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18 | La Lettre du Cardiologue • N° 489 - novembre 2015 DOSSIER Les endocardites infectieuses L’imagerie dans l’endocardite infectieuse Multimodality imaging in infectious endocarditis Christine Selton-Suty 1 , Olivier Huttin 1 , Sandrine Hénard 2 , Pierre-Yves Marie 3 , Damien Mandry 4 , François Goehringer 2 1. Département de cardiologie, CHU Nancy-Brabois, Vandœuvre-lès- Nancy. 2. Département des maladies infec- tieuses et tropicales, CHU Nan- cy-Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy. 3. Département de médecine nucléaire, CHU Nancy-Brabois, Vandœuvre-lès- Nancy. 4. Département de radiologie, CHU Nancy-Brabois, Vandœuvre-lès- Nancy. L’ échocardiographie est et reste la technique de choix dans la prise en charge d’un patient atteint d’endocardite infectieuse (EI). Elle joue un rôle prépondérant dans les phases de diag- nostic, d’évaluation pronostique, de décision et de suivi thérapeutique. Néanmoins, l’imagerie dans l’EI ne se limite plus à l’échocardiographie, et d’autres techniques sont de plus en plus utilisées, telles que l’IRM, le scanner multicoupe mais aussi l’imagerie fonctionnelle nucléaire, dont les tomoscintigraphies par émission de positons (PET scan). Cet article fait la synthèse des récentes recomman- dations européennes (1) sur la prise en charge de l’EI, qui ont fait la part belle à l’imagerie en implé- mentant les nouvelles techniques comme critère majeur de diagnostic. L’échocardiographie Quel examen et quand ? L’échocardiographie transthoracique (ETT) est l’examen à privilégier en première intention et en urgence dès lors que le diagnostic est suspecté. Si elle est positive, une échocardiographie par voie transœsophagienne (ETO) doit systématiquement être réalisée afin de mieux préciser les lésions et de dépister les complications de l’EI. On peut éven- tuellement se passer de l’ETO systématique dans les EI du cœur droit lorsque l’ETT est d’excellente qualité et ne laisse planer aucun doute diagnos- tique. En revanche, une ETT négative avec une forte suspicion clinique doit pousser à l’ETO afin de dépister des lésions non visibles en ETT, surtout si le patient est porteur d’un matériel intracardiaque (prothèse valvulaire ou matériel de stimulation) ou si l’ETT initiale n’était pas de bonne qualité. Si l’ETO reste négative dans un contexte clinique fortement évocateur, il est licite de renouveler les examens dans les 5 à 7 jours qui suivent et d’en- visager d’autres techniques d’imagerie. Chez les patients avec bactériémie à Staphylococcus aureus, il est justifié d’effectuer une ETT systématique, éventuellement couplée à une ETO en fonction du contexte clinique, compte tenu de la fréquence de l'EI chez ces patients, de l’ordre de 11 % dans une récente étude française (2). L’éventuel apport supplémentaire de l’échocardio- graphie tridimensionnelle (3D) reste à préciser dans le domaine de l’EI. Elle permet, certes, de visualiser en 3D des lésions diagnostiquées en 2D avec de belles images à la clé, et pourrait éventuellement aider à mieux en apprécier la taille et la mobilité. Néanmoins, sa faible résolution temporelle et spatiale rend difficile la visualisation correcte des végétations à mouvement rapide et anarchique. L’ETO 3D peut apporter des précisions supplémen- taires sur les lésions périvalvulaires, notamment en présence d'une prothèse mitrale, et sur le site exact de perforation d’un feuillet valvulaire. Apport de l’échocardiographie dans le diagnostic de l’endocardite infectieuse Les lésions de base recherchées en échographie et qui constituent les critères majeurs d’atteinte endocardique dans la classification diagnostique de l’European Society of Cardiology (ESC) sont les végétations, l'abcès/pseudo-anévrisme et une nouvelle désinsertion d’une prothèse valvulaire. La valeur diagnostique de l’ETO dans la détec- tion des végétations est meilleure que celle de l’ETT, et sa sensibilité et sa spécificité dépassent les 90 %. Il existe néanmoins des situations où la mise en évidence des végétations reste difficile, notamment en cas de lésions de petite taille ou ayant déjà embolisé, mais surtout en présence de matériel intracardiaque ou de lésions valvulaires préexistantes importantes (prolapsus, valvulo- pathies dégénératives calcifiées). Le diagnostic

