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L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur aujourd'hui Analyse de la création de valeur au regard des mutations engendrées par les Nouveaux Médias Mémoire de fin d’études ISABELLE FERRIER Promotion 16 17 décembre 2009 Rédigé sous la direction de Monsieur Hadj Barkat

L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

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L'industrie de la musique enregistrée

et le consommateur aujourd'hui

Analyse de la création de valeur au regard des mutations

engendrées par les Nouveaux Médias

Mémoire de fin d’études

ISABELLE FERRIER

Promotion 16

17 décembre 2009

Rédigé sous la direction de Monsieur Hadj Barkat

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FICHE MEMOIRE DE FIN D'ETUDES

Nom et Prénom de l’étudiant(e) : FERRIER Isabelle

Formation : PROGRAMME GRANDE ECOLE 3ème

année

Si le mémoire est la suite d’un stage :

Dates du stage :

ENTREPRISE : ...........................................................................................................................

Adresse : ..................................................................................................................................

Tél.........................................................Pays : .........................................................................

Secteur d’activité : ...................................................................................................................

TITRE DU MEMOIRE :

L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur aujourd'hui - Analyse de

la création de valeur au regard des mutations engendrées par les Nouveaux Médias

Nombre de pages : .........................................................................................................

Nombre d’exemplaires remis à l’ESC : 1 exemplaire papier + 1exemplaire

électronique ..............................................................................................................................

Date de remise de mémoire : 17.12.2009 ..............................................................................

Annexes : OUI � NON �

Confidentialité : OUI � si oui, durée :................. NON �

THEME DU MEMOIRE : (3 à 5 lignes)

Ce mémoire étudie les mutations de l’industrie de la musique enregistrée par

l’analyse de la création de valeur d’un label. Au vu des changements de

l’environnement, il est montré pourquoi les labels ont intérêt à profiter des

possibilités offertes par les Nouveaux Médias, en particulier le Web 2.0, pour

encourager la participation des consommateurs à leurs créations de valeur.

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ATTESTATION SUR L’HONNEUR

Je soussigné(e), Isabelle FERRIER, atteste sur l’honneur que

ce Mémoire de Fin d’Etudes est le fruit d’un travail

personnel et n’a fait l’objet d’aucun emprunt illicite sur

quelque support que ce soit.

De plus, il n’a fait l’objet d’aucune présentation pour un

autre diplôme.

Fait à Dresde (Allemagne), le 13.12.2009,

Signature

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Remerciements

Le thème de ce travail s’inscrit entièrement dans mes projets professionnel et

personnel et vient clore un parcours entamé il y a six ans. Aussi, je tiens à remercier les

personnes qui y ont participé d’une manière ou d’autre.

Tout a commencé avec Eric Dupouy, Laurent Bideau et Sébastien De Cea d’EMI

France qui m’ont fait découvrir et apprécier le monde de l’entreprise.

Je remercie également toutes les personnes d’Universal Classics : Marie-Claude

Nouy et Sébastien Belloir pour ECM, Nathalie Caloni ainsi que toute l’équipe d’Universal

Classics, dont Alexandra Bannelier, Yann Ollivier, François Arveiller, Lucy Boccadoro, Claire

Bourjac, Virginie Daniel, qui m’ont montré une facette de l’industrie musicale passionnante

et à l’encontre de tout cliché.

Enfin, j’aimerais remercier toute l’équipe du Bureau Export de Berlin, Patrice

Hourbette, Anne Perneel, Daniel Winkel et Charles Rognet, de m’avoir permis de travailler

dans l’étonnante ville de Berlin ainsi que pour l’enrichissement personnel et professionnel

offert par l’environnement interculturel de ce stage.

Je tiens à remercier mes patients relecteurs et toutes les personnes qui m’ont aidé

dans ce travail : Katia Joinie-Maurin, Emmanuelle Fagot, Marion Perrin et Frédéric Deprez,

dont les fidèles amitiés me réjouissent, mais aussi Marie et Bernard Ferrier, Hélène Ferrier,

Annika Frahm, Elodie Rollais et mon tuteur Hadj Barkat.

Une pensée toute particulière est réservée à mon amie Elodie Rollais pour son

incroyable soutien dans l’élaboration de ce devoir mais aussi tout au long de l’exigeant

cursus de Dresde.

Enfin, ma dernière pensée s’adresse à mes parents pour les remercier de m’avoir

donné le goût de la musique.

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Résumé

Ce mémoire propose une étude de la création de valeur sur le marché de la

musique enregistrée afin de comprendre les mutations connues par cette industrie. Le but

est de montrer pourquoi les labels ont intérêt à encourager la participation des

consommateurs dans leurs modèles d’affaires pour s’adapter au nouvel environnement.

Ainsi, une première analysera les enjeux du marché traditionnel, c'est-à-dire le

marché avant l’arrivée des Nouveaux Médias, considérés comme la création du MP3 et le

développement d’Internet, afin de comprendre sa structure. La forte capitalisation exigée

par les points stratégiques de ce marché, que sont la signature d’artiste, la promotion et la

distribution, a contribué à l’émergence d’un oligopole. Grâce à un système protecteur des

droits d’auteur, le modèle était d’autant plus pérenne que toute la création de valeur était

basée sur les supports physique, que les labels avaient jusqu’alors toujours perfectionné

techniquement et qui de ce fait n’était pas remis en cause. Les consommateurs, pour qui la

musique est sociologiquement une partie de leurs identités, avaient fait preuve de

désintéressement pour l’achat de musique enregistrée, et de goût pour de nouveaux loisirs.

L’arrivée des Nouveaux Médias a apporté pour la première fois dans l’industrie un

nouveau média de masse et un nouveau support. Les mutations sur la création de valeur

sont importantes provoquant l’amoindrissement du rôle des intermédiaires, la

désintermédiation, de nouvelles formes d’organisations et de nouveaux produits musicaux,

la dématérialisation, puis l’apparition de nouveaux acteurs, la réintermédiation, dont

certains issus de l’industrie musicale et d’autres d’industries connexes. Mais les Nouveaux

Médias ont aussi permis le piratage d’œuvres musicales, à un niveau jamais atteint

auparavant. L’acceptation sociétale de ce phénomène et la complexité de la régulation des

nouvelles technologies mettent le législateur au défi de trouver un nouveau compromis

social. Quant au consommateur, l’apparition des Nouvelles Technologies a provoqué sa

« médiamorphose », les médias étant aujourd’hui omniprésent dans leurs vies et modes de

consommation.

Une troisième partie s’attachera à comprendre la relation entre un label et un

consommateur au regard des changements engendrés par les Nouveaux Médias sur les

différents acteurs. Dans ce but, la théorie des coûts de transactions est appliquée au

marché de la musique. Il sera ainsi prouvé que la participation du consommateur à la

création de valeur est un enjeu pour l’avenir d’un label.

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Table des matières

Remerciements ........................................................................................................................................ 4

Résumé .................................................................................................................................................... 5

Table des matières ................................................................................................................................... 6

Table des illustrations .............................................................................................................................. 9

Table des abréviations ........................................................................................................................... 10

Glossaire ................................................................................................................................................. 11

Introduction ........................................................................................................................................... 13

1. Le cadre « traditionnel » de l’industrie musicale ............................................................................... 20

1.1 Un modèle unique de création de valeur .................................................................... 20

1.1.1 Notion de modèle d’affaire et création de valeur ................................................ 20

1.1.2 Création de valeur au sein d’une entreprise......................................................... 23

1.1.3 Création de valeur au sein d’un label et dans l’industrie musicale ...................... 25

1.2 Un marché oligopolistique conséquence du modèle de création de valeur ............... 31

1.2.1 Concentration et coopération : approche théorique ........................................... 31

1.2.2 Concentration dans le marché de la musique : les causes d’un oligopole ........... 33

1.2.3 Les éditeurs de musique enregistrée sur le marché français ............................... 35

1.3 Notion de droits d’auteur ............................................................................................ 36

1.3.1 Propriété intellectuelle : approche générale ........................................................ 36

1.3.2 Les droits d’auteur sur le marché de la musique .................................................. 38

1.3.3 Le droit d’auteur comme compromis social ......................................................... 40

1.4 Le consommateur ........................................................................................................ 41

1.4.1 Importance sociologique de la musique ............................................................... 41

1.4.2 Désaffection de l’achat de musique enregistrée ? ............................................... 42

1.4.3 La concurrence de nouveaux loisirs ...................................................................... 43

2. Le nouveau cadre de l’industrie musicale : technologie et intégration du consommateur .............. 46

2.1 Les Nouveaux Médias .................................................................................................. 46

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2.1.1 Définition .............................................................................................................. 46

2.1.2 Les avancées technologiques affiliées aux Nouveaux Médias : Web 2.0, Peer-to-

Peer et streaming ........................................................................................................... 48

2.1.3 La désolidarisation du contenu et du médium ..................................................... 52

2.2 Rupture de la création de valeur: piratage et désintermédiation ............................... 54

2.2.1 Le piratage et la non-rémunération des droits d’auteur ...................................... 54

2.2.2 Le court-circuit de la création de valeur traditionnelle : la désintermédiation .... 57

2.2.3 Conséquences chiffrées sur le marché français .................................................... 59

2.3 Le phénomène de dématérialisation ........................................................................... 63

2.3.1 Dématérialisation de la création de valeur des labels .......................................... 63

2.3.2 Dématérialisation de la distribution et de la promotion traditionnelle ............... 65

2.3.3 Dématérialisation du produit musical et nouvelles offres .................................... 67

2.4 La ré-intermédiation et l’apparition de nouveaux acteurs .......................................... 70

2.4.1 Le rôle nécessaire des intermédiaires .................................................................. 70

2.4.2 Les nouveaux intermédiaires issus de l’industrie musicale .................................. 71

2.4.3 Les nouveaux intermédiaires issus d’industries connexes ................................... 72

2.5 La « médiamorphose » du consommateur .................................................................. 74

2.5.1 L’évolution du rapport à la musique ..................................................................... 75

2.5.2 Simplicité, flexibilité et ubiquité ........................................................................... 75

2.5.3 Quelques précisions sur les nouvelles offres ........................................................ 76

2.6 L’enjeu du copyright et le rôle du législateur .............................................................. 77

2.6.1 Internet et la culture (de masse) de la gratuité .................................................... 77

2.6.2 Copyright et technologie : une entente difficile ................................................... 78

2.6.3 « La quête d’un nouveau compromis social » ...................................................... 79

3. Optimiser la relation label – consommateur ..................................................................................... 82

3.1 Comprendre la relation label – consommateur : la théorie des coûts de transaction 82

3.1.1 Présentation générale et pertinence de la théorie dans le devoir ....................... 82

3.1.2 Les hypothèses comportementales ...................................................................... 85

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8

3.1.3 Les transactions et coûts de transactions ............................................................. 87

3.1.4 Les structures de gouvernance ............................................................................. 90

3.2 Les transactions dans l’industrie de la musique enregistrée ....................................... 92

3.2.1 Les transactions et coûts de transaction .............................................................. 93

3.2.2 Les structures de gouvernance ............................................................................. 94

3.2.3 Les comportements opportunistes ....................................................................... 95

3.3 La valorisation des transactions grâce aux Nouveaux Médias .................................... 96

3.3.1 Inversement des comportements opportunistes ................................................. 96

3.3.2 Une nouvelle répartition des coûts de transactions ........................................... 100

3.3.3 Le recentrage des structures de gouvernance .................................................... 102

Conclusion ............................................................................................................................................ 108

Bibliographie ........................................................................................................................................ 110

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Table des illustrations

Illustration 1: La chaîne de création de valeur (Porter, 1989) .............................................. 24

Illustration 2: Création de valeur au sein d'un label (traduction de Emes, 2004) ................. 26

Illustration 3: Création de valeur dans l'industrie musicale traditionnelle (Benghozi, 2001) 28

Illustration 4:Propriété intellectuelle en France (INPI, 2009) ................................................ 38

Illustration 5: Temps de téléchargement en fonction de la technologie de communication

(Stähler, 2001) ........................................................................................................................ 51

Illustration 6: Désolidarisation contenu / média dans l'industrie musicale (traduction de

Zerdick, 2004)......................................................................................................................... 53

Illustration 7: La désintermédiation de la création de valeur ................................................ 58

Illustration 8: Evolution du chiffre d'affaire des supports entre 2002 et 2009 (SNEP, 2009) 60

Illustration 9: Comparatif du chiffre d'affaire de l'industrie musicale entre 2006 et 2009 ... 61

Illustration 10: Le marché de la musique numérique en France en 2007 (Ministère de la

culture, 2009) ......................................................................................................................... 61

Illustration 11: Répartition des droits phonographiques de 1994 à 2008 (Sacem, 2008) ..... 62

Illustration 12: Adaptation de l’innovation dans la création de valeur d'une entreprise

(traduction de Emes, 2004).................................................................................................... 64

Illustration 13: Relation entre les différentes variables (théorie de transactions des coûts,

Schirmer, 2008) ...................................................................................................................... 85

Illustration 14: Les différents types de gouvernance dans la théorie des coûts de transaction

(Williamson, 1985 dans AUNEGE, 2009) ................................................................................ 91

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Table des abréviations

A & R : Artist & Repertoire

CBS : Columbia Broadcasting System

CD : Compact Disc

DRM : Digital Rights Management

FAI : Fournisseurs d’Accès à Internet

FTP : File Transfer Protocol

Hadopi : Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur

Internet

INPI : Institut National de la Propriété Industrielle

ISO : International Organisation for Standardization

LAN : Local Area Network

LP : Long Playing Record

MMS : Multimedia Messaging Services

MP3 : MPEG-1 Audio Layer 3

MPEG : Moving Picture Experts Groups

MTV : Music Television

NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication

OMPI : Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

RCA : Radio Corporation of America

RIAA : Recording Industry Association of America

RSS : Really Simple Syndication

SACEM : Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique

SMS: Short Message Service

SNEP: Syndicat National de l’Edition Phonographique

WIPO : World Intellectual Property Organization

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Glossaire

A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section d’un label chargé de gérer son

répertoire et d’éditer les œuvres.

Blogging : phénomène apparu avec les nouvelles techniques de communication. Les

internautes tiennent une sorte de journal de bord sur un blog, nécessairement hébergé par

un site, et dont les « posts », terme décrivant les billets postés sur le blog, apparaissent par

ordre antéchronologique. La création d’un blog nécessite beaucoup moins de

connaissances techniques que la création d’un site Internet.

Buzz : technique de marketing consistant à provoquer une forte communication et donc

une forte présence dans les médias d’un produit ou évènement.

Dématérialisation : phénomène apparu avec les nouvelles techniques de communication

permettant la réalisation de tâches à distance sans l’aide d’un support physique.

Droit d’auteur : droit d’un créateur sur son œuvre quant à son exploitation.

Droit voisin : spécialité du droit français, codifiée en 1985, autorisant les acteurs

secondaires d’œuvres, comme les interprètes ou les éditeurs, à avoir un droit sur

l’exploitation d’une création.

Download : action de télécharger, c’est à dire sauvegarder sur son ordinateur de manière

temporaire ou durable, des fichiers mis en ligne.

Digital Rights Management (DRM) : gestion numérique des droits d’auteur. Les fichiers

équipés de DRM permettent à son éditeur soit une traçabilité soit l’impossibilité de copier

le fichier.

Hardware : équipement informatique. Le terme est vaste et peut à la fois désigner un

ordinateur comme un lecteur de musique MP3.

Hyperlinking (ou lien hypertexte): technique Internet permettant de relier des pages entre

elles en créant un lien sur un ou plusieurs mots.

Label : entité juridiquement indépendante ou faisant partie d’une maison de disques dont

l’activité est de gérer un catalogue d’artistes et d’éditer des produits sur le marché, portant

sa marque.

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Long Playing record (ou LP) : nom donné aux enregistrements suffisamment long qui

peuvent constituer un album. Il a été couramment utilisé pour désigner les albums 33 tour

mais également les compact disc.

Major : terme désignant les quatre maisons de disques dominant le marché mondial, à la

fois en parts de marché et en capitalisation. Il s’agit d’Universal, Sony, EMI et Warner.

Master : enregistrement original d’un album à partir duquel sont réalisées les copies

Myspace : site Internet de réseau social emblématique du Web 2.0 dans l’industrie

musicale. Il offre une page à ses utilisateurs où ces derniers peuvent mettre en ligne

quelques titres de musique, des photos ainsi qu’un espace de discussion.

Peer-to-Peer (ou pair-à-pair): réseau informatique d’ordinateurs, les pairs, permettant

l’échange de fichiers et la communication. De tels réseaux peuvent avoir une structure

centralisée, où les connexions entre pairs transitent par un serveur central, ou

décentralisée où les liaisons s’établissent alors directement.

Really Simple Syndication (ou flux RSS) : technique permettant d’extraire régulièrement le

contenu précis d’un site web. Le fichier extrait est simplement du texte.

Retour : terme employé pour désigner le rachat de disques invendus par les magasins et

qui sont retournés à la maison éditrice.

Ringtone : nouveau produit musical apparu après les Nouveaux Médias, il s’agit de la vente

de sonneries de téléphone portable.

Royauté (ou royalties) : revenus provenant de l’exploitation de droits d’auteur

Software : procédures ou logiciels permettant l’utilisation de hardware.

Star system : technique de promotion utilisée à l’origine par les studios hollywoodiens afin

de promouvoir leurs notoriétés. Le « star system » se fonde sur l’exploitation de l’image

d’une vedette associée dans ce but à un studio.

Ubiquité : terme économique décrivant une ressource disponible partout, gratuitement et

en grande quantité

Upload : mise en ligne de fichiers à la disposition d’autres internautes. L’« upload » est

l’action inverse du « download ».

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Introduction

« The winners will be those that view the Internet as a complement to, not a

cannibal of, traditional ways of competing » (Porter, 2001)1

Musique et technologie sont depuis l’apparition de la musique en tant qu’industrie

extrêmement liées, la dernière ayant permis à la première de se développer et de se

démocratiser. Plusieurs vagues d’inventions ont fait évoluer le monde de la musique,

déclenchant à chaque fois changement et restructuration de l’environnement et de ses

acteurs2. La crise traversée par l’industrie musicale depuis une dizaine d’année est de par sa

durée et son ampleur unique depuis sa création. Cependant, ce secteur s’est bâti autour de

fortes périodes de croissance mais également de recul. Aussi, une rétrospective historique

de la musique enregistrée semble appropriée afin de poser les bases des mutations

actuelles d’un secteur en plein questionnement.

L’industrie musicale voit le jour en même temps que l’invention du phonographe,

en 1877. La machine, créée par Thomas Edison, aux Etats-Unis, est le premier appareil à

permettre la reproduction d’un enregistrement et marque ainsi les débuts d’une

production à grande échelle de contenu musical, soutenue par le développement de

l’électrification3. En 1887, l’ingénieur allemand Emile Berliner conçoit le gramophone,

provoquant une bataille de standards entre le cylindre et le disque. Berliner et Eldridge

Johnson créent Victor Talking Machine en 1901 afin d’implanter le disque sur le marché

américain. En 1906, le lecteur de disque Vitrola est lancé. Il s’impose rapidement comme

standard grâce à son ergonomie, alliée à une stratégie artistique judicieuse, et cause le

dépérissement du phonographe dont la société d’exploitation, Edison, disparaît en 1930. En

1 Porter Michael, Strategy and the Internet, Harvard Business Review 79, n°3, 2001, p.62-78, p.63

2 Bourreau Marc, Labarthe-Piol Benjamin, Le peer to peer et la crise de l’industrie du disque. Une

perspective historique, Réseaux, 2004/3, n° 125, p. 17-54, p. 24 et 27 3 Leyshon Andrew, Time - space (and digital) compression: software formats, musical networks, and

the reorganisation of the music industry, Environment and Planning A, n°33, 2000, p. 49-77, p.50

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1914, le brevet du gramophone tombe dans le domaine public. De nombreux lecteurs de

disques envahissent par conséquent le marché. L’entrée de concurrents, associée au

progrès technique, provoque une forte baisse des prix, et de fait, une hausse de

l’équipement des ménages. Grâce à l’invention et au développement du gramophone,

l’industrie musicale connaît alors sa première phase de forte croissance, même si les

volumes restent faibles comparés à ce qu’ils pourront être plus tard.

L’arrivée de la radio bouleverse ce modèle de croissance en concurrençant les

ventes de gramophones et de disques. C’est du moins ce qui sera ressenti par les maisons

de disques, qui ne mesuraient pas encore le potentiel de promotion offert par ce nouveau

média4. Ceci allié à la crise économique de 1929, à l’intérêt croissant du public pour le

cinéma ou encore à une baisse pressentie de la qualité de l’offre, l’industrie musicale

connaît sa première crise. Une phase de restructuration s’ensuit. La production de disque

est arrêtée en 1930. Victor et Columbia, entreprises dominant la période précédente, sont

rachetées par des acteurs de la radio, acteurs émergents du marché : la première est

acquise par la Radio Corporation of America (RCA), la seconde par Columbia Broadcasting

System (CBS). Une phase de concentration est également observée en Europe avec la

création d’EMI, entreprise née de la fusion des filiales à l’étranger de Victor (Gramophone

Cie). De nouvelles stratégies sont développées pour s’adapter aux évolutions de

l’environnement : le star-system (cf. Glossaire) et une baisse des prix par l’économie

d’échelle. Les maisons de disque utiliseront par la suite la radio pour promouvoir leurs

artistes et tireront profit de ce premier média de masse.

Un tournant de l’industrie a été à nouveau provoqué par une évolution technique,

mais cette fois par un changement de support. Le disque 33 tours» ou « long playing

record » (LP) est inventé en 1948 par Peter Goldmark, ingénieur chez CBS, permettant une

4 Bourreau Marc, Labarthe-Piol Benjamin, Le peer to peer et la crise de l’industrie du disque. Une

perspective historique, Réseaux, 2004/3, n° 125, p. 17-54, p.24

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meilleure qualité de son et une durée d’écoute six fois supérieure au disque 78 tours.5 Son

introduction provoque une nouvelle bataille de standards pendant laquelle les ventes de

disques ont baissé car les consommateurs se sentent désorientés entre les deux formats. Le

33 tours s’imposera : en plus de ses qualités techniques, CBS offre la licence d’exploitation

aux entreprises créées après la guerre et permet de cette manière à son support de

dominer le marché. Le 33 tours devient alors le support de référence pour les

enregistrements des grands artistes et le 45 tours pour les enregistrements de variété.

