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Particularités des sutures en ORL G. Valette, G. Potard, C. Martins-Carvalho et R. Marianowski Introduction La spécialité d’oto-rhino-laryngologie dans le domaine des sutures et ligatures empreinte et adapte les techniques de la cordologie conventionnelle en tenant compte des impératifs propres à cette chirurgie. Le chirurgien ORL dispose d’un panel de moyens à sa disposition pour réaliser l’ensemble de ses sutures ou ligatures : 1. les fils : monofils non résorbables de type Prolène® 6/0 5/0 4/0 ; i. monofils résorbables rapides de type Vicryl® rapide 3/0 4/0 ; ii. fil tressé résorbable de type Polysorb® 2/0 3/0 4/0 ; iii. soie 0 ; 2. les clips automatiques ; 3. les agrafes automatiques ; 4. les strips autocollants ; 5. la coagulation bipolaire et monopolaire ; 6. la colle biologique ; 7. l’Ultacision®. Peau Le chirurgien doit respecter, lors des sutures cutanés faciales, les lignes des rides du visage ou lignes de Langier (1) afin de restituer de façon optimale les fonc- tions sphinctériennes buccales, palpébrales et nasales en termes dynamique et statique et de masquer les cicatrices dans les rides d’expression en procédant éventuellement à une plastie de plaie afin de réorienter l’incision (fig. 1). F. Dubrana et al., Ligatures et sutures chirurgicales © Springer-Verlag France 2011

Ligatures et sutures chirurgicales || Particularités des sutures en ORL

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Particularités des sutures en ORLG. Valette, G. Potard, C. Martins-Carvalho et R. Marianowski

Introduction

La spécialité d’oto-rhino-laryngologie dans le domaine des sutures et ligatures empreinte et adapte les techniques de la cordologie conventionnelle en tenant compte des impératifs propres à cette chirurgie. Le chirurgien ORL dispose d’un panel de moyens à sa disposition pour réaliser l’ensemble de ses sutures ou ligatures :1. les fi ls : monofi ls non résorbables de type Prolène® 6/0 5/0 4/0 ;

i. monofi ls résorbables rapides de type Vicryl® rapide 3/0 4/0 ;ii. fi l tressé résorbable de type Polysorb® 2/0 3/0 4/0 ;iii. soie 0 ;

2. les clips automatiques ;3. les agrafes automatiques ;4. les strips autocollants ;5. la coagulation bipolaire et monopolaire ;6. la colle biologique ;7. l’Ultacision®.

Peau

Le chirurgien doit respecter, lors des sutures cutanés faciales, les lignes des rides du visage ou lignes de Langier (1) afi n de restituer de façon optimale les fonc-tions sphinctériennes buccales, palpébrales et nasales en termes dynamique et statique et de masquer les cicatrices dans les rides d’expression en procédant éventuellement à une plastie de plaie afi n de réorienter l’incision (fi g. 1).

F. Dubrana et al., Ligatures et sutures chirurgicales© Springer-Verlag France 2011

216 Ligatures et sutures chirurgicales

Fig. 1.

Particularités des sutures en ORL 217

Pour se faire, les moyens mis en œuvre font appel au niveau cutané à la réalisation de points dits « classique » plats, clefs doublées, triplées. Les surjets intradermiques pourront être réalisés par du monofi lament résorbable.

Le plus souvent, pour les sutures faciales d’origine traumatique, le nœud simple sera préféré avec un monofi lament non résorbable de type Prolène® 5/0 6/0 dont on réalisera l’ablation dans des délais brefs (5 à 7 jours au niveau de la face et du cou, 10 jours au niveau du scalp).

En ce qui concerne le scalp, il ne sera que très rarement utilisé un fi l résor-bable de diamètre plus élevé ou parfois des agrafes mécaniques.

Muqueuse

Un des domaines où le chirurgien ORL va être amené à intervenir est la cavité buccale, avec notamment la fermeture des muqueuses, après de la chirurgie carcinologique avec pour objectif l’absence de fuite salivaire. Il est nécessaire de réaliser une suture multiplan afi n d’éviter une désunion précoce. Pour ce faire, il sera réalisé un plan profond musculaire ou périosté à l’aide d’un fi ls tressé résorbable type Polysorb® 2/0. La muqueuse sera fermée par des points séparés classiques ou inversants. En cas de section transfi xante de joue à partir d’une commissure par un objet contendant, il faudra réaliser une suture des trois plans, à savoir d’abord le plan musculaire afi n de redonner une continence à la fonction sphinctérienne buccale, puis le plan muqueux et enfi n le plan cutané (surjet intradermique si possible).