L’imagerie dans l’endocardite infectieuse

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18 | La Lettre du Cardiologue • N° 489 - novembre 2015

DOSSIERLes endocardites

infectieuses

L’imagerie dans l’endocardite infectieuseMultimodality imaging in infectious endocarditis

Christine Selton-Suty1, Olivier Huttin1, Sandrine Hénard2, Pierre-Yves Marie3, Damien Mandry4, François Goehringer2

1. Département de cardiologie, CHU Nancy-Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy.

2. Département des maladies infec-tieuses et tropicales, CHU Nan-cy-Brabois, Van dœu vre-lès-Nancy.

3. Département de médecine nucléaire, CHU Nancy-Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy.

4. Département de radiologie, CHU Nancy-Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy.

L’échocardiographie est et reste la technique de choix dans la prise en charge d’un patient atteint d’endocardite infectieuse (EI). Elle

joue un rôle prépondérant dans les phases de diag-nostic, d’évaluation pronostique, de décision et de suivi thérapeutique. Néanmoins, l’imagerie dans l’EI ne se limite plus à l’échocardiographie, et d’autres techniques sont de plus en plus utilisées, telles que l’IRM, le scanner multicoupe mais aussi l’imagerie fonctionnelle nucléaire, dont les tomoscintigraphies par émission de positons (PET scan).Cet article fait la synthèse des récentes recomman-dations européennes (1) sur la prise en charge de l’EI, qui ont fait la part belle à l’imagerie en implé-mentant les nouvelles techniques comme critère majeur de diagnostic.

L’échocardiographie

Quel examen et quand ?

L’échocardiographie transthoracique (ETT) est l’examen à privilégier en première intention et en urgence dès lors que le diagnostic est suspecté. Si elle est positive, une échocardiographie par voie transœsophagienne (ETO) doit systématiquement être réalisée afin de mieux préciser les lésions et de dépister les complications de l’EI. On peut éven-tuellement se passer de l’ETO systématique dans les EI du cœur droit lorsque l’ETT est d’excellente qualité et ne laisse planer aucun doute diagnos-tique. En revanche, une ETT négative avec une forte suspicion clinique doit pousser à l’ETO afin de dépister des lésions non visibles en ETT, surtout si le patient est porteur d’un matériel intracardiaque (prothèse valvulaire ou matériel de stimulation) ou si l’ETT initiale n’était pas de bonne qualité. Si l’ETO reste négative dans un contexte clinique fortement évocateur, il est licite de renouveler les examens dans les 5 à 7 jours qui suivent et d’en-

visager d’autres techniques d’imagerie. Chez les patients avec bactériémie à Staphylococcus aureus, il est justifié d’effectuer une ETT systématique, éventuellement couplée à une ETO en fonction du contexte clinique, compte tenu de la fréquence de l'EI chez ces patients, de l’ordre de 11 % dans une récente étude française (2).L’éventuel apport supplémentaire de l’échocardio-graphie tridimensionnelle (3D) reste à préciser dans le domaine de l’EI. Elle permet, certes, de visualiser en 3D des lésions diagnostiquées en 2D avec de belles images à la clé, et pourrait éventuellement aider à mieux en apprécier la taille et la mobilité. Néanmoins, sa faible résolution temporelle et spatiale rend difficile la visualisation correcte des végétations à mouvement rapide et anarchique. L’ETO 3D peut apporter des précisions supplémen-taires sur les lésions périvalvulaires, notamment en présence d'une prothèse mitrale, et sur le site exact de perforation d’un feuillet valvulaire.

