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1 UNIVERSITE MONTPELLIER I UFR DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES L’inexécution des obligations contractuelles de droit commun en droit comparé Mémoire présenté par Elsa LONGERON Sous la direction de Monsieur Olivier SAUTEL Maître de Conférences à la Faculté de droit de Montpellier ANNEE UNIVERSITAIRE 2013-2014 Master 2 Pratiques Juridiques et Judiciaires Promotion n°8

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UNIVERSITE MONTPELLIER I

UFR DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES

L’inexécution des obligations

contractuelles de droit commun en

droit comparé

Mémoire présenté par Elsa LONGERON

Sous la direction de Monsieur Olivier SAUTEL

Maître de Conférences à la Faculté de droit de Montpellier

ANNEE UNIVERSITAIRE 2013-2014

Master 2 Pratiques Juridiques et Judiciaires

Promotion n°8

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UNIVERSITE MONTPELLIER I

UFR DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES

L’inexécution des obligations

contractuelles de droit commun en

droit comparé

Mémoire présenté par Elsa LONGERON

Sous la direction de Monsieur Olivier SAUTEL

Maître de Conférences à la Faculté de droit de Montpellier

ANNEE UNIVERSITAIRE 2013-2014

Master 2 Pratiques Juridiques et Judiciaires

Promotion n°8

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REMERCIEMENTS

Mes premiers remerciements s’adressent à Monsieur Olivier Sautel pour m’avoir accordée sa

confiance en me permettant d’intégrer leur son master 2.

Je remercie mes parents, qui m’ont toujours soutenue, et ce à tous les égards, pendant mes

études, et qui ont eu suffisamment confiance en moi pour me permettre de changer

d’orientation.

Je remercie mon frère et ma sœur, toujours présents et attentifs, et qui, par leur persévérance

dans leurs études médicales, m’ont permis d’avancer comme je l’ai fait.

Je remercie mes grands-parents, pour leurs encouragements et les moments passés ensemble.

Je remercie mes amis, qui m’ont accompagnée tout le long de mes études.

Un Merci tout particulier à Aline, qui a été précieuse, et notamment pendant mon Master 1.

Je remercie enfin mes collègues PJJ. Cette année a été formidable, et vous en êtes pour

beaucoup. Merci mes petits.

Un Merci singulier à Laura, mon binôme depuis cette journée culte du Canoé.

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SOMMAIRE

PARTIE 1 : L’inexécution contractuelle excusée

Chapitre 1 : La notion « d’impossibilité matérielle d’exécution »

Section 1 : En droit français

Section 2 : En droit européen

Chapitre 2 : L’exception d’inexécution

Section 1 : En droit français

Section 2 : En droit européen

PARTIE 2 : L’inexécution fautive sanctionnée

Chapitre 1 : L’existence du contrat en question

Section 1 : L’exécution forcée du contrat

Section 2 : La résolution du contrat

Chapitre 2 : La réparation de l’inexécution

Section 1 : En droit français

Section 2 : En droit européen

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INDEX DES ABREVIATIONS

Al. Alinéa

Art Article

Ass. Plén Assemblée plénière de la Cour de cassation

Projet Catala Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription Pierre

Catala

Projet de la Chancellerie Avant-projet de réforme du droit des obligations du 23 octobre

BGB Bürgerliches Gesetzbuch= Code Civil

Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation

Cass. Cassation

Ch. Mixte Chambre mixte de la Cour de cassation

Civ. Chambre civile de la Cour de cassation

Coll. Collection

Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

D. Recueil Dalloz

Ed. Edition

J. Jurisprudence

JCP Semaine juridique (JurisClasseur périodique : générale, entreprises, commerce et

industrie, sociale,...)

LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence

N. Note

Obs. Observations, commentaires doctrinaux

Ouvr. Ouvrage

p. Page

Principes Lando Principles of European Contract Law

Projet Terré Pour une réforme du droit des contrats

RDC Revue des contrats

RTD Civ Revue trimestrielle de droit civil

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s. Suivant

Soc. Chambre sociale de la Cour de cassation

V. Voir

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INTRODUCTION

1. « Pacta sunt servanda ». Cet adage de droit canonique est fondé sur l’obligation morale du

respect de la parole donnée. Il a été repris par l’Ecole du droit naturel analysant la volonté elle-

même comme source de droit.

Cet adage inspire et constitue le socle de nombreux droits européens, dont n’échappent pas le

droit français, le droit allemand ou encore le droit anglais.

Malgré la force de cette parole donnée, malgré la volonté exprimée des parties et la création du

lien contractuel, bien des atteintes sont portées à cet adage. Nombreuses sont les situations où

la parole est violée, où la volonté n’est plus celle qu’elle était, où le lien contractuel est brisé.

Les sources à l’origine de ces atteintes sont diverses, et parmi elles, l’inexécution des

obligations contractuelles.

Une inexécution contractuelle qui affecte l’ensemble du contrat.

2. Le droit ne tolère pas cet affront fait au contrat, dans tout ce qu’il représente.

Une convention entre plusieurs parties n’est pas un simple engagement qui répartit les

obligations et les prestations relatives à chacune.

Il y a des enjeux bien plus importants. A côté de l’objet du contrat, il y a le lien de confiance et

l’attente légitime qui s’établissent entre les parties.

Le droit ne saurait admettre qu’il puisse être porté atteinte à ce contrat sans impunité.

Par son essence même, le droit est là pour faire respecter les engagements. Mais au-delà, l’enjeu

est de préserver une sécurité juridique, pour les parties elles-mêmes, mais aussi à l’égard des

tiers.

Le contrat est un des socles de notre société. Il régit les relations entre les hommes, structure

leurs actions et contribue tout simplement au bon fonctionnement de notre société.

Jean Jacques Rousseau, dans son œuvre « Du contrat Social »1, arguait que les hommes devaient

se soumettre à la volonté générale. Seule cette soumission de l’homme pouvait permettre la

création et la pérennité de la société.

1 Du contrat social 1762, Jeans Jacques Rousseau.

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Seule cette soumission pourrait permettre l’harmonie entre les hommes, celle-ci passant par le

respect par les hommes de leurs engagements, des contrats qui régissent leurs relations.

3. Jean Jacques Rousseau a raison. Sans contrat, la société est vouée à s’éteindre. Sans contrat,

la confusion et le chaos s’engouffreront au sein de cette dernière. Sans contrat, c’est la loi du

plus fort qui irriguerait notre société.

Il est donc vital que notre droit protège ce contrat, et en cas d’atteinte à ce dernier, établisse un

système de sanctions et de protections, pour l’ensemble des parties.

4. C’est ainsi que le droit a développé des méthodes et des remèdes pour sanctionner les auteurs

de ces coups portés au contrat et pour protéger les parties qui en sont victimes.

Le droit est un domaine riche en spécialités, qui se retrouvent toutes autour de règles communes

formant le socle juridique de notre droit français.

Dans le cadre de notre étude, nous centrerons notre regard sur ce droit commun à toutes les

spécialités.

Et dans le cadre de ce droit commun, nous étudierons plus spécifiquement l’inexécution des

obligations contractuelles. Cette inexécution qui est l’une des principales atteintes à notre droit

contractuel et qui est l’une des violations les plus dommageables.

5. L’article 1134 du code civil prévoit en effet que « Les conventions légalement formées

tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

6. L’inexécution de l’obligation contractuelle est une donc une remise en cause du contrat dans

son ensemble et qui en affecte tant ses effets pratiques et que ses effets moraux sur les parties.

7. Face à l’inexécution d’une obligation contractuelle, comme évoqué, le droit offre des moyens

pertinents pour répondre à un tel manquement par la partie.

8. L’ensemble des droits européens aspirent à la même chose. Le contrat est une chose noble

qu’on doit préserver et il est du devoir du droit d’agir en cas d’atteinte faite à ce contrat.

Mais chaque pays a sa propre vision du contrat, de ses effets, et des réactions qui doivent être

mises en œuvre face à une violation de ce dernier.

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Il nous a donc semblé pertinent d’étudier comparativement plusieurs systèmes juridiques afin

de mettre en lumière les positions communes de ceux-ci mais aussi les approches différentes

qu’ils peuvent avoir face à une même situation, en l’espèce, face à une même inexécution

contractuelle.

Nous avons donc choisi d’étudier, outre le droit français, les droits allemands et anglais.

Pourquoi ce choix ?

9. Ce sont trois conceptions du contrat qui ont de nombreux points communs quant aux

mécanismes de réactions aux inexécutions des obligations contractuelles.

Toutefois, des nuances apparaissent et ce, du fait du système juridique même que connaît le

pays.

Car si les remèdes sont identiques dans leur essence, leur dimension est différente. Cela tient à

la philosophie qui imprègne le droit de chaque pays et à l’historique de ce dernier.

10. Les droits français et allemands ont un système juridique fondé sur le droit civil, la « Civil

Law ». Ce sont des régimes où le droit est codifié.

La réglementation contractuelle de ces derniers trouve la majorité de ses sources au sein du

code civil pour les règles de droit commun.

Dans ce système de « Civil Law », la jurisprudence a une place importante et elle permet

d’adapter le droit codifié, voire d’en faire une application évolutive. Elle crée ainsi une partie

du droit positif.

Toutefois, la jurisprudence ne lie pas définitivement le législateur et reste de la jurisprudence

qui n’a pas toujours vocation à poser une solution liant pour l’avenir.

Les règles relatives aux contrats et à ses inexécutions contractuelles trouvent ainsi leurs sources

dans les codifications établies.

Ces dernières ne permettent pas une latitude d’appréciation et d’interprétation très importante.

11. Le droit anglais, à l’inverse, a un système juridique très différent, reposant sur la « Common

law », s’opposant ainsi à la « Civil Law » des deux autres droits.

La Common law est née en 1066. Dans ce système, les lois, les règles, ne trouvent pas leurs

sources dans une codification abondante. La plupart des principes et dispositions régissant le

droit anglais, et donc le contrat et ses inexécutions, sont d’origine jurisprudentielle.

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Même les règles d’origine législative sont interprétées par les tribunaux et ce sont les décisions

du juge telles qu’elles sont interprétées en fonction de la règle législative qui deviennent « le

droit ».