L’émergence du rock’n roll alliée à d’autres facteurs, tels que l’introduction de la bande

magnétique qui abaisse les coûts d’enregistrement ou encore les économies d’échelle

réalisées sur la production du 45 tours, donnent un nouveau souffle à l’industrie musicale

qui connaitra dans les années suivantes une forte croissance. Les baisses de coûts

d’enregistrement, permises par les avancées techniques, entraînent un essor de la création

musicale. Les majors américaines (cf. Glossaire) tardent à percevoir l’importance du rock’n

roll. L’industrie connaît alors une restructuration : les labels indépendants investissent le

marché alors que les majors perdent des parts de marché. Une forte déconcentration de

l’industrie est observée. L’oligopole se reformera avec l’entrée de Warner sur le marché qui

apporte de nouvelles techniques de management et de stratégies rapidement imitées par

ses concurrents. L’introduction de la cassette audio en 19636, permettant la consommation

de musique en situation mobile, tout comme l’apparition du mouvement disco

provoqueront une forte croissance des ventes. Le chiffre d’affaire mondial augmentera

ainsi de 4,75 milliards de dollars à 7 milliards entre 1973 et 1984.

Le troisième tournant de l’industrie musicale a lieu en 1979. Il est en partie dû à

une évolution technique sur le support, la cassette audio, et c’est une avancée technique

5 Bourreau Marc, Labarthe-Piol Benjamin, Le peer to peer et la crise de l’industrie du disque. Une

perspective historique, Réseaux, 2004/3, n° 125, p. 17-54, p.25 6 Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-Verlag,

2004, 334 p., p.32

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sur le support également, le compact disque, qui permettra au marché de renouer avec la

croissance. En 1979, l’industrie traverse une période de forte baisse des ventes. Plusieurs

facteurs en sont la cause : la crise économique mondiale, la concurrence d’autres loisirs

comme le magnétoscope ou les jeux vidéo. Les consommateurs montrent également moins

d’intérêt pour le mouvement disco et ressentent une baisse qualitative de l’offre7. Les

professionnels, quant à eux, montrent du doigt la copie de disque sur cassette audio, qui

provoque à leurs yeux un considérable manque-à-gagner sur la rémunération des droits

d’auteurs. L’association des compagnies de disques américaines, la Recording Industry

Association of America (RIAA), lance même une campagne de lutte contre ce phénomène :

« Home Taping Is Killing Music » (« les copies sur cassettes tuent la musique »)8. Les

maisons de disque suivent également une politique de « retours » (cf. Glossaire), terme

employé pour désigner le remboursement de disques invendus, très souple qui leur permet

d’exagérer les résultats de ventes mais dont le coût financier est très lourd. L’arrivée du

Compact Disc en 1983 relance l’intérêt du public pour la musique enregistrée. Le succès de

ce format est tel que les consommateurs renouvellent leur discothèque afin de s’équiper

du nouveau support9. Pour les professionnels, ce nouveau format permet un profit plus

élevé par unité vendue. Ainsi, la crise engendrée en partie par le nouveau support, la

cassette audio, est résolue par l’arrivée du disque, nouveau support également. L’industrie

connait par la suite une forte croissance, renforcée par l’introduction du walk-man et la

création de la chaîne « Music Television » (MTV).

Depuis l’invention du MPEG-1 Audio Layer 3 ou MP3 dans les années 1990,

l’industrie musicale connait une longue et douloureuse descente aux enfers. Le format MP3

7 Bourreau Marc, Labarthe-Piol Benjamin, Le peer to peer et la crise de l’industrie du disque. Une

perspective historique, Réseaux, 2004/3, n° 125, p. 17-54, p.29 8 Bourreau Marc, Labarthe-Piol Benjamin, Le peer to peer et la crise de l’industrie du disque. Une

perspective historique, Réseaux, 2004/3, n° 125, p. 17-54, p.14 9 Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas, L’industrie de la musique à l’âge d’Internet : nouveaux enjeux,

nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000, n°2, 2001, p. 41-60, p. 43

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17

est une avancée technique permettant de compresser un fichier de dix fois sa taille

d’origine. Développé par l’institut de recherche allemand Frauenhofer dans les années

198010, sa mise en place est soutenue par l’organisation ISO, International Organisation for

Standardization11, et fait même parti du projet de recherche européen Eurêka. Avec le

développement et la démocratisation d’Internet, nouveau média de masse, la compression

et l’échange de contenu musical sont alors devenus très simples et à portée de tous sur les

réseaux de « Peer-to-Peer » (cf. Glossaire). Ces deux innovations ainsi que les nouveaux

logiciels et formes de communication sous-jacentes seront considérées dans la suite de ce

travail de « Nouveaux Médias ».

Au regard de l’histoire, l’évolution du marché de la musique a été le résultat d’un

management de l’innovation et de la capacité des entreprises à intégrer les avancées

technologiques dans leurs modèles d’affaire. Deux sortes d’innovations sont à distinguer :

soit la création d’un média de masse comme la radio, soit une invention technique comme

l’invention du compact disc. Une avancée technique a soit provoqué une phase de

développement, comme cela a été le cas lors de l’invention du gramophone ou lors de

l’introduction du 45 tours ; soit a profondément remis en cause l’industrie, comme cela a

été le cas avec l’arrivée de la radio ou des cassettes vierges, et a causé à chaque fois la

restructuration du secteur. Pour la première fois de son histoire, l’industrie musicale se

trouve confrontée à la fois à un nouveau support, qu’elle n’a pas elle-même développé et

souhaité, et à un nouveau média de masse.

De plus, l’étude de l’histoire de l’industrie musicale permet de mettre en évidence

le rôle du consommateur dans le dynamisme économique de cette branche, et ce pour

deux raisons. Il est tout d’abord la finalité de l’industrie toute entière car en effectuant son

10

Unverzagt Alexander, Koch Herbert, Wörterbuch der Musikwirtschaft : 1000 Fachbegriffe aus

Musik, Wirtschaft & Recht, Munich, Musikmarkt-Verlag, 2006, 278 p., p.127 11

Leyshon Andrew, Time - space (and digital) compression: software formats, musical networks, and

the reorganisation of the music industry, Environment and Planning A, n°33, 2000, p. 49-77, p.50

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acte d’achat, il rémunère les différents acteurs de l’élaboration d’un disque. D’autre part,

son rôle de prescripteur lui donne le pouvoir d’accepter ou de rejeter les produits musicaux

qui lui sont proposés. Par exemple, la notoriété du rock’n’roll a provoqué une forte

adhésion du public à la création musicale et, de ce fait, explique en partie la phase de

croissance observée lors de la montée en puissance de ce mouvement. A l’inverse, le

désintérêt du public pour le mouvement disco justifie, en partie également, la récession de

l’industrie musicale dans les années 1980.

Ainsi ce travail a pour but de répondre à la question : En quoi encourager la

participation des consommateurs à la création de valeur est un défi crucial pour un label

aujourd’hui ? Tout d’abord, l’analyse du marché traditionnel et des mutations causées par

l’arrivée des Nouveaux Médias est indispensable pour comprendre la crise traversée par

l’industrie du disque mais aussi pour comprendre dans quel cadre le consommateur évolue.

Cette étude de l’évolution du marché de la musique enregistrée sera réalisée à partie de

l’analyse de la création de valeur dans la branche car c’est cette partie du modèle d’affaire

qui a été le plus bouleversé par les Nouveaux Médias.

Ainsi, une première partie analysera le marché de la musique qualifié de

traditionnel, c'est-à-dire avant l’apparition des Nouveaux Médias. Ce marché s’est construit

en complète dépendance par rapport aux supports physiques. Une deuxième partie définira

les Nouveaux Médias et étudiera leurs effets, nombreux et importants, sur la création de

valeur. Cette compréhension des mutations, chez un label et chez les consommateurs, nous

permettra d’étudier leur relation économique par l’application de la théorie des coûts de

transactions, permettant l’analyse de la relation entre des agents économiques.

Ce mémoire a pour vocation d’expliquer les mutations auxquelles l’industrie de la

musique est confrontée, et les facteurs de réussite que les gestionnaires pourraient

prendre en compte dans l’élaboration de futurs modèles d’affaire. Il s’adresse de ce fait au

Page 19: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

19

poste managérial d’entrepreneur dans le secteur de la musique enregistrée. Ce travail a

surtout pour but de comprendre les évolutions de ce marché et le changement dans la

relation entre le label et le consommateur que cela a provoqué. Les chiffres et statistiques

de ce mémoire concernent le marché français de la musique enregistrée. La durée du

temps de rédaction et le nombre de mots limités ne permettent pas le développement de

nombreux exemples. De plus, la recherche de littérature a été trilingue : ainsi, les citations

en allemand ont été traduites, mais pas celles en anglais. L’anglais étant plus répandu que

l’allemand, et comme le correcteur de ce mémoire, Monsieur Hadj Barkat, en maîtrise

l’usage, les citations en anglais ont été conservées par souci de respect du sens.

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20

1. Le cadre « traditionnel » de l’industrie musicale

Dans cette partie, le fonctionnement de l’industrie musicale avant l’apparition des

Nouveaux Médias, c’est-à-dire sans MP3 et Internet, sera abordée. Nous verrons également

que l’industrie musicale s’est construite en très forte dépendance par rapport aux supports

physiques. De nos jours, les différents supports physiques disponibles à la vente sont : les

albums, les singles, les DVD, les Dualdisc12 contenant une face disque et une face DVD, et

les disques vinyles.

Dans une première sous-partie, le concept de chaîne de création de valeur sera

défini, puis sera appliqué à l’industrie musicale. Ce point de vue d’analyse est utilisé car sa

configuration dans le secteur du disque a été la plus bouleversée par les Nouveaux Médias.

Il offre donc une large prise en compte des nombreux facteurs affectés par ce progrès

technique. Nous en déduirons les points stratégiques du secteur de la musique enregistrée,

la distribution, la promotion et la signature d’artistes, dont les enjeux ont provoqué

l’émergence d’un oligopole. Nous étudierons dans un deuxième temps, le cadre législatif

puis l’attente des consommateurs.

1.1 Un modèle unique de création de valeur

1.1.1 Notion de modèle d’affaire et création de valeur

La création de valeur fait partie du modèle d’affaire d’une entreprise13. C’est

pourquoi cette première sous-partie s’attachera à définir ce dernier concept, qui a été

12

Dualdisc, http://www.dualdisc.com/faq.html, page consultée le 27 octobre 2009 13

Zerdick Axel, Picot Arnold, Schrape Klaus, Burgelman Jean-Claude, Silverstone Roger, Feldmann

Valerie, Heger Dominik K., Wolff Caroline, E-Merging Media – Kommunikation und Medienwirtschaft

der Zukunft, Berlin, Springer, 2004, 416 p., p.40-41

Page 21: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

21

l’objet d’étude de nombreux chercheurs. Selon Venkatraman et Henderson (1998), un

modèle d’affaire est décrit comme suit :

« […] l’architecture d’une organisation virtuelle se fonde sur trois vecteurs :

l’interaction avec le consommateur, la configuration des atouts d’entreprise et l’ampleur du

savoir-faire. » (Stähler, 2001, traduit de l’allemand) 14.

Le modèle d’affaire permet donc à une entreprise de définir son positionnement

sur le marché et de se démarquer vis-à-vis de ses concurrents en liant au mieux ces trois

facteurs. Stähler (2001) souligne l’existence de groupes de modèles d’affaire dans le cas

d’entreprises établies sur des marchés déjà mûrs15. Ce groupe d’entreprises suit alors un

modèle d’affaire similaire et les stratégies d’entreprises considérées séparément se

différencient peu les unes des autres. Les majors, terme utilisé pour désigner les quatre

entreprises leaders mondiales en termes de part de marché et de puissance de capital16, de

l’industrie musicale entrent dans ce cas de figure car elles suivent un modèle d’affaire très

homogène au sein d’une industrie mûre. Elles ont toutes pour but de produire des disques

sur des segments de marchés développés et pour lesquels il existe une demande ; alors que

les indépendants ont pour stratégie de découvrir des segments de marchés que les majors

viendront conquérir s’ils se développent suffisamment et leurs offriraient de nouveaux

potentiels.

Alors que la définition de Venkatraman et Henderson (1998) permet de

comprendre la finalité du modèle d’affaire et les facteurs l’influençant, la théorie donnée

par Hass (2004) permet de cerner les trois caractéristiques qui composent le modèle

d’affaire d’une entreprise vendant du contenu, appelée également entreprise

14

Venkatraman et Henderseon (1998) dans Stähler Patrick, Merkmale von Geschäftsmodelle in der

digitalen Ökonomie, Cologne, Eul, 2001, 335 p., p.40 15

Stähler Patrick, Merkmale von Geschäftsmodelle in der digitalen Ökonomie, Cologne, Eul, 2001,

335 p., p.42 16

Unverzagt, Alexander, Koch, Herbert: Wörterbuch der Musikwirtschaft : 1000 Fachbegriffe aus

Musik, Wirtschaft & Recht, Munich, Musikmarkt-Verlag, 2006, 278 p., p.117

Page 22: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

22

d’information : l’architecture du produit, les sources de revenus et la structure de la

création de valeur17.

L’élaboration du produit détermine la réalisation du résultat qu’un fournisseur propose à

son client. L’enjeu de cette caractéristique est de remplir les besoins du consommateur et

de le satisfaire par le produit en soi et par la façon dont il lui est proposé18. Pour les

entreprises d’information, comme les labels, cette partie du modèle d’affaire est centrée

sur l’information en elle-même et sur le média transmettant l’information.

Les sources de revenus décrivent les revenus dégagés de la commercialisation et de

l’exploitation d’une affaire. La structure classique des revenus d’une entreprise

d’information est composée des revenus de la distribution et des revenus indirects obtenus

par la publicité, ou la vente de fichier de clients ou encore par l’exploitation de droits.

L’enjeu de cette partie du modèle d’affaire est de capter ou créer l’attention du

consommateur. Le revenu d’une entreprise d’information est extrêmement lié à la

technologie diffusant le contenu car les technologies définissent le coût de fonctionnement

de l’affaire.

La structure de la création de valeur établit l’organisation de la fabrication du produit au

sein et entre les entreprises impliquées dans la production, alors que les sources de

revenus et l’élaboration du produit en étudient plutôt sa commercialisation.19 La création

de valeur peut être comprise soit verticalement en prenant en compte le cumul de valeur à

chaque niveau de la production, soit horizontalement en considérant les liens entre les

17

Zerdick Axel, Picot Arnold, Schrape Klaus, Burgelman Jean-Claude, Silverstone Roger, Feldmann

Valerie, Heger Dominik K., Wolff Caroline, E-Merging Media – Kommunikation und Medienwirtschaft

der Zukunft, Berlin, Springer, 2004, 416 p., p.37 18

Zerdick Axel, Picot Arnold, Schrape Klaus, Burgelman Jean-Claude, Silverstone Roger, Feldmann

Valerie, Heger Dominik K., Wolff Caroline, E-Merging Media – Kommunikation und Medienwirtschaft

der Zukunft, Berlin, Springer, 2004, 416 p., p.38 19

Zerdick Axel, Picot Arnold, Schrape Klaus, Burgelman Jean-Claude, Silverstone Roger, Feldmann

Valerie, Heger Dominik K., Wolff Caroline, E-Merging Media – Kommunikation und Medienwirtschaft

der Zukunft, Berlin, Springer, 2004, 416 p., p.39

Page 23: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

23

différents maillons de la création de valeur. Les enjeux principaux de la création de valeur

sont l’étroitesse des liens entre les différents maillons, l’organisation des différentes étapes

et enfin l’ampleur de l’implication du client dans la chaîne.

Ce dernier point du modèle d’affaire, la création de valeur, a été le plus affecté par

l’apparition des Nouveaux Médias au sein des entreprises d’information20. Pour cette

raison, cette étude se fonde sur l’analyse de la création de valeur dans l’industrie musicale

dont les bases théoriques seront définies dans la prochaine sous-partie.

1.1.2 Création de valeur au sein d’une entreprise

Ce concept a été développé par l’économiste Michael Porter dans plusieurs de ses

ouvrages puis à de nombreuses reprises réutilisé dans des travaux de recherche, comme

dans le travail de Clément Michel :

« Le but de toute entreprise commerciale est la création et la valorisation de

valeurs. Selon les travaux de Porter, la valeur est le prix que les clients sont prêts à payer

pour acquérir le produit ou service de l’entreprise (Porter, 1999). » (Michel, 2009, traduit

de l’allemand)21

Dans son livre « Competition in Global Industries » (1989), Porter définit la création

de valeur dans une entreprise comme l’assemblage d’activités distinctes, appelées activités

de valeur, lui permettant de produire un produit ou service tout en développant un

avantage concurrentiel, et de ce fait, réaliser du profit. Les activités de valeur se

différencient technologiquement et souvent physiquement. La structure d’une entreprise

20

Zerdick Axel, Picot Arnold, Schrape Klaus, Burgelman Jean-Claude, Silverstone Roger, Feldmann

Valerie, Heger Dominik K., Wolff Caroline, E-Merging Media – Kommunikation und Medienwirtschaft

der Zukunft, Berlin, Springer, 2004, 416 p, p.51

Mais aussi : Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher

Universitäts-Verlag, 2004, 334p, p.163 21

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 262 p., p.197

Page 24: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

24

est composée de deux sortes d’activités, celles de base et celles de soutien, rangées dans

neuf catégories génériques comme indiqué dans le schéma ci-dessous :

Illustration 1: La chaîne de création de valeur (Porter, 1989) 22

Les activités de base sont celles impliquées dans la création physique du produit ou

service, sa commercialisation, sa livraison et le suivi de vente auprès du client. Les activités

de soutien fournissent des infrastructures et des inputs permettant la réalisation des

activités de base, comme les ressources humaines ou le service d’achat. Plusieurs étapes

sont ainsi réalisées de la fabrication à l’achat, et au cours de chacune le produit final gagne

en valeur23.

Les activités d’une entreprise ne sont pas indépendantes mais connectées les unes

aux autres. Porter les définit comme des « liens » ou « linkages »24. Ainsi, la manière dont

une activité est réalisée, influera sur l’efficacité et les coûts des autres activités. Une

22

Traduction du livre : Porter Michael, Competition in Global Industries, Boston, Harvard Business

School Press, 1989, 581 p., p.21 23

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 262 p, p.197 24

Porter Michael, Competition in Global Industries, Boston, Harvard Business School Press, 1989,

581 p., p.22

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25

connexion efficace entre les différentes activités est nécessaire à la création d’un avantage

compétitif. Les liens entre les activités sont multiples au sein de l’entreprise mais associent

également les acteurs extérieurs à l’entreprise comme les fournisseurs et les clients. Par

exemple, les consommateurs de musique font partie de la chaîne de création de valeur du

secteur musical. La chaîne de création de valeur permet l’organisation optimale d’une

entreprise dans le but de développer les produits ou services dont elle tirera profit.

La chaîne de création de valeur, telle qu’elle a été développée par Porter, ne se

situe qu’au niveau de l’entreprise. Elle est loin d’être négligeable pour cette étude car elle

permet de bien comprendre l’élaboration de produits et de projets au sein d’une entreprise

et permettra d’expliquer la dématérialisation de la production au sein des labels.

Cependant, elle ne permet pas d’analyser dans son ensemble l’impact des Nouveaux

Médias. Les activités en amont et en aval doivent également être prises en compte25 afin de

comprendre l’organisation globale d’une branche d’activité.

1.1.3 Création de valeur au sein d’un label et dans l’industrie

musicale

Le but d’une maison de disques est de découvrir et développer de nouveaux

talents, puis d’exploiter les profits tirés des œuvres éditées26. Cette sous-partie

décomposera la création de valeur au sein d’un label puis dans l’industrie.

Création de valeur dans un label

Un label est une entité juridiquement indépendante ou faisant partie d’une maison

de disques dont l’activité est de gérer un catalogue d’artistes et d’éditer des produits sur le

marché portant sa marque27.

25

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p. 198 26

Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas, L’industrie de la musique à l’âge d’Internet : nouveaux enjeux,

nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000, n°2, 2001, p. 41-60, p. 56

Page 26: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

26

Le terme « major » ou « major label » est utilisé pour désigner les quatre

entreprises leaders mondiales en termes de parts de marché et de puissance de capital28.

Au sein d’un label, qu’il soit qualifié de major ou non, la création de valeur peut

être schématisée comme dans l’illustration ci-dessous. Cette figure doit être comprise

comme l’organisation interne d’un label dont le but est de poursuivre une rentabilité

financière29 par la découverte de talents et la commercialisation d’albums.

Illustration 2: Création de valeur au sein d'un label (traduction de Emes, 2004)30

L’activité d’édition des œuvres et de gestion du répertoire est hautement

stratégique pour un label31. Elle définit la stratégie de produits du label et donc son image

27

Unverzagt Alexander, Koch Herbert, Wörterbuch der Musikwirtschaft : 1000 Fachbegriffe aus

Musik, Wirtschaft & Recht, Munich, Musikmarkt-Verlag, 2006, 278 p., p.109 28

Unverzagt Alexander, Koch Herbert, Wörterbuch der Musikwirtschaft : 1000 Fachbegriffe aus

Musik, Wirtschaft & Recht, Munich, Musikmarkt-Verlag, 2006, 278 p., p.117 29

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-Verlag,

2004, 334 p., p.162 30

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-Verlag,

2004, 334 p., p.162 31

Moser Rolf, Scheuermann Andreas, Handbuch der Musikwirtschaft, Starnberg, Joseph Keller

GmbH, 1993, 968 p., p.24

Page 27: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

27

auprès du consommateur. Les majors ont développé au début des années 2000 une

nouvelle stratégie de rentabilité à court terme connue sous le nom de « One-Hit-

Wonder »32, qui décrit un artiste, auparavant inconnu, ayant embrassé un succès

commercial dont les conséquences sont discutables. En effet, une telle politique a très peu

amélioré le taux de rentabilité des albums, mais a en revanche fortement augmenté la

complexité de la gestion du catalogue pour les managers en y intégrant des artistes peu ou

non-productifs à long terme33.

Les labels ont des techniques de production et des modèles d’affaires similaires et

entretiennent de ce fait entre eux une rude compétition34. Le disque est un produit

hautement standardisé, son prix sera donc décisif dans la décision d’achat35. De plus,

l’encombrement des informations sur le marché nécessite beaucoup d’efforts de la part des

labels pour faire ressortir leurs produits36. Ainsi, les prix peuvent les différencier les uns des

autres, mais le développement d’une telle concurrence a un effet destructeur sur la

branche car il en amoindrit la rentabilité globale.37

Création de valeur dans l’industrie musicale

Comme l’ont théorisé Pierre-Jean Benghozi et Thomas Paris, la création de valeur

au sein de l’industrie musicale se fait en cinq étapes38. Plusieurs travaux de recherches,

comme par exemple ceux de Hutzschenreuter (2000) et Emes (2004), ont également défini

la création de valeur dans l’industrie musicale. L’analyse proposée par les deux chercheurs

32

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.80 33

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.80 34

Moser Rolf, Scheuermann Andreas, Handbuch der Musikwirtschaft, Starnberg, Joseph Keller

GmbH, 1993, 968 p., p.410 35

Hutzschenreuter Thomas, Electronic competition : Branchendynamik durch Entrepreneurship im

Internet, Wiesbaden, Gabler, 2000, 254 p., p.121 36

Moser Rolf, Scheuermann Andreas, Handbuch der Musikwirtschaft, Starnberg, Joseph Keller

GmbH, 1993, 968 p., p.410 37

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-Verlag,

2004, 334 p., p.163 38

Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas, L’industrie de la musique à l’âge d’Internet : nouveaux enjeux,

nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000, n°2, 2001, p. 41-60, p.46

Page 28: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

28

français semble judicieuse car elle est plus flexible et complète que les autres théories. Elle

explique de manière pertinente de quelle façon le marché s’est construit et comment les

différents contrats d’exploitations existants rémunèrent la création de valeur et donc,

d’une certaine manière, légitiment ce système.