Apport de l’échocardiographie dans le diagnostic de l’endocardite infectieuse

Les lésions de base recherchées en échographie et qui constituent les critères majeurs d’atteinte endocardique dans la classification diagnostique de l’European Society of Cardiology (ESC) sont les végétations, l'abcès/pseudo-anévrisme et une nouvelle désinsertion d’une prothèse valvulaire. La valeur diagnostique de l’ETO dans la détec-tion des végétations est meilleure que celle de l’ETT, et sa sensibilité et sa spécificité dépassent les 90 %. Il existe néanmoins des situations où la mise en évidence des végétations reste difficile, notamment en cas de lésions de petite taille ou ayant déjà embolisé, mais surtout en présence de matériel intracardiaque ou de lésions valvulaires préexistantes importantes (prolapsus, valvulo-pathies dégénératives calcifiées). Le diagnostic

0018_LAR 18 20/11/2015 12:54:32

La Lettre du Cardiologue • N° 489 - novembre 2015 | 19

Points forts

Figure 1. Échocardiographie transœsophagienne d’une endocardite sur prothèse mécanique mitrale avec multiples végétations recouvrant la face atriale de la prothèse et flux couleur de fuite paraprothétique en rapport avec une désinsertion de prothèse.

» L’échocardiographie par voie transthoracique et surtout transœsophagienne est à la base du diagnostic de l’endocardite infectieuse, avec les hémocultures et, bien évidemment, le contexte clinique.

» Les nouvelles techniques d’imagerie (IRM, scanner multicoupe, PET scan) prennent une place de plus en plus importante dans la mise en évidence des complications extracardiaques, mais aussi des lésions cardiaques, notamment dans les situations où l’échocardiographie est prise en défaut (prothèses, matériel de stimulation, etc.).

Mots-clésEndocardite infectieuse

Échocardiographie

Imagerie multimodalités

Scanner cardiaque

IRM cérébrale

Highlights » Echocardiography (TTE and

TOE) remains the cornerstone of infective endocarditis diag-nosis together with positive blood cultures and clinical features. » New imaging modalities

(MRI, CT, PET/CT) allow the diagnosis of extra-cardiac complications and cardiac involvement, especially when TTE/TOE findings are negative or doubtful.

KeywordsInfective endocarditis

Echocardiography

Multimodality imaging

Cardiac multislice computed tomography

Cerebral MRI

différentiel entre végétation d’EI et autre masse valvulaire (lésion valvulaire dégénérative, végéta-tion non infectieuse, tumeur valvulaire, etc.) n’est pas forcément facile en échocardiographie, et c’est bien évidemment le contexte et l’ensemble des autres examens paracliniques qui vont conforter ou infirmer le diagnostic.Outre la présence de végétations, l’échocardio-graphie recherche et visualise d’autres lésions val-vulaires (notamment la perforation, bien mise en évidence par le doppler couleur) et périvalvulaires, dont la terminologie et la correspondance avec les lésions macroscopiques ont été précisées dans les recommandations sur la pratique de l’échocardio-graphie dans l’EI (tableau) [3]. Le diagnostic des abcès périvalvulaires n’est pas toujours facile en échocardiographie, notamment à des stades pré-coces d’évolution, où ils ne se traduisent que par un épaississement pariétal peu spécifique. Au stade de pseudo-anévrisme, avec ou sans fistulisation vers une cavité voisine, le diagnostic en ETT mais surtout en ETO est plus aisé, facilité par le doppler couleur, qui visualise et suit le trajet des flux traversant la néocavité détergée (figure 1). Un certain nombre de complications périvalvulaires restent néanmoins non diagnostiquées en échocardiographie, et sont mises en évidence soit par d’autres techniques d’imagerie, soit en peropératoire.L’échocardiographie ne se limite bien évidemment pas à la description des lésions spécifiques de l’EI ; elle en évalue également la gravité et la tolérance

hémodynamique, et toutes ces données sont prises en compte pour ensuite décider d’une éventuelle indication chirurgicale.

