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L'impact du risque industriel sur l’immobilier

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Comment les marchés immobiliers réagissent-ils à la proximité d’une usine dangereuse. Depuis une quinzaine d’années – l’affaire de Seveso n’y est pas étrangère – la politique de gestion des risques industriels a mis l’accent sur la « maîtrise de l’urbanisation » autour des implantations afin de limiter les conséquences d’un accident éventuel sur la population environnante.

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L’impact du risque industriel

sur l’immobilier

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LES PUBLICATIONS DE L’ADEF

Aménagement foncier : les risques, 1995, préface de R. Rossi, 160 p. (165F).L’aménagement en questions, ss. la dir. de C. Martinand, J. Landrieu, 1996, 242 p. (175F).L’articulation du foncier et de l’immobilier, sous la direction de J.-J. Granelle, T. Vilmin,1993, 188 p. (155F).

Les associations foncières, préface de O. Piron, 1988, 181 p. (110F).La bulle foncière au Japon, N. Aveline, 1995, 256 p. (160F).Les bureaux, analyse d’une crise, I. Nappi-Choulet, 1997, 181 p. (155F).Les coûts de la croissance périurbaine. L’exemple de l’agglomération rennaise,A. Guengant, 1992, 156 p. (165F).

Un droit inviolable et sacré, la propriété, préface de J. Frébault, 1991, 367 p. (150F).L’environnement entre le maire et l’État, sous la direction de G. Jeannot, V. Renard etJ. Theys, 1990, 206 p. (120F).

État des lieux : la recherche sur le foncier, J.-J. Granelle, A. Heymann-Doat, G. Jalabert,1988, 160 p. (90F).

Évaluer un terrain. Aspects économiques et juridiques, préf. J. Comby, 1994, 219 p. (165F).Gestion foncière et opérations immobilières en Europe de l’Est - Land tenure and property

development in Eastern Europe, V. Renard, R. Acosta, 1993, 288 p. (170F).Les grands propriétaires fonciers urbains / Major urban landowners - en France, in Great-

Britain, préface de C. Chaline, 1987, 144 p. (80F).Land policy in France (1945-1990), J. Comby, V. Renard, 1990, 174 p. (115F).Politiques foncières des villes en développement, C. Farvacque-Vitkovic, P. McAuslan,1993, 160 p. (160F).

Qui doit payer la ville? préface de C. Bersani, 1996, 246 p. (180F).La règle et l’urbanisme, préface de C. Robert, 1987, 360 p. (130F).La rente foncière, préface de P.-H. Derycke, 1990, 244 p. (120F).Sécuriser l’urbanisme, préface de J.-P. Lacaze, 1997, 181 p. (155F).Sécurité et transparence des marchés immobiliers, introduction de A. Givaudan, 1992,316 p. (142F).

Le sol de l’entreprise, préface de U. Battist, 1989, 199 p. (93F).Le tourisme contre l’agriculture ? Enjeux fonciers en pays méditerranéens, préface deP. Coulomb, 1986, 360 p. (130F).

Villes africaines. Nouveau manuel d’aménagement foncier, J.-F. Tribillon, 1993, 320 p.(175F).

Politiques foncières comparées : ❒ Allemagne, C. Moreau, 122 p. ❒ Grande-Bretagne,V. Renard et T. Vilmin, 62 p. ❒ Pays-Bas, N. Dubach et V. Renard, 78 p. ❒ Espagne,Eve et T. Igonin-Leygue, 165 p. ❒ Portugal, T. Igonin-Leygue, 80 p. (90 F le docu-ment).

REVUE ÉTUDES FONCIÈRES. Quatre numéros par an pour faire le tour de l’ac-tualité, offrir une tribune aux acteurs de l’aménagement foncier, rendre compte d’ex-périences innovantes (abonnement : 380 F).

ADEF - Association des Études foncières,Grande Arche Nord, 92044 Paris La Défense Cedex 41, tél. : 01 40 81 85 35 ; fax : 01 40 81 85 39

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L’impact du risque industriel

sur l’immobilier

Laure SAUVAGE

adef

avec le concours de

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Préface

a prévention des accidents industriels est une nécessité aujourd’huireconnue par tous. Elle appelle à la fois l’adoption de dispositions tech-niques efficaces et la constitution d’une culture de sûreté appropriée

dans chacune des entreprises concernées. L’enjeu est bien entendu d’abord deprévenir les atteintes qu’un accident grave peut entraîner pour les personnes etpour l’environnement. On ne peut cependant non plus oublier le coût desconséquences d’un accident ni les implications qu’il peut entraîner pour lasurvie d’une entreprise ou d’une branche industrielle.