Ainsi, en se basant sur le texte écrit par Benghozi et Paris (2001), la création de

valeur dans l’industrie musicale se présente comme suit :

Illustration 3: Création de valeur dans l'industrie musicale traditionnelle (Benghozi,

2001)39

La création de l’œuvre est assurée par deux acteurs ou fonctions : l’auteur et l’éditeur.

Alors que le premier s’occupe de la composition de l’œuvre, le second s’occupe d’éditer le

fruit de l’auteur puis d’en faire une première promotion auprès des maisons de disques.

L’interprétation est assurée par plusieurs acteurs et ne répond pas d’un modèle propre de

fonctionnement. Les musiciens, auteurs, compositeurs ou chanteurs évoluent la plupart du

temps dans un cadre non-contractuel40. Ainsi, par exemple, alors que les artistes pop font

appel à des auteurs-compositeurs, les groupes de rock composent et interprètent leurs

morceaux eux-mêmes et les artistes de jazz réalisent des improvisations à partir de

39

Représentation personnelle basée sur le texte Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas, L’industrie de la

musique à l’âge d’Internet : nouveaux enjeux, nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000,

n°2, 2001, p. 41-60, p.46 et 47 40

Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas, L’industrie de la musique à l’âge d’Internet : nouveaux enjeux,

nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000, n°2, 2001, p. 41-60, p. 47

1. Création de l'oeuvre 2. Interprétation 3. Production 4. Diffusion 5.Consommation

Page 29: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

29

standards. Ces acteurs sont rémunérés par les royautés (cf. Glossaire) générés par les

ventes de disques et les cachets des concerts.

La production est réalisée par les maisons de disques et représente l’étape centrale de la

création de valeur dans l’industrie musicale. En effet, l’œuvre artistique devient à ce stade

un produit commercialisable. La production se déroule en 4 étapes. Le master,

enregistrement original à partir duquel sont réalisées les copies (cf. Glossaire), est tout

d’abord fabriqué. Il est ensuite reproduit puis commercialisé. La dernière étape de la

production est la distribution du disque aux grossistes.

La diffusion correspond à la distribution de disques parmi les points de vente de détail.

Certains médias, comme par exemple la publicité réalisée par les chaînes de distribution,

influencent indirectement ce processus et valorisent ainsi la chaîne de création de valeur.

L’acte de consommation est le principal revenu de toute la chaîne. Ces revenus

proviennent soit de la vente de disques, soit des royautés versées lors de l’utilisation des

droits d’auteurs.

Plusieurs types de contrats lient les différentes étapes et expliquent ce modèle de

fonctionnement. En effet, les contrats permettent le reversement des droits d’auteur à

l’ensemble des acteurs ayant participé à l’élaboration d’un album. Il en existe trois types 41 :

# Contrat d’artiste : le producteur finance la création du master42 mais le contrat en

lui-même porte sur l’enregistrement et ne définit pas les règles d’un temps de création.

Cependant, le producteur prend la responsabilité et le risque financier de développer un

artiste. Comme le succès ou la rentabilité d’un tel engagement peut durer dans le temps, ce

type de contrat porte souvent sur plusieurs albums (2-3) pour une durée de 3 à 5 ans. Dans

41

Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas, L’industrie de la musique à l’âge d’Internet : nouveaux enjeux,

nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000, n°2, 2001, p. 41-60, p. 48 42

Bourreau Marc, Labarthe-Piol Benjamin, Un point sur musique et Internet, 2003, p.4, http://netx.u-

paris10.fr/gdrtics/pdf/doctorants/2004_Labarthe.pdf, page consultée le 4 novembre 2009

Page 30: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

30

ce cas de figure, les maisons de disques s’engagent dès le premier maillon de la création de

valeur.

# Contrat de licence : le propriétaire du master autorise l’exploitation de son bien.

Ainsi, la maison de disque s’occupe de la fabrication et de la distribution d’un disque. Le

label n’est alors engagé qu’à partir du troisième maillon de la création de valeur.

# Contrat de distribution : il porte sur le produit fini. Ainsi, l’éditeur

phonographique a financé la création du master ainsi que toute la phase de production du

disque. La maison de disques ne s’occupe alors que des deux dernières phases de la

création de valeur, à savoir les étapes de distribution.

Ces contrats d’exploitation et la création de valeur de l’industrie, au regard d’un

producteur de musique enregistrée, montrent donc que les revenus de la branche

proviennent uniquement de la vente de disques et des royautés liées à une œuvre

musicale. Ainsi, les points stratégiques de ce système sont en relation avec la signature

d’artistes à potentiel et avec la maximisation des ventes de disques43. De ce fait, la

promotion et la distribution sont extrêmement stratégiques pour encourager la vente d’un

disque. Pour la première, le but est de faire connaître au maximum la sortie et créer le

« buzz » (cf. Glossaire) autour de cet évènement. Pour la deuxième, la finalité est de bien

implanter les produits dans les points de vente afin de faciliter et encourager l’acte d’achat.

La signature d’artistes est également hautement stratégique pour les artistes comme pour

les maisons de disques. En effet, dans un système basé sur les ventes de disques, les

artistes ne peuvent pas espérer réussir sans les maisons de disques. Pour les autres, savoir

43

Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas, L’industrie de la musique à l’âge d’Internet : nouveaux enjeux,

nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000, n°2, 2001, p. 41-60, p.50

Page 31: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

31

repérer les artistes à succès et les développer revient à s’assurer de profits futurs, même si

le taux succès/flop est de 1 pour 1044.

1.2 Un marché oligopolistique conséquence du modèle de

création de valeur

Dans la sous-partie précédente, les trois points stratégiques du marché de la

musique enregistrée ont été mis en évidence : la signature d’artiste, la promotion et la

distribution. Cette deuxième sous-partie a pour but de montrer en quoi ces points

d’accroches ont défini le fonctionnement du marché de la musique traditionnel et ont

causé l’émergence d’un oligopole par des phénomènes de concentration et d’intégration

verticale. Dans un premier temps, une approche théorique de ces phénomènes sera

expliquée. Dans un second temps, nous verrons de quelle façon ces phénomènes

s’appliquent concrètement au marché de la musique. Enfin, nous présenterons le marché

de la musique actuel afin de dresser un état des lieux du marché de la musique enregistrée.

1.2.1 Concentration et coopération : approche théorique

Nous ferons tout d’abord l’étude des raisons et avantages pour une entreprise à se

concentrer, en se basant sur les théories développées par Michael Porter45 et Günther

Wöhe46. L’association d’entreprises peut soit s’opérer sous forme de coopération, soit sous

forme de concentration. Ces deux formes se retrouvent dans le marché de la musique, mais

c’est la concentration des entreprises maîtresses qui en a déterminé sa structure en

donnant naissance à un oligopole. La coopération est un travail commun volontaire entre

44

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.4 45

Porter Michael, Wettbewerbsstrategie : Methoden zur Analyse von Branchen und Konkurrenten,

Francfort/Main, Campus Verlag, 1997, 488p., p.377 46

Wöhe Günter, Döring Ulrich, Einführung in die allgemeine Betriebswirtschaftlehre, München,

Vahlen, 2008, 1065 p., p.254

Page 32: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

32

des entreprises qui restent financièrement et juridiquement indépendantes, ce qui n’est

pas le cas d’une concentration.

Trois formes de rapprochement d’entreprises sont à identifier : verticale,

horizontale et conglomérat. Cette dernière ne sera pas abordée dans cette étude car elle

n’est pas pertinente dans le cadre d’une analyse du marché de la musique. Ce sont les deux

autres formes de rapprochement qui le prédominent. L’intégration verticale correspond

donc à l’acquisition d’activités en amont et en aval de l’entreprise : client ou fournisseur par

exemple. La proximité et l’intégration des différentes unités de l’entreprise à différents

stades de la création du produit fini permettent de nombreuses économies d’échelle. Ainsi,

la concentration verticale améliore le partage et la circulation d’informations entre les

différents secteurs de l’entreprise, la confiance en la technologie des unités intégrées, une

meilleure sécurité et qualité des approvisionnements, la possibilité de développer des

relations commerciales plus stables avec les fournisseurs et distributeurs, une meilleure

maîtrise de la distribution ; et par conséquent une force de négociation plus importante en

amont et en aval de l’activité, une meilleure rentabilité du capital et une plus grande

puissance sur le marché47. La concentration horizontale, quant à elle, offre la possibilité de

réduire la concurrence en se rapprochant de ses concurrents actuels et de réduire les coûts

de fonctionnement en partageant les frais d’activités similaires. Plus généralement, une

concentration, qu’elle soit verticale ou horizontale, répond à cinq objectifs stratégiques48 :

1. Hausse de la rentabilité

2. Consolidation de la compétitivité par le renforcement de la position de

l’entreprise sur le marché

3. Réduction et partage du risque

47

Porter Michael, Wettbewerbsstrategie : Methoden zur Analyse von Branchen und Konkurrenten,

Francfort/Main, Campus Verlag, 1997, 581 p., p.381 48

Wöhe Günter, Döring Ulrich, Einführung in die allgemeine Betriebswirtschaftlehre, München,

Editions Vahlen, 2008, 1065 p., p.256-257

Page 33: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

33

4. Conquête d’une position et d’un pouvoir commercial sur le marché par la

restriction de la concurrence

5. Possibilités de rassemblements d’intérêts d’organisations

Alors que de petites entreprises vont préférer la coopération avec d’autres pour

augmenter leur compétitivité et diminuer les risques, les grosses entreprises vont plutôt

utiliser la concentration afin d’augmenter leurs parts de marché et d’obtenir ou renforcer

leur position dominante49.

1.2.2 Concentration dans le marché de la musique : les causes

d’un oligopole

Les entreprises dominant le marché de la musique ont, pour les raisons évoquées

ci-dessus, cherché à se concentrer horizontalement et verticalement afin de dominer les

trois points stratégiques de l’industrie musicale et de rendre leurs présences

incontournables. De plus, comme 90 % des disques de musique enregistrée ne sont pas

rentables, l’une des difficultés de ce secteur est de recouvrir les coûts de production car la

viabilité de l’entreprise dépend d’une minorité d’enregistrements, encourageant par là-

même des mouvements de concentration.50

La signature d’artiste, ou plus précisément l’enregistrement d’un master puis le

développement d’un produit, a des coûts fixes très élevés dus à l’investissement dans du

matériel et dans de la main d’œuvre spécialisée. Sachant que le taux de succès commercial

est de un pour dix dans le développement d’artistes, les maisons de disques ont intérêt à

multiplier le nombre de sorties de disques et à posséder un capital conséquent afin

49

Wöhe Günter, Döring Ulrich, Einführung in die allgemeine Betriebswirtschaftlehre, München,

Vahlen, 2008, 1065 p., p.257 50

Leyshon Andrew, Time - space (and digital) compression: software formats, musical networks, and

the reorganisation of the music industry, Environment and Planning A, n°33, 2000, p. 49-77, p.63

Page 34: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

34

d’amortir les pertes lors d’un échec commercial. De plus, l’intégration verticale leur permet

un contrôle plus grand de la chaîne, et donc de réduire l’insécurité liée à un environnement

incertain de nature. En plus des coûts, la demande est très importante : on estime à un

disque produit pour 1000 demandes51.

Pour la promotion, la contrainte budgétaire est similaire : la publicité pour un

album représente un coût fixe. Plus grand sera le nombre d’albums vendus, plus le coût à

l’unité de la publicité baissera. De plus, comme les canaux de promotions traditionnels ont

une capacité limitée de diffusion, les différents annonceurs sont ainsi mis en concurrence et

font monter les prix d’un espace médiatique limité. Ainsi, en France en 1999, seulement 1

% des titres diffusés dans les médias de masse traditionnels (télévision, radio) étaient des

productions de labels indépendants.52

Les contraintes de la distribution sont diverses et engendrent des coûts fixes

élevés : couverture du territoire par une force commerciale et logistique, réactivité à une

demande évoluant rapidement53. De plus, l’augmentation des volumes de ventes a renforcé

la puissance des grandes maisons de disques capables de gérer la logistique de telles

quantités. Par exemple, EMI a livré 26 millions de produits soit 2800 tonnes en 2005, dont

92 % en moins de 24 heures.54 Ainsi, comme les coûts engendrés sont fixes, plus la

distribution est concentrée, plus elle sera rentable.

Par des mouvements de concentration, les maisons de disque limitent finalement

l’accès au marché et rentrent dans un cercle vertueux de renforcement de leurs positions

dominantes : plus elles contrôlent l’accès au marché, plus elles rendent leur présence sur

51

Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas, L’industrie de la musique à l’âge d’Internet : nouveaux enjeux,

nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000, n°2, 2001, p. 41-60, p.50 52

Guibert (2000) cité dans : Bourreau Marc, Labarthe-Piol Benjamin, Le peer to peer et la crise de

l’industrie du disque. Une perspective historique, Réseaux, 2004/3, n° 125, p. 17-54, p. 31 53

Bourreau Marc, Labarthe-Piol Benjamin, Le peer to peer et la crise de l’industrie du disque. Une

perspective historique, Réseaux, 2004/3, n° 125, p. 17-54, p. 31 54

Document interne – Communiqué lors de la journée de présentation de l’entreprise.

Page 35: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

35

les trois points stratégiques indispensables et plus elles peuvent maîtriser la création de

valeur et donc l’orienter dans le sens de leurs intérêts. Comme la création de valeur dans le

marché traditionnel est uniquement basée sur la rémunération du droit d’auteur par la

vente de disques ou de vinyles, seuls supports disponibles aux consommateurs, elles sont

ainsi sûres de dominer inconditionnellement le marché et ce, de manière durable55. De

plus, les majors ont cherché à minimiser la puissance des grossistes sur le marché afin

d’assurer leurs positions dominantes auprès des détaillants56, en développant par exemple

des forces de vente sur le territoire.

Ainsi, les processus propres à la création de valeur ont encouragé les phénomènes

de concentration en termes de capital et d’organisation. Ces intégrations se sont réalisées

progressivement dans une industrie aujourd’hui dominée mondialement par quatre

entreprises.

1.2.3 Les éditeurs de musique enregistrée sur le marché

français

Quatre compagnies dominent les marchés français et mondial. Cependant, ce

travail se concentre sur le marché français de la musique enregistrée. Cette première partie

est réservée à l’analyse de la branche avant l’apparition des Nouveaux Médias. Ainsi, les

entreprises commercialisant de la musique sous format digital sont donc exclues de ce

recensement dans un premier temps. Les nouveaux acteurs liés à l’apparition des Nouveaux

Médias seront énumérés en dans la deuxième partie de ce devoir.

En 2007, Universal Music était la première maison de disque avec 29,5 % de part de

marché, puis Sony-BMG (19,5 %), Warner (14,2%) puis EMI (13%) ; soit plus de 75% du

55

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.80 56

Leyshon Andrew, Time - space (and digital) compression: software formats, musical networks, and

the reorganisation of the music industry, Environment and Planning A, n°33, 2000, p. 49-77, p.64

Page 36: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

36

marché français à elles seules57. Les indépendants sont beaucoup plus nombreux et

contrôlent le reste du marché traditionnel. Les principaux indépendants sont Naive et

Wagram (5,3% de parts de marché). Même si le marché reste extrêmement concentré, la

tendance est moins franche. En plus du phénomène des Nouveaux Médias, cette évolution

peut être en partie expliquée par une forte demande de nouveauté de la part des

consommateurs. Ainsi, les maisons de disques suivant une politique de lancement de

nouveaux artistes résistent mieux à la crise que les autres : c’est le cas d’Universal et des

indépendants. Ce phénomène avait été déjà observé lors de la montée en puissance de la

musique rock, que les majors n’avaient pas anticipée, et lors de laquelle les indépendants

avaient alors gagné des parts de marché.

1.3 Notion de droits d’auteur

1.3.1 Propriété intellectuelle : approche générale

Le cadre juridique est très protecteur envers les droits d’auteur aussi bien au niveau

national qu’international. La propriété intellectuelle fait depuis longtemps l’objet d’un

effort de reconnaissance afin d’encourager et de valoriser l’innovation. L’Organisation

Mondiale de la Propriété Intellectuelle, OMPI ou World Intellectual Property Organization

(WIPO), est l’organisme international en charge de créer un système reconnu afin de

réguler les problématiques liées à ce thème. La convention de Berne de 1886 a marqué le

premier rassemblement international sur la propriété intellectuelle.

Selon l’OMPI, il existe deux sortes de propriétés intellectuelles : la propriété

industrielle et le copyright ou droit d’auteur. La propriété intellectuelle réfère de manière

générale à la création de l’esprit humain. Les droits de propriété intellectuelle donnent aux

57

Chiffres 2007 de l’association IRMA : http://www.irma.asso.fr/Marche-du-disque-2007-nouvelle ,

page consultée le 11 novembre 2009

Page 37: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

37

inventeurs un pouvoir d’utilisation sur leurs créations58. La convention établissant

l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (1967) a défini les objets protégés par

les droits de propriété intellectuelle. Ainsi, les œuvres musicales, artistiques et littéraires,

les enregistrements et performances vivantes en font entre autres partie. L’OMPI définit le

droit d’auteur comme suit :

“Copyright relates to artistic creations, such as books, music, paintings and

sculptures, films and technology-based works such as computer programs and electronic

databases. […] The expression copyright refers to the main act which, in respect of literary

and artistic creations, may be made only by the author or with his authorization. That act is

the making of copies of the work. The expression author’s rights refers to the creator of the

artistic work, its author. It thus underlines the fact, recognized in most laws, that the author

has certain specific rights in his creation which only he can exercise (such as the right to

prevent a distorted reproduction). Other rights (such as the right to make copies) can be

exercised by other persons, for example, a publisher who has obtained a license from the

author.”59

Ainsi, le copyright donne également un pouvoir d’exploitation à l’éditeur, si lui-

même en a reçu l’autorisation par l’auteur. Ce système de fonctionnement est la base de

revenu de l’industrie de la musique. En France, l’Institut National de la Propriété

Industrielle (INPI), placé sous la tutelle du ministère de l'Economie, de l'Industrie et de

l'Emploi, participe à la conception et à la mise en place de politiques publiques concernant

la propriété intellectuelle. Le secteur musical a sa propre institution : la Société des Auteurs

Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM), qui gère les droits des ayant-droits

58

Données de l’OMPI sur la propriété intellectuelle :

http://www.wipo.int/freepublications/en/intproperty/909/wipo_pub_909.html#intro, page

consultée le 12 novembre 2009 59

Données de l’OMPI sur la propriété intellectuelle :

http://www.wipo.int/freepublications/en/intproperty/909/wipo_pub_909.html#intro, page

consultée le 12 novembre 2009

Page 38: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

musicaux, c’est à dire

Glossaire), qui donnent aux acteurs secondaires un droit sur l’exploitation de l’œuvre

Illustration

1.3.2 Les

L’industrie musicale

l’exploitation de droits d’auteur au début des années 1980 par les spécialistes du secteur.

60

Données de l’INPI sur la propriété intellectuelle

la-pi/qu-est-ce-que-la-propriete

38

, c’est à dire les droits d’auteur (cf. Glossaire) mais pas les droits voisins

, qui donnent aux acteurs secondaires un droit sur l’exploitation de l’œuvre

Illustration 4:Propriété intellectuelle en France (INPI, 2009)

droits d’auteur sur le marché de la musique

L’industrie musicale a commencé à être comprise en tant que service basé sur

l’exploitation de droits d’auteur au début des années 1980 par les spécialistes du secteur.

Données de l’INPI sur la propriété intellectuelle : http://www.inpi.fr/fr/connaitre

propriete-industrielle-nbsp.html, page consultée le 16 Novembre 2009

mais pas les droits voisins (cf.

, qui donnent aux acteurs secondaires un droit sur l’exploitation de l’œuvre.

France (INPI, 2009)60

é de la musique

en tant que service basé sur

l’exploitation de droits d’auteur au début des années 1980 par les spécialistes du secteur.61

http://www.inpi.fr/fr/connaitre-la-pi/decouvrir-

, page consultée le 16 Novembre 2009

Page 39: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

39

Cette nouvelle appréhension est due à la mondialisation et au développement des

Nouveaux Médias, point qui sera abordé dans la deuxième partie de ce travail. Pendant les

années 1960 et 1970, elle avait alors été considérée comme une industrie produisant des

marchandises ayant pour but d’être vendues auprès des consommateurs.

Si l’on reconsidère les différents types de contrat dans l’industrie de la musique

enregistrée - contrat d’artiste, de licence et de distribution - et la chaîne de création de

valeur, tous les acteurs de la chaîne sont rémunérés grâce aux droits d’auteur et aux droits

voisins de manière directe ou indirecte. Cette rémunération est générée par les

consommateurs de musique en bout de chaîne, ou par les acquéreurs des droits d’auteur

que l’on peut également considérer comme des consommateurs de musique.

En France, la législation autour du droit d’auteur s’est bâtie en plusieurs étapes à

partir de 1957, année au cours de laquelle la jurisprudence en la matière a été codifiée62.

Les droits voisins, autorisant les acteurs secondaires de la création comme les éditeurs ou

les interprètes, ont été réglementés en 1985 protégeant l’œuvre pour une durée de

cinquante ans63.

La rémunération des différents acteurs de l’industrie musicale traditionnelle

dépend donc entièrement du droit d’auteur. Il est fortement protégé par la législation qui

donne un cadre et une légitimité à ce modèle en place depuis longtemps. Par ailleurs,

l’industrie de la musique enregistrée connaît déjà le problème de la non-rémunération des

droits d’auteur depuis le développement du disque vierge au début des années 1980.

Cependant, le phénomène connaîtra une ampleur sans précédent avec l’apparition des

Nouveaux Médias qui provoqueront la non-rémunération en masse des droits d’auteur.

