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AVERTISSEMENT Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie. Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pénale. Contact : [email protected] LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

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AVERTISSEMENT

Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie. Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pénale. Contact : [email protected]

LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

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Université CLAUDE BERNARD LYON1 INSTITUT DES SCIENCES et TECHNIQUES DE READAPTATION N° 1661

MEMOIRE présenté pour l’obtention du

CERTIFICAT DE CAPACITE D’ORTHOPHONISTE

L’ADAPTATION DE LA METHODE TADOMA A LA

REEDUCATION DES TROUBLES ARTHRIQUES

CHEZ L’APHASIQUE :

Etude de cas

Par

TROILLE Emilie

Maître de Mémoire

CATHIARD Marie-Agnès

Membres du Jury

CHOSSON-TIRABOSCHI Christine LESOURD Mathieu RODE Gilles

Date de Soutenance 27 Juin 2013

© Université Claude Bernard Lyon1 - ISTR - Orthophonie.

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ORGANIGRAMMES

1. Université Claude Bernard Lyon1

Président Pr. GILLY François-Noël

Vice-président CA M. BEN HADID Hamda

Vice-président CEVU M. LALLE Philippe

Vice-président CS M. GILLET Germain

Directeur Général des Services M. HELLEU Alain

1.1. Secteur Santé :

U.F.R. de Médecine Lyon Est Directeur Pr. ETIENNE Jérôme

U.F.R de Médecine et de maïeutique - Lyon-Sud Charles Mérieux Directeur Pr. BURILLON Carole

Comité de Coordination des Etudes Médicales (C.C.E.M.) Pr. GILLY François Noël

U.F.R d’Odontologie Directeur Pr. BOURGEOIS Denis Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques Directeur Pr. VINCIGUERRA Christine Institut des Sciences et Techniques de la Réadaptation Directeur Pr. MATILLON Yves Département de Formation et Centre de Recherche en Biologie Humaine Directeur Pr. FARGE Pierre

1.2. Secteur Sciences et Technologies :

U.F.R. de Sciences et Technologies Directeur M. DE MARCHI Fabien U.F.R. de Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (S.T.A.P.S.) Directeur M. COLLIGNON Claude Institut des Sciences Financières et d’Assurance (I.S.F.A.) Directeur M. LEBOISNE Nicolas Observatoire Astronomique de Lyon M. GUIDERDONI Bruno

IUFM Directeur M. MOUGNIOTTE Alain POLYTECH LYON Directeur M. FOURNIER Pascal Ecole Supérieure de Chimie Physique Electronique de Lyon (ESCPE) Directeur M. PIGNAULT Gérard IUT LYON 1 Directeur M. VITON Christophe

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2. Institut Sciences et Techniques de Réadaptation FORMATION ORTHOPHONIE

Directeur ISTR Pr. MATILLON Yves

Directeur de la formation Pr. Associé BO Agnès

Directeur de la recherche Dr. WITKO Agnès

Responsables de la formation clinique GENTIL Claire

GUILLON Fanny

Chargée du concours d’entrée PEILLON Anne

Secrétariat de direction et de scolarité BADIOU Stéphanie BONNEL Corinne

CLERGET Corinne .

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REMERCIEMENTS

Je remercie ma maître de mémoire Marie-Agnès Cathiard, qui m’a soutenue et aidée dans mes recherches, et qui m’a de nouveau fait totalement confiance. C’est toujours un grand plaisir de pouvoir travailler avec toi. Je remercie aussi Christian Abry pour l’intérêt qu’il a porté à cette étude et pour ses idées perspicaces.

Je remercie les orthophonistes qui m’ont accueillie au sein de l’Institut de Rééducation de Grenoble, tout particulièrement Valérie Marcon avec qui j’ai réalisé un stage à l’année. Peut-être aurons-nous l’occasion de travailler à nouveau ensemble. Je remercie également Christelle Marcinkowski, a qui je dois des stages passionnants. J’espère que notre projet pourra prendre forme dans les années à venir.

Je remercie évidemment mon patient, Monsieur B., qui a accepté d’être le sujet de ce mémoire.

Je remercie les membres de mon jury, Madame Christine Chosson-Tiraboschi, Monsieur Mathieu Lesourd et Monsieur Gilles Rode (président de jury), ainsi que Madame Agnès Witko, responsable du suivi méthodologique des mémoires. Je remercie aussi Madame Anna Potocki pour ses conseils.

Je remercie mes amis, avec une pensée particulière pour ceux de la promo 2013, et plus spécifiquement l’équipe de MALADE (Alizée, Aurore, Dulcie, Laura, Magali), ma coloc’ du Togo Eloïse et à ma jumelle de parcours Claire.

Je remercie enfin Alban et ma famille, qui me soutiennent tout simplement.

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SOMMAIRE

ORGANIGRAMMES ............................................................................................................... 2 1. Université Claude Bernard Lyon1 ...............................................................................2 1.1. Secteur Santé : ............................................................................................................2 1.2. Secteur Sciences et Technologies : ...............................................................................2 2. Institut Sciences et Techniques de Réadaptation FORMATION ORTHOPHONIE ........3

REMERCIEMENTS ................................................................................................................ 4 SOMMAIRE ............................................................................................................................. 5

INTRODUCTION..................................................................................................................... 7 I. LES TROUBLES ARTHRIQUES DANS LE CADRE DE L’APHASIE ...........................................10

1. Les troubles arthriques : perturbation phonétique du langage oral ............................10 2. Contexte clinique.......................................................................................................12

II. APPROCHES THERAPEUTIQUES DES TROUBLES APHASIQUES ...........................................14 1. Principes de rééducation ...........................................................................................14 2. Rééducation du langage oral non fluent .....................................................................16

III. LA METHODE TADOMA OU LA PAROLE SOMESTHESIQUE ................................................21 1. Principes de la méthode Tadoma ...............................................................................21 2. La réception de la parole en Tadoma.........................................................................22 3. Vers une perception multi-sensorielle de la parole .....................................................24

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES .............................................................................. 25 I. PROBLEMATIQUE ...........................................................................................................26 II. HYPOTHESE GENERALE..................................................................................................27 III. HYPOTHESES OPERATIONNELLES ...................................................................................27

PARTIE EXPERIMENTALE ................................................................................................ 28 I PROTOCOLE EXPERIMENTAL ..........................................................................................29

1. Corpus ......................................................................................................................29 2. Passation ..................................................................................................................31 3. Principes d’évaluation...............................................................................................32

II. ETUDE DE CAS UNIQUE ..................................................................................................32 1. Critères d’inclusion et d’exclusion.............................................................................33 2. Profil du sujet............................................................................................................34

PRESENTATION DES RESULTATS ................................................................................... 40 I. ANALYSE QUANTITATIVE DES PERFORMANCES EN REPETITION ......................................41

1. Session 1 ...................................................................................................................41 2. Session 2 ...................................................................................................................44

II. ANALYSE QUALITATIVE DES PRODUCTIONS DU PATIENT ................................................47 1. Analyse en termes de traits articulatoires ..................................................................47 2. Analyse acoustique ....................................................................................................50

III. TRAITEMENT DES TROUBLES ARTHRIQUES PAR LA METHODE TADOMA ..........................53 1. Intégration au travail analytique ...............................................................................54 2. Vers la sémantisation des productions .......................................................................54

DISCUSSION DES RESULTATS .......................................................................................... 55 I. RETOUR SUR LA PROBLEMATIQUE ..................................................................................56

1. Validation des hypothèses..........................................................................................56 2. La question des productions coronales : remnant vs nascent frame ............................57 3. Considérations sur la rééducation des troubles arthriques .........................................58

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II. LA PRIMAUTE DE LA MULTIMODALITE ...........................................................................59 1. Intérêt d’une présentation bimodale ..........................................................................59 2. Une perception trimodale par l’ajout de la modalité haptique ...................................60 3. Les différents canaux de l’étayage .............................................................................61 4. Vers une présentation trimodale de la parole en orthophonie ? ..................................62

III. DE L’IMPORTANCE DU TOUCHER THERAPEUTIQUE .........................................................64 1. Le toucher en orthophonie .........................................................................................64 2. Le toucher en neuropathologie ..................................................................................65 3. Vers un essor du toucher thérapeutique ? ..................................................................66

IV. POSTURE CLINIQUE ....................................................................................................67 1. Difficultés méthodologiques ......................................................................................67 2. Apports personnels ....................................................................................................68 3. Perspectives de recherche .........................................................................................69

CONCLUSION ....................................................................................................................... 71 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. 73

GLOSSAIRE ........................................................................................................................... 79

ANNEXES ............................................................................................................................... 81 ANNEXE I : NEUROANATOMIE DES TROUBLES ARTHRIQUES ....................................................82

1. Quadrilatère de Pierre Marie : Striatum, Pallidum et capsule interne........................82 2. Aires de Brodmann et aire de Broca ..........................................................................82

ANNEXE II : GESTES BOREL-MAISONNY ................................................................................83 1. Gestes analogues à la forme de la lettre ....................................................................83 2. Gestes analogues à l’image articulatoire du phonème ...............................................83

ANNEXE III : SCHEMA D’ARTICULATION DE LANTERI (2004) ..................................................84 ANNEXE IV : PROMT (CHUMPELIK, 1984) ............................................................................85

1. Points de contact pour les positions cibles des consonnes ..........................................85 2. Positions de la mâchoire pour la production des voyelles ..........................................86

ANNEXE V : SESSION 1...........................................................................................................87 1. Présentation des syllabes en pré traitement (ligne de base) ........................................87 2. Présentation des syllabes en post traitement (évaluation) ..........................................87

ANNEXE VI : ECHELLE NIHSS ...............................................................................................88 ANNEXE VII : BILAN INITIAL DU PATIENT GB ........................................................................90 ANNEXE VIII : EPREUVES SUPPLETIVES DE COMPREHENSION ECRITE .....................................91

1. Compréhension de texte.............................................................................................91 2. Phrases à remettre dans l’ordre ................................................................................91

ANNEXE IX : NEUROANATOMIE DU TOUCHER ........................................................................92 3. Anatomie du cortex somatosensoriel ..........................................................................92 4. Homonculus sensitif ..................................................................................................92

TABLE DES ILLUSTRATIONS ........................................................................................... 93 I. LISTE DES FIGURES ........................................................................................................93 II. LISTE DES TABLEAUX ....................................................................................................95

TABLE DES MATIERES ...................................................................................................... 96

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INTRODUCTION

L’aphasie est le premier motif de prise en charge orthophonique au sein des pathologies neurologiques de l’adulte (Joseph et al., 2007). Elle est traditionnellement définie comme un trouble du langage acquis, faisant suite à une lésion cérébrale, le plus souvent dans l’hémisphère gauche. Cette acception considère la dominance hémisphérique du langage à gauche – que la découverte soit attribuée aux travaux de Marc Dax ou de Paul Broca – largement majoritaire chez le sujet sain, qu’il soit droitier manuel (91%) ou gaucher manuel (71%). Néanmoins, la possibilité d’observer la fonction du langage dans l’hémisphère droit amène à la définition plus large de « trouble des fonctions langagières qui survient suite à une lésion du système nerveux central chez un individu qui maîtrisait normalement le langage avant l’atteinte cérébrale » (Pillon et de Partz, 2000, p. 661). L’aphasie concerne plus d’un tiers des personnes victimes d’un accident vasculaire cérébral (Pederson et al., 1995 ; Daviet et al., 2006).

Les manifestations des troubles aphasiques peuvent s’observer dans la double dichotomie : expression et compréhension, oral et écrit. Les conséquences sur la vie du patient et de son entourage sont à la fois fonctionnelles, psychologiques et sociales. Comme l’a bien illustré P. Van Eeckhout (2001) dans son ouvrage Le langage blessé, au-delà du langage, c’est la communication dans son ensemble qui est touchée, et par là-même la liberté du patient.

L’intérêt pour la rééducation de l’aphasie remonte à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, avec les découvertes de deux neurologues (Van Eekhout, 2001) : Pierre Marie, qui par ses descriptions cliniques a développé les connaissances sur le fonctionnement cérébral ; et Jules Froment, qui a su prédire le rôle de la musique, des chansons (situées dans l’hémisphère droit) pour rééduquer les aphasiques.

Parmi les difficultés rencontrées par les personnes aphasiques, nous avons choisi dans ce mémoire de nous focaliser sur la production orale, en étudiant les troubles arthriques, caractéristiques des aphasies non fluentes, dont fait partie l’aphasie de type Broca. Cette typologie est issue de l’identification de lésions du lobe frontal, plus précisément du pied de la troisième circonvolution frontale gauche, connu aujourd'hui sous le nom d'aire de Broca, entraînant des troubles de la production du langage (que Paul Broca nomme aphémie). Ces troubles se traduisent par des productions déformées, de sévérité variable, provoquant souvent une inintelligibilité de la parole, voire une production impossible.

La récupération d’une production orale intelligible, lorsqu’elle est possible, passe par un travail analytique, phonème après phonème, associé à des facilitations de différentes modalités – auditive, visuelle et tactile. C’est justement une facilitation tactilo-kinesthésique que nous proposons de tester avec l’utilisation de la méthode Tadoma.

La méthode Tadoma est un procédé de récupération kinesthésique de la parole, basé sur la réception vibratoire des gestes articulatoires en parole. Elle a été développée par des éducateurs pour permettre à des enfants sourds et aveugles d’accéder au langage. Le sujet place sa main en éventail sur le visage de son interlocuteur, allant des lèvres (via le pouce) jusqu’au cou (via l’auriculaire) pour récupérer les différentes informations articulatoires des phonèmes et ainsi « toucher la parole ».

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Nous proposons dans ce mémoire de tester l’ajout, aux modalités classiques auditive et visuelle, d’une troisième modalité tactile, grâce à la méthode Tadoma, lors de la perception de la parole. Cette méthode permet au sujet aphasique non fluent de récupérer les mouvements nécessaires à l’articulation des sons par l’utilisation d’une modalité non exploitée avant l’apparition des troubles. Nous émettons l’hypothèse d’une augmentation des performances en production par transfert des informations perceptives aux capacités productives (lien perception-production).

Notre revue de littérature nous permettra de caractériser les troubles arthriques, leurs manifestations et leur contexte d’apparition. Les modalités de rééducation en aphasiologie seront détaillées, des principes généraux aux techniques spécifiques aux troubles de l’expression orale dans le cadre des aphasies non fluentes. Nous présenterons la méthode Tadoma que nous proposons d’adapter à la rééducation des troubles arthriques, en exposant ses principes, les études principales et l’impact de Tadoma pour la multi-sensorialité de la parole. Notre problématique et nos hypothèses seront formulées en deuxième partie. La partie expérimentale exposera notre protocole, les principes d’évaluation que nous avons suivis et présentera le patient retenu pour notre étude de cas. Nos résultats seront exposés en fonction de nos deux sessions d’expérimentation. Ils seront ensuite discutés en fonction des hypothèses émises, en lien avec la multisensorialité de la parole et la place du toucher dans le soin orthophonique, tout en considérant les difficultés rencontrées et les perspectives envisagées.

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Chapitre I

PARTIE THEORIQUE

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I. Les troubles arthriques dans le cadre de l’aphasie

1. Les troubles arthriques : perturbation phonétique du langage oral

Les troubles arthriques sont des troubles du langage oral avec perturbations phonétiques de la production, dus à une atteinte corticale unilatérale gauche, souvent associés aux tableaux d’aphasies non fluentes. Si nous retenons dans ce mémoire le terme de troubles arthriques, de nombreuses terminologies co-existent : anarthrie, anarthrie pure de Pierre Marie, apraxie de la parole (speech apraxia), apraxie verbale, aphémie, désintégration phonétique, aphasie motrice pure, aphasie motrice sous-corticale. Nous présentons certaines d’entre elles avant d’aborder leurs manifestations cliniques.

1.1. Des terminologies multiples

Les troubles arthriques sont définis par Bérubé comme une « atteinte élective du moment élocutoire de l'expression orale dans laquelle les règles de la prononciation de la langue sont compromises par des dysfonctions parétique, dystonique ou dyspraxique de la musculature de l'appareil phonatoire ; elle donne lieu à des transformations phonétiques. » (1991, p. 60). En effet, il s’agit d’une atteinte de la troisième articulation neurolinguistique du langage, qui touche la programmation des schèmes moteurs articulatoires, dont nous développons les conséquences au point suivant.

Cette description renvoie à la terminologie plus ancienne de syndrome de désintégration phonétique, que l’on doit à Alajouanine, Ombredane et Durand (1939). La désintégration phonétique correspond à la déstructuration de la parole, et peut avoir trois composantes : une composante parétique, dans laquelle la faiblesse des muscles bucco-phonatoires engendre une déformation phonétique ; une composante dystonique, qui induit une perturbation de la réalisation des traits phonétiques, et peut donner une impression d’accent étranger ; une composante apraxique, qui engendre l’impossibilité de réaliser les gestes bucco-faciaux nécessaires à la production de la parole. Un contexte d’apraxie bucco-faciale est d’ailleurs souvent associé au syndrome de désintégration phonétique.

D’autres auteurs proposent le terme d’apraxie de parole, issu de la littérature anglaise. « L’apraxie de la parole (speech apraxia, apraxia of speech) est définie comme un trouble acquis de la capacité à programmer le positionnement de l’appareil bucco-phonatoire et la séquence des mouvements musculaires nécessaires à la production volontaire des phonèmes, non relié à une paralysie, une akinésie ou à une ataxie de l’appareil articulatoire » (Darrigrand et al., 2000, cité dans Chomel-Guillaume, 2007, p. 175). Les erreurs sont davantage observables en langage spontané et en répétition. La phonation, la respiration et la résonance ne sont pas touchées. Lebrun (1991) a bien décrit les productions rencontrées : suite au mutisme aphasique initial, la prononciation est désordonnée, avec la présence de paraphasies phonémiques (ou littérales) et des altérations phonétiques. « Les paraphasies phonémiques sont des omissions, additions, substitutions ou transpositions de phonèmes. Certaines additions et substitutions sont des anticipations, d’autres sont des persévérations » (p. 17).

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On retrouve l’apraxie de parole dans l’aphasie, l’anarthrie progressive primaire ou de façon isolée. Dans le cas des aphasies globales, elle peut être associée à une apraxie bucco-faciale, terme que nous expliquons ultérieurement.

Enfin, l’anarthrie, ou anarthrie pure de Pierre Marie, se caractérise selon ce dernier par une « perturbation du langage articulé, avec conservation de compréhension, du langage intérieur, de la lecture et de l’écriture » (Lebrun et Martinez, 1991, p. 12). Les difficultés articulatoires sont consécutives à des lésions cortico-sous-corticales, les troubles sont limités aux organes bucco-phonatoires, avec dissociation automatico-volontaire. Dans sa forme pure, l'aire de Broca n'est pas impliquée en totalité.

1.2. Manifestations cliniques

Les troubles arthriques touchent la troisième articulation de la langue, c’est-à-dire le passage des traits articulatoires aux phonèmes. Chomel-Guillaume (2007) parle de troubles phonétiques. D’après Martinet (1967), le trait articulatoire est une unité abstraite de troisième articulation qui représente les traits articulatoires des phonèmes, soit le mode d’articulation, le lieu d’articulation, l’aperture, le voisement, la nasalité (Dictionnaire de Logopédie, Campolini et al., 2003). Le schéma suivant illustre cette organisation en trois articulations :

Figure 1 : Modèle linguistique à 4 unités et 3 niveaux d’articulation (Lecours et Lhermitte, 1979, d’après Martinet, 1967).

L’étude clinique des troubles arthriques révèle des descriptions sémiologiques variées, avec différents degrés de sévérité, pouvant aller d’un léger trouble de la prosodie à un mutisme complet.

Le mutisme

La suspension du langage peut être totale, le patient ne parvenant plus à produire un son de parole. Le mutisme lié à des difficultés articulatoires ne dure pas et évolue vers une anarthrie. D’autres mutismes proviennent de perturbations linguistiques de haut niveau (lexical). Le mutisme akinétique est à considérer dans le cadre d’une perte globale de l’initiative motrice (Viader et al., 2002). Dans le cadre de l’aphasie, le mutisme est souvent dû à des troubles arthriques sévères ou à une apraxie de parole. Sa présence dans le tableau des aphasies non fluentes est un signe de sévérité (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010).

Les stéréotypies

Les stéréotypies sont des productions répétées de syllabes, de mots ou de syntagmes (plus rarement des phrases), que le patient ne parvient pas à inhiber et qui apparaissent à chaque fois qu’il tente de parler. Ce sont des émissions significatives ou non, généralement intonées, parmi lesquelles on retrouve fréquemment « oui », « non », les

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injures et les onomatopées. On citera aussi l’exemple de la stéréotypie de M. Leborgne, patient de Paul Broca, dont les productions étaient restreintes à la répétition de la syllabe sans signification « tan » (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010).

Les transformations phonétiques

Les transformations ou déviations phonétiques touchent le mode ou le lieu d’articulation des phonèmes. Elles sont différentes d’un patient à l’autre et n’altèrent pas toujours l’intelligibilité. On peut observer des métathèses : par phénomène d’anticipation, de persévération ou de transposition ; des omissions ; et des tâtonnements articulatoires. « Il s’agit d’une atteinte de la réalisation articulatoire, avec pour conséquences des troubles articulatoires ou arthriques. Selon le degré de sévérité, le patient peut produire des phonèmes n’appartenant plus au registre de la langue du fait de phénomènes d’assourdissement, nasalisation, occlusions, pseudo-diphtongaisons, élisions de groupes consonantiques complexes, etc. » (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010, p. 63). Les déviations phonétiques sont donc à distinguer des paraphasies, ce qui peut s’avérer difficile en raison de la cohabitation de ces troubles dans le même tableau aphasique.

Le syndrome de désintégration phonétique

Le langage du patient est lent, globalement réduit, syllabaire et haché. La production et l’enchainement des phonèmes sont difficiles. Certains phonèmes sont supprimés, d’autres répétés, les contrastes sont réduits, les consonnes sourdes sont préférées aux sonores, les groupes consonantiques supprimés. Des simplifications s’opèrent ainsi en réponse à l’effort articulatoire de la production de la parole. L’aspect paralytique est proche de la dysarthrie, avec faiblesse articulatoire et du souffle. L’aspect dystonique se caractérise par des mouvements articulatoires excessifs, démesurés et syncinétiques. L’aspect apraxique se traduit par une désorganisation des gestes nécessaires à l’élocution. C’est la composante la plus sensible à la dissociation automatico-volontaire, que nous traitons dans la section suivante.

La dysprosodie

La prosodie se divise en prosodie linguistique (hémisphère gauche) et en prosodie émotionnelle (hémisphère droit). Dans les aphasies non fluentes, c’est la prosodie linguistique qui est atteinte. L’augmentation de la durée des phonèmes et des pauses, ainsi que les difficultés de contrôle des paramètres de hauteur et d’intensité modifient le contour mélodique et l’accentuation : on parle de dysprosodie. Le ton est monotone, ne permettant plus de distinguer interrogation, affirmation et ordre. Parfois, les modifications génèrent un tableau de prosodie étrangère, ou pseudo accent étranger, généralement anglo-saxon ou germanique (Viader et al., 2002).

2. Contexte clinique

2.1. Corrélation anatomo-clinique

Les troubles arthriques sont liés à une atteinte corticale unilatérale, au niveau du quadrilatère de Pierre Marie (comprenant le striatum, le pallidum et la capsule interne) ou au pied et cap de la troisième circonvolution du gyrus frontal inférieur (F3) de l’hémisphère gauche, soit au niveau de l’aire de Broca (aire 44-45) (Annexe I).

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Ces troubles sont souvent associés aux aphasies non fluentes. En effet, la classification clinique des aphasies repose sur la notion de fluence, c'est-à-dire le « nombre de mots émis par minute dans des situations de langage spontané ou de description de scènes en images » (Eustache et Faure, 2005, p. 85). La norme se situe autour de 90-150 mots par minute et 6-7 mots par phrase. Dans les aphasies non fluentes, la réduction de la production induit un nombre de mots par phrase inférieur à 4. C’est dans l’aphasie de type Broca qu’on retrouve le plus communément les troubles arthriques, lesquels font partie de son tableau clinique. En effet, aphasie de Broca et troubles arthriques partagent la même localisation neuro-anatomique.

2.2. Aphasie de Broca et troubles associés

L’aphasie de Broca se caractérise par une expression orale réduite, présentant des troubles d’articulation (« troubles arthriques de type désintégration phonétique » d’après le Dictionnaire de Logopédie, Campolini et al., 2003). Le débit est lent, le rythme syllabique, l’intonation dysprosodique. La parole demande beaucoup d’effort au patient, et peut être réduite à une stéréotypie. Le langage spontané et la répétition sont particulièrement touchés. Notons qu’on retrouve également les termes suivants, répertoriés par Viader et al., 2002, qui soulignent l’aspect expressif – moteur - des troubles de l’aphasie de Broca : aphasie motrice (Wernicke, 1874), aphasie motrice corticale (Lichtheim, 1885), aphasie d’expression (Déjerine, 1914), aphasie verbale (Head, 1926), aphasie motrice périphérique (Goldstein, 1948), et aphasie motrice efférente (Luria, 1964).

