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Le changement, c’est tout le temps ! L’immobilier, reflet et levier du changement

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Le changement, c’est tout le temps !L’immobilier, reflet et levier du changement

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 2

Nous tenons à remercier toutes celles et ceux qui ont apporté leur concours à la réalisation de cette étude, en partageant avec nous leur expérience ou les passionnants projets immobiliers de leur entreprise :

Marie-Cécile Lebard et Jean-François Ode, qui nous ont livré leur vision de l’environnement de travail support à la stratégie d’entreprise, et de la façon dont la nouvelle charte d’aménagement d’ALLIANZ doit favoriser la mue de la compagnie d’assurance en une entreprise de services ;

Emmanuel Fougère, qui a partagé avec nous ses réflexions à l’aube de l’installation de KERING sur le site de Laennec et qui nous a rappelé l’importance de l’implication de toute la chaîne de management pour que le changement ait lieu ;

Martine Draullette et Stéphanie de Haldat, qui ont mis en lumière l’importance de l’accompagnement humain dans le dernier projet immobilier de ROCHE, pour que l’objectif du « Mieux travailler ensemble » soit pleinement atteint ;

Bruno Jarrosson, qui nous a expliqué le rôle de la « rupture symbolique » dans tout changement d’ampleur, et sur la place très particulière l’espace pour manifester que l’entreprise est en train de changer ;

Virginie Dodeler, qui nous a exposé les clés d’analyse de la psychologie sociale, nous permettant de mieux comprendre le rapport complexe de l’homme à son environnement, et ses comportements d’attachement et d’appropriation de l’espace ;

Dominique Delattre, Jean-Julien Urbain et Michel Tosi, qui ont partagé avec nous leur foi en l’intelligence collective, en nous racontant l’aventure humaine du regroupement des documentalistes de l’INA, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires et de risque social important ;

Anny Tirel et Dominique Blazy, qui nous ont expliqué leur volonté de s’entourer de « change agents » bien choisis, pour mener à bien la fusion et le regroupement sur un seul site des deux laboratoires pharmaceutiques qui devaient donner naissance à MSD.

Remerciements

3 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

Avant-propos

Mondialisation, exigences croissantes des clients, développement de nouvelles technologies… autant de facteurs accélérant les transformations organisationnelles. Le quotidien des entreprises est fait de changement, d’agilité, de gestion des imprévus, de refonte perpétuelle, de remise en question continue… L’entreprise est un corps mouvant.

Or, on observe que les changements les plus ambitieux se traduisent fréquemment par une transformation immobilière : déménagement, refonte de l’aménagement, regroupement sur site unique, etc. En outre, les entreprises que nous avons interrogées ont révélé que, chaque année, entre 25% et 40% de leurs effectifs étaient déplacés. Comme si l’environnement de travail était le « passage obligé » de la transformation organisationnelle : le moyen pour les équipes dirigeantes de manifester à tous - collaborateurs, managers mais également partenaires externes ou clients - la mue de l’entreprise. Comment expliquer ce lien particulier entre changements organi-sationnels et immobilier ? Dans quelle mesure les bureaux d’une entreprise peuvent-ils supporter l’impulsion de nouveaux objectifs stratégiques ?

Notre conviction est que l’aménagement tertiaire, et plus largement l’immobilier, constituent de puissants outils de transformation de l’entreprise, et qu’ils peuvent soutenir le projet stratégique d’une organisation. Toutefois, transformer les bureaux pour changer l’entreprise est une opération à la fois prometteuse et délicate, qui requiert un effort d’accompagnement conséquent à destination des collaborateurs. Mais l’enjeu en vaut la chandelle ! La lecture des pages qui suivent vous permettront d’en juger par vous-même…

Flore Pradère-Saulnier,Responsable Recherche Entreprises

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Notre vie est incarnée : nous évoluons avant tout dans un temps et un espace, dans lequel nos idées se forment et évoluent. Le changement de cap spatio- temporel constitue donc un excellent moyen de changer les idées. C’est la notion de rupture symbolique.

Bruno Jarrosson, Philosophe et Consultant en Stratégie

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Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge.

Winston Churchill

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5 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

L’immobilier, support aux transformations de l’entreprise ? ........................................... 6L’IMMOBILIER EST UN REMARQUABLE OUTIL DE CHANGEMENT .......................................................6

Témoignage Entreprise : Jean-François Ode et Marie-Cécile Lebard, ALLIANZ. Une nouvelle charte d’aménagement pour accompagner la transformation d’une compagnie d’assurance en une entreprise de services.

L’IMMOBILIER SEUL NE PEUT PORTER LE CHANGEMENT .................................................................... 10

Témoignage Entreprise : Emmanuel Fougère, KERING (ex-PPR). Pas de changement sans engagement du management.

Témoignage Entreprise : Martine Draullette et de Haldat, ROCHE. Le rôle clé de l’accompagnement humain.

La gestion du changement : de l’art d’orchestrer des dynamiques divergentes ..................................................................................... 15

L’HOMME N’EST PAS ANTHROPOLOGIQUEMENT RéSISTANT AU CHANGEMENT… ...................... 16

Regard de philosophe : Bruno Jarrosson. L’importance de la rupture symbolique.

…MAIS LE RAPPORT DE L’HOMME à L’ESPACE EST COMPLEXE ........................................................ 18

Regard de psychologue : Virginie Dodeler. Tenir compte des comportements d’attachement et d’appropriation.

LA DYNAMIQUE DE GROUPE, à LA FOIS FREIN ET FACILITATEUR DU CHANGEMENT ................. 23

Témoignage Entreprise : Dominique Delattre, INA. La confiance et l’intelligence collective au service de la transformation.

L’accompagnement au changement dans un projet immobilier ......................... 31L’IMPLICATION DES COLLABORATEURS DANS LES PROJETS EST ENCORE RéDUITE .................. 31

LES CLéS D’UN PROJET DE TRANSFORMATION RéUSSIE ..................................................................... 34

Témoignage Entreprise : Anny Tirel et Dominique Blazy, MSD. L’importance de l’écoute et des « relais d’influence ».

Conclusion ............................................................................................................................................................................................................................................................. 42

Table des matières

L’IMMOBILIER EST UN REMARQUABLE OUTIL DE CHANGEMENT…

« Donner corps » à une fusion, fluidifier la chaîne d’innovation, recréer du lien suite à un plan social, réunir les conditions d’une nouvelle qualité de vie au travail pour une performance retrouvée, ancrer le nouveau positionnement d’une entreprise sur son marché… autant d’exemples de projets d’entreprise qui peuvent être avantageusement soutenus par des décisions immobilières.

Le cas des fusions : probablement l’exemple le plus probant…

Le cas du déménagement consécutif à une fusion constitue probablement l’exemple le plus probant de la contribution de l’immobilier aux enjeux stratégiques de l’entreprise. Le fournisseur d’énergie GDF-SUEZ, le spécialiste de l’ingénierie de transports SYSTRA ou encore le laboratoire pharmaceutique MSD sont trois illustrations de la façon dont une réorganisation spatiale de bureaux peut soutenir une volonté de rationalisation organisationnelle et de création de synergies, entre équipes jusqu’alors étrangères les unes aux autres… voire parfois concurrentes ! Le projet immobilier est alors un moyen de « donner corps » au changement. Il revêt un enjeu hautement symbolique, celui de manifester que l’entreprise a changé : une nouvelle marque naît, portée par une nouvelle organisation, avec une nouvelle identité et une culture commune à créer.

L’immobilier, support aux transformations de l’entreprise ?

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Mais l’immobilier peut soutenir bien d’autres projets organisationnels

Par-delà l’exemple particulier des fusions, les projets immobi-liers peuvent accompagner et contribuer à une grande variété d’enjeux stratégiques. C’est par exemple le cas d’un grand acteur des télécommunications qui cherche aujourd’hui, en refondant ses bureaux, à créer les conditions d’une colla-boration accrue entre les acteurs de sa chaîne d’innovation, l’enjeu étant d’améliorer le « time to market » de l’entreprise afin de pouvoir innover plus rapidement que les concurrents.

Il y a aussi cet opérateur du secteur des loisirs, qui venait de vivre un plan social, et dont le projet immobilier avait pour ambition de regrouper les équipes dans un environnement de travail visant à recréer du lien ; les nouveaux bureaux étaient ainsi la traduction physique du « nouveau départ » voulu par la Direction.

Il existe également cet important acteur des NTIC, qui se heurtait depuis de nombreuses années à des problèmes d’absentéisme et de turnover auprès de ses populations de télévendeurs. L’entreprise vient de procéder à la rénovation totale de ses plateaux de télévente. Avec un objectif clair : offrir aux populations concernées une nouvelle qualité de vie au travail, et un environnement permettant d’allier confort et performance.

Puis nous pouvons citer le cas d’Allianz qui, au travers du déploiement de sa nouvelle charte d’aménagement, vise à accompagner la transformation de son offre, d’une compa-gnie d’assurance vers une société de services et de solutions d’assurance.

L’aménagement a un pouvoir puissant sur les dynamiques relationnelles

La réflexion initiée par Allianz sur sa charte d’aménagement l’illustre bien : le déménagement vers un nouveau site n’est pas l’unique levier immobilier au service de la stratégie organisationnelle. Les réorganisations internes, qui peuvent se produire à une fréquence pluriannuelle dans certaines entreprises, en témoignent également : l’action sur l’aména-gement des bureaux est intimement liée au changement. Pour être efficace, cette réorganisation doit être accompagnée de mesures managériales appuyées, mais l’espace n’en demeure pas moins un puissant levier.

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Un parti pris : la démarche participative

Afin de dresser le cahier des charges générique d’aménage-ment de nos immeubles, nous avons opté pour une démarche participative, fondée sur des entretiens individuels, des groupes de travail thématiques, et l’administration d’un ques-tionnaire en ligne auprès de l’ensemble des collaborateurs. L’objectif était à la fois de comprendre les besoins par profil d’activité et de mobiliser les équipes – dirigeants, managers et collaborateurs.

• La réflexion a démarré par une phase de cadrage auprès des patrons d’activité (entretiens individuels), visant à comprendre la réalité des usages, des outils et des contraintes métier, et à mieux cerner les attentes en matière d’environnement de travail.

