L'INDÉPENDANCE des PHILIPPINES

(TYDINGS - MC DUFFIE LAW)

(Ses aspects politiques, économiques et internationaux)

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

Les Idées Coloniales des Physiocrates (Presses Univer- sitaires 1927).

El Sindicalismo Nuevo y las Ideas de G. VALOIS (Sucre 1931).

Los Problemos Financieros Contemporáneos ; Bolivia Economica (La Paz 1932).

La Bolivie Nouvelle et ses Problèmes Financiers (Editions Domat,Montchrestien 1933.

ANDRÉ L A B R O U Q U È R E P R O F E S S E U R A L ' É C O L E S U P E R I E U R E D E D R O I T

D E L ' U N I V E R S I T É I N D O C H I N O I S E

L'Indépendance dos Philippines (TYDINGS - MC DUFFIE LAW)

. (Ses Aspects Politiques, Economiques et Internationaux)

P A R I S

L E S É D I T I O N S D O M A T - M O N T C H R E S T I E N

F. LOVITON & C

158-160, Rue Saint-Jacques

1 9 3 6

INTRODUCTION

Adieu ma patrie adorée, chérie du soleil, Perle de la mer d'Orient, notre Eden perdu Mes rêves d'enfant, à peine adolescent. Mes rêves de jeune homme déjà plein de vigueur Furent de voir un jour, joyau de la mer orientale, Tes yeux moins séchés, ton tendre et doux front relevé Sans pleurs, sans rides, sans stigmates de honte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Oh ! qu'il est beau de tomber pour que ton sol soit libre.

J. RIZAL.

Ma dernière pensée,

(Livre publié en langue Tagal).

J. RIZAL, le plus grand poète Philippin, fut le champion de l'Indépendance de son pays ; il mourut tragiquement en 1896, victime de ses idées politiques.

T o u t le l o n g d e la m e r d e C h i n e s ' é t e n d e n t les i n n o m -

b r a b l e s î les f o r m a n t l ' a r c h i p e l d e s P h i l i p p i n e s . D é c o u v e r t e s

p a r l e n a v i g a t e u r M a g e l l a n e l les s u b i r e n t t o u r à t o u r l ' i n -

f l u e n c e e s p a g n o l e , p u i s ce l l e d e s « y a n k e e s ».

Cette Etude est la première de celles que nous nous proposons de consacrer aux problèmes économiques d'Extrême-Orient; elle sera suivie l 'an prochain d'une enquête sur les Indes néerlandaises. Nous remer-

Trois siècles de domination espagnole ont laissé dans ce pays une trace qui ne s'effacera jamais. Les autorités espagnoles envoyées par la métropole lointaine et les émi-

grants qui les ont suivi y ont fait pénétrer peu à peu la civilisation de leur pays.

Sans la colonisation espagnole les Philippins seraient probablement arrivés aux temps modernes avec une civi-

lisation embryonnaire, semblable à celle qui existe encore dans beaucoup d'archipels voisins.

Les Espagnols, peu nombreux dans le pays par rapport à l'ensemble de la population, sous l'influence du christia-

nisme et d 'un instinct qui les poussait à vivre sur un pied d'égalité avec les indigènes, se sont mariés dans la colonie ; ils ont mêlé leur sang à celui des indigènes et une race spécifiquement philippine est née de cette union.

Avec le concours des Américains le pays s'est trans-

• formé économiquement. Tout le peuple Philippin recon- naît les services rendus par la domination yankee, il lui

sai t gré des efforts faits pour propager l'instruction, les travaux publics.

cions les personnalités de Manille qui ont bien voulu nous aider dans notre documentation et notamment le général Valdès, commandant en chef la « Çonstabulary nationale » ; M. Kalaw, Président du Comité pour

l 'Indépendance; M. Willoquét, Consul de France et M. Kahn, Président de la Chambre de Commerce française.

De même qu'à Manille, la capitale, à côté de la vieille ville espagnole si curieuse avec ses nombreuses églises et ses rues étroites, une grande ville américaine aux immen-

ses buildings a été édifiée, de même partout dans le pays à côté des centres de civilisation américaine, la vie locale a

gardé ses traditions et ses aspirations.

Les Philippines, c'est la vieille Espagne imprégnée de Malaisie, teintée de civilisation américaine.