Tableau. Correspondance des définitions anatomiques et échocardiographiques (d’après [3]).

Aspect anatomique Aspect échocardiographique

Abcès Cavité périvalvulaire qui contient du matériel nécrotique et purulent et qui ne communique pas avec la lumière vasculaire

Aspect épaissi, hétérogène de la zone périvalvulaire, qui apparaît échodense

Pseudo-anévrisme Cavité périvalvulaire communiquant avec la lumière vasculaire

Espace périvalvulaire vide d’écho, pulsatile, traversé par des flux couleur

Fistulisation Communication entre 2 cavités contiguës à travers une perforation

Flux couleur entre 2 cavités contiguës à travers une perforation

Anévrisme valvulaire Excroissance sacciforme du tissu valvulaire

Bombement sacciforme du tissu valvulaire

Désinsertion prothétique Désinsertion de la prothèse Fuite paravalvulaire associée ou non à un mouvement de balancement de la prothèse

0019_LAR 19 20/11/2015 12:54:33

20 | La Lettre du Cardiologue • N° 489 - novembre 2015

DOSSIERLes endocardites

infectieuses L’imagerie dans l’endocardite infectieuse

Figure 2. Image scanographique d’un petit pseudo- anévrisme périprothétique aortique non vu par l’écho-cardiographie transœsophagienne.

Le scanner multicoupe

L’apport du scanner est multiple, tant au niveau cardiaque que des autres organes, et la réalisation précoce d’un scanner corps entier est très fréquente chez les patients pris en charge pour EI.Les scanners dernière génération offrent une qualité d’imagerie incontestable au niveau cardiaque, et apportent des informations supplémentaires qui supplantent l’ETO dans l’analyse des lésions péri-valvulaires (abcès, pseudo-anévrismes, fistules), notamment en présence de matériel prothétique (figure 2) [4-6]. Par ailleurs, la synchronisation à l’ECG permet la réalisation concomitante d’un coroscanner, alternative intéressante à la coronaro-graphie préopératoire, en cas notamment de grosse végétation aortique.À l’étage cérébral, le scanner, bien que moins sen-sible que l’IRM mais d’un accès souvent plus facile, est l’examen de première ligne dans l’EI pour dépister les complications neurologiques. L’angioscanner cérébral permet la visualisation de l’ensemble de l’arbre vasculaire intracrânien au prix d’une plus faible dose de produit de contraste et d’un risque moindre que ceux de l’angiographie conventionnelle.

Cette dernière sera parfois effectuée pour rechercher un anévrisme mycotique non détecté par le scanner chez un patient ayant une hémorragie sous-arach-noïdienne ou intraparenchymateuse.Aux étages thoracique et abdominal, le scanner détecte facilement les emboles avec ou sans abcé-dation, dont les localisations les plus fréquentes sont la rate et le rein pour les EI du cœur gauche et les poumons pour les EI du cœur droit. De même, l’angioscanner permet le diagnostic des complica-tions vasculaires périphériques.Il faut néanmoins garder en mémoire la néphrotoxi-cité potentielle des produits de contraste chez des patients qui ont déjà de multiples causes possibles d’insuffisance rénale, ainsi que l’irradiation liée à cette technique.