• Puis nous avons animé, au sein de groupes de travail thématiques, une réflexion sur les grandes lignes stratégiques du projet d’entreprise : la transversalité,

TémOIGNaGE ENTREpRIsEJean-François Ode, Directeur des Supports TransversesMarie-Cécile Lebard, Directrice Responsabilité Sociétale de l’Entreprise

UNE NOUvEllE CHaRTE D’améNaGEmENT pOUR aCCOmpaGNER la TRaNsFORmaTION D’UNE COmpaGNIE D’assURaNCE EN UNE ENTREpRIsE DE sERvICEs

L’immobilier chez Allianz : un support aux changements organisationnels et stratégiques de l’entreprise ?

Un décalage trop important entre règles de gestion de l’espace et ligne stratégique

S’il est mal adapté, l’immobilier peut représenter un véritable frein à la mise en œuvre de la stratégie d’entreprise. C’est le cas chez Allianz aujourd’hui : notre immobilier entrave le développement des modes de travail transverses que nous attendons de la part de nos collaborateurs. Par exemple, l’attribution des mètres carrés est dictée par la ligne hiérarchique, sans réflexion sur les activités et les besoins. Les gens s’enferment dans des silos, derrière des cloisons opaques. Nous sommes donc confrontés à un véritable décalage entre les règles de gestion de l’espace et la volonté stratégique de nos dirigeants.

Introduire le « être » dans le bâtiment, en traduisant notre vision organisationnelle et managériale dans une nouvelle Charte d’Aménagement

Notre projet est le suivant : passer d’une compagnie d’assurance, s’appuyant exclusivement sur ses experts et son savoir-faire, à une entreprise de services et de solutions d’assurance. Il s’agit donc de transformer l’organisation en plaçant nos clients au cœur de notre métier et de nos pratiques. L’enjeu de notre charte d’aménagement est clair : soutenir, à travers notre environnement de travail, le chan-gement des comportements. Cette ambition, impulsée par la Direction Générale, bénéficie aujourd’hui de sponsors au plus haut niveau au sein du Comex d’Allianz France. Il est animé par une équipe projet transverse, qui associe l’ensemble des acteurs clés sur le sujet : les Directions du Développement Durable, des Ressources Humaines, de la Communication, de l’Immobilier, de l’Informatique et des Investissements.

La réflexion sur notre nouvelle charte d’aménagement est partie des principaux axes de notre plan stratégique. Jean-François Ode

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L’enjeu de notre projet : repenser notre environnement de travail pour pouvoir nous projeter dans le futur. Il s’agit d’un vrai exercice d’anticipation. Pour autant, il n’est pas question de basculer dans l’archi- modernisme. La réussite de notre projet reposera sur notre capacité à créer un environnement qui nous ressemble : un cadre de travail qui soit en phase avec notre métier, notre culture, nos pratiques et nos aspirations.

Marie-Cécile Lebard

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le bien-être, la convivialité. Les participants aux groupes ont été identifiés en fonction de leur profil d’activité, afin d’être en mesure de s’exprimer sur des problématiques précises faisant écho à leurs situations de travail au quotidien : le management en espace ouvert, le traitement du classement, le mode projet, etc.

• En parallèle de ces démarches qualitatives, et dans le but d’associer le maximum de personnes à notre réflexion, nous avons adressé un questionnaire en ligne à l’ensemble de nos salariés – nous réunissons à ce jour 40% de participation sur près de 4.000 collaborateurs !

• Enfin, nous avons mis en place un groupe d’échange avec les partenaires sociaux.

Pédagogie et mobilisation au plus haut niveau : 2 enjeux de taille

la vraie difficulté a été de faire comprendre à tous – collaborateurs, managers, dirigeants – que le projet qui nous animait dépassait largement le cadre des arbitrages immobiliers traditionnels (taille de bureaux, cloisonnement d’espaces, couleur de moquette, etc.). Il était notamment capital que les dirigeants s’impliquent dans le projet, pour faire émerger une vision et un consensus sur les modes de travail et de management de l’entreprise : la place des managers dans leurs équipes, l’ambition en matière de travail collaboratif et de mode projet, les besoins de modularité afin d’accompagner nos mouvements d’équipes permanents, etc. Une fois ce travail préliminaire conduit, nous pourrions nous concentrer sur la traduction dans l’espace de la vision du Comex. Il y avait donc un véritable enjeu de pédagogie et de mobilisation à mener…

Images de synthèse de la future tour Athéna d’Allianz à La Défense

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L’IMMOBILIER SEUL NE PEUT PORTER LE CHANGEMENT

Si l’immobilier constitue un formidable levier de transfor-mation organisationnelle, l’espace seul ne peut rien : il ne suffit pas de mettre deux collaborateurs côte à côte dans un open-space pour qu’ils communiquent…

Finalement, quel pouvoir pour l’immobilier ? Tout dépend du point de départ : si les bureaux ne sont absolument pas adap-tés aux modes d’organisation, et que la « marge de progression » est importante, les possibilités sont infinies. C’est le cas de Sanofi, qui choisit, pour son siège mondial situé Rue La Boétie dans le 8e arrondissement de Paris, de passer de 98% de bureaux cloisonnés à 98% de bureaux ouverts. Le changement induit sur l’organisation est alors considérable : sentiment d’équité, proximité managériale accrue, collaboration et partage d’idées facilités, etc. En comparaison, le changement de localisation, sans toucher à l’aménagement, a quant à lui une moindre portée.

En définitive, l’espace peut à la fois incarner le change-ment et le susciter. Le laboratoire pharmaceutique Roche, lorsqu’il fait le choix de l’open-space pour inciter ses colla-borateurs à « mieux travailler ensemble », l’illustre bien. Les bureaux ouverts sont à la fois le symbole de la transversalité voulue par la Direction et un « facilitateur » de l’évolution des comportements vers plus de proximité managériale, plus de communication, plus de partage… Toutefois, pour que ces changements aient véritablement lieu, l’accompagne-ment demeure essentiel : le succès de la transformation dépendra in fine des actes managériaux qui seront posés, de l’exemplarité du top management, de la clarté et de la force du message véhiculé par la Direction Générale, etc.

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Quels liens entre stratégie et immobilier ?

Le projet immobilier n’est pas tant l’occasion de repen-ser l’organisation… mais plutôt de se donner les moyens de repenser l’organisation. L’immobilier n’est qu’un support, au mieux c’est un catalyseur ; ce qui compte par-dessus-tout c’est la gouvernance.

Qu’est-ce qui a motivé votre décision de déménager, pour vous installer dans l’ancien hôpital Laennec ?

Notre projet immobilier est fondé sur deux motivations essentielles. Une contrainte « physique », liée à la croissance de nos effectifs, et un enjeu d’image : il s’agissait de manifester le changement important en cours dans notre entreprise. Toutefois, l’immobilier seul ne peut être vecteur de changement ; l’accompagnement au changement sera donc capital pour la réussite de ce projet.

Quels sont selon vous les facteurs clés de succès de la mutation de l’environnement de travail ?

Il est indispensable de travailler avec le middle-manage-ment afin de définir avec eux les spécificités et qualités de l’aménagement futur. Par exemple, en arrivant à créer des aménagements suffisamment atypiques, et pleinement adaptés à chacune de leurs contraintes propres, pour que les gens aient envie d’y travailler !

afin de favoriser cette appropriation, le rôle des diri-geants est essentiel : il s’agit bien sûr de communiquer une vision, mais également de s’assurer que cette dernière est comprise et intégrée. Une fois que les colla-borateurs ont adhéré avec ce cadre, il est possible d’avancer ensemble, pour donner chair au projet et faire en sorte que celui-ci tienne compte de l’impact sur les collaborateurs, sur la manière de travailler, sur l’ambiance…

De nombreuses directions d’entreprise ont en tête que l’immobilier est un catalyseur du changement. Or, il ne suffit pas de changer la ‘ boîte ’ pour modifier ce qu’il se passe à l’intérieur ! Si l’on veut véritablement changer les choses, il faut faire un travail de fond au travers d’un engagement du management.

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TémOIGNaGE ENTREpRIsEEmmanuel Fougère, Directeur des Achats Indirects

pas DE CHaNGEmENT saNs ENGaGEmENT DU maNaGEmENT

Maquette du futur siège de Kering dans l’ancien hôpital Laennec à Paris 7ème

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collaborateurs se conduisent « normalement » dans l’open space.

De la même manière, la décision de mettre en place des espaces café à chaque étage, pour inciter les gens à se rencontrer et à échanger davantage, s’est avérée peu efficace : les gens restaient dans leur microcosme au lieu d’aller à la rencontre des autres populations. Une fois encore, il a fallu un long temps d’adaptation pour faire de notre espace de convivialité du 18e étage un lieu de ralliement de l’ensemble des équipes.

Pour accompagner ces évolutions dans les comportements, la communication interne a beaucoup aidé. Nous avons par exemple organisé des événements du type « afterwork » pour créer du lien et multiplié les petits événements internes cross-fonctionnels pour fêter les succès d’équipe.

TémOIGNaGE ENTREpRIsEMartine Draullette, Directeur Administratif et Financier Stéphanie de Haldat, Directeur de la Communication Interne

lE RôlE Clé DE l’aCCOmpaGNEmENT HUmaIN

Une volonté stratégique (« Mieux travailler ensemble ») soutenue par une logique immobilière claire : le passage à un environnement de travail 100% ouvert

Notre projet stratégique était le suivant : mieux travailler ensemble et ne plus fonctionner en silos fonctionnels. Soit, en termes immobiliers, faire en sorte que notre environ-nement de travail favorise la collaboration entre fonctions au sein de nos équipes produits. Nous concevions donc l’immobilier, et en particulier l’implantation de nos bureaux, comme un outil visant à faciliter le dialogue : l’enjeu était ainsi de passer d’un environnement de bureaux cloisonnés ou se-mi-cloisonnés à un univers à 100% en open-space, en créant en parallèle de nombreux espaces collaboratifs. Il s’agissait par ailleurs de regrouper l’ensemble de nos équipes dans un immeuble unique, puisque notre croissance nous avait conduit à occuper progressivement 3 immeubles différents.

première difficulté rencontrée : une logique immobilière qui révèle d’emblée certaines limites

Ce projet de transformation a rapidement posé d’importantes questions : comment gérer les relations hiérarchiques en espace ouvert, comment gérer les cas de collaborateurs multi-produits, c’est-à-dire attachés à différentes « brand teams » ? L’ambition de réorganiser l’espace selon les « brand teams » n’a donc pas tenu, et nous avons dû nous ré-soudre à conserver pour partie une organisation hiérarchique.

