique gnrale ou au niveau oprationnel.

    En troisime lieu, les relations professionnelles consistent en la runion de plusieurs acteurs, dont certains

    ont la particularit dtre des acteurs collectifs, cest--dire de porter, travers un mandat, la reprsentation des

    intrts dautres acteurs. Ils sexpriment et agissent ou, du moins, sont censs sexprimer et agir au nom

    et pour le compte de ceux quils reprsentent. Entre tous ces acteurs se nouent des relations de pouvoir : les

    relations professionnelles, comme outil de rgulation, servent rgler la fois le dsquilibre de pouvoir et le

    conflit dintrts qui sont juridiquement rputs exister, en vertu de la subordination de lun lautre, entre

    lemployeur et le salari. En outre, ces acteurs possdent une identit, et leurs actions sinscrivent dans une

    histoire.

  • 3 4 | C H A P I T R E P R E M I E R

    Enfin, le systme franais de relations professionnelles a connu, depuis le dbut des annes 1980, des

    volutions majeures. Le lgislateur a fait preuve dune volont constante de promouvoir la ngociation

    collective au niveau de lentreprise, cest--dire de dcentraliser les procdures de ngociation. Cette dernire

    est conue comme un moyen de permettre aux salaris lexercice de la dmocratie sur leur lieu de travail, en

    participant llaboration des rgles qui gouvernent leurs conditions de travail et demploi. La ngociation

    dentreprise est aussi un outil daccompagnement de la modernisation des entreprises, car elle permet

    ladaptation des rgles gnrales du droit commun la situation particulire de lentreprise. Cette adaptation est

    donc ralise par des processus de ngociation collective conduits par les directions dentreprise et

    gnralement des reprsentants du personnel. Une deuxime orientation des rformes juridiques a ainsi

    consist revisiter les rgles encadrant la reprsentativit des institutions reprsentatives du personnel, de

    manire garantir leur lgitimit en tant quacteurs de la ngociation collective ; et, in fine, la lgitimit des

    rgles ainsi ngocies.

    En consquence, la gestion des relations professionnelles est devenue un enjeu majeur pour les praticiens de

    la gestion en entreprise. En effet, la consquence fondamentale des volutions juridiques que nous venons de

    prsenter brivement est la transformation des rgles produites par la ngociation collective : dun compromis

    sur lamlioration de certaines conditions demploi en particulier la rmunration elles sont devenues

    linstrument principal de lautonomisation de lentreprise lgard du droit commun. Aussi, la conduite de la

    ngociation collective devient, pour lentreprise, une activit stratgique de dtermination des rgles du jeu .

    La gestion des ressources humaines est intresse au premier chef : de nombreux thmes soumis une

    obligation lgale de ngocier avec les reprsentants des salaris concernent ses pratiques salaires, galit

    professionnelle, pargne salariale, gestion prvisionnelle des emplois et des comptences, formation et

    validation des acquis de lexprience, etc.

    Ce premier chapitre a galement valeur de contextualisation. ce titre, il a donc vocation faire merger

    les enjeux propres au systme franais de relations professionnelles, sans pour autant sinscrire dans une

    dmarche comparative systmatique. Il existe dailleurs un dbat acadmique quant savoir si le systme

    franais de relations professionnelles constitue en soi une singularit et qui conclut que, si sa spcificit a t

    exagre, il prsente nanmoins plusieurs traits distinctifs (Rojot, 1977 ; Amadieu, 1989b ; Amadieu, 1995).

    On remarquera galement que ces remarques ont t formules antrieurement lintroduction de plusieurs

    innovations juridiques majeures en matire de ngociation collective dentreprise (loi Robien, lois Aubry I et II,

    loi Fillon, loi Larcher, loi du 20 aot 2008, etc.).

    Le systme franais de relations professionnelles peut tre prsent travers trois traits. Son articulation

    juridique est dabord le produit dune double dialectique : le conflit entre des droits individuels et une

    reprsentation collective des intrts des salaris ; le dveloppement du dialogue social comme moyen de se

    prmunir du conflit (section I). Parmi les acteurs qui font vivre le systme, les organisations syndicales

    professionnelles de salaris sont celles qui retiendront en particulier notre attention (section II). La construction

    historique du systme franais de relations professionnelles repose en outre sur une dynamique alimente par

    des conflits sociaux dampleur, auxquels les introductions successives de nouveaux outils juridiques souhaitent

  • C O N F L I T S & D I A L O G U E S | 35

    apporter une rponse. Depuis trente ans nanmoins, la logique semble tre inverse : les rformes du cadre

    juridique sinscrivent dans la promotion du dialogue social. En pratique, la conflictualit demeure une

    caractristique prgnante du systme franais, bien quelle prenne de nouveaux atours. Cela ne signifie pas

    pour autant que la ngociation na pas voix au chapitre ; au contraire, on observe un important dveloppement

    quantitatif entre le dbut des annes 1980 et le milieu de annes 2000, qui ne masque pas, toutefois, certaines

    difficults (section III).