Il y a, en droit anglais, la « règle du précédent ». Une décision jurisprudentielle va lier le

législateur et les juridictions pour l’avenir.

Le fait que le droit anglais ne soit pas rigoureusement codifié permet une plus grande latitude

et adaptabilité face aux situations et à l’évolution de la société.

12. Ainsi, les droits allemand et français sont très encadrés et les modifications substantielles

du droit nécessitent des réformes, parfois longues, controversées et inabouties.

Le droit anglais a beaucoup plus de flexibilité, ce qui lui permet de s’adapter plus facilement

sans devoir entreprendre de grands bouleversements.

Le droit du contrat et des obligations est un exemple parlant.

Le droit allemand, pour se moderniser, a dû faire cette grande réforme, qui a abouti à la loi du

26 janvier 2001.

Le droit français, conscient de ses lacunes, a élaboré plusieurs projets de réforme.

Le droit anglais, lui n’a pas réalisé de grands bouleversements juridiques.

13. Il nous apparaissait donc pertinent de comparer le droit français d’une part avec un système

plutôt similaire que constitue le droit allemand, et d’autre part, avec un système juridique, si ce

n’est opposé, très différent qu’est le droit anglais.

14. Nous avons voulu aller encore plus loin.

Le droit français, régi par ses codes, fonde aujourd’hui encore son droit civil sur le code civil

de 1804.

Un code civil qui n’a jamais fait l’objet de réformes en profondeur concernant le droit des

obligations et des contrats.

Depuis quelques années, cette passivité des législateurs a commencé à irriter. Nombre de

juristes et d’auteurs ont critiqué ce manque de réforme face à l’évolution de la société et des

nouveaux enjeux inhérents.

Une apathie d’autant plus remarquée que notre voisin allemand a franchi le pas en modernisant

très largement son droit des obligations par une loi du 26 novembre 2001.

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Elle a modifié en profondeur le régime applicable au contrat et aux obligations en réformant le

«Bürgerliches Gesetzbuch », code civil allemand, et en consacrant des institutions prétoriennes.

D’autant, qu’outre cette réforme allemande, fleurissent des projets européens de réforme depuis

une vingtaine d’années.

A l’heure où l’Europe économique cherche à se trouver une Europe politique, à l’heure où la

Cour Européenne des droits de l’Homme et la Cour de Justice de l’Union Européenne ne cessent

d’influencer notre droit français, ce dernier ne peut rester muet devant les réformes et évolutions

que les projets européens proposent.

Ces derniers sont nombreux. Il y a ceux, déjà en place, qui irriguent les contrats internationaux

comme la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises ; ou encore les

principes UNIDROIT concernant le commerce international.

15. Mais il n’existe pas à l’heure actuelle une législation européenne relative aux contrats, ou

aux obligations d’une manière générale.

Toutefois des projets ont été initiés, même si aujourd’hui, ils n’ont toujours pas été consacrés.

16. Dans le cadre de notre étude, deux projets concernant le droit des obligations seront abordés.

D’une part, il y a les « Principles of European Contract Law », aussi appelés « Principes

Lando », du fait que c’est un juriste Danois, Ole Lando, qui a été à l’initiative de ce projet. C’est

dans les années 1980 qu’il a réuni des universitaires de différents pays de l’Union Européenne

afin d’élaborer ces principes.

Ces principes Lando demeurent le seul projet vraiment abouti..

17. D’autre part, ce qui est appelé le Code Gandolfi, et qui résulte d’un travail effectué par

l’Académie des Privatistes Européens.

Giuseppe Gandolfi, professeur émérite, a grandement participé aux travaux du groupe

international, qui s’est consacré à la rédaction du projet « d’un code européen des contrats ».

La première édition date de 2001.

Ce projet a un aspect beaucoup plus pratique que les Principes Lando.

18. Les auteurs, juristes et politiques français ont été influencés par ces projets divers et de

nombreuses réflexions ont été menées afin de réformer notre droit inscrit depuis 1804, en

consacrant notamment le droit positif.

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Elles ont abouti à trois projets.

19. Tout d’abord, il a été élaboré « l’Avant-projet de réforme du droit des Obligations et de la

prescription » dit Projet Catala.

En 2003, Pierre Catala a réuni des universitaires français dans le but de travailler sur le droit

des obligations. L’ambition de Pierre Catala, qui se retrouve dans l’avant-projet, était de

moderniser le Code Civil actuel en intégrant notamment les solutions jurisprudentielles

nouvelles. Il souhaitait rendre le code plus intelligible pour les justiciables.

Le professeur Catala a exprimé le vœu que « l'avant-projet serve l'entreprise qui donnera à la

France un droit civil adapté à son époque et une voix dans le concert européen ».

Pierre Catala s’est inspiré des positions affirmées de Portalis ou encore Carbonnier, avec lequel

il a été à l’origine de nombreuses réformes.

Le projet a été remis en 2005 aux pouvoirs publics.

20. Un second Projet a vu le jour. Celui-ci a été élaboré dans le cadre de l’Académie des

Sciences Morales et Politiques sous l’égide de François Terré, juriste français. Il est connu sous

le nom de « Pour une réforme du droit des contrats. Le rapport a été remis fin 2008.

21. Enfin, notre étude se penchera sur le 3ème projet, élaboré par la Chancellerie à partir de 2008,

aussi appelé « Avant-projet de réforme du droit des obligations ».

Ce projet a beaucoup évolué et différentes versions ont été proposées, la dernière en date est

celle du 23 octobre 2013. C’est sur la base de cette dernière que nous ferons notre étude.

Ce projet a été très influencé par les deux autres projets de réforme et n’a pas forcément une

réelle identité propre. Même si, au travers des différentes versions, la Chancellerie a fait évoluer

sa réflexion.

22. Par ce mémoire nous avons voulu confronter le droit français à deux droits européens, de

philosophie différente, mais aussi nous intéresser à l’évolution vers laquelle notre droit veut se

diriger à travers ses trois projets de réforme.

L’étude simultanée des projets européens nous paraissait pertinente dans le sens où ces derniers,

s’ils devaient un jour trouver un écho plus pratique, auraient une incidence directe sur les trois

droits européens étudiés. D’autant que les projets de réforme ont trouvé une inspiration au sein

des droits européens français, allemand, anglais mais aussi bien d’autres, et inversement.

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23. C’est à travers ces diverses approches que nous étudierons «l’inexécution des obligations

contractuelles de droit commun en droit comparé ».

24. Nous avons donc, avec bienveillance, analysé celle-ci.

Une atteinte est portée au contrat par une partie à ce dernier, les causes, les conséquences et les

répercussions sont nombreuses.

25. Le terme d’inexécution contractuelle doit être bien cerné. Gérard Cornu2 l’a défini comme

« le non-accomplissement d’une obligation qui peut être total ou partiel, […], être dû à une

faute de la part du débiteur ou à une cause étrangère ».

C’est à partir de cette définition même que nous avons pu construire notre étude et en élaborer

le schéma.

26. Que nous dit cette définition ?

Mettons de côté la notion d’inexécution totale ou partielle. Deux choses ressortent de cette

lecture, deux éléments qui amènent à des conclusions et des observations presque aux antipodes

l’une de l’autre.

27. D’une part, il y a la notion d’inexécution due à une cause étrangère, appelée inexécution

fortuite.

Celle-ci, bien que constitutive d’une violation du contrat, aura des conséquences particulières

sur le contrat et sur le lien contractuel. Elle sera, par essence, exclusive d’une quelconque

« faute » et ne pourra être sanctionnée comme telle, en principe. C’est le cas d’une inexécution

en cas d’impossibilité matérielle d’exécution, de force majeure ou encore de frustration…selon

les termes employés par les droits que nous étudierons.

Cette appréhension de ces situations, dérogatoires, se retrouve dans l’ensemble des autres droits

européens.

Cette inexécution, presque « pardonnée », trouve un écho dans une autre situation, celle où la

partie qui n’exécute pas volontairement son obligation le fait « légitimement » au regard de

2 Cornu, Hilaire J. vocabulaire juridique, Dalloz 2013

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l’attitude de l’autre partie contractante. C’est le cas de l’exception d’inexécution. Le créancier

l’utilise alors comme un moyen de défense contre son débiteur défaillant.

Aussi, ces deux inexécutions constituent une catégorie à part, notamment au vu des

conséquences qu’elles engendrent ou, justement, qu’elles n’engendrent pas.

28. Et d’autre part, il y a la notion d’inexécution due à une faute du débiteur. C’est l’inexécution

la plus courante et la plus grave au regard de la force du contrat en lui-même.

A ce titre, la loi et la jurisprudence, aidées de la doctrine, ont élaboré nombre de mécanismes

visant à sanctionner la partie fautive d’un côté tout en assurant de l’autre la réparation du

dommage subi par la partie lésée.

29. Il y a l’exécution forcée et la résolution du contrat, qui sont les moyens privilégiés en

réponse à l’inexécution d’une obligation contractuelle. Ces deux moyens impactent directement

sur l’existence même du contrat.

Si les deux notions sont subordonnées à la réunion de plusieurs conditions, c’est surtout la

volonté du créancier lésé qui déterminera le choix entre elles, selon les possibilités offertes par

la loi.

Si ce dernier désire que le contrat soit honoré et souhaite obtenir la prestation qui en est l’objet,

l’exécution forcée jouera son rôle.

A l’inverse, si le créancier lésé souhaite mettre un terme à la résolution du contrat, après avoir

perdu la confiance donnée à l’autre partie, la résolution sera le moyen requis.

Mais ces moyens ne sont pas toujours mis sur un pied d’égalité dans le sens où l’un devra

parfois être préféré à l’autre.

Encore une fois, l’étude des différents droits européens nous permettra d’apprécier les

divergences quant à la hiérarchisation de ces remèdes.

30. Et puis, à côté de ces mécanismes sanctions pour le débiteur, le législateur a entendu assurer

une protection au créancier. Ce dernier a un droit à réparation.

Cette dernière passera par une indemnisation pécuniaire de son préjudice à des niveaux bien

différents selon les circonstances. La loi et les conventions ont initié nombre d’aménagements

au principe de réparation du préjudice subi.