L’IRM

Dans le domaine de l’EI, c’est principalement au niveau cérébral que l’IRM apporte des éléments intéressants. En effet, l’IRM cérébrale a une meil-leure sensibilité que le scanner. Une étude française a montré que, lorsqu’elle est réalisée de manière systématique, l’IRM cérébrale permet la détection d’anomalies chez 80 % des patients (7). Celles-ci sont majoritairement ischémiques (25 % d’embolies cérébrales de grosse taille et 46 % de petite taille). Les hémorragies intracérébrales ou sous-arachnoï-diennes, de même que les anévrismes mycotiques et les abcès, représentent chacun entre 6 et 8 % des anomalies retrouvées.L’IRM est anormale chez 100 % des patients pré-sentant des symptômes neurologiques, et révèle souvent des lésions plus importantes (en type et en nombre) que ne le laissaient penser les signes cli-niques ou le simple scanner cérébral (8). Des lésions occultes sont retrouvées par l’IRM chez 70 % des patients asymptomatiques, principalement à type de petites lésions emboliques corticales et sous-corti-cales, souvent multiples et d’âge différent, ainsi que de microsaignements (9). Les microsaignements (ou microbleeds), détectés par les séquences écho T2, sont observés dans 58 % des IRM systématiques. Ces lésions sont considérées comme des signes indi-cateurs d’une atteinte des petits vaisseaux et sont retrouvées significativement plus fréquemment chez les patients atteints d’EI (10).Par ailleurs, l’IRM cérébrale systématique améliore le diagnostic de l’EI, puisque la mise en évidence d’anomalies emboliques ou hémorragiques à l’ima-gerie, qu’elles soient symptomatiques ou asymp-

0020_LAR 20 20/11/2015 12:54:34

La Lettre du Cardiologue • N° 489 - novembre 2015 | 21

DOSSIER

Figure 3. Hyperfixation pathologique d’une prothèse de Bentall et découverte fortuite d’un foyer d’absorption intense le long de l’artère tibiale postérieure de la jambe gauche, correspondant à un anévrisme mycotique.

tomatiques, constitue un critère vasculaire dans la classification de Duke.L’IRM extracérébrale n’est pas très utilisée dans l’EI, sauf pour le diagnostic des complications vertébrales telles que la spondylodiscite et l'ostéomyélite.

L'imagerie nucléaire

Les techniques d’imagerie hybride couplant images scanographiques et imagerie fonctionnelle utilisant des marqueurs isotopiques sont d’un apport très intéressant dans l’EI. L’intérêt de ces techniques est double, car elles permettent à la fois l’authen-tification d’une atteinte cardiaque et la détection de localisations infectieuses extracardiaques ainsi que d’éventuelles portes d’entrée de l’infection (par exemple, découverte d’un néoplasme digestif chez un patient atteint d’endocardite à Strepto-coccus gallolyticus). Une des limites du PET scan est l’hyper fixation physiologique du traceur au niveau cérébral, qui réduit la capacité diagnostique des emboles septiques à ce niveau. L’hyperfixation au niveau cardiaque est en général bien atténuée par un régime particulier pauvre en hydrocarbones, indis-pensable pour pouvoir interpréter les éventuelles hyperfixations valvulaires, périvalvulaires ou sur sondes. Par ailleurs, le traceur utilisé pour le PET scan a une fixation non spécifique en cas d’inflam-mation, ce qui limite l’usage de cet examen dans les suites précoces (< 3 mois) d’une chirurgie cardiaque ou peut conduire à des problèmes d’interprétation et de diagnostic différentiel en présence de thrombus ou d’une atteinte cardiaque tumorale.La tomoscintigraphie aux leucocytes marqués est plus spécifique pour les diagnostics d’EI et de foyers infectieux que le PET scan, mais son usage reste limité par la nécessité de marquer les leucocytes et par une procédure plus longue que celle du PET scan.Plusieurs études préliminaires semblent confirmer l’intérêt de ces examens, qui sont de plus en plus utilisés au quotidien dans la prise en charge de nos patients, notamment dans le diagnostic d’EI sur matériel intracardiaque (prothèses ou sondes de stimulation) [figure 3].