La prévention des risques industriels repose au premier chef sur la responsa-bilité et la capacité d’initiative des entreprises. L’objectif des pouvoirs publics,et tout particulièrement du ministère de l’Aménagement du Territoire et del’Environnement, est de mettre en place des procédures d’examen, de décisionet de contrôle qui constituent une deuxième ligne de défense mais ne doiventpas se substituer à la responsabilité des concepteurs et exploitants. La prioritépour les pouvoirs publics est double : d’une part s’assurer, le cas échéant enrecourant à des contre-expertises extérieures, que les risques ont été correcte-ment analysés et font l’objet de parades appropriées, d’autre part veiller à ceque les unités nouvelles intègrent dès leur conception les meilleures technolo-gies de prévention disponibles.

Il n’est pas douteux que le progrès technologique et la réflexion sur la cul-ture de sûreté permettent des progrès considérables, même si l’exploitationd’unités anciennes continuera d’entraîner pendant quelque dix à vingt ans desrisques qui peuvent être importants. Au demeurant, le constat des progrèsaccomplis ne doit jamais faire oublier que tout relâchement pourrait intro-duire des fragilités redoutables. L’image de catastrophes comme Bhopal ouTchernobyl s’efface progressivement dans l’opinion mais la brutalité d’un acci-dent comme celui qui a causé onze morts par l’explosion récente d’un silo decéréales doit nous rappeler que le risque nul n’existe pas, nulle part.

En dépit des efforts de prévention, l’éventualité d’un accident grave ne peutêtre exclue. L’intervention des secours peut être améliorée par l’établissementpréalable de plans d’intervention basés sur des scénarios d’accident correcte-

L

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ment réfléchis et par la mise en œuvre régulière d’exercices destinés à formerles différents personnels qui seraient impliqués dans la maîtrise des consé-quences d’un accident.

Bien entendu, éloigner les lieux habités des industries dangereuses relève dubon sens. Les risques industriels, tout comme les risques naturels, ne peuvent êtreignorés dans les décisions d’aménagement. Il ne faut pas oublier que les choixsont souvent déterminants pour une durée de l’ordre du siècle. C’est pour avoirnégligé cette obligation que notre collectivité doit gérer différentes situationsconflictuelles pour lesquelles il n’y a plus de bonne solution.

Une politique de maîtrise de l’urbanisation, telle que celle engagée enFrance ces dernières années autour des principales industries à risque, n’a desens que sur le long terme. A court terme, elle est souvent perçue comme injus-tifiée, et donc injuste. Cette politique est de plus révélatrice de conflits latents,lorsqu’elle n’est pas elle-même source de conflits.

Le mérite du travail de Laure Sauvage est double. D’une part, une compa-raison des approches française et britannique en terme de maîtrise de l’urba-nisation apporte un peu de fraîcheur au débat en soulignant les caractéris-tiques propres à chaque pays. A travers la description des mécanismes decontrôle et de gestion de l’espace surgit une question fondamentale : quelniveau de risque reste acceptable?

Cet ouvrage constitue d’autre part la première étude rigoureuse, précise, per-mettant d’apprécier les effets d’une telle politique sur les marchés fonciers etimmobiliers. La situation autour de quatre sites industriels est examinée endétail pour en dégager les principales tendances sur les marchés immobiliers.

Au-delà des chiffres et des passions sur ce sujet, il faut rappeler que la maî-trise de l’urbanisation ne représente qu’une composante de la politique menéepour réduire les risques. Elle a le mérite d’initier un débat public indispen-sable en matière de sécurité industrielle, de souligner l’impératif de la concer-tation et de rappeler à chacun ses responsabilités.