  • 3 6 | C H A P I T R E P R E M I E R

    S E C T I O N I

    DE LA RELATION DEMPLOI AUX RELATIONS PROFESSIONNELLES LES FONDEMENTS JURIDIQUES DU SYSTEME FRANAIS

    Si lon porte un regard rtrospectif sur la construction du cadre juridique que constitue le droit social franais,

    on peut remarquer que son dveloppement possde deux caractristiques. Dune part, il sest produit par -

    coups et son objet sest lentement dplac du contrle de la force de travail vers le dveloppement de la

    dmocratie sociale en entreprise. Dautre part, la grande majorit de ses dispositions sont de nature dfensive,

    protectrice des travailleurs. Chaque innovation juridique constitue donc une rponse aux enjeux successifs

    engendrs par la naissance, lvolution et la sophistication de la relation de subordination entre lemployeur et

    le travailleur. Le droit des relations collectives de travail, cest--dire le droit syndical et le droit de la

    ngociation collective, sinscrivent galement dans cette perspective.

    Prsenter larchitecture de notre systme de relations professionnelles requiert ainsi un bref retour sur leur

    traitement par le droit (1) afin dexposer les enjeux centraux de la relation demploi et les fondements

    juridiques du systme sans se borner une numration de rgles. Nous rappellerons ainsi en quoi les

    institutions reprsentatives du personnel sont le produit de droits dont lambition est de compenser au niveau

    collectif lingalit inhrente la relation de travail au plan individuel, compensation qui prend la forme de

    lexercice collectif de droits de participation la prise de dcision et de llaboration des conditions demploi,

    en particulier grce la ngociation collective. Dans un second temps, nous prsenterons les principaux acteurs

    et mcanismes qui encadrent les relations professionnelles en entreprise (2).

  • C O N F L I T S & D I A L O G U E S | 37

    1 | LA RELATION DEMPLOI DANS LE DROIT DU TRAVAIL FRANAIS LINEGALITE INDIVIDUELLE COMPENSEE PAR DES DROITS COLLECTIFS

    Au regard des autres disciplines juridiques, le droit du travail est rcent : il a connu la majeure partie de son

    dveloppement au cours du XXe sicle, et le premier Code du travail ne fut institu quen 19103. Les premires

    tapes de sa construction reposent sur la volont du lgislateur de donner un cadre au travail salari, dans un

    contexte de monte des revendications syndicales, une poque o le tissu productif franais, sans tre

    dpourvu de grandes entreprises, est caractris par le modle traditionnel de la petite entreprise indpendante

    gestion familiale (Bernstein & Milza, 1996a, p. 155) et o environ un tiers de la population active

    appartient la branche industrielle (Prost, 1979). Lvolution du droit du travail est galement lie lvolution

    de la socit : au 31 dcembre 2009, selon les estimations de lINSEE, lemploi salari reprsentait 90,8% de

    lemploi total ; dit autrement, plus de 83% de la population active occupaient un emploi salari 4.

    Le droit du travail se caractrise par un rapport instrumental la loi, cest--dire lutilisation de la loi

    comme outil de politique conomique ou comme moyen de politique sociale (Olszak, 1999, p. 4). Pour tenir

    ce rle, il a eu rsoudre le dilemme de lingalit entre salari et employeur qui dcoule de la subordination

    inhrente la relation demploi (A). Il a ainsi fallu compenser au niveau collectif un dsquilibre individuel, ce

    qui a donn lieu llaboration de droits permettant la rconciliation de lautonomie et de la subordination (B).