Place de l’imagerie dans les critères diagnostiques

L’apport diagnostique de ces nouvelles techniques dans la détection de l’atteinte endocardique et des complications cardiaques et extracardiaques de l’EI

a conduit les experts à les incorporer comme critère majeur dans la nouvelle classification de l’ESC.Ainsi, l’identification de lésions paravalvulaires au scanner cardiaque et la mise en évidence d’une fixa-tion anormale périprothétique au PET scan ou à la tomoscintigraphie aux leucocytes marqués chez un patient porteur d'une prothèse valvulaire depuis plus de 3 mois sont dès à présent considérées comme un critère majeur de mise en évidence d’une atteinte de l’endocarde, au même niveau que les résultats de l’échocardiographie.Par ailleurs, la mise en évidence de lésions embo-liques ou d’un anévrisme mycotique chez des patients asymptomatiques est spécifiée explicite-ment comme validant le critère mineur vasculaire, ce qui se faisait déjà en pratique courante auparavant.

Apport de l’imagerie dans l’évaluation du risque emboliqueLes complications emboliques sont très fréquentes dans l’EI, touchant environ 45 % des patients. L’évé-nement embolique est fréquemment un élément révélateur de l’EI, et survient avant la mise en route du traitement antibiotique chez 15 % des patients. Ces complications sont asymptomatiques et décou-vertes par des imageries systématiques dans environ 40 % des cas, voire plus en cas d’utilisation de l’IRM cérébrale systématique. Le risque embolique est

0021_LAR 21 20/11/2015 12:54:35

22 | La Lettre du Cardiologue • N° 489 - novembre 2015

DOSSIERLes endocardites

infectieuses L’imagerie dans l’endocardite infectieuse

majeur dans les jours suivant le début du traite-ment, pour décroître ensuite rapidement au cours des 2 premières semaines d’évolution.Plusieurs facteurs sont associés au risque embo-lique, dont l’âge, le diabète, certains micro-organismes, tels que Staphylococcus aureus, Streptococcus bovis et Candida spp., l’atteinte multivalvulaire et la fibrillation atriale. Les données issues de l’imagerie, à savoir la taille et la mobilité de la végétation vue en échocardiographie ainsi que l’existence d’autres événements emboliques, même asymptomatiques, détectés par des image-ries systématiques, sont des apports majeurs dans la prédiction du risque embolique. Un calculateur de risque embolique a ainsi été décrit, mais l’éva-luation du risque embolique à l’échelon individuel reste compliquée (11).

Apport de l’imagerie dans la prise en charge thérapeutique et le suivi

Les données de l’imagerie sont des éléments déter-minants pour la décision chirurgicale, ce qui est le cas chez 1 patient sur 2 environ, et des staffs multi-disciplinaires (Endocarditis Team) permettant de prendre en compte la totalité des examens d’ima-gerie, mais aussi des données cliniques et biolo-giques, sont maintenant la règle pour une prise en charge optimale des patients.

Une ETO peropératoire est intéressante chez les patients pour qui l’indication opératoire est retenue, afin de guider la chirurgie et d’en appré-cier le résultat.Pour les patients sans indication chirurgicale, une ETT de suivi hebdomadaire est nécessaire afin de comparer la taille de la végétation, l’importance des dégâts valvulaires et leur tolérance hémodynamique avec les données initiales. L’apparition de signes évo-lutifs de gravité, tels qu’une insuffisance cardiaque, des symptômes évocateurs de projection embolique, la non-résolution ou réévolution du syndrome infectieux, une modification de l’auscultation, un bloc auriculo-ventriculaire à l’ECG, justifie la réalisation d’une nou-velle ETT en urgence, associée à une ETO si besoin.Au minimum une ETT de fin de traitement est indis-pensable, et nombreuses sont les équipes qui effec-tuent des ETO systématiques, notamment en cas de réparation chirurgicale complexe ou d’anomalies importantes traitées médicalement, car ce seront les examens de référence pour le suivi ultérieur du patient. De même, un contrôle échographique 1 mois après l’arrêt du traitement antibiotique permet de s’assurer de la stabilité des lésions résiduelles.