L’aphasie de Broca fait souvent suite à une aphasie globale ou à un mutisme (Lechevalier, 1993). Progressivement les mots concrets sont récupérés, le style devient « télégraphique », marqué par un agrammatisme et des phrases courtes. Si les troubles arthriques et la réduction de la fluence n’évoluent pas toujours, la permanence d’un mutisme ou de stéréotypies est rare.

Les troubles associés sont généralement une hémiplégie ou une hémiparésie brachio-faciale sensitivomotrice droite (80%), une apraxie idéomotrice de la main gauche et une apraxie bucco-faciale (90%) (De Renzi et al., 1966, dans Viader et al., 2002). Un état dépressif est souvent observé chez les patients de par la conscience de leurs troubles. Au stade ultime de l’évolution d’une aphasie de Broca peut survenir une anarthrie (Lechevalier, 1993).

2.3. L’apraxie bucco-faciale

L’apraxie bucco-faciale (ou bucco-linguo-faciale) est définie par Geschwind comme une « incapacité à réaliser des mouvements de la face sur commande verbale ou sur imitation en l’absence d’un trouble de la compréhension, d’un déficit sensitif ou d’une atteinte motrice. » (1975, p. 189). Lebrun précise qu’il s’agit d’une « variété d’apraxie segmentaire qui désigne la difficulté, voire l’impossibilité, d’exécuter sur demande des mouvements déterminés, non verbaux, avec une ou plusieurs parties du visage, de la bouche ou du larynx, en l’absence de toute paralysie faciale » (1994, p. 167).

Ainsi, l’apraxie bucco-faciale se manifeste par des mouvements inadéquats, des gestes différents de ceux demandés ou leur non réalisation et des persévérations, avec une importance variable pouvant toucher jusqu’à la phonation. On observe un mécanisme de

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dissociation automatico-volontaire entre l’impossibilité d’effectuer des activités volontaires comme souffler, tirer ou claquer la langue, gonfler les joues, etc., et la conservation des activités automatiques et réflexes lors de la réalisation des gestes bucco-faciaux comme lors de la mastication et de la déglutition. Le trouble est le plus souvent issu d’une lésion frontale. La coexistence avec les troubles arthriques est fréquente mais non systématique.

2.4. La dissociation automatico-volontaire (DAV)

Le mécanisme de dissociation automatico-volontaire est un « symptôme pouvant accompagner un tableau aphasique, caractérisé par la préservation relative de conduites gestuelles automatiques ou de formules automatiques du langage, mais une impossibilité de les exécuter de manière volontaire ou sur demande » (Dictionnaire de Logopédie, Campolini et al., 2003). Par exemple, le patient ne peut pas souffler (apraxie bucco-faciale) sur demande mais il pourra éteindre une bougie ; il ne peut pas lever le pied sur demande (apraxie gestuelle) mais il pourra éviter un obstacle ; il ne peut pas répéter « au secours » (apraxie de parole) mais pourra y arriver en situation de danger. On retrouve fréquemment ce mécanisme de DAV dans le cas de troubles arthriques.

II. Approches thérapeutiques des troubles aphasiques

L’étude de l’aphasie et les possibilités de récupération suite à une lésion cérébrale posent la question de la plasticité cérébrale. Cette neuroplasticité se manifeste par la modification d'une structure existante ou par la création de nouvelles connexions, participant ainsi à la restauration de compétences dégradées ou perdues suite à la lésion cérébrale. Les mécanismes de récupération cérébrale peuvent être spontanés ou renforcés par la rééducation.

1. Principes de rééducation

Si chaque cas est unique et chaque rééducation spécifique à un patient, certains principes généraux régissent la prise en charge des troubles aphasiques, qui peuvent dépendre de la ou des approches choisie(s) par l’orthophoniste et des stratégies envisagées.

1.1. La récupération spontanée

Le phénomène de récupération spontanée est bien connu en ce qui concerne les accidents vasculaires cérébraux, en particulier dans le cas de lésions ischémiques transitoires, dans lesquelles les troubles occasionnés ne perdurent pas et disparaissent dans les 24h. Pour les accidents constitués, dans lesquels les troubles persistent, on situe généralement la période maximale de récupération spontanée entre 3 et 6 mois (Pradat-Diehl et al., 2000). Le décours temporel de cette récupération présenterait selon Robey (1998) trois phases, avec d’abord un effet optimal avant 3 mois, puis un décroissement durant la première année, et un effet quasi nul après un an (phase chronique). Pedersen et al. (1995, dans Pradat-Diehl et al., 2000) précisent que la récupération de l’aphasie est maximale dans les 2 à 6 premières semaines suivant l’accident cérébral, mais aussi que la vitesse de l’évolution dépend de la sévérité de l’atteinte.

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Si les auteurs s’accordent sur une période initiale plus propice à la récupération spontanée, il semble que tous les modules du langage n’en profitent pas autant. Ainsi, la récupération de la compréhension orale est la plus favorable, quel que soit le type d’aphasie ; en revanche, celle de la fluence verbale et de la dénomination est la moins bonne (Lomas et Kertesz, 1978, cité dans Pradat-Diehl et al., 2000).

Les mécanismes de la récupération sont de plusieurs types (Seron, 1995 ; Pradat-Diehl et al., 2000). La résolution de la pénombre ischémique périlésionnelle lors de la période aiguë se manifeste lorsque les zones ne sont pas lésées mais « sidérées », puis se remettent à fonctionner. La régression du diaschisis correspond à l’« abolition plus ou moins temporaire de l'activité des neurones plus ou moins distants de l'aire lésée, mais possédant avec celle-ci des liens anatomiques et physiologiques directs ou indirects » (Bérubé, 1991, p. 176). La vicariance ou réorganisation neurosensorielle (cross-modal reassignement) permet à la fonction cérébrale lésée d'être prise en charge par une autre zone cérébrale, ce qui peut signifier pour le langage le relais par l’hémisphère droit (Lehéricy, Marsault et Le Bihan, 1999). A ce sujet, Heiss et al. (1999, cité dans Pradat-Diehl et al., 2000) ont démontré qu’une bonne récupération peut être obtenue dans l’hémisphère gauche si les zones temporales gauches (aire de Wernicke (Aire 22) et planum temporal) sont préservées ; dans le cas d’une activation impossible des zones hémisphères gauches seulement, l’activation se fera dans l’hémisphère droit. Récemment, Pillai (2010) détermine 3 étapes de réorganisation corticale en cas d’AVC gauche en zone fonctionnelle, avec à la phase aiguë, une activation gauche homolatérale péri-lésionnelle, puis une mise en jeu de l’hémisphère controlatéral, enfin un retour de l’activation gauche qui est associé à une récupération optimale des fonctions.

1.2. Approches et stratégies de rééducation

Quatre approches coexistent pour rééduquer les troubles aphasiques, qui peuvent être utilisées parallèlement dans la prise en charge orthophonique (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010). - L’approche empirique (Ducarne, 1988) considère l’aphasie non pas comme la

conséquence d’une perte des compétences linguistiques mais comme une perturbation de l’accès à ces compétences. Pour Ducarne, la rééducation passe par un réapprentissage de type didactique.

- L’approche behavioriste repose sur la modification d’un comportement jugé déviant par l’ajustement de l’environnement. On y trouve la théorie de Skinner (1957) sur le conditionnement opérant et la MIT (Melodic Intonation Therapy).

- L’approche pragmatique ou écologique est centrée sur la communication. La PACE (Promoting Aphasic’s Communicative Efficiency, Davis et Wilcox, 1981) et les rééducations de groupe en font partie.

- L’approche cognitive propose des programmes thérapeutiques en fonction des troubles et du diagnostic cognitif. Elle propose un traitement au cas par cas, le profil cognitif de chaque patient étant rarement identique. Il s’agit d’une approche didactique qui repose sur le modèle de traitement de l’information sur sujet sain.

Les stratégies de rééducation vont dépendre des possibilités du patient, avec dans tous les cas pour objectif principal la restitution des capacités de communication. On répertorie quatre types de stratégie (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010).

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- La restauration, par stimulations répétées et ré-apprentissage, vise le rétablissement d’une fonction cognitive dans son mode de fonctionnement antérieur. Elle concerne les représentations ou des procédures.

- La réorganisation d’une fonction consiste à utiliser des capacités résiduelles pour parvenir à un résultat fonctionnel équivalent.

- La facilitation est utilisée dans le cas d’un défaut d’accès plutôt que d’une perte ou d’une dégradation des représentations. Il pourra s’agir de fournir des indices concernant l’item cible, phonologiques (ébauche orale), graphémiques ou sémantiques. Il est impératif que les facilitations soient par la suite progressivement estompées par le thérapeute.

- Les rééducations palliatives ou prothèses mentales utilisent des procédures de substitution, telles que l’aménagement de l’environnement, le développement de la communication non verbale, l’utilisation de cahier de communication ou de logiciel informatique. Elles peuvent aussi être utilisées en phase initiale, conjointement aux autres stratégies de rééducation.

2. Rééducation du langage oral non fluent

Chomel-Guillaume (2007) propose de considérer cinq recommandations essentielles pour rééduquer les troubles phonétiques ou arthriques (reprenant ainsi les principes de Darley, Aronson et Brown, 1975). La compensation : en apprenant à utiliser des capacités neuronales et musculaires résiduelles, le patient peut récupérer des capacités altérées, compenser le déficit provoqué par l’atteinte neurologique. L’activité volontaire : l’ensemble de l’activité de parole, qui était auparavant automatique et rapide, doit être apprise de façon consciente. Cela concerne donc les gestes articulatoires, le positionnement des organes bucco-phonatoires, la respiration, l’accord pneumo-phonique, l’intensité sonore et le débit. L’auto-contrôle ou « monitoring » : le patient doit exercer un contrôle sur sa production, de façon à pouvoir agir dessus et se corriger au besoin. La précocité de la prise en charge, en profitant de la période de récupération spontanée. Enfin, la motivation du patient, essentielle à son implication et à sa progression.

L’objectif de la rééducation des troubles arthriques est la restauration du contrôle volontaire du patient pour programmer le positionnement de ses organes bucco-phonatoires, lors de la production de phonèmes isolés et à l’intérieur des mots. Le patient devra « réapprendre » les points d’articulation des phonèmes et la séquence de gestes pour les produire. Pour ce faire, « une stimulation sensorielle plurimodale sera nécessaire » (Chomel-Guillaume, 2007, p. 176).

En cas de mutisme initial, la rééducation visera dans un premier temps la démutisation ; la rééducation des troubles de l’expression orale pourra ensuite se faire de manière classique, par un travail analytique systématique et par l’utilisation de facilitations de modalités variées, auxquels pourront être associés différents types de programmes spécifiques. Parallèlement, une rééducation des troubles de la compréhension orale sera entreprise en fonction des besoins du patient.

2.1. La démutisation

La présence d’un mutisme au stade initial indique un degré de sévérité élevé. Le premier objectif de la rééducation sera alors la démutisation du patient, c’est-à-dire « obtenir une

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production verbale volontaire, nécessaire pour entreprendre par la suite un travail plus spécifique des diverses fonctions langagières perturbées » (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010, p. 186). Les deux méthodes existantes se basent pour ce faire sur les principes de conditionnement opérant positif.

Ainsi, l’approche classique de Ducarne (1989) utilise le contexte inducteur d’une formule spécifique : fin de phrase, ébauche de mot (ou ébauche orale), séries automatiques, ainsi qu’un renforcement gestuel ou par le mime. Une source motrice de déclenchement peut être associée, en touchant l’épaule du patient au moment de l’émission par exemple. Le thérapeute doit capter l’attention du patient et maximiser son expressivité.

L’approche kinesthésique (Van Eeckhout, 2001, 2007, 2008) reprend les mêmes principes et insiste sur le renforcement kinesthésique, notamment en accompagnant l’expiration du patient par une pression thoracique dans le but d’obtenir un souffle sonorisé, la démutisation nécessitant « une technique et une énergie communicatrice » (Van Eeckhout, 2008, p. 143).

Il est fondamental dans tous les cas de prévenir l’apparition de comportements pathologiques tels que les stéréotypies ou les persévérations en proposant un matériel linguistique varié.

2.2. Les méthodes classiques

La programmation et le contrôle bucco-phonatoire

Lorsque la parole est sévèrement réduite, la réalisation volontaire et précise des gestes articulatoires est un objectif privilégié (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010), qu’on peut décomposer en deux étapes.

Il convient dans un premier temps de traiter l’apraxie bucco-faciale ou bucco-linguo-faciale, qui nécessite un travail articulatoire ou « prérééducation articulatoire » selon Lecours (cité par Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010 ; voir aussi Tetu, Kunnert et Brun, 2000) pour restituer une production volontaire. Les exercices proposés sont appelés praxies et visent à renforcer l’ensemble du visage et la musculature bucco-linguo-faciale en particulier : langue, lèvres, joues, etc. Ces exercices sont réalisés sur commande si c’est possible ou à l’aide de facilitations. Les gestes sont souvent plus faciles à réaliser sur imitation. Un support contextuel automatique peut être utilisé (par exemple une bougie pour le geste de souffler), ce qui correspond à utiliser le phénomène de DAV décrit précédemment. La présentation d’un miroir permet un meilleur auto-contrôle du patient sur ses gestes. Enfin une stimulation sensorielle, généralement de l’apex ou du palais (abaisse-langue, glaçon), peut être envisagée. Progressivement, ces facilitations devront être abandonnées pour que les gestes deviennent pleinement volontaires.

Dans un second temps, la rééducation traitera du matériel verbal, par un travail analytique. Le geste du souffle pourra par exemple se prolonger en son /f/ puis /v/ en ajoutant la vibration des cordes vocales. Des indices visuels, tels que les schémas articulatoires, ou bien tactiles, notamment à l’aide d’un abaisse-langue, pourront permettre de favoriser la récupération des points articulatoires des phonèmes à réaliser. Idéalement, un ordre spécifique doit être respecté pour ce travail analytique, qui préconise de suivre les règles de la phonétique combinatoire. Les voyelles précèdent les consonnes qui précèdent les syllabes ; les consonnes antérieures précèdent les consonnes

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postérieures ; les consonnes non-voisées précèdent les consonnes voisées. Ce travail peut sembler long et fastidieux ; il faut donc rapidement proposer au patient des énoncés significatifs, contenant les phonèmes travaillés, de façon à préserver sa motivation.

Facilitation par le geste et par une aide visuelle

Nous avons mentionné différents types de facilitation qui permettent de stimuler les productions du patient. Le geste est notamment utilisé par Van Eeckhout (2007, 2008) pour démutiser le patient. Les gestes de Borel-Maisonny (1985) peuvent également apporter une aide à la personne présentant une aphasie non fluente, en apportant un indice visible sur l’articulation des phonèmes et en proposant un mouvement dynamique qui incite à la production. La méthode Borel-Maisonny a été conçue dans le but de faciliter l'entrée dans le langage, à l’origine pour les enfants sourds, puis pour de jeunes enfants rencontrant des troubles du langage. Actuellement, ils peuvent être utilisés pour toute difficulté d’expression, comme chez la personne aphasique, en particulier lorsqu’elle présente des troubles arthriques. Chaque son du français correspond à un geste symbolique. Les gestes Borel peuvent donc être intégrés au travail analytique présenté précédemment. Ils permettent la conscientisation de la position articulatoire des phonèmes à émettre, en travaillant aussi la tension, l'intensité et la durée du phonème. Les gestes peuvent représenter l’image articulatoire du phonème, par exemple pour [l], [ʁ], ou la forme de la lettre, comme pour [m], [s], [z] (cf. Annexe II).

D’autres aides visuelles de type schémas peuvent également être choisies pour illustrer la forme articulatoire des sons à produire. Lanteri (2004) propose des planches sur lesquelles chaque phonème est représenté par sa forme labiale, une coupe sagittale du conduit vocal et un exemple du son attendu, le plus souvent sous forme d’onomatopée (cf. Annexe III). Il est également tout à fait possible, voir pertinent, de créer avec le patient des fiches de sons qui lui seront propres. Le thérapeute pourra aussi s’appuyer sur l’écrit lorsque celui-ci est préservé (Tetu, Kunnert et Brun, 2000).

Le langage automatique

Alors que le langage volontaire sert à exprimer la pensée, le langage automatique surgit sous le coup de l'émotion ou d'un besoin, incluant les jurons, et comprend aussi ce qui a été appris par cœur, comme nommer les jours de la semaine, compter, réciter l'alphabet ou chanter une chansons.

Chez l’aphasique – en fonction de la sévérité de ses troubles - le langage automatique est souvent préservé. C’est souvent ce qu’on retrouve dans le cas de l’aphasie de Broca. Les automatismes langagiers seront donc à utiliser dans la rééducation (Tetu, Kunnert et Brun, 2000). On pourra proposer au patient des séries automatiques : jours de la semaine, mois de l’année, compter jusqu’à 10, etc., dès la phase de démutisation. Des exercices tels que les fins de phrases automatiques (par exemple « quand on veut on… peut »), les expressions ou proverbes, les chansons ou prières, etc., peuvent déclencher la production orale ; ils sont utilisables parallèlement à un travail analytique ou au cours d’un travail sémantique, en dénomination par exemple.

Plan de rééducation des troubles arthriques

Rosenbek & Wertz (1972 ; également dans Lambert & Nespoulous, 1997) proposent un programme de rééducation testé sur trois patients aphasiques, qui doit suivre certains principes généraux. Les sons sont abordés de façon hiérarchique en fonction de leur

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complexité. L’éloignement des points d’articulation est progressif. Le son en position initiale est à considérer dans le choix des stimuli. La longueur des stimuli doit augmenter progressivement. Le travail des mots doit commencer avec des mots de haute fréquence. Une présentation audiovisuelle est plus favorable qu’une présentation unimodale : le patient pourra regarder le thérapeute ou utiliser un miroir. La présentation du mot écrit est elle aussi facilitante. Les exercices sont basés sur la répétition puis sur les jeux de rôles. Ainsi, le programme proposé par les auteurs peut être décomposé en huit étapes : présentation du stimulus par le thérapeute et production ensemble ; répétition par le patient avec aide visuelle du thérapeute qui mime ; répétition sans facilitation ; répétitions multiples sans facilitation ; lecture à voix haute ; lecture indirecte ; réponse à une question ; jeu de rôle.

Les auteurs distinguent deux cas : si l’aphasie est sévère et associée à une apraxie de la parole massive, il est préférable de traiter le déficit le plus handicapant pour le patient, c’est-à-dire l’aphasie, de façon à obtenir une production orale suffisante avant de rééduquer l’apraxie de parole. Si l’aphasie est modérée, les troubles peuvent être traités simultanément, chaque déficit étant travaillé successivement au cours de la séance.

2.3. Des programmes spécifiques

Différents types de programmes spécifiques existent en fonction du type et du degré des troubles aphasiques. Nous ne traitons que des programmes utilisés pour les aphasies non fluentes, en laissant de côté les approches palliatives de types tableaux de communication et systèmes informatisés, et en insistant davantage sur la plus utilisée dans le cas de troubles arthriques (TMR).

La PACE

L’objectif de la PACE (Promoting Aphasia Communication Effectiveness, Davis et Wilcox, 1981) est d’amener le patient à communiquer par tous les moyens - parole, dessin, mimes, onomatopées, etc. – à partir d’un matériel visuel, objets, photographies ou dessins. Des images identiques sont distribuées au patient et au thérapeute. Une cloison sépare les deux groupes d’images, ce qui oblige le locuteur à échanger des informations pour que chaque paire d’images soit recomposée. Le patient est donc tour à tour émetteur et récepteur. En fonction du contexte et du stade évolutif, la technique peut être adaptée sous forme de jeu de rôle ou de mise en situation concrète.

La TMR

La Thérapie Mélodique et Rythmée (TMR) est issue de la MIT, Melodic Intonation Therapy (Albert et al. 1973 ; Sparks et al. 1974, 1976 ; Sparks, 1998). Après avoir d’abord voulu l’adapter au français (Van Eeckhout et al., 1978), Van Eeckhout et ses collègues ont élaboré leur propre méthode, qu’ils ont appelé la Thérapie Mélodique et Rythmée (Van Eeckhout et al., 1995), validée par une étude en imagerie fonctionnelle (Belin, Van Eeckhout et al., 1996). Deux types de patients peuvent bénéficier de la méthode : les patients présentant une aphasie essentiellement motrice, avec désintégration phonétique, dysarthrie, anarthrie, et ceux présentant une aphasie sévère et chronique. Le principe est d’exploiter le système prosodique de la langue française comme moyen de facilitation en perception et production de la parole. Pour cela, les paramètres de la TMR sont la mélodie, le rythme, la scansion, la mise en relief et le schéma visuel. Les phrases sont décomposées en syllabes. Deux notes sont utilisées, l’une aiguë, longue et forte,

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l’autre grave, courte et faible. L’accentuation se fait sur la dernière syllabe de chaque unité minimale de signification composant les phrases. La scansion permet la sonorisation de rythmes par des coups sur un plan rigide (avec un stylo sur la table par exemple). Le thérapeute prend la main du patient pour l’aider à scander. L’accentuation est symbolisée sur un schéma visuel par une marque (cavalier : >) devant l’élément visuel. Le thérapeute présente deux fois la phrase à produire, le patient la produit avec le thérapeute, puis seul, et enfin un jeu de question-réponse favorise les productions spontanées et permet de fixer les unités significatives. La figure 2 présente le schéma visuel en TMR. La TMR est donc une prothèse mentale à but thérapeutique qui facilite la dynamique articulatoire. Cette facilitation sera donc peu à peu estompée puis abandonnée en fonction des progrès du patient.

Figure 2 : Schéma visuel en TMR (Van Eeckhout et Gatignol, 2010) ; l’accentuation est portée sur l’élément syntaxique couramment absent (agrammatisme, caractéristique des aphasies non fluentes).

La VAT

La VAT ou Visual Action Therapy est une méthode non verbale utilisant exclusivement les informations visuelles, dans le but de favoriser les capacités de communication gestuelle du patient de façon fonctionnelle (Helm, Fitzpatrick et Baresi, 1982). La VAT est utilisée comme mode de communication palliatif, mais aussi comme méthode de rééducation des capacités extra-linguistiques. De plus, « elle constitue un lien intéressant entre la mobilisation de la motricité gestuelle et le contrôle oro-facial » (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010, p. 190).

Le TAP

Le programme TAP ou Treatment of Aphasic Perseveration (Helm, Emery et Alberts, 1987) vise à réduire les persévérations verbales, qui seraient à l’origine du dysfonctionnement de la fonction linguistique. Pour ce faire, il s’agit d’abord de faire prendre conscience au patient des phénomènes de persévération, puis de l’entrainer à l’auto-inhibition. La thérapie repose sur la dénomination d’images, associée à trois types de facilitations selon le patient, lesquelles seront estompées progressivement (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010, p. 190).

2.4. PROMPT : une méthode de rééducation par stimulation tactile

La méthode PROMPT, acronyme de Prompts for Restructuring Oral Muscular Phonetic Targets, est une technique tactile-kinesthésique utilisant des repères tactiles pour guider manuellement l’articulation du patient (Chumpelik, 1984). La technique vise à favoriser la motricité et le développement de mouvements musculaires oraux appropriés. Depuis son développement par Deborah Hayden dans les années 1970 aux Etats-Unis, la méthode a été testée dans le cadre de plusieurs pathologies chez l’enfant, ainsi que chez l’adulte aphasique (Bose et Square, 2001 ; Bose et al., 2001 ; Freed et al., 1997 ; Square et al., 1986 ; Square et al., 1985). A l’origine mise en place pour l’enfant avec apraxie de parole (developmental apraxia of speech), la méthode se focalise sur la programmation du geste moteur, plutôt que sur l’imitation perceptive : « The PROMPT system, therefore, focuses its treatment on the programming aspects of motor control. It handles the

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production or output of speech by actually imposing a target position or sequence on the child » (Chumpelik, 1984, p. 141). Un point de contact différent est utilisé pour chaque phonème de l’anglais, sur le visage ou sous le menton, en association avec le voisement, la nasalité et l’ouverture mandibulaire et en simultanéité avec la production de la parole (Annexe IV).

Chez l’adulte aphasique avec apraxie de parole, il a pu être démontré qu’un entrainement avec la méthode PROMPT favorise la production correcte de paires minimales, de mots et de phrases fonctionnelles (Square et al., 1986 ; Square et al., 1985). Nous nous intéressons en particulier à la production de phonèmes. Square et al. (1986) ont proposé à 3 sujets 12 sessions d’entrainement avec ou sans utilisation de PROMPT. Les résultats montrent que les pourcentages de production correcte de paires minimales avec utilisation de la méthode augmentent rapidement, alors que les paires minimales n’ayant pas bénéficié de la méthode mais seulement d’un entrainement simple n’évoluent pas ou peu.