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31. Mais nous aurions tort de croire que les mécanismes mis en place ne le sont que dans

l’intérêt exclusif du créancier.

La philosophie du système est l’équilibre des intérêts en cause. Un équilibre qui est nécessaire

entre la satisfaction du créancier et la protection des intérêts du débiteur, légitimes3.

32. L’inexécution est riche en causes et conséquences. Le droit français n’est pas agité par de

graves controverses à propos de l’inexécution. Une situation qui se justifie par la mise en place

d’une jurisprudence abondante et déterminante, qui a permis de palier les lacunes et les

dispositions obsolètes prévues par le code civil de 1804, si peu réformé.

Mais aujourd’hui, est née la volonté de consacrer textuellement ce droit positif.

33. Les projets de réforme français, pour ce faire, se sont donc inspirés du droit interne, mais

aussi des projets européens qui, déjà aujourd’hui et demain plus encore, irriguent et irrigueront

les législations européennes dont les droits anglais et allemands.

Des droits qui se verront peut être soumis à des principes communs qui seront parfois éloignés

de leur droit historique, tant il peut y avoir, par exemple, de différences entre les droits

germaniques et anglo-saxons.

34. Comment, aujourd’hui et demain, les droits français et européens abordent et aborderont-

ils le droit de l’inexécution des obligations contractuelles en droit commun ?

Nous envisagerons, dans une première partie, l’inexécution contractuelle excusée avant de nous

intéresser dans une seconde partie aux mécanismes de réponse face à une inexécution

contractuelle fautive.

3 Pour une réforme du droit des contrats, François Terré, Dalloz 2001, obs Rémy Philippe, Université de Poitiers.

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1

PARTIE 1 : L’INEXECUTION

CONTRACTUELLE EXCUSEE

35. Une fois un contrat conclu, des évènements imprévus peuvent intervenir au cours de son

exécution. Certains d’entre eux empêcheront alors aux contractants d’exécuter leur(s)

obligation(s) contractuelle(s). L’inexécution de ces dernières ne constitue pas obligatoirement

une faute ou une violation du contrat par le cocontractant.

36. Il y a deux inexécutions contractuelles excusées ou encore non fautives à mettre en évidence.

On parlera ainsi de « l’impossibilité matérielle d’exécution » (Chapitre 1) et de « l’exception

d’inexécution » (Chapitre 2).

Chapitre 1 : La notion « d’impossibilité matérielle

d’exécution »

Section 1 : En droit français

Paragraphe 1 La législation actuellement en vigueur

37. Cette impossibilité matérielle d’exécution se traduit en droit français par la notion de force

majeure. Celle-ci n’est pas définie de manière explicite par le code civil.

En effet, la notion de « force majeure » est d’origine jurisprudentielle et connaît donc certaines

évolutions sous le contrôle de la Cour de cassation. Aujourd’hui les notions de force majeure

et de cas fortuit ont tendance à se mêler.

I) Les conditions de la force majeure

38. Il a été dégagé 3 critères qui déterminent la force majeure : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité

et l’extériorité.

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A. L’imprévisibilité

39. L’imprévisibilité : l’évènement qui s’est produit, empêchant la réalisation de l’obligation,

présentait un caractère imprévisible au moment de la conclusion du contrat.

Ce critère doit être interprété de manière pragmatique. En effet, dans l’absolu, une catastrophe

naturelle, la destruction de la chose, le vol d’une chose…est toujours envisageable.

40. Aussi, les juges doivent se demander, si au vu du contrat qui leur est soumis, l’évènement

réalisé est étonnant, surprenant, soudain ou encore anormal au vu du contexte.

B. L’irrésistibilité

41. L’irrésistibilité : alors que le débiteur essaie d’exécuter son obligation, un évènement l’en

empêche sans qu’il puisse s’y soustraire. L’empêchement doit être absolu.

Jusqu’aux arrêts de la Chambre plénière du 14 avril 20064, l’irrésistibilité, selon la première

chambre civile, suffisait à déterminer la force majeure. Aujourd’hui ce n’est plus le cas.

L’imprévision est essentielle pour que la force majeure soit constituée.

Le débiteur doit prouver une circonstance indépendante de sa volonté, qui ne résulte pas de sa

faute ou d’une quelconque négligence de sa part.

C. L’extériorité

42. L’extériorité : le débiteur ne doit en rien être responsable de l’évènement qu’il invoque pour

ne pas exécuter son obligation.

Ce troisième élément a toujours été très controversé. Et la jurisprudence récente exclut parfois

cette condition d’extériorité.

Un arrêt de l’Assemblé plénière du 14/04/2006 a établi que la maladie d’un élève l’empêchant

de suivre les cours constituait un cas de force majeure bien que la maladie ne soit pas « externe»

à l’élève.5

Il semble donc que la nécessité de cet élément soit appréciée in concreto.6

4 Cass Ass pl., 14/04/2006, 2 arrêts, bull civ 2006 5 Manuel droit des obligations, Philippe Malinvaud, Dominique Fenouillet, LexisNexis, 12ème Ed 2012 6 http://www.lasimoniere.com/Cas de forcemajeure.pdf

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3

43. Ainsi donc, les juges, s’ils apprécient souverainement la présence ou non de ces 3

conditions, seront tenus par la réunion de ces dernières. Seule l’absence de l’élément

d’extériorité pourra, dans certains cas, permettre tout de même la reconnaissance de la force

majeure.

II) Les effets de la force majeure

44. L’article 1147 du code civil énonce que « Le débiteur est condamné […] toutes les fois

qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée,

encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

45. Ce qui est important ici est la notion que le débiteur est exonéré en cas de force majeure s’il

n’y a pas, de plus, de sa part, une mauvaise foi. L’aléa chasse la faute.

Cette précision apportée par le texte semble néanmoins ne pas trouver écho dans la pratique.

En effet, la force majeure a été définie jurisprudentiellement à travers les 3 conditions vues ci-

dessus mais à aucun moment elle ne fait référence à une « bonne foi » nécessaire

.

46. Les 3 conditions sont des éléments objectifs qui, s’ils sont réunis, suffisent pour que la force

majeure soit constituée.

La mauvaise foi ne semble pas avoir sa place au sein de la notion de force majeure

. 47. Une fois cette force majeure reconnue, la conséquence en matière contractuelle est

l’exonération de la responsabilité du cocontractant qui a failli à l’exécution de son obligation

contractuelle en raison de la dite force majeure.

Ainsi, si le cocontractant est par principe tenu d’exécuter son contrat par application de l’article

1134 du Code Civil, son inexécution n’est pas en l’espèce sanctionnée. C’est une inexécution

que l’on pourrait qualifier de « pardonnée ».

48. L’article 1148 de ce même code énonce qu’ « Il n'y a lieu à aucun dommages et intérêts

lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner

ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ».

Ainsi, le créancier, bien que subissant l’inexécution ne pourra demander réparation par le

versement de dommages et intérêts.

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4

49. Le droit français est attaché à l’unité des deux ordres de responsabilités, délictuelle et

contractuelle. Il y a une unité de la notion de force majeure.

50. La force majeure peut entraîner une inexécution momentanée, dans ce cas, le contrat est

seulement suspendu si une exécution tardive est possible.

Si l’inexécution est définitive, le contrat sera résolu. Le débiteur est alors dans ce cas dégagé

de son obligation, sans encourir de sanctions et sans que sa responsabilité ne soit engagée7.

51. Il faut toutefois modérer cette notion de force majeure, qui n’est pas d’ordre public.

Les cocontractants peuvent donc stipuler dans leur convention que ceux-ci engageront leur

responsabilité pour toutes inexécutions, même celles dues à la force majeure, ou seulement pour

certaines.

52. Il existe deux principes : res perit debitori et res perti domino qui imputent la charge des

risques au débiteur selon le contrat concerné.

53. D’une part, le principe «res perit debitori ». Ce dernier n’est toutefois pas consacré

textuellement par le code civil.

Il n’est envisagé que ponctuellement dans le cadre de contrats spéciaux tels que ceux du louage

de choses (article 1722 CC) et du louage d’ouvrage (article 1788 du CC).

Ce principe signifie que le débiteur supporte les risques et ce, si rien ne prévoit le contraire.

La jurisprudence a depuis érigé ce principe pour l’ensemble des contrats synallagmatiques8.

Ainsi, si les cocontractants excluent la force majeure, le principe veut que les risques seront

imputés au débiteur.

54. D’autre part, le principe « res perit domino ». Il concerne plus particulièrement les contrats

translatifs de propriété. Dès le consentement de l’acquéreur, ce dernier devient acquéreur et

donc supporte les risques.

7 Manuel droit des obligations, Philippe Malinvaud, Dominique Fenouillet, LexisNexis, 12ème Ed, 2012 8 L’arrêt Ceccaldi du 14 avril 1891 (Civ., 14 avril 1891, S. 1894, 1, 391 ; D.P. 1891, I, 329, note Planiol)

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5

Aussi, si un évènement de force majeure détruit par exemple la chose entre le moment du

consentement et la livraison, l’acquéreur supportera les pertes de cette dernière si la

responsabilité du cocontractant n’a pas été exclue en cas de force majeure par le contrat.

Paragraphe 2 Les projets de réforme

I) Le projet Catala

A. Le projet Catala

55. La notion de force majeure est envisagée communément pour la responsabilité contractuelle

et délictuelle. Il définit la force majeure en reprenant l’une des formulations mises au point par

la Cour de cassation qui consacre les 3 critères constitutifs de la force majeure.

1. Les conditions

56. Le projet Catala prévoit ce mécanisme de force majeure dans son article 1349.

Au terme de son alinéa 1, il énonce que « la responsabilité n’est pas engagée lorsque le

dommage est dû à une cause étrangère présentant les caractères de la force majeure ».

57. L’alinéa 2 précise que cette cause étrangère « peut provenir d’un cas fortuit, du fait de la

victime ou du fait d’un tiers dont le défendeur n’a pas à répondre ».

Une distinction est à noter avec la législation actuelle. Le projet n’assimile pas force majeure

et cas fortuit. Ce dernier apparaît comme l’une des causes étrangères exonératoires de

responsabilité.

La force majeure, elle, définit les caractéristiques que doivent revêtir ces causes pour exonérer

le débiteur de sa responsabilité.