Deuxième difficulté : des premiers résultats contre-productifs

L’adoption de l’open-space n’a pas été immédiate… Dans les premiers temps qui ont suivi l’installation, les gens n’osaient plus parler dans l’espace de travail. Il a fallu au moins 6 mois pour que le niveau de tolérance au bruit augmente, et que les

Philosophiquement, se dire que l’immobilier peut accompagner la mue organisationnelle c’est tentant, mais il faut déployer un véritable effort d’accompagnement des collaborateurs pour que l’objectif de transformation soit atteint.

Martine Draullette

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13 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

Troisième difficulté : une tendance à se focaliser sur les résistances à l’open space, au détriment de la réflexion sur nos besoins en matière de transversalité

Afin d’accompagner la transition de nos équipes vers le travail en open-space, nous avons eu tendance à surévaluer les besoins en box et en espaces de confidentialité. Résultat : cette multiplication des petits espaces s’est faite au détriment de l’offre de grands espaces collaboratifs. Or, nous travaillons de façon très transversale : le développement de chaque produit requiert de réunir autour de la table de nombreuses fonctions expertes et nos équipes business regroupent géné-ralement une quinzaine de personnes au minimum. Le nouvel environnement de travail n’était donc pas totalement en phase avec les besoins dictés par notre organisation. Ce décalage a été manifeste également auprès des membres du Codir : s’ils ne s’opposaient pas à la transition vers l’open-space, il leur était impossible de réunir leurs équipes au milieu de l’es-pace ouvert : il a donc fallu leur réserver à chacun une salle de réunion dédiée, ce qui a réduit encore davantage l’offre d’espaces collaboratifs de grande taille tenus à la disposition des collaborateurs…

La clé d’une transformation réussie : l’accompagnement humain

Dans ce type de mutation, le besoin d’accompagnement est réel. D’abord, le collaborateur doit s’inventer de nouvelles routines, trouver de nouveaux repères, comme par exemple identifier le meilleur trajet pour se rendre dans les nouveaux bureaux. Cela requiert du temps ! Ensuite, il s’agit de l’aider à modifier son comportement dans l’espace de travail. Les open-spaces ont au départ éveillé beaucoup de résistance, les gens appréhendaient de se sentir surveillés en perma-nence. Il s’agissait donc d’apprendre à travailler côte à côte, dans le respect les uns des autres, également sur des choses

Le projet de notre entreprise impliquait de se concentrer davantage sur le « how » que sur le « what » : en jugeant le résul-tat à l’aune du comportement. Dans cette démarche, notre nouvel environnement de travail a été un véritable soutien : il a favorisé l’adoption de nouveaux comportements. Martine Draullette

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aussi basiques que le rangement ! Il y a de véritables ques-tions de management qui sont soulevées ; il est important d’en prendre conscience pour pouvoir les régler. Pour faciliter l’adoption des nouveaux bureaux et de la nouvelle localisa-tion, nous avons par ailleurs mis en place le travail à distance. Tous les collaborateurs sont éligibles à une journée de travail par semaine, il leur suffit d’en faire la demande auprès de leur manager. A cet effet, tous ont été dotés d’un ordinateur portable, qui leur permettait également de mieux travailler en transversalité. A ce jour, 150 collaborateurs sur 600 ont adop-té ce nouveau mode de travail ; cela a été une vraie réussite.

Nous avons mis en place une démarche très parti-cipative, en amont du déménagement : nous avons fait contribuer près de 200 personnes sur les 600 qui devaient emménager sur le site

Afin d’aider les collaborateurs à se projeter dans leurs nou-veaux bureaux, nous avons commencé à communiquer très en amont. Dès que le lieu a été choisi, nous en avons informé l’ensemble des collaborateurs.

Nous avons mis en place des groupes de travail et des ateliers de créativité pour réfléchir de façon collaborative à la conception des futurs espaces : ambiances, besoins à

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 14

couvrir, attentes en matière de postes de travail, etc. Nous avons ainsi pu imaginer différents prototypes de postes de travail, et avons proposé à l’ensemble des collaborateurs de voter ; c’est le prototype préféré qui a été retenu. Nous avons par ailleurs lancé de grands chantiers pour accompagner la transition vers les nouveaux bureaux : tri et archivage, desti-nation de l’ancien mobilier (nous avons organisé une grande vente aux enchères), etc.

Enfin, nous avons formé une cinquantaine de collabora-teurs à l’animation de réunions, afin d’en faire des « ambassadeurs » du changement ; nous les réunissions régulièrement, afin qu’ils partagent avec nous les retours de leurs discussions avec le reste des collaborateurs.

Et nous avons particulièrement soigné « l’après-déménagement »

Au bout d’un mois de vie dans les nouveaux espaces, nous avons voulu faire un point sur la vie en open-space. Des discussions se sont ouvertes dans chaque équipe, afin de mettre au point des « règles de comportement ». Chaque équipe a ainsi pu définir ses propres règles de vie en commu-nauté.

Une fois que tous s’étaient accordés sur les nouveaux comportements, il est ressorti que ce qui drainait le plus de résistance, ça n’était pas l’open-space en lui-même, mais le changement d’habitudes lié au nouvel environnement de travail : le nouvel itinéraire à trouver pour aller au bureau, l’apprentissage des nouveaux outils techno-logiques (téléphones, imprimantes, etc.), les espaces dans lesquels on ne se sentait pas encore « chez soi »… Et puis une multitude de petits détails pratiques (climatisa-tion, stores…) qui n’étaient pas encore bien réglés, et qui produisaient un stress énorme. Il était donc essentiel de bien accompagner les collaborateurs dans cette transition ; nous ne l’avions pas assez anticipé !

Bilan : après avoir procédé à quelques « ajustements », notre nouvel environnement de travail est une réussite, favorisant notamment la transformation des comportements

Dans l’optique de notre projet visant à mieux « travailler en-semble », il s’agissait désormais de s’attacher à la façon dont les résultats étaient atteints : les comportements en matière de collaboration et de relationnel étaient-ils au rendez-vous, aux côtés des résultats mis en avant par les managers ? Sur ces questions, il est indéniable que notre passage à un environnement ouvert a grandement facilité le changement attendu en matière de comportements. Nous avons gagné en

proximité managériale et en transversalité. L’implantation de nos bureaux en « take five », par regroupement de 5 bureaux disposés en quinconce, a permis de concilier espace ouvert et confort en termes de contrôle visuel et de promiscuité. Cela a été une alternative gagnante au « bench », qui aurait été trop éloigné de la culture de Roche.

le mot de la fin ? la grande question demeure de savoir jusqu’à quel point on peut conduire le changement de façon collaborative. Nous aurions certainement pu mieux utiliser la socio-dynamique pour vaincre les résistances au changement.

Par exemple, en associant des représentants des collabo-rateurs au choix de l’immeuble, en les emmenant avec nous dans les visites. Ils auraient pu servir d’ambassadeurs, pour relayer les décisions que nous avons prises. Cela aurait permis de démystifier le choix du lieu, et de drainer probable-ment plus d’acceptation… mais bien sûr c’est une démarche complexe, car on craint toujours de trop donner la parole et d’ouvrir une « boite à complaintes ». Tout l’enjeu consiste à accompagner les collaborateurs, en insufflant un état d’esprit positif et favorable au changement !

15 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

Le changement bien conduit, c’est celui qui sait embras-ser une perspective large, pour tenir compte des « facilitateurs » et des « freins » en présence, afin de s’appuyer sur les premiers, tout en réduisant autant que possible les seconds.

Diversification, spécialisation, internationalisation, croissance, maîtrise des coûts ou de la qualité, impératifs de vitesse ou d’innovation… Autant de changements organisationnels directement dictés par la ligne stratégique de l’entreprise et pouvant se traduire dans l’environnement de travail.

La gestion du changement : de l’art d’orchestrer des dynamiques divergentes

Cependant, de telles transformations ne peuvent être conduites sans tenir compte de l’organisation du travail et des salariés qui le réalisent, sous peine de mettre en péril l’atteinte des objectifs initiaux. Une approche globale est donc indispensable pour réunir les différents leviers d’efficacité économique et sociale : une finalité claire, la prise en compte des aspects organisationnels, une réflexion sur les identités, les métiers, les conditions de travail…

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L’HOMME N’EST PAS ANTHROPOLOGIQUEMENT RéSISTANT AU CHANGEMENT…

L’idée la plus communément admise en matière de chan-gement organisationnel, c’est probablement celle qui fait du collaborateur un réfractaire absolu à toute forme de transformation de son environnement, de son manage-ment ou de ses modes de travail…

L’homme est « par nature » résistant au changement : cette pensée, si elle est confortable pour le manager qui se voit imposer un changement qu’il ne sait comment relayer, n’est-elle pas un peu réductrice ?

Derrière la résistance au changement de principe, ne faut-il pas plutôt chercher à cerner les ressorts d’une résistance plus « stratégique » : « je m’oppose parce que mes intérêts personnels sont menacés » ?

Avant toute chose, les changements n’ont pas tous la même ampleur, ni la même portée. Et les besoins en matière d’accompagnement sont bien évidemment liés à l’intensité du changement que l’on souhaite conduire : ce dernier repré-sente-t-il une évolution à la marge ou bien une transformation radicale ? Le changement majeur se situe-t-il dans l’espace, ou la transformation de l’espace n’est-elle que la conséquence d’une mutation plus profonde ? Il est indispen-sable, pour vaincre la fameuse « résistance au changement », de bien diagnostiquer ce qui se joue dans la transformation pour les collaborateurs – parce que, quel que soit le change-ment organisationnel voulu, il est primordial d’en expliciter les finalités auprès de ces derniers.

17 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

REGaRD D’ExpERT Bruno Jarrosson, Philosophe et Consultant en Stratégie, Directeur Associé chez DMJ-Consultants

l’ImpORTaNCE DE la RUpTURE sYmBOlIQUE

En tant que penseur et spécialiste du changement organisationnel, pouvez-vous nous en dire plus sur les ressorts de notre attachement au bureau physique et de notre résistance à en changer ?

Votre sujet est presque philosophique ! En matière de changement dans les entreprises, on se heurte généralement à un paradoxe.

• D’un côté, le changement est pensé à partir de la stratégie d’entreprise, il est donc sous-tendu par des schémas théoriques et des raisonnements abstraits, les fameux « outils de conduite du changement ».

• De l’autre, les entreprises se heurtent à une réalité : elles fonctionnent avec des « vrais gens ». Des collaborateurs qui ont un vécu, qui s’élabore à partir d’une expérience très concrète du temps et de l’espace dans lequel ils évoluent. De façon somme toute légitime, ces individus cherchent à se sentir bien dans ce moment et dans ce lieu. On assiste donc inévitablement à la résistance de la matière à l’idée.