    A | La subordination de la volont du travailleur salari, source d ingalit entre gaux

    Le droit du travail est une partie du droit social qui a vocation rgir les rapports individuels et collectifs

    rsultant dun contrat de travail (Mazeaud, 2006, p. 11). Il se caractrise par sa finalit sociale et a pour

    fondement la relation demploi qui se noue entre le salari et lemployeur. La relation demploi se concrtise

    par lexistence dun contrat de travail dont lobjectif est de garantir lexcution des obligations qui

    accompagnent cette relation, savoir la scurit physique du travailleur, la prservation du lien demploi et la

    loyaut dans lexercice des missions confies au salari. Le contrat de travail connat diffrentes formes en

    raison de la possibilit de fixer un terme son excution. Ainsi, le contrat dure indtermine (CDI) temps

    complet est la norme depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, bien quon observe depuis les annes 1970 le

    dveloppement de formes atypiques demploi (contrats dure dtermine, temps partiel, travail intrimaire,

    etc.5).

    3. Loi du 28 dcembre 1910. 4. Les dfinitions utilises par lINSEE sont disponibles sur le site www.insee.fr, rubrique Dfinitions et mthodes . Les chiffres

    prsents sont disponibles sur le mme site, rubrique Travail-Emploi , section Emploi salari et non salari au 31 dcembre . 5. En 2009, sur lensemble des 15 ans ou plus, 77,9% des personnes en emploi taient salaris en CDI, 8,2% en CDD(contrat dure

    dtermine) et 1,6% taient intrimaires. Toutefois, pour les personnes en emploi de la tranche 1524 ans, on ne comptait plus que

  • 3 8 | C H A P I T R E P R E M I E R

    La dfinition du contrat de travail na pas t fixe par la loi mais dcoule de la systmatisation de la

    jurisprudence. Le contrat de travail est ainsi une convention qui a pour objet la mise disposition dune

    personne sous la subordination dune autre, afin dexercer un activit rmunre (Mazeaud, 2006, p. 287).

    Cette dimension contractuelle signifie que les parties sobligent mutuellement : la rencontre des volonts

    individuelles autonomes fonde la rciprocit des engagements entre employeur et salari le langage

    juridique retient le terme de contrat synallagmatique. Or, le contrat de travail repose sur le critre de la

    subordination, cest--dire sur la reconnaissance dune relation dingalit consentie, de nature hirarchique,

    entre les parties. La notion de subordination a t dgage par la Cour de cassation en 1931 6 et sa dfinition

    actuelle rpond aux termes dun arrt de 1996 7 : elle est caractrise par lexcution dun travail sous

    lautorit de lemployeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, den contrler lexcution et

    de sanctionner les manquements de son subordonn. La qualification dun contrat comme contrat de travail,

    travers la subordination de la volont, constitue le point de dpart de lapplication du droit du travail.

    Cest prcisment cette ingalit sur le plan individuel qui est lorigine de lossature juridique du droit du

    travail et des relations professionnelles. Lesprit de la Rvolution de 1789 avait plac le droit des contrats et des

    obligations sous lgide de la libre volont des parties : initialement, la nature du travail ntait donc pas

    diffrente de celle des autres objets contractuels et le libre consentement du salari la signature du contrat

    suffisait rendre son contenu licite. Les XIXe et XXe sicles, au contraire, ont vu se multiplier les interventions

    du lgislateur. La raison principale de ces interventions rside dans la ncessit de rsoudre la tension entre

    le droit des obligations, qui administre lchange travail-rmunration et qui exige que les parties soient gales,

    et le droit des personnes qui lgitime la relation de subordination (Supiot, 1994).

    La jurisprudence donne, nous lavons vu, une dfinition de la subordination qui consiste circonscrire

    ltendue de la soumission de la volont du salari. Ces limites poses par le juge sont celles du pouvoir de

    lemployeur : pouvoir de direction et de rvision des conditions de travail, pouvoir de sanction disciplinaire,

    pouvoir de contrle, dvaluation et de surveillance des salaris. Ainsi, la nature du lien juridique qui unit

    salari et employeur nest pas seule en cause : le dsquilibre entre les parties provient aussi des effets de la

    subordination, cest--dire du pouvoir patronal.

    * * *

    Un rquilibrage de ce quon pourrait qualifier de situation d ingalit entre gaux est donc ncessaire pour

    assurer la cohrence du droit (lautonomie de la volont est essentielle la libert de contracter, mais la

    soumission de la volont est essentielle la subordination) et la protection des salaris face ltendue des

    pouvoirs de lemployeur (on parle de fonction tutlaire du droit du travail) : cest la justification qui a gouvern

    linstitution de droits collectifs .

    49,3% de salaris en CDI pour 27,3% de salaris en CDD et 5,2% dintrimaires (source : www.insee.fr, rubrique Travail-Emploi , section Caractristiques de lemploi ).