58. L’alinéa 3 de l’article précité dispose que «la force majeure consiste en un évènement

irrésistible que l’agent ne pouvait prévoir ou dont on ne pouvait éviter les effets par des mesures

appropriées9».

9 Manuel droit des obligations, Philippe Malinvaud, Dominique Fenouillet, LexisNexis, 12ème Ed, 2012

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59. On retrouve ici les notions d’imprévisibilité et d’irrésistibilité. Cette dernière semblant

dominer. En effet si l’évènement était prévisible mais ses effets inévitables alors il y a «

irrésistibilité ». En prenant cette position, le projet Catala aborde une position éloignée de celle

prise par les arrêts postérieurs à ceux du 14/04/2006.

Il est difficile d’apprécier au vu de ce texte ce que revêt dans ce projet Catala la condition

d’imprévisibilité. Mais il semble que le texte considère que tout évènement peut constituer une

imprévision, si bien qu’envisageable au moment de la conclusion du contrat, le débiteur n’a pu

échapper à ses conséquences par son action.

La notion éminemment large telle qu’elle est vue par ce projet tend à réduire la pertinence de

la notion d’imprévisibilité comme condition.

Mais nuançons cette prédominance de l’irrésistibilité, elle n’est a priori que textuelle.

60. Quant à la notion d’extériorité, elle est absente du texte. Le projet semble avoir intégré la

position de la Cour de Cassation qui exclut parfois cette condition.

L’opportunité d’un tel parti-pris est contestable. Il aurait été judicieux de conserver cette 3ème

condition et de laisser les juges apprécier, comme aujourd’hui.

61. L’article 1349 retient une conception très réaliste et précise de la force majeure.

62. Le projet Catala maintient l’unité des deux responsabilités restant donc attaché à la

conception traditionnelle du droit français en la matière.

2. Les effets

63. Le projet prévoit aussi la distinction entre inexécution temporaire (article 1157 alinéa 2) et

inexécution définitive qui conduit à la résolution du contrat (article 1158). Les règles régissant cette notion ne sont toujours d’ordre public. Aussi les parties peuvent

toujours prévoir d’y déroger.

64. Au vu des dispositions prévues par le projet, il est évident que ce dernier reprend la

philosophie actuelle de la force majeure. Des conditions sont exigées pour que celle-ci soit

retenue, on reste donc dans une notion très encadrée.

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7

65. Le projet a consacré textuellement le principe tel qu’il est envisagé aujourd’hui, à

l’exception du caractère d’extériorité.

B. Le projet Terré

66. La force majeure est consacrée par ce projet10.

L’article 10011 énonce « qu’ il y a force majeure en matière contractuelle lorsque le débiteur

établit qu’il a été empêché d’exécuter par un évènement échappant à son contrôle, et que les

parties ne pouvaient raisonnablement prévoir, lors de la conclusion du contrat, qu’il le

préviendrait ou le surmonterait, ou qu’il en préviendrait ou surmonterait les conséquences. »

1. Les conditions

67. Si l’on s’en tient à cet alinéa, le projet Terré a une position similaire à la législation actuelle.

On retrouve les 3 conditions de la force majeure.

L’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité sont reprises pour définir la force majeure.

Il n’y a pas d’évolution de la notion à ce niveau.

68. L’article, dans son aliéna 2, prévoit toutefois que le débiteur doit prévenir le créancier d’un

tel empêchement dans un délai raisonnable. A défaut de quoi il pourra être condamné à verser

des dommages et intérêts.

Cette notification semble pertinente et avantageuse pour le créancier.

Ce dernier est ainsi rapidement informé de l’inexécution effective et peut en retirer les

conséquences pour lui.

69. Le projet Terré, s’il admet donc la force majeure dans les mêmes conditions que la

législation actuelle, prévoit textuellement la possibilité de sanctionner le débiteur et d’engager

sa responsabilité.

70. Si le débiteur ne fait pas preuve de diligence vis-à-vis du créancier lors de la survenance

d’un tel évènement, il pourra être sanctionné.

10 Pour une réforme du droit des contrats, Terré François, Dalloz, Thèmes et Commentaires, 2008 11Projet Terré, réforme du régime général du droit des obligations

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8

C’est une innovation importante car contrairement à aujourd’hui, la force majeure à elle seule

n’exclut pas la mise en jeu de la responsabilité.

L’exigence de prévenir le créancier rapidement de l’empêchement constituant la force majeure

peut être analysée comme une quatrième condition !

Une autre différence est notable avec le projet Catala, les responsabilités délictuelles et

contractuelles sont envisagées distinctement.

71. Le projet Terré, en ce qui concerne la force majeure en matière contractuelle, met en exergue

la notion d’imprévisibilité.12

72. Le projet Terré marque ainsi une certaine rupture avec la législation actuelle, qui se

matérialise en deux points.

D’une part l’introduction d’une obligation imposée au débiteur, qui doit prévenir le créancier

rapidement suite à l’évènement qui l’empêche d’exécuter sa prestation.

L’exonération du débiteur de sa responsabilité n’est donc pas immédiate et automatique.

D’autre part, le projet distingue responsabilité contractuelle et délictuelle.

En envisageant séparément ces deux responsabilités, le projet rompt avec la conception

traditionnelle du droit français.

2. Les effets

73. Comme énoncé ci-dessus, l’alinéa 2 de l’article 100 impose une notification au créancier

sous peine de se voir condamné à des dommages et intérêts.

Par contre le défaut de notification ne pourra avoir pour conséquence une exécution forcée ou

une résolution du contrat.

74. L’article 101 du projet prévoit que si la force majeure entraîne une inexécution grave et

irrémédiable alors le contrat sera résolu de plein droit.

Si l’impossibilité est provisoire alors le contrat est suspendu.

Dans les deux cas, la suspension ou la résolution sont sous réserve de la notification prévue à

l’article précédent.

12 Droit européen comparé des contrats, Rémy Cabrillac, LGDJ, 2012

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9

75. L’article 102 du projet précise que les parties ont la possibilité de déroger aux effets de la

force majeure et prévoir que le débiteur défaillant demeurera responsable et que le contrat

continuera de s’exécuter. C’est le principe de la liberté contractuelle, le caractère d’ordre public

n’étant toujours pas consacré pour la force majeure

C. Le projet de la Chancellerie

76. Comme énoncé précédemment, le projet initial de la Chancellerie de 2008 a connu une

dernière version en date du 23 octobre 2013. C’est sur cette base qu’est étudiée la force majeure

ici.

77. Et c’est son article 12613 qui évoque la force majeure.

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au contrôle du

débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les

effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son

obligation par le débiteur. ».

1. Les conditions

78. Nous retrouvons ici la définition de la force majeure telle qu’elle existe aujourd’hui avec la

présence des 3 conditions énoncées successivement que sont : l’extériorité, l’imprévisibilité et

l’irrésistibilité, et avec pour conséquence la libération du débiteur sans que sa responsabilité ne

soit engagée.

79. Nous constatons à la lecture de l’article que le projet distingue lui aussi les responsabilités

contractuelles et délictuelles puisque le texte prévoit « il y a force majeure en matière

contractuelle […] ».

2. Les effets

80. Le projet prévoit les cas de suspension ou de résolution du contrat selon la gravité de

l’empêchement.

Si l’inexécution n’est pas irrémédiable, le contrat est seulement suspendu.

13 Projet de la Chancellerie, 23 octobre 2013

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10

Si elle l’est, alors le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs

obligations.

C’est l’article 126 qui formule ces deux hypothèses.

« Si l’inexécution n’es pas irrémédiable, le contrat peut être suspendu. Si l’inexécution est

irrémédiable, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations

dans les conditions prévues par les articles 213 et 214 ».

81. Le caractère d’ordre public est toujours exclu. En effet, l’article 21314 prévoit la possibilité d’écarter la notion de force majeure et d’obliger le

débiteur à exécuter sa prestation. C’est le principe res perit debitori. Il énonce que « l’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence

lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est irrémédiable, à moins qu’il n’ait

convenu de s’en charger ou qu’il été mis en demeure »..

82. L’article 21415 qui vise la force majeure en cas de perte d’une chose, énonce que le débiteur

n’est libéré que si la chose aurait été aussi perdue en cas d’exécution de l’obligation.

C’est une « exception » au principe de force majeure dans le cas où l’objet du contrat est une

chose.

83. Que retenir de l’étude du droit français dans les projets de réforme comparativement à celui

en vigueur aujourd’hui dans le cadre de la force majeure?

84. L’information principale et fondamentale est que les 3 projets, Catala, Terré et celui de la

Chancellerie consacrent textuellement cette notion qui n’est que jurisprudentielle aujourd’hui.

Les projets conservent la philosophie actuelle de la force majeure en ce qu’ils prévoient, excepté

le projet Terré, que la force majeure est conditionnée par la réunion des trois conditions que

sont l’extériorité, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité, nonobstant les légères différences quant à

leur définition ou la place qu’ils leur accordent.

14 Projet de la Chancellerie, 23 octobre 2013 15 Projet de la Chancellerie, 23 octobre 2013

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11

85. Deux « nouveautés » ont été envisagées et sont importantes :

L’introduction d’un délai de prévenance par le débiteur pour informer le créancier de la

réalisation d’un évènement de force majeure sans quoi sa responsabilité pourra être mise en jeu.

Aussi, le projet Terré prévoit que la force majeure n’exclut pas automatiquement la

responsabilité du débiteur. La nécessité de prévenir le créancier peut être analysée comme une

quatrième condition pour que la force majeure soit reconnue.

86. De plus, notons que les projets Terré et celui de la Chancellerie rompent avec une

conception historique du droit français en distinguant les responsabilités contractuelles et

délictuelles dans le cas de la force majeure.

87. Le projet Catala est une consécration presque à l’identique de la législation actuelle alors

que le projet Terré s’est montré plus ambitieux en introduisant des innovations notoires.

88. Par l’étude des droits allemand et anglais, la notion de force majeure en droit français

apparaitra comme une solution médiane entre l’approche très large par le droit allemand et celle

beaucoup plus restrictive du droit anglais.