La méthode PROMPT propose donc au patient une cible tactile, informant sur le mode, le lieu d’articulation et le voisement du phonème à produire. Ce sont ces mêmes informations que nous souhaitons fournir à notre patient, en utilisant une autre méthode haptique : la méthode Tadoma. Ce n’est plus le thérapeute qui donne des indices sur le visage du patient concernant les phonèmes à produire, mais le patient lui-même qui récupère des informations motrices à partir du visage du thérapeute, transférées ensuite sur son propre visage, utilisant ainsi ses capacités proprioceptives. De plus, par cette « lecture tactile » des gestes de la parole, le patient devient acteur de sa rééducation.

III. La méthode Tadoma ou la parole somesthésique

L’hypothèse d’une perception de la parole par le système tactile peut être directement observée chez les personnes sourdes et aveugles. Différents moyens de communication tactile ont ainsi vu le jour : le Fingerspelling (dactylologie à une main), la langue des signes tactile, le tactiling et la méthode Tadoma. Nous nous intéressons à cette dernière, qui offre une réelle possibilité de « toucher la parole ».

1. Principes de la méthode Tadoma

La méthode Tadoma est basée sur la réception vibratoire des gestes articulatoires en parole. Elle a été inventée par des éducateurs pour permettre à des enfants sourds et aveugles d’accéder au langage. La méthode Tadoma permet donc aux personnes déficientes auditives et visuelles (on parle de surdi-cécité) de percevoir la parole par une modalité a priori non destinée à cette fonction, la modalité tactile. A l’origine proposée par le professeur norvégien Hofgaard en 1890 (Reed et al., 1985), elle a été reprise en 1920 aux Etats-Unis par la Perkins School for the Blind pour deux enfants sourds-aveugles Tad Chapman et Oma Simpson, qui ont ainsi donné leur nom à la méthode.

La méthode consiste pour la personne sourde et aveugle à placer sa main en éventail sur le visage de son interlocuteur, allant des lèvres (via le pouce) jusqu’au cou (via l’auriculaire). Le pouce sur les lèvres permet de récupérer les informations sur la position des lèvres et le souffle, ainsi que l'air provenant éventuellement du nez (trait de nasalité). Les doigts sur la mâchoire et la joue récupèrent les mouvements d'ouverture/fermeture de

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la mandibule (trait d’aperture) ainsi que les informations concernant la pression intra-orale. L’auriculaire positionné au niveau du larynx perçoit les vibrations des cordes vocales (trait de voisement). Ces différents mouvements doivent ensuite être intégrés par le sujet sourd-aveugle pour qu’il puisse ainsi percevoir l’information phonétique (en phonèmes, syllabes et mots), avec des scores d’intelligibilité supérieurs dans cette modalité tactile à ce qui peut être obtenu en lecture labiale seule par le sujet privé d’audition.

2. La réception de la parole en Tadoma

La majorité des études ont été réalisées sur l’anglais américain. Nous nous centrons sur les études analytiques qui ont permis de déterminer le gain apporté par la méthode concernant l’identification de phonèmes.

2.1. Les études fondatrices chez le sujet sourd et aveugle

Reed, Durlach et Braida (1982) ont analysé les performances de perception de consonnes et de voyelles chez un sujet sourd-aveugle expert dans l’utilisation de la méthode Tadoma, qui est son moyen de communication depuis l’âge de 5 ans. Une série de syllabes sans signification a été proposée au sujet : 24 consonnes en contexte CV avec les voyelles [i], [ɑ], [u] et 15 voyelles et diphtongues en contexte CVC [g-V-d], [h-V-d], [b-V-d]. Les auteurs constatent que le contexte le plus favorisant pour l'identification des consonnes est le contexte [a] avec 62% de réponses correctes, le contexte [i] permettant d’obtenir le score de 56% et le contexte [u] 47%. Les résultats sont en revanche globalement équivalents pour les voyelles, avec 56% d’identification correcte quel que soit le contexte consonantique. Des matrices de confusions ont été réalisées pour présenter les résultats de manière plus détaillée. Elles mettent notamment en lumière des erreurs d’identification entre consonnes occlusives (erreurs de lieu : [t] et [k], [d] et [g]), entre consonnes affriquées et consonnes occlusives ([ʧ] et [t], [ʤ] et [d]) et entre semi-voyelles et nasales ([l], [j] et [n]) ; les voyelles [i, ɛ, Ʌ, ae], [ae, ɑ, ɔ, ai] et [ɔi, ɔ] sont fréquemment confondues. Ainsi, alors que certains traits articulatoires sont bien repérés et permettent l’identification des phonèmes - voisement, nasalité, lieu d'articulation, mode d'articulation, aperture et arrondissement des lèvres -, d'autres sont difficiles à percevoir, essentiellement la position de langue dans la cavité buccale.

Reed et al. (1985) ont étudié les performances de 3 sujets sourds-aveugles utilisant la méthode Tadoma pour des syllabes sans signification, des mots isolés et des phrases. Les syllabes présentaient 24 consonnes en contexte C-/a/ et 15 voyelles en contexte /h/-V-/d/. Les mots étaient monosyllabiques, de forme CV ou CVC. Les phrases comportaient des mots-clés issus des listes CID (Central Institute for the Deaf) et IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers). Les résultats montrent au niveau segmental que les consonnes et les voyelles sont correctement identifiées par les sujets autour d’un score de 60%, avec des erreurs semblables à celles de l’étude précédemment décrite (Reed, Durlach et Braida, 1982). Les résultats concernant les mots et les phrases montrent le rôle du contexte linguistique dans les capacités de réception de la parole, puisque leur taux de reconnaissance est meilleur que celui des syllabes. Ceci indique que les sujets utilisent leur connaissance sémantique et leur connaissance des contraintes syntaxiques. Ces résultats s’avèrent semblables à ceux obtenus dans les études de perception auditive dans le bruit. Les deux populations (sourde-aveugle et entendante-voyante) ont été testées

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par Kalikow et al. (1977, cité dans Reed, 1996). Les résultats des utilisateurs de Tadoma concordent avec ceux des entendants-voyants, âgés de 60-75 ans, lorsque ces derniers sont testés avec un rapport signal-sur-bruit d’environ 0-5 dB. Ainsi, les sujets Tadoma obtiennent entre 66 et 86% de réponses correctes pour des mots de haute prédictibilité et entre 30 et 44% pour des mots de faible prédictibilité.

2.2. Une utilisation chez l’entendant-voyant ?

L’utilisation de la méthode Tadoma par des locuteurs non atteints de surdi-cécité a été expérimentée dans le but de savoir quelles habiletés ces sujets avaient pour récupérer de la parole présentée en modalité tactile, et si leurs performances étaient équivalentes à celles de sujets sourds et aveugles.

Reed et al. (1982) ont proposé à deux sujets normo-entendants et voyants un test d’identification de phonèmes et de phrases, présenté en privation sensorielle (à l’aide d’un masque, de boules Quiès et d’un casque diffusant du bruit blanc). Ces sujets, qui ont connaissance des principes de la méthode, sont tour à tour locuteur (speaker) et récepteur (Tadoma reader) Un entrainement leur est proposé afin de se familiariser avec les caractéristiques vibrotactiles des phonèmes proposés (24 consonnes et 15 voyelles et diphtongues). A l’issue de cette session d’entrainement (environ 100h par sujet), les résultats sont de 73% d’identification correcte pour les consonnes et 82% pour les voyelles. Pour ce qui est des phrases, composées de 43 mots, des sessions d’entraînement ont également été proposées. Chaque phrase doit être identifiée au mot près ; les auteurs considèrent le nombre d’essais nécessaire pour parvenir à une identification complète de la phrase. Ce nombre passe de 6 à 4 pour l’un des sujets et de 3,8 à 2,8 pour l’autre entre le premier test et le troisième, indiquant que les sujets progressent dans leurs capacités de récupération des informations tactiles pertinentes. Enfin, les mêmes traits articulatoires sont repérés par les sujets normo-entendants et voyants non expérimentés en Tadoma et par les sujets sourds et aveugles exposés à la méthode Tadoma : pour les consonnes, le voisement, la friction et le lieu d’articulation ; pour les voyelles, le trait d’arrondissement, la tension musculaire du cou et le trait d’aperture.

Plus récemment, l’étude de Morin (2011) a testé l’utilisation de la méthode Tadoma par deux sujets entendant et voyant de langue maternelle française, âgés de 60 ans. L’auteur a présenté un test d'identification de consonnes et un test d'identification de mots. Les 8 consonnes [p], [b], [m], [t], [d], [n], [k] et [g] en contexte VCV sont utilisées : [a]C[a] durant la phase d’entrainement puis [a]C[a], [i]C[i] et [u]C[u] durant la phase de test. Les résultats indiquent une amélioration significative des performances des deux sujets. Les scores globaux d'identification de consonnes au premier test avant entraînement sont de 31,25% pour le sujet 1 (MS) et de 27,50% pour le sujet 2 (MD) en contexte /a/. En fin d’entraînement, ils augmentent pour atteindre 70% et 66,25% en contexte /a/, 77,50% et 70% en contexte /i/, ce qui indique une bonne généralisation, et 67,50% et 55% en contexte /u/. L’analyse des traits des consonnes testées en contexte /a/ montre que le trait bilabial est bien perçu dès le premier test d'identification de consonnes (93,33% et 86,66%) ; pour le trait alvéolaire, les scores passent de 16,66% à 83,33% ; pour le trait vélaire les performances stagnent autour de 40% pour le sujet 1 et 10% pour le sujet 2 ; le trait non voisé passe de 60% et 26,66% à 100% et 90%, le trait voisé de 66,66% et 53,33% à 96,66% et 100%, le trait nasal de 25% et 50% à 95% et 85%, le trait oral de 80% et 60% à 98,33% et 96,66%. Pour ce qui est des mots, le sujet 1 est parvenu à percevoir 15 mots sur un total de 26 alors que le sujet 2 n'en a identifié que 7. L’analyse

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des matrices de confusions indique des erreurs de lieux d'articulation. Pour être correctement identifié, le mot devait généralement être répété au moins 4 fois.

L’intérêt de cette étude est aussi d’avoir proposé la méthode à des sujets qui ne soient pas les expérimentateurs de l’étude, et de démontrer qu’« après seulement sept semaines d'entraînement à la perception tactile de la parole (ce qui correspond à une dizaine d'heures environ), les résultats de nos sujets MS et MD sont généralement corrects et peuvent être comparés à ceux des sujets moins "naïfs" et ayant déjà des connaissances au moins théoriques sur la production de la parole et la méthode Tadoma » (Morin, p. 60).

3. Vers une perception multi-sensorielle de la parole

La perception de la parole avec Tadoma est basée sur la réception et l’intégration des informations des différents mouvements au cours de l’articulation, lesquels peuvent être ressentis par la position de la main sur le visage et le cou de l’interlocuteur. Le lien entre ces informations tactiles et les informations consonantiques et vocaliques a été mis en évidence par plusieurs études ayant testé les confusions faites par des sujets utilisateurs de la méthode Tadoma (Reed et al., 1982, 1985, 1989) ou par le biais d’expériences avec un système Tadoma artificiel (Leotta et al. 1988 ; Henderson, 1989). Ainsi, les consonnes voisées sont majoritairement identifiées grâce à la vibration perçue sur le cou et la mâchoire ; les différents lieux d’articulation sont distingués d’après les différences d’intensité et la concentration de flux d'air aux lèvres. Les informations les plus saillantes pour les voyelles semblent être fournies par les mouvements des lèvres et de la mâchoire permettant l’accès au trait d’arrondissement et à celui d’ouverture/fermeture. Ces informations segmentaires incomplètes semblent être combinées avec les connaissances sémantiques et syntaxiques des sujets, menant à la capacité de recevoir des messages contextuels avec un degré de précision acceptable.

En outre, une étude électroencéphalographique (EEG) de Treille (2012), comparant les réponses auditives évoquées N1 et P2 (soit 100ms et 200ms après l’onset acoustique) chez 14 sujets lors de la perception auditive, audiovisuelle et audio-haptique (méthode Tadoma) des syllabes /pa/ et /ta/ a pu montré une intégration précoce des modalités auditive, visuelle et tactile lors de la perception de la parole ; de plus, les informations visuelles et tactiles semblent jouer un rôle prédictif dans le traitement auditif de la parole.

Les résultats des études menées en Tadoma ont donc une implication directe dans la substitution sensorielle de la parole. En effet, les capacités de réception en parole des utilisateurs de Tadoma démontrent la capacité de la modalité tactile à représenter la parole et à traiter le langage. Elles dépendent toutefois de différents facteurs. Ainsi, la maîtrise de la perception de mots et de phrases en Tadoma demande un entrainement intensif sur le long terme de l’utilisation de la méthode. L’étude de Morin (2011) démontre néanmoins que la capacité à percevoir des phonèmes isolés par des locuteurs non experts peut être acquise avec un entrainement beaucoup plus court. Ensuite, l’aspect multidimensionnel de la présentation en Tadoma semble satisfaire les principes d’optimisation du transfert de l'information. De plus, l'utilisation de la main pour recevoir l’information tactile peut constituer un avantage, considérant la grande innervation du récepteur manuel et l’engagement cutané et kinesthésique qu’il induit. Enfin, l’accès aux articulateurs par la modalité tactile peut être un avantage au regard de la théorie motrice de la perception de la parole (Reed, 1996).

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Chapitre II

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

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I. Problématique

La rééducation des troubles arthriques, affiliés aux aphasies non fluentes, passe par la conscientisation oro-bucco-faciale du patient, qui, grâce aux mécanismes de récupération cérébrale tels que la réorganisation structurale, lui permet de retrouver les schèmes moteurs utiles à la production de la parole. Cette conscientisation se fait notamment par un travail systématique, utilisant des facilitations pouvant provenir de différentes modalités.

L’apport de la multimodalité a été largement démontré en parole, en particulier en ce qui concerne la bimodalité audiovisuelle. Stetson (1928) considérait que « plutôt qu’une série de sons produits par du mouvement, la parole est une série de mouvements rendus audibles » ; depuis les années 1980, la parole est conçue comme multisensorielle, l’auditeur récupérant une série de mouvements rendus audibles mais aussi visibles (Abry et Schwartz, 1988, 1989). Outre son utilisation chez la population malentendante, le rôle de la vision, dont bien sûr la lecture labiale, a été largement démontré dans le bruit (de Sumby et Pollack, 1954, à Mohamadi et Benoît, 1992). Qui plus est, les informations auditives et visuelles apparaissent complémentaires (Summerfield, 1987 pour les consonnes ; Robert-Ribes, 1998 pour les voyelles).

Dans la clinique orthophonique, Rosenbeck et Werk défendaient dès 1972 la supériorité d’une présentation audiovisuelle sur une présentation unimodale ; nous ajoutons que si une présentation audiovisuelle est supérieure à une présentation unimodale, nous pouvons supposer qu’une présentation trimodale sera encore supérieure.

Nous proposons d’adapter une méthode de récupération de la parole par la modalité tactile, comme augment à la bimodalité audiovisuelle naturelle de la parole, afin de stimuler la neuro-plasticité et d’utiliser la notion de redondance des réseaux fonctionnels chez des sujets souffrant de lésions cérébrales impliquant des troubles arthriques. L’objet de ce mémoire est donc de tester l’application de la méthode Tadoma à la rééducation des troubles arthriques chez le patient aphasique non fluent.

Les troubles arthriques résultent d’un problème de programmation et de coordination des gestes articulatoires. La méthode Tadoma, en permettant d’accéder aux gestes moteurs, donne un accès sensorimoteur à la parole. La tridimensionnalité auditive, visuelle et gestuelle de la parole pourra être ainsi exploitée.

De plus, la méthode permet d’envisager un transfert de la perception vers la production de la parole, puisque le patient peut placer tour à tour sa main sur le visage de l’orthophoniste et sur son propre visage. Nous nous plaçons ici dans une approche perception-action de la parole (cf. la théorie de la perception pour le contrôle de l'action ou PACT, Perception for Action Control Theory, Schwartz et al., 2002, 2012).

C’est aussi l’utilisation de la modalité tactile qui est proposée par Van Eeckhout (2008). D’abord pour démutiser le patient, « rétablir la communication » (p. 143). Le toucher est utilisé pour la respiration, le rythme, la mobilisation des cordes vocales ; le thérapeute mobilise l’ensemble du corps du patient pour favoriser l’émergence de la parole. A la suite d’un AVC, le cerveau est comme sidéré : les gestes provoquent des réactions, qui

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font bouger le corps et permettent de « remettre en œuvre des chemins neuronaux nouveaux et l’aide[ra] à retrouver son propre fonctionnement » (p. 144). En outre, cette démarche n’est pas sans rappeler les méthodes tactiles (type OstéoVox : Roch et Piron, 2008) utilisant le principe de proprioception, lequel nous semble fondamental. La proprioception correspond à la propre perception de notre corps, par rapport à nos sensations (somesthésie), ou à la position et aux mouvements des différentes parties de notre corps (kinesthésie). L’utilisation de la proprioception permet de récupérer la fonction, en (ré)activant les récepteurs et les connexions neuronales.

II. Hypothèse générale

L’ajout d’une troisième modalité tactile – par l’utilisation de la méthode Tadoma – aux modalités classiques auditive et visuelle dans la perception de la parole par le sujet aphasique non fluent augmente ses performances en production, en permettant au patient de retrouver, par l’ajout d’une modalité non exploitée avant l’apparition du trouble, les mouvements nécessaires à l’articulation des sons.

Si notre expérimentation concerne un corpus précis constitué de phonèmes consonantiques, nous espérons que l’amélioration des performances sera généralisé à l’ensemble des productions de notre patient : en effet, la (re)construction de circuits neuronaux pourrait permettre ensuite la généralisation.

III. Hypothèses opérationnelles

Le patient aphasique récupère des informations perceptives tactiles, qui combinées aux informations auditives et visuelles, améliorent la production des consonnes :

La distinction de mode Le positionnement des doigts du patient en éventail sur le visage de l’orthophoniste puis sur son propre visage permet de percevoir l’aperture de la mandibule et la pression intra-buccale. Il favorise ainsi la distinction du mode d’articulation occlusif/constrictif des consonnes : [p, b, m, t, d, n] vs [f, v, ʃ, ʒ].

La distinction de la nasalité Par le positionnement du pouce au niveau des lèvres et sous les narines, le patient pourra distinguer les consonnes nasales des consonnes orales : [p, b, t, d, f, v, ʃ, ʒ] vs [m, n].

La distinction de lieux articulatoires Le positionnement du pouce au niveau des lèvres permet également l’accès aux formes labiales. Certains lieux articulatoires impliquant les lèvres (consonnes bilabiales [p, b, m], labiodentales [f, v]) ainsi que le trait d’arrondissement (consonnes [ʃ, ʒ]) pourront être repérés par le patient, l’amenant à distinguer ces consonnes de consonnes plus internes (par ex. [t, d, n…]).

La distinction de voisement Le positionnement de l’auriculaire au niveau du larynx permet de percevoir le voisement (vibration des cordes vocales). Il renforce la distinction des consonnes sourdes (non voisées) et sonores (voisées) : [p] vs [b], [t] vs [d], [f] vs [v], [ʃ] vs [ʒ].

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Chapitre III

PARTIE EXPERIMENTALE

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I Protocole expérimental

L’expérimentation a lieu à l’Institut de Rééducation de l’Hôpital Sud du CHU de Grenoble, où un stage à l’année dans le service de rééducation neurologique a pu être réalisé. La sélection de notre échantillon s’est donc faite au sein des patients du service. Les passations ont lieu dans le bureau de l’orthophoniste ou dans la chambre du patient, en fonction du patient et du nombre de bureaux disponibles.

1. Corpus

1.1. Répétition de syllabes

Nous proposons à notre patient une tâche de répétition de syllabes sans signification, de forme VCV et CVCV, testant les consonnes [p, b, m, t, d, n, f, v, ʃ, ʒ], V étant toujours la voyelle ouverte [a], soit les syllabes :

VCV CVCV apa – aba – ama afa – ava ata – ada – ana aʃa – aʒa

papa – baba – mama fafa – vava tata – dada – nana ʃaʃa – ʒaʒa

Tableau 1 : Syllabes VCV et CVCV évaluées en répétition.

Les consonnes retenues permettent d’observer les oppositions suivantes : - Opposition de mode d’articulation : consonnes occlusives [p, b, m, t, d, n] vs

constrictives [f, v, ʃ, ʒ]. - Opposition du critère de nasalité : consonnes orales [p, b, t, d, f, v, ʃ, ʒ] vs nasales

[m, n]. - Opposition de lieu articulatoire : consonnes bilabiales [p, b, m] vs labio-dentales

[f, v] vs apico-alvéolaires [t, d, n] vs post-alvéolaires [ʃ, ʒ]. - Opposition de voisement : consonne occlusive bilabiale sourde [p] vs sonore [b],

consonne constrictive labio-dentale sourde [f] vs sonore [v], consonne occlusive apico-alvéolaire sourde [t] vs sonore [d], consonne constrictive post-alvéolaire sourde [ʃ] vs sonore [ʒ].

Le nombre de consonnes a été réduit de façon à pouvoir faire ces distinctions sans alourdir la passation, et en ne conservant que les consonnes qui peuvent être bien identifiées en Tadoma. Ainsi, ont été écartées [k, g, ɲ] car trop postérieures pour être identifiées en Tadoma ; les consonnes [l, ʁ] et les semi-consonnes [w, ɥ, j] ne sont pas assez marquées articulatoirement ; [s, z] n’apportaient pas d’opposition consonantique supplémentaire par rapport à notre corpus retenu.

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1.2. Principes de la tâche de répétition

La modélisation de la répétition (figure 3), à partir du module d’analyse auditive, peut passer par trois voies (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010) :

- La voie phonologique (non lexicale) permet une conversion acoustico-phonologique ou de phonème à phonème. Les unités phonologiques sont stockées temporairement dans le buffer phonologique avant programmation des patterns articulatoires. Elle est utilisée pour la répétition de non-mots ou de mots inconnus.

- La voie lexico-sémantique dirige l’information auditive vers le lexique phonologique d’entrée (détection), puis vers le système sémantique (compréhension), et vers le lexique phonologique de sortie et le buffer jusqu’à la réalisation articulatoire.

- La voie lexicale directe non sémantique permet la transition de l’information auditive directement du lexique phonologique d’entrée au lexique phonologique de sortie sans passer par le système sémantique.

Figure 3 : Modélisation de la tâche de répétition.

La répétition met donc en jeu des mécanismes à la fois de perception et de production. Les performances en répétition peuvent dépendre des différents facteurs que sont la fréquence, la catégorie grammaticale, la morphologie et la longueur. Si le module acoustico-phonologique est atteint, la répétition de mots et de non-mots sera déficitaire. De la même façon, les deux types d’items seront touchés en cas d’atteinte du buffer phonologique. Si l’atteinte se situe au niveau du lexique phonologique d’entrée, les troubles s’observeront en fonction de la longueur et de la complexité phonologique. Si les représentations sémantiques sont touchées, la répétition de mots et non-mots ne sera pas atteinte. Une perturbation du lexique phonologique de sortie n’atteindra pas les non-mots mais de façon plus ou moins marquée les mots.

Dans le cas de notre étude, c’est la programmation et la réalisation motrice de la production orale du patient qui sont atteintes, notre étude traitant des troubles arthriques dans les aphasies non fluentes. Notre corpus ne testant que des syllabes sans signification, nous proposons une utilisation de la voie phonologique, en évitant les problématiques liées aux effets de lexicalisation et de sémantisation.

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2. Passation

2.1. Configuration de la méthode

L’expérimentateur se place en face du sujet, prend la main du patient qu’il place sur son visage selon les principes de Tadoma, c’est-à-dire en éventail sur le visage de son interlocuteur, allant des lèvres (via le pouce) jusqu’au cou (via l’auriculaire), comme illustré sur l’image suivante, présentant deux utilisateurs de la méthode Tadoma.

Figure 4 : utilisation de la méthode Tadoma par Patrick Dowdy et Robert Smithdas (tiré du site de David Bar-Tzur : http://theinterpretersfriend.org/pd/ws/db/text.html).

Une explication est donnée au patient pour qu’il sache ce qu’il va pouvoir percevoir. On lui demande de prêter attention à la fois à ce qu’il entend, ce qu’il voit et ce qu’il perçoit par le toucher. Une fois la syllabe produite par le thérapeute, la main du patient est placée sur son propre visage et on lui demande de répéter cette syllabe, en essayant de percevoir sa propre articulation.

2.2. Sessions d’expérimentation et enregistrements

Nous avons soumis notre patient à deux sessions d’expérimentation, pour lesquelles deux séries de répétition de chaque syllabe VCV et CVCV en ligne de base et en évaluation sont enregistrées. Les syllabes sont présentées en ordre aléatoire, en veillant à varier la condition avec et sans Tadoma (le détail d’une session est présenté en Annexe V). Nous avons ainsi obtenu lors de chaque enregistrement 10 syllabes VCV et 10 syllabes CVCV, soit 3 exemplaires de chaque consonne [p, b, m, t, d, n, f, v, ʃ, ʒ]. Par session, chaque phonème est donc évalué 6 fois avant et 6 fois après le traitement.