L’enjeu consiste ainsi à faire du changement, initialement conceptuel et abstrait, une expérience incarnée dans le temps et dans l’espace. L’objectif n’est pas de dicter aux collaborateurs ce qu’ils doivent faire ; il s’agit de les amener à le penser.

Face à ces dynamiques de changement, quel rôle pour les bureaux ? De quelle manière ces derniers peuvent-ils soutenir le changement voulu par l’entreprise ?

En tant qu’individu, notre premier rapport à la vie a consisté à nous approprier l’instant et l’espace. Ceci explique certainement notre rapport délicat aux aménagements ouverts dans les entreprises. En théorie, ils sont conçus pour améliorer la communication. En réalité, les bureaux mal conçus laissent bien souvent place à des stratégies de détournement (ex : nouveaux barrages sonores ou visuels), visant à se réapproprier le temps et l’espace.

Face à ces résistances, l’entreprise peut adopter deux postures opposées.

• Première solution : le modèle autoritaire, qui a inspiré les logiques industrielles tayloristes. Ce schéma repose sur 3 postulats de base : 1/ Il existe une meilleure façon de travailler 2/ Elle peut être objectivement définie. 3/ Elle doit être imposée. Cette position nie donc l’appropriation du temps et de l’espace par l’individu. Les limites en sont évidentes : conflit, gaspillage d’énergie, etc.

• Deuxième solution : le recherche d’une alliance avec l’individu. Cette orientation est fondée sur les constats inverses à ceux développés précédemment : 1/ Il y a de multiples « meilleures façons » de travailler. 2/ Ces dernières sont subjectives. 3/ Chaque individu est le plus à même de définir la façon de travailler qui lui correspond le mieux.

L’enjeu consiste donc à bâtir des schémas idéologiques, et à construire des temps et des lieux, permettant aux individus d’avoir leur propre subjectivité.

L’homme n’est pas anthropologiquement résistant au changement. Il voit simplement son intérêt : il s’agit d’une résistance stratégique.

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Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 18

... MAIS LE RAPPORT DE L’HOMME à L’ESPACE EST COMPLEXE

modifier l’environnement de travail revient à créer de nouvelles modalités de socialisation et à redéfinir les notions de territoires personnel et de groupe. Pour qu’une telle transformation soit réussie, il est essentiel de mener une réflexion préliminaire sur la façon dont on veut faire travailler les individus.

La résistance au changement, on l’a vu, relève plus de la résistance stratégique que de la posture théorique. Mais pour-quoi le fait de toucher à l’espace physique constitue-t-il une décision organisationnelle si délicate ? Qu’est-ce qui se joue dans notre rapport à l’espace, qui pourrait expliquer que toute transformation qu’on souhaite lui apporter nous fait craindre que nos intérêts personnels ne soient préservés ? La psy-chologie environnementale apporte de précieuses clés pour mieux comprendre les ressorts notre attachement à l’espace.

L’environnement, par le biais de ses caractéristiques physiques et socio-culturelles, exerce une grande influence sur les comportements et les dynamiques relationnelles. C’est Kurt Lewin qui, dès 1931, développe cette idée ; il établit ainsi les préceptes de la psychologie environnementale. Cette dernière a pour objet d’étude les interactions entre individus et groupes au sein d’un espace donné. Elle s’intéresse à l’espace sous le prisme du territoire : un lieu occupé, cerné par des frontières, permettant de distinguer le “dehors” du “ dedans”, et proposant aux individus qui le traversent un système d’interaction donné. Le territoire est donc une construction socio-spatiale ; il peut être personnel ou partagé.

19 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

Le territoire d’équipe structure les relations

Espace et dynamiques relationnelles sont intimement liés : l’aménagement des bureaux structure les relations interpersonnelles et les interactions au sein d’une organisation. Au travers des positions relatives des individus, l’espace organise et oriente la communication.

Les environnements de travail et l’organisation constituent ainsi un système d’interdépendances ; on ne peut pas les aborder et les traiter séparément. Il faut donc toujours considérer la dynamique existant entre modification de l’espace et fonctionnement organisationnel.

Le territoire personnel exprime, protège et régule

Le territoire personnel est perçu comme la zone autour du poste de travail, indépendamment de l’existence ou non de cloisons autour du bureau. C’est une sorte de bulle à laquelle l’individu s’identifie et qui permet d’ancrer la place à partir de laquelle chacun interagit avec son environnement.

Le comportement territorial désigne le processus par lequel un individu crée et régule la frontière entre lui et autrui. Il s’exprime au travers de marqueurs territoriaux, qui ont trois fonctions :

1er fonction : transmettre un message sur l’identité de l’individu. L’espace n’est pas qu’affaire de mètres carrés et de fonctionnalité ; il communique. L’espace individuel dit notamment la place de l’individu au sein de l’organisation et indique son orientation vers une tâche. Il peut véhiculer des messages aussi différents que l’horizontalité d’une organisa-tion, fondée sur la contribution de chacun à l’objectif commun, ou, à l’inverse, son mode de fonctionnement très pyramidal, traduit dans l’espace par d’importantes distinctions dans le traitement du poste de travail individuel en fonction du niveau hiérarchique des individus.

2ème fonction : prévenir l’intrusion. L’espace doit alors protéger l’individu, en lui permettant d’accomplir efficacement ses tâches, mais également de maitriser l’information qu’il souhaite donner aux autres sur lui-même et son travail.

3ème fonction : réguler les interactions sociales, en offrant à l’individu la possibilité de créer des contacts ou de s’isoler.

paROlEs D’ExpERT :Virginie Dodeler, Maître de conférences en psychologie sociale

« L’espace rend visible auprès de tous l’organisation sociale de l’entreprise, il indique la place et la fonction de chacun. »

l’ENvIRONNEmENT DE TRavaIl, UNE HIsTOIRE DE TERRITORIalITé !

Nos comportements dans l’espace, une simple affaire de mathématiques ?

Si l’influence de notre environnement sur nous-mêmes et sur les relations que nous entre-tenons avec nos semblables est relativement intuitive et simple à percevoir, des chercheurs sont allés jusqu’à imaginer qu’il était possible de modéliser notre comportement (B), établis-sant que ce dernier était une fonction (ƒ) de la personnalité (P) et de l’environnement (E).

B=ƒ(p,E)² !

Fonction n°1 : Organiser les relations

Enjeux sociaux et symboliquesEnjeux de contrôle et de privacité

Comportements d’appropriation et d’attachement Dynamiques relationnelles

TERRITOIRE pERsONNEl TERRITOIRE DE GROUpE

Barri

ères

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elles

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sique

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Fonction n°1 : Exprimer l’identité

Fonction n°2 : Prévenir l’intrusion

Fonction n°3 : Réguler les intéractions

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 20

Besoins de contrôle, de « privacité »1… et comportements d’attachement

Que le poste de travail soit en espace ouvert ou fermé, qu’il soit partagé ou non, ce qui compte, c’est l’accès à un certain niveau de « privacité » (de l’anglais « privacy »). La privacité, c’est la capacité d’un lieu à être perçu comme personnel, ou à minima suffisamment maitrisable pour permettre à l’individu de distinguer ce qui peut être public, par rapport à ce qu’il préfère conserver dans la sphère privée.

La privacité est donc très liée au niveau d’accessibilité – audi-tive, visuelle, physique – de l’individu dans l’espace de travail.

Le besoin de privacité se manifeste indépendamment du degré d’ouverture des bureaux :

• Au sein de bureaux ouverts, il se traduira par la nécessité de réguler ses échanges avec autrui ;

• Au sein d’un bureau collectif cloisonné, ce sera le besoin de limiter les interruptions ;

• Au sein d’un bureau individuel cloisonné, ce sera la nécessité de bénéficier de barrières visuelles et auditives ou bien, si ces conditions sont déjà remplies, d’un certain niveau d’autonomie…

Toutefois, il faut noter que trop de privacité peut donner un sentiment d’isolement !

Dans chaque cas, l’environnement de travail bien pensé est celui qui sait proposer aux collaborateurs des espaces répondant à ce besoin : si le territoire individuel n’y répond pas, il s’agira de concevoir des espaces supports complémentaires, tels que des salles de concentration, des isoloirs, des bulles, etc. On mettra de cette façon en place un environnement régi par « l’acti-vity-based-workplace », en réponse au constat que toutes les tâches ne requièrent pas le même degré d’ouverture, et qu’un même collaborateur n’a pas besoin des mêmes types d’espace

tout au long de sa journée. Afin de concevoir un environne-ment de travail performant, il sera donc essentiel de conduire une réflexion préliminaire sur les activités, afin de pouvoir pro-poser une grande variété d’espaces aux collaborateurs, leur permettant de trouver le lieu adéquat pour chaque situation de travail et de vie au cours de leur journée.

Toutefois, en matière de privacité, l’espace - ses cloisons, son traitement acoustique et architectural - ne fait pas tout. Pour que le collaborateur se sente chez lui au bureau et qu’il ait le sentiment de pouvoir préserver un minimum de confidentialité, ce qui compte, aux côtés des frontières physiques, ce sont la culture et les pratiques véhiculées par l’organisation. Les règles de vie sont elles aussi essentielles : des règles connues et reconnues de tous, afin de régir les interactions sociales.

Dès lors, on comprend que le rapport à l’espace de travail n’est jamais seulement physique : il est bien souvent social et symbolique, et se traduit par des comporte-ments d’attachement et d’appropriation.

L’appropriation, c’est l’emprise que l’individu cherche à exercer sur le lieu en le privatisant et en le personnalisant, via l’occupation ou les intervention sur l’espace (ex : dépla-cement de mobilier, pour reconfigurer l’espace selon ses préférences personnelles). Par ce biais, l’individu régule sa relation au territoire et à autrui.

L’attachement est la résultante de cette appropriation : c’est le processus par lequel l’individu s’identifie à son environnement immédiat. Le lieu devient ainsi une partie de lui-même, c’est le concept de « place identity »2 . Toucher à cette place revient donc à toucher à la personne.

1 Gustave-Nicolas Fischer, L’évaluation des environnements de travail, 1997 2 Proshansky, H. M., Fabian, A. K. and Kaminoff, R. (1983). “Place-identity: Physical world socialization of the self”, Journal of Environmental Psychology

21 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 22

REGaRD D’ExpERT Virginie Dodeler, Maître de conférences en psychologie sociale,Co-responsable du parcours ergonomie du Master 2 de Psychologie du Travail et des Organisations.