Lors des voies d’abord muqueuses (type voie « degloving »), le chirurgien doit préserver 1 cm de muqueuse libre du côté de la gencive afi n de permettre une suture étanche par points séparés. En lambeau muqueux trop court, la suture réduit la profondeur du vestibule labial et compromet l’esthétique et la fonction buccale.

Sutures pharyngées

Le type de suture de la muqueuse est spécifi que :- fermeture de la muqueuse pharyngée après laryngectomie totale à l’aide

d’un point inversant dit de Portman (1) (fi g. 2) ;- confection du verrouillage de l’angle de jonction entre la suture horizon-

tale et verticale (1) (fi g. 3) ;- fermeture des plans musculaires gage d’une absence de fuite salivaire (1)

(fi g. 4).

218 Ligatures et sutures chirurgicales

Fig. 2.

Fig. 3.

Fig. 4.

Particularités des sutures en ORL 219

Muscles

Il n’y a pas de particularité technique.

Langue

Les sutures linguales vont nécessiter la réalisation de plusieurs plans, dans les résections larges ou plaies profondes, compte tenu de la mobilité permanente de la langue et de l’orientation des différents plans musculaire. Il faut utiliser du fi l résorbable lent tressé de type Polysorb® 2/0 parfois 3/0 (fi g. 5).

Fig. 5.

220 Ligatures et sutures chirurgicales

Lambeau de grand pectoral

Cette chirurgie est réalisée essentiellement après des résections carcinologiques importantes pour permettre une reconstruction du pharynx. Notre attention se portera sur deux types de suture dans ce cas :

– le surjet passé sur la tranche de section distale dans un but hémostatique (1) (fi g. 6) ;

Fig. 6.

– le procédé « d’anti-savonnage » par la pose du point séparé simple prenant les trois plans, cutané, sous-cutané et musculaire afi n qu’il n’y ai pas d’effet de cisaillement de la vascularisation lors de la mobilisation du lambeau (1) (fi g. 7).

On insistera sur la nécessité de réaliser un plan musculaire dans la fermeture d’un pharyngostome afi n de prévenir les fuites salivaires.

Fig. 7.

Particularités des sutures en ORL 221

Vaisseaux

Cou

Le plus souvent, les vaisseaux cervicaux vont être ligaturés par :1. du fi l résorbable lent type Polysorb® par l’intermédiaire d’un nœud plat

triplé ;2. des clips (fi g. 8) métalliques automatiques (artères thyroïdiennes) ; 3. une coagulation bipolaire ;4. dans le cas particulier pour les gros vaisseaux : ligature carotidienne,

ligature VJI, on utilisera un gros fi ls de soie décimale 0 (à noter que la liga-ture de la carotide interne sera réalisée dans la mesure du possible le plus bas possible car il va apparaître après la ligature une thrombose qui, dans certains cas, pourra s’étendre jusqu’au polygone de Willis, avec notamment des consé-quences ophtalmiques).

Fig. 8.

Canal thoracique

Le cas est particulier dans l’utilisation de fi ls non résorbables, en association avec de la colle biologique, dans le cadre de la ligature du canal thoracique où toute fuite de lymphe est source de complications, tant infectieuses que cicatri-cielles (fi gs. 9 et 10).

222 Ligatures et sutures chirurgicales

Fig. 9.

Fig. 10.

Particularités des sutures en ORL 223

Vascularisation des fosses nasales

Le plus souvent, l’arrêt du saignement nasal va être stoppé par :1. la coagulation bipolaire endonasale avec une pince de type Dessy quand

le saignement se fait aux dépends de l’artère sphéno-palatine ou éthmoïdale postérieure ;

Le clippage chirurgical par voie d’abord para-latéro-nasale, lorsque le saigne-ment intéresse l’artère ethmoïdale antérieure (2) (fi g. 11).

Fig. 11.

4

3

2

1

224 Ligatures et sutures chirurgicales

Cartilages

Suture cartilagino-cutanée

On utilisera, pour la fi xation trachéale, du fi l non résorbable de type Prolène® 3/0 dont on fi xera sur la peau, par un adhésif, les brins qui auront été volontai-rement laissés longs, afi n d’éviter tous risque d’inhalation lors des changements de canule. Les fi ls seront retirés à j15 selon l’état de la cicatrisation (fi g. 12) (1).

Fig. 12.

Particularités des sutures en ORL 225

Suture cartilagineuse

Suture trachéaleOn réalise sur guide une suture par points séparés inversants (nœuds à l’exté-rieur de la trachée) en débutant par la paroi postérieure muqueuse, pour fi nir par les anneaux trachéaux dont on passera les fi ls au-dessus de l’anneau supé-rieur et en dessous de l’anneau inférieur (fi g. 13).

Fig. 13.