Conclusion

Multimodalité de l’imagerie et multidisciplinarité de l’équipe médicale sont les bases de la bonne prise en charge de cette pathologie aux multiples facettes qu’est l’EI. ■

1. Habib G, Lancellotti P, Antunes MJ et al. 2015 ESC Gui-delines for the management of infective endocarditis: The Task Force for the Management of Infective Endocarditis of the European Society of Cardiology (ESC) Endorsed by: European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS), the European Association of Nuclear Medicine (EANM). Eur Heart J 2015 Aug 29. [Epub ahead of print]2. Le Moing V, Alla F, Doco-Lecompte T et al. Staphylococcus aureus Bloodstream Infection and Endocarditis--A Pros-pective Cohort Study. PLoS One 2015;10(5):e0127385.3. Habib G, Badano L, Tribouilloy C et al. Recommendations for the practice of echocardiography in infective endocar-ditis. Eur J Echocardiogr 2010;11(2):202-19.

4. Feuchtner GM, Stolzmann P, Dichtl W et al. Multislice computed tomography in infective endocarditis: comparison with transesophageal echocardiography and intraoperative findings. J Am Coll Cardiol 2009;53(5):436-44.5. Fagman E, Perrotta S, Bech-Hanssen O et al. ECG-gated com-puted tomography: a new role for patients with suspected aortic prosthetic valve endocarditis. Eur Radiol 2012;22(11):2407-14.6. Sucha D, Symersky P, Tanis W et al. Multimodality imaging assessment of prosthetic heart valves. Circ Cardiovasc Imaging 2015;8(9):e003703.7. Duval X, Iung B, Klein I et al. Effect of early cerebral magnetic resonance imaging on clinical decisions in infective endocarditis: a prospective study. Ann Intern Med 2010;152(8):497-504.

8. Goulenok T, Klein I, Mazighi M et al. Infective endocarditis with symptomatic cerebral complications: contribution of cerebral magnetic resonance imaging. Cerebrovasc Dis 2013;35(4):327-36.9. Hess A, Klein I, Iung B et al. Brain MRI findings in neurolo-gically asymptomatic patients with infective endocarditis. AJNR Am J Neuroradiol 2013;34(8):1579-84.10. Klein I, Iung B, Labreuche J et al. Cerebral microbleeds are frequent in infective endocarditis: a case-control study. Stroke 2009;40(11):3461-5.11. Hubert S, Thuny F, Resseguier N et al. Prediction of symp-tomatic embolism in infective endocarditis: construction and validation of a risk calculator in a multicenter cohort. J Am Coll Cardiol 2013;62(15):1384-92.

Références bibliographiques

C. Selton-Suty déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en

relation avec cet article.

Précision. La Fiche pratique “L’Hypercholestérolémie familiale” (octobre 2015, n° 488, p. 25), réalisée avec le soutien institu-tionnel d’Amgen, doit être lue avec les précautions d’usage suivantes :

“Attention, ceci est une fiche pratique éducative relative à l’hypercholestérolémie familiale, avec des données issues de communications scientifiques de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique.

Le contenu est sous la seule responsabilité de l’auteur et du directeur de la publication qui sont garants de son objectivité.”