61

Frith Simon, Marshall Lee, Music and Copyright, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2004, 215

p., p.4 62

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126 p.,

p.39 63

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126 p.,

p.41

Page 40: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

40

Jusqu’à l’apparition des Nouveaux Médias, la création de valeur dans l’industrie

musicale pouvait être considérée comme pérenne : les évolutions techniques ont donné

lieu à la création de différents supports physiques (disque vinyle, compact disque, 33 tours)

qui, couplé à une forte protection législative, ont permis de conforter ce modèle. De plus,

les éditeurs de musique n’avaient alors pas développés de nouveau modèle. Passant

nécessairement par la création d’un support, le modèle existant a subsisté dans le temps et

leur a offert une puissance sans partage sur l’industrie. En effet, il fallait maîtriser au moins

un des maillons stratégiques de la chaîne de création de valeur afin d’exister sur ce marché,

que ce soit en tant que major ou qu’indépendant.

1.3.3 Le droit d’auteur comme compromis social

L’idée de droit d’auteur a débuté avec l’œuvre du philosophe John Locke « Essay

Concerning Human Understanding » en 1689 où l’auteur prône la légitimité de ce droit en

tant que prolongement de la propriété naturelle de l’individu sur son corps, l’idée étant

l’œuvre de l’esprit et donc du corps64. Plusieurs courants de pensée ont par la suite tenté

de définir le but de la propriété intellectuelle : certains dans la continuité de Locke, d’autres

en revanche par l’utilité économique mettant de ce fait en garde contre une propriété sans

partage des idées soit un monopole, ou encore par l’utilité économique sociale c'est-à-dire

par la mesure du bien-être social que pourrait apporter un système régulateur des droits

d’auteur.65

Les philosophes des Lumières ont finalement posé la problématique de cette

notion : quel compromis trouver entre la rémunération des auteurs et la nécessité de créer

une place publique d’échange d’idées ? Jusqu’aux Lumières, la création artistique et la

64

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126 p.,

p.5 65

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126 p.,

p.6

Page 41: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

41

pensée étaient sous la tutelle des princes régnants. Le développement de la philosophie

des Lumières a prôné une démocratisation du savoir pour laquelle la création d’un espace

publique de discussion, aussi nommé le principe de publicité du discours d’Emmanuel Kant,

est nécessaire66. D’autre part, la création d’un système de propriété intellectuelle garantit

aux créateurs une source de revenus, souvent unique, sûre et proportionnelle au succès de

leurs œuvres et qui prend en compte le délai, parfois long, de reconnaissance d’un travail67.

Ainsi, le droit d’auteur représente un compromis social entre la rémunération des

auteurs et l’accès aux savoirs du public. Dans la prochaine sous-partie, nous étudierons la

place du consommateur, le principal récepteur de musique, dans ce marché traditionnel.

1.4 Le consommateur

Cette sous-partie a pour but de comprendre la prise de position des

consommateurs par rapport à la musique enregistrée avant l’arrivée des Nouveaux Médias.

1.4.1 Importance sociologique de la musique

Cette sous-partie étudie quelle place est accordée à la musique auprès des

consommateurs.

En sociologie, la musique est une composante du style de vie d’un individu68. Le

style de vie est un modèle relativement stable correspondant à l’expression individuelle de

66

Benhamour Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126

p., p.6 67

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126 p.,

p.7-8 68

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.25

Page 42: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

42

l’organisation du quotidien69 et est une des conséquences de l’appartenance à une classe

sociale. L’œuvre de Bourdieu, sociologue français, s’est attachée à étudier les composantes

de la société et à les classer afin de comprendre les comportements et les attentes d’une

population. Ainsi, il définit l’appartenance à une classe sociale en deux axes : les facteurs

matériels et culturels70. Les premiers sont relatifs à l’argent et à toute forme de propriété

monnayable. Les seconds, quant à eux, désignent trois formes de propriété culturelle, et

plus généralement intellectuelle : les biens intellectuels comme le savoir ou les

compétences, les biens réels comme les produits culturels, et les biens institutionnels

comme les diplômes71.

Ainsi, la musique, en tant que propriété culturelle, fait sociologiquement partie de

l’identité d’une personne et d’une société. Concrètement, elle occupe une place

importante dans la vie des consommateurs car elle représente la plus grande occupation de

loisirs en termes de temps consacré72.

1.4.2 Désaffection de l’achat de musique enregistrée ?

Le comportement de consommation de musique enregistrée depuis le début des

années 2000 laisse penser à un désintéressement des consommateurs pour le secteur. En

effet, le marché du disque français a d’une part connu une forte baisse en volume et en

69

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.26 70

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.27 71

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.27 72

Stähler Patrick, Merkmale von Geschäftsmodelle in der digitalen Ökonomie, Cologne, Eul, 2001,

335 p., p.261

Page 43: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

43

valeur, et ce, de façon régulière, depuis le début des années 2000. D’autre part, le marché

du spectacle vivant a connu des hausses de fréquentation73.

Hormis l’apparition du piratage massif lié à l’apparition des Nouveaux Médias,

d’autres facteurs pourraient expliquer cette lassitude. Aucun courant artistique comparable

au disco ou au rock n’a percé depuis les années 2000. De plus, la politique du « One-Hit-

Wonder » s’est beaucoup développée, et le nombre de sorties s’est démultiplié durant la

même période afin de consolider la croissance que l’industrie connaissait encore au début

des années 2000. Cependant, le taux traditionnel de succès commercial de un pour dix ne

s’est pas amélioré voire s’est nettement dégradé.74En tout cas, l’analyse des prix montre

[…]. En outre, les albums ayant rencontré le plus de succès depuis deux ans proviennent

d’artistes inconnus auparavant. De nombreux exemples concrets peuvent illustrer ce

propos : Amy Winehouse, Renan Luce, Rihanna, Mika, Christophe Willem, Yael Naim ou

plus récemment, Lady Gaga.

Ainsi, ces constatations tendent à montrer que la musique est un centre d’intérêt

important pour les consommateurs mais que ces derniers se désintéressent de la musique

enregistrée. Parallèlement, l’apparition de nouveaux loisirs s’adressant au même public

vient concurrencer la vente de disques dans la répartition du budget des loisirs du

consommateur, dont les ressources sont par principe limitées.

1.4.3 La concurrence de nouveaux loisirs

L’industrie musicale avait déjà pâti de l’apparition de nouveaux loisirs à deux

reprises dans son histoire : au début des années 1930, le cinéma s’était démocratisé auprès

du grand public et avait contribué à la première crise du secteur ; puis au début des années

73

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.166 74

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, p.80

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44

1980, l’apparition du magnétoscope et le développement des jeux vidéo avaient

désintéressé les consommateurs du marché de la musique enregistrée.

Un tel constat a également été réalisé avant l’apparition des Nouveaux Médias. A

partir de la fin des années 1990, deux nouveaux types de divertissements se sont

développés parallèlement aux loisirs traditionnels que sont la lecture et le cinéma : la

téléphonie mobile et les jeux sur ordinateur. Ces deux industries ont connu une croissance

folle, monopolisant de fait la puissance d’achat et le temps des consommateurs. Or, ces

mêmes consommateurs ont également le profil typique d’amateurs et de consommateurs

de musique enregistrée75. En Allemagne, le secteur de la téléphonie mobile a connu un

chiffre d’affaire de 23 milliards d’euros en 2006. En moyenne, 20% des gains des

compagnies de téléphonie mobile proviennent de l’envoi de SMS (Short Message Service)

ou autre service de données (MMS…). Le marché mondial des jeux sur ordinateur

représente 31 milliards de dollars, soit environ 21 milliards d’euros, et a connu une très

forte croissance grâce à la sortie de nouvelles consoles (Hardware) et de nouveaux jeux

(Software) qui ont su capter l’intérêt et la force d’achat du public : c’est le cas de la X Box

de Microsoft ou encore de la PS3 de Sony. De plus, les jeux en ligne se sont fortement

développés auprès du grand public : l’Allemagne comptait plus de 6 millions d’utilisateurs

en 2006.76

Au terme de cette première partie, nous avons une idée plus nette du cadre

traditionnel de l’industrie musicale. Basée sur un support physique qui a évolué au cours du

temps, elle s’est construite autour de trois points stratégiques principaux, facteurs de coûts

dans l’élaboration d’un album : la signature d’artiste, la promotion et la distribution. Un

oligopole de maisons de disques s’est bâti autour de la maîtrise de ces enjeux et dirige le

75

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.90 76

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.90

Page 45: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

45

marché traditionnel. La loi, par la protection du droit d’auteur, a protégé un tel modèle et

l’a rendu pérenne. Les consommateurs, quant à eux, s’intéressent vraisemblablement plus

à la téléphonie mobile et aux jeux informatiques qu’à l’achat de disques pendant leur

temps libre.

A l’apparition des Nouveaux Médias se sont ajoutés de nombreux facteurs

expliquant le bouleversement de ce modèle : l’obsolescence du support disque, la hausse

de l’équipement informatique des foyers français, la baisse du prix de l’équipement

d’enregistrement et d’écoute ou encore une volonté de déconcentration de la part de

certains acteurs du secteur. Alors que les Nouveaux Médias avaient suscité de nouvelles

attentes dans la branche77, les conséquences sur le marché de la musique sont

nombreuses, pas toutes porteuses de croissance. Ces différents points seront abordés dans

la prochaine partie de cette étude.

77

Leyshon Andrew, Time - space (and digital) compression: software formats, musical networks, and

the reorganisation of the music industry, Environment and Planning A, n°33, 2000, p. 49-77, p.51

Page 46: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

46

2. Le nouveau cadre de l’industrie musicale : technologie et

intégration du consommateur

Le nouveau cadre de l’industrie musicale a été principalement initié par un

changement technologique : l’apparition des Nouveaux Médias, qui ont mis en lumière le

vieillissement du disque en tant que support. En effet, la musique était jusqu’alors

considérée comme une information vendue sous la forme d’un produit, dont la production

industrielle impliquait des coûts de production fixes et élevés78. Avec l’apparition des

Nouveaux Médias, elle a pu devenir une information à part entière, le support ayant été

rendu virtuel.

2.1 Les Nouveaux Médias

2.1.1 Définition

Les Nouveaux Médias sont un terme générique correspondant à l’informatisation et

au partage des données permises par les Nouvelles Technologies d’Information et de

Communication (NTIC). Dans le cadre du marché de la musique, l’apparition des Nouveaux

Médias est due au développement du format de compression MP3, permettant la

numérisation de contenus musicaux dans une taille réduite, et au développement

d’Internet en tant que média de transactions et de transport. 79

Le format MP3 a été développé par l’institut de recherche allemand Frauenhofer à

la fin des années 198080, puis définitivement présenté en 199181. Son développement a été

78

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.164 79

Baierle Christian, Der Musikverlag, München, Musikmarkt-Verlag, 2009, 568 p., p. 187 80

Unverzagt Alexander, Koch Herbert, Wörterbuch der Musikwirtschaft : 1000 Fachbegriffe aus

Musik, Wirtschaft & Recht, Munich, Musikmarkt-Verlag, 2006, 278 p., p. 127

Page 47: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

47

soutenu par l’organisme International Organisation for Standardization (ISO), organisme

international ayant pour vocation de développer des standards internationaux82. Le format

MP3 permet de compresser un fichier audio sous forme numérique en réduisant de dix fois

sa taille d’origine. Ce format est gratuit car il a été développé par des organismes publics :

ainsi aucune entreprise privée ne peut exiger une rémunération en contrepartie de

l’utilisation du format MP3, et les « drivers » (cf. Glossaire) permettant d’encoder la

musique sont disponibles gratuitement sur Internet. Le MP3 est donc accessible à tous

facilement et gratuitement, et ces caractéristiques en font un nouveau standard pour la

compression de données83. Ce format permet un échange facilité de données par le biais

d’Internet et offre une bonne qualité de son. Il ouvre, entre autres, la voie aux contenus

numériques dans la musique. Par définition, un contenu numérique est transportable grâce

à différents supports, enregistrés sur différents médias et travaillés sur différents

terminaux. 84

Les informations ne sont, de ce fait, plus liées à un média unique et leur

distribution, à un seul canal. Le caractère non-physique des données permis par la

numérisation permet une séparation de l’information et du média. Les contenus musicaux

peuvent ainsi être transportés par le médium d’Internet et ne sont plus dépendants de

leurs supports traditionnels.

Le développement d’Internet et du débit de connexion ont facilité l’échange de

fichiers numériques. Le prix de l’informatique a fortement baissé depuis les années 1990, et

de nombreux foyers ont ainsi pu s’équiper. Un tel constat est par exemple réalisé dans la

81

Brandenburg Karlheinz, MP3 And AAC explained, ”AES 17th International Conference on High

Quality Audio Coding”, Erlangen, Fraunhofer Institute for Integrated Circuits FhG-IIS A, 1994, p.1 82

Leyshon Andrew, Time - space (and digital) compression: software formats, musical networks, and

the reorganisation of the music industry, Environment and Planning A, n°33, 2000, p. 49-77, p.50 83

Hutzschenreuter Thomas, Electronic competition : Branchendynamik durch Entrepreneurship im

Internet, Wiesbaden, Gabler, 2000, 254 p., p.125 84

Heil Bertold, Online-Dienste, Portal Sites und elektronische Einkaufszentren:

Wettbewerbsstrategien auf elektronischen Massenmärkten, Wiesbaden, Gabler Edition

Wissenschaft, 1999, p. 50

Page 48: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

48

société française en matière d’accès à Internet. En France, 58% des personnes majeures

possédaient un accès à Internet, hors téléphone mobile, en juin 2008 alors qu’ils n’étaient

que 4% en janvier 1998. Parmi les 12-17 ans, ce taux est encore plus fort et s’élève à 61%

(40% en 2003) en 2008 également.85

Ainsi, la démocratisation d’Internet et l’avènement du format de compression MP3

ont marqué une nouvelle ère dans l’échange d’informations et de fichiers musicaux : les

Nouveaux Médias. Certaines technologies émanent directement de ce phénomène : le

streaming et le Peer-to-Peer (cf. Glossaire) en sont les principales, ou du moins en ont été

les plus lourdes de conséquences pour l’industrie musicale.

2.1.2 Les avancées technologiques affiliées aux Nouveaux

Médias : Web 2.0, Peer-to-Peer et streaming

Le Web 2.0

Le terme Web 2.0 est arrivé après l’éclatement de la bulle Internet à l’automne

2001, succédant à l’époque Web 1.086. Plus qu’une évolution technique, ce terme désigne

une nouvelle vision d’Internet, désormais fondée sur des systèmes de communauté dans

lesquels l’internaute participe à la création et publication de contenu.

Le chercheur O’Reilly, un des premiers à avoir étudié le phénomène et à avoir créé

le terme « Web 2.0 », a tenté de définir les caractéristiques du Web 2.0 en étudiant les sites

qui ont su faire la transition entre les deux ères Internet. Google, l’un des meilleurs

exemples de Web 2.0, est le précurseur de nombreux sites tels eBay, Amazon, Napster car il

85

Bigot Régis, Croutte Patricia, La diffusion de l’information et de la communication dans la société

française, Paris, Centre de Recherche pour l ’Etude et l ’Observation des Conditions de Vie, 2008, 164

p., p.51 et 52 86

O'Reilly Tim, What Is Web 2.0: Design Patterns and Business Models for the Next Generation of

Software, Communications & Strategies, No. 65, 1st quarter 2007, p.17-37, p.17

Page 49: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

49

a fait de la gestion de données sa compétence principale87. Pour cette raison, d’aucuns

nomment les applications du Web 2.0 « infoware » au lieu de « software ».88

Le succès de tels sites peut également s‘expliquer par la compréhension du « long

tail », concept nommé pour la première fois par Chris Anderson, fondateur de Google, en

200489, pour décrire la puissance des petits acteurs en tant qu’agrégat. Il affirme donc que,

la puissance rassemblée de sites générant peu de trafic est plus grande que la puissance

rassemblée de sites à forte affluence.

L’un des principes du Web 2.0 est également la participation massive des

internautes : plus de gens participeront, meilleure sera la qualité du site90. Le

développement du phénomène de « blogging » est un des résultats de cette évolution

d’Internet.

Savoir capter l’intelligence collective a été l’un des facteurs principaux de la réussite

des sites Web 2.0 permis grâce à la technique du « hyperlinking » (cf. Glossaire) permettant

de connecter les savoirs. Le site Wikipedia, encyclopédie gratuite en ligne et créée par les

internautes, en est le meilleur exemple.

Le Web 2.0 marque l’avènement d’applications web utilisées comme des logiciels

dont les dispositifs sont simples91 : iTunes et les réseaux Really SimpleSyndication (RSS, cf.

Glossaire) en sont de bons exemples. La nouvelle ère Internet manifeste finalement la

87

O'Reilly Tim, What Is Web 2.0: Design Patterns and Business Models for the Next Generation of

Software, Communications & Strategies, No. 65, 1st quarter 2007, p.17-37, p.21 88

O'Reilly Tim, What Is Web 2.0: Design Patterns and Business Models for the Next Generation of

Software, Communications & Strategies, No. 65, 1st quarter 2007, p.17-37, p.27 89

Anderson Chris, The Long Tail, 2004, http://www.changethis.com/10.LongTail, page consultée le 7

décembre 2009 90

O'Reilly Tim, What Is Web 2.0: Design Patterns and Business Models for the Next Generation of

Software, Communications & Strategies, No. 65, 1st quarter 2007, p.17-37, p.22 91

O'Reilly Tim, What Is Web 2.0: Design Patterns and Business Models for the Next Generation of

Software, Communications & Strategies, No. 65, 1st quarter 2007, p.17-37, p.33

Page 50: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

50

pleine utilisation des potentialités techniques offertes par Internet en tant que plate-

forme92.

Combinée à la simplicité nouvelle des logiciels développés, les méthodes de

consommation, de marketing et de distribution dans toutes les branches de l’économie ont

été bouleversées. Le Web 2.0 encourage l’interaction entre les internautes, comme le

prouve le succès des réseaux sociaux93. De plus, l’étude de la population de ces sites

montre un vieillissement de l’audience de ces sites communautaires dans le monde entier,

établissant la participation grandissante des sociétés entières au phénomène.94

Ainsi, O’Reilly résume les enjeux principaux du Web 2.0 par la capacité à atteindre

le Web tout entier, que les sites créent beaucoup d’affluence ou non, ainsi que la maîtrise

des données95.

Le « Peer-to-Peer » et le streaming

Le « Peer-to-Peer », traduit pair-à-pair, est une technique d’échanges de fichiers de

terminal à terminal. Chaque terminal constitue à poids égal un « peer ». Cette technologie

est bien une conséquence du Web 2.0 car chaque individu, le « peer », représente un

serveur pour la communauté. Parfois sous le contrôle d’un serveur central et parfois

directement de pair-à-pair, des données, services seront ainsi échangées96. Les progrès

techniques ont permis des connexions Internet de plus en plus rapides et donc, ont facilité

l’échange de fichiers.

92

O'Reilly Tim, What Is Web 2.0: Design Patterns and Business Models for the Next Generation of

Software, Communications & Strategies, No. 65, 1st quarter 2007, p.17-37, p.34 93

Succès des réseaux sociaux, article d’un blog du journal Le Figaro :

http://blog.lefigaro.fr/medias/2009/03/nielsen.html, page consultée le 16 décembre 2009 94

Succès des réseaux sociaux, article d’un blog du journal Le Figaro :

http://blog.lefigaro.fr/medias/2009/03/nielsen.html, page consultée le 16 décembre 2009 95

O'Reilly Tim, What Is Web 2.0: Design Patterns and Business Models for the Next Generation of

Software, Communications & Strategies, No. 65, 1st quarter 2007, p.17-37, p.21 96

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126 p.,

p.67

Page 51: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

51

Illustration 5: Temps de téléchargement en fonction de la technologie de communication

(Stähler, 2001)97

Le streaming consiste en la diffusion de contenus audio ou vidéo sur Internet. Le

streaming rend possible la diffusion en temps réel d’évènements : émissions radio ou télé,

concerts… Le contenu est comprimé puis mis en ligne sur un serveur, auquel accède

l’internaute. Il peut regarder le contenu de son ordinateur après la mise en mémoire

tampon. Cette dernière permet de palier les potentielles faiblesses du réseau pendant le

temps d’écoute et donc d’augmenter la qualité du contenu. Dans le monde entier,

l’ensemble des sites de diffusions audio ou vidéo permettent d’atteindre environ 500

millions de personnes98.

Ainsi, plus que les méthodes de production, ce sont les modes de consommation et

de promotion qui ont été bouleversés par le Web 2.0.

97

Stähler Patrick, Merkmale von Geschäftsmodelle in der digitalen Ökonomie, Cologne, Eul, 2001,

p.269 98

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.175

Page 52: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

52

2.1.3 La désolidarisation du contenu et du médium

Les produits de l’information ont par définition une structure duale : ils sont le

résultat de l’association d’une information et d’un média99. Un média est défini comme un

« procédé permettant la distribution, la diffusion ou la communication d'œuvres, de

documents, ou de messages sonores ou audiovisuels »100. Les progrès technologiques liés à

la communication permettent la désolidarisation de cette association et laissent de plus en

plus au récepteur de l’information le choix de la forme sous laquelle il souhaite la recevoir

ou la donner101. Cette séparation touche toutes les industries de l’information : livre,

musique, presse …

Par ses attributs, l’industrie musicale dépend de la création artistique et vise à

vendre un contenu. Traditionnellement, ce contenu a toujours été lié à un support : les

disques, vinyles et autres supports physiques. Ils étaient la seule liaison, porteuse de

revenus, des fabricants de musique aux consommateurs. Comme le tableau ci-dessous

l’indique, les Nouveaux Médias rendent cette association facultative :

99

Zerdick Axel, Picot Arnold, Schrape Klaus, Burgelman Jean-Claude, Silverstone Roger, Feldmann

Valerie, Heger Dominik K., Wolff Caroline, E-Merging Media – Kommunikation und Medienwirtschaft

der Zukunft, Berlin, Springer, 2004, 416 p., p. 34 100

Site Larousse, définition de média, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/media/50085,

page consultée le 30 novembre 2009 101

Zerdick Axel, Picot Arnold, Schrape Klaus, Burgelman Jean-Claude, Silverstone Roger, Feldmann

Valerie, Heger Dominik K., Wolff Caroline, E-Merging Media – Kommunikation und Medienwirtschaft

der Zukunft, Berlin, Springer, 2004, 416 p., p. 35

Page 53: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

53

Illustration 6: Désolidarisation contenu / média dans l'industrie musicale (traduction de

Zerdick, 2004)102

De ce fait, les Nouveaux Médias ont révolutionné la conception de contenu musical,

surtout sa diffusion et sa réception. De plus, il est important de noter qu’à l’apparition des

avancées technologiques, le disque était un support vieillissant : existant depuis les années

1980, il ne présentait plus d’attractivité technologique.

A présent, les conséquences de ces changements technologiques seront analysées

sur le modèle de création de valeur établi dans la première partie de ce travail.