    6. Cass. civ., 6 juillet 1931. 7. Cass. soc., 13 novembre 1996.

  • C O N F L I T S & D I A L O G U E S | 39

    B | Lautonomie collective et louverture dun champ daction pour les relations professionnelles

    La compensation du dsquilibre dans la relation demploi prend la forme dun ensemble de droits accords

    aux salaris (1). Elle repose sur lexistence de limites imposes par la loi lordre public social et dun

    moyen daction qui permet lamnagement des rgles existantes le principe de faveur (2).

    1 | Compenser le dsquilibre : droit de participation, droit dexpression et droit la ngociation collective

    Le prambule de la Constitution de 1946, repris par la Constitution du 4 octobre 1958, dicte, en plus du droit

    lobtention dun emploi, du droit la syndicalisation et du droit de grve (respectivement en ses alinas 5, 6 et

    7), le droit de participation : Tout travailleur participe, par lintermdiaire de ses dlgus, la dtermination

    collective des conditions de travail ainsi qu la gestion des entreprises (alina 8). Dautre part, la loi no71

    561 du 13 juillet 1971 dispose le droit des travailleurs la ngociation collective de lensemble de leurs

    conditions de travail et de leurs garanties sociales (art. 1er, alina 2). Enfin, la loi n82689 du 4 aot 1982

    tablit les droits dexpression directe et indirecte (cest--dire par le biais de reprsentants) des salaris sur leurs

    conditions de travail8. Elles ont galement pour point commun lobjectif de promouvoir les droits des

    travailleurs et le dveloppement de la dmocratie au-del du seul espace politique, cest --dire dans

    lentreprise.

    Ces droits sont frquemment qualifis de droits collectifs , bien quil nexiste pas de dfinition exacte de

    la notion, car les sciences juridiques ne reconnaissent que des droits individuels (Charette, 1997). Du strict

    point de vue du droit, il sagit de droits individuels qui permettent aux travailleurs de bnficier collectivement

    de lautonomie dont ils sont privs individuellement par le contrat de travail, en raison de leur condition de

    salari (Morin, 1994). Cest en vertu de ces droits collectifs que les salaris, les employeurs et leurs

    reprsentants peuvent, grce la ngociation collective, crer des normes conventionnelles autonomes : les

    conventions et accords collectifs. Les droits collectifs fondent galement lautonomie collective reconnue par

    ltat aux partenaires sociaux et qui permet ces derniers de crer des rgles sources de droit du travail. Le

    systme franais de relations professionnelles se caractrise ainsi par un rapport instrumental au collectif

    (Morin, 1996) : il permet laccs individuel aux droits et avantages issus des mcanismes dexpression

    indirecte des salaris.

    8. On peut remarquer que ces dispositifs succdent chronologiquement des moments historiques et sociaux importants (respective-

    ment la fin de la Seconde guerre mondiale et linstitution de la IVe Rpublique, la cration de la Ve Rpublique, les consquences des vnements de mai 1968, llection de Franois Mitterrand la prsidence de la Rpublique), et ces avances sont souvent pr-sentes comme le rsultat de luttes sociales consacres par ltat. Norbert Olszak nuance fortement lide dune volution par -coups du droit du travail : les textes lgislatifs vcus comme des conqutes sociales sont souvent des textes discuts depuis long-temps et, dans bien des cas, se sont rvls fragiles , voire ont t modifis ou abrogs trs rapidement aprs leur adoption (ibid., p. 11 sq., propos de 1936, 1945 et 1968). Sur la mme question propos du rle des institutions reprsentatives du person-nel, cf. infra, section II, 2.

  • 4 0 | C H A P I T R E P R E M I E R

    2 | Protection des salaris et amlioration des rgles existantes : ordre public social et principe de faveur

    Lautonomie collective compense la perte dautonomie individuelle. Elle est garantie par ltat travers lordre

    public social, notion dgage par le Conseil dtat9, qui vise le contenu des normes conventionnelles

    autonomes. Il sagit dun ensemble de principes et de valeurs dont la force contraignante prexiste au pouvoir

    des volonts individuelles (Bonnechre, 2008, p. 25). En dautres termes, les normes conventionnelles

    autonomes du droit du travail sont soumises au respect de lordre public social afin de protger la partie la plus

    faible, en loccurrence le salari. Lordre public social est ainsi une limite infrieure infranchissable et constitue

    pour le lgislateur un moyen de garantir une galit a minima entre tous les salaris.