TENIR COmpTE DEs COmpORTEmENTs D’aTTaCHEmENT ET D’appROpRIaTION

En tant que spécialiste de la psychologie sociale et environnementale, pouvez-vous nous dire ce qui se joue dans notre attachement au bureau physique ? Dans quelle mesure les bureaux constituent-ils des repères, des vecteurs d’identité ? Quels rapports peut-on établir entre le physique (l’environnement de travail) et le métaphysique (le bien-être au travail) ?

L’espace de travail est généralement perçu comme un « territoire primaire ; on y observe des comportements de territo-rialité et d’appropriation, dans le but de se créer un espace personnel : le collaborateur peut le personnaliser, y laisser des affaires personnelles, en contrôler les paramètres environnementaux - température, bruit, lumière, etc.

Le sentiment de contrôle passe également par la régulation des interactions sociales, fondée sur l’accès à un minimum de « privacité »: notamment, à travers la possibilité de s’isoler, pour se concentrer ou pour avoir une conversation confidentielle, dans un espace dédié, dès que nécessaire. Ou encore à travers la capacité à décider du niveau d’information que l’on souhaite donner aux autres – collègues, managers - sur son travail et sur soi-même : par exemple en ayant la possibilité de se protéger visuellement du regard des autres…

Sur ce sujet, des études montrent que les individus se sentent mieux lorsqu’ils gardent le contrôle sur leur poste de travail, tandis qu’un manque de contrôle peut entraîner des troubles comportementaux.

Enfin, il faut noter que le rapport complexe à l’espace peut également s’expliquer par le fait que l’aménagement des bureaux véhicule une certaine organisation sociale. Il est en lien étroit avec la reconnaissance : avoir un poste de travail donné, c’est avoir une place clairement identifiée et reconnue dans l’organisation. Y toucher revient à modifier cette organisation.

Face à ce rôle du bureau physique, quels points vous semblent indispensables à un changement d’environnement de travail réussi ?

la modification, voire la suppression, du territoire individuel requiert un accompagnement important.

D’abord, le besoin d’appropriation reste fondamental. Celle-ci peut être individuelle ou collective, avec ou sans signes appa-rents. Elle peut également prendre la forme de routines, ou de comportements particuliers, comme par exemple la possibilité de réorganiser les meubles dans un bureau partagé.

Ensuite, il est fondamental de réfléchir à de nouvelles règles de fonctionnement et d’utilisation de l’espace, sous peine de voir se créer de nombreuses tensions entre les collaborateurs. Poussé à l’extrême, ce phénomène est très bien illustré par le cas des sous-mariniers : pour évoluer en harmonie dans un espace aussi petit et confiné qu’un sous-marin, il est en effet essentiel de bien distinguer l’espace personnel de l’espace partagé, et d’instituer des règles claires et respectées par tous.

En matière de transformation de l’environnement de travail, un point important est la référence à un ‘territoire primaire’, sur lequel le collaborateur a le contrôle.

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23 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

LA DYNAMIQUE DE GROUPE, à LA FOIS FREIN ET FACILITATEUR DU CHANGEMENT

L’une des plus grandes forces de résistance au changement est le conformisme au groupe d’appartenance. La clé de la réussite, c’est donc de faire avancer le groupe ensemble.

assOCIER lEs COllaBORaTEURs aU pROjET : UNE DYNamIQUE vERTUEUsE

paROlEs D’ExpERT : Kurt lewin1

« Tout montre qu’il est plus aisé de changer les individus constitués en groupe que de changer chacun d’eux séparément. »

« Dynamique de groupe » et « théorie de l’engagement » : deux puissants outils de conduite du changement

Si la psychologie environnementale permet de comprendre l’impact de l’environnement de travail sur les dynamiques relationnelles, la psychologie sociale, quant à elle, facilite le décryptage de l’engagement et du comportement des individus au sein d’un groupe. Kurt Lewin, dans les années 1940, est le premier à s’intéresser à la « dynamique de groupe » et aux méthodologies du changement social.

Pour lui, le groupe est un système ; il se définit par la réfé-rence à des normes sociales, qui exercent sur les individus une pression au consensus et à la conformité. Les membres du groupe souhaitent en effet que rien ne change et tendent à développer des résistances au changement.

1 Kurt Lewin, Frontiers in Group Dynamics, 1946

Confiance, lien

Prises d’initiativesLes acteurs deviennent auteurs

Efficacité économique et sociale

MobilisationAttitude favorable au changement

Nouveauxapprentissages,compétences,coopérations

Bascule humaine

Appropriation

Basculeorganisationnelle

CommunicationConcertationConsultation

Le changementne se décrète pas

Dynamique de groupe

Acte managérial

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 24

Pour Lewin, il existe deux façons de déplacer le point d’équi-libre constitué par les normes du groupe. Première solution : ajouter des forces favorables au changement. Par exemple, en imprimant sur le groupe des incitations, voire des menaces. Une méthode qui toutefois court le risque de détériorer le climat

interne du groupe, et de renforcer les résistances individuelles et collectives. Deuxième solution : diminuer les forces oppo-sées au changement. La clé réside alors dans la démarche collective ; il s’agit de faire avancer le groupe ensemble.

25 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

UN GROUpE sE DéFINIT paR la RéFéRENCE à DEs NORmEs, QUI éTaBlIssENT UN pOINT D’éQUIlIBRE :

pour modifier les normes et les comportements d’un groupe, la théorie de l’engagement fournit de puissants outils. Selon cette théorie en effet, la conduite d’un indivi-du n’est pas tant liée à ses opinions et ses idées, qu’à ses actes au sein du groupe. La discussion constitue ainsi un puissant outil de mobilisation : inciter un individu à échanger le conduit à se sentir directement concerné, à devenir plus actif et plus réceptif au changement. C’est le principe de la Réunion Tupperware ! A l’inverse, l’information et l’exhortation n’ont que peu d’impact sur les comportements individuels.

En entreprise, la théorie de l’engagement fournit de précieuses clés de compréhension des processus de changement. Elle permet de réaliser que le changement ne se décrète pas, et que s’il est contraint, il a de grandes chances de se solder par un échec. C’est ce qui explique le succès des démarches participatives et autres groupes de travail, qui exploitent pleinement le poids de l’engagement public à changer. Car les collaborateurs ne sont jamais passifs : sans leur implication, les changements ne peuvent avoir lieu… Le succès de la transformation organisationnelle sera donc très lié au sens qu’ils trouveront dans le projet, et à leur volonté d’adopter les nouveaux modes de collaboration et de travail qui leur sont proposés.

FaIRE évOlUER lEs NORmEs D’UN GROUpE, UNE DémaRCHE EN DEUx TEmps :

Décristallisation des normes de groupe

Discussions de groupe, pour conduire les individus à prendre conscience des normes collectives et à s’en affranchir

Recristallisation sur un nouveau point d’équilibre

Via une démarche dans laquelle tous concourent à la définition de nouvelles normes et d’un nouveau point d’équilibre.

1

2

Forces opposéesau changement

Forces favorablesau changement Point d’équilibre

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 26

L’association des collaborateurs au projet, un élément déterminant de l’acceptation sociale

La communication, la concertation, la consultation sont de formidables moyens de faire partager le projet et de ne pas donner le sentiment d’une décision bouclée d’avance. Plus les salariés seront impliqués, plus ils prendront

d’initiatives pour faire évoluer le projet, plus ils se l’approprieront : les acteurs du changement doivent en être les auteurs.

27 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

La théorie de l’engagement appliquée à l’entreprise permet de comprendre que l’association du collaborateur à la réflexion est un moyen de l’inciter à adopter une attitude positive envers les changements qui lui sont proposés. En effet, comment imaginer que des changements voulus par des décideurs puissent réus-sir sans les acteurs de leur mise en œuvre ? Ceci d’autant plus que le collaborateur, qui évolue et travaille dans les bureaux au quotidien est à n’en pas douter le mieux positionné pour faire émerger ses besoins en matière d’environnement de travail. Des études conduites sur ces sujets révèlent que les salariés qui sont associés aux décisions de changement concernant leur environnement de travail affichent un niveau de satisfaction nettement supérieur aux autres.

L’enjeu en matière d’acceptation du changement réside donc dans la « vente » du projet : il s’agit de montrer aux collaborateurs que leur avis compte, que leurs besoins sont au cœur de la réflexion, et que leurs intérêts individuels sont pré-servés. Et la démonstration sera d’autant plus probante qu’ils auront été associés aux réflexions.

Par ailleurs, les projets immobiliers sont pour les dirigeants une occasion inestimable d’ouvrir le dialogue avec leurs collaborateurs et de « créer du lien » entre collègues. Une formidable opportunité, donc, de faire grandir la confiance entre les acteurs, condition indispensable à la réussite de la transformation organisationnelle sur le long terme. Car pour que s’établissent de nouveaux modes relationnels, pour que s’inventent de nouveaux équilibres sociaux, pour que s’imaginent de nouveaux lieux, supports à de nouvelles pratiques de travail, une relation de confiance est indispen-sable. Le changement bien conduit est à n’en pas douter celui dans lequel écoute et communication transparente sont de mise, pour offrir à chacun l’opportunité de prendre part à la recherche collective de solutions. C’est cette mobilisation, la plus large possible au sein de l’entreprise, qui permettra d’allier efficacité économique et efficacité sociale du pro-jet, en offrant un terrain favorable au développement de nouveaux apprentissages, de nouvelles compétences et de nouvelles coopérations… créant ainsi les conditions d’une véritable « bascule » humaine et organisationnelle.

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 28

d’acoustique, de lumière et de climatisation, organisés sans logique organisationnelle véritable ni cohérence de mobilier, n’intégrant pas d’espaces de réunion ou de confidentialité. La rentabilité au mètre carré semblait l’avoir emporté sur le bien-être. Les problèmes de flux, de concentration et d’ergo-nomie étaient criants, et les documentalistes qui y travaillaient avaient le sentiment d’être laissés pour compte, et s’en

Dominique Delattre, pouvez-vous nous décrire en quoi a consisté votre projet de transformation ? Quels en étaient les enjeux ?

Notre Direction des Collections est au cœur du métier de l’INA. Elle réunit une phonothèque, historiquement située à la Maison de la Radio dans le 16e arrondissement de Paris, une photothèque et une vidéothèque, toutes deux regroupées au sein de notre siège social localisé à Bry-sur-Marne. A l’initia-tive de notre projet, qui date de 2011, il y avait la volonté de regrouper ces trois thèques, avec à la clé des enjeux business évidents, dictés par notre Direction Générale. D’abord, favoriser les échanges entre les trois thèques, afin de faciliter la gestion des équipes (en incitant les documenta-listes à devenir plus polyvalents et en créant des passerelles). Ensuite, mutualiser et harmoniser les process, afin d’« industrialiser » le traitement des contenus audiovisuels.