102

Zerdick Axel, Picot Arnold, Schrape Klaus, Burgelman Jean-Claude, Silverstone Roger, Feldmann

Valerie, Heger Dominik K., Wolff Caroline, E-Merging Media – Kommunikation und Medienwirtschaft

der Zukunft, Berlin, Springer, 2004, 416 p., p.35

Page 54: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

54

2.2 Rupture de la création de valeur: piratage et

désintermédiation

La diffusion massive de contenus numériques a été peu ou mal anticipée par

l’industrie qui n’avait pas pronostiqué l’influence des Nouveaux Médias sur ses domaines

d’activités, basés sur la rémunération du contenu. Ainsi, ils ont fortement bouleversé la

création de valeur en brisant le reversement du copyright à tous les niveaux respectifs de la

chaîne et en offrant la possibilité de court-circuiter les étapes traditionnelles de la création

de valeur.

2.2.1 Le piratage et la non-rémunération des droits d’auteur

Le premier bouleversement est le piratage massif des œuvres musicales, entraînant

la non-rémunération des différents acteurs de la chaîne. Il en existe deux formes

aujourd’hui : la copie de disque et le téléchargement illégal. Le manque à gagner engendré

par la copie de disques est estimée par l’IFPI, la fédération internationale de l’industrie

phonographique, à $ 4,5 milliards dans le monde en 2005103. Toutefois, ce travail prendra

seulement en compte le piratage informatique, le sujet traitant des conséquences des

Nouveaux Médias sur le marché de la musique. En 2005, l’IFPI a estimé à 20 milliards le

nombre de titres téléchargés ou échangés illégalement sur Internet104. L’organisation

définit plusieurs types de piratage informatique donnant lieu au téléchargement. La

disponibilité de titres sur des sites ne rémunérant pas les droits d’auteurs ou encore

l’échange de fichiers sur les serveurs de Peer-to-Peer, grâce à des File Transfer Protocol

(FTP), en font parti. Mais d’autres formes nouvelles ont également été répertoriées par 105 :

103

IFPI, Piracy Report 2006, Londres, Editions IFPI, 20 p., p.4 104

IFPI, Piracy Report 2006, Londres, Editions IFPI, 20 p., p.4 105

IFPI, Piracy Report 2006, Londres, Editions IFPI, 20 p., p.4-5

Page 55: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

55

# BitTorrent : nouvelle technologie dans l’échange de fichiers, qui rend la

distribution de fichiers possibles sans transiter par un serveur. Pirate Bay, l’un des plus

grands sites de BitTorrent, s’est vu récemment condamner par la justice suédoise.

# Les forums de chat sur Internet sont les lieux d’échanges de fichiers musicaux.

# Les réseaux locaux d’ordinateurs à ordinateurs ou Local Area Network (LAN)

# Le « Stream ripping »106 consiste en la capture puis la conversion en fichiers

permanents de données disponibles en streaming.

# Le piratage sur téléphone portable est possible par l’échange de fichiers avec le

Bluetooth, technologie permettant la mise en réseaux puis l’interconnexion de téléphones

portables.107

Toutes ces formes de piratage ont engendré un manque-à-gagner considérable

pour l’industrie musicale, les droits d’auteurs n’étant pas rémunérés108. Cependant, cette

perte est difficile à estimer car toute chanson téléchargée n’aurait pas nécessairement été

achetée. Les réseaux de « Peer to Peer » représentent deux tiers du trafic mondial sur

Internet en 2006.109 L’industrie musicale a été pionnière en matière d’exposition au

piratage, par rapport aux autres industries de contenus, de par la portabilité du format de

la musique110.

Le streaming représente aussi un danger potentiel de non-rémunération des droits

d’auteurs et pourrait être considéré comme une forme dérivée de piratage. Le streaming a

certes une finalité première promotionnelle mais peut être utilisé comme une fin en soi.

106

IFPI, Piracy Report 2006, Londres, Editions IFPI, 20 p., p.5 107

Données sur la technologie Bluetooth : http://www.bluetooth.com/Bluetooth/Technology/, page

consultée le 21 novembre 2009 108

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p. 60 109

Benhanou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126 p.,

p.62 110

Benhanou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126 p.,

p.63

Page 56: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

56

Ainsi, au lieu de provoquer l’acte d’achat, il peut le remplacer. Ce phénomène avait été

ressenti par les maisons de disques avec l’apparition de la radio.

L’IFPI, ainsi que d’autres organisations telles l’OMPI ou la RIAA, lutte depuis de

nombreuses années contre le piratage, apparu avec les disques vierges, par des campagnes

de communication et de sensibilisation auprès de différents acteurs : le grand public, parmi

lesquels les enfants, enseignants111, parents, étudiants, ou encore les entreprises et

gouvernements.112 Dans son rapport sur le piratage de 2006, l’organisation pointe

particulièrement du doigt l’acte de rendre disponible un album avant sa sortie. En plus

d’être très développé sur le net, le non-paiement des droits d’auteurs est accepté par une

grande partie de la société, rendant la lutte des organisations de maisons de disques et des

gouvernements plus difficile.113

Lawrence Lessig définit quatre types d’internautes-pirates et attire l’attention sur la

prise en compte de ces différents usages dans l’élaboration d’une législation114 :

# Les internautes utilisant les réseaux de « Peer-to-Peer » en tant que substitution à

l’achat de disques

# Les utilisateurs en quête de nouveaux artistes dont pourrait découler de l’acte de

piratage un achat

# Les utilisateurs souhaitant se procurer des œuvres qui ne sont plus disponibles

dans le commerce

111

Campagne IFPI « Young People, Music and the Internet » :

http://www.pro-music.org/Content/GuidesAndResources/advice_for_parents.php, page consultée

le 21 novembre 2009 112

Différentes campagnes de communication IFPI contre le téléchargement :

http://www.ifpi.org/content/section_resources/index.html, page consultée le 21 novembre 2009 113

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p.197 114

Lessig Lawrence, Free culture, New York, The Pinguin Press, 2004, 352 p., p.296-297

Page 57: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

57

# Les internautes voulant se procurer des œuvres ou fichiers n’étant pas protégés

par des droits d’auteur

Cependant le piratage n’est que la pointe émergée de l’iceberg : c’est la création de

valeur entière de l’industrie qui est touchée.

2.2.2 Le court-circuit de la création de valeur traditionnelle :

la désintermédiation

Avec l’arrivée des Nouveaux Médias, les acteurs des différentes étapes de la

création de valeur peuvent entrer directement en contact avec les consommateurs, et de

ce fait contourner les points stratégiques qui avaient jusqu’alors créé la puissance de

l’oligopole du marché traditionnel. Ce phénomène est appelé la désintermédiation du

marché de la musique115. Aussi l’apparition des Nouveaux Médias a suscité l’espoir d’un

marché nouveau chez les artistes et labels indépendants, qui pressentaient la possibilité de

renverser l’ordre établi et ont été les premiers à lancer des opérations de

téléchargement.116 La baisse des prix du matériel d’enregistrement, alliée aux nouvelles

fonctionnalités offertes par les Nouveaux Médias117, offre la possibilité aux artistes de se

faire connaître directement des consommateurs et de contourner les maisons de disques.

Ainsi, des artistes en fin de contrat avec leur éditeur et jouissant déjà d’une renommée

auprès du public peuvent parfaitement se passer des services d’une maison de disque.118 La

création de valeur passe alors de la première étape à la dernière et la rémunération du

copyright revient entièrement aux personnes créatrices.

115

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p.182 116

Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas, L’industrie de la musique à l’âge d’Internet : nouveaux enjeux,

nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000, n°2, 2001, p. 41-60, p.53 117

Leyshon Andrew, Time - space (and digital) compression: software formats, musical networks, and

the reorganisation of the music industry, Environment and Planning A, n°33, 2000, p. 49-77, p.68 118

Wallis et al. (1999), dans Leyshon Andrew, Time - space (and digital) compression: software

formats, musical networks, and the reorganisation of the music industry, Environment and Planning

A, n°33, 2000, p. 49-77, p.68

Page 58: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

Illustration

De plus, l’espace d’expression et de promotion offert par Internet est incomparable

avec celui accordé par les médias traditionnels. En plus de la taille, les possibilités

interactives offertes sont nombreuses

internautes, et toutes les activités interactives liées au Web 2.0. Ces nouvelles activités de

promotion permettent également d’éviter les étapes de promotion par les médias décrits

comme traditionnels : radio, télévision, presse

dominante des majors sur le marché traditionnel. Il est important de noter qu’Internet ne

remplace pas les médias traditionnels mais offre une alternative aux éditeurs de musique

qui n’existait pas auparavant. Elle brise de cette m

traditionnels sur la promotion de disques et bâtit un contre

traditionnels.

Enfin, dans une dernière approche, les Nouveaux Médias permettent aux éditeurs

de musique de vendre leurs produits direc

coûteux contrats de distribution

prélèvement sur les ventes varie entre 25 et 40%.

119

Représentation personnelle inspirée de

Wiesbaden, Deutscher Universitäts120

Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas,

nouveaux modèles, nouvelles stratégies

1. Création de l'oeuvre

58

Illustration 7: La désintermédiation de la création de valeur

De plus, l’espace d’expression et de promotion offert par Internet est incomparable

avec celui accordé par les médias traditionnels. En plus de la taille, les possibilités

interactives offertes sont nombreuses : streaming afin de faire découvrir le contenu

internautes, et toutes les activités interactives liées au Web 2.0. Ces nouvelles activités de

promotion permettent également d’éviter les étapes de promotion par les médias décrits

: radio, télévision, presse, dont l’espace limité avait forgé la position

dominante des majors sur le marché traditionnel. Il est important de noter qu’Internet ne

remplace pas les médias traditionnels mais offre une alternative aux éditeurs de musique

qui n’existait pas auparavant. Elle brise de cette manière le monopole qu’avaient les médias

traditionnels sur la promotion de disques et bâtit un contre-pouvoir aux médias

Enfin, dans une dernière approche, les Nouveaux Médias permettent aux éditeurs

de musique de vendre leurs produits directement aux consommateurs et ainsi d’éviter de

coûteux contrats de distribution : en France, pour un contrat de distribution,

prélèvement sur les ventes varie entre 25 et 40%.120

Représentation personnelle inspirée de : Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie,

niversitäts-Verlag, 2004, 334 p., p.190

Jean, Paris Thomas, L’industrie de la musique à l’âge d’Internet

nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000, n°2, 2001, p. 41-60, p.49

2. Interprétation 3. Production 4. Diffusion

: La désintermédiation de la création de valeur119

De plus, l’espace d’expression et de promotion offert par Internet est incomparable

avec celui accordé par les médias traditionnels. En plus de la taille, les possibilités

: streaming afin de faire découvrir le contenu aux

internautes, et toutes les activités interactives liées au Web 2.0. Ces nouvelles activités de

promotion permettent également d’éviter les étapes de promotion par les médias décrits

avait forgé la position

dominante des majors sur le marché traditionnel. Il est important de noter qu’Internet ne

remplace pas les médias traditionnels mais offre une alternative aux éditeurs de musique

anière le monopole qu’avaient les médias

pouvoir aux médias

Enfin, dans une dernière approche, les Nouveaux Médias permettent aux éditeurs

tement aux consommateurs et ainsi d’éviter de

pour un contrat de distribution, le taux de

: Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie,

l’âge d’Internet : nouveaux enjeux,

, p.49

4. Diffusion 5.Consommation

Page 59: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

59

Cependant cette désintermédiation ne provoquera pas la chute des intermédiaires

dont le rôle sur le marché reste important121. Cet aspect sera plus amplement traité avec la

ré-intermédiation de l’industrie musicale.

Les Nouveaux Médias ont donc radicalement changé la création de valeur

traditionnelle sur le marché de la musique enregistrée car ils offrent la possibilité d’éviter

des intermédiaires jusqu’alors incontournables : les maisons de disques, les distributeurs et

les médias traditionnels. Conjugués au piratage et au désintéressement des

consommateurs pour l’achat de musique enregistrée, les Nouveaux Médias ont mis en

évidence une baisse des ventes sur les marchés mondial et français.

2.2.3 Conséquences chiffrées sur le marché français

Les deux conséquences relatives à l’apparition des Nouveaux Médias et à la gestion

qu’en a faite l’industrie a provoqué une grave crise dans l’industrie et une baisse sans

précédent du chiffre d’affaire global. Cette chute, que l’on pourrait lier à la démocratisation

des sites de « Peer-to-Peer » en 1999, n’est pas encore compensée par les ventes

numériques qui se sont développées depuis le début de la crise. En France, le Syndicat

National de l’Edition Phonographique (SNEP) comptabilise un chiffre d’affaire des supports

physiques divisé par 3 depuis 2002.

121

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p.184

Page 60: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

60

Illustration 8: Evolution du chiffre d'affaire des supports entre 2002 et 2009 (SNEP,

2009)122

Le marché physique représente 84% du marché de la musique enregistrée et le

marché digital 16%. De plus, l’année 2009 a été celle de la crise économique et les résultats

de vente en ont été affectées : alors qu’au cours des neufs premiers mois de l’année 2008,

les ventes digitales avaient bondi de 58 %, elles sont accrues de seulement 3,5 % pour la

même période en 2009.

122

SNEP, Le marché de la musique enregistrée-Neuf premiers de l’année 2009, Paris, 2009, p.3,

http://proxy.siteo.com.s3.amazonaws.com/disqueenfrance.siteo.com/file/dossierpress9mois09.pdf,

page consultée le 25 novembre 2009

Page 61: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

61

Illustration 9: Comparatif du chiffre d'affaire de l'industrie musicale entre 2006 et 2009

(SNEP, 2009)123

Les maisons de disques ainsi que les distributeurs, acteurs principaux de l’industrie

traditionnelle, souffrent le plus des mutations du marché. Comme indiqué ci-dessus, leurs

chiffres d’affaire ont notoirement baissé, du fait de la baisse massive des ventes de disques

qui n’est pas encore compensée par les ventes digitales. Ces ventes augmentent cependant

fortement. Le ministère de la culture en France communique les chiffres suivants pour

l’année 2009 :

Illustration 10: Le marché de la musique numérique en France en 2007 (Ministère de la

culture, 2009)124

123

SNEP, Le marché de la musique enregistrée-Neuf premiers de l’année 2009, Paris, 2009, p.3,

http://proxy.siteo.com.s3.amazonaws.com/disqueenfrance.siteo.com/file/dossierpress9mois09.pdf,

page consultée le 25 novembre 2009

Page 62: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

62

Les artistes et ayant droits sont également fortement touchés par le piratage et/ou

la non-rémunération des droits d’auteur. Comme indiqué dans l’illustration ci-dessous, la

Sacem enregistre une baisse régulière des répartitions de droits d’auteur depuis 2003.

Illustration 11: Répartition des droits phonographiques de 1994 à 2008 (Sacem, 2008)125

Ces chiffres montrent donc concrètement que toute la création de valeur du

marché français a été touchée. Les conséquences sociales dans les maisons de disques ont

été rudes aussi bien pour les employés que pour les artistes, à l’exemple d’EMI qui a

124

Lacroix Chantal et al., Chiffres clés 2009, Paris, La Documentation Française, 2009, 258 p., p.105 125

Sacem, Rapport d’activité 2008, Paris, p.9,

http://www.sacem.fr/portailSacem/jsp/ep/contentView.do;jsessionid=LaHw1L282zPOXNU6XKfneYLj

soivpAQron9hpGMfp2xOb8fe0QkU!-375097147?channelId=-

536879994&position=0&contentId=536902199&programId=536880424&programPage=%2Fep%2Fp

rogram%2Feditorial.jsp&contentType=EDITORIAL&offset=0, page consultée le 5 décembre 2009

Page 63: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

63

licencié le trois quart de ses cadres en janvier 2008 après son rachat par le fonds

d’investissement Terra Firma.126

2.3 Le phénomène de dématérialisation

Les labels doivent réussir à créer une valeur particulière de la perception de la

musique auprès de leurs clients et pour ce faire, développer un avantage compétitif

durable qui s’atteint par le développement d’une configuration de création de valeur

adapté127. Comme les bases théoriques de la première partie de ce travail l’ont montré, le

développement de modèles d’affaires est crucial pour répondre au défi que représente la

construction d’un avantage compétitif. L’intégration des Nouveaux Médias aux modèles

d’affaire doit ainsi se faire avec l’optique d’un enrichissement de la création de valeur.

Cette sous-partie traitera de la dématérialisation de la création de valeur et du produit

musical avec l’arrivée des Nouveaux Médias.

2.3.1 Dématérialisation de la création de valeur des labels

Les Nouveaux Médias, et plus particulièrement les avancées technologiques de la

communication, permettent d’appréhender le fonctionnement interne de l’entreprise

autrement. L’illustration ci-dessous représente l’adaptation d’une innovation au modèle de

création de valeur développé par Porter, exposé dans la première partie de ce travail. Cette

adaptation a été développée par l’économiste Schumpeter, spécialiste de la problématique

de l’innovation dans l’économie.

126

Licenciement chez EMI, article du journal Le Figaro,

http://www.lefigaro.fr/medias/2008/01/15/04002-20080115ARTFIG00369-emi-licencie-les-trois-

quartsde-ses-cadres-.php, page consultée le 5 décembre 2009 127

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p.163

Page 64: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

64

Illustration 12: Adaptation de l’innovation dans la création de valeur d'une entreprise

(traduction de Emes, 2004)128

Les activités de la création de valeur au sein d’un label peuvent donc être réalisées

de manière plus efficace grâce à une transmission plus rapide des informations, la

facilitation des approvisionnements, du marketing et de la distribution129. Ainsi, une

importante partie des ressources humaines et de la communication au sein de l’entreprise

sont affectées par la technologie : les téléconférences ou l’introduction de systèmes

d’information en sont de bons exemples130. De même, la fonction d’approvisionnement

trouve de nouvelles potentialités : marchés digitaux, supply-chain-management…131

128

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p. 171 129

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p. 163 130

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.198 131

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.198

Page 65: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

65

Internet peut également être utilisé comme un laboratoire de développement pour

de nouveaux produits132. En effet, la panélisation des consommateurs est grâce à ce média

possible plus facilement et à moindre coût, offrant la possibilité d’une offre plus ciblée. De

plus, les maisons de disques peuvent récolter des informations sur les consommateurs par

l’analyse des « compilations virtuelles »133 afin de mieux anticiper leurs attentes. Les

Nouveaux Médias permettent aussi la formation d’un réseau de consommateurs, cibles des

produits d’un label, à des coûts peu élevés.

Ainsi, en termes de stratégie d’entreprise, l’apparition des Nouveaux Médias

modifie la répartition des coûts et provoque l’élaboration de nouveaux modèles d’affaires.

Les labels perdent de la puissance par rapport aux artistes et aux distributeurs et auront

donc tout intérêt à recentrer leurs stratégies sur leur compétence première, et qui de plus

est générateur d’image auprès des consommateurs, c'est-à-dire : la gestion des artistes et

du répertoire.134 De plus, la désintermédiation de la création, associée à des techniques

Internet de « Push », leur permet de créer des réseaux de clientèle.

2.3.2 Dématérialisation de la distribution et de la promotion

traditionnelle

Les Nouveaux Médias provoquent la mutation de la distribution traditionnelle.

Grâce aux avancées technologiques, la vente de disque est possible sur Internet et change

la répartition des coûts.

Pour les distributeurs, la distribution de disques sur Internet présente deux

avantages par rapport à la distribution classique : une baisse des coûts d’exploitation et

l’agrandissement géographique du domaine d’affaire.

132

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.96 133

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.96 134

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p.163

Page 66: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

66

La baisse des coûts d’exploitation est permise par une logistique plus flexible. Les

distributeurs en ligne concentrent la demande sur leurs sites. Leur enjeu principal est alors

d’entrer en contact avec le consommateur, enjeu beaucoup moins contraignant que pour

un magasin de disques dont le défi de faire venir le client physiquement est beaucoup plus

exigeant et donc limitant. De plus, le distributeur en ligne n’entre pas en contact avec la

marchandise, l’emballage et l’envoi étant réalisés par des sociétés spécialisées mandatées

par les labels ou par des intermédiaires commerciaux135.

L’agrandissement géographique du domaine d’affaire est simplement dû à l’élargissement

géographique de la demande. Le marché potentiel d’un distributeur n’est plus limité à un

groupe d’acheteurs lié à une région : il a la possibilité de s’étendre à tout un pays voire à

plusieurs136. Il peut, de ce fait, réaliser des économies d’échelle et accroître son poids

commercial auprès des labels.

La vente de disques sur Internet présente des avantages exclusifs pour le

consommateur, ne se retrouvant pas ou alors partiellement dans le commerce physique,

peu évolutif et stationnaire : l’écoute avant l’achat et la recherche de disques. De plus,

d’aucuns mettent en avant le goût de certains consommateurs à collectionner les disques

et à constituer une bibliothèque physique137. La dématérialisation de la distribution le

permet tout en offrant aux consommateurs des prix réduits en comparaison à la

distribution traditionnelle.

L’écoute de disques avant l’achat est partiellement possible dans le commerce traditionnel

et les albums en écoute ne sont, dans beaucoup de cas, pas choisis par le client. En effet,

l’espace et les ressources d’un magasin sont par principe limités. Lors de mon stage

135

Hutzschenreuter Thomas, Electronic competition : Branchendynamik durch Entrepreneurship im

Internet, Wiesbaden, Gabler, 2000, 254 p., p.122 136

Hutzschenreuter Thomas, Electronic competition : Branchendynamik durch Entrepreneurship im

Internet, Wiesbaden, Gabler, 2000, 254 p., p.123 137

Leyshon Andrew, Time - space (and digital) compression: software formats, musical networks, and

the reorganisation of the music industry, Environment and Planning A, n°33, 2000, p. 49-77, p.73

Page 67: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

67

commercial, j’ai pu constater que les managers de rayon installent des points d’écoute en

tête de gondole, c'est-à-dire la partie d’un rayon donnant sur l’allée centrale, et donc

bénéficiant d’une très bonne visibilité, puis décident des disques qui y seront diffusés.

Certains magasins, très peu nombreux, installent un poste d’écoute et une personne le

gérant où les clients peuvent écouter tous les disques disponibles dans le magasin. Cette

dernière mesure est qualitativement la meilleure mais a un coût de fonctionnement très

élevé (la mise à disposition d’un vendeur à plein temps, l’achat et le renouvellement de

matériel d’écoute qui se doit d’être de bonne qualité). Par conséquent, les Nouveaux

Médias permettent plus de liberté au consommateur. Le problème de la qualité de son

pourrait être posé car l’écoute en MP3 de musique n’offre pas une qualité comparable à

celle du disque mais les progrès techniques devraient palier à cette faiblesse. Cette

difficulté est moins une question de faisabilité que de temps.138

La recherche de disque est également grandement facilitée par la dématérialisation car le

consommateur peut trouver un disque rare à moindre effort et en quelques clics sur le site

du distributeur139.

Le catalogue disponible au consommateur est beaucoup plus important car l’extension

géographique du domaine d’affaire permet aux distributeurs d’exploiter le « long tail » et

de proposer des références plus rares.