Les passations pré et post traitement des deux sessions sont enregistrées auditivement à l’aide d’un dictaphone (Philips LFH0645), de façon à pouvoir nous concentrer sur la passation, revenir sur nos enregistrements et analyser précisément les productions de notre sujet.

L’analyse auditive est réalisée par deux juges. Le recours au logiciel Praat permet d’obtenir le signal acoustique et le spectrogramme des séquences à identifier, en particulier lorsque leur reconnaissance auditive seule est difficile.

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Entre les deux sessions d’enregistrement, la méthode Tadoma est intégrée au travail analytique. Les séances orthophoniques sont programmées 5 fois par semaine. L’utilisation de la méthode Tadoma dans la rééducation ne dépasse pas 10 min par séance, mais sa présentation au patient est aussi régulière que possible.

Ainsi notre patient est enregistré à 8 reprises, sur 4 séries de syllabes. Le tableau suivant permet de visualiser l’organisation des deux sessions d’expérimentations :

Session 1 Session 2

Pré

Trai

tem

ent Post Pré

Trai

tem

ent Post

Base 1 Base 2 Eval 1 Eval 2 Base 1 Base 2 Eval 1 Eval 2

Tableau 2 : Organisation des sessions d’expérimentation.

3. Principes d’évaluation

Seron et de Partz (1997, voir aussi Seron, 2000) ont détaillé la méthodologie de l’évaluation de l’efficacité des traitements en neuropsychologie. Les auteurs répertorient des questions concernant l'effet de la prise en charge par rapport à une éventuelle récupération spontanée ; les effets attendus en fonction des hypothèses théoriques, spécifiques à l’item ou généralisation ; l'efficacité suivant les types de tâches et leur format ; l’intensité du traitement ; la motivation du patient.

3.1. Ligne de base

L'évaluation de l'efficacité d’une thérapie nécessite de pouvoir comparer les performances avant et après cette thérapie. L'évaluation réalisée avant la thérapie constitue la ligne de base. Nous avons choisi des lignes de base répétées, en réalisant plusieurs mesures, afin de gommer l’effet de variabilité des performances ou de récupération spontanée. Si les performances sont stables durant les lignes de base et que les performances sont meilleures après la thérapie, l’hypothèse d’une amélioration inhérente à la thérapie peut être retenue.

3.2. Paradigme ABA : évaluation-traitement-réévaluation

Les paradigmes ABA représentent une alternance simple d'évaluation et de thérapie. Nous supposons que la thérapie va améliorer la production des items en Tadoma. Nous observerons la généralisation éventuelle à l’ensemble des performances du sujet. Une tâche contrôle est proposée, correspondant à la répétition des syllabes sans méthode Tadoma. Ce paradigme est utilisé pour chacune de nos deux sessions d’expérimentation.

II. Etude de cas unique

Nous avons sélectionné pour notre protocole expérimental un unique patient présentant l’ensemble des critères que nous nous sommes imposés pour notre étude. En effet, la

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réalité clinique est bien plus complexe que ne le laisse supposer la sémiologie classique des aphasies. Il existe au cœur de la population aphasique une très grande variabilité inter-sujets. La mise en place de notre protocole étant de plus assez contraignante et imposant un suivi au long cours, nous nous sommes astreints à ne tester qu’un patient que nous présentons dans cette section.

1. Critères d’inclusion et d’exclusion

Notre objectif est de déterminer si la méthode Tadoma peut être utilisée comme technique facilitatrice pouvant aider à la rééducation des troubles arthriques ; pour cela nous retenons les critères d’inclusion et d’exclusion suivants :

- La présence de troubles arthriques est le critère d’inclusion indispensable pour notre étude.

- Les troubles arthriques peuvent être observés dans les tableaux d’aphasies non fluentes, c’est donc ce type de profil que nous avons sélectionné en premier lieu. Les anomalies de la fluence peuvent être observées dans tout type de tâche verbale, et en premier lieu en parole spontanée, conversation, récit, description d’image. La fluence est le principal critère de classification des aphasies. Dans les aphasies non fluentes, les temps de latence, les hésitations, les pauses ralentissent le débit. Au stade maximum de la réduction, il peut y avoir jusqu’à suppression de la production, le patient étant alors mutique.

- L’association des troubles de la fluence avec les troubles arthriques et l’agrammatisme (voir glossaire) est caractéristique de l’aphasie de type Broca. Ce profil nous intéresse en particulier.

- Pour pouvoir juger de la présence de troubles arthriques, inhérents à l’atteinte cérébrale, le patient doit être de langue maternelle française.

- L’utilisation de la méthode Tadoma, des consignes de passation, demande une compréhension qui soit relativement préservée. Nous veillons à ce que les compétences en réception de notre patient soient suffisantes.

- La présence d’une hémiplégie droite, très largement associée à une aphasie non fluente, n’est pas un critère d’exclusion, puisqu’une seule main est nécessaire pour utiliser la méthode.

- En revanche, en cas de troubles praxiques (cf. le terme d’apraxie dans le glossaire) du membre valide, ceux-ci doivent être discrets ou avoir suffisamment récupérés entre l’accident vasculaire cérébral et le début de l’utilisation de la méthode.

- Avant de débuter le protocole, il convient d’attendre la fin de la phase de mutisme initial, la démutisation étant nous l’avons vu l’objectif préalable et indispensable à la prise en charge du langage oral (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010).

- De même, la présence d’une apraxie bucco-faciale doit être traitée en parallèle. L’expérimentation débute lorsque les capacités de la sphère bucco-faciale nous paraissent suffisantes pour exécuter la tâche.

- Nous prenons en compte la période de récupération spontanée, estimée entre 3 et 6 mois après l’AVC suivant les auteurs (Pradat-Diehl et al., 2000), en proposant deux sessions, précisément à 3 et 6 mois de l’AVC de notre patient.

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En fonction de ces critères d’inclusion et d’exclusion, trois patients éventuels – présentant des troubles arthriques – ont dû être écartés : l’un était de langue maternelle italienne, un autre présentait une aphasie croisée (syndrome aphasique suite à une lésion ipsilatérale à la main dominante (Barat et al., 2007) ; voir glossaire), le dernier avait commencé son suivi orthophonique dans le service de rééducation fonctionnelle plusieurs mois avant notre arrivée en stage et sa sortie s’est faite avant la fin de la période de stage.

2. Profil du sujet

Monsieur B. est un homme de 48 ans, de langue maternelle française, célibataire, sans enfants et chauffeur routier de profession. Il est droitier. Monsieur B. est suivi en rééducation orthophonique suite à un accident vasculaire cérébral ayant entrainé une aphasie non fluente.

2.1. Historique clinique

Monsieur B. a fait un malaise avec chute et perte de connaissance le 21/08/2012, alors qu’il se trouvait au Mans pour son travail. Il a été transporté par les pompiers vers l’unité neurovasculaire du Mans. Son score à l’échelle NIHSS (National Institute of Health Stroke Score ; Niclot, 1999) évaluant l’atteinte cérébrale était de 24/42, ce qui correspond à une atteinte sévère (Annexe VI). Elle se caractérisait par une hémiplégie droite totale avec paralysie faciale, un mutisme et une hémianopsie latérale homonyme droite (perte du champ visuel du côté opposé à la lésion). L’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) et la TDM (Tomodensitométrie) ont montré une occlusion sylvienne gauche. Une thrombolyse et une thrombectomie ont été réalisées.

Monsieur B. a ensuite été transféré à Grenoble le 05/09/2012 pour rapprochement familial en service neurovasculaire au CHUG Nord de Grenoble. Le score NIHSS était alors de 21, indiquant toujours des troubles sévères. La réponse aux ordres simples (ROS) et aux ordres complexes (ROC) était possible ; sont à nouveau observés un mutisme, une paralysie faciale droite et une hémiplégie droite d’origine athéromateuse (mis sous traitement antiagrégants). Les signes neurologiques cliniques se stabilisent. Monsieur B. présente des troubles de déglutition qui ne nécessitent pas de sonde naso-gastrique mais la reprise d’une alimentation mixée.

On note des antécédents médicaux d’hypertension artérielle (facteur principal des AVC), un syndrome anxio-dépressif, un tabagisme et un éthylisme chroniques (sevrage alcoolique). Monsieur B. n’a pas de troubles de l’audition ni de la vision (seule une correction pour la presbytie est à mentionner).

Une rééducation orthophonique et kinésithérapeutique intensive est demandée, pour laquelle il est admis à l’Institut de Rééducation (IDR) de l’Hôpital Sud de Grenoble le 14/09/2012.

2.2. Bilan initial

Un premier bilan a été réalisé par l’orthophoniste du service neurovasculaire de l’Hôpital Nord du CHU de Grenoble, indiquant que Monsieur B. présentait initialement une aphasie globale, avec mutisme (Annexe VII).

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Langage automatique :

Séries automatiques : - Fins de phrases automatiques : 0/10 Chanson : essais mélodiques sans sons articulés

Transpositions orales :

Répétition de mots simples : abolie Lecture à haute voix de mots : abolie

Compréhension orale :

Désignation lexicale d’images : 10/16 Désignation par l’usage : 5/10 Ordres simples : 1/3

Ecriture :

Spontanée : persévérations graphiques

Sur le plan de l’expression, aucune production orale n’est possible, que ce soit pour les épreuves de dénomination, de répétition ou de langage automatique. La lecture est impossible ; l’écriture, testée en spontanée, témoigne de persévérations graphiques.

La compréhension de Monsieur B., évaluée par des tâches de désignation lexicale, de désignation par l’usage et par la proposition d’ordres simples, semble moins perturbée sans être néanmoins tout à fait préservée, ce qui a orienté le diagnostic vers une aphasie globale. A ces troubles aphasiques sont associés une hémiplégie droite ainsi qu’une apraxie bucco-faciale.

2.3. Evolution aux cours des 6 premières semaines

Les 6 premières semaines post AVC, appelées phase aiguë (Hoess et al., 2012), sont favorables à la récupération spontanée. La rééducation débute donc précocement et de manière intensive pour profiter au mieux de cette période. Le patient est d’emblée vu 5 fois par semaine.

Le langage de Monsieur B. a été réévalué à son entrée à l’IDR par l’orthophoniste du service de rééducation neurologique lors des premières séances de rééducation. Le patient est capable de répondre oui ou non de la tête. Aucune émission vocale n’est possible. D’importantes fuites salivaires corrèlent avec une paralysie faciale et des problèmes de déglutition (traités en parallèle mais que nous ne développons pas ici).

Dès les premiers jours, le patient pouvait se repérer sur un calendrier et sur une carte de France pour indiquer la ville où se trouve l’hôpital et celle où a eu lieu son accident (dont il n’a pas de souvenirs). A l’écrit, la copie de son prénom et de la date, l’écriture automatique des chiffres de 1 à 10 sont possibles. Les praxies bucco-faciales sur imitation sont réalisables pour les items « ouvrir la bouche », « tirer la langue », puis la possibilité de tirer la langue à droite, à gauche, en bas et en haut se met en place ; les autres praxies sont difficiles. On remarque une dissociation automatico-volontaire puisque le patient ne peut pas volontairement souffler mais parvient facilement à éteindre une bougie. Le

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souffle est prolongé pour obtenir un son mal articulé, permettant de démutiser le patient. Au 4ème jour une vocalisation [a] se met en place avec forçage vocal. Le langage automatique n’est pas encore aidant : le chant « au clair de la lune » permet d’obtenir un râle, le comptage n’est pas possible. La compréhension est mieux préservée que l’expression, aussi bien pour le lexique qu’en morphosyntaxe, à l’oral (désignation) et à l’écrit (association de mots écrits et d’images). Un classeur de communication est mis en place dès la première semaine, mais peu investi par le patient.

La deuxième semaine, les séries automatiques permettent quelques productions (comptage, chanson, fins de phrases). Un travail analytique peut démarrer, avec la production de voyelles. Le langage écrit est travaillé en parallèle et montre des paragraphies importantes.

La compréhension et l’écrit s’améliorent au cours des semaines suivantes. Le travail articulatoire indique des possibilités de production de quelques consonnes, mais de manière très instable. Les combinaisons de ces sons en syllabes est parfois possible, le passage au mot en répétition n’est pas probant.

A la fin du premier mois, les gestes (Borel-Maisonny) semblent aidant pour la production orale, mais les performances sont toujours variables. La répétition de syllabes s’améliore. Les praxies bucco-faciales sont mieux réalisées ; quelques items résistent (bruit du baiser, claquement de langue).

A l’issue des 6 premières semaines, des progrès notables ont été réalisés au niveau du langage écrit et de la compréhension. En revanche, la production orale est marquée par des troubles arthriques importants (articulation imprécise voire impossible), avec une variabilité, voire une dégradation des performances. L’apraxie bucco-faciale a diminué mais reste présente. Monsieur B. ne présente plus de troubles de déglutition.

2.4. Bilan à 6 mois

Un second bilan est réalisé par nos soins à l’IDR à 6 mois du bilan initial, avec la passation du protocole Montréal-Toulouse (MT-86 ; Nespoulous, Lecours et Lafond) et de tâches complémentaires.

Praxies bucco-faciales : 4/6

L’apraxie bucco-faciale de Monsieur B. a en partie régressé. Il peut réaliser la plupart des gestes sur imitation comme sur commande. Toutefois certains gestes plus complexes restent difficiles, notamment les claquements de langue et siffler.

Langage automatique :

Chiffres de 1 à 10 : + Jours de la semaine : + Mois de l’année : – Chant (« au clair de la lune ») : paroles – mélodie +

Malgré la présence de troubles arthriques, les chiffres de 1 à 10 et les jours de la semaine sont bien intelligibles. En revanche, seuls quelques mois peuvent être compris, le reste

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étant marmonné. Monsieur B. énumère chaque item sur ses doigts. Pour le chant, la mélodie est respectée mais les paroles sont inintelligibles.

Compréhension orale :

Compréhension de mots : 9/9 Compréhension de phrases : 30/38 Exécution d’ordres : 4/8 Désignation des parties du corps : 7/8

La compréhension orale est assez bonne, néanmoins elle apparaît limitée dans le cas de phrases complexes, en particulier lorsqu’il s’agit d’exécution de plusieurs ordres à réaliser de manière séquentielle (« quand j’aurai pris la clé, vous mettrez le peigne sous le papier »). On peut supposer un déficit de la mémoire de travail.

Compréhension écrite :

Compréhension de mots : 4/5 Compréhension de phrases : 4/8 Épreuves complémentaires hors MT-86 (Annexe VIII) : Compréhension textuelle : 2/7 Ordre des mots dans une phrase : 2/4

Afin d’évaluer la compréhension écrite de Monsieur B., nous avons choisi des tâches ne faisant pas partie du MT-86, mais permettant au patient de répondre sans faire intervenir son expression orale, très déficitaire, et sans avoir à écrire du fait de ses paragraphies, de façon à ne pas pénaliser le patient. Si dans la communication la compréhension de Monsieur B. semble relativement bonne, elle apparaît néanmoins réduite à l’écrit à des phrases simples, avec un effet de longueur et une difficulté à extraire les informations essentielles d’un texte, si les questions posées ne reprennent pas exactement les mêmes termes que le texte. La compréhension des éléments morphosyntaxiques est également réduite.

Transpositions :

Lecture à haute voix de mots : -/30 Lecture à haute voix de phrases : -/3 Lecture de chiffres : 4/10

La lecture à voix haute de Monsieur B. est très perturbée du fait de ses troubles arthriques. Les mots sont parfois reconnaissables (quelques phonèmes identifiables, nombre correct de syllabes) mais non intelligibles. La lecture de chiffres semble davantage préservée. Du fait de ses difficultés, les phrases n’ont pas été évaluées.

Répétition de mots : 1/30 Répétition de phrases : -/30 Répétition de chiffres : 2/10

Les troubles de répétition sont caractérisés par la présence massive d’une production de type stéréotypie : la quasi-totalité des consonnes est remplacée par la consonne occlusive apico-alvéolaire [t]. Les phrases n’ont pas été évaluées. Notons que Monsieur B. s’aide de la lecture labiale.

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Copie de mots : 3/3 Copie de phrases : 1/1

La copie est préservée. Le graphisme (main gauche) est encore peu précis, Monsieur B. alterne écriture en majuscule et écriture cursive.

Dictée de mots : 2/10 Dictée de phrases : 0/3 Score global : 6/35

L’écriture de Monsieur B. est identifiable : les mots sont reconnaissables. En revanche, elle comporte de nombreuses paragraphies phonémiques. Le score total est donc tout à fait déficitaire, cependant Monsieur B. peut s’appuyer sur l’écrit pour se faire comprendre.

Dénomination orale :

Mots : 1/25 Verbes : 1/6

A nouveau les performances en dénomination sont totalement parasitées par la présence de la production [t]. Les items semblent reconnus mais inintelligibles hors contexte, les troubles arthriques étant trop massifs. On peut se poser la question d’un manque du mot pour certains items, malgré l’importance des troubles en production. En effet, en rééducation l’ébauche orale ou les fins de phrases facilitent les productions orales.

Disponibilité lexicale : -

L’épreuve ne peut être réalisée en raison de l’importance des troubles arthriques et de la production quasi stéréotypée du patient qui rendent les productions totalement inintelligibles.

Dénomination écrite :

Mots : 2/25 Verbes : 1/6

L’exercice demande beaucoup d’effort au patient et on peut se demander si sa motivation ne s’émousse pas au fil de l’épreuve. Trois mots sont correctement écrits (« meuble », « pomme », « nages »). Là encore, les mots sont souvent reconnaissables, mais Monsieur B. est pénalisé par de nombreuses paragraphies phonémiques. L’absence de réponses pour plusieurs items (11/31) confirme la présence d’un manque du mot et d’une perte du stock orthographique des mots plus longs et peu fréquents.

Questionnaire écrit : 4/8

Les réponses sont appropriées (hormis pour le lieu de naissance qu’il ne semble pas connaître) mais tous les mots présentent une ou plusieurs paragraphies. Les réponses sont concises, elles se limitent à un mot (agrammatisme) excepté pour la date de naissance.

Discours narratif oral :

Monsieur B. s’exprime par gestes (lève les mains pour signifier le hold-up, mime la fuite, la peur) et en utilisant la désignation. Les productions sont très réduites, « toto » désigne

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la voiture, « un, deux, trois » réfère aux voleurs qu’il dénombre. Je le questionne pour vérifier la compréhension globale, qui semble satisfaisante, mais il me fait rapidement comprendre qu’il souhaite passer à une autre épreuve.

Discours narratif écrit :

Monsieur B. écrit trois mots, sans faire de phrases (agrammatisme) et avec plusieurs paragraphies phonémiques : « banque », « gendarme » et « l’argent ». Là encore il ne souhaite pas s’attarder sur l’épreuve.

Nous retenons du bilan réalisé une compréhension bien supérieure à ses capacités de productions, qui semble indiquer une évolution de l’aphasie globale initiale vers une aphasie de type Broca, avec les caractéristiques suivantes : La présence de troubles arthriques est massive, caractérisés par une articulation peu

précise et une production faisant penser à une stéréotypie ; toutefois le patient peut articuler d’autres productions en répétition de syllabes avec gestes Borel ou support visuel (lettres, dessins).

La facilitation par des explications du geste articulatoire à réaliser (point d’articulation) pour produire les phonèmes semble opérante, mais ces explications sont à répéter à chaque essai, le patient n’étant pas capable de retrouver les gestes à produire par lui-même. Le patient garde une apraxie bucco-faciale.

La dissociation automatico-volontaire est également efficace, pour évoquer des mots ou réaliser des praxies telles que souffler (bougie), ou l’articulation de phonèmes non visibles, comme le [ʁ] par le biais de gargarismes.

Il existe un trouble d’évocation majeur, à l’oral comme à l’écrit, facilité par l’ébauche orale, le contexte et les fins de phrase.

Les productions sont agrammatiques. L’écrit est un canal de communication favorable pour Monsieur B. (l’épellation

écrite est notamment très bonne, alors même que les phonèmes correspondant ne sont pas présents dans le discours du patient), il est donc à stimuler et à favoriser chez ce patient.

Enfin, bien que la motivation et les performances de Monsieur B. soient fluctuantes, le patient est volontaire et se prête bien aux épreuves de bilan, comme aux séances de rééducation.

Pour résumer, nous administrons à notre patient deux sessions d’expérimentation, comprenant un pré traitement (ligne de base), un traitement par la méthode Tadoma, et un post traitement (évaluation). Ces deux sessions ont été choisies en fonction du décours de récupération spontanée généralement observé, dont la période maximale est située selon les auteurs entre 3 et 6 mois après l’AVC (Pradat-Diehl et al., 2000). Ainsi, la première session a débuté à 2 mois et demi de l’AVC et la seconde à 6 mois, sachant que la durée de traitement a été dans les deux cas d’environ un mois à raison de 5 séances par semaine, et qu’un intervalle de deux mois sans exposition à la méthode a séparé les deux sessions.

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Chapitre IV

PRESENTATION DES RESULTATS

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Les résultats présentés dans cette partie proviennent d’un dépouillement à partir des enregistrements réalisés, avec validation par deux juges. Nous mentionnons d’ores et déjà des difficultés rencontrées dans le jugement perceptif des productions du patient, expliquant la présence de consonnes dites inintelligibles, et la non prise en compte des consonnes affriquées et de l’allongement de certaines séquences.

I. Analyse quantitative des performances en répétition

Les deux enregistrements réalisés en ligne de base et en évaluation permettent d’exprimer les productions du patient quantitativement sous forme de matrices de confusions, de pourcentages, de secteurs (camembert). Une analyse qualitative des productions est ensuite exposée.

1. Session 1

1.1. Pré traitement

Nous présentons les productions de notre sujet en fonction des consonnes présentées dans l’expérimentation. Chaque consonne est proposée 6 fois (deux répétitions des deux listes de syllabes VCV et CVCV). Nous avons intégré ces productions dans des matrices de confusion, qui permettent de visualiser les performances en termes de réussite (diagonale grise) et d’erreur. Avant le traitement par l’exposition à la méthode Tadoma en première session, nous obtenons les matrices suivantes : Tadoma Réponses p b m t d n f v ʃ ʒ *

Item

s

p - 4 2 b - 6 m - 4 2 t 6 d 4 2 n 6 - f 3 1 2 v 4 - 2 ʃ 6 ʒ 1 5

Tableaux 3 et 3bis : Matrices de confusions avec et sans Tadoma des enregistrements pré-traitement de la première session (*autres : articulation inintelligible).

Si on considère le pourcentages de réponses correctes – en rappelant que chaque item n’est proposé que 6 fois – on obtient 33.3% de consonnes correctement produites en Tadoma (20/60), contre 25% sans Tadoma (15/60).

Nous pointons le fait que les productions [t] en réponse aux items [t] sont considérées comme justes avec le problème de savoir s’il s’agit d’une production volontaire ou d’une production de type stéréotypé (nous retrouverons ce problème pour tous les enregistrements).

Contrôle Réponses p b m t d n f v ʃ ʒ *

Item

s

p - 4 2 b - 4 2 m - 2 4 t 6 d 3 3 n 2 - 4 f 4 - 2 v 3 1 2 ʃ 3 2 1 ʒ 3 3

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De par l’importance des troubles arthriques chez notre patient, les productions sont bien souvent réduites à une articulation antérieure, assimilable à une consonne apico-alvéolaire [t] ; elles peuvent être en outre clairement non intelligibles (son marmonné).

A ce stade, on ne peut déterminer précisément si le patient tire avantage de l’apport de la méthode Tadoma. On note toutefois un accès aux consonnes arrondies aux lèvres [ʃ, ʒ] qui paraît être favorisé.

La représentation des résultats sous forme de secteurs (figure 5 et 5bis) montre une répartition des réponses quelque peu différente entre les deux modalités de passation : lorsque les réponses ne sont pas correctes, il semble que les productions de type [t] soient majoritaires dans les deux modalités, en revanche les réponses ne pouvant être identifiées comme aucun phonème sont davantage présentes sans Tadoma.

Figures 5 et 5bis : répartition des réponses du patient avec et sans Tadoma en fonction des réponses correctes, des réponses stéréotypées [t], des autres confusions et des réponses inintelligibles.

1.2. Post traitement

Les scores obtenus à l’issue de la première session sont exprimés dans les matrices de confusion suivantes :

Répartition des réponses

avec Tadoma

Correctes

Stéréotypée

en [t]

Autres

confusions

Inintelligibles

Répartition des réponses

en contrôle

Correctes

Stéréotypée

en [t]

Autres

confusions

Inintelligibles

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Tadoma Réponses p b m t d n f v ʃ ʒ *

Item

s

p 3 2 1 b 2 3 1 m - 4 2 t 6 d 3 3 n 6 - f 3 2 1 v 4 - 2 ʃ 1 5 ʒ 2 1 2 1

Tableaux 4 et 4bis : Matrices de confusions avec et sans Tadoma des enregistrements post-traitement de la première session (*autres : articulation inintelligible).