Section 2 : En droit européen

Paragraphe 1 les droits anglais et allemand

I) En droit allemand

89. La réforme importante du droit allemand des obligations du 26/11/2001 et entrée en vigueur

le 01/01/2002 a modifié profondément le code civil de 190016 et notamment le mécanisme de

« l’impossibilité matérielle d’exécution » de l’obligation contractuelle.

Pour réaliser l’importance de la réforme que le droit allemand a su opérer, il faut étudier l’avant

et l’après réforme.

16 Le contrat en droit allemand, Michel Pedamon, LGDJ, 2004, 2ème Ed,

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12

A. L’avant réforme

90. La réforme de 2001 a marqué un tournant dans l’approche allemande de l’inexécution pour

impossibilité matérielle d’exécution.

91. L’impossibilité d’exécuter la prestation « Unmoglischkeit der Leistung » était prévue avant

la réforme au §275 du BGB. Le débiteur était alors libéré de son obligation dès que la prestation

devenait objectivement impossible suite à « une circonstance survenue dont le débiteur n’a pas

à répondre ».

92. A cette impossibilité «objective» s’ajoutait une impossibilité dite subjective

« Unvermögen ».

L’obligation peut être encore exécutée mais pas par le débiteur. Cette impossibilité subjective s’éloignait alors de la notion de force majeure telle que

considérée en droit français. En effet l’impossibilité matérielle d’exécution n’était pas

caractérisée puisque la réalisation de l’obligation demeurait possible.

La sanction de cette impossibilité subjective n’étant pas prévue explicitement par le BGB,

aucune réponse uniforme n’était donnée par la jurisprudence.

93. Une nuance, dans le cadre des obligations concernant des choses de genre était toutefois

prévue, le débiteur devant répondre de son impossibilité même s‘il n‘avait pas commis de faute

(§279 du BGB).

94. Si l’impossibilité peut être postérieure, elle pouvait l’être aussi dès l’origine. Le §306 du

BGB le prévoyait. L’obligation est objectivement impossible à réaliser. Le contrat est nul, et

donc le débiteur ne doit rien au créancier puisque ce rapport n’a jamais existé.

Cette impossibilité originaire n’est toutefois pas une impossibilité matérielle d’exécution car

elle n’intervient pas a posteriori17. Le contrat étant nul, aucune obligation n’est née entre les

parties, il ne peut donc y avoir inexécution d’une obligation qui n’existe pas.

17 Mr Filipo Ranieri, Persé. La nouvelle partie générale du droit des obligations.

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13

B. L’après réforme

95. Un changement et un revirement importants ont été opérés.

Il y a désormais deux types d’impossibilités, avec une approche subjective de la notion

d’imputabilité. Celle-ci est à envisager selon qu’elle est initiale ou a posteriori.

Le paragraphe 275 du BGB est modifié: Il a été introduit la notion d’exclusion de l’obligation

contractuelle (ausschluch der leistungspflight).

Le paragraphe prévoit que « Le droit à une prestation est exclu, dans la mesure où celle-ci est

impossible pour le débiteur ou toute autre personne ». L’impossibilité subjective telle que

prévue anciennement est donc modifiée. L’impossibilité est totale, pour le débiteur comme pour

les tiers.

Ce nouveau paragraphe concerne aussi l’impossibilité objective.

La distinction entre l’impossibilité initiale ou a posteriori a été supprimée.

96. La notion d’exclusion de l’obligation contractuelle est consacrée. On parle d’exclusion de

la prestation et non de la libération de la personne débitrice. En effet la prestation est

irréalisable, et ce par qui que ce soit. Cette notion d’exclusion de l’obligation concerne aussi la situation dans laquelle l’exécution de

l’obligation entraine un cout, une dépense par le débiteur, qui compte tenu du rapport

d’obligation, et de bonne foi, est disproportionné par rapport à l’intérêt qu’en retire le créancier.

Cette particularité est consacrée par le second alinéa du §275 du BGB.

97. Il est nécessaire d’apprécier cette dernière. En effet, dans ce cas, il n’y a pas une

impossibilité matérielle d’exécution. L’obligation peut toujours être réalisée. Toutefois le droit

allemand considère que le déséquilibre intervenu postérieurement modifie la portée de

l’obligation pour le débiteur. Le « coût » au sens large de l’exécution qu’il doit réaliser est

considéré comme excessif par rapport au résultat retiré par le débiteur.

98. Aussi le droit allemand semble assimiler « impossibilité matérielle » d’exécution et

«difficulté excessive » d’exécution.

Les deux variantes sont envisagées par le paragraphe 275 du BGB et apparaissent être

considérées comme une notion unique d’impossibilité matérielle in fine.

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14

99. Cet empêchement de l’inexécution devra être tempéré selon qu’il est imputable ou non au

débiteur dans le cas de l’inexécution a posteriori, qui correspond réellement à l’impossibilité

matérielle d’exécution telle que connue en droit français18.

Si le débiteur est en partie responsable de la situation créant l’impossibilité d’exécuter la

prestation, alors la notion d’impossibilité matérielle s’écarte ici de la notion de force majeure

du droit français dont l’une des caractéristiques est l’extériorité par rapport au débiteur.

100. La réforme a opéré un revirement en ce qui concerne la solution qui était consacrée par le

§306 du BGB. Le contrat qui dès l’origine ne pouvait être exécuté du fait d’un obstacle

impossible à surmonter était nul et le débiteur non responsable.

Depuis la réforme, ce contrat est valide et en conséquence l’inexécution de l’obligation entraine

la responsabilité du débiteur qui devra indemniser le créancier sur sa demande comme le précise

le §311a du BGB19. En effet il est prévu que « […] le fait que l’entrave à la prestation existe déjà lors de la

conclusion du contrat ne fait pas obstacle à l’efficacité de ce dernier ».

Le contrat n’étant plus considéré comme nul, l’obligation est née. L’entrave étant connue dès

l’origine, l’inexécution de son obligation par le débiteur ne sera pas sans conséquences.

101. L’alinéa 2 du §311 du BGB prévoit que le créancier pourra demander des dommages et

intérêts à la place de la prestation due ou le remboursement des dépenses qu’il a effectué tel

que prévu par le §284.

Cela ne jouera que si l’entrave était connue du débiteur au moment de la conclusion du dit

contrat20.

Nous sommes ici dans le cas de l’inexécution fautive, mais il en est fait mention ici du fait de

sa nouveauté par rapport à la période antérieure à la réforme.

18 Droit européen comparé des contrats, Rémy Cabrillac, 2012 19 Mr Filipo Ranieri, Persé. La nouvelle partie générale du droit des obligations. In : revue internationale de droit

comparé, Vol 54 N°4, oct-dec 2002, pp941-958

20 Le contrat en droit allemand, Michel Pedamon, LGDJ, 2ème Ed, 2004

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15

102. La vision de l’impossibilité matérielle d’exécution repose sur un point. La seule

constatation que l’impossibilité n’est pas imputable au débiteur l’exonère de sa responsabilité.

La conception de l’impossibilité est donc très large.

103. Par comparaison au droit français actuel, l’irrésistibilité et l’imprévisibilité ont une

moindre importance. L’extériorité apparait comme le critère presque exclusif pour que

l’impossibilité matérielle soit reconnue.

104. La condition d’imprévision se retrouve éventuellement dans la situation prévue par le

§311a où le débiteur répond de son inexécution s’il avait connaissance d’une entrave à la

réalisation de son obligation au moment de la conclusion du contrat. Dans ce cas précis, il

semble que le droit allemand exige une imprévision.

105. Lorsque l’impossibilité matérielle est retenue, le débiteur est libéré de son obligation et

aucune sanction à son égard de sera prononcée s’il a respecté les démarches exigées.

II) En Droit anglais

106. Le droit commun de la Common Law régit ce cas d’impossibilité matérielle d’exécution.

L’équivalent de la force majeure connue en droit français est la frustration.

Cette théorie est relativement récente en droit anglais.

Pendant longtemps ce dernier a érigé comme principe fondamental le fait que les conventions

liaient, peu importe les circonstances, les parties. Ainsi les Cours anglaises admettaient

difficilement de remettre en cause cette force obligatoire du contrat tant dans son existence que

dans son exécution.

Petit à petit, la doctrine a reconnu qu’il devenait nécessaire de préserver une certaine justice

contractuelle. La force obligatoire du contrat ne devait pas contribuer à créer des situations

intolérables.

Ainsi, aujourd’hui, le bouleversement économique est pris en compte par les Cours anglaises

et la résiliation du contrat apparaît comme une solution envisageable.

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16

107. Le droit anglais admet que lorsqu’un évènement postérieur à la conclusion du contrat

intervient et rend l’exécution du contrat impossible ou radicalement différent de ce qui avait été

prévu à l’origine par les parties, alors la résiliation du contrat est une option possible21. Les juges, pour tendre vers cette solution, ont commencé à considérer que le contrat contenait

des clauses dites implicites, et qui, malgré l’absence de leur stipulation, pouvait influer sur

l’exécution du contrat.

108. Le premier arrêt qui a introduit et consacré cette notion de frustration est l’arrêt « Taylor

v. Caldwell » de 186322.

En l’espèce, Caldwell est propriétaire d’un music-hall et le loue à Taylor qui souhaite y donner

un spectacle. Mais un incendie, accidentel, intervient avant que n’ait eu lieu ce dernier.

Taylor exige alors de Caldwell une indemnisation (damages) pour « inexécution de son

obligation contractuelle ». Taylor avait déjà engagé des frais inhérents à l’organisation de son

spectacle.

Or, pour la première fois, les juges anglais ont refusé cette indemnisation au motif que Caldwell

n’était pas responsable de son inexécution car celle-ci est devenue impossible du fait d’un

évènement extérieur, qu’était la destruction du lieu. Cette dernière ne pouvant lui être

imputable.

109. Ainsi a été consacrée l’existence de clause implicite, implied terms.

En effet, cette clause prévoirait qu’en cas de disparition de l’objet du contrat avant le moment

de l’exécution prévue, alors le contrat cesserait d’exister23.

Dans cet arrêt, la Cour a pris en compte l’extériorité de l’évènement qui a empêché l’exécution

de la prestation soit le fait que l’incendie n’était pas imputable au cocontractant.