Une race dominante tagal-espagnole s'affirme et au-

tour d'elle apparaissent des îlots ethniques bien différents : les Negritos et autres peuplades dans le Nord, dont les cou- tumes primitives ressemblent étrangement à celles des

« moïs » d'Indochine, puis dans le Sud les Moros d'origine musulmane.

Pays curieux, où l'Orient et l'Occident se pénètrent ou s'opposent et dont il est bien difficile de se faire une idée

exacte sans avoir séjourné aux Philippines et pris contact avec la population.

Par ses traditions catholiques et espagnoles il est mys- tique et idéaliste ; l'atavisme de la race malaise lui a donné

la passivité des peuples d'extrême-orient, le goût du travail conlinu, sans initiative, enfin le contact des Américains a

fait naître dans l'élite du pays les qualités de hardiesse, de

risque et d'organisation. En 1935, au cours d 'une mission d'études, nous avons pu visiter Manille et les grands centres urbains, puis les « Mountain districts », de l'île de Luçon.

C'était le moment où l'agitation politique était grande dans le pays : ig35 restera en effet dans l'histoire des Phi- lippines l'année de l'Indépendance.

Il n 'y avait d'ailleurs dans l 'opinion publique aucun esprit d'animosité contre la puissance protectrice, les Etats- Unis. Un Philippin illustre, Président actuellement du

« Common-wealth », M. Quezon, a exprimé il y a quelques années les véritables sentiments de ses compatriotes. « Peu importe que l'autorité de l 'étranger use de douceur, peu

importe que son joug soit léger sur nos épaules, s'il n'est pas imposé par le vœu de la nation, l 'homme qui en sup- porte le poids, ne veut pas, ne peut pas, ne croit pas être heureux ». Ce pays va subir l'épreuve de l'indépendance à un moment bien difficile de l'histoire du monde :

Partout des convulsions politiques et sociales violentes

qui se répercutent jusqu'aux Iles Philippines : en 1935, l'insurrection Sakdaliste (parti prolétarien) fut réprimée militairement ; la crise économique sévit douloureusement sur les peuples et plus particulièrement sur les pays neufs dont l'économie n'est pas intégrée dans l' « hinterland » commercial de grandes puissances ;

Enfin au point de vue international on assiste au dé- chaînement des impérialismes qui luttent pour s'annexer des zônes d'influence.

Dans cette étude, nous nous proposons d'envisager les

rnotifs de l'indépendance, la situation actuelle et l'avenir

du pays. Nous étudierons successivement le point de vue

p o l i t i q u e , p u i s é c o n o m i q u e , e n f i n i n t e r n a t i o n a l d u p r o b l è -

m e p h i l i p p i n , e n e s s a y a n t d ' a n a l y s e r l a c o m p l e x i t é d e s p r o -

b l è m e s q u i se p o s e n t e t d e m o n t r e r les d i f f i c u l t é s e t d a n g e r s

q u i p e u v e n t r é s u l t e r p o u r les P h i l i p p i n e s d e la q u e s t i o n d e

l ' i n d é p e n d a n c e ,

Le groupe des Iles Philippines est composé de 7.083 îles et îlots dont 446 seulement ont une surface de plus d 'un mille carré. La surface totale est de 296.500 km2 ce qui représente, à peu de choses près, la superficie de l'Italie. Les deux îles les plus importantes sont Luçon au Nord et Mindanao au Sud. La population est évaluée à i3 millions d'habitants, presque tous de race malaise. go % des habitants sont chrétiens, adhé- rant dans la majorité à l'église catholique. Il y a cependant une église philippine indépendante, ayant à sa tête l'évêque Aglipay en relation avec le mouvement de « Christian Science » et qui semble gagner de plus en plus d'adhérents. Il y a aussi 200.000 protestants. La minorité de 10 % est constituée par des païens (Igoros) et surtout par un 1/2 million de mahométans appelés Moros et résidant au Sud dans l'île Mindanao.

C'est le groupe le plus important de l'archipel malais: sa pointe Nord est à 65 milles de Formose et il s'étend au Sud jusqu'à Bornéo et Moluques, embrassant 160 de latitude et 90 de longitude. 7.000 milles le séparent de la côte Pacifique des Etats-Unis, ce qui représente un voyage de mer de 3o jours.

Manille, ville de 35o.ooo habitants, en est la capitale et le centre commercial et industriel de beaucoup le plus important.

PREMIERE PARTIE

ASPECT POLITIQUE