La répartition des productions par secteurs (figures 6 et 6bis) montre une augmentation des réponses de type stéréotypique en [t] dans la modalité sans Tadoma par rapport à la ligne de base. Ce résultat pourrait indiquer une production de Monsieur B. de plus en plus antérieure en position alvéolaire.

Figures 6 et 6bis : répartition des réponses du patient avec et sans Tadoma en fonction des réponses correctes, des réponses stéréotypées [t], des autres confusions et des réponses inintelligibles.

Avec Tadoma, le pourcentage de productions correctes est de 38.3% (23/60) ; sans Tadoma il est de 21.6% (13/60). On constate une légère augmentation des performances avec Tadoma en opposition avec une légère baisse sans Tadoma.

La comparaison des résultats pré et post traitement ne permet pas de déterminer clairement un avantage de la méthode Tadoma pour améliorer les productions de notre patient, mais les résultats vont tout de même dans le sens d’une augmentation des capacités. On constate toutefois que l’installation d’une production stéréotypée est à surveiller ; l’articulation intempestive de type [t] sera stoppée en séance afin de favoriser

Répartition des réponses

avec Tadoma

Correctes

Stéréotypée

en [t]

Autres

confusions

Inintelligibles

Répartition des réponses

en contrôle

Correctes

Stéréotypée

en [t]

Autres

confusions

Inintelligibles

Contrôle Réponses p b m t d n f v ʃ ʒ *

Item

s

p - 5 1 b - 5 1 m 1 5 t 6 d 3 3 n 5 - 1 f 5 1 v 3 - 3 ʃ 4 2 ʒ 3 3 -

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chez le patient d’autres productions, lesquelles sont observables notamment en dissociation automatico-volontaire.

2. Session 2

2.1. Pré traitement

Avant de débuter la seconde session d’exposition à la méthode Tadoma, les matrices de confusion suivantes sont obtenues :

Tadoma Réponses p b m t d n f v ʃ ʒ *

Item

s

p 2 4 b 1 5 m 1 5 t 6 d 1 5 n 6 - f 6 - v 5 - 1 ʃ 2 4 ʒ 5 - 1

Tableaux 5 et 5bis : Matrices de confusions avec et sans Tadoma des enregistrements pré-traitement de la seconde session (*autres : articulation inintelligible).

Le pourcentage de productions correctes est de 31.6% (19/60) avec Tadoma et de 20% (12/60) sans Tadoma.

La répartition des productions par secteurs (figures 7 et 7bis) montre toujours une proportion massive des réponses de type stéréotypique en [t]. En revanche, les productions inintelligibles ont très largement diminué.

Figures 7 et 7bis : répartition des réponses du patient avec et sans Tadoma en fonction des réponses correctes, des réponses stéréotypées [t], des autres confusions et des réponses inintelligibles.

Répartition des réponses

avec Tadoma

Correctes

Stéréotypée

en [t]

Autres

confusions

Inintelligibles

Répartition des réponses

avec Tadoma

Correctes

Stéréotypée

en [t]

Autres

confusions

Inintelligibles

Contrôle Réponses p b m t d n f v ʃ ʒ *

Item

s

p 1 4 1 b - 6 m 1 1 4 t 6 d 4 2 n 5 - 1 f 6 - v 5 1 ʃ 5 - 1 ʒ 5 1

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Les performances correctes de notre patient entre la première et la seconde session n’ont pas augmenté. En l’absence de prise en charge par la méthode Tadoma, nous n’observons donc pas d’évolution pouvant être attribuée à la récupération spontanée.

2.2. Post traitement

L’évaluation finale permet d’obtenir les performances suivantes, sous forme de matrices de confusion :

Tableaux 6 et 6bis : Matrices de confusions avec et sans Tadoma des enregistrements post-traitement de la première session (*autres : articulation inintelligible).

Nous précisons que les productions des constrictives [ʃ] et [ʒ] sont parfois assimilables à [ʧ] et [ʤ], ce que nous avons considéré comme des répétitions correctes, la distinction avec ces affriquées n’étant pas porteuse de sens en français.

La répartition par secteurs (figures 8 et 8bis) indique des réponses stéréotypées toujours bien présentes, mais beaucoup moins de productions inintelligibles, au profit de confusions avec d’autres phonèmes, qui pourraient indiquer une recherche articulatoire, dans les deux modalités.

Figures 8 et 8bis : répartition des réponses du patient avec et sans Tadoma en fonction des réponses correctes, des réponses stéréotypées [t], des autres confusions et des réponses inintelligibles.

Répartition des réponses

avec Tadoma

Correctes

Stéréotypée

en [t]

Autres

confusions

Inintelligibles

Répartition des réponses

en contrôle

Correctes

Stéréotypée

en [t]

Autres

confusions

Inintelligibles

Tadoma Réponses p b m t d n f v ʃ ʒ *

Item

s

p 6 b 1 4 1 m 2 3 - 1 t 6 d 2 4 n 3 2 - 1 f 2 4 - v 4 1 - 1 ʃ 6 ʒ 4 2

Contrôle Réponses p b m t d n f v ʃ ʒ *

Item

s

p 4 1 1 b 4 1 1 m 1 4 - 1 t 6 d 2 1 3 n 6 - f 5 1 - v 1 5 - ʃ 4 2 ʒ 5 1 -

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Le pourcentage de productions correctes a augmenté pour les deux modalités, en particulier en Tadoma avec un score de 46,6% (28/60), contre 31.6% (19/60) sans Tadoma.

2.3. Conclusion sur les résultats quantitatifs

On observe une augmentation des performances dans la seconde session entre les enregistrements pré et post traitement, les scores corrects étant passés de 31,6% à 46,6% avec Tadoma, et seulement de 20% à 31,6% sans Tadoma. Il apparaît que l’utilisation de la méthode Tadoma en rééducation des troubles arthriques a eu un impact sur les possibilités d’articulation de Monsieur B. (voir le tableau récapitulatif ci-dessous).

Pré traitement S1 Post traitement S1 Pré traitement S2 Post traitement S2 Tadoma 20/60 (33.3%) 23/60 (38.3%) 19/60 (31.6%) 28/60 (46.6%) Contrôle 15/60 (25%) 13/60 (21.6%) 12/60 (20%) 19/60 (31.6%)

Tableau 7 : Récapitulatif des scores obtenus en sessions 1 et 2 avec et sans méthode Tadoma.

Les confusions de consonnes que l’on peut observer reflètent l’approche articulatoire des productions de notre patient. On constate en particulier des confusions à l’intérieur d’un même lieu articulatoire : [m] est confondu avec [b], [b] avec [p] ; la constrictive [f] est confondue avec l’occlusive [p], l’articulation se rapprochant ainsi de la position labiale.

L’évolution globale des performances (réponses correctes) de notre sujet est finalement présentée dans le graphique suivant :

Figure 9 : Evolution des réponses correctes avec et sans Tadoma entre les deux sessions.

On observe une tendance à l’augmentation des performances avec Tadoma par rapport à la condition contrôle. La différence entre les évaluations de fin de sessions (post tests 1 et 2) avec et sans méthode, évaluée par le test de Procock (2006), est significative (P(Z > 2.208) = 0.013), ce qui n’est pas le cas pour les lignes de base (P(Z > 1.477) = 0.070), indiquant que l’entraînement à la méthode Tadoma a permis à Monsieur B. d’augmenter ses scores de production. On constate des progrès dans les deux modalités à la fin de la seconde session, lesquels apparaissent plus importants avec l’ajout de la méthode

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Ligne de base

Session 1

Evaluation

Session 1

Ligne de base

Session 2

Evaluation

Session 2

Pourcentages de productions correctes

Tadoma

Contrôle

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Tadoma. Une session d’entraînement plus longue aurait probablement pu permettre de confirmer statistiquement cette tendance.

II. Analyse qualitative des productions du patient

Nous proposons dans cette section de considérer les productions de notre sujet en fonction des traits articulatoires distinctifs des consonnes, à savoir le mode d’articulation, la nasalité, le lieu d’articulation et le voisement. Nous ajoutons une analyse acoustique des séquences évaluées, permettant de « visualiser » les troubles arthriques.

1. Analyse en termes de traits articulatoires

1.1. Distinction de mode

Selon la distinction étudiée, nous prenons en compte toutes les réponses correctes du point de vue de cette caractéristique articulatoire. Ainsi pour la distinction du mode, nous comptabilisons pour les 4 consonnes orales occlusives [p, b, t, d], les réponses justes du point de vue de ce mode occlusif : soit les scores corrects, plus les confusions correspondant à des occlusives. Et nous procédons de même pour les constrictives.

Les productions de notre patient indiquent clairement une meilleure performance pour produire les consonnes occlusives dans les deux modalités, avec des scores plus élevés en Tadoma que ce soit pour les consonnes occlusives ou constrictives (figures 10 et 10bis). Alors que les productions correctes d’occlusives sont en constante évolution, on remarque une diminution de la production de constrictives, qui s’améliore toutefois en fin de session 2 en Tadoma.

Figures 10 et 10bis : distinction des modes occlusif (consonnes [p, b, t, d]) et constrictif (consonnes [f, v, ʃ, ʒ]) en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite).

1.2. Distinction de nasalité

Les consonnes orales sont clairement mieux identifiées que les consonnes nasales (figures 11 et 11bis). Les progrès en Tadoma sont constants pour les consonnes orales. En revanche il semble que la méthode ne soit pas efficace pour percevoir le trait de nasalité chez notre patient.

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Distinction de mode en Tadoma occlusives constrictives

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Distinction de mode en contrôle occlusives constrictives

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Figures 11 et 11bis : distinction du trait oral (consonnes [b, d]) et nasal (consonnes [m, n]) en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite).

1.3. Distinction de lieux articulatoires

Les figures 12 et 12bis présentent les productions correctes de notre patient en fonction des lieux d’articulation. On constate que le lieu alvéolaire est présent depuis le début des enregistrements : en effet, la production antérieure [t] envahit les productions du sujet, et on ne peut déterminer si la répétition correcte [t] est clairement volontaire. Néanmoins, l’augmentation des productions alvéolaires, indiquant que la production de la version voisée [d] progresse, semble en faveur d’une production maitrisée. La production des consonnes labio-dentales ne s’améliore pas et reste très difficile pour Monsieur B. En revanche, la production des consonnes bilabiales s’accroît considérablement, et préférentiellement en Tadoma. Enfin, la production des consonnes post-alvéolaires suit une évolution particulière, puisqu’elle semblait correcte en Tadoma au début de la session 1, laissant penser que la méthode permet de récupérer le trait d’arrondissement des lèvres au niveau du pouce ; les performances se dégradent ensuite, probablement en lien avec l’installation chez Monsieur B. d’une articulation antérieure en [t]. En fin de session 2, la production s’améliore avec Tadoma toutefois, en particulier pour la consonne [ʃ].

Figures 12 et 12bis : distinction des lieux articulatoires bilabial [p, b], labio-dental [f, v], apico-alvéolaire [t, d] et post-alvéolaire [ʃ, ʒ] en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite).

L’augmentation la plus probante des performances concerne la production des consonnes bilabiales (figures 13 et 13bis). En effet, la méthode Tadoma permet un accès tactile

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Distinction de nasalité en Tadoma orales nasales

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Distinction de nasalité en contrôle orales nasales

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Distinction de lieu en Tadoma bilabial labiodental

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Distinction de lieu en contrôle bilabial labiodental

apico-alv. post-alv.

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direct à la forme aux lèvres, lesquelles sont fermées lors de la production de ces consonnes. Nous constatons, sur l’évolution des réponses correctes, que l’amélioration concerne en premier lieu la consonne non voisée [p], puis la voisée [b] ; la nasale [m] n’étant pas encore produite.

Figures 13 et 13bis : évolution du nombre de consonnes bilabiales [p, b, m] produites en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite).

1.4. Distinction de voisement

Les consonnes non voisées sont mieux identifiées que les consonnes voisées dans les deux modalités, avec une progression supérieure avec l’ajout de la méthode Tadoma (figures 14 et 14bis). On constate cependant que le nombre de consonnes voisées augmente en Tadoma à l’issue de la session 2.

Figures 14 et 14bis : distinction des consonnes sourdes [p, t, f, ʃ] et sonores [b, d, v, ʒ] en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite).

1.5. Structure de la syllabe

La comparaison des pourcentages de bonnes réponses en fonction de la structure syllabique VCV ou CVCV (figures 15 et 15bis) ne permet pas de dégager un avantage de l’une ou l’autre des structures pour reproduire correctement les items proposés, et cela que ce soit avec ou sans Tadoma.

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Base S1 Eval S1 Base S2 Eval S2

Lieu bilabial en Tadoma

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Distinction de voisement en Tadoma

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Distinction de voisement en contrôle

non voisées voisées

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Nous avons pu noter néanmoins que lorsqu’une seule production correcte était obtenue dans les syllabes CVCV, c’était presqu’exclusivement pour la consonne à l’initiale.

Figures 15 et 15bis : Pourcentages de productions correctes en fonction de la structure VCV ou CVCV en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite).

En conclusion, l’augmentation des performances de notre sujet, sous exposition à la méthode Tadoma, suit les règles de la phonétique combinatoire, telles que suivies dans le travail analytique (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010). Ainsi, les consonnes occlusives précèdent les constrictives ; les consonnes antérieures (et en premier lieu les bilabiales) précèdent les plus internes ; les consonnes non-voisées précèdent les voisées ; les consonnes orales précèdent les nasales.

2. Analyse acoustique

Les productions de notre patient ont fréquemment été difficiles à identifier à cause de la présence massive des troubles arthriques. L’articulation était bien souvent produite à l’avant du conduit vocal, avec la pointe de la langue contre les alvéoles, sans caractère voisé, et donc assimilable à la consonne [t].

L’utilisation du logiciel Praat (Boersma, 2002) nous a aidé à déterminer quels phonèmes étaient produits, par l’analyse du signal acoustique et du spectrogramme, en plus de notre propre analyse auditive – « à l’oreille ». Le signal acoustique permet de visualiser l’amplitude en y par rapport au temps en x ; le spectrogramme est une représentation tridimensionnelle avec la fréquence en y, l’amplitude de chaque fréquence en z (symbolisé par le niveau de noir) et le temps en x.

Pour comprendre les perturbations acoustiques dues aux déficits articulatoires provoqués par les troubles arthriques, nous proposons de comparer les séquences produites par notre patient avec les productions de l’expérimentatrice, en précisant que nous comparons une voix d’homme à une voix de femme. Les séquences sont issues de l’évaluation en Tadoma de la seconde session.

2.1. Consonne fricative

La figure 16 présente la séquence [ʃaʃa] produite par notre patient et correctement identifiée (à gauche), en comparaison avec la production « modèle » (à droite).

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% de réponses correctes en contrôle

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Figure 16 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [ʃaʃa] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz).

Bien que les indices sur le spectrogramme de la séquence de gauche paraissent moins nets, on retrouve dans les deux cas un bruit de friction dans les hautes fréquences, sans voisement associé, correspondant au phonème [ʃ].

La version voisée de la séquence [ʒaʒa] (figure 17) est perçue comme [ʒata], voire [ʤata] (avec la consonne affriquée [ʤ]), ce qui montre la difficulté d’ajouter un trait articulatoire (le voisement) ainsi que l’effort articulatoire pour le faire ; la cible n’est d’ailleurs pas toujours atteinte, puisque le second [ʒ] voit réapparaître la production [t] (variabilité des troubles).

Figure 17 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [ʒaʒa] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz).

2.2. Consonnes plosives

La production des plosives est beaucoup plus nette chez Monsieur B., comme l’illustre le spectrogramme suivant de la séquence [papa] (figure 18). On note que le patient syllabe la séquence CVCV, en quelque sorte en deux structures CV.

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Figure 18 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [papa] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz).

Lorsqu’on ajoute le trait voisé, soit la séquence [baba] (figure 19), on constate un bruit de plosion net, mais un suivi du voisement dans les basses fréquences plus difficile à identifier que pour notre production.

Figure 19 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [baba] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz).

2.3. La question des productions de type stéréotypique

Voici un autre exemple de séquence, dont la production est déficitaire et assimilable au phonème apico-alvéolaire [t]. La séquence originale à produire était [fafa] (figure 20).

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Figure 20 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [fafa] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz).

Le phonème [f] est une consonne fricative : on devrait donc observer dans le spectrogramme un bruit de friction, bien présent dans la séquence produite par l’expérimentatrice mais absent chez Monsieur B. Au contraire, on distingue un bruit de plosion en début de séquence, sans voisement, qui semble correspondre au phonème [t].

On retrouve avec la séquence voisée [vava] (figure 21) la même difficulté de production, avec la tentative toutefois de produire un voisement, la première consonne pouvant être auditivement assimilée au phonème [d].

Figure 21 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [vava] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz).

III. Traitement des troubles arthriques par la méthode Tadoma

La description de la prise en charge rapportée ici convient aux deux périodes de traitement entre les enregistrements en ligne de base et en évaluation pour les deux sessions réalisées. Notons une pause d’environ deux mois entre les deux sessions.

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1. Intégration au travail analytique

La méthode Tadoma a été intégrée à la rééducation classique de la production orale dans le cadre des aphasies non fluentes, dans le travail analytique, lequel suit les recommandations de Rosenbek & Wertz (1972). Ainsi, la méthode Tadoma est utilisée comme facilitation, augmentant les possibilités de percevoir la parole, en combinant perception auditive, perception visuelle et perception tactilo-kinesthésique.

Le travail consiste en la répétition de syllabe, d’abord seulement en contexte [a], voyelle ouverte dont la position est la plus neutre, puis en variant le contexte vocalique (combinatoire), avec l’ensemble des voyelles du français.

La consonne travaillée est placée en contexte intervocalique VCV ou à l’initiale, CV ou CVCV. Rappelons que la position de la consonne en initiale est favorisante (Rosenbek & Wertz, 1972).

Nous avons veillé à supprimer au maximum les productions de type stéréotypé, soit l’articulation alvéolaire [t], en les stoppant dès leur apparition et en passant à un autre phonème à travailler si possible, c’est-à-dire en l’absence de persévération.

Bien sûr, dans le sein de la prise en charge globale du patient, d’autres méthode ont été utilisées par les thérapeutes, notamment les gestes Borel et le support de l’écrit, ainsi que la thérapie mélodique et rythmée.

2. Vers la sémantisation des productions

Dans le but de proposer au patient un matériel linguistique varié (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010), à la fois stimulant et pouvant permettre dans certains cas de stopper les productions stéréotypées, nous avons cherché à sémantiser les productions de Monsieur B., à leur donner du sens.

Ainsi, à partir des productions phonémiques et syllabiques possibles, nous sommes passés à la production de mots mono et bisyllabiques, pour apporter une signification dans les productions possibles du patient. Ces mots reprenaient les consonnes travaillées précédemment, tels que les mots monosyllabiques « bain », « beau », « pape », « pompe » ; et les mots bisyllabiques « bateau », « papa », « pompier », « matin », « chapeau », « château », « chaton » qui ont été produits correctement. Les possibilités de varier les consonnes au sein d’un même mot (« chapeau ») sont apparues tardivement, et ne sont pas obtenues à chaque essai. Le passage à la phrase a été testé, avec des phrases courtes et en mettant l’accent sur l’aspect prosodique : cette étape est encore très difficile pour Monsieur B.

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Chapitre V

DISCUSSION DES RESULTATS

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I. Retour sur la problématique

Les troubles arthriques, ou troubles phonétiques, parfois difficiles à distinguer des troubles phonologiques, témoignent d’un déficit de la production du programme articulatoire, entrainant des simplifications, des élisions, des assimilations et des productions floues ou mal timbrées. La rééducation classique consiste en un travail analytique phonème par phonème, en donnant les positions d’articulation, et en accentuant les mouvements bucco-faciaux (ainsi que la prosodie) ; ce travail se fait au travers de la répétition de mots et non-mots, de l’utilisation du langage automatique et de la lecture à haute voix.

Les troubles arthriques dérivent donc d’un problème de programmation et de coordination des gestes articulatoires. La méthode Tadoma, en permettant d’accéder aux gestes moteurs, donne un accès sensorimoteur à la parole. Notre problématique était ainsi d’adapter cette méthode de récupération de la parole par la modalité tactile chez l’aphasique présentant des troubles arthriques. Il s’agit donc de proposer une facilitation tactile, comme augment à la bimodalité audiovisuelle naturelle de la parole, exploitant de ce fait la tridimensionnalité de la parole.

Alors que Tetu, Kunnert et Brun déplorent « un déficit de publications des techniques de rééducation par rapport au nombre, pour ne pas dire une kyrielle, de tests et d’outils d’évaluation clinique » (2000, p. 114), nous avons cherché dans ce mémoire à apporter une contribution aux recherches sur la prise en charge orthophonique, en tentant de dégager un outil d’aide à la récupération des troubles arthriques chez l’aphasique non fluent.

Nous rappelons que dans la méthode Tadoma destinée aux sourds-aveugles, c’est bien la combinaison des différentes informations recueillies par la main qui est porteuse de sens : la perception tactile d’un geste articulatoire réunissant une pression intra-buccale importante, l’absence d’un flux d’air nasal, un lieu articulatoire bilabial et une vibration des cordes vocales correspondra au phonème consonantique [b]. La perception de ces différentes informations peut aussi être évaluée individuellement selon les traits articulatoires caractérisant les consonnes, soit les traits occlusif/fricatif (mode), sourd/sonore (voisement), oral/nasal (nasalité), bilabial/labiodental/alvéolaire/post-alvéolaire (lieux d’articulation).

1. Validation des hypothèses

L’expérimentation menée dans ce mémoire a permis de démontrer l’intérêt de l’utilisation de la méthode Tadoma comme facilitation pour la rééducation de troubles arthriques chez l’aphasique. En effet, à l’issue de deux sessions d’entraînement à la production de syllabes avec la méthode, les performances de notre patient ont été augmentées en modalité Tadoma par rapport à la modalité contrôle sans Tadoma.

L’analyse qualitative des productions en fonction des traits articulatoires des consonnes montre une augmentation de la production des consonnes occlusives suivies des fricatives et des consonnes non voisées suivies des voisées ; la méthode permet également

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d’opposer les lieux d’articulation, avec en particulier une augmentation des consonnes bilabiales. Il semble en revanche que la méthode ne soit pas particulièrement facilitante pour récupérer ou utiliser efficacement le trait de nasalité, dans les conditions d’entraînement avec la méthode expérimentée. Il semble donc que trois de nos hypothèses opérationnelles puissent être validées. Nous avons en outre globalement obtenu une augmentation des performances conforme aux règles de phonétique combinatoire (Chomel-Guillaume, Leloup et Bernard, 2010).

L’intensité de la prise en charge semble déterminante dans l’efficacité de la rééducation orthophonique (Bhogal, Teasell et Speechley, 2003, cité dans Chomel Guillaume, S., Leloup, G., et Bernard, I., 2010). L’entraînement prodigué est moins intensif que ce que préconisait Reed (1996) car nous l’avons intégré au travail analytique ; néanmoins la durée de traitement est conforme avec les recommandations de Morin (2011) qui indiquait que sept semaines d’exposition à la méthode pouvaient suffire pour obtenir des résultats.

L’analyse qualitative globale des capacités de production du patient, observée au cours des séances et exposée lors du compte-rendu de bilan et de la présentation du traitement, montre que la production de la plupart des sons est possible, sous utilisation de la dissociation automatico-volontaire, du langage automatique, de l’ébauche orale ou de facilitation telle que la méthode Tadoma. Les productions volontaires sans ce type d’aide restent difficiles. Actuellement, on peut supposer qu’il n’y a pas d’apprentissage ni de généralisation à l’ensemble des capacités productives hors facilitations, les productions spontanées étant en grande partie, voire exclusivement, stéréotypées en syllabes coronales (alvéolaires).

2. La question des productions coronales : remnant vs. nascent frame

Nous mettons en relation les deux résultats qui ressortent particulièrement de cette étude en considérant la théorie cadre-contenu, Frame Content Theory, de MacNeilage (1998), formulée par Abry et al. (2008 ; Abry et al., 2002) dans le cadre de l’aphasie. Les cas étudiés sont comparables à celui du premier patient de Paul Broca, M. Leborgne, surnommé « Tan » du fait de sa stéréotypie « tan, tan », présentant une aphasie globale ou grande aphasie de Broca. Les productions de ces sujets sont nommées par Abry et al. (2002, 2008) « remnant frame » : ce sont les vestiges d’un cadre syllabique. Elles témoignent ainsi chez ces patients aphasiques de la production possible d’un cadre, parallèlement à un contenu segmental déficitaire : « the generation of frames produced by neural “degeneration” together with the degeneration of segmental content » (Abry et al., 2008, p. 410).

La concentration de productions de type coronal (ou alvéolaire) [t] dans notre expérimentation est conforme avec ce « remnant frame », occasionnant le même type de séquences sans signification, « Non Meaningful Recurring Utterances » ou « Non Lexical Speech Automatisms », comme « titi », « dodo », « tsetsetse », etc. (Abry et al., 2008, p. 410).