Aussi, à travers ce premier aspect de la frustration, on retrouve la condition d’extériorité telle

qu’exigée en droit français pour la force majeure.

110. Cette théorie de la frustration s’applique ici car « la chose » objet du contrat a disparu.

En ce sens, cette théorie est encore éloignée de la notion de « force majeure » en droit français.

21 La doctrine de la ‘frustration’ telle qu’admise par la Chambre des Lords dans l’arrêt Davis Contractors Ltd v.

Fareham UDC (1956), par Mikaela Nilsson, 2008. 22 Le droit anglo-américain des contrats, Edward ERRANTE, LGDJ Jupiter. 2001 23 Droit européen des contrats, Rémy Cabrillac, 2012

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17

111. Les cours anglaises, qui ont vu le champ limité de leur « frustration », l’ont étendue.

L’arrêt Davis Contractors ltd v. Fareham Urban District Council de 195624 insiste sur le fait que

les « implied terms » ne suffisent pas pour expliquer la théorie de la frustration. La Chambre

des Lords a reconnu que la théorie des « implied terms » était inadaptée en ce qu’elle ne

permettait pas d’appliquer la doctrine de la « frustration » à l’ensemble des contrats. C’est Lord

Radcliff qui a mis en lumière cette insuffisance25.

112. En effet, lorsque le cocontractant est dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation, il y a

frustration, indépendamment de l’existence ou non d’implied terms. La chose objet du contrat existe toujours, mais on ne peut exécuter ce dernier. C’est la

« frustration of purpose ».

La notion de frustration a donc évolué.

113. Cette extension avait déjà été envisagée par l’arrêt « Krell v. Henry » de 190326. Dans cette

espèce, Henry avait loué à Krell un appartement afin d’assister au couronnement d’Edouard

VII. Or ce dernier a été annulé en raison de la maladie de ce dernier.

Henry refuse alors de payer le loyer de l’appartement qu’il avait loué dans un but précis, assister

au couronnement.

Krell intente alors une action contre Henry afin d’être payé. La Cour le déboute au motif que la

raison d’être du contrat, soit la location de l’appartement pour assister au couronnement, ne

pouvait être honorée. En conséquence, Henry ne devait être tenu de payer le loyer.

114. Après la frustration pour disparition de la chose est consacrée la frustration pour disparition

du but du contrat.

115. Plus globalement, quand la frustration of the contract, doit-elle être envisagée ?

Nous savons que le droit anglais accorde une grande importance à la force obligatoire du contrat

et qu’il est en conséquence très réticent à le remettre en cause.

24 Le droit anglo-américain des contrats, Edward ERRANTE, LGDJ Jupiter. 2001 25 5. La doctrine de la ‘frustration’ telle qu’admise par la Chambre des Lords dans l’arrêt Davis Contractors

Ltd v. Fareham UDC (1956), par Mikaela Nilsson, 2008. 26 Le droit anglo-américain des contrats, Edward ERRANTE, LGDJ Jupiter. 2001

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18

Les cours anglaises se sont attachées à établir une comparaison de l’état du contrat entre le

moment où il a été conclu et le moment où l’inexécution intervient.

Si le contrat au moment de l’exécution apparait sensiblement différent à celui conclu suite aux

circonstances évoquées, alors le débiteur doit-il être tenu de son inexécution ?

Si le contrat apparait différent de celui souscrit, alors la théorie de la frustration of the contract

sera retenue et le débiteur libéré de son obligation.

116. Au vu de ce principe établi, on observe un certain éloignement de ce dernier avec la force

majeure en droit français.

En droit français, le rôle du débiteur est pris en compte pour apprécier la force majeure (critère

d’extériorité), alors que le droit anglais met le contrat au centre (changement ou non sensible

du contrat).

Toutefois, la conséquence est similaire, le contrat prend fin, c’est la «discharge by frustration »

et la responsabilité du débiteur n’est pas engagée. Il y a un anéantissement rétroactif du contrat.

Les parties sont remises dans l’état dans lequel elles étaient avant la conclusion du contrat.

117. Si la frustration est consacrée et retenue par la jurisprudence, ses conséquences ont été

prévues par la Law Reform Frustrated Contract Act de 1943.

118. La libération du débiteur en cas d’impossibilité matérielle d’exécution est appréciée de

manière très stricte.

On remarque que cette position du droit anglais, très restrictive, est bien l’opposée du droit

allemand. Le droit français se révélant avoir une position médiane.

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19

Paragraphe 2 Les projets de réforme européens

Concernant la force majeure, les projets de réforme se sont aussi inspirés des droits européens.

I) Les principes de droit européen des contrats ou principes Lando

119. Les principes parlent ici « d’empêchement exonératoire».

120. Les principes Lando adoptent une position proche du droit français, une conception

«subjective». Une impossibilité d’exécution matérielle admise plus largement qu’en droit

anglais mais avec un champ plus restreint que celui envisagé par le droit allemand.

121. C’est l’article 8 :108 qui prévoit l’inexécution matérielle d’exécution. Le débiteur est

exonéré des conséquences de son inexécution si cette dernière est due à un empêchement qui

lui échappe et que l’on ne pouvait raisonnablement attendre des cocontractants qu’il l’envisage

ou le surmonte ou qu’ils en envisagent ou en surmonte les conséquences27.

122. Mais le débiteur n’est pas considéré responsable, toutefois il pourra être à la résolution du

contrat à l’initiative du créancier, la suspension de l’exécution par le créancier ou encore une

réduction du prix28...

123. En analysant ce premier alinéa on retrouve ici une définition comparable à celle de la force

majeure en droit français. En effet le texte exige la réunion des 3 critères que sont

l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité.

124. Comme l’admettent tous les droits européens déjà aujourd’hui, si l’empêchement est

ponctuel, le contrat n’est que suspendu.

L’alinéa 2 du texte susvisé prévoit que « Lorsque l’empêchement n’est que temporaire,

l’exonération prévue par le présent article produit son effet pendant la durée de

l’empêchement.»

27 Droit européen comparé des contrats, Rémy Cabrillac, 2012 28http://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2011_4212/troisieme_partie_etude

_risque_4213/charge_risque_4214/charge_risque_4215/deplacement_charge_22764.html#135_1

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125. Tout comme les projets de réforme Terré et de la Chancellerie, les principes exigent une

notification par le débiteur au créancier pour que la force majeure soit retenue. L’absence d’une

telle notification permet au créancier d’obtenir des dommages et intérêts.

Les principes Lando ont consacré textuellement cette obligation de notification.

126. L’alinéa 3 précise que « Le débiteur doit faire en sorte que le créancier reçoive notification

de l’existence de l’empêchement et de ses conséquences [...] Le créancier a droit à des

dommages et intérêts pour le préjudice qui pourrait résulter du défaut de réception de cette

notification ». Cette notification évite une « double peine » au créancier, qui, en sus de ne pas recevoir du

contrat ce qu’il pouvait en attendre, peut perdre une chance, un gain...par un manque

d’information ou une prise de connaissance tardive de l’inexécution.

II) Le code Gandolfi

127. Le code prévoit le cas de la force majeure. L’article 97 énonce dans son second alinéa que « Si après la conclusion du contrat la prestation

devient objectivement impossible, pour des raisons dont le débiteur ne doit répondre, il n’y a

pas inexécution de l’obligation »29.

Le principe posé par cet article semble être celui qui se rapproche le plus de la notion générale

d’impossibilité matérielle d’exécution bien que cette ’impossibilité objective semble avoir un

champ plus large que celle d’empêchement.

L’obligation ne peut être considérée comme inexécutée puisqu’il y avait une impossibilité de

le faire.

128. L’alinéa 2 poursuit en excluant lui aussi le caractère d’ordre public de ce principe, les

parties pouvant y déroger.

129. Tout comme le projet de la Chancellerie et les principes Lando, une notification au

créancier de « l’inexécution » est prévue par l’alinéa 1er du code Gandolfi. Le débiteur doit

29 Code européen des contrats, Académie des privatistes européens, Milano - Dott ; A Giuffrè Editoire - 2004

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21

informer le créancier qu’il a recours à la mise en jeu du mécanisme exonératoire de

responsabilité en ce que l’inexécution résulte d’un évènement extraordinaire et imprévisible.

130. Nous noterons que le code n’envisage pas le cas de l’empêchement temporaire,

contrairement aux principes Lando.

Il n’envisage d’ailleurs pas non plus l’exigence de notification.

131. Quel bilan de cette étude de « l’impossibilité matérielle d’exécution » ?

Les droits français, allemand et anglais, tout comme les projets de réforme français et européens

admettent ce mécanisme et en tirent sensiblement les mêmes conséquences, l’exonération du

débiteur de sa responsabilité, pour une inexécution « excusée ».

On retrouve dans l’ensemble des systèmes juridiques étudiés l’exigence de la réunion de

plusieurs conditions pour que l’impossibilité matérielle soit reconnue. L’extériorité,

l’imprévisibilité et l’irrésistibilité sont les trois piliers de cette impossibilité, chaque droit leur

accordant des importances différentes.

Chapitre 2 L’exception d’inexécution

132. Il est le second mécanisme qui admet une inexécution excusée. Par principe la mise en jeu

de cette exception d’inexécution exonère son auteur de sa responsabilité, l’inexécution n’étant

alors pas considérée comme fautive.

Section 1 En droit français

133. L’exception d’inexécution a une origine historique canonique30. Les juristes canonistes

ont posé comme grand principe celui de la force obligatoire du contrat, tout en l’excluant dans

certaines situations comme par exemple en cas d’inexécution de ce dernier. Ils parlaient de

«fragmenti fidem non est fides servanda » (On n’a pas à tenir sa parole envers celui qui ne la

tient pas).

30 Les obligations, Malaurie, Aynes, Stoffel-Munck, Ed Défresnois 2009

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134. Si la morale a pu être avant une explication à l’admission de ce mécanisme, c’est

aujourd’hui, sur le principe de la bonne foi dans l’exécution des contrats que la jurisprudence

accepte et consacre l’exception d’inexécution.

Paragraphe 1 La législation actuellement en vigueur

135. Il est fait mention d’exception d’inexécution ou d’exceptio non adimpleti contratus.

Ce principe est considéré comme un moyen de défense pour le créancier dont le débiteur

n’exécute pas son ou ses obligations contractuelles.