2.3.3 Dématérialisation du produit musical et nouvelles

offres

La dématérialisation du produit musical est très fortement liée au phénomène de

désintermédiation dans la création de valeur, la première rendant le second possible. Ainsi,

138

Hutzschenreuter Thomas, Electronic competition : Branchendynamik durch Entrepreneurship im

Internet, Wiesbaden, Gabler, 2000, 254 p., p.122 139

Benhanou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126 p.,

p.60

Page 68: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

68

alors que dans l’industrie traditionnelle, tout artiste était lié à sa maison de disque, qui elle-

même était liée aux médias et distributeurs, eux-mêmes liés au consommateur, cette

évolution du contenu musical permet à ces différents acteurs d’entrer directement en

contact ensemble. De plus, cette forme de dématérialisation est l’avancée technologique

affectant le plus l’industrie traditionnelle, plus encore que la distribution de disques sur

Internet140. Cette nouvelle notion du contenu musical est une conséquence directe de la

standardisation du format MP3 et du développement de nombreux logiciels en permettant

la lecture. Deux nouvelles formes de produits musicaux sont apparus avec les Nouveaux

Médias : la musique à télécharger, sous forme de fichier MP3 ou protégé, et les sonneries

de téléphonie mobile.

En ce qui concerne la musique à télécharger, les éditeurs de musique ne sont plus

amenés à vendre uniquement un objet aux consommateurs, le disque et son livret, mais un

contenu digital qui présente plus de flexibilité que le support physique. En effet, le

consommateur a la possibilité de le stocker sous la forme qu’il souhaite et a la possibilité

d’acheter un assortiment musical individualisé, ce qu’il ne pouvait pas faire auparavant141.

L’achat d’un album correspond à l’achat d’un choix de morceaux que le client ne réalise

pas142. De plus, les médias digitaux permettent aux labels de réduire leurs coûts et de

dégager une marge plus importante.

La musique mobile, ou « ringtone » (cf. Glossaire), est le téléchargement de

sonneries à partir d’un téléphone portable. Son succès n’est aujourd’hui plus à montrer et

est surtout inattendu dans l’industrie musicale143. Il est en partie dû à la démocratisation de

140

Hutzschenreuter Thomas, Electronic competition : Branchendynamik durch Entrepreneurship im

Internet, Wiesbaden, Gabler, 2000, 254 p., p.124 141

Hutzschenreuter Thomas, Electronic competition : Branchendynamik durch Entrepreneurship im

Internet, Wiesbaden, Gabler, 2000, 254 p., p.128 142

Hutzschenreuter Thomas, Electronic competition : Branchendynamik durch Entrepreneurship im

Internet, Wiesbaden, Gabler, 2000, 254 p., p.131 143

Clement Michel, Ökonomie der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2009, 253 p., p.237

Page 69: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

69

la téléphonie mobile, à la baisse des prix de l’équipement et à la hausse de qualité des

téléphones portables.

En réponse au piratage et afin de proposer aux consommateurs un format légal et

contrôlable, les éditeurs ont développé un nouveau format de contenu: les fichiers

musicaux vendus avec des protections numériques, les « Digital Rights Management »

(DRM) ou gestion numérique des droits. Le but de cette protection est d’assurer

l’identification d’un contenu numérique144. Un fichier numérique sous DRM implique donc

soit une traçabilité de la part de son éditeur145 soit ne peut pas être copié par les

utilisateurs.

Les nouvelles technologies, en tant que média d’information et de communication,

apportent une vision nouvelle du fonctionnement de toute la branche. En effet, les progrès

technologiques dématérialisent non pas seulement le produit fini mais également le

processus de création, entraînant le changement de la création de valeur et de la

répartition des coûts. Les majors, qui avaient en parti bâti leurs avantages compétitifs sur la

domination du système de distribution, sont de ce fait les plus profondément touchées par

la distribution digitale.

Après le terme de désintermédiation destiné à définir le court-circuit de la création

de valeur traditionnel, le terme de ré-intermédiation est utilisé par les chercheurs pour

décrire l’apparition de nouveaux intermédiaires dans le fonctionnement de la branche146

144

Benghozi Pierre-Jean, DRM et nouveaux modèles d’affaires pour les contenus numériques, mai

2006, p.3, http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/26/31/05/PDF/2006-11-29-1059.pdf, page

consultée le 8 décembre 2009 145

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.165 146

Leyshon Andrew, Time - space (and digital) compression: software formats, musical networks, and

the reorganisation of the music industry, Environment and Planning A, n°33, 2000, p. 49-77, p.56

Page 70: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

70

2.4 La ré-intermédiation et l’apparition de nouveaux

acteurs

Cette sous-partie a pour but d’étudier l’évolution des acteurs, conséquences de la

désintermédiation et de la dématérialisation de la création de valeur.

2.4.1 Le rôle nécessaire des intermédiaires

Hormis pour la musique classique et en partie pour le jazz, les labels seuls ne

jouissent pas d’une valorisation en termes d’image et de reconnaissance de la part des

consommateurs147. Ainsi, l’achat d’un disque sera réalisé pour l’artiste et non pour le label.

Comme un consommateur n’associe pas un artiste à un label en particulier, et qu’il ne

réfléchit pas par labels pour acheter de la musique148, il n’est pas pertinent pour un label de

compter uniquement sur la désintermédiation de la création de valeur pour vendre ses

albums, sauf s’il peut s’appuyer sur un répertoire dont la taille ou la renommée qui le lui

permettrait. Le grand nombre de labels, dont 1400 sont représentés par l’IFPI dans 75

pays149, perdrait le consommateur dans son acte d’achat et serait de fait préjudiciable aux

petits labels ayant, par leur taille, un répertoire nécessairement moins étendu que les

majors.

C’est pourquoi la désintermédiation engendrée par les Nouveaux Médias n’est et

ne sera que relative sur le marché. Elle donne une puissance supplémentaire aux labels

indépendants et aux artistes par rapport aux majors et aux distributeurs mais ne cause que

leur affaiblissement et non leur disparition. Une coopération entre les différentes maisons

147

Stähler Patrick, Merkmale von Geschäftsmodelle in der digitalen Ökonomie, Cologne, Eul, 2001,

335 p., p.258 148

Hutzschenreuter Thomas, Electronic competition : Branchendynamik durch Entrepreneurship im

Internet, Wiesbaden, Gabler, 2000, 254 p., p.133 149

Informations générales de l’IFPI,

http://www.ifpi.org/content/section_resources/support_for_students.html, page consultée le 1er

décembre 2009

Page 71: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

71

de disques est de ce fait nécessaire150. Or, une maison de disque seule n’arrivera pas à

s’imposer par rapport à ses concurrents car cela lui donnerait trop de pouvoir sur le

marché. Ainsi, les Nouveaux Médias provoquent l’apparition de nouveaux intermédiaires,

dont certains sont issus de l’industrie musicale et d’autres d’industries connexes. Ce

phénomène est appelé la ré-intermédiation de l’industrie de la musique enregistrée.

2.4.2 Les nouveaux intermédiaires issus de l’industrie

musicale

Deux types de distributeurs sont apparus avec l’introduction des Nouveaux

Médias : les distributeurs du marché traditionnel élargissant leurs activités à la distribution

sur le Net, et les distributeurs uniquement présents sur Internet.

Pour les premiers, Internet leur a permis d’élargir leurs activités à la vente en ligne. En

France, les entreprises Virgin et Fnac se sont ainsi lancées dans la vente de musique en

ligne. Alors que Virgin propose exclusivement une offre de téléchargement légal, le site de

la Fnac propose, en plus de la musique sous forme digitale, l’achat de disques en ligne.

Pour les seconds, il s’agit d’entrepreneurs qui ont su saisir l’opportunité des Nouveaux

Médias pour lancer leurs sites de vente, comme ce fut par exemple le cas de mp3.com.

L’arrivée d’Internet a également permis aux labels indépendants d’avoir un portail de

ventes sur leurs sites. Certains se sont même regroupés pour regrouper leurs catalogues et

créer des interfaces de ventes, comme vitaminic.it par exemple.

150

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p.189

Page 72: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

72

Des sites de Peer-to-Peer ont même été adaptés ou lancés pour proposer aux internautes

de la musique sous forme de téléchargement légal à l’exemple de Napster qui s’est

reconverti dans le téléchargement légal après sa condamnation en 2003151.

De nombreux sites promotionnels et de web radio sont également apparus, offrant

un espace toujours plus large dans lequel le consommateur peut s’informer, écouter voire

même acheter de la musique152.

2.4.3 Les nouveaux intermédiaires issus d’industries

connexes

Il est entendu, par intermédiaires issus d’industries connexes, l’arrivée de nouveaux

acteurs dont les compétences principales ne sont pas la fabrication ou la vente de musique

mais qui, d’une manière ou d’une autre, trouvent un intérêt dans leur stratégie à se lancer

dans l’industrie de la musique enregistrée. L’apparition de ces nouveaux acteurs rend la

création de valeur plus complexe car elle ajoute des étapes ou rend l’accès au

consommateur plus diversifié et donc plus difficile à gérer pour les labels.

Certains fabricants de « hardware », c'est-à-dire d’équipement technologique (cf.

Glossaire), profitent de la vente de musique pour promouvoir leurs appareils. L’exemple le

plus illustratif du genre est bien sûr iTunes, filiale du fabricant d’ordinateur Apple. Alors

qu’Apple représente moins de 5 % sur le marché des ordinateurs, iTunes fait preuve d’une

hégémonie mondiale et sans partage dans le téléchargement légal. L’entreprise représente

151

Reconversion du site Napster, article du journal Libération :

http://www.liberation.fr/economie/0101352043-bertelsmann-ramene-napster-dans-le-rang, page

consultée le 16 décembre 2009 152

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p. 179

Page 73: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

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par exemple 70 % du marché américain de téléchargement153. Ce succès est également lié

au lancement réussi de l’iPod, devenu culte dans le domaine de l’équipement d’écoute

mobile. A titre d’information, Sony, une des quatre majors de l’industrie, est également un

fabricant de « hardware », ce qui lui permet une plus grande implication dans les activités

de la branche154. L’association d’images entre le fabricant Bang & Olufsen et le label

allemand ECM prouve l’intérêt stratégique qu’ont les entreprises d’équipement de matériel

à s’intégrer d’une manière ou d’une autre dans la création de valeur de l’industrie

musicale155.

D’autre part, l’apparition de ces nouveaux acteurs dans la branche musicale est

aussi due à la forte baisse des prix de la technologie, permettant dans un premier temps

l’équipement d’un large public à l’écoute mobile de musique ou par le biais d’un ordinateur

devenus en soi un équipement d’écoute. Cette démocratisation des marques d’équipement

leurs permet de se créer une image auprès du public qui les aidera, dans un second temps,

à promouvoir leurs activités dans l’industrie musicale.

Certaines entreprises, déjà en activité dans le secteur culturel de manière générale,

se lancent dans l’industrie de la musique enregistrée. Amazon, un précurseur de la vente

sur Internet, en est le meilleur exemple. Compte tenu du succès rencontré par ses ventes

de livres en ligne, l’offre a été élargie à la vente de disques en ligne, puis au téléchargement

légal de MP3.

Certains sites Internet de commerce en ligne ont également ajouté une partie

musique à leurs catalogue de vente, comme par exemple le site eBay.

153

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p. 170 154

Benghozi Pierre-Jean, Paris Thomas, L’industrie de la musique à l’âge d’Internet : nouveaux enjeux,

nouveaux modèles, nouvelles stratégies, Gestion 2000, n°2, 2001, p. 41-60, p.51 155

Site Bang & Olufsen, présentation du partenariat d’image avec ECM, http://www.bang-

olufsen.com/blog/geoff-martin?item=18, page consultée le 7 décembre 2009

Page 74: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

74

Les sociétés de téléphonie mobile se sont associées aux labels afin de vendre les

sonneries de téléphone à leurs clients, avec l’avantage pour les labels de ne pas avoir à

investir dans des frais d’adaptation technologique pour maîtriser les enjeux d’une telle

distribution.

Quelques fournisseurs d’accès à Internet proposent également des offres musicales

à leurs abonnés. En France, Neuf avait créé l’événement en 2007 en s’associant à Universal

Music pour proposer une offre de téléchargement musical en prime d’un abonnement

Internet156. Cependant, cette offre présente des limites pour le consommateur : en effet, il

doit se connecter une fois par mois afin de pouvoir utiliser ses téléchargements et s’il résilie

son abonnement avec Neuf Telecom, il ne peut plus écouter les titres téléchargés par le

biais de cette offre157.

2.5 La « médiamorphose » du consommateur158

Cette sous-partie a pour but d’expliquer les changements des comportements de

consommation avec l’arrivée des Nouveaux Médias. La « médiamorphose » traduit

l’omniprésence des médias chez les consommateurs d’aujourd’hui, qui développent en

conséquence de nouvelles attentes par rapport à leurs achats.

156

Partenariat entre Neuf Telecom et Universal Music, article du journal Le Monde, paru en août

2007, http://www.lemonde.fr/technologies/article/2007/08/20/neuf-cegetel-lance-avec-universal-

une-offre-de-telechargement-de-musique_945744_651865.html, page consultée le 7 décembre

2009 157

Site de Neufbox, présentation de l’offre Neufbox Music, http://adsl.sfr.fr/offres-

adsl/internet/neufbox-music-standalone/, page consultée le 7 décembre 2009 158

« Médiamorphose » est un terme tiré du livre de Alfred Smudits « Mediamorphosen des

Kulturschaffens – Kunst und Kommunikationstechnologien im Wandel » (Wien, Braumüller, 2002,

253 p.)

Page 75: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

75

2.5.1 L’évolution du rapport à la musique

Dire qu’Internet a « changé » les modes de production, de commercialisation, de

distribution et de consommation est faible : c’est une véritable révolution des mœurs et de

la société qui a été mise en marche. Aujourd’hui, les relations entre les différents acteurs

de la chaîne de valeur ont changé. C’est historiquement la première fois que les différents

acteurs de l’industrie musicale peuvent entrer en contact aussi directement avec leurs

récepteurs, les consommateurs, et d’une manière tellement dynamique qu’elle permet

d’en augmenter la qualité globale159. Par exemple, un consommateur peut entrer

directement en contact avec un artiste qu’il aime sur Myspace et entretenir, ou du moins le

croire, une relation plus personnalisée que par l’achat d’un disque ou d’une place de

concert. De manière plus générale, l’accès direct aux intermédiaires de la chaîne permet au

consommateur d’avoir une relation personnalisée et surtout voulue avec les différents

acteurs de la chaîne.

2.5.2 Simplicité, flexibilité et ubiquité

Le piratage a finalement été en parti un des symptômes de la crise de l’industrie du

disque. La difficulté endurée par les labels n’a, par exemple, pas été traversée par d’autres

acteurs de l’industrie musicale plus générale tels les organisateurs de concerts160. Le

vocabulaire économique définit une ressource comme ubiquitaire lorsqu’elle est disponible

partout au même prix et à un niveau de qualité égal161. La présence de produits musicaux

en libre service sur les réseaux de Peer-to-Peer a fait de la musique une ressource

ubiquitaire aux yeux de beaucoup de consommateurs. Ce sentiment était d’autant plus

159

Smudits Alfred, Mediamorphosen des Kulturschaffens – Kunst und Kommunikationstechnologien

im Wandel, Wien, Braumüller, 2002, 253 p., p.135 160

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.166-167 161

Hirte Georg, Raumwirtschaftstheorie I, Professur für Raumwirtschaftslehre, Fakultät

Verkehrswissenschaften, Technische Universität Dresden, Dresden, Semestre d’hiver 2008-2009,

p.72

Page 76: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

76

justifié, au sens économique du terme, car il permettait de maximiser leurs satisfactions,

d’autant plus qu’aucun système de sanction efficace n’était et n’est en place pour

sanctionner les comportements illégaux. Mais de ce fait, et avec l’apparition du Web 2.0,

leurs attentes ont été modifiées. Ainsi, ils se tournent aujourd’hui plus volontiers vers des

offres simples, flexibles et peu chères162, ce qui correspond entièrement aux avantages

proposés par les nouvelles offres musicales. Les labels doivent d’autant plus prendre en

considération cette faible propension à dépenser beaucoup d’argent pour un produit

musical numérique, qu’il a été démontré que les consommateurs ont tendance à sous-

estimer les produits vendus en ligne par rapport aux produits physiques163.

2.5.3 Quelques précisions sur les nouvelles offres

Des études menées en Allemagne détaillent plus précisément les nouvelles

habitudes et attentes de consommation. Toutes ces conclusions sont tirées de l’étude de

Tobias Frenzel (2003) disponibles dans le livre de Gerhard Gensch164. Ainsi, les conclusions

suivantes ont été montrées :

# Le téléchargement est préféré au streaming

# Une offre vaste ne s’arrête pas au répertoire d’un label

# Des offres complémentaires, comme un livret, sont appréciées

# Les abonnements ne sont pas nécessairement les bienvenus, les internautes

téléchargent plus volontiers au titre

162

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.167 163

Zerdick Axel, Picot Arnold, Schrape Klaus, Burgelman Jean-Claude, Silverstone Roger, Feldmann

Valerie, Heger Dominik K., Wolff Caroline, E-Merging Media – Kommunikation und Medienwirtschaft

der Zukunft, Berlin, Springer, 2004, 416 p., p.45 164

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, p.169

Page 77: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

77

# La facturation doit être pratique et transparente

# La possibilité d’utiliser un titre sur d’autres supports, comme un lecteur MP3 ou

un autoradio, est très importante.

Ces conclusions apportent quelques précisions et illustrations qui seront utilisées

dans la troisième partie.

2.6 L’enjeu du copyright et le rôle du législateur

Nous étudierons dans cette sous-partie la position de la loi face aux profonds

changements qu’ont connus l’industrie et les consommateurs.

2.6.1 Internet et la culture (de masse) de la gratuité

Les infractions aux droits d’auteurs sur Internet ne sont pas seulement

extrêmement répandues quantitativement, elles sont également acceptées par une grande

partie de la société165. D’aucuns décrivent même l’échange de musique sur les réseaux de

Peer-to-Peer comme un « sport de masse »166. Ainsi la crise traversée par l’industrie de la

musique en termes de non-paiement de copyrights n’est pas unique à sa branche mais

concerne toute les industries d’information : livres, presse, cinéma… La régulation

nécessaire de ce phénomène impliquera beaucoup d’acteurs issus d’industries différentes,

dont les enjeux se rejoignent sur ce thème là, mais surtout beaucoup de consommateurs,

qui sont également les électeurs des gouvernements devant prendre des mesures de

restrictions potentiellement impopulaires.

165

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p.197 166

Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und

Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden,

Gabler, 2008, 340 p., p.164

Page 78: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

78

2.6.2 Copyright et technologie : une entente difficile

L’avènement des Nouveaux Médias a conduit à davantage de complexité vis-à-vis

de la rémunération du droit d’auteur. Un exemple représentatif est le « Peer-to-Peer ».

Cette technologie, la plus médiatisée et diabolisée par les industries de contenu, n’est en

soi pas illégale. Cependant, l’acte de « upload » (cf. Glossaire), qui consiste à mettre en

ligne et à disposition d’autres internautes des informations, est considéré par la loi comme

un acte de télédiffusion au sens du code de la propriété intellectuelle et comme un acte de

communication au public en termes de droits voisins167. Sans l’accord des auteurs, cet acte

est illégal et donc passible de sanctions aux yeux de la loi. Le « download » (cf. Glossaire),

qui consiste à télécharger sur son ordinateur un fichier à partir d’un serveur ou d’un réseau

de « Peer-to-Peer », jouit quant à lui d’un statut intermédiaire : alors que certains juristes le

tolèrent dans le cadre d’une consommation privée, d’autres le considèrent comme un acte

de contrefaçon alors répréhensible168. Cependant, les actes de « upload » et de

« download » vont souvent de pair. Le streaming n’est pas condamné par la loi s’il n’est pas

accompagné d’un acte de téléchargement169. Face à de telles nuances, on peut facilement

imaginer le casse-tête du législateur. En plus des détails techniques qu’il se doit de

maîtriser, il est partagé entre les industries de contenu réclamant une juste rémunération

de leurs œuvres et les consommateurs qui avaient espéré un accès nouveau à la culture170,

faisant également valoir leurs droits d’utilisateur.

167

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126

p., p.65 168

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126

p., p.65 169

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126

p., p.65 170

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126

p., p.60

Page 79: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

79

2.6.3 « La quête d’un nouveau compromis social »

Rechercher un nouvel équilibre est nécessaire par l’ampleur du phénomène de

piratage. Il provoque néanmoins dans les pays concernés des débats de société houleux où

les gouvernements doivent arbitrer entre les attentes fondamentalement différentes des

producteurs de musique et celles des consommateurs, tout en gardant à l’esprit que le

soutien à l’innovation et à la créativité artistique est porteur de croissance.

L’échec relatif des luttes frontales entreprises contre le téléchargement illégal laisse

penser que la complexité du problème relève également d’un changement dans la

perception des consommateurs de la musique et du droit d’auteur de manière plus

générale. Ainsi le succès des mesures gouvernementales déprendra de la manière dont les

nouveaux projets intègreront ce défi à leurs propositions.

D’aucuns proposent la responsabilisation des intermédiaires dans cette lutte contre

le piratage171, dont, par exemple, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou les fabricants

de logiciels. Jusqu’en 2005, la décision de justice qui avait acquitté Sony en 1984 aux Etats-

Unis lors du procès de la RIAA contre le fabricant de logiciels avait fait jurisprudence.

L’année 2005 avait alors connu un renversement jurisprudentiel car plusieurs hébergeurs

de réseaux de piratage, tel Sherman Networks éditeur du réseau de piratage Kazaa, ont été

condamnés pour complicité ou incitation manifeste à la contrefaçon172. Cependant,

l’organisation décentralisée de certains sites de partage de contenu rend toute poursuite

judiciaire difficile. La loi Hadopi tente de prendre en compte ce problème par le système de

« réponse graduée » dans laquelle les fournisseurs d’accès à Internet enverront tout

d’abord des avertissements aux internautes téléchargeant du contenu illégalement. Il est

cependant très délicat de légiférer sur la responsabilisation des intermédiaires.

171

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126

p., p.67 172

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126

p., p.67

Page 80: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

80

En France, de lourdes sanctions avaient été conçues afin de punir les internautes

pirates : elles pouvaient monter jusqu’à 300 000 € d’amende et trois ans

d’emprisonnement. Une première loi relative aux droits d’auteur et droits voisins dans la

société de l’information, intitulée DADVSI, datant de 2006 avait soulevé toute la complexité

du problème. Une deuxième loi en 2009, la loi Hadopi, complète la loi DADVSI et se

caractérise par la création d’un organisme indépendant de régulation des droits d’auteur

sur Internet, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur

Internet (Hadopi), et l’instauration d’une « riposte graduée » impliquant les FAI173.