En termes humains, cela impliquait d’être en mesure d’accueillir sur nos plateaux de Bry-sur-Marne les effectifs de la phonothèque, soit 1/3 d’effectifs en plus dans les mêmes locaux (150 personnes à faire travailler ensemble). Ce projet soulevait des problèmes sociaux importants, les documentalistes de la photothèque étant très attachés à leur site historique. En abandonnant leurs bureaux cloisonnés de deux personnes, voisins de la Maison de la Radio, ils avaient le sentiment de s’éloigner de leur cœur de métier, et de leurs clients… A cela s’ajoutait la piètre qua-lité des plateaux de Bry-sur-Marne, qui dataient des années 2000 mais ressemblaient étrangement à des open-spaces des années 1980 : des plateaux nus, défaillants en matière

Nous avons impliqué les collaborateurs et les IRP au sein d’un groupe projet, ce qui rompait avec les pratiques de l’INA. Il s’agissait de construire un partenariat fondé sur la confiance et l’intelligence collective, en nous focalisant sur la réponse aux besoins, et non aux désirs. Dominique Delattre

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TémOIGNaGE ENTREpRIsEInterview de Dominique Delattre, Responsable de l’Environnement de Travail, INA (Institut National de l’Audiovisuel)Michel Tosi & Jean-Julien Urbain, Consultants pour l’INA (respectivement chez EMA Scop et Ester Organisation)

la CONFIaNCE ET l’INTEllIGENCE COllECTIvE aU sERvICE DE la TRaNsFORmaTION

© INA - ESTER - EMA

© INA - ESTER - EMA

29 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

plaignaient régulièrement. L’INA étant une entreprise publique, le risque de blocage du projet de rapproche-ment du site parisien par les IRp était grand. pour les services Généraux et la Direction des Collections, le mot d’ordre était clair : conduire le rapprochement sans faire de vagues, et dans une enveloppe budgétaire restreinte.

Dans ce contexte, comment avez-vous conduit le changement ? En quoi était-ce novateur par rapport aux « méthodes » traditionnelles de l’INA ?

Le regroupement devait initialement se faire en 6 mois ; nous en avons négocié 18, avec un accompagnement sur la transition vers les nouveaux locaux et les nouveaux modes de travail.

Nous avons voulu mettre le collaborateur au centre de notre réflexion, en travaillant sur le ressenti : en identi-fiant ce qu’il percevait de ses conditions de travail actuelles et ce à quoi il aspirait en matière d’organi-sation et de fonctionnement. Selon la méthodologie d’Ester-Ema, nous avons constitué un groupe projet de 16 collaborateurs volontaires. Chacun avait une mission précise. Certains ont travaillé sur une enquête utilisateurs, visant à avoir la vision la plus juste possible des perceptions de l’environnement de travail : l’enquête était administrée en face à face, par les membres du groupe de travail eux-mêmes. D’autres réfléchissaient sur les questions d’ergonomie, de mobilier, etc. Nous avons également impliqué les IRp, ce qui était novateur à l’INA, où traditionnellement les élus étaient impliqués en fin de processus, une fois le projet bâti… ce qui se soldait le plus souvent par des avis défavorables. Le deal était clair : nous leur proposions de les associer

A compter du moment où il a compris qu’on va l’écouter et tenir compte de ses attentes, le collaborateur se montre extrêmement raisonnable ! Il est prêt à rechercher des idées en tenant compte des contraintes techniques et budgétaires de l’entreprise. Dominique Delattre

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en amont, et donc de peser sur le projet, à condition qu’ils se mettent dans la peau du Comité Projet, et qu’ils modifient le rapport institutionnel classique.

Quel bilan dressez-vous de cette expérience ?

Aujourd’hui, l’espace de travail des trois thèques a pu être réduit d’un tiers. Les bureaux sont ouverts et partagés, avec des cloisons vitrées. Tous les postes de travail sont en premier jour, tandis que les espaces techniques, de réunion et de repos sont au centre. Le mobilier est neuf et adaptable à toutes les morphologies. Il n’y a plus de course aux bonnes places. Il y a moins de bruit et plus de respect. L’environnement est plus convivial.

© INA - ESTER - EMA

© INA - ESTER - EMA© INA - ESTER - EMA

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 30

Au départ, les gens étaient attentistes, ils se montraient méfiants, ils ne voyaient pas où on voulait en venir… Puis, lorsqu’ils ont compris le principe de la démarche, ils ont cru que la Direction Générale ne suivrait pas. Pourtant elle nous a fait confiance ! Et, très vite, cette méthode participative nous a permis d’enclencher une série d’avis favorables du CHSCT.

Les préconisations du groupe de travail ont permis de formuler 3 propositions d’aménagement qui ont été validées sur le plan technique par les Services Généraux, puis par la Direction. Ces propositions ont fait l’objet d’une restitution à plusieurs voix, voulue et portée par le groupe de travail. Au final, elles ont recueilli 92% d’adhésion de la part des populations de documentalistes concernées.

Les participants au groupe de travail ont ressenti une véritable fierté liée au fait d’être porteurs du projet. Nous avons même eu envie de monter un film pour instituer cette méthode de conduite du changement au rang de « best practice », et la majorité a accepté de témoigner. Cela a incité d’autres directions de l’entreprise à souhaiter le même type d’accompagnement…

Michel Tosi, Jean-Julien Urbain : vous qui avez accompagné l’INA dans cette démarche, pouvez-vous nous dire quelques mots sur les grands principes de la méthode adoptée ? Qu’est-ce qui, selon vous, a été particulièrement bien réussi chez votre client, pour accompagner la transformation de l’entreprise ?

Les clés de la réussite de ce projet ont résidé dans…

• La transformation d’un sujet technique en projet humain : l’objectif n’était pas la rationalisation de l’espace, mais le regroupement et le bien-être des équipes dans leur travail au sein de l’open-space. Avec l’intention forte de positionner le collaborateur et son vécu au cœur de la réflexion. De ce fait, les premières réunions permettent de libérer la parole ! Car un projet immobilier révèle souvent d’autres enjeux , dans le cas de l’INA il y avait un contexte peu favorable au changement, avec des craintes liées à un déménagement éventuel vers un nou veau site, l’arrivée d’un nouveau président, une refonte en cours de la convention collective….

• La transparence du débat : nous avons présenté aux collaborateurs le périmètre d’intervention dans lequel ils devaient inscrire leur réflexion, en étant au clair sur les limites techniques, technologiques et budgétaires imposées par la Direction ;

• La confiance et la création de lien. Entre les collabora teurs, d’abord : à travers l’opportunité pour des occupants de sites différents de se découvrir, car finalement ils ne se connaissaient pas. Et, plus généralement, entre l’entreprise et les salariés : les projets de transformation sont en effet une occasion exceptionnelle de rétablir la confiance entre les deux parties.

- Le partage du savoir entre le collaborateur (qui fait part de son vécu et de ses besoins) et les intervenants (dont le rôle est de transformer les perceptions exprimées en projet concret et réalisable). Parce que le savoir se multiplie en se partageant ! C’est ce qui garantit la lisibilité et la crédibilité des solutions proposées. Une démarche forcément délicate, puisqu’elle dépossède les « sachants » du monopole de l’expertise… au profit des ressentis des usagers.

• Finalement, la synergie collective, fondée sur la mobilisa tion de toutes les énergies autour d’un projet majeur pour l’entreprise, pour les faire converger ; les acteurs deviennent auteurs des transformations !

© INA - ESTER - EMA

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31 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

changement est d’autant plus fluide, et la transformation d’au-tant plus ambitieuse, que l’on a engagé, tôt au démarrage du projet, un dialogue constructif avec les IRP. L’enjeu : faire de ces dernières des partenaires plutôt que des adversaires, en les incitant à endosser le rôle de l’équipe projet, plutôt qu’en les laissant se retrancher dans une posture d’opposition de principe à la Direction.

Même les projets les plus beaux « sur le papier » requièrent d’être accompagnés, tant au niveau individuel que collectif. La conduite du changement est un élément essentiel de réussite. A la clé, une transformation plus aboutie et plus rapide, qui suscite l’adhésion tout en minimisant les pertes de productivité.

vis-à-vis des collaborateurs, comme des IRp, le constat est similaire : les tenir à distance risque de mettre en péril le projet - en le retardant, en le bloquant ou en ne lui permettant pas d’être aussi transformant que désiré… D’un point de vue stratégique, il est donc dans l’intérêt de l’entreprise d’associer le plus en amont possible les différentes parties prenantes du projet.

la spécificité du projet immobilier en matière de changement, c’est probablement le rôle très particulier des instances représentatives du personnel : compte tenu de l’impact de ce type de transformation sur le quotidien des collaborateurs, la loi exige en effet d’impliquer les IRP dans le processus de décision, dotant celles-ci d’un véritable pouvoir de négociation, voire de blocage, dans les projets.

L’association des élus du personnel à la réflexion constitue donc un point déterminant de la réussite des mues immobi-lières. Tandis que dans beaucoup de projets la tendance est à la présentation aux IRP d’une solution « toute faite » en bout de course, qui court le risque d’être retoquée, il ressort des expériences les plus réussies que le processus de

L’accompagnement au changement dans un projet immobilier

L’IMPLICATION DES COLLABORATEURS DANS LES PROJETS EST ENCORE RéDUITE

Trois niveaux de participation

1 / L’information : il s’agit d’une démarche exclusivement descendante (« top-down ») : le porte- parole du projet explique ce qui a été décidé.

2 / La consultation : cette dernière permet de « prendre la température » concernant les attentes et les besoins. Elle permet également de « tester » les pistes de solutions envisagées.

3 / La participation : elle est fondée sur l’implication des collaborateurs et/ ou des IRP dans le processus de décision. Il s’agit à n’en pas douter de la démarche la plus mobilisante et motivante, puisqu’elle dote les parties impliquées d’un certain pouvoir de négociation et d’influence, leur permettant de peser sur l’orientation du projet.