Il a été consacré par le code civil, dans des contrats particuliers, comme celui de la vente ou en

matière d’échange31...

136. La jurisprudence, au vu de la pertinence de ce mécanisme, l’a étendu à l’ensemble des

contrats synallagmatiques en vertu notamment du principe de bonne foi contractuelle. Les

contractants, dans de tels contrats, doivent exécuter loyalement le contrat qui les lie. On parle

d’exécution d’obligations réciproques, de donnant-donnant, de trait pour trait. Ainsi, s’il s’avère que l’un d’eux n’exécute pas son obligation, quel doit être le comportement

de l’autre partie ?

La jurisprudence a alors admis que le créancier du débiteur défaillant pouvait refuser, à sa

discrétion, d’exécuter son obligation en réponse.

137. L’exception d’inexécution apparait comme le droit qu’a une partie de refuser d’exécuter

la prestation par laquelle elle est tenue tant qu’elle n’a pas reçu exécution de la prestation qui

lui était due.

Domat et Pothier ont généralisé, dans leur étude du droit, cette exception d’inexécution aux

contrats synallagmatiques32.

138. Toutefois, si c’est le créancier qui décide de mettre en œuvre ce mécanisme de « défense»,

certaines conditions sont obligatoires pour qu’il soit considéré comme mis en œuvre justement.

31 Articles 1612 et 1704 du code civil. 32 Domat, Lois civiles.

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23

Elles sont au nombre de 3.

139. L’inexécution doit porter sur une obligation essentielle du contrat et doit être grave. En

effet si c’est une obligation secondaire qui est concernée, ce mécanisme ne saurait pouvoir être

mis en jeu. Peu importe que l’inexécution soit partielle ou totale, seule la gravité de l’obligation

est importante33.

140. Est en lien avec cette nécessité d’obligation principale la notion de proportionnalité.

L’exception d’inexécution doit être une réponse proportionnée à l’inexécution par le débiteur,

ce qui implique que cette dernière concerne une obligation particulièrement importante34.

141. Ensuite, les obligations doivent être réciproques.

En principe cela implique qu’elles doivent émaner de la même convention35. Mais la

jurisprudence admet aujourd’hui la possibilité qu’elles émanent de deux contrats distincts s’il

y a un lien d’interdépendance entre ces obligations.

Selon la Cour de cassation, « l’inexécution d’une convention peut être justifiée, si le contractant

n’a lui-même pas satisfait à une obligation contractuelle, même découlant d’une convention

distincte, dès lors que l’exécution de cette dernière est liée à la première »36 .

La jurisprudence va même au-delà des rapports dits « synallagmatiques » et étend cette

exception à des obligations réciproques que sont par exemples « les restitutions » en cas de

résolution du contrat. Il n’y a pas de contrat mais des obligations réciproques. L’exception

d’inexécution est admise.

142. Enfin ces obligations doivent être arrivées à échéance. En effet un créancier ne peut refuser

d’exécuter sa propre prestation à l’instant T pour inexécution de son obligation par le débiteur

s’il est prévu que l’exécution de ce dernier doit arriver à T+1.

33 Cass Com 16 juillet 1980 n°78-15956 bull civ IV n°297 34 Cass 1ère Civ 18 juillet 1995 n°93-16338 35 Cass. Req., 14 mai 1938 « […] suppose essentiellement des obligations dérivant d’un même contrat » 36 Cass. Com., 12 juillet 2005

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24

143. Par principe, l’exception d’inexécution est un mécanisme temporaire, qui doit cesser au

moment où le débiteur exécute enfin sa prestation, si cela est toujours possible. Il n’y a que

suspension du contrat.

Cette suspension se justifie d’une part par le principe même de l’exception d’inexécution qui a

vocation à n’être que temporaire mais aussi car l’effet principal de sa mise en jeu est la

contrainte qu’elle exerce sur le débiteur. Ce dernier ne pourra que se résoudre à exécuter son

obligation s’il veut recevoir la prestation qu’il désirait.

144. L’exception est comme un « droit de rétention » que possède le créancier sur le débiteur. Toutefois, la jurisprudence a, une nouvelle fois, étendu la portée de ce mécanisme en lui

conférant un caractère définitif, dans le sens où le débiteur perd tout droit sur la créance qu’il

détenait sur son contractant.37.

145. Aussi, ici, l’inexécution de l’obligation contractuelle par le créancier en cas de défaillance

n’est pas constitutive d’une faute. Elle est une justice privée, accordée au créancier du débiteur

défaillant.

146. Toutefois, il faut y apporter un tempérament.

C’est le créancier qui décide unilatéralement de suspendre son exécution et, normalement, la

suspension est justifiée si les conditions vues ci-dessus sont réunies.

Toutefois, face à ce comportement, le débiteur défaillant peur saisir le juge afin que celui-ci

juge que la mise en jeu de l’exception d’inexécution par le créancier n’était pas justifiée même

en présence de sa défaillance.

Le créancier est, dans ce cas, considéré comme fautif, et peut se voir condamner à des

dommages et intérêts notamment.

Le juge, dans le cadre de l’exception d’inexécution, est là pour contrôler la régularité de son

exercice, mais seulement s’il est saisi par le débiteur38.

37 Cass, 3ème civile, 03 mai 2001. Bull civ 2001. 38 Précis Dalloz, Terré, Simler, Lequette, Dalloz, 10ème édition, 2009

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25

147. L’exception d’inexécution, non sanctionnée, se révèle être un mécanisme redoutablement

efficace contre le débiteur défaillant et constitue une alternative à une résiliation ou résolution

définitive du contrat39.

Efficace, elle a aussi l’avantage d’être une « justice » rapide car « privée ».

Le pendant négatif est qu’elle n’est que provisoire, théoriquement...

Paragraphe 2 Projets de réforme

I) Le projet Catala

148. Le projet, contrairement à notre code civil actuel, envisage de consacrer textuellement

cette exception d’inexécution ainsi que ses modalités d’application.

149. L’article 1157 prévoit en son premier alinéa que « dans un contrat synallagmatique, chaque

partie peut refuser d’exécuter son obligation tant que l’autre n’exécute pas la sienne. »

Le principe général est donc ainsi posé40. Le Projet Catala adopte une vision très large de cette exception d’inexécution. En effet, il ne

précise pas dans le texte, les conditions de mises en œuvre de ce mécanisme, telles que la

jurisprudence le prévoit.

150. Le projet, s’il a décidé de consacrer ce principe, n’a pas souhaité encadrer textuellement

les conditions de sa mise en œuvre.

Une grande liberté est accordée pour celle-ci.

Si le projet venait à aboutir, nul doute que le pouvoir des juges serait important quant à

l’appréciation de l’opportunité de la mise en œuvre du mécanisme par le créancier lésé.

151. Face à cette liberté accordée par le projet, deux « limites » sont à remarquer.

D’une part, le projet, s’il ne délimite pas les conditions d’application de la mise en pratique de

l’exception d’inexécution, entend toutefois protéger le débiteur.

39 Les obligations, Malaurie, Aynes, Stoffel-Munck, Ed Défresnois 2009 40 Le projet Catala, 2005

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En effet, le projet consacre textuellement un principe qui aujourd’hui n’est toujours que

jurisprudentiel.

Toujours dans son article 1157, l’alinéa 3 prévoit « A l’exception d’inexécution, l’autre partie

peut répliquer en prouvant en justice que la suspension du contrat n’est pas justifiée ».

Ainsi, si le débiteur estime que le créancier n’était pas légitime à mettre en œuvre cette

exception malgré l’inexécution de son obligation dont il fait preuve, il peut saisir le juge pour

que celui-ci reconnaisse le caractère illégitime de la suspension de l’obligation par le créancier.

152. D’autre part, l’article 1157 du projet, en évoquant l’exception d’inexécution, introduit sa

définition par « Dans un contrat synallagmatique […] ».

Le projet n’évoque donc le mécanisme de l’exception que dans le cadre d’un seul et même

contrat dont découlent les obligations réciproques.

Si on fait une lecture stricte de la lettre de l’article, on peut y voir l’intention de ne tolérer la

mise en œuvre de ce mécanisme seulement dans le cadre d’un contrat synallagmatique. Par contre, si on fait une interprétation de l’esprit du texte, on peut considérer que l’utilisation

de la proposition « contrat synallagmatique » est utilisée pour évoquer la nécessité d’obligations

réciproques.

Au vu de la liberté que le projet Catala veut attribuer à la mise en œuvre de cette exception

d’inexécution, il est difficilement envisageable que celui-ci la restreigne aux contrats

synallagmatiques alors que la jurisprudence admet aujourd’hui largement l’application de ce

mécanisme dès l’instant où il existe des obligations réciproques entre les parties émanant de

contrats différents avec un lien entre eux41.

153. Consacrer ce mécanisme de l’exception d’inexécution nous semble être opportun.

Sa mise en œuvre, loin d’être rare, serait clairement définie et aurait ainsi un poids plus

important à l’encontre du débiteur défaillant, qui, connaissant son caractère légal, serait peut-

être plus enclin à remédier rapidement à son inexécution.

41 Le projet Catala

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27

II) Le projet Terré

154. Il a lui aussi consacré le principe de l’exception d’inexécution, qui est évoqué dans

plusieurs articles42.

L’article 97 énonce notamment que « la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté,

où l’a été imparfaitement, a le choix, selon les circonstances […] de suspendre l’exécution de

sa propre obligation ».

155. Dans ce même article, sont évoqués l’exécution forcée, la résolution et l’attribution de

dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part d’une des parties.

Aussi, inclure l’exception d’inexécution avec ses mécanismes de réponse à l’inexécution,

consacrés depuis 1804 par le code civil, apparait comme un symbole fort.

L’exception d’inexécution est ainsi considérée comme le 4ème moyen de réponse à

l’inexécution d’une obligation par une partie.

On retrouve cette idée dans les autres droits et projets.

156. Une fois cette « place » consacrée, le projet s’attarde à définir ce qu’est cette exception

d’inexécution dans son article 103.

Il prévoit que « si, dans un contrat synallagmatique, une partie n’exécute pas son obligation,

l’autre partie peut refuser, totalement ou partiellement, d’exécuter la sienne, à condition que ce

refus ne soit pas disproportionné au regard du manquement ».