    Toutefois, bien que lordre social public soit impratif, les normes du droit du travail peuvent y droger,

    la condition que la drogation soit plus favorable au salari que les lois et rglements en vigueur 10. Cette

    drogabilit partielle est appele principe de faveur11. Il tablit une hirarchie des normes particulires au droit

    du travail : alors que le systme juridique franais repose sur une hirarchie strictement descendante (une

    norme de niveau infrieur ne peut pas contrevenir aux dispositions dune norme de niveau suprieur), seule

    sapplique en droit du travail la disposition la plus favorable au salari, par comparaison de norme norme,

    thme par thme 12.

    Dautre part, le principe de faveur rend possible lexercice de lautonomie collective car il permet

    lamlioration des rgles existantes, notamment par la ngociation collective (Supiot, 1994). Ainsi, la

    ngociation collective a initialement t conue en droit comme un outil dont lobjectif est la la recherche

    dun compromis portant sur des droits et avantages nouveaux au profit des travailleurs (Mazeaud, 2006, p.

    208) par le dialogue social (on parle daccords in melius).

    * * *

    Le systme franais de relations professionnelles dcoule dune construction juridique consistant compenser

    collectivement le dsquilibre individuel inhrent au contrat de travail. Cette compensation prend la forme de

    droits reconnus aux salaris, dont lexercice peut tre confi des reprsentants et qui lui permettent de

    participer, par leur intermdiaire, la cration de rgles du droit du travail autonomes : les conventions et

    accords collectifs.

    On note par ailleurs quil sagit, pour les salaris, dun droit la ngociation, et non dun droit de ngocier :

    le systme juridique organise la fois un droit de laccord collectif et un droit de la procdure de ngociation,

    laquelle spcifie quels sont les acteurs habilits intervenir en vertu de lexigence de reprsentativit. Cette

    architecture est due en partie la double nature des accords collectifs, la fois normes et contrats.

    9. CE, 22 mars 1973 (Assemble gnrale), avis n 310.108. Cet avis est galement lorigine du principe de faveur, cf. infra. 10. Certaines dispositions relvent toutefois dun ordre public absolu et ne peuvent tre modifies. Cest par exemple le cas du droit de

    grve ou encore des procdures de licenciement des reprsentants des salaris. 11. Pour les conventions et accords collectifs : art. L. 22511 C. tr. ; pour les contrats de travail : art. L. 22541 C. tr. 12. Cass. soc., 17 janvier 1996.

  • C O N F L I T S & D I A L O G U E S | 41

    C | Conventions et accords collectifs, concrtisation des droits collectifs des salaris

    Les conventions et accords collectifs sont les textes dont la signature rgulire entrane lapplication des rgles

    dfinies par les partenaires sociaux qui concourent leur ngociation. Larticle L. 22212 du Code du travail

    tablit une distinction fonde sur le champ dapplication matriel des textes : la convention collective porte sur

    lensemble des conditions demploi, de formation professionnelle et de travail des salaris, alors que laccord

    collectif ne concerne quune partie de ces thmes.

    Conventions et accords collectifs sont soumis au mme rgime juridique. Ils sont conclus par diffrents

    acteurs selon le niveau de ngociation collective auquel ils interviennent (1). Toutefois, il sagit de textes

    conventionnels particuliers dont la nature juridique est la fois celle dun contrat et dune loi, et dont lobjectif

    est de garantir lgalit des salaris face lexcution des dispositions ngocies (2).

    1 | Conventions et accords collectifs, sources de droit ngocies

    Larticle 1134 du Code civil (alina 1er) dispose que les conventions lgalement formes tiennent lieu de loi

    ceux qui les ont faites et ce rgime sapplique aux conventions et accords collectifs. Ils sont des outils

    permettant la cration de rgles ngocies, autonomes et dcentralises.

    Ils peuvent tre conclus, aprs une procdure de ngociation collective, trois niveaux hirarchiss : au

    niveau interprofessionnel (cest--dire entre plusieurs branches dactivit), au niveau dune branche dactivit

    ou encore au niveau de lentreprise ou de ltablissement 13. Les conventions et accords collectifs dfinissent

    eux-mmes leurs champs dapplication territorial et professionnel 14 et peuvent tre conclus pour une dure

    dtermine ou indtermine 15.

    On peut noter quil nexiste pas, en droit, de spcialisation selon le niveau de ngociation : tous les thmes

    peuvent en principe faire lobjet dune ngociation tout niveau, lexception de ceux viss par lordre public

    absolu. En pratique toutefois, les conventions collectives de branche sont considres comme le pivot