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 32

En matière de participation des collaborateurs à la ré-flexion, les entreprises restent frileuses et mal préparées. Sur ce sujet, notre grande enquête sur les déménagements d’entreprise est édifiante : si les efforts d’information sont manifestes, la consultation est peu fréquente et les démarches de participation et de co-création véritables restent quant à elles très exceptionnelles dans les projets immobiliers. En effet, si les positions de principe – des collaborateurs comme de leurs dirigeants – tendent à se situer en faveur de l’implication

des salariés dans ce type de projet, dans les faits, les freins et les réticences au déploiement effectif de ces démarches restent nombreux. A cela, quatre raisons essentielles. Avant tout, la frilosité : de nombreux porteurs de projets reconnaissent leur crainte d’ouvrir « la boite de Pandore ». Ensuite, et de façon beaucoup plus pragmatique, le manque de ressources : en compétences, en temps et en budget.

33 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

Compte tenu des délais, on ne pouvait pas prendre en compte tous

les besoins et attentes des différentes direc-tions. Les enjeux de rapidité étaient plus im-portants que tout le reste. Dans ce contexte,

il faut accepter de ne pas pouvoir faire les choses parfaitement.

Il faut vraiment travailler la partie communication. On

se dit que ça prend beaucoup trop de temps sur le coup, mais ensuite

on se rend compte que c’était essentiel.

Si on avait eu plus de temps, on aurait impliqué plus

les collaborateurs pour leur permettre de bien investir les locaux, leur laisser plus le choix et plus d’initiative pour

se positionner.

Donner trop de liberté, ça complique le projet. Il y a des

discussions, des négociations…

paroles de DRH et de Directeurs Immobiliers au sujet de leur dernier projet immobilier :Source : Enquête JLL et CSA, « Déménagement d’entreprise : sous les cartons, la performance ! », 2013

paROlEs D’ENTREpRIsEDominique Delattre, Responsable de l’Environnement de Travail

« Le temps est un paramètre essentiel dans les projets de transformation de ce type : même si on a le sentiment de prendre du retard, il est primordial de disposer de temps pour conduire le changement. Parce que l’appropriation et le vécu se construisent dans le temps, et parce que sinon on le paie en baisse de motivation et en perte de productivité. En définitive, prendre du temps c’est en gagner ! »

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 34

LES CLéS D’UN PROJET DE TRANSFORMATION RéUSSIE

3 leviers d’influence essentiels mis en avant par les psychologues et les sociologues

• L’habeas Emotum ou Intelligence émotionnelle 1

Littéralement : « Aies tes émotions ! ». L’émotion liée à un chan-gement peut être gérée de façon positive et se muer en motiva-tion et en dynamique favorable au projet de transformation. Mais pour cela, elle ne doit pas être occultée : les porteurs de projet doivent la reconnaitre, l’accepter et la gérer. « L’intelligence... » émotionnelle » est un ingrédient indispensable à la réussite des projets.

• Le débat conceptuel

Instaurer un débat constitue un excellent moyen de faire tomber les craintes et les appréhensions, pour inciter les gens à faire évoluer leurs comportements. En matière de changement, la pédagogie est essentielle. En répondant aux questions, elle permet de dépasser les opinions et les représentations communément admises, pour construire de nouveaux équilibres, de nouveaux modes relationnels et de nouvelles réalités. Le projet de transformation réussi est celui qui fait évoluer l’entreprise toute entière.

1 Daniel Goleman, Emotional Intelligence :Why it can matter more than I.Q. ?, 1995

35 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

Perspectives : les ingrédients indispensables à une transformation immobilière réussie

• L’effet pygmalion ou prophétie auto-réalisatrice2

Les sociologues mettent en avant le rôle déterminant de nos re-présentations sur nos actes effectifs. Ils révèlent que le comporte-ment des individus est plus lié à la perception qu’ils ont de la réali-té qu’à la réalité elle-même. L’idée a été appliquée au domaine du management3 , pour montrer que l’image qu’un collaborateur a de lui et de son manager est essentielle, et qu’il tend le plus souvent à faire ce qu’il croit que ce dernier attend de lui. Le changement bien conduit est donc celui qui responsabilise le collabora-teur, en faisant de lui un ambassadeur du projet.

paROlEs D’ENTREpRIsEMarie-Cécile Lebard, Directrice Responsabilité Sociétale de l’Entreprise

« Dans l’animation de projet, on ne fait jamais les choses ‘contre’ les gens. Passer en force peut donner le sentiment d’un ‘quick win’ mais a de grandes chances de ne pas fonctionner sur le long terme. Le challenge est donc d’arriver à faire bouger les choses, tant auprès des collaborateurs, que des managers et des dirigeants. »

1. Conduire un « audit » de la situation

2. Se donner les moyens de son ambition

3. Sponsoriser le projet

4. Traduire la vision en termes opérationnels5. « Vendre » la vision à l’ensemble des collaborateurs

6. Saisir cette occasion pour écouter et recréer du lien

éTAPE 1 : pRépaRER aU CHaNGEmENT

7. Offrir des repères

8. Faire des acteurs, les auteurs des solutions

9. associer les IRp en amont, pour en faire des partenaires du changement

10. Accompagner via des formations

11. Et toujours communiquer !

éTAPE 2 : CONDUIRE lE CHaNGEmENT

éTAPE 3 : FaIRE vIvRE lE CHaNGEmENT

12. Rester à l’écoute et accompagner

13. mesurer l’efficacité du changement

14. Partager le bilan en mettant en avant la réussite collective

15. Suivre dans le temps, en re-diagnostiquant régulièrement

2 Robert King Merton, Social Theory and Social Structure, 1950. 3 J. Sterling Livingston, “Pygmalion in Management”, Harvard Business Review, 1969

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 36

1ER éTapE : pRépaRER aU CHaNGEmENT

Conduire un « audit » de la situation sociale pour identifier les freins et moteurs du projet. Procéder à un état des lieux du fonctionnement de l’organisation : forces et faiblesses ? Niveau de satisfaction et attentes des collabora-teurs ? Motivation et aptitude à changer ? Il s’agit de dresser un panorama des différents points de vue, afin de prendre conscience des écarts de visions. Objectif : identifier les freins et les nœuds de tension, par opposition aux « facilitateurs », sur lesquels on va pouvoir s’appuyer. Pour cette phase de diagnostic, une consultation peut être conduite. Groupes de travail, enquête en ligne, inter-views sont autant de moyens de sonder les styles de travail et les comportements, afin de cerner les points forts et les failles de l’environnement de travail actuel. Une démarche qui peut permettre de sensibiliser les équipes au besoin de changement et de les impliquer dans le processus de trans-formation. Ce diagnostic initial peut également constituer un « point 0 », qui pourra être confronté à un « point 1 » à l’issue du projet.

Se donner les moyens - temps, ressources humaines et budgétaires - de son ambition. Prendre conscience de l’in-vestissement nécessaire pour mener à bien le changement.

Sponsoriser le projet au plus haut niveau, via une véri-table implication de la Direction Générale - disponibilité, budget et soutien inconditionnel.

Traduire la vision en termes opérationnels, afin de s’assurer du relais du middle management. Il s’agit d’im-pliquer les managers intermédiaires dans la mise en œuvre du projet, pour gagner son adhésion. Les inciter à adopter une posture proactive plutôt que défensive, en faisant d’eux les porteurs du projet. Par exemple, en les accompagnant dans la définition et l’adoption des modes de management adaptés aux nouveaux espaces, par le biais de formations dédiées.

« Vendre » la vision à l’ensemble des collaborateurs, en instaurant une communication authentique, indispen-sable à la confiance. Il s’agit de répondre aux questions et aux doutes en toute transparence, et de mettre en avant les atouts du projet.

Saisir cette occasion d’échange pour écouter et recréer du lien. En abordant le projet immobilier par son prisme humain, et en positionnant le collaborateur au cœur de la réflexion. Mais en se concentrant sur les besoins plus que sur les désirs !

1. 3.

4.

5.

6.2.

2èME éTapE : CONDUIRE lE CHaNGEmENT

Offrir des repères : lorsque l’environnement change, il est précieux de pouvoir se raccrocher à des repères. Culture organisationnelle et identité métier affirmées ou encore en-cadrement de proximité ajusté constituent de bons moyens de proposer aux collaborateurs des balises pour les aider à adopter le changement qui se présente à eux.

Faire des acteurs du projet les auteurs des solutions, en les impliquant dans le processus de transformation. Par exemple, en les invitant, une fois les grandes lignes du projet établies, à participer à la création des règles de vie et des modes relationnels à développer au sein des nouveaux espaces. C’est un excellent moyen de leur permettre de faire du projet leur propre projet.

associer les IRp en amont, pour en faire des parte-naires du changement : des acteurs engagés dans l’équipe projet, plutôt que des forces de blocage qui interviennent en

fin de processus. Pour autant, ne pas laisser le risque social prendre le pas sur les objectifs premiers du projet. L’enjeu : ne pas tomber dans un consensus mou, où les décisions ne sont pas prises et où on laisse le temps filer… jusqu’à devoir passer en force et à provoquer la situation de blocage que l’on souhaitait éviter !

Accompagner via des formations. Par exemple, en formant les managers au management à distance, ou en proposant aux collaborateurs des formations aux nouveaux outils technologiques.

Et toujours communiquer ! En partageant avec tous les avancées des groupes de travail, des consultations et autres démarches participatives, pour véhiculer le sentiment que le changement est conduit de façon « bottom-up », et offre à chacun la possibilité de s’exprimer.

7.

8.

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10.

11.

37 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

3èME éTapE : FaIRE vIvRE lE CHaNGEmENT

Rester à l’écoute et accompagner, afin d’aider les colla-borateurs à trouver de nouveaux repères et à s’inventer de nouvelles routines dans le nouvel environnement

mesurer l’efficacité du changement entrepris. Etablir des indicateurs de performance, afin d’être en mesure d’appré-cier – de façon quantitative ou qualitative – l’impact sur le bien-être, l’implication, le temps de réponse, la transversalité, l’agilité, le recrutement, etc.

Partager le bilan du projet en mettant en avant la réussite collective. Notamment, en prenant soin de féliciter publiquement les parties prenantes.

Suivre dans le temps, en re-diagnostiquant régulière-ment les forces et les faiblesses du nouvel environne-ment, afin de le faire évoluer à mesure que les besoins en matière de travail et de collaboration évoluent.

12. 14.

15.13.

paROlEs D’ENTREpRIsEEmmanuel Fougère, Directeur des Achats Indirects

« Il peut exister une vraie dichotomie entre la vision d’un Comex et les strates de mana-gement intermédiaires. Il est donc essentiel d’annoncer les décisions en top-down, mais de gérer le changement en bottom-up. »

paROlEs D’ENTREpRIsEStéphanie de Haldat, Directeur de la Communication Interne

« Emménager dans de nouveaux bureaux, c’est comme changer d’appartement : on a besoin de s’approprier les lieux, de les per-sonnaliser, pour pouvoir se sentir vraiment chez soi. Un déména-gement, c’est donc autant d’accompagnement avant qu’après ! Et cela, il faut le prévoir et y être préparé. »

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 38

équipe était coordonnée par un sponsor et un chef de projet, tous deux issus des Opérations. L’équipe se composait du responsable des services généraux, le responsable métho-dologie, un représentant de la communication et l’assistante du PDG.