Ce « remnant frame » est à opposer avec le « nascent frame » (Abry et al., 2002, 2008), cadre émergent que l’on observe chez le bébé au moment du babillage canonique (autour de 7 mois). Le babillage canonique fait apparaître la production d’autant de contacts

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coronaux que labiaux, la langue et la lèvre inférieure étant portées passivement par la mandibule (Munhall et Jones, 1998). De ce fait, si la lèvre inférieure touche en premier la lèvre supérieure, une sous-production non contrôlée de type [b] apparaît ; si c’est la langue qui fait en premier contact avec le plafond du conduit vocal, la production sera de type [d]. Rappelons qu’à ce stade du babillage, seul le contrôle de la mandibule est présent.

Dans le cas de notre patient aphasique, le contrôle de la mandibule donne massivement comme sous-produits non contrôlés des contacts linguaux passifs, dont la constriction est elle aussi mal contrôlée.

Les progrès apportés par la méthode Tadoma dans la perception des consonnes bilabiales par le pouce placé à hauteur des lèvres semblent ainsi avoir permis à notre patient de reprendre activement le contrôle labial, en plus du contrôle mandibulaire.

3. Considérations sur la rééducation des troubles arthriques

Nous proposons de comparer la prise en charge mise en place pour notre patient avec la méthode Tadoma aux recommandations pour la rééducation des troubles phonétiques vues précédemment, définies par Darley, Aronson et Brown (1975) et reprises par Chomel-Guillaume (2007).

Considérant le principe de compensation, nous avons aidé le patient à « développer et à utiliser des capacités résiduelles et ainsi à compenser en contournant (« work around ») le déficit qui a altéré les mécanismes acquis de la parole » (Chomel-Guillaume, 2007, p. 170). Cela a été fait par l’utilisation d’une facilitation tactile – la méthode Tadoma.

Avec la rééducation, l’activité de parole devient volontaire, et non plus automatique et inconsciente comme avant l’accident. Le patient apprend « à connaître les gestes articulatoires, le positionnement des organes bucco-phonatoires, les mécanismes respiratoires » (p. 170) : la méthode Tadoma donne tactilement des informations sur l’articulation des phonèmes.

Les productions du patient demandent un autocontrôle (« monitoring »), permis par le positionnement de la main en Tadoma sur le propre visage du patient. Ce monitoring passe aussi par un travail d’écoute. Dans le cas de notre patient, les capacités de contrôle audio-phonatoire sont déficitaires. Les enregistrements réalisés favorisent cette acquisition ; nous avons donc proposé au patient de réécouter quelques-unes de ses productions.

La prise en charge a été mise en place le plus précocement possible, en cherchant à bénéficier de la période de récupération spontanée.

Afin de maintenir la motivation du patient, nous lui avons rappelé les enjeux de la prise en charge, nous avons participé à la prise de conscience de ses difficultés, mais aussi de ses possibilités et de ses progrès. Nous avons adapté les exercices proposés à son niveau et à son évolution (répétition de syllabes, de mots puis de phrases courtes). Comme le rappelle Chomel-Guillaume, « si la rééducation des troubles de la parole repose sur un

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entraînement et sur la pratique systématique d’exercices spécifiques, ceux-ci doivent être organisés dans un ordre précis et leur efficacité doit être contrôlée » (p. 171).

Enfin, nous soulignons que nous utilisons dans ce mémoire le terme de rééducation ; nous considérons toutefois comme Van Eeckhout (2001) qu’il conviendrait de parler de « réactivation du langage plutôt que de rééducation » (p. 54), puisque bien souvent il s’agit de « ressusciter des automatismes » (p. 55).

II. La primauté de la multimodalité

1. Intérêt d’une présentation bimodale

La multimodalité du langage est actuellement reconnue : « Le langage humain est multimodal (verbal et non verbal) et les énoncés sont multicanaux (visuels, auditifs, kinesthésiques...) » (Coquet, 2012, p. 97). Ainsi, toutes les modalités sont à prendre en compte pour interpréter le message.

Les recherches démontrent que les informations auditives et visuelles sont intégrées lors de la perception de la parole. Pour preuve, l’effet McGurk, illusion perceptive dans laquelle une présentation conflictuelle engendre un percept illusoire – classiquement, [ba] audio associé à [ga] visuel est perçu comme [da]. Youse, Cienkowski et Coelho (2004) ont voulu tester les capacités d’identification d’items présentés auditivement, visuellement ou audiovisuellement d’un patient aphasique. Les auteurs faisaient l’hypothèse de meilleures performances en présentation bimodale, et que la présence de l’effet McGurk démontrerait l’intégration des informations en parole : les résultats ne répondent pas à leurs attentes. La principale difficulté rencontrée est la présence chez le sujet testé de persévérations. Cette étude de cas suggère néanmoins que l'utilisation d'information bisensorielle de la parole puisse être altérée chez les adultes avec l'aphasie. Nous voyons ici apparaître l’intérêt éventuel d’ajouter une troisième modalité qui pourrait suppléer les faiblesses de la perception audiovisuelle chez l’aphasique.

Si la perception audiovisuelle n’est pas encore clairement prise en compte dans l’évaluation de l’aphasie, des présentations bimodales sont utilisées dans leur traitement. Rosenbeck et Werk (1972) recommandaient déjà l’utilisation d’une présentation audiovisuelle dans la pratique orthophonique. « Articulatory accuracy in apraxia of speech is influenced by mode of stimulus. Auditory-visual stimulation is better than auditory or visual alone » (p. 193). Dans cette acception, le visuel réfère à la lecture labiale ; on peut y ajouter l’aide de l’écrit et celle de la présentation d’un miroir. Les auteurs nomment l’utilisation d’une présentation audiovisuelle « méthode de stimulation intégrale ».

Comme le souligne Coquet (2012, p. 103), « il apparaît indispensable d’intégrer la multicanalité / multimodalité de la communication dans les propositions qui sont faites à la fois au niveau des inductions langagières fournies par l’orthophoniste et par rapport aux modalités et stratégies de communication offertes au sujet pour s’exprimer ». Lorsque les possibilités langagières sont très déficitaires, un recours à d’autres processus peut s’avérer nécessaire. Il existe ainsi des moyens augmentatifs de la communication, soit demandant une aide extérieure (aided), comme les systèmes visuels ou pictographiques,

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soit utilisant le corps (unaided), c’est-à-dire les gestes ou les signes (Romski & Sevcik, 2005).

2. Une perception trimodale par l’ajout de la modalité haptique

Par analogie avec l’acoustique pour l’audition et l’optique pour la vision, l’haptique désigne la science du toucher, et englobe le toucher et la kinesthésie, c’est-à-dire la perception du corps dans l’espace. La perception tactile manuelle est ainsi scindée en 2 grandes catégories, détaillées par Hatwell, Streri et Gentaz (2000). La perception cutanée (passive) provient de la stimulation d’une partie de la peau immobile. Seule la couche superficielle de la peau étant soumise à des déformations mécaniques, le traitement perceptif ne concerne que les informations cutanées liées au stimulus. La perception tactilo-kinesthésique ou haptique est provoquée par la stimulation de la peau en mouvement, en contact avec un objet. A la déformation mécanique de la peau s’ajoute celle des muscles, des articulations et des tendons. Il s’agit donc de processus complexes, impliquant l’intégration simultanément d’informations cutanées et d’informations proprioceptives et motrices.

Pour comprendre le lien entre perception auditive, visuelle et haptique, nous proposons un parallèle avec le langage écrit. Le traitement en modalité visuelle est caractérisée par sa quasi simultanéité, c’est ainsi la modalité la plus adaptée pour traiter et se représenter des stimuli spatiaux tels que les mots ; la modalité auditive est au contraire caractérisée par sa grande séquentialité, et semble donc plus adaptée pour des stimuli temporels tels que les sons, l’orthographe phonétique. Selon Gentaz (2009), « le sens haptique, compte tenu de ses caractéristiques de fonctionnement, faciliterait le lien entre les traitements visuel et auditif » ; il pourrait jouer « un rôle de « ciment » entre les entités visuelles et les entités auditives » (p. 84). Concrètement pour la lecture, l’ajout de la modalité haptique, soit une exploration à la fois tactile et kinesthésique par le suivi du contour des lettres avec le doigt (voir la méthode Bobillier-Chaumont), oblige à traiter les lettres de manière séquentielle, donc plus analytique. L’exploration haptique faciliterait ainsi le lien entre l’image visuelle et l’image auditive (Bara et al., 2004 ; Labat, Magnan et Ecalle, 2011).

Les aires corticales impliquées dans la perception cutanée et haptique sont les aires somesthésiques primaire (S1) et secondaire (S2), l’aire motrice primaire, les aires pariétales postérieures et prémotrices, le cortex préfrontal et le système limbique (Annexe IX). L’homonculus sensitif ou somesthésique (d’après Penfield) propose une topographie de notre corps sur le gyrus post-central (circonvolution pariétale ascendante), dont l’étendue dépend de la sensibilité de la zone corporelle considérée. Dans cette représentation, appelée somatotopie sensitive en opposition à la somatotopie fonctionnelle du cortex moteur, la main et le visage sont surreprésentées comparativement avec le reste du corps.

Il nous paraît ainsi pertinent de mettre à profit la sensibilité particulière de la main et du visage, précisément couplés en méthode Tadoma, et doublement utilisée dans notre protocole puisque notre patient place alternativement sa main sur le visage de l’expérimentatrice et sur son propre visage. Les possibilités de réorganisation corticale grâce à la plasticité cérébrale ont été étudiées chez la population non voyante. L’utilisation du braille notamment entraine une augmentation des représentations corticales de la main dans les aires somesthésiques (Sterr et al., 1998). Nous supposons

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que les zones cérébrales du langage lésées pourraient, dans une certaine mesure, être suppléées par celles du toucher.

3. Les différents canaux de l’étayage

Comme nous l’avons évoqué dans la section présentant la rééducation des troubles aphasiques non fluents de la production orale, plusieurs types de facilitations coexistent, utilisant les différents canaux à la disposition du langage. Ces facilitations font partie des méthodes de rééducation les plus anciennes, souvent empiriques, mais qui ont fait leurs preuves (Robey, 1998). Notons toutefois qu’il existe à l’encontre des facilitations des thérapies induites, telle que la CIAT (constraint induced aphasia therapy ou CILT constraint induced language therapy), imaginée par Pulvermüller et al. (2001), à partir de la PACE et de la TCI (thérapie par la contrainte induite) utilisée en rééducation motrice : toutes stratégies de compensation (gestes, dessin, écriture, etc.) sont évitées, de façon à forcer une communication uniquement par la modalité verbale orale. Cette thérapie, qui demande une pratique extrêmement intensive (entre 2 et 4 heures par jour sur 10 jours), n’est pas utilisée en France.

3.1. Etayage par le canal auditif

L’étayage peut se faire par le biais de l’audition, modalité prédominante pour la parole. Ainsi le thérapeute peut utiliser le langage automatique, avec les séries automatiques et les fins de phrases. Ces automatismes sont assez souvent préservés chez les aphasiques non fluents ; le thérapeute peut ainsi tirer partie de la dissociation automatico-volontaire. Les paramètres suprasegmentaux - intonation, rythme, mélodie - peuvent aussi être d’une aide importante. Un patient pourra retrouver par exemple la mélodie d’une chanson bien connue, et à partir de là, retrouver tout ou partie des paroles qui sont associés, alors que sans cette mélodie, il en est incapable. L’ébauche orale consiste à amorcer la production d’un mot en articulant le premier phonème ou la première syllabe. L’aide par la modalité auditive peut enfin être de nature contextuelle et fait intervenir la compréhension du patient, puisqu’il s’agit alors d’indicer en donnant des informations sur le mot à produire : indice fonctionnel, périphrase, analogie…

3.2. Etayage par le canal visuel

L’ébauche orale peut aussi se faire sans sonorisation, en utilisant donc seulement le canal visuel. Ainsi, pour un mot commençant pas le phonème [p], le geste de fermeture labiale et de pression intra-buccale pourra être présenté au patient visuellement, sans vocalisation. Les gestes sont aussi un moyen visuel de donner des informations sur les phonèmes à produire. Les plus connus sont ceux de Borel-Maisonny, précédemment présentés. C’est une méthode phonético-gestuelle, dans laquelle les gestes proposés sont de quatre types : représentatifs d'une forme graphique, d'une forme articulatoire, de l'idée d'écoulement, d'une petite scène (phonomimie). Le langage écrit fait aussi partie des étayages visuels. Bien souvent l’écrit est meilleur que l’oral dans les tableaux d’aphasies non fluentes, et peut donc être utilisé comme support de communication. Utilisant ce support écrit, les schémas articulatoires, comme ceux proposés par Lanteri (2004) aident certains patients à prendre conscience des gestes articulatoires des phonèmes. Enfin, la lecture labiale est le représentant par excellence de la perception de la parole par le canal visuel. C’est un accès naturel et utilisé par tous les locuteurs, bien que les performances

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d’un sujet à l’autre soient très disparates et que la lecture labiale ne permette pas d’identifier la totalité du flux de parole.

3.3. Etayage par le canal haptique

La méthode PROMPT (Chumpelik, 1984), présentée dans la partie théorique, utilise le canal haptique et propose des repères articulatoires, directement effectués par le thérapeute sur le visage du patient. La modalité tactile est utilisée dans le cadre de la démutisation (VanEeckhout, 2008). Un étayage haptique est également proposé pour la rééducation du langage écrit, comme le propose la méthode Bobillier-Chaumont, traitant la dyslexie-dysorthographie développementale, ou bien Gentaz (2009), qui propose un entrainement à l’identification des lettres par la modalité tactile, qui favoriserait l’acquisition des correspondances grapho-phonémiques : le toucher serait donc un lien entre l’audition et la vision. Avec la méthode Tadoma, nous nous plaçons dans les étayages haptiques, que nous associons à la perception auditive et à la perception visuelle (lecture labiale).

4. Vers une présentation trimodale de la parole en orthophonie ?

4.1. Des thérapies « trimodales »

La TMR propose une utilisation des trois modalités utiles en parole. La mélodie, l’accentuation, la prosodie requiert la modalité auditive. Elle est soutenue par un schéma visuel, qui illustre le rythme, les deux tonalités haut et bas, et indique les éléments à accentuer. Enfin, le thérapeute prend la main du patient pour scander avec lui les phrases et fait ainsi intervenir le toucher en stimulant le canal sensori-kinesthésique du patient.

La méthode PROMPT repose elle aussi sur une présentation à la fois auditive, visuelle et tactile. Là aussi, c’est le thérapeute qui est acteur, puisqu’il donne des cibles articulatoires sur le visage du patient. Ainsi, le patient reçoit bien une information portée par la modalité tactile, mais il ne récupère pas lui-même cette information, laquelle se limite à des indices sur la production des phonèmes et ne correspond pas aux gestes articulatoires réels.

Nous inscrivons la méthode Tadoma dans les thérapies trimodales, puisqu’elle associe un accès à la parole par les canaux auditif, visuel et tactilo-kinesthésique. L’ajout de la méthode Tadoma aux modalités auditive et visuelle naturelles en parole chez l’entendant voyant apporte des informations redondantes ou complémentaires aux informations audiovisuelles. Contrairement à la TMR, les informations tactiles correspondent directement aux gestes articulatoires de la parole (perception de traits de mode, voisement, nasalité, lieux articulatoires), qui peuvent être intégrés et identifiés. La méthode Tadoma diffère également de la méthode PROMPT, puisqu’elle place le patient comme acteur direct dans l’utilisation de la modalité tactile, ce dernier devant lui-même placer sa main tour à tour sur le visage de son interlocuteur et sur le sien. De plus, les informations récupérées sont spécifiques aux gestes articulatoires des phonèmes et non des indices.

Nous mettons l’accent sur l’importance de la notion de conscientisation, c’est-à-dire rendre conscients les gestes moteurs, pour qu’ils puissent être produits volontairement par

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le patient. L’utilisation de la modalité visuelle par les gestes, l’ébauche orale ou les schémas articulatoires et celle de la modalité tactile ont en commun la recherche de la conscientisation de la position articulatoire des phonèmes. La méthode Tadoma, utilisée alternativement sur le visage du thérapeute et sur le propre visage du patient, aide à cette conscientisation par la modalité haptique, en donnant un feed-back à la fois perceptif et proprioceptif sur la production.

4.2. Joindre la parole au geste

Une théorie phylogénétique émise par Gentilucci et Corballis (2006) sur l’évolution de la communication considère la communication verbale comme une forme spécifique de communication gestuelle. A l’origine, la communication était uniquement gestuelle, basée sur des gestes iconiques, qui par leur forme et leur dynamique ressemblent au concept évoqué, notamment les pantomimes d’action. Ces gestes sont progressivement devenus symboliques, par phénomène de conventionnalisation. La locomotion devenue bipède, les mains sont alors libres et la place des gestes augmente encore dans la communication.

Les gestes des membres supérieurs et les gestes buccaux sont étroitement liés. En premier lieu, ce lien provient du comportement d’alimentation, la main portant la nourriture à la bouche (Gentilucci et Corballis, 2006). Gentilucci (2003) indique des activations neuronales en partie communes entre la motricité du membre supérieur et le langage verbal.

Le langage oral s’est développé bien plus tardivement, avec la modification du conduit vocal, de la respiration et du contrôle cortical de la production orale. Daviet et al. (2007) cite à ce titre Lai et al. (2001) exposant la mutation FOXP2 du chromosome 7 « the human revolution », qui pourrait être le gène du contrôle moteur de l’expression orale.

Les études en IRMF, telles que celles de Rizzolatti sur les neurones miroirs (Rizzolatti, G. et al., 1996 ; Rizzolatti & Arbib, 1998 ; Rizzolatti, Fabbri-Destro et Cattaneo, 2009), montrant une activation cérébrale dans certaines régions du cortex (notamment autour de l'aire de Broca) à la fois quand l'individu produit une action et lorsqu'il observe un autre individu exécuter cette action, ainsi que les études traitant de l’activation du cortex prémoteur (Kohler et al., 2002, cité dans Daviet et al., 2007) indiqueraient que le langage oral serait intégré sous forme de patterns articulatoires plutôt que de sons. Elles rejoignent l’idée émise par Stetson (1928) considérant que « plutôt qu’une série de sons produits par du mouvement, la parole est une série de mouvements rendus audibles » (mais aussi visibles ; Abry et Schwartz, 1988, 1989). « L’expression orale pourrait alors être envisagée comme un système de production de gestes articulatoires plutôt que comme un système de production de sons » (Daviet et al., 2007, p. 78). Un lien étroit entre motricité et langage verbal existe aussi chez l’aphasique (Cicone et al., 1979, cité dans Daviet et al., 2007), qui « justifie l’utilisation du priming moteur pour aider l’expression orale » (Daviet et al., 2007, p. 81).

Nous mettons en lien la méthode Tadoma avec la théorie de la Perception pour le Contrôle de l’Action ou PACT (Schwartz, 2002), selon laquelle nous percevons des représentations sensori-motrices à partir de la récupération multimodale des gestes de la parole qui contraignent notre système phonologique et permettent de contrôler nos propres actions. Dans le cas de patients présentant des troubles arthriques, une

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récupération tactile associée aux récupérations auditive et visuelle peut favoriser ce processus.

III. De l’importance du toucher thérapeutique

Il nous semble pertinent dans cette discussion de considérer notre étude sous l’angle de la notion de toucher thérapeutique. Ce thème a fait l’objet d’une édition de la revue Rééducation Orthophonique de 2008, qui montre bien l’enjeu du toucher dans le soin orthophonique, mais qui souligne aussi les réticences face à son intégration dans notre pratique.

1. Le toucher en orthophonie

1.1. Conceptions du toucher

Eyoum (2008, p. 96) définit le toucher en ces mots : « Toucher correcteur, toucher perspectif et informatif, toucher thérapeutique ou de confort, découverte de son corps, il reste un acte de soin et de communication non-verbale ». Pourtant, l’auteur constate également qu’il existe souvent une appréhension de l’orthophoniste à utiliser le toucher, à entrer en contact physique direct avec son patient : elle avance l’idée d’une « thérapeutique orthophobique » (p. 3) très révélatrice de certaines réticences face à cette pratique, qui s’inscrit pourtant bien dans le soin.

Pour aborder le toucher, Lerond (2008) propose de considérer le concept d’humanitude, qui repose sur le caractère unique de chaque être humain. Les soins qui lui sont prodigués sont donc eux aussi uniques et adaptés, prenant en compte l’environnement physique et humain du patient. Pour mettre en œuvre cette humanitude, l’auteur déplore que « de nos cinq sens, le toucher n’est certainement pas le plus développé dans nos pratiques soignantes et dans notre relation soignant-soigné, en tout cas dans nos sociétés, souvent haptophobiques » (p. 149). Cette notion développée par l’auteur l’amène à considérer que « le toucher est le fondement du soin, il n’y a pas de soin sans toucher. » (Lerond, 2008, p. 149).

Anzieu (1985) définissait le « moi-peau » comme le premier moyen d’étayage du nourrisson, voire du fœtus. La peau est l’interface entre l’enfant et sa mère, puis avec le monde extérieur. Ne peut-on pas imaginer que la peau et les organes des sens tactiles soient donc utiles à communiquer. Le toucher peut ainsi constituer un véritable moyen de communication, au même titre que le langage oral ou écrit (Weiss, 1979), la peau étant un organe sensoriel à la fois d’émission et de perception. C’est une communication non verbale qui permet de communiquer nos émotions, nos attitudes, de rester en lien avec l’autre. « Le toucher est le premier sens à apparaître et sans doute le dernier à s’éteindre. Il devient un langage quand la parole est désormais absente. Le patient touche instinctivement les objets qui l’entourent afin de confirmer ses impressions visuelles. Le contact permet de découvrir, de reconnaître, de communiquer, d’explorer l’environnement, d’identifier les objets, de percevoir des émotions et d’en dévoiler » (Lerond, 2008, p. 151).

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1.2. PEC par le toucher

La prise en charge orthophonique peut passer par tous les canaux à la disposition du thérapeute, dont la modalité tactile ou kinesthésique. Lorsqu’on évoque l’utilisation du toucher en orthophonie, on pense avant tout aux massages faciaux, bien que leur pratique soit assez peu répandue et se limite généralement aux cas de paralysies faciales ou à la désensibilisation lors de troubles de l'oralité chez l'enfant ou la personne handicapée. Pourtant, de nombreux autres domaines tirent ou peuvent tirer profit du toucher comme thérapie : toutes les pathologies de la sphère ORL : dysphonies, paralysies récurrentielles, laryngectomies partielles ou totales, etc. ; les pathologies neurologiques ou dégénératives : dysarthries, aphasies, dysphagies, etc. ; les troubles articulatoires ; les dysgraphies ; l’autisme et les TED ; certains syndromes génétiques ou psychologiques.

En effet, l’orthophonie ne traite plus seulement l'articulation, la parole et le langage : « Certaines rééducations nécessitent la connaissance de sensorialités jusqu'ici marginales dans l'enseignement et en particulier du toucher » (Senez, 2008, p. 33). Il existe aujourd’hui des « techniques de mobilisation active et passive réalisées par des orthophonistes, notamment au niveau de la face, au niveau des organes phonateurs et bien sûr au niveau de la respiration » (Lerond, 2008, p. 151).

Le toucher participe à la réorganisation du schéma corporel du patient dans son ensemble. « Ces gestes techniques que nous proposons à nos patients, s’ils visent à restaurer des fonctions, invitent à un travail « humain » qui prend une dimension psychologique majeure. Ainsi les patients réapprennent à se toucher, à accepter qu’on les touche, à reconstruire une image corporelle » (Farenc, 2008, p. 85).

Mouton (2008, p. 58) ajoute que « l’utilisation du canal kinesthésique, sensori-moteur ou somesthésique permet au sujet d’affiner, de mieux intégrer son schéma corporel et d’aboutir ainsi à une plus grande compréhension de ses troubles et de surmonter sa pathologie. ». L’auteur précise que « la réciprocité du toucher a toute son importance ; sentir sur soi et faire sentir sur l’autre tensions/détentes musculaires, vibrations, rythmes, à partir du moment où nos connaissances de physiologie, de trajets neuro-musculaires et de posturologie sont bien assimilées. » (p. 58). C’est ce partage de sensations – mouvements, vibrations, rythmes – qui est également proposé au patient par le biais de la méthode Tadoma.

2. Le toucher en neuropathologie

2.1. Réveil de coma

« Pour le thérapeute du langage, [le toucher] fait partie d’une technique et surtout, d’un élément nécessaire au rétablissement de la communication » (Van Eeckhout, 2008, p. 142).

Après un réveil de coma, la récupération d’une respiration autonome et confortable est le premier objectif. La kinésithérapie thoracique permet le rétablissement des deux temps de la respiration. Van Eeckhout, spécialiste dans le domaine du réveil de coma, explique que « le toucher peut paraître alors violent car parfois il faut s’asseoir sur les cuisses du comateux pour pouvoir appuyer sur son thorax, ou son abdomen pour synchroniser le

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souffle phonatoire avec l’émission d’une syllabe. En obturant la canule, on fait passer l’air par la bouche. On bouche le nez pour débloquer le voile du palais et, dans l’expiration prolongée, on obtient des vocalisations. […] il faut que les patients sentent à nouveau les mouvements, qu’ils retrouvent leurs sensations. » (p. 142). Van Eeckhout propose également d’installer le patient en position assise, tête baissée et de propulser un peu d’eau avec une seringue dans la gorge du patient : si l’eau est déglutie, les cordes vocales seront plus facilement mobilisées. Le réinvestissement de la sphère oro-faciale passe par des massages de la face, des lèvres, des gencives, de la langue.