Philippe VesseronDirecteur de la prévention des pollutions et des risques,

Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement

Préface 5

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Remerciements

Ce livre fait suite à une thèse de doctorat portant sur l’impact des

industries à risque sur les marchés fonciers et immobiliers urbains,

soutenue à l’université Paris XII Val-de-Marne, Institut d’urbanisme

de Paris, en juin 1996. A cette recherche, ont été associés, notam-

ment, des représentants de l’industrie et de l’administration :

– la Société du pipeline Méditerranée-Rhône, filiale commune de

compagnies pétrolières, a participé à ce travail par la voie d’une

convention CIFRE, afin d’obtenir des données objectives pour mieux

gérer l’insertion des industries à risque dans leur environnement

urbain ;

– les études de terrain ont été menées en 1993 dans le cadre d’une

commande passée à l’ADEF par le ministère de l’Environnement

(Service de l’environnement industriel), responsable de la politique

nationale de maîtrise de l’urbanisation autour des industries à

risque.

Ces partenaires ont apporté leur concours à cette publication.

Qu’ils en soient ici remerciés.

Laure Sauvage

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Introduction

a notion de « risque industriel majeur » est apparue au cours

des années 70 dans les pays industrialisés, alors que mon-

taient les préoccupations sociales pour les questions d’envi-

ronnement. Les situations de risque majeur sont nées de l’imbrica-

tion entre les progrès technologiques accomplis depuis la seconde

guerre mondiale, l’augmentation des capacités de production et l’ac-

célération de l’urbanisation. Les agglomérations sont venues enser-

rer les sites industriels même les plus isolés, exposant des popula-

tions plus nombreuses à des risques d’accidents certes moins pro-

bables qu’auparavant mais bien plus importants. A l’exclusion du

nucléaire, qui constitue à lui seul un risque de nature particulière,

ces risques dits majeurs proviennent surtout de l’industrie chi-

mique, pétrochimique, pétrolière et gazière.

Les difficultés de cohabitation entre les installations à risque et la

ville qui en ont résulté, ont eu des impacts financiers croissants, sup-

portés selon les cas par les industriels, la collectivité ou des particu-

liers. La compagnie Dow Chemical a par exemple payé, en 1991, le

déménagement d’un village de trois cents habitants situé à proximi-

té immédiate d’une de ses usines chimiques en Louisiane. Sans aller

jusqu’à cet extrême, en France, des exploitants ont été conduits à

dépenser des millions de francs ces dernières années pour confiner

leurs stockages de produits toxiques ou enterrer leurs réservoirs de

gaz liquéfié, afin de réduire les conséquences sur le voisinage d’un

éventuel accident.

A la suite de catastrophes industrielles, des règles juridiques visant

à maîtriser la relation entre les risques majeurs et leur environne-

ment urbain ont été peu à peu mises au point. Ainsi en France, l’in-

cendie puis les explosions de sphères de propane à la raffinerie de

Feyzin en 1966, qui firent dix-neuf morts, ont marqué le début d’une

série de modifications juridiques qui ont abouti en 1976 à la formula-

tion de la loi relative aux « installations classées pour la protection de

L

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l’environnement». Au cours des années 80, cette législation a été pro-

longée par l’établissement d’une politique de maîtrise de l’urbanisa-

tion autour des industries à risque. Celle-ci est fondée sur l’inscrip-

tion dans les plans d’occupation des sols (POS) de zones « de protec-

tion» correspondant à l’étendue des conséquences graves d’un éven-

tuel accident majeur, où la construction est limitée, voire interdite.

Ces modifications des règlements locaux d’urbanisme sont menées

soit par les communes, soit par l’Etat en cas de désaccord de celles-ci.

Dans la même période, l’Angleterre mettait en place les moyens de

contrôler, par le droit de l’urbanisme, l’aménagement des abords

d’une installation à risque. La Communauté européenne enfin, qui

avait adopté en 1982 une directive dite «Seveso» pour la maîtrise des

risques d’accidents industriels majeurs, a introduit, dans une révi-

sion de décembre 1996 (Seveso II), l’objectif d’un contrôle du déve-

loppement urbain dans les sites exposés.

La relation entre la ville et l’industrie pourrait se trouver profon-

dément modifiée par ces innovations juridiques et les changements

de mentalités dont elles procèdent. L’identification des sites à risque

et les mesures prises pour limiter l’aménagement des terrains expo-

sés pourraient affecter la valorisation des espaces urbains concernés.