Les nombreux acteurs et enjeux impliqués dans la tentative de régulation de ce

phénomène vont donc vraisemblablement mener à la recherche d’un nouveau compromis

social.

Avec l’arrivée des Nouveaux Médias, l’économie de la musique enregistrée est

passée d’une conception industrielle, c'est-à-dire basée sur la production d’un objet et dont

tous les enjeux de la création de valeur reposaient sur sa fabrication et sa

commercialisation, à une conception de la musique en tant qu’information. Les Nouveaux

Médias, porteurs d’un média de masse et d’un nouveau « support », ont donc provoqué la

mutation profonde de la structure de l’industrie par la désintermédiation, la

dématérialisation et la ré-intermédiation de la création de valeur. Ainsi, partant d’une

création de valeur relativement linéaire où la majorité des acteurs étaient connus, les labels

doivent maintenant composer avec de nombreux nouveaux acteurs, qui ne proviennent pas

nécessairement de la branche musicale. Ils doivent également prendre en compte de

nouveaux paramètres techniques et législatifs, avec de nouveaux comportements de

173

Benhamou Françoise, Farchy Joëlle, Droit d’auteur et copyright, Paris, La Découverte, 2009, 126

p., p.64

Page 81: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

81

consommation qui ont évolué avec l’apparition du Web 2.0 mais également un

consommateur qui s’est fortement intégré à la création de valeur.

Ce marché est donc devenu complexe. Cependant, cette complexité ne signifie pas

que l’industrie se meurt au profit des intermédiaires issus d’industries connexes mais doit

plutôt répondre à ce défi résumé par Oliver Williamson, un des fondateurs de la théorie des

coûts de transaction : « […] complexity can and often does serve as an inducement rather

than a deterrent. » (Williamson, 1985)174.

Ainsi, dans la troisième partie de ce devoir, nous analyserons la relation entre les

labels et les consommateurs par l’utilisation de la théorie des coûts de transactions.

174

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.15

Page 82: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

82

3. Optimiser la relation label – consommateur

La théorie des coûts de transaction permet d’analyser les relations entre deux

agents économiques d’un point de vue microéconomique mais surtout les facteurs

influençant leurs comportements. Ainsi, elle est particulièrement intéressante dans l’étude

de la relation entre un label et un consommateur afin de comprendre l’évolution des

comportements de ces deux agents au regard des mutations apportées par les Nouveaux

Médias.

3.1 Comprendre la relation label – consommateur : la

théorie des coûts de transaction

3.1.1 Présentation générale et pertinence de la théorie dans

le devoir

Pertinence de la théorie

« […] toute relation, économique ou autre, qui prend la forme d'un problème

contractuel (ou qui peut être décrite comme tel) peut être évaluée avantageusement selon

les termes de l'économie des coûts de transaction » (Williamson, 1994, p. 349 dans

Lavastre, 2001)175

Cette théorie a été pensée et développée principalement par deux auteurs : Oliver

Williamson et Ronald Coase. Elle permet d’analyser le processus de décision des agents

d’un marché et de comprendre les structures de ce dernier176 en se concentrant sur les

transactions entre les différents acteurs. Une transaction a lieu quand: « A good or service

175

Lavastre Olivier, Les coûts de transaction et Olivier E.Williamson – Retour sur les fondements,

Montpellier, 2001, p.3, http://www.strategie-aims.com/quebec/web/actes/f-070-cd.pdf , page

consultée le 2 décembre 2009 176

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p.177

Page 83: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

83

is transferred across a technologically separatable interface. One stage of activity

terminates and another begins. »177.

La théorie des coûts de transactions est microéconomique178 : les agents du marché

sont étudiés en tant qu’entités individuelles et l’accent est placé sur leurs prises de

décisions179. La prise de position microéconomique s’oppose à celle macroéconomique, où

les entités d’un marché sont considérées dans leur globalité, c'est-à-dire en tant

qu’agrégat180. La théorie des coûts de transaction considère que tout agent économique est

un homo contractor181.

Ainsi, appliqué au thème de ce mémoire, l’achat de musique représente une

transaction entre le consommateur et le label car il s’agit du transfert d’un bien

technologiquement indépendant, le titre ou l’album, entre deux entités de l’industrie de la

musique enregistrée, le label et le consommateur. Comme cette théorie a pour but de

déterminer les facteurs influençant une transaction et qu’elle se place à un niveau

microéconomique, elle est pertinente pour comprendre le comportement du

consommateur dans l’achat de musique enregistrée.

177

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.1 178

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.1 179

Site Larousse, définition du terme microéconomie :

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/micro%C3%A9conomie, page consultée le 5

décembre 2009 180

Site Larousse, définition du terme macroéconomie :

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/macroeconomie/48402, page consultée le 5

décembre 2009 181

Rouleau Linda, Théorie des organisations, Québec, Presse de l’Université du Québec, 2007, 300 p.,

p.103

Page 84: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

84

« Given the complexity of the phenomena under review, transaction cost should

often be used in addition to, rather than to the exclusion of, alternative approaches. »

(Williamson, 1985)182

En accord avec les recommandations de l’auteur, cette théorie viendra compléter

l’analyse de la création de valeur dans l’industrie musicale afin de comprendre la relation

entre un consommateur et un label.

Présentation générale

Cette théorie s’est développée à partir des théories économiques néoclassiques

mais y oppose cependant quelques restrictions concernant l’équilibre du marché, qui pour

la pensée néoclassique se base entre autres sur une concurrence pure et parfaite et

l’utilisation libre de coûts des mécanismes du marché. Ces deux points sont contredits par

la théorie des coûts de transaction. Cette théorie a été introduite par l’économiste Ronald

Coase en 1937183. D’abord sans écho, cette nouvelle considération des relations

économiques et organisationnelles trouvera toute sa légitimité avec l’apport d’Oliver

Williamson.

Le schéma suivant synthétise la relation entre toutes les variables influençant une

transaction afin de donner au lecteur une vision d’ensemble de la théorie dont les points

précis seront abordés par la suite :

182

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.18 183

Association des Universités pour l'enseignement Numérique en Economie et Gestion (AUNEGE),

Ministère de l’Enseignement supérieur, Module de formation sur la théorie des coûts de transaction,

p.1,

http://www.aunege.org/modules/ECOMAN/Lecon4/polycopies4/L4.pdf, page consultée le 6

décembre 2009

Page 85: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

85

Illustration 13: Relation entre les différentes variables (théorie de transactions des coûts,

Schirmer, 2008)184

La théorie des coûts de transaction est très vaste et pourrait utilisée pour analyser

le fonctionnement de beaucoup d’organisations. Son application dans ce travail permettra

de comprendre la transaction opérée entre un consommateur et un label au regard des

mutations provoquées par l’apparition des Nouveaux Médias sur l’environnement de la

transaction et sur l’opportunisme des consommateurs afin de trouver un facteur

d’optimisation de cette relation.

3.1.2 Les hypothèses comportementales

Les hypothèses sur les agents posent les bases du comportement de l’agent

économique, c'est-à-dire de toute personne prenant part à une transaction:

184

Schirmer Frank, Lehrstuhl für Organisation, Fakultät für Wirtschaftswissenschaft, TU Dresden,

Dresden, Semestre d’hiver 2008-2009, p.15

Page 86: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

86

Une rationalité limitée : un acteur n’a pas connaissance de toutes les informations du

marché. L’agent économique va donc, en fonction des informations qu’il aura en sa

possession, réaliser un choix qu’il estimera satisfaisant. Ce choix ne maximisera peut-être

pas sa satisfaction, mais l’agent ne pourra pas faire autrement car ses capacités cognitives

sont limitées185. La rationalité limitée nuance les hypothèses néoclassiques.

Opportunisme et intérêt propre : un acteur cherche à satisfaire ses intérêts, entre autres

par la tromperie. En cas de conflit, il pourra même agir aux dépens des autres186.

« By opportunism I mean self-interest seeking with guile » (Williamson, 1985)187

Deux sortes d’opportunisme sont distingués : l’opportunisme ex ante et ex post. Le premier

concerne toute forme de tromperie avant la réalisation du contrat : rétention

d’informations, mensonge, tricherie … La deuxième forme d’opportunisme concerne toute

forme de tromperie postérieure au contrat : mauvaise exécution, non-respect du contrat…

L’opportunisme est souvent la cause d’une asymétrie des informations entre les

contractants, compliquant ainsi fortement les transactions entre les agents

économiques188. Il est cependant important de noter que les différents agents n’ont pas

nécessairement le même degré d’opportunisme189. De ce fait, les structures de

gouvernance, dont le rôle sera abordé plus loin, doivent beaucoup plus arbitrer les

comportements opportunistes ex post. Cependant, ces conflits peuvent être prévenus en

185

Association des Universités pour l'enseignement Numérique en Economie et Gestion (AUNEGE),

Ministère de l’Enseignement supérieur, Module de formation sur la théorie des coûts de transaction,

p.9,

http://www.aunege.org/modules/ECOMAN/Lecon4/polycopies4/L4.pdf, page consultée le 6

décembre 2009 186

Emes Jutta, Unternehmergewinn in der Musikindustrie, Wiesbaden, Deutscher Universitäts-

Verlag, 2004, 334 p., p.179 187

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.47 188

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.47-48 189

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.48

Page 87: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

87

travaillant ex ante les termes du contrat190. Williamson souligne la gêne engendrée par les

comportements opportunistes dans les transactions, dont il attribue la cause à l’incertitude

de l’agent économique191.

Ainsi, les agents économiques vont réaliser un choix en fonction de leurs intérêts

personnels, qui pourrait éventuellement léser l’intérêt des autres contractants, et des

informations en leurs possessions, introduisant la notion d’incertitude.

3.1.3 Les transactions et coûts de transactions

Définition d’une transaction

Williamson a défini plusieurs fois ce terme au cours de son œuvre. Sa

compréhension est admise dans la phrase suivante: « A good or service is transferred

across a technologically separatable interface. One stage of activity terminates and another

begins. » (Williamson, 1985) 192.

Deux facteurs sont à considérer dans une transaction. Tout d’abord, le statut des

deux agents économiques rend le concept comparable à l’acte d’achat en droit car il s’agit

d’un transfert entre deux entités indépendantes. Alors qu’en droit les agents seront

distingués par leurs statuts juridiques, ils le seront par leurs indépendances technologiques

dans le cadre de la théorie des coûts de transaction. Le deuxième facteur est l’idée de

temps dans une transaction : à la différence d’un échange qui est immédiat, une

transaction peut s’étaler dans le temps.

190

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.48 191

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.49 192

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.1

Page 88: L'industrie de la musique enregistrée et le consommateur … · WIPO: World Intellectual Property Organization . 11 Glossaire A & R (Artist & Repertoire): terme désignant la section

88

Un autre rapprochement de la théorie avec le droit est possible par la

contractualité d’une transaction : « Transaction cost economics poses the problem of

economic organization as a problem of contracting. A particular task is to be accomplished.

[…] Explicit and implicit contract and support apparatus are associated with each. »

(Williamson, 1985) 193. Ce rapprochement explique la conception de l’agent économique en

tant que homo contractor.

Une transaction est donc l’application étalée dans le temps d’une négociation

initiale, où la tâche à accomplir de part et autre des contractants est définie et négociée, de

la réalisation du contrat puis d’une résolution du contrat après son exécution194. Lorsqu’une

transaction s’opère sur des actifs bien spécifiques, elle peut être alors qualifiée

d’idiosyncrasique.

Ainsi, comme dans tout contrat, les transactions représentent des coûts pour

chacune des parties contractuelles qui dépendent des particularités de la transaction.

Particularités des transactions

Les particularités des transactions, au nombre de trois, représentent en partie

l’environnement dans lequel elle est réalisée et qui est extrêmement important pour les

coûts des contractants.

L’incertitude d’une transaction correspond à la considération de l’opportunisme des agents

et à leur rationalité limitée, c’est-à-dire à la possession d’informations. Plus le nombre

d’agents est faible, plus l’incertitude est élevée195. L’incertitude est concrètement la

193

Williamson Oliver, The economic institutions of capitalism – Firms, markets and relational

contracting, New York, The Free Press, 1985, 450 p., p.20 194

Association des Universités pour l'enseignement Numérique en Economie et Gestion (AUNEGE),

Ministère de l’Enseignement supérieur, Module de formation sur la théorie des coûts de transaction,

p.11, http://www.aunege.org/modules/ECOMAN/Lecon4/polycopies4/L4.pdf, page consultée le 6

décembre 2009 195

Association des Universités pour l'enseignement Numérique en Economie et Gestion (AUNEGE),

Ministère de l’Enseignement supérieur, Module de formation sur la théorie des coûts de transaction,

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89

conséquence de la rétention d’informations ou de la tromperie. Cette incertitude est

également fortement liée à la spécificité des actifs.

La spécificité des actifs crée la particularité de la transaction en fonction de la nature de

l’actif. La spécificité d’un actif peut rendre les relations entre les agents économiques

durables. La spécificité des actifs engendre la notion d’inter-temporalité : un actif très

spécifique à une transaction sera difficilement transférable à une autre activité économique

ou le sera en contrepartie de coûts, et plus particulièrement en termes de coûts

d’opportunités196. En effet, la capacité d’un actif à être utilisé dans une transaction, le

savoir-faire qui en a été acquis et sa durabilité dans la relation des agents rendent son

exploitation optimale dans un cadre adapté.

La fréquence de transaction est une particularité très importante pour déterminer la

structure de la gouvernance des transactions. En effet, pour une transaction utilisant un

actif très spécifique et dont la fréquence est haute, il sera intéressant de les regrouper dans

une organisation afin de centraliser les coûts élevés relatifs à une transaction réalisée avec

des actifs très particuliers. De même, si les transactions sont peu nombreuses, alors le

nombre d’agents économiques est faible, renforçant la probabilité de comportements

opportunistes et donc l’insécurité dans la transaction.

Les coûts de transaction

Deux types de coûts sont relatifs à une transaction : les coûts ex ante et ex post.

Les coûts ex ante adviennent avant la réalisation du contrat et sont très complexes car il est

difficile de prévoir les comportements opportunistes. L’enjeu des contractants est de

p.12, http://www.aunege.org/modules/ECOMAN/Lecon4/polycopies4/L4.pdf, page consultée le 6

décembre 2009 196

Association des Universités pour l'enseignement Numérique en Economie et Gestion (AUNEGE),

Ministère de l’Enseignement supérieur, Module de formation sur la théorie des coûts de transaction,

p.12,

http://www.aunege.org/modules/ECOMAN/Lecon4/polycopies4/L4.pdf, page consultée le 6

décembre 2009

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s’entendre sur un arbitrage du résultat afin d’éviter un recours en justice coûteux et parfois

inefficace. Les coûts ex ante sont traditionnellement distingués comme les coûts de

négociations, de rédaction et de garanties du contrat197.

Les coûts ex post sont la conséquence de problèmes et conflits après la réalisation du

contrat et sont par exemple : les coûts liés à un marchandage en cas de mauvaise

exécution, une mauvaise adaptation du contrat, les coûts d’engagement ou encore les

coûts organisationnels.

Ces deux sortes de coûts sont à considérer comme un tout et non de manière

séquentielle. Ils sont difficilement quantifiables car des coûts personnels, comme le temps

consacré à la transaction ou la fatigue sont pris en considération.

L’enjeu des transactions relève également de la capacité à trouver un cadre

institutionnel adéquat pour minimiser les coûts de transactions et les coûts de production

de l’actif nécessaire à la transaction.

3.1.4 Les structures de gouvernance

Une structure de gouvernances définit la manière dont la transaction va être gérée

par les agents afin d’optimiser la transaction. La fréquence et la spécificité des transactions

définissent ce cadre dont l’enjeu est d’être le plus efficace possible afin de minimiser les

coûts de transaction. Il existe quatre types de gouvernance. Ils sont schématisés dans

l’illustration ci-dessous :

197

Association des Universités pour l'enseignement Numérique en Economie et Gestion (AUNEGE),

Ministère de l’Enseignement supérieur, Module de formation sur la théorie des coûts de transaction,

p.14,

http://www.aunege.org/modules/ECOMAN/Lecon4/polycopies4/L4.pdf, page consultée le 6

décembre 2009

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91

Illustration 14: Les différents types de gouvernance dans la théorie des coûts de

transaction (Williamson, 1985 dans AUNEGE, 2009)198

La gouvernance du marché (contractualisation classique) s’applique à des transactions peu

spécifiques et pour un objet délimité sur des marchés ayant beaucoup d’acteurs. Les

comportements opportunistes seront de ce fait limités car en cas d’insatisfaction, un

contractant s’adressera à un autre agent économique lors du renouvellement de la

transaction.

La gouvernance trilatérale (contractualisation néoclassique) est efficace dans le cas de

figure où la spécificité d’un actif augmente. Les agents de la transaction ont donc intérêt à

bâtir une relation dans le temps afin d’éviter des coûts de redéploiement, qui augmentent

198

Association des Universités pour l'enseignement Numérique en Economie et Gestion (AUNEGE),

Ministère de l’Enseignement supérieur, Module de formation sur la théorie des coûts de transaction,

p.16,

http://www.aunege.org/modules/ECOMAN/Lecon4/polycopies4/L4.pdf, page consultée le 6

décembre 2009

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avec la spécificité de l’actif. Cependant, ils ne sont pas à l’abri de comportements

opportunistes et ne peuvent également pas les prévoir ex ante. De ce fait, les deux

contractants ont intérêt à choisir un arbitrage externe, d’où le nom de gouvernance

trilatérale. Williamson s’oppose cependant à l’arbitrage de la justice qu’il estime coûteux et

parfois inefficace.199

La contractualisation évolutive concerne les transactions dont les actifs sont très

spécifiques et pour lesquelles les contractants doivent nouer une relation très étroite et sur

le long terme. Deux formes de gouvernance sont alors possibles. La gouvernance bilatérale

implique que chaque contractant garde son autonomie. La gouvernance unifiée indique

que la transaction est retirée du marché et organisée sous une autorité unique200. Cette

forme de gouvernance ne sera pas traitée car le consommateur de musique garde

évidemment son autonomie dans l’achat de musique.

3.2 Les transactions dans l’industrie de la musique

enregistrée

Cette partie va appliquer la théorie des coûts de transactions à l’industrie de la

musique enregistrée. La transaction étudiée est l’achat d’un produit musical par un

consommateur auprès d’un label. Deux points de vue sont donc possibles : celui du

consommateur ou celui du label. Les deux premières parties se sont placées du côté des

199

Association des Universités pour l'enseignement Numérique en Economie et Gestion (AUNEGE),

Ministère de l’Enseignement supérieur, Module de formation sur la théorie des coûts de transaction,

p.16,

http://www.aunege.org/modules/ECOMAN/Lecon4/polycopies4/L4.pdf, page consultée le 6

décembre 2009 200

Association des Universités pour l'enseignement Numérique en Economie et Gestion (AUNEGE),

Ministère de l’Enseignement supérieur, Module de formation sur la théorie des coûts de transaction,

p.17,

http://www.aunege.org/modules/ECOMAN/Lecon4/polycopies4/L4.pdf, page consultée le 6

décembre 2009

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labels car elles ont expliqué comment leurs environnement s’est bâti et face à quels défis

les Nouveaux Médias les confrontent. Cette partie se placera donc également du côté d’un

label. Par ailleurs, cette prise de position sera réalisée dans un souci de cohérence avec le

poste managérial de ce mémoire : entrepreneur sur le marché de la musique enregistrée.

L’hypothèse de rationalité limitée ne fera pas l’objet d’une mention particulière

dans ce paragraphe car elle est la même pour tout acteur économique.

3.2.1 Les transactions et coûts de transaction

Une transaction est l’achat d’un produit musical, l’actif de la transaction, par le

consommateur auprès d’un label, les deux agents économiques. Le contrat de transaction

est rempli lorsque le consommateur est satisfait de son achat. Une transaction peut s’étaler

dans le temps lorsque le consommateur réitère ses achats. Les particularités des

transactions sont décrites ci-dessous.

L’incertitude du label est représentée par sa connaissance limitée des consommateurs et

des comportements de consommation lorsqu’il lance un album sur le marché.

La spécificité de l’actif est la particularité du produit auprès du label, c'est-à-dire s’il est

hautement stratégique ou non. Un album ou un artiste est considéré comme stratégique si

la probabilité de succès commercial est haute. Ainsi, la spécificité d’un produit musical est

forcément liée à son interprète qui est de plus en mesure de lier le consommateur au label

dans le temps et donc de rendre les transactions durables.

La fréquence de transaction est la fréquence de vente de produits musicaux du label

auprès du consommateur.

Les coûts ex ante représentent les investissements du label pour gagner des

informations sur le consommateur et tous les frais liés à la production, fabrication et

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commercialisation d’un produit musical. Les coûts ex post sont les coûts relatifs à

l’insatisfaction du consommateur après l’achat du produit musical comme par exemple les

coûts de retour d’albums invendus, ou les différents frais possibles dus à des recours en

justice.

3.2.2 Les structures de gouvernance

La gouvernance de l’achat musical correspond au cadre donné par le label pour

vendre son produit au consommateur. Il s’agit donc de la stratégie de création du produit,

de campagne marketing, promotionnelle et commerciale. Concrètement, il s’agit de la mise

en place d’un ensemble de mesures permettant une consommation optimale pour le label :

toucher le public intéressé dans son plus grand nombre sans créer de gêne ou d’agacement

auprès des consommateurs qui ne sont pas ciblés par le produit.

La gouvernance du marché (contractualisation classique) concerne des produits musicaux,

dont la particularité aux yeux du label est faible, et qui seront achetés par le consommateur

soit régulièrement soit occasionnellement. Ces albums peuvent être vendus à un large

public comme la spécificité de l’actif est faible.

La gouvernance trilatérale (contractualisation néoclassique) concerne des produits

musicaux de moyenne voire haute stratégie pour le label et dont les ventes ont lieu

occasionnellement. Parmi les acteurs évoqués dans les deux premières parties du devoir, il

est difficile de trouver une troisième instance indépendante venant réguler cette

transaction parmi les acteurs du marché de la musique, hormis l’Etat qui pourrait réguler

l’opportunisme des consommateurs pirates.

La contractualisation évolutive concerne la vente de produits musicaux hautement

spécifiques pour le label et dont l’importance est cruciale car ils sont achetés régulièrement

par les consommateurs. Il est clair que le cas de gouvernance unifiée n’est pas pris en

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compte dans cette application de la théorie aux relations label-consommateur car un label

ne pourra jamais organiser une gouvernance commune avec un consommateur afin de

vendre ses produits. Aussi, dans ce cas de contractualisation, le label se trouve fortement

dépendant des comportements de consommation opportunistes.

3.2.3 Les comportements opportunistes

Les formes d’opportunismes de la part du consommateur et de la part du label

seront utiles dans la suite de ce travail.