2.2. Démutisation en aphasiologie

Dans le cadre de l’aphasie, le toucher intervient comme outil à la démutisation, et donc au « rétablissement de la communication », pour laquelle « il faut une technique et une énergie communicatrice » (Van Eeckhout, 2008, p. 143). Van Eeckhout distingue « un côté mécanique et interventionniste et un effort de canalisation pour introduire la notion d’énergie ». Le rétablissement de la parole passe par le mouvement du corps. Le geste thérapeutique établit un lien entre le patient et le thérapeute, accompagne la souffrance, par une prise en charge « corps et âme ». « Le cerveau est comme sidéré dans les premiers temps après un AVC et le thérapeute doit le stimuler parfois avec une certaine force pour l’obliger à réagir. Ainsi, lorsque la bouche demeure fermée, les mâchoires serrées, le fait de boucher le nez en le pinçant avec le majeur et l’index permet l’ouverture de la bouche et l’étirement des lèvres. On reprend alors le rythme. On entraîne les mouvements bucco faciaux. » (p. 144). Même les oppositions du patient, comme le refus d’être touché, doivent être mises à profit par le thérapeute, puisqu’elles peuvent aboutir à des gestes, des expressions faciales qu’on cherche justement à obtenir dans le cadre d’une apraxie gestuelle ou bucco-faciale.

Pour Van Eeckhout, le toucher est indispensable à la rééducation en aphasiologie : « tout thérapeute qui veut restaurer des fonctions cérébrales perturbées par une lésion corticale doit, par le toucher, communiquer son savoir-faire et son empathie. La force ainsi inculquée (et qui manque tant au patient pour retrouver seul des connections neuronales), lui permettra de remettre en œuvre des chemins neuronaux nouveaux et l’aidera à retrouver son propre fonctionnement. » (2008, p. 144). Les gestes ont ainsi un aspect mécanique et interventionniste, qui permet la canalisation de l’énergie (Van Eeckhout, 2001).

3. Vers un essor du toucher thérapeutique ?

La notion de toucher thérapeutique est très récente en orthophonie. Cependant, des rééducations traditionnelles de l'articulation avec des guide-langues l’utilisaient déjà. De plus, avec l’enthousiasme actuel pour les thérapies manuelles telles que les manipulations laryngées et en particulier la formation OstéoVox (Roch et Piron, 2008), la pratique tend peu à peu à s’étendre.

Considérons enfin le point de vue de Senez, qui nous semble pertinent et appuie notre vision d’un lien entre perception et production à exploiter dans notre pratique. La rééducation orthophonique s’est largement centrée sur les praxies bucco-faciales, autrement dit le travail de la motricité, pour restituer la parole. Cependant, « toutes praxies, et par-dessus tout celles de la motricité fine (articulation de la parole, mastication, déglutition)

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fonctionnent en feed-back permanent avec les sensibilités. […] Ainsi peut-on rétablir des fonctions motrices entravées en agissant en amont dans le domaine gnosique. » (2008, p. 42). En conséquence, en apportant avec la méthode Tadoma des informations perceptives et en permettant un feed-back sensori-moteur, nous stimulons les possibilités de production de notre patient.

IV. Posture clinique

1. Difficultés méthodologiques

1.1. Difficultés inhérentes à toute prise en charge en aphasiologie

Étudier la population aphasique est complexe du fait de l’hétérogénéité des profils, y compris pour une même atteinte cérébrale, l’étendue de la lésion étant elle-même souvent difficile à établir avec précision.

Les troubles arthriques, et plus largement les troubles aphasiques, sont de nature fluctuante (Joseph et al. (2007, p. 269) soulignent « la variabilité des symptômes [aphasiques] au cours du temps »). Une tâche peut ainsi être réalisée à un moment donné et ne pas être reproduite le lendemain ou même l’instant d’après. C’est la répétition de la réussite que nous cherchons donc à obtenir pour pouvoir prétendre à l’acquisition de la compétence.

Les traitements prodigués doivent également prendre en considération le décours de récupération après la survenue d’un AVC. Les 6 semaines qui suivent l’AVC sont appelées phase aiguë. Elle est suivie de la phase dite post aiguë, intermédiaire entre la phase aiguë et la chronique, laquelle commence après 12 mois (Hoess et al., 2012). Les différences observables entre ces phases sont données par Hoess et al. (2012). Ainsi, la gravité des symptômes aphasiques est instable à la phase aiguë et marquée par d’importantes fluctuations. « C’est la conséquence de mécanismes de régénérescence cérébrale physiologiques, par exemple le rétablissement du débit sanguin et la reprise des fonctions cellulaires dans la région atteinte ou sa périphérie (penumbra) » (p. 871). On observe une régression spontanée des symptômes à la phase aiguë dans environ un tiers des cas. Selon les auteurs, les symptômes ont tendance à se stabiliser à la phase post aiguë, même si des régressions spontanées sont aussi possibles. Les progrès sont alors très lents et fonction de l’entraînement et du traitement. Les possibilités d’amélioration spontanée sont en revanche quasiment exclues à la phase chronique.

1.2. Difficultés inhérentes aux capacités intrinsèques du patient

Les progrès partiellement limités de notre patient sont à relier à la sévérité de l’atteinte et à ses possibilités de récupération. En effet, la présence d’un mutisme initial et de productions de type stéréotypique atteste de déficits sévères. De plus, l’évaluation de Monsieur B. à l’échelle NIHSS indiquait initialement un score de 24, réévalué 15 jours plus tard à 21. Rappelons que l’échelle NIHSS (National Institute of Health Stroke Score) a été décrite par Brott (1989, d’après La Lettre du Neurologue, n° 3, vol. III, juin 1999) pour évaluer les patients ayant un accident ischémique cérébral en phase aiguë. Une corrélation a été démontrée entre le score obtenu dans les 24 premières heures après

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l’AVC et le volume de tissu infarci mesuré sur le scanner réalisé au 7ème jour. Le score initial permet donc une prédiction du handicap résiduel du patient. L’échelle permet de délimiter des seuils, qui devront ensuite être confirmés. Ainsi, si un score inférieur à 10 avant la 3ème heure permet d'espérer 40% de guérisons spontanées, celles-ci sont exclues pour un score supérieur à 20. Nous pouvons donc estimé que le score obtenu par Monsieur B. en première et deuxième instance laissait présager d’une récupération spontanée limitée.

Les possibilités pour notre patient de récupérer spontanément étant limitées, nous avançons qu’il nous a bien été possible dans ce mémoire d’évaluer le rôle de la rééducation, son efficacité. Les périodes propices à la récupération ont par ailleurs été contrôlées, les sessions d’évaluation ayant eu lieu à 3 et 6 mois de l’AVC.

Outre l’aspect de possibilités de récupération, le suivi de notre patient s’est heurté à des contraintes médicales. En effet, Monsieur B. a subi plusieurs hospitalisations, à l’Hôpital Nord de Grenoble, notamment pour des problèmes cardiaques. Monsieur B. a été absent à plusieurs de ses séances au cours de la première session d’expérimentation.

Le patient était de plus fatigable, particulièrement au début de la prise en charge, comme la plupart des patients ayant subi une atteinte cérébrale. Cette fatigabilité était d’intensité variable au cours de la journée et d’une journée à l’autre. L’après-midi en particulier était marquée par une fatigue due notamment aux séances de kinésithérapie intensives (rééducation de l’hémiplégie). La motivation de Monsieur B. était généralement bonne, le patient étant volontaire ; toutefois, elle pouvait parfois décliner en fonction de son état psychique (notons que Monsieur B. était sous traitement anxiolytique avant son accident ; traitement bien évidemment poursuivi et réajusté après l’AVC).

Enfin, notre patient présente un déficit de catégorisation perceptive, en particulier en ce qui concerne ses propres productions. Il a de grandes difficultés à juger de ses performances, correctes ou erronées. Sa boucle audio-phonatoire semble donc altérée. Cette perturbation rend minime l’impact du renforcement positif des bonnes performances, et les possibilités de maintien de ces bonnes performances et de généralisation sont limitées.

2. Apports personnels

La rédaction de ce mémoire et la mise en place d’un protocole expérimental clinique, dans le cadre d’un stage à l’année au sein d’un service de rééducation fonctionnelle, nous ont permis de prendre une posture à la fois de chercheur et de thérapeute.

Les expérimentations avec notre patient se sont déroulées en tête-à-tête, sans la présence d’une tierce personne (le maître de stage), pour que toute l’attention du patient soit focalisée sur l’épreuve. Il n’y avait donc pas de référent professionnel pour guider les échanges ou valider les attitudes adoptées, ce qui n’a pas été selon nous un inconvénient mais plutôt un avantage pour notre relation avec le patient. C’est d’ailleurs également cette souplesse et cette confiance dans les prises en charges effectuées tout au long du stage à l’Institut de Rééducation qui ont favorisé notre positionnement en tant que thérapeute.

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Finalement, le stage réalisé au sein d’un service de rééducation fonctionnelle auprès de patients aphasiques et la mise en place d’un protocole expérimental de technique de prise en charge a permis de mettre à l’œuvre l’une des qualités primordiales de l’orthophoniste, l’ajustement. Chaque patient en général, et peut-être encore plus dans le cas de pathologies neurologiques, est particulier dans ses capacités et incapacités, et bien-sûr dans sa personnalité, qui doit être prise en compte. Ainsi, il est indispensable de s’adapter, d’ajuster en permanence sa prise en soin à la faveur de notre patient, lequel peut d’ailleurs réussir une tâche un jour et pas le lendemain, accepter un traitement à un moment et le refuser plus tard, faire preuve de motivation pour la prise en charge ou bien la refuser. De plus, un aspect particulier des atteintes neurologiques est la présence ou l’absence d’anosognosie, qui a un rôle dans la thérapie à mettre en place. Il faut enfin composer avec les états dépressifs et les troubles neuropsychologiques (flexibilité mentale, troubles attentionnels, troubles mnésiques, troubles frontaux, etc.).

3. Perspectives de recherche

3.1. Traitements orthophoniques en aphasiologie

Un suivi orthophonique précoce, aussi bien pour les troubles langagiers que pour les dysphagies, est aujourd’hui largement préconisé dans les recommandations de traitement des accidents vasculaires cérébraux (Joseph et al., 2007, Hoess et al., 2012). Selon Hoess et al. (2012), le principe pour le traitement de l’aphasie est : le plus tôt et le plus souvent possible. Sur ce point, Joseph et al. (2007) indiquent quant à eux qu’« il n’y a pas d’argument pour une prise en charge en urgence, et il est préférable de laisser disparaître les troubles de vigilance et de l’attention présents à la phase initiale avant de débuter une intervention spécifique » (p. 269).

Les progrès obtenus grâce à la rééducation orthophonique, évalués à partir d’études contrôlées (Robey, 1998), sont doublés par rapport à ceux observés en récupération spontanée seule. Durant les deux premiers mois suivant l’accident, deux à trois heures de traitement par semaine semblent permettre une amélioration optimale ; la comparaison des différentes études sur le sujet menée par Joseph et al. (2007) ne préconise pas une prise en charge plus importante. A partir du 3ème mois, il semble qu’il faille passer à au moins cinq heures par semaine. Il faut noter que les aphasies globales ont tendance à récupérer plus tardivement, avec un décalage de trois mois après l’AVC, par rapport à des aphasies en particulier de type fluentes. Au-delà d’un an – phase chronique – Robey (1998) a montré que les symptômes aphasiques pouvaient encore progresser (autour de 60% de récupération), alors qu’à ce stade la récupération spontanée est quasi nulle. Ces données sont confirmées par Moss et Nicholas (2006, cité dans Joseph et al., 2007).

Une prise en charge plus intensive avec la méthode Tadoma, relayée par d’autres thérapeutes, pourrait permettre une réussite plus manifeste de la rééducation des troubles arthriques grâce à la facilitation par la modalité tactile. Rappelons que Reed (1996) préconisait 100h de familiarisation avec la méthode pour apporter des résultats significatifs, ce qui ne paraît toutefois pas envisageable dans le cadre d’une rééducation globale de l’aphasie, tous les domaines, au-delà du travail analytique visant à améliorer les troubles arthriques, devant être considérés. Néanmoins, nous pensons que le prolongement de l’utilisation de la méthode Tadoma chez notre patient pourrait permettre de voir apparaitre d’autres améliorations des performances que celle obtenue pour les

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consonnes bilabiales. Une étude de groupe et/ou une étude de cas avec un entraînement plus prolongé seraient nécessaires pour valider statistiquement l’intérêt de l’utilisation de la méthode pour la rééducation des troubles aphasiques et en particulier des troubles arthriques.

3.2. Un élargissement aux troubles dysarthriques ?

Si l’utilisation de la méthode Tadoma pour la rééducation des troubles arthriques pourrait être profitable aux patients aphasiques, nous pensons que nous pourrions envisager de tester la méthode chez des patients présentant une dysarthrie.

La dysarthrie est un trouble de la réalisation motrice de la parole, secondaire à des lésions du système nerveux central et/ou périphérique (Darley, Aronson et Brown., 1975), qui touche les différentes composantes de la parole : respiration, phonation, résonance, articulation et prosodie. A la différence de l’anarthrie, c’est un trouble de la réalisation motrice de la parole, qui se manifeste de manière constante et qui n’est pas sensible au phénomène de dissociation automatico-volontaire.

Plusieurs approches coexistent pour rééduquer la dysarthrie. La rééducation axée sur la parole, dans une approche physiopathologique, prône le principe de l’apprentissage moteur. La rééducation axée sur la communication emploie les stratégies facilitatrices, la communication augmentée ou la communication alternative. La prise en charge peut aussi se faire d’après une approche écologique (pragmatique), par l’utilisation de prothèses, par une prise en charge médicale (Maladie de Parkinson), et passe bien-sûr par un soutien et un accompagnement. Actuellement, seule la rééducation de la dysarthrie parkinsonienne semble avoir fait ses preuves, avec la LSVT® (Lee Silverman Voice Treatment, Mahler et Ramig, 2012). Élaborée aux Etats-Unis dans les années 80 (1986) par L. Ramig et C. Fox, et pratiquée en France depuis 2000, la méthode se concentre sur les troubles phonatoires et prosodiques de la dysarthrie hypokinétique parkinsonienne. Les principes du traitement sont un entrainement intensif, ciblé sur la voix, répétitif et progressif. Une importance est donnée au feed-back du patient, avec calibrage et quantification, pour qu’il comprenne ses résultats et ses performances.

La méthode Tadoma, par un entraînement spécifique, donnant un feed-back articulatoire spécifique par la modalité tactile, pourrait contribuer à optimiser les productions des patients. Une expérimentation dans ce sens pourrait être menée.

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CONCLUSION

La survenue d’une aphasie non fluente après un accident vasculaire cérébral a pour conséquences de nombreux déficits, particulièrement en ce qui concerne la production orale, dont les troubles arthriques peuvent faire partie. Le travail de recherche présenté dans ce mémoire avait pour but le traitement de ces troubles arthriques, en proposant une étude de cas sur un patient exposé à une facilitation tactilo-kinesthésique associée aux modalités auditive et visuelle de la parole, issue de l’adaptation de la méthode Tadoma utilisée chez la population sourde et aveugle.

Nous avons évalué les performances de notre sujet dans une épreuve de répétition de syllabes, lors de deux sessions, en pré et post traitement, afin d’observer un effet de la méthode comparativement à une condition contrôle (sans Tadoma). Dans le protocole choisi, la main du patient est tour à tour placée sur le visage de l’expérimentatrice puis sur son propre visage. Les enregistrements obtenus ont permis d’observer les trois résultats principaux suivants :

i. Les performances du patient sont globalement meilleures avec l’utilisation de la méthode Tadoma par rapport à la condition contrôle, pour les quatre enregistrements effectués. En ce sens la méthode semble bien faciliter la production articulatoire des consonnes, dès sa première présentation.

ii. De nombreuses productions coronales de type stéréotypique ont été obtenues : elles sont à rapprocher de la conception théorisée par Abry et al. (2002, 2008), inspirée par le patient « Tan » de Broca, dont les productions sont caractérisées par un cadre syllabique résiduel, « a remnant frame », conjointement à un contenu segmental déficitaire. Ce contrôle syllabique subsistant génère des productions de type [t] par contact lingual contre le palais.

iii. Le gain apporté par la méthode Tadoma le plus remarquable concerne les consonnes bilabiales. Le pouce placé par le patient au niveau des lèvres du thérapeute, puis des siennes, semblent lui avoir permis de reprendre activement le contrôle labial, en plus du contrôle mandibulaire.

Le bénéfice d’un traitement orthophonique est obtenu chez la plupart des personnes aphasiques. L’efficacité de la prise en charge a été démontrée durant la première année et même au-delà ; son intensité doit pour cela être suffisante (Joseph et al., 2007). S’il paraît difficile de préconiser tel ou tel type de thérapie spécifique pour la rééducation de l’aphasie (l’utilisation de plusieurs méthodes en parallèle nous semble souvent à conseiller), la communication du patient doit être considérée dans son ensemble, pour prévenir l’isolement communicatif dont il est souvent menacé (Hoess et al., 2012), et des cibles propre à chaque patient doivent être déterminées (Joseph et al., 2007).

En outre, la parole étant éminemment multimodale, nous pensons que toutes les modalités permettant l’accès au langage, tous les canaux facilitant cet accès devraient être considérés dans le traitement de l’aphasie. Ainsi, des facilitations auditives, visuelles mais aussi tactilo-kinesthésiques sont à envisager :

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La méthode Tadoma, en donnant accès aux informations articulatoires grâce à la main sur le visage de l’interlocuteur (Perception), transférées ensuite sur le propre visage du patient (Proprioception), permet une conscientisation des gestes moteurs à réaliser et peut améliorer le langage oral du patient (Production).

Le toucher a longtemps été oublié dans la rééducation orthophonique, bien que certaines formations reposant sur les thérapies manuelles connaissent un certain essor. Selon Eyoum, « le toucher devrait être présenté au cours des études comme une thérapeutique orthophonique à part entière. Il est utilisé dans presque toutes les professions para-médicales, sauf la nôtre. Toucher correcteur, toucher perceptif et informatif, toucher thérapeutique ou de confort, découverte de son corps, il reste un acte de soin et de communication non verbale, ce qui nous permet de le pratiquer de la naissance jusqu’à la fin des patients qui nous sont confiés » (2008, p. 96).

Dans l’optique de poursuivre cette étude sur l’adaptation de la méthode Tadoma dans le soin orthophonique, plusieurs pistes nous semblent à explorer : d’abord, une exposition plus prolongée et plus intensive d’un même sujet aphasique présentant des troubles arthriques pourrait montrer davantage de résultats ; ensuite, une expérimentation sur un groupe de population aphasique pourrait permettre de valider la méthode chez plusieurs sujets ; enfin, nous proposons que la méthode soit testée dans le cadre de la dysarthrie, à travers une étude longitudinale sur un patient ou avec une étude de groupe.

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GLOSSAIRE

Accident vasculaire cérébral : déficit neurologique soudain d'origine vasculaire causé par un infarctus (AVC ischémique) ou une hémorragie (AVC hémorragique) au niveau du cerveau. L'AVC est la première cause de handicap physique de l'adulte et la troisième cause de décès dans la plupart des pays occidentaux. On compte 140 000 nouveaux cas par an en France (Duncan et al., 1992), parmi lesquels 100 000 présentent des troubles aphasiques (Joseph et al., 2007).

Agrammatisme : perte de la capacité de construire correctement ses phrases avec mésusage ou disparition des désinences et des marques syntaxiques, comparable à un style télégraphique.

Anosognosie : trouble neuropsychologique qui induit une absence de conscience de l’état du patient (maladie ou handicap), qui peut refléter une atteinte cérébrale, comme dans certains types d'accidents vasculaires cérébraux. Trouble décrit par le neurobiologiste Joseph Babinski en 1914.

Aphasie croisée : « syndrome aphasique apparaissant à la suite d’une lésion ipsilatérale à la main dominante (hémisphère droit du sujet droitier). Elle est rare mais non exceptionnelle (1 à 5% des droitiers). […] La forme la plus fréquente est une aphasie de type Broca » (Barat et al., 2007, p. 94).

Aphémie : suite à sa découverte d’une lésion gauche provoquant des troubles langagiers allant jusqu’au mutisme, Broca proposa le terme d’aphémie, qui fut évincé par celui d’aphasie proposé par Trousseau (Monod-Broca et Hamonet, 2007).

Apraxie : incapacité à effectuer des gestes (manipulation d'objets ou gestes symboliques), due à une lésion du système nerveux consécutive à une atteinte cérébrale des lobes pariétaux.

Babillage : productions de syllabes rédupliquées de type [baba] ou [dada], qui marque l’apparition dans le développement de la parole d’une coordination oro-laryngée, supraglottique et glottique, autrement dit d’un mouvement rythmique d’ouverture et de fermeture du conduit vocal (contrôle mandibulaire) avec phonation coordonnée (vers 7 mois).

Boucle audio-phonatoire : processus de rétrocontrôle de la voix, qui permet également un contrôle de l’articulation (les gestes articulatoires se vérifiant aussi par des sensations kinesthésiques), et participe donc à la maîtrise des productions verbales.

Hémianopsie latérale homonyme : perte du champ visuel du côté opposé à la lésion cérébrale (située en arrière du chiasma optique) : une lésion à gauche entraînera donc une HLH à droite. Elle est dite homonyme car le champ visuel perdu est du même côté pour les deux yeux.

Hémiplégie : paralysie partielle ou complète de la moitié du corps, consécutive à un accident vasculaire cérébral. Lorsqu’elle est totale, le membre supérieur, le membre inférieur, le tronc et la moitié de la face sont touchés.

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Persévération : tendance à maintenir ou répéter la même action, conduite ou expression verbale, indépendamment de nouvelles stimulations, situations ou sollicitations.

Syncinésie : contraction involontaire d'un muscle ou groupe de muscles lors d'un autre mouvement volontaire ou réflexe. Les syncinésies constituent un des signes cliniques du syndrome pyramidal, constaté chez les personnes hémiplégiques ou hémiparétiques.

Thrombolyse : traitement visant à lyser (désagréger) par médicament les thrombus (caillots sanguins) obstruant les vaisseaux sanguins ; reproduit de façon artificielle le phénomène physiologique de fibrinolyse et vient en complément d’un traitement anticoagulant.

Thrombectomie : intervention chirurgicale consistant à enlever une masse sanguine coagulée oblitérant un vaisseau, après incision de celui-ci.

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ANNEXES

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Annexe I : Neuroanatomie des troubles arthriques

1. Quadrilatère de Pierre Marie : Striatum, Pallidum et capsule interne

Le striatum (neostriatum ou corps striés) est une structure nerveuse subcorticale constituée du noyau caudé et du putamen, séparés par une fibre de substance blanche, la capsule interne. Le pallidum est l'ensemble formé du globus pallidus (pallidum dorsal) et de la zone de substance grise sous la commissure antérieure (pallidum ventral). Extrait de http://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_des_ganglions_de_la_base_du_primate

2. Aires de Brodmann et aire de Broca

Les aires de Brodmann 44-45 aussi regroupées sous le terme d'aire de Broca appartiennent au lobe frontal. Une lésion dans cette région provoque une aphasie de type Broca. Extrait de http://www.alzheimer-adna.com/_Lexique/B_dossier/Brodmann.html.

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Annexe II : Gestes Borel-Maisonny

1. Gestes analogues à la forme de la lettre

M S Z

2. Gestes analogues à l’image articulatoire du phonème

L R

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Annexe III : Schéma d’articulation de Lanteri (2004)

Extraits p. 120, 134 et 135.