La Lettre du Cardiologue • n° 488 - octobre 2015 | 25

Fiche pratique

Cette rubrique

a été réalisée avec

le soutien institutionnel

du laboratoire Amgen

D a n s l e r e s p e c t t o t a l d e l ’ i n d é p e n d a n c e s c i e n t i f i q u e e t é d i t o r i a l e

Antécédents familiaux

– Parent au premier degré avec maladie coronarienne ou vasculaire prématurée

(homme < 55 ans, femme < 60 ans)

1

– Parent au premier degré avec LDL-c > 95e percentile

1

– Parent au premier degré avec xanthomes tendineux et/ou arc cornéen

2

– Enfant < 18 ans avec LDL-c > 95e percentile

2

Antécédents personnels

– Maladie coronaire prématurée (homme < 55 ans, femme < 60 ans)

2

– Artériopathie oblitérante des membres inférieurs ou cérébrale prématurée 1

• Signes cliniques

– Xanthomes tendineux

6

– Arc cornéen avant 45 ans

4

• Données biologiques

• LDL-c > 3,30 g/l (> 8,5 mmol/l)

8

• LDL-c : 2,50-3,29 g/l (6,5-8,4 mmol/l)

5

• LDL-c : 1,90-2,49 g/l (5,0-6,4 mmol/l)

3

• LDL-c :1,55-1,89 g/l (4,0-4,9 mmol/l)

1

Analyses ADN

Mutations génétiques identifi ées

8

L’HYPERCHOLESTÉROLÉMIE

FAMILIALEPr Éric Bruckert

Institut hospitalo-universitaire cardiométabolique ,

service d’endocrinologie et prévention des maladies cardiovasculaires,

hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

L’HYPERCHOLESTÉROLÉMIE FAMILIALE

EST UNE ENTITÉ À PART CAR LE RISQUE

CARDIOVASCULAIRE EN L’ABSENCE DE

TRAITEMENT EST MULTIPLIÉ PAR 13

L’hypercholestérolémie familiale est par défi nition une

maladie monogénique autosomique dominante. Son

diagnostic repose sur les 3 caractéristiques fondamen-

tales suivantes.

Une élévation du LDL-cholestérol

Dans la forme familiale de l’hypercholestérolémie,

le taux de cholestérol dans le sang est en moyenne

le double de la normale , ce qui n’est pas le cas dans

les autres formes (parfois appelées “polygéniques”).

Un Français sur 500 a une hypercholestérolémie fami-

liale, alors que l’on peut considérer que 1/3 des Fran-

çais au moins a une hypercholestérolémie polygénique

(mélange de prédisposition génétique, de diététique

non adaptée ou de surpoids).

L’élévation du LDL-c existe depuis la naissance. Pour cette

raison, une hypercholestérolémie apparue plus tardive-

ment dans la vie n’évoque pas une forme familiale.

Une histoire familiale

Elle est souvent compatible avec une forme autosomique

dominante, où l’on retrouve aussi souvent une maladie

cardiovasculaire précoce associée.

Des signes cliniques

Les dépôts extravasculaires de cholestérol sont fréquents ;

ils peuvent conduire à la formation d’un arc cornéen

(fi gure 1), qui évoque une hypercholestérolémie fami-

liale lorsqu’il survient avant l’âge de 45 ans , au xanthé-

lasma ou encore aux xanthomes tendineux (fi gure 2).

Ils sont le plus souvent visibles et palpables sur les ten-

dons d’Achille et sur les tendons extenseurs des doigts

de la main. Les xanthomes tendineux sont pratiquement

patho gnomoniques de forme familiale.

Le diagnostic, qui peut se faire sur un score clinique et

biologique (échelle développée en Hollande) [tableau],

peut également être réalisé ou confi rmé par l’analyse

génétique.

Tableau. Score pour le

diagnostic d’hyper-

cholestérolémie familiale.

Diagnostic d’après

le score total.

Certain : ≥ 8 ; probable : 6-7 ;

possible : 3-5.

L’étude de Copenhague, réalisée sur une large population ,

démontre que les patients atteints d’une forme familiale

d’hypercholestérolémie ont un risque de maladie co-

ronaire multiplié par 13. D’autres études confi rment ce

Figure 1. Arc cornéen.

Figure 2. Xanthomes tendineux.

0022_LAR 22 20/11/2015 12:54:36