Les marchés fonciers et immobiliers locaux encaissent en effet à la

fois les modifications des règlements d’urbanisme et les fluctuations

de l’opinion publique attachée à la qualité du site industriel.

Certains signes témoignent de ces perturbations des marchés. Il en

est ainsi de la dégradation accrue des maisons et la multiplication

des squats à proximité d’une usine de production d’ammoniac à

Waziers (Nord), du déplacement d’un projet de supermarché en

dehors de la zone de protection de la plate-forme pétrochimique de

Carling (Moselle), de l’affectation partielle d’une zone commerciale

voisine de dépôts d’hydrocarbures à des stockages divers à Puget-

sur-Argens (Var)…

Les conséquences économiques de la mise en place de zones de pro-

tection autour des industries à risque, ou souvent la simple crainte

qu’elles entraînent des dévalorisations foncières ou immobilières,

ont suscité résistances et polémiques locales.

Lorsque la zone de protection est venue contrecarrer des perspec-

tives d’aménagement, les conflits d’intérêt pour l’utilisation des ter-

rains urbains ont abouti au rejet de l’industrie par les riverains et

leurs élus. La localisation et l’existence même de l’activité indus-

trielle ont ainsi été mises en cause. La solution consistant à geler les

usages des terrains voisins des installations à risque existantes dans

des « zones tampons » désaffectées, n’a alors fait qu’exacerber les

effets du syndrome NIMBY1.

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1. «Not in my backyard» (« pas dans mon jardin »).

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Dans d’autres cas, la politique de maîtrise de l’urbanisation s’estajoutée à un contexte urbain déjà particulièrement dégradé. Elles’est trouvée en décalage complet avec les problèmes sociaux et éco-nomiques des habitants de la commune, et le discours tendant àl’éloignement des populations par rapport au risque industriel estapparu incompréhensible pour des personnes confrontées à desconditions de vie très difficiles. Les élus ont alors pris position contrela mise en place d’une zone de protection sans accompagnement(financier, social…), sans pour autant rejeter une activité industriel-le source d’emplois et de recettes fiscales.Les impacts fonciers et immobiliers des zones de protection ne doi-

vent pas être envisagés comme si celles-ci intervenaient dans dessites sans histoire. L’existence d’un risque industriel est liée à uncontexte d’urbanisation qui a bien souvent conduit des populationsdéfavorisées à cohabiter de longue date avec l’activité industrielle età supporter ses nuisances. Parmi les 577 sites « à risque » recenséspar le ministère de l’Environnement en 1992 (dont 367 sites« Seveso », c’est-à-dire visés par la directive européenne), beaucoupsont concentrés dans les zones de tradition industrielle, traversantpour certaines une grave crise économique : bassins miniers du NordPas-de-Calais et de la Moselle, régions de Fos, Dunkerque, basse val-lée de la Seine, vallée du Rhône, etc. Dans de nombreux cas, la priseen compte du risque industriel majeur dans les politiques localesd’aménagement est intervenue dans un contexte de dépréciationpréalable des quartiers ou communes concernés. Comment les mar-chés réagissent-ils alors aux mesures nouvelles de prévention desrisques ?Pour comprendre les interactions entre les risques industriels

majeurs et leur environnement foncier et immobilier, on étudieradans une première partie la politique d’aménagement appliquée auxsites à risque. L’analyse portera d’abord sur la façon dont, enFrance, se sont articulés depuis deux siècles les règles d’urbanismeet le droit des implantations industrielles, en comparant les solu-tions adoptées avec celles mises en œuvre en Grande-Bretagne. Lesoutils juridiques pour maîtriser l’urbanisation autour des industriesà risque de ces deux pays seront ensuite examinés.On sera alors en mesure de définir dans la deuxième partie les

enjeux immobiliers de la maîtrise des risques industriels majeurs. Lacomparaison des partages de responsabilités entre les différentsacteurs concernés en France et en Grande-Bretagne permettrad’abord de cerner les cas où les intérêts de la valorisation des solsentrent en conflit avec ceux de la sécurité publique, à l’intérieur deszones de protection. On détaillera ensuite les conditions théoriquesdans lesquelles les marchés immobiliers pourraient refléter une per-ception négative du risque au-delà des secteurs touchés par la maî-

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