CH

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Annexe IV : PROMT (Chumpelik, 1984)

1. Points de contact pour les positions cibles des consonnes

http://promptinstitute.com/index.php

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2. Positions de la mâchoire pour la production des voyelles

http://promptinstitute.com/index.php

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Annexe V : Session 1

1. Présentation des syllabes en pré traitement (ligne de base)

Ligne de base = Pré traitement Enregistrement 1 = B1 Enregistrement 2 = B2

Sans TADOMA Avec TADOMA Avec TADOMA Sans TADOMA VCV CVCV VCV CVCV VCV CVCV VCV CVCV

aba

ama

apa

ata

ana

ada

ava

afa

aʃa

aʒa

papa

tata

baba

dada

mama

nana

fafa

ʃaʃa

vava

ʒaʒa

Ava

apa

ada

aba

aʒa

ama

ata

afa

aʃa

ana

fafa

vava

papa

baba

mama

ʃaʃa

ʒaʒa

tata

dada

nana

afa

ava

aʃa

aʒa

apa

aba

ama

ata

ada

ana

tata

dada

nana

fafa

vava

papa

baba

mama

ʃaʃa

ʒaʒa

apa

aba

ama

ata

ada

ana

afa

ava

aʃa

aʒa

nana

fafa

papa

baba

mama

vava

tata

dada

ʃaʃa

ʒaʒa

2. Présentation des syllabes en post traitement (évaluation)

Evaluation = Post traitement Enregistrement 1 = E1 Enregistrement 2 = E2

Avec TADOMA Sans TADOMA Sans TADOMA Avec TADOMA VCV CVCV CVCV VCV CVCV VCV VCV CVCV

afa

aʃa

aʒa

aba

ama

apa

ata

ana

ada

ava

papa

tata

fafa

ʃaʃa

vava

ʒaʒa

baba

dada

mama

nana

aʒa

ama

ata

afa

aʃa

ana

ava

apa

ada

aba

mama

ʃaʃa

ʒaʒa

tata

fafa

vava

papa

baba

dada

nana

afa

ava

aʃa

aʒa

apa

aba

ama

ata

ada

ana

ʃaʃa

tata

dada

fafa

baba

vava

papa

mama

nana

ʒaʒa

ava

apa

ata

aba

ada

ana

afa

aʃa

ama

aʒa

nana

fafa

dada

baba

ʒaʒa

mama

vava

tata

ʃaʃa

papa

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Annexe VI : Echelle NIHSS

1a Niveau de conscience

0: vigilance normale, réponses aisées 1: non vigilant, éveillable par des stimulations mineures pour répondre ou exécuter les consignes 2: non vigilant, requiert des stimulations répétées pour maintenir son attention; ou bien est obnubilé et requiert des stimulations intenses ou douloureuses pour effectuer des mouvements non automatiques 3: répond seulement de façon réflexe ou totalement aréactif

1b Questions: le patient est questionné sur le mois et son âge

0: réponses correctes aux deux questions 1: réponse correcte à une question 2: aucune réponse correcte

1c Commandes: Ouvrir et fermer les yeux, serrer et relâcher la main non parétique

0: exécute les deux tâches correctement 1: exécute une tâche correctement 2: n'exécute aucune tâche

2 Oculomotricité: seuls les mouvements horizontaux sont évalués

0: normal 1: paralysie partielle; le regard est anormal sur un oeil ou les deux, sans déviation forcée du regard ni paralysie complète 2: déviation forcée du regard ou paralysie complète non surmontée par les réflexes oculo-céphaliques

3 Vision 0: aucun trouble du champ visuel 1: hémianopsie partielle 2: hémianopsie totale 3: double hémianopsie, incluant cécité corticale

4 Paralysie faciale

0: mouvement normal et symétrique 1: paralysie mineure ( affaissement du sillon nasogénien; sourire asymétrique ) 2: paralysie partielle: paralysie totale ou presque de l'hémiface inférieure 3: paralysie complète d'un ou des deux cotés

5a Motricité MSG: bras tendu à 90°en position assise, à 45°en décubitus durant 10 secondes

0: pas de chute 1: chute vers le bas avant 10 secondes sans heurter le lit 2: effort contre pesanteur possible mais le bras ne peut atteindre ou maintenir la position et tombe sur le lit 3: aucun effort contre pesanteur, le bras tombe 4: aucun mouvement

5b Motricité MSD: bras tendu à 90°en position assise, à 45°en décubitus durant 10 secondes

0: pas de chute 1: chute vers le bas avant 10 secondes sans heurter le lit 2: effort contre pesanteur possible mais le bras ne peut atteindre ou maintenir la position et tombe sur le lit 3: aucun effort contre pesanteur, le bras tombe 4: aucun mouvement

6a Motricité MIG: jambes tendues à 30° pendant 5 secondes

0: pas de chute 1: chute avant 5 secondes, les jambes ne heurtant pas le lit 2: effort contre pesanteur mais la jambe chute sur le lit 3: pas d'effort contre pesanteur 4: aucun mouvement

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6b Motricité MID: jambes tendues à 30° pendant 5 secondes

0: pas de chute 1: chute avant 5 secondes, les jambes ne heurtant pas le lit 2: effort contre pesanteur mais la jambe chute sur le lit 3: pas d'effort contre pesanteur 4: aucun mouvement

7 Ataxie : N'est testée que si elle est hors de proportion avec un déficit moteur

0: absente 1: présente sur un membre 2: présente sur deux membres

8 Sensibilité: sensibilité à la piqûre ou réaction de retrait après stimulation nociceptive

0: normale, pas de déficit sensitif 1: hypoesthésie modérée: le patient sent que la piqûre est atténuée ou abolie mais a conscience d'être touché 2: anesthésie: le patient n'a pas conscience d'être touché

9 Langage

0: normal 1: aphasie modérée: perte de fluence verbale, difficulté de compréhension sans limitation des idées exprimées ou de la forme de l'expression 2: aphasie sévère: expression fragmentaire, dénomination des objets impossibles; les échanges sont limités, l'examinateur supporte le poids de la conversation 3: aphasie globale: mutisme; pas de langage utile ou de compréhension du langage oral

10 Dysarthrie

0: normal 1: modérée: le patient bute sur certains mots, au pire il est compris avec difficultés 2: sévère: le discours est incompréhensible, sans proportion avec une éventuelle aphasie; ou bien le patient est mutique ou anarthrique

11 Extinction et négligence

0: pas d'anomalie 1: négligence ou extinction visuelle, tactile, auditive ou personnelle aux stimulations bilatérales simultanées 2: héminégligence sévère ou extinction dans plusieurs modalités sensorielles; ne reconnaît pas sa main ou s'oriente vers un seul hémi-espace

Score total Sévérité du trouble 0 Pas de trouble 1-4 Troubles mineurs 5-15 Troubles modérés 16-20 Troubles modérés à sévères 21-42 Troubles sévères

http://uhcd.chra.free.fr/procedures/neuro/nihss.htm

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Annexe VII : Bilan initial du patient GB

Stéphanie M. Orthophoniste. La Tronche, le 17 septembre 2012

EXAMEN DU LANGAGE DE : M. GB

Né le 13.03.1964

M. B présente un mutisme total : seuls quelques sons inarticulés sont produits. Il essaie de se faire comprendre en ayant recours aux gestes.

On retiendra de l’examen : - l’existence d’une apraxie bucco-faciale - l’absence de productions langagières quelle que soit la modalité facilitatrice utilisée (séries automatiques, chant, fins de phrases) - l’abolition des capacités de répétition - une compréhension orale altérée dès le niveau lexical - une altération massive des capacités de transcription avec persévérations graphiques.

Les séances proposées jusqu’ici n’ont pas permis d’obtenir des automatismes verbaux et de déclencher le langage oral. La mise en place d’un code visuel imagé de communication est rendue compliquée par les difficultés de compréhension.

Conclusion : M. Barbier présente une aphasie globale. La prise en charge doit se poursuivre sur un rythme soutenu.

EPREUVES UTILISEES – RESULTATS (Scores dans la norme ; Scores limites ; Scores pathologiques) Niveau : chauffeur routier Latéralité : droitier Langage automatique :

- séries automatiques : - - fins de phrases automatiques : 0/10 - chanson : essais mélodiques sans sons articulés

Transpositions orales : - Répétition : Mots simples : abolie - Lecture à haute voix : mots : abolie

Compréhension orale : - Désignation lexicale d’images : 10/16 - Désignation par l’usage : 5/10 - ordres simples : 1/3

Ecriture : - spontanée : persévérations graphiques

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Annexe VIII : Epreuves supplétives de compréhension écrite

1. Compréhension de texte

Fête de famille

Ce matin, Mme Leroux est joyeuse mais un peu affolée : son petit-fils, Jean, se marie ! Voilà plusieurs semaines que cet événement occupe ses pensées, et qu’elle court d’un préparatif à l’autre.

Tout d’abord, elle a dû s’occuper du cadeau de mariage et a préféré un joli service de table en porcelaine aux appareils électro-ménagers dont elle n’a jamais compris le fonctionnement ni l’utilité.

Mais la grande question du jour était sa toilette : que mettre pour l’événement ? La robe de velours bleue, trop étroite, a vite été remplacée par une verte achetée récemment.

A huit heures du matin, elle était déjà fin prête. Que faire en attendant ? Arroser les rosiers ? Trop dangereux pour la robe… Passer un coup de fil à son amie Lucienne ? Cette vieille bavarde serait capable de lui faire dépasser l’heure prévue.

Le moins risqué était finalement de rester assise sur le canapé à attendre tranquillement que sa fille vienne la chercher à 10 heures.

Qui se marie ? son fils son petit fils son neuveu Elle y pense depuis des mois un an des semaines Elle utilise un four à micro-ondes vrai faux Car ça tombe en panne ça ne sert à rien Son cadeau est une cafetière électrique de la vaisselle un buffet Elle porte une robe bleue une robe verte un tailleur vert En attendant l’heure elle jardine elle téléphone elle ne fait rien

2. Phrases à remettre dans l’ordre

Le jardinier arrose les légumes

Le nageur plongea dans la piscine

Le routier conduit son camion prudemment

Le médecin a prescrit un médicament efficace à son patient

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Annexe IX : Neuroanatomie du toucher

3. Anatomie du cortex somatosensoriel

http://www.vetopsy.fr/sens/soma/soma_cortex1.php

4. Homonculus sensitif

A gauche : http://www.vetopsy.fr/sens/soma/soma_cortex1.php A droite : http://www.cours-pharmacie.com/physiologie/systeme-nerveux.html

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

I. Liste des figures

Figure 1 : Modèle linguistique à 4 unités et 3 niveaux d’articulation (Lecours et Lhermitte, 1979, d’après Martinet, 1967). .............................................................................................................11

Figure 2 : Schéma visuel en TMR (Van Eeckhout et Gatignol, 2010) ; l’accentuation est portée sur l’élément syntaxique couramment absent (agrammatisme, caractéristique des aphasies non fluentes). ....................................................................................................................................20

Figure 3 : Modélisation de la tâche de répétition. ........................................................................30

Figure 4 : utilisation de la méthode Tadoma par Patrick Dowdy et Robert Smithdas (tiré du site de David Bar-Tzur : http://theinterpretersfriend.org/pd/ws/db/text.html). ........................................31

Figures 5 et 5bis : répartition des réponses du patient avec et sans Tadoma en fonction des réponses correctes, des réponses stéréotypées [t], des autres confusions et des réponses inintelligibles. ............................................................................................................................42

Figures 6 et 6bis : répartition des réponses du patient avec et sans Tadoma en fonction des réponses correctes, des réponses stéréotypées [t], des autres confusions et des réponses inintelligibles. ............................................................................................................................43

Figures 7 et 7bis : répartition des réponses du patient avec et sans Tadoma en fonction des réponses correctes, des réponses stéréotypées [t], des autres confusions et des réponses inintelligibles. ............................................................................................................................44

Figures 8 et 8bis : répartition des réponses du patient avec et sans Tadoma en fonction des réponses correctes, des réponses stéréotypées [t], des autres confusions et des réponses inintelligibles. ............................................................................................................................45

Figure 9 : Evolution des réponses correctes avec et sans Tadoma entre les deux sessions. ...........46

Figures 10 et 10bis : distinction des modes occlusif (consonnes [p, b, t, d]) et constrictif (consonnes [f, v, ʃ, ʒ]) en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite)......................................47

Figures 11 et 11bis : distinction du trait oral (consonnes [b, d]) et nasal (consonnes [m, n]) en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite). ............................................................................48

Figures 12 et 12bis : distinction des lieux articulatoires bilabial [p, b], labio-dental [f, v], apico-alvéolaire [t, d] et post-alvéolaire [ʃ, ʒ] en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite). ...........48

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Figures 13 et 13bis : évolution du nombre de consonnes bilabiales [p, b, m] produites en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite). .........................................................................................49

Figures 14 et 14bis : distinction des consonnes sourdes [p, t, f, ʃ] et sonores [b, d, v, ʒ] en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite). .........................................................................................49

Figures 15 et 15bis : Pourcentages de productions correctes en fonction de la structure VCV ou CVCV en Tadoma (à gauche) et sans Tadoma (à droite). ............................................................50

Figure 16 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [ʃaʃa] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz). ..................................................................................................................51

Figure 17 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [ʒaʒa] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz). ..................................................................................................................51

Figure 18 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [papa] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz). ..................................................................................................................52

Figure 19 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [baba] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz). ..................................................................................................................52

Figure 20 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [fafa] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz). ..................................................................................................................53

Figure 21 : Signal acoustique et spectrogramme de la séquence [vava] produite par Monsieur B. (à gauche) et par l’expérimentatrice (à droite). En abscisse, le temps ; en ordonnée, la fréquence (entre 0 et 5000 Hz). ..................................................................................................................53

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II. Liste des tableaux

Tableau 1 : Syllabes VCV et CVCV évaluées en répétition ........................................................29

Tableau 2 : Organisation des sessions d’expérimentation ............................................................32

Tableaux 3 et 3bis : Matrices de confusions avec et sans Tadoma des enregistrements pré-traitement de la première session (*autres : articulation inintelligible). .......................................41

Tableaux 4 et 4bis : Matrices de confusions avec et sans Tadoma des enregistrements post-traitement de la première session (*autres : articulation inintelligible). .......................................43

Tableaux 5 et 5bis : Matrices de confusions avec et sans Tadoma des enregistrements pré-traitement de la seconde session (*autres : articulation inintelligible). .........................................44

Tableaux 6 et 6bis : Matrices de confusions avec et sans Tadoma des enregistrements post-traitement de la première session (*autres : articulation inintelligible). .......................................45

Tableau 7 : Récapitulatif des scores obtenus en sessions 1 et 2 avec et sans méthode Tadoma. ....46

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TABLE DES MATIERES

ORGANIGRAMMES ............................................................................................................ 2

1. Université Claude Bernard Lyon1.......................................................................... 2 1.1. Secteur Santé : ......................................................................................................... 2 1.2. Secteur Sciences et Technologies : ......................................................................... 2 2. Institut Sciences et Techniques de Réadaptation FORMATION ORTHOPHONIE.............................................................................................................. 3

REMERCIEMENTS ............................................................................................................. 4

SOMMAIRE ........................................................................................................................... 5

INTRODUCTION .................................................................................................................. 7

I. LES TROUBLES ARTHRIQUES DANS LE CADRE DE L’APHASIE..................................... 10 1. Les troubles arthriques : perturbation phonétique du langage oral .................. 10

1.1. Des terminologies multiples ......................................................................... 10 1.2. Manifestations cliniques ............................................................................... 11

2. Contexte clinique ................................................................................................... 12 2.1. Corrélation anatomo-clinique ....................................................................... 12 2.2. Aphasie de Broca et troubles associés ......................................................... 13 2.3. L’apraxie bucco-faciale ................................................................................ 13 2.4. La dissociation automatico-volontaire (DAV) ............................................ 14

II. APPROCHES THERAPEUTIQUES DES TROUBLES APHASIQUES ..................................... 14 1. Principes de rééducation....................................................................................... 14

1.1. La récupération spontanée ............................................................................ 14 1.2. Approches et stratégies de rééducation ........................................................ 15

2. Rééducation du langage oral non fluent .............................................................. 16 2.1. La démutisation ............................................................................................. 16 2.2. Les méthodes classiques ............................................................................... 17 2.3. Des programmes spécifiques ........................................................................ 19 2.4. PROMPT : une méthode de rééducation par stimulation tactile ................ 20

III. LA METHODE TADOMA OU LA PAROLE SOMESTHESIQUE .......................................... 21 1. Principes de la méthode Tadoma ......................................................................... 21 2. La réception de la parole en Tadoma .................................................................. 22

2.1. Les études fondatrices chez le sujet sourd et aveugle ................................. 22 2.2. Une utilisation chez l’entendant-voyant ? ................................................... 23

3. Vers une perception multi-sensorielle de la parole ............................................. 24 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES ........................................................................ 25

I. PROBLEMATIQUE ........................................................................................................ 26 II. HYPOTHESE GENERALE .............................................................................................. 27 III. HYPOTHESES OPERATIONNELLES ............................................................................... 27

PARTIE EXPERIMENTALE ........................................................................................... 28

I PROTOCOLE EXPERIMENTAL....................................................................................... 29 1. Corpus .................................................................................................................... 29

1.1. Répétition de syllabes ................................................................................... 29 1.2. Principes de la tâche de répétition ................................................................ 30

2. Passation ................................................................................................................ 31 2.1. Configuration de la méthode ........................................................................ 31

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2.2. Sessions d’expérimentation et enregistrements ........................................... 31 3. Principes d’évaluation .......................................................................................... 32

II. ETUDE DE CAS UNIQUE ............................................................................................... 32 1. Critères d’inclusion et d’exclusion ....................................................................... 33 2. Profil du sujet......................................................................................................... 34

2.1. Historique clinique ........................................................................................ 34 2.2. Bilan initial .................................................................................................... 34 2.3. Evolution aux cours des 6 premières semaines ........................................... 35 2.4. Bilan à 6 mois ................................................................................................ 36

PRESENTATION DES RESULTATS ............................................................................. 40

I. ANALYSE QUANTITATIVE DES PERFORMANCES EN REPETITION ................................ 41 1. Session 1 ................................................................................................................. 41

1.1. Pré traitement................................................................................................. 41 1.2. Post traitement ............................................................................................... 42

2. Session 2 ................................................................................................................. 44 2.1. Pré traitement................................................................................................. 44 2.2. Post traitement ............................................................................................... 45 2.3. Conclusion sur les résultats quantitatifs....................................................... 46

II. ANALYSE QUALITATIVE DES PRODUCTIONS DU PATIENT .......................................... 47 1. Analyse en termes de traits articulatoires............................................................ 47

1.1. Distinction de mode ...................................................................................... 47 1.2. Distinction de nasalité ................................................................................... 47 1.3. Distinction de lieux articulatoires ................................................................ 48 1.4. Distinction de voisement .............................................................................. 49 1.5. Structure de la syllabe ................................................................................... 49

2. Analyse acoustique ................................................................................................ 50 2.1. Consonne fricative ........................................................................................ 50 2.2. Consonnes plosives ....................................................................................... 51 2.3. La question des productions de type stéréotypique..................................... 52

III. TRAITEMENT DES TROUBLES ARTHRIQUES PAR LA METHODE TADOMA ................... 53 1. Intégration au travail analytique .......................................................................... 54 2. Vers la sémantisation des productions ................................................................. 54

DISCUSSION DES RESULTATS ..................................................................................... 55

I. RETOUR SUR LA PROBLEMATIQUE .............................................................................. 56 1. Validation des hypothèses ..................................................................................... 56 2. La question des productions coronales : remnant vs. nascent frame ................ 57 3. Considérations sur la rééducation des troubles arthriques ................................ 58

II. LA PRIMAUTE DE LA MULTIMODALITE ....................................................................... 59 1. Intérêt d’une présentation bimodale .................................................................... 59 2. Une perception trimodale par l’ajout de la modalité haptique .......................... 60 3. Les différents canaux de l’étayage ....................................................................... 61

3.1. Etayage par le canal auditif .......................................................................... 61 3.2. Etayage par le canal visuel ........................................................................... 61 3.3. Etayage par le canal haptique ....................................................................... 62

4. Vers une présentation trimodale de la parole en orthophonie ? ........................ 62 4.1. Des thérapies « trimodales » ......................................................................... 62 4.2. Joindre la parole au geste .............................................................................. 63

III. DE L’IMPORTANCE DU TOUCHER THERAPEUTIQUE .................................................... 64

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1. Le toucher en orthophonie .................................................................................... 64 1.1. Conceptions du toucher ................................................................................ 64 1.2. PEC par le toucher ........................................................................................ 65

2. Le toucher en neuropathologie ............................................................................. 65 2.1. Réveil de coma .............................................................................................. 65 2.2. Démutisation en aphasiologie....................................................................... 66

3. Vers un essor du toucher thérapeutique ? ........................................................... 66 IV. POSTURE CLINIQUE ................................................................................................. 67

1. Difficultés méthodologiques.................................................................................. 67 1.1. Difficultés inhérentes à toute prise en charge en aphasiologie .................. 67 1.2. Difficultés inhérentes aux capacités intrinsèques du patient ...................... 67

2. Apports personnels ................................................................................................ 68 3. Perspectives de recherche ..................................................................................... 69

3.1. Traitements orthophoniques en aphasiologie .............................................. 69 3.2. Un élargissement aux troubles dysarthriques ? ........................................... 70

CONCLUSION ..................................................................................................................... 71

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 73

GLOSSAIRE ......................................................................................................................... 79

ANNEXES ............................................................................................................................. 81

ANNEXE I : NEUROANATOMIE DES TROUBLES ARTHRIQUES ............................................. 82 1. Quadrilatère de Pierre Marie : Striatum, Pallidum et capsule interne ............. 82 2. Aires de Brodmann et aire de Broca .................................................................... 82

ANNEXE II : GESTES BOREL-MAISONNY ........................................................................... 83 1. Gestes analogues à la forme de la lettre .............................................................. 83 2. Gestes analogues à l’image articulatoire du phonème ....................................... 83

ANNEXE III : SCHEMA D’ARTICULATION DE LANTERI (2004) ........................................... 84 ANNEXE IV : PROMT (CHUMPELIK, 1984)....................................................................... 85

1. Points de contact pour les positions cibles des consonnes ................................. 85 2. Positions de la mâchoire pour la production des voyelles ................................. 86

ANNEXE V : SESSION 1 ....................................................................................................... 87 1. Présentation des syllabes en pré traitement (ligne de base)............................... 87 2. Présentation des syllabes en post traitement (évaluation).................................. 87

ANNEXE VI : ECHELLE NIHSS .......................................................................................... 88 ANNEXE VII : BILAN INITIAL DU PATIENT GB ................................................................... 90 ANNEXE VIII : EPREUVES SUPPLETIVES DE COMPREHENSION ECRITE .............................. 91

1. Compréhension de texte ........................................................................................ 91 2. Phrases à remettre dans l’ordre ........................................................................... 91

ANNEXE IX : NEUROANATOMIE DU TOUCHER ................................................................... 92 3. Anatomie du cortex somatosensoriel .................................................................... 92 4. Homonculus sensitif............................................................................................... 92

TABLE DES ILLUSTRATIONS ...................................................................................... 93

I. LISTE DES FIGURES ..................................................................................................... 93 II. LISTE DES TABLEAUX ................................................................................................. 95

TABLE DES MATIERES................................................................................................... 96

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Emilie TROILLE L’ADAPTATION DE LA METHODE TADOMA A LA REEDUCATION DES TROUBLES ARTHRIQUES CHEZ L’APHASIQUE : Etude de cas 98 Pages

Mémoire d'orthophonie -UCBL-ISTR- Lyon 2013

RESUME

L’aphasie est la pathologie neurologique de l’adulte la plus fréquente en rééducation orthophonique. Dans les tableaux d’aphasies non fluentes, et en particulier dans l’aphasie de type Broca, la production orale peut être altérée par la présence de troubles arthriques, marqués par une articulation imprécise, voire stéréotypée. La rééducation de ces troubles consiste classiquement en un travail analytique, utilisant différents types de facilitation, auquel peuvent être associés des protocoles spécifiques, au travers d’approches qui peuvent être empirique, behavioriste, pragmatique ou cognitive. Nous avons mis en place une expérimentation testant l’utilisation d’une facilitation tactilo-kinesthésique en association aux modalités auditive et visuelle classiques en parole, chez un sujet aphasique présentant des troubles arthriques. Nous avons choisi la méthode Tadoma, qui permet de récupérer les informations articulatoires de mode, voisement, nasalité et lieu d’articulation en plaçant la main du patient sur le visage du thérapeute, transférées ensuite sur son propre visage. Notre méthodologie repose sur une évaluation pré et post traitement de la production de syllabes VCV et CVCV dans lesquelles V est la voyelle [a] et C peut être la consonne [p, b, m, t, d, n, s, z, ʃ, ʒ]. Deux sessions à 3 mois et à 6 mois de l’accident vasculaire cérébral de notre patient ont été réalisées. Les résultats indiquent une amélioration des performances du patient avec Tadoma par rapport à la condition contrôle. La méthode permet en particulier d’augmenter les capacités de production des consonnes bilabiales. Parallèlement, de nombreuses productions alvéolaires de type stéréotypique sont observées. Ces résultats sont examinés sous l’angle de la théorie remnant vs. nascent frame (Abry et al., 2002, 2008) ; la multimodalité de la parole et le lien Perception-Proprioception-Production sont considérés ; enfin, la place du toucher dans la rééducation en orthophonie est abordée.

MOTS-CLES

Aphasies non fluentes – Troubles arthriques – Rééducation – Facilitation – Méthode Tadoma – Perception tactile de la parole – Multimodalité – Toucher thérapeutique

MEMBRES DU JURY

Christine CHOSSON-TIRABOSCHI

Mathieu LESOURD

Gilles RODE

MAITRE DE MEMOIRE

Marie-Agnès CATHIARD

DATE DE SOUTENANCE

JUIN 2013