Nous avons également mis en place un réseau de « change agents », constitué d’un à deux représentant(s) par département. Ce groupe réunissait au total une vingtaine de personnes, que nous avons sensibilisées aux questions de conduite du changement, et qui se réunissaient régulière-ment afin de préparer le déploiement de la nouvelle organisa-tion et de faciliter l’emménagement. Ces « change agents », désignés par leurs patrons pour leurs qualités relationnelles, bénéficiaient de trois atouts fondamentaux à nos yeux : ils nous permettaient de connaître l’atmosphère de tous les départements, de prendre en compte les aspects opéra-tionnels et ils réunissaient les compétences des différents

Racontez-nous en quelques mots le contexte de votre projet immobilier…

Nous étions sur le point de vivre la fusion de deux sièges de laboratoires pharmaceutiques : MSD-Chibret et, Schering-Plough (SP) qui réunissaient 550 individus. Chaque laboratoire avait sa propre culture d’entreprise et sa localisation (l’avenue Hoche dans le 8e arrondissement de Paris pour MSD-Chibret et La Défense pour SP). Il fallait que les nouveaux bureaux concrétisent la fusion et la nouvelle culture d’entreprise, en incitant les gens à travailler ensemble, sans rupture dans la conduite de nos activités. Lorsque notre choix s’est porté sur un regroupement à Courbevoie, il a fallu mettre en place un accompagnement particulier pour les popu-lations de l’avenue Hoche qui avaient le sentiment d’une perte de prestige et ressentaient, pour certains, une crainte à l’égard du projet.

Comment avez-vous conduit le changement ? Quelles ont été les grands principes de votre accompagnement ?

Nous avons adopté une méthodologie de conduite du changement « bottom-up », fondée sur trois étapes essentielles :

1. L’écoute ;

2. L’évaluation des risques (risques humains, perte de vision, culture, etc.) ;

3. La formulation de propositions ad-hoc visant à minimiser ces risques.

Pour cela, nous avons constitué un « Steering Commitee », regroupant des personnalités aux profondes qualités humaines, différentes dans leur parcours et leurs expériences, riches de compétences et de points de vue complémentaires. Cette

Il est primordial de se mettre dans une posture d’écoute. Car les gens ont besoin d’être écoutés, même si nous avons refusé certaines demandes/suggestions ! En revanche, il est essentiel pour les porteurs de projet d’expliquer et d’assumer les raisons des choix et des refus. Anny Tirel et Dominique Blazy

«

»

TémOIGNaGE ENTREpRIsEAnny Tirel et Dominique Blazy, respectivement Chef de Projet et Sponsor du Projet Déménagement, Département Médical

l’ImpORTaNCE DE l’éCOUTE ET DEs « RElaIs D’INFlUENCE »

39 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

départements (RH, informatique, communication, etc.) qu’ils ont su mettre au service des solutions que nous concevions ensemble.

• Leur première mission consistait à faire remonter les feedbacks. Chaque réunion démarrait par les mêmes questions : « Quelle est l’atmosphère ? Quelles sont les inquiétudes ? ». Nous partagions ensuite régulièrement avec le Comité de Direction les feed-backs et les propositions de l’équipe. Nous avons ainsi pu identifier les besoins en matière de management de proximité, de présentations, de supports d’information complémentaires comme les forums de questions-réponses, les visites sur site, etc. Avec chaque fois une ligne directrice : la volonté de réduire les fantasmes et de mettre en avant les aspects positifs du projet (ex : l’aménagement plus qualitatif, la lumière, l’offre de services de La Défense, la modernité, la fierté d’appartenance à une entreprise impliquée dans le Développement Durable, etc.).

• Nous avons également fait réfléchir les « change agents » à la meilleure façon de déployer la nouvelle organisation. Nous les avons incité à partager leurs idées, et avons ainsi pu créer de nouveaux outils, comme par exemple les « fiches de passation d’activité » - des outils à la fois très simples et très utiles pour accompagner la transition vers la nouvelle structure.

Racontez-nous quelques initiatives qui ont bien fonctionné…

Un événement « Bye-bye Hoche ! », à la demande des col-laborateurs et du CHSCT. Il s’agissait d’aider les gens à faire leur deuil de l’ancien site, de leur montrer que nous étions conscients de ce que cela représentait pour eux… mais nous

Le réseau des ‘change agents’ a finalement été une excellente façon de tisser les premières connexions entre les collabo-rateurs issus des deux entreprises : c’était un bon moyen de démystifier la fusion, en réalisant que ‘finalement, les autres sont comme nous !’. Nous avons été impressionnés par leur enthousiasme et leur engagement.Anny Tirel et Dominique Blazy

« »

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 40

avons voulu le faire avec légèreté et humour ! Nous avons organisé une séquence « photos d’archives », qui retraçait l’historique de MSD-Chibret dans ces locaux, puis nous avons organisé un quiz et un discours de notre président.

Des journées « Rangement », pour inciter les collaborateurs à faire le tri dans leurs dossiers et leurs placards. Chacun avait un tablier, nous avions fait venir un orchestre de jazz…

Un événement d’accueil, le jour de l’arrivée dans les nou-veaux bureaux. Avec des hôtesses qui guidaient les salariés depuis leur arrivée à la station de métro jusqu’aux locaux, un petit déjeuner d’accueil, un cadeau distribué à chacun, des stands bios, un bar à oxygène, des séances de massage, un orchestre... Il s’agissait de marquer le coup, pour associer le nouvel espace à un lieu de travail et de vie agréable.

Pour conclure, quelles sont selon vous les « recettes » d’un accompagnement réussi ? En matière de direction de projet d’abord ?

Un « sponsorship » fort et déterminé est indispensable. Le projet doit être porté par une volonté forte émanant de la Direction de l’entreprise, afin de fixer les règles dès le départ. Dans notre cas, notre Président Directeur Général a su mettre son charisme et sa détermination au service du projet, se montrant disponible chaque fois que cela était nécessaire. Cela a été une vraie force.

La disponibilité est effectivement un paramètre essentiel pour toutes les parties prenantes, ainsi que la capacité à faire preuve de flexibilité, pour pouvoir s’adapter aux imprévus. Il est également appréciable de disposer d’une marge de manœuvre budgétaire.

Le projet doit ensuite être conduit par une « dream team » à la fois humaine et efficace. Des personnalités sachant aller vers les autres sans porter de jugement. Des individus volontaires et enthousiastes, car un projet de ce type requiert énergie et temps. Il apporte aussi énormément aux contributeurs de cette aventure humaine.

L’accompagnant externe, quant à lui, doit être totalement intégré l’équipe projet interne : il s’agit de s’inscrire dans une démarche collégiale, afin de faire front ensemble, notamment en cas de difficultés et de tensions. Cela permet de constituer une alchimie gagnante entre expertise de l’ac-compagnant et détenteurs de la culture d’entreprise.

Quel que soit le niveau des participants (steering com-mitee ou change agents) la diversité des parcours et des profils (âge, métier, expérience) est essentielle. Elle positionne les individus dans une attitude d’écoute et d’échange, dans un rôle de facilitateurs, soucieux de ne pas défendre leur simple intérêt personnel, mais celui des popula-tions qu’ils représentent.

« Have fun » car la pression peut être forte : il est donc très important de conserver un certain sens de l’humour !

41 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

Et vis-à-vis des collaborateurs ?

Il est primordial de se mettre dans une posture d’écoute, car les collaborateurs ont besoin de sentir qu’ils sont écoutés. Etre à l’écoute, c’est par exemple ce qui a motivé notre décision de permettre aux collaborateurs de placer leurs bureaux au sein des espaces comme ils le voulaient (dans le respect des normes de sécurité !). Même si cela avait un coût, nous trouvions important de leur offrir cette possi-bilité de s’approprier leur nouvel espace. Et notre démarche s’est avérée gagnante : lors de la présentation du projet final au CHSCT, nous avons été applaudis ! Les élus du personnel ont senti l’effort qui était fait par la Direction pour les accom-pagner ; ils ont compris qu’il ne s’agissait pas d’une posture. Nous nous sommes réellement efforcés de répondre aux demandes raisonnables, tout en argumentant nos refus.

Pour autant, il s’agit de trouver le bon équilibre entre empathie et fermeté. Nous insistions sur ce point auprès des « change agents », afin de leur expliquer qu’être à l’écoute ne signifiait pas se transformer en psychologues, DRH ou repré-sentants syndicaux ! L’enjeu était double : rester déterminé et maintenir la logique du projet.

Le changement, c’est tout le temps ! • Advance 42

En guise de conclusion, et à la lecture de ces témoignages, il semblerait que l’immobilier fasse définitivement des infidé-lités à son étymologie : loin d’être immobile, l’immobilier est vecteur de changement !

Il ressort en effet de nos entretiens que la refonte des bureaux d’une entreprise est indéniablement un catalyseur de la trans-formation organisationnelle. Si cette dernière est bien pensée et bien accompagnée, les nouveaux bureaux ont le pouvoir, bien plus que de refléter le changement, de véritablement lui donner corps.

Mais pour que ce changement ne soit pas qu’un trompe-l’œil, pour qu’il se traduise par une transformation en pro-fondeur des modes de pensée, de travail et de management, il est indispensable de bien le préparer, et de bien l’accom-pagner dans le temps. Parce que le changement c’est autant de travail avant qu’après ! La résistance au changement n’est pas une fatalité et même les situations les plus délicates sur le plan social peuvent être dépassées : pour éviter les situations de blocage avec les salariés et les IRP, la clé du succès réside dans la « vente du projet », via l’implication et la mobilisation de tous les « étages » de l’entreprise. Il s’agit d’installer le dialogue et d’adopter une posture d’écoute et de respect. Même si toutes les attentes ne peuvent être satisfaites, il faut savoir les écouter et y répondre, afin de permettre à chacun de s’approprier le projet…et afin de réunir, in fine, les conditions d’une réussite collective.

Alors, bon vent, et bon changement !

Conclusion

43 Le changement, c’est tout le temps ! • Advance

« Le changement, c’est tout le temps ! L’immobilier, reflet et levier du changement »

www.jll.fr

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