L’opportunisme de la part du consommateur consiste à se procurer le produit

musical à moindre coût en évitant la transaction avec l’éditeur. C’est donc le piratage de

l’œuvre : soit en gravant un disque, soit en téléchargeant le produit musical à partir de

réseaux de « Peer-to-Peer ».

L’opportunisme de la part du label est quelque part l’abus de position dominante.

Un label a des actifs par principe spécifiques car ils sont basés sur la création humaine et

sont donc par définition originaux. Ainsi un label possède des actifs qu’aucun autre ne

pourra reproduire légalement. L’enjeu ici est donc de dominer les structures de marché

pour étouffer les produits d’autres labels et imposer son produit aux consommateurs :

comme le produit même ne trouve, par principe, pas de concurrents ; sa fabrication,

commercialisation, promotion et mise en avant le sont en revanche.

La théorie des coûts de transaction permet donc la compréhension de la relation

label-consommateur d’un point de vue économique. On peut donc à présent se demander

quelles sont les conséquences des Nouveaux Médias sur les comportements des agents et

les structures de gouvernances afin de déterminer de quelles manières ils changent

l’optimisation de ces structures.

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96

3.3 La valorisation des transactions grâce aux Nouveaux

Médias

Cette sous-partie est l’analyse de mon travail et les conclusions réalisées

représentent une prise de position. Ces dernières sont basées sur l’analyse des

changements du marché de la musique enregistrée évoqués dans les deux premières

parties de cette étude et de la compréhension de la relation label-consommateur établie à

partir de la théorie des coûts de transaction. Aussi rationnelles que possible soient-elles,

elles sont bien entendu discutables.

3.3.1 Inversement des comportements opportunistes

Alors que la création de valeur sur le marché traditionnel avait encouragé

l’opportunisme des majors, les Nouveaux Médias ont exacerbé l’opportunisme des

consommateurs.

L’opportunisme de la part des majors

La création de valeur dans l’industrie traditionnelle a provoqué la formation d’un

oligopole sur le marché. L’enjeu des points stratégiques du marché, la signature d’artistes,

la promotion et la distribution, exigeaient une forte capitalisation de la part des labels et

des coûts fixes nécessairement élevés. Les majors avaient ainsi bâti leur puissance sur la

domination sans partage de la promotion et de la distribution, principalement. La

domination du premier point, la signature d’artistes, pourrait être expliquée comme

conséquence du succès des deux autres points stratégiques : le cercle vertueux provoqué

par la maîtrise de la promotion et de la distribution permettait aux majors d’investir dans la

recherche d’artistes et la signature de contrats à fort potentiel.

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97

Comme évoqué dans la première partie, la représentativité musicale dans les

médias traditionnels était très limitée : 1% des diffusions étaient les produits de labels

indépendants. Or, avant l’apparition des Nouveaux Médias, l’accès au consommateur pour

une maison de disques se faisait nécessairement par les médias traditionnels. Les labels

indépendants étaient donc peu en contact avec les consommateurs, limitant par là même la

probabilité de transaction.

De même, le système de distribution était dominé par l’oligopole. La capitalisation

des majors leur permettait d’investir dans une force commerciale efficace et active sur les

territoires de ventes afin d’implanter leurs produits en premier plan. Ironie du sort pour les

labels indépendants, certains devaient signer des contrats de distribution auprès de leurs

puissants concurrents pour assurer la distribution de leurs produits, participant par là

même à leurs capitalisations.

Le système était sans faille pour les majors, certaines de conserver leurs positions

dominantes. Par l’analyse de la théorie des coûts de transaction, elles avaient fait preuve

d’opportunisme : la surreprésentation de leurs produits sur le marché représentait une

tromperie dans la transaction avec le consommateur car le nombre d’informations

disponibles au consommateur, l’autre agent économique de la transaction, était limité.

L’opportunisme des majors ne s’est pas fait uniquement vis-à-vis des labels indépendants,

mais également entre elles.

Il est important de comprendre le terme d’opportunisme dans son sens

économique. Il n’y a ici aucun jugement moral quant au comportement d’entreprises

répondant à une logique économique de réalisation de profit. Tous les éditeurs musicaux,

qu’ils soient indépendants ou non, suivent cette logique. On attribue souvent aux labels

indépendants une logique de qualité artistique forte en abnégation d’une logique de profit

maximal. Comme il est économiquement difficile de définir et d’évaluer la notion de qualité

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et que pour continuer à exister, ces labels doivent de toute manière réaliser un profit

minimal, ce devoir s’en tient à l’analyse de la réalisation de profit. Il sera considéré que la

nuance réside dans le degré de volonté de maximisation du profit.

L’opportunisme du consommateur

L’apparition des Nouveaux Médias n’a pas provoqué l’opportunisme du

consommateur, car il était déjà possible de pirater des produits musicaux auparavant, mais

l’a exacerbé.

La démocratisation de l’informatique, provoquant un équipement des foyers

toujours plus grand, puis de l’accès à Internet et au Web 2.0 ont apporté au consommateur

plus que de nouvelles formes de consommation : les Nouveaux Médias ont

« médiamorphosé » le consommateur. Il a maintenant l’habitude d’avoir accès à de

nombreuses informations gratuitement et de manière flexible. De même, la baisse des prix

de l’équipement audio, une forte diversification des produits, ainsi que la démocratisation

du téléphone portable sont facteurs de ces changements de comportements. Par l’accès

permanent aux informations, le rapport de force dans la transaction a été rétabli, voire

inversé car les consommateurs peuvent comparer les prix ou encore acheter des disques

dans le monde entier.

L’apparition et le développement des réseaux de « Peer-to-Peer » ont exacerbé

l’opportunisme du consommateur à un niveau qui n’avait jamais été connu jusqu’alors. Il

est effectivement impossible pour le consommateur de mieux maximiser sa satisfaction

que par l’obtention de musique gratuitement, laissant ainsi son budget réservé aux loisirs

intact pour d’autres dépenses.

Il est également important de comprendre le comportement du consommateur en

tant qu’agent économique rationnel. Ainsi le recours au piratage ne sera pas analysé en

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tant que volonté de punition vis-à-vis de la domination des majors sur le marché. Même si

ce sentiment est éprouvé par certains consommateurs, il est difficile à justifier à partir de la

théorie des coûts de transaction. De plus, il explique le comportement du consommateur

d’un point de vue moral, ce qui n’est pas l’objet de cette étude.

D’autre part, la multiplication des formes de produits musicaux et des

intermédiaires affaiblit le comportement opportuniste des consommateurs qui ne piratent

pas les œuvres. En effet, les nombreuses formes que prend le produit musical avec

l’apparition des Nouveaux Médias amoindrissent la probabilité d’insatisfaction absolue de

la part du consommateur. S’il est insatisfait d’une forme de produit, il se tournera vers un

autre support ou vers d’autres formules. Cela n’était pas possible dans l’industrie

traditionnelle de la musique où le support était unique et le contenu imposé. En effet,

comme l’information était solidaire du support, alors les consommateurs n’avaient plus le

choix sur le contenu. Les Nouveaux Médias font donc baisser la probabilité d’opportunisme

par insatisfaction.

De plus, ils permettent une pré-écoute du produit quasi-systématique, soit sous

forme d’extraits soit par le biais d’une web radio, rendant ainsi les consommateurs plus

riches en informations sur le produit. Ceci fait donc baisser l’incertitude de la transaction

aux yeux du consommateur et donc son comportement opportuniste.

L’apparition des Nouveaux Médias a donc inversé les comportements opportunistes

dans la transaction entre le label et le consommateur : alors que le marché traditionnel

avait permis et développé l’opportunisme des majors, le nouveau marché a équilibré cet

opportunisme par la disponibilité des informations. On pourrait presque considérer qu’il a

inversé les comportements opportunistes par l’ampleur du phénomène de piratage.

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100

3.3.2 Une nouvelle répartition des coûts de transactions

Les deux types de coûts de transactions ont changé au regard des mutations du

marché analysées dans les deux premières parties de ce devoir.

Les coûts ex ante

Comme établi dans la deuxième partie de ce travail, les coûts de production,

promotion et distribution d’un label ont été bouleversé par l’apparition des Nouveaux

Médias.

La dématérialisation de la création de valeur interne au label permet de réaliser les

activités de production plus efficacement. Lorsque l’investissement initial est rentabilisé, les

Nouveaux Médias rendent la création du produit musical moins chère en termes de coûts

financiers et humains, car les relations entre les différents services du label sont facilitées

par les nouvelles technologies de communication. L’investissement initial comprend les

frais de matériel mais aussi les frais humains : formation, temps d’adaptation des employés

aux nouvelles méthodes de travail…

Il en est de même pour la distribution digitale : passé l’investissement technique

initial, cette forme de distribution permet d’importantes économies de stockage et de

logistique. Pour les labels ne possédant pas de réseau de distribution, ils peuvent ainsi

économiser un contrat coûteux et faire le choix d’une distribution uniquement digitale. De

plus, la tendance générale, illustrée dans ce devoir par l’exemple du marché français, est à

une baisse régulière des ventes de supports physiques. Sans parler de la disparition de

cette forme de distribution, la baisse des volumes entraîne des coûts de logistique et de

production moindres.

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De plus, la recherche d’artistes est possible à moindre coût, les Nouveaux Médias

permettant aux labels d’avoir accès à plus d’informations. L’innovation technologique lui

permet de réduire son incertitude dans d’autres transactions : celles avec les artistes.

La connaissance que les labels avaient des consommateurs avant les Nouveaux

Médias est difficile à établir. Ils pouvaient se fier aux succès commerciaux de leurs artistes

et de leurs tournées. Les recherches que j’ai menées ne me permettent pas d’affirmer que

les labels réalisaient des études sur leurs clients et leurs modes de consommation. Ceci

peut être entre autres expliqué par le fait que ces études représentent un investissement

important. En revanche, il est certain qu’avec les Nouveaux Médias et le développement du

Web 2.0, les labels gagnent ce genre d’informations beaucoup plus facilement et pour peu

d’efforts financiers. Ainsi, les avancées technologiques permettent une panélisation des

consommateurs de produits musicaux et la formation d’un réseau de clients, permettant

une segmentation plus fine lors du lancement d’albums.

Les Nouveaux Médias donnent donc lieu à une baisse relative des coûts ex ante,

sauf pour les activités de promotion. La multiplication de l’espace promotionnel offert par

le Web et de ce fait, du nombre d’acteurs à contacter, rend les coûts de transactions en

matière de promotion beaucoup plus élevés. De plus, la diversification des acteurs, selon

leurs structures, leurs genres de musique, de stratégie, implique un effort d’adaptation de

la part des employés du label qui aura un coût personnel de manière certaine par le temps

consacré, voire même financier par l’embauche de nouveaux employés pour cette activité.

Les coûts ex post

Les coûts ex post sont particulièrement importants dans la distribution physique de

produits musicaux. Avec la baisse des volumes de vente des produits physiques, les coûts

de retour de disques baissent par conséquent. En ce qui concerne les nouvelles formes de

distribution digitales, il n’existe pas de moyen de retourner l’achat. Ainsi, un client

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insatisfait achètera moins, ou tentera d’autres formes de produits. Ceci ne représente pour

le label aucun effort, qu’il soit personnel ou financier.

Les recours en justice contre le piratage nécessitent des coûts très élevés et ont été

jusqu’à présent inefficaces, comme l’affirme Williamson dans l’énonciation de sa théorie,

car le piratage continue d’être réalisé et accepté par beaucoup de consommateurs.

Les conséquences des Nouveaux Médias provoquent donc une nouvelle répartition

des coûts de transactions du label dans la production de l’actif de la transaction. Ainsi, cette

nouvelle répartition des coûts permet l’établissement de nouvelles structures de

gouvernance.

3.3.3 Le recentrage des structures de gouvernance

Cette partie va répondre à la problématique et montrer pourquoi les Nouveaux

Médias permettent aux labels de mieux concentrer les structures de gouvernances sur les

consommateurs et ainsi d’optimiser les transactions dans le nouvel environnement de

l’industrie musicale.

La formation de gouvernances capables d’optimiser les transactions avec le

consommateur dans le nouveau marché passe par deux étapes : la création de nouvelles

stratégies de gouvernance et une bonne utilisation des potentialités du Web 2.0 car celle-ci

permet d’encourager la participation du consommateur à la création de valeur.

De nouvelles stratégies de structures de gouvernance

Par le développement de nouvelles stratégies de gouvernance, les labels pourraient

optimiser les transactions avec les consommateurs.

Avec les Nouveaux Médias, l’importance de la distribution physique classique est

devenue moins stratégique pour les éditeurs de musique enregistrée. Cependant, elle est

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toujours importante car les ventes de supports physiques dépassent encore les ventes

digitales. Mais les potentialités de développement technique de ces supports sont faibles.

Ainsi, les labels auraient intérêt à se concentrer sur le produit en lui-même : design,

contenu et prix.

Parallèlement, la compréhension et l’adaptation aux nouvelles formes de

distribution est un véritable enjeu pour les ventes futures. Cette stratégie passe tout

d’abord par l’adaptation technique aux nouvelles formes de vente, puis par la

compréhension des nouveaux enjeux. L’un des avantages des ventes digitales, et il n’est pas

négligeable, est la flexibilité de la forme du produit, qui répond à l’une des attentes

principales des consommateurs aujourd’hui.

Si les labels se concentrent sur le développement pertinent d’actifs, c'est-à-dire sur

la création de structures adaptées au genre de musique et au mode de consommation, cela

leur permettrait de répondre par une même stratégie aux défis de la distribution physique

et digitale. Cette segmentation est, de plus, devenue réaliste financièrement grâce au

phénomène des Nouveaux Médias.

Concrètement, la concentration sur les activités de répertoire et de gestion

d’artistes est la méthode pour développer les actifs pertinents. La musique étant

importante aux yeux des consommateurs, soigner le produit qui lui est présenté relancera

son intérêt pour la transaction. Par soigner le produit, il est entendu le développement de

nouveaux artistes et de nouveaux produits s’adaptant au mieux aux différents types de

transactions. En effet, les comportements d’achat de ces dernières années ont montré le

goût des consommateurs pour des artistes nouveaux.

De plus, le développement du répertoire est une activité entièrement propre à un

label et pour laquelle ils ont le plus de savoir-faire. Ainsi, centrer la stratégie de

développement sur la gestion du catalogue permettrait aux labels d’avoir plus de poids face

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aux nombreux acteurs de l’industrie, en particulier ceux issus d’industries connexes qui

multiplient les offres musicales.

Les moyens techniques offerts par les Nouveaux Médias offrent de nombreuses

possibilités pour l’activité de marketing dans la création de valeur. Ils permettent de

développer plus de produits, eux-mêmes plus flexibles, permettant ainsi au label de

multiplier les occasions de transactions et d’augmenter la probabilité de satisfaction. De

plus, la facilité et la simplicité des structures d’achat en ligne encouragent les achats

compulsifs et donc augmentent la probabilité de la réalisation d’une transaction. L’accès

plus direct et moins coûteux aux consommateurs offre quant à lui la capacité aux labels de

mieux cibler les consommateurs et d’adapter au mieux possible les campagnes de

lancement d’albums. Un meilleur ciblage lui permettra par la même occasion de réduire ses

coûts ex ante par l’économie de coûts de fabrication ou de promotion qui n’aboutiront pas

à une transaction, et donc inutiles économiquement.

Optimiser les transactions avec le consommateur revient donc à optimiser les

structures de gouvernance dont les Nouveaux Médias en offrent la possibilité. Cependant,

les labels réalisent à l’heure actuelle la transition entre la distribution physique et les

nouvelles formes de commerce permises par les Nouveaux Médias. Ainsi, les hauts coûts

fixes liés à la distribution physique sont d’une part toujours indispensables. D’autre part, les

labels sont en train de développer les nouvelles formes de commerce et donc de réaliser

l’investissement initial, important en termes financiers et humains, pour s’adapter au

nouvel environnement. De plus, l’absence de moyens techniques et législatifs réellement

efficaces pouvant limiter l’opportunisme des consommateurs, est facteur de nombreux

coûts pour les labels : tout d’abord « un coût de manque-à gagner » du fait de la non-

rémunération des droits d’auteurs, et des coûts d’actions en justice, qui en plus d’être

relativement inefficaces, sont élevés. Comme la formation de systèmes de gouvernance

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nécessite des coûts humains et financiers, aussi faibles soient-ils grâce aux Nouveaux

Médias, ce redéploiement stratégique sera long à mettre en œuvre et représente plutôt

une vision à long terme de la création de valeur d’un label.

Le prochain paragraphe établira la relation entre l’optimisation des structures de

gouvernance et le Web 2.0.

Une utilisation stratégique du Web 2.0

Ce paragraphe veut montrer que l’optimisation des structures de gouvernance est

possible grâce à une bonne compréhension et utilisation du Web 2.0, dont l’une des

particularités est la participation des internautes. En effet, la collecte d’informations sur le

consommateur, une des conditions de l’optimisation des structures de gouvernance, n’est

possible qu’en maîtrisant et en utilisant à bon escient les moyens techniques offerts par le

Web 2.0.

L’apparition des Nouveaux Médias a complètement changé les habitudes de

consommation et d’accès à l’information. Comme expliqué dans la deuxième partie de

cette étude, les particularités des acteurs du Web 2.0 sont la capacité à capter l’intelligence

collective, à exploiter le « long tail » et à encourager la participation des internautes.

Comment un label pourrait devenir un acteur du Web 2.0 ?

L’utilisation du « long tail » accrédite la thèse de donner la priorité au contenu du

produit musical, et notamment aux contenus spécifiques. En effet, les labels peuvent

s’autoriser plus d’originalité dans la signature de nouveaux artistes et dans la gestion du

répertoire grâce aux possibilités des Nouveaux Médias. Ils peuvent tout d’abord mieux

anticiper le succès d’un artiste en réalisant, par exemple, des sondages d’opinion ou en

organisant des pré-écoutes auprès de leurs consommateurs les plus fidèles, ce qui leur

permettrait également de renforcer leur image auprès de ces derniers. En termes de

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débouchés, l’exploitation du « long tail » permet d’atteindre plus de consommateurs en

élargissant le domaine d’activité au monde et en distribuant les produits sur les sites dont

la fréquentation est la plus adaptée à l’actif, c'est-à-dire le produit musical.

Les consommateurs ont pris goût à la vie sur Internet, comme le prouve l’incroyable

essor des phénomènes de « blogging » et de réseaux sociaux. Ces derniers, alliés à la

montée des nouveaux loisirs et le goût pour les nouvelles offres de musique dont le

téléchargement à l’unité, engagent tous la participation des internautes et leurs

interactions. Le consommateur d’aujourd’hui prouve donc son intérêt pour les loisirs et les

modes de consommation participatifs. Par exemple, la téléphonie mobile et les jeux sur

ordinateurs, qui ont connu le plus de succès auprès du public, reposent tous les deux sur la

participation du consommateur. Ainsi, les labels pourraient ainsi utiliser, et encourager

dans leurs sens, cette envie en faisant de leurs sites un espace de vie pour les internautes,

et non pas uniquement un espace de vente ou de communication. Par ce biais, ils

pourraient ainsi mieux connaître les points de vue des consommateurs, leurs attentes, leurs

jugements sur les produits, lancer des sondages… D’une part, ils auraient une relation

directe avec les consommateurs et pourrait créer un laboratoire d’idée pour développer de

nouveaux produits. De plus, le vieillissement de la population des réseaux sociaux montrent

que toutes les couches de la société se « médiamorphosent ». L’argument est de taille pour

les labels qui pourraient craindre de délaisser une partie de leur clientèle, en ciblant de

manière trop importante l’adaptation aux Nouveaux Médias.

Il est important ici de comprendre ces remarques pour une stratégie de long terme

d’un label. Les produits physiques ne sont actuellement pas à délaisser, car ils représentent

toujours la majorité des ventes. De plus, il existe des réticences de la part de certains

consommateurs à acheter sur Internet et tous ne sont pas familiarisés avec son usage. Un

label doit également prendre en compte les attentes de ces consommateurs là.

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La participation du consommateur pourrait donc optimiser la gestion des actifs de

transaction, et donc la création de structures de gouvernances optimales. Elle permettrait

également une valorisation du produit musical et du catalogue d’un label. Les différentes

formes de participation énoncées ci-dessus correspondent à l’implication du

consommateur dans les différentes activités de la création de valeur d’un label, établie

dans la première partie de cette étude : recherche et développement, gestion du répertoire

et valorisation du produit. Pour ces différentes raisons, et cela permet d’apporter une

réponse à la problématique de ce mémoire, la participation des consommateurs à la

création de valeur d’un label permettrait de valoriser les relations entre les éditeurs et les

récepteurs de musique. De plus, cette forme de stratégie pourrait également servir l’image

du label, et donc lui donner une reconnaissance auprès du consommateur, en attendant

l’élaboration d’une structure législative efficace.

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Conclusion

Ce mémoire analyse les mutations de l’industrie musicale afin de comprendre

l’évolution des relations entre un label et un consommateur. Dans ce but, les premières

parties du devoir se sont attachées à expliquer la construction du marché traditionnel, puis

le phénomène des Nouveaux Médias, ses conséquences et possibilités. Enfin, l’évolution

des relations entre le label et le consommateur ont été analysées dans la troisième partie.

La base de cette étude est l’analyse de la création de valeur au sein d’un label et dans

l’industrie musicale.

Ainsi, la première partie a montré de quelle manière la création de valeur, basée

sur la vente d’un support physique, a provoqué l’émergence d’un oligopole, ayant bâti sa

puissance sur le cercle vertueux provoqué par la maîtrise des trois points stratégiques du

marché et une forte capitalisation. Cette création de valeur était protégée par la législation

sur les droits d’auteur. De son côté, le consommateur faisait preuve de désintérêt pour

l’achat de musique enregistrée.

La deuxième partie a défini et analysé les conséquences des Nouveaux Médias qui

ont rendu l’industrie musicale plus complexe et l’ont affaiblie en permettant le

développement massif du piratage. Ainsi, cette industrie a connu un phénomène de

désintermédiation, de numérisation de ses activités, création de valeur et produit musical,

puis de ré-intermédiation. Ce dernier correspond à l’apparition de nouveaux acteurs sur le

marché. L’industrie de la musique enregistrée est donc devenue complexe avec l’apparition

des Nouveaux Médias : sa création de valeur n’est plus linéaire, les formes du produit se

sont démultipliées et la gestion des droits d’auteur est devenue une problématique

sociétale.

Ainsi, l’analyse de la transaction entre un label et un consommateur veut montrer

qu’encourager la participation du consommateur aux activités de création de valeur du

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label pourrait être une stratégie d’avenir pour un label. Cette implication serait possible

grâce à un recentrage des structures de gouvernances sur les activités de répertoire et

grâce à une bonne maîtrise des enjeux du Web 2.0.

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