226 Ligatures et sutures chirurgicales

Suture après traumatisme ou chirurgie cancérologique laryngée partielle de type frontolatéral (1)La suture trachéale s’effectue au mieux sur un calibrage (le plus souvent sur une sonde d’intubation) qui sera retiré en 48 heures si résection/anastomose trachéo-trachéale ou en 72 heures si la suture intéresse le cartilage cricoïde. En l’absence de calibrage, il faut prévoir une trachéotomie sous-jacente.

Dans le cas de ces sutures cartilagineuses, on veillera à toujours passer les fi ls dans du tissu de soutient qui offre des propriétés mécaniques satisfaisantes pour le maintien du cartilage, à savoir le tissu conjonctif des ligaments environ-nants (crico-thyroïdiens et thyro-hyoïdiens) et surtout la couche superfi cielle du cartilage dit périchondre.

Nous utiliserons ici un monofi lament non résorbable de type Prolène® 3/0 pour le cartilage, en ce qui concerne les plans musculaires seuls on utilisera un fi l tressé résorbable de type Polysorb® 2/0 (fi gs. 14 et 15) (1).

Fig. 14.

Fig. 15.

Particularités des sutures en ORL 227

Chirurgie partielle laryngéeParmi les sutures spécifi ques, on citera la crico-hyoïdo-épiglottopexie que l’on réalise à l’aide de trois gros fi ls tressés à résorption rapide de type Polysorb® 2/0 ou Vicryl® 2/0. Ce type de suture se réalise dans le cadre des chirurgies partielles du larynx supra-cricoïdiennes. Cette fermeture associe le passage par des plans muqueux, musculaire, cartilagineux et cutané (fi g. 16) (5).

Fig. 16.

OtoplastieLa conformation de la plicature du cartilage auriculaire dans la chirurgie otoplastique sera maintenue par un fi l résorbable de type Maxon® 4/0 3/0 à l’aide d’un point classique à nœud plat (fi g. 17).

Fig. 17.

228 Ligatures et sutures chirurgicales

Canaux salivaires

Les sutures des canaux salivaires sont représentées par le canal de Sténon drai-nant la glande parotide et le canal de Wharton drainant la glande sous-maxil-laire. Une plaie de la joue doit faire rechercher une plaie de ce canal. On peut être amené à réaliser, lors des sections complètes du Sténon par arme blanche par exemple, une suture sur guide par du fi l résorbable tressé 4/0 ou 5/0. En cas de section partielle, on pourra suturer de façon directe par ce même fi l (fi gs. 18 et 19).

Lorsqu’il existe une plaie contuse avec perte de substance non suturable du canal de Sténon, son extrémité proximale sera fi stulisée à la bouche dans un nouvel ostium. Faute de réparation initiale, l’évolution d’une plaie négligée du canal de Sténon se fait vers une fi stule salivaire, de traitement diffi cile (fi g. 20). En ce qui concerne le canal de Wharton, on est le plus souvent amené à réaliser une marsupialisation du canal en suturant par des points séparés simples avec du fi l résorbable de type Polysorb® 3/0 la muqueuse buccale à la muqueuse du canal (fi gs. 21 et 22) (6).

Fig. 18.

Particularités des sutures en ORL 229

Fig. 19.

Fig. 20.

Fig. 21.

230 Ligatures et sutures chirurgicales

Fig. 22.

Particularités des sutures en ORL 231

Nerfs

Dans les cas post-traumatiques ou en cas d’anastomose (exemple : VII/XII), se reporter au chapitre commun à la chirurgie plastique.

Os

La voie d’abord est para-latéro-nasale dans le cadre de la chirurgie du fi brome nasopharyngé, avec réalisation d’un volet osseux du maxillaire supérieur repo-sitionné par fi ls d’acier, que l’on va associer à une canthopexie qui pourra être réalisée (fi g. 23) :

– soit par fi l d’acier ;– soit par fi l tressé résorbable 2/0 ;– soit par vissage direct.

Fig. 23.

232 Ligatures et sutures chirurgicales

Références

1. Klossek JM, Dessy P, Fontanel JP (2005) Chirurgie endonasale sous guidage endoscopique. Paris, Masson

2. Esnault O, Abitbol P, Boutin P, Monteil JP (2002) Traité d’Oto-rhino-laryngologie. Elsevier, Paris : Encyclopédie médico-chirurgicale, 20-480-A-10

3. Guerrier Y, Traité de technique chirurgicale ORL et cervico-faciale. Tome 3. Pharynx et larynx. Paris, Masson

4. Chevalier D, Desaulty A. Cours de chirurgie fonctionnelle du larynx 5. Traissac L. Livret – atlas de techniques chirurgicales. Chirurgie cervicale. Ed Traissac

ORL groupe 6. Site internet ORL du CHU de Tours, Beutter P, 2005