157. Que faut-il retenir de cette définition ?

A l’instar du projet Catala, la condition d’obligation principale et à échéance ne sont pas

clairement invoquées.

Seule la condition d’obligations réciproques est implicitement envisagée à travers la proposition

« dans un contrat synallagmatique ».

Tout comme dans le projet Catala on peut s’étonner du caractère fermé de l’évocation de

l’exception d’inexécution dans le seul cas du « contrat synallagmatique ».

La formulation est d’après nous regrettable.

42 Projet Terré, Pour une réforme du droit des contrats, Dalloz, 2008

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Toutefois, il semble qu’il faille là aussi s’attacher à l’esprit du texte et considérer que, par cette

expression, c’est plus largement celle « d’obligations réciproques » qui est envisagée. En pratique, il y a tout lieu de penser que si le projet venait à aboutir, la jurisprudence

conserverait sa position actuelle, qui est celle de considérer applicable cette exception lorsque

des obligations réciproques émanent de contrats différentes mais que ceux-ci ont un lien entre

eux.

158. A l’inverse du projet Catala, la notion de proportionnalité est ici envisagée, comme limite

à l’exception d’inexécution.

Il y a l’idée que la simple inexécution ne suffit pas à autoriser le créancier à mettre en place

l’exception d’inexécution.

L’inexécution doit altérer d’une manière notoire le contrat pour que le créancier soit légitime à

invoquer l’exception.

159. Son absence dans le projet Catala paraissait étonnante au vu de la position actuelle de notre

droit, qui, à travers sa jurisprudence et sa doctrine, y fait une place importante à travers la notion

même d’obligation principale.

Il aurait été opportun de consacrer cette nécessité de proportionnalité en corollaire de la

consécration de la condition d’obligation essentielle.

160. Deux choses peuvent être retenues de cette simple évocation.

D’une part, la notion d’obligation principale est abordée de manière détournée.

En effet, lorsqu’un contrat est conclu, les obligations principales des deux parties trouvent un

certain équilibre. Même si le droit français ne reconnait pas l’équilibre du contrat comme une

condition de validité, il se retrouve fortement dans le cadre des contrats synallagmatiques en

droit commun.

161. Ainsi l’exigence de proportionnalité peut traduire la nécessité pour le créancier de ne

mettre en place cette exception d’inexécution qu’en cas d’inexécution de son obligation

principale par le débiteur.

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29

Concrètement, si le débiteur était défaillant pour l’exécution d’une de ses obligations

secondaires découlant du contrat, alors le créancier ne serait pas en droit d’inexécuter

l’obligation principale qui lui incombe de par ce dernier. Or, invoquer l’exception d’inexécution par le créancier concernant une obligation secondaire

pour sanctionner le débiteur défaillant de l’inexécution d’une de ses obligations secondaires

n’est pas réellement envisageable en pratique. Aussi, pour que l’exception d’inexécution joue, il semble nécessaire qu’elle soit la réponse à

l’inexécution d’une obligation principale par le débiteur.

162. D’autre part, par la notion de proportionnalité, le texte semble vouloir apporter une

protection indirecte au débiteur qui subit ce mécanisme.

Si au contraire du projet Catala, cette protection n’est pas clairement énoncée, elle n’est pas

absente de l’esprit du législateur.

Le débiteur n’est pas à la merci du créancier.

D’autant, qu’en pratique, le débiteur défaillant pourra toujours saisir un juge pour faire

reconnaître l’utilisation abusive de l’exception d’inexécution et il y a tout à parier que les

décisions seront constantes par rapport à aujourd’hui.

Toutefois, on peut regretter que cette « protection » du débiteur n’ait pas, elle aussi, été

consacrée.

163. Enfin, le projet Terré apporte une innovation importante, qui trouve surement son

inspiration dans les projets européens notamment.

En effet, dans son article 104, le projet introduit la notion d’exception d’inexécution anticipée.

Le créancier a la possibilité de paralyser l’exécution de sa prestation s’il est manifeste qu’il y

aura inexécution de la part du débiteur et que cela risque d’avoir pour lui des conséquences

suffisamment graves.

164. Cette nouvelle notion d’exception d’inexécution anticipée est une évolution notable.

Par principe le droit français a toujours exigé et exige toujours aujourd’hui que l’inexécution

soit avérée pour qu’un tel mécanisme soit mis en place.

D’une manière générale, les deux projets, Catala et Terré semblent avoir adopté la même

conception de l’exception d’inexécution même si certaines modalités sont différentes.

Page 47: L’inexécution des obligations contractuelles de droit ... · 1 UNIVERSITE MONTPELLIER I UFR DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES L’inexécution des obligations contractuelles de

30

En la consacrant textuellement, ils lui accordent une place privilégiée en tant que « remède » à

l’inexécution des obligations.

165. On notera toutefois que le projet Terré est plus ambitieux et propose une évolution plus

marquée, notamment avec l’introduction du concept d’exception d’inexécution anticipée.

III) Le projet de la Chancellerie

166. Trois articles évoquent l’exception d’inexécution.

Si le projet de la Chancellerie a aussi voulu consacrer l’exception d’inexécution, des éléments

diffèrent par rapport au deux autres projets.

D’autant que le projet de la Chancellerie a lui aussi évolué entre sa première version et celle du

23/10/2013, appelée « avant-projet de réforme43 ».

167. L’article 125 énonce que « la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou

l’a été imparfaitement, peut […] suspendre l’exécution de sa propre obligation ».

Le principe est posé, à l’instar du projet Terré, avec les mécanismes constants que sont

l’exécution forcée, la résolution ou encore l’allocation de dommages et intérêts.

168. Le second, qu’est l’article 127 énonce qu’ « une partie peut refuser d’exécuter son

obligation, alors même qu’elle est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette

inexécution est suffisamment grave ». Il y a lieu de s’attarder sur cet article à deux titres.

169. D’une part, il est une version différente de celui de l’article 135 du projet initial de 200844.

En effet dans ce dernier, on y évoquait la notion de « contrat synallagmatique », alors qu’elle

n’apparait plus dans le projet de 2013. On ne parle aujourd’hui que « d’obligations » sans

préciser si elle doit émaner du même contrat que celle qui incombe à l’autre partie.

43 Projet de la Chancellerie, 23 octobre 2013 44 Article 135 Projet de la Chancellerie 2008, « Dans un contrat synallagmatique, chaque partie peut refuser

d’exécuter son obligation alors même qu’elle est exigible si l’autre n’exécute pas la sienne, à moins que cette

inexécution ne soit pas suffisamment grave pour justifier ce refus ».

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31

170. D’autre part, le projet tant dans sa première que sa dernière version, impose la nécessité

d’une obligation suffisamment « grave ». Cela rappelle l’exigence actuelle de la jurisprudence,

qui, pour admettre le légitime recours à l’exception d’inexécution, exige que l’inexécution porte

sur une obligation principale.

171. Le projet se démarque donc ici des deux projets Catala et Terré.

Cette exigence d’obligation suffisamment grave nous semble pertinente.

En elle-même, elle évoque et consacre implicitement les fondamentaux du contrat que sont « la

force obligatoire du contrat » et le « principe de bonne foi »45.

172. Mais le projet de la Chancellerie, version 2013, apporte une grande nouveauté par rapport

au projet initial de 2008. Cette dernière a été grandement inspirée des projets européens, abordés

ci-après. L’article 128 de l’avant-projet de 2013 pose le principe d’une « exception d’inexécution

anticipée ». Le projet de la Chancellerie rejoint ainsi la position affichée par le projet Terré.

Il prévoit qu’ « une partie peut suspendre l’exécution de sa prestation dès lors qu’il est manifeste

que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette

inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les

meilleurs délais ».

173. Cette conception d’exception d’inexécution par anticipation est révolutionnaire.

Le droit français n’a pas pour philosophie de prévoir des solutions anticipées pour des

éventuelles inexécutions.

L’influence européenne est incontestable. Par contre, comme le projet Terré, aucune protection directe pour le débiteur qui subit la mise

en œuvre de cette exception d’inexécution n’est prévue.

Même si, dans le cadre de ce projet de la Chancellerie, la notion de « gravité » de l’obligation

tend à imposer au créancier une certaine retenue dans l’utilisation de ce mécanisme.

45 Article 1134 du code civil «Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

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32

Section 2 En droit européen

Paragraphe 1 Les législations allemande et anglaise en vigueur

I) Le droit allemand

174. L’exception d’inexécution est une notion que connait le droit allemand46.

Elle est consacrée au paragraphe 320 du BGB.

Dans son (1) il prévoit que « celui qui est obligé en vertu d’un contrat synallagmatique peut

refuser de fournir la prestation dont il est redevable jusqu’à ce que la contre-prestation soit

effectuée, à moins qu’il ne soit obligé d’exécuter le premier […] ».

175. Qu’en retenir ?

On retrouve en droit allemand, deux conditions de l’exception d’inexécution imposée en droit

français.

D’une part le droit allemand évoque la notion de « contrats synallagmatiques ».

Il semble que le droit allemand soit très attaché à cette idée de « contrats synallagmatiques ».

C’est essentiellement voire exclusivement dans ce domaine que le droit allemand admet

l’utilisation de cette dernière.

Cette position du droit allemand est plus rigide que celle adoptée par la législation française

actuelle et par les projets de réformes.

Cette exclusivité peut étonner au vu de la certaine souplesse du droit allemand vis-à-vis des

sanctions applicables à l’inexécution des obligations.

176. D’autre part l’article évoque une autre des conditions d’application de l’exception

d’inexécution qu’impose le droit français, la nécessité que les obligations soient d’exécution

simultanée.

En effet le créancier ne peut invoquer l’exception d’inexécution s’il est prévu par le contrat

qu’il devra exécuter sa prestation en premier.

46 Le contrat en droit allemand, Michel Pedamon, LGDJ, 2ème Ed, 2004

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33

177. A l’inverse, on ne retrouve pas la troisième condition, la nécessité que l’inexécution

concerne une obligation principale.

Le droit allemand semble surtout se pencher sur la notion même d’inexécution sans qu’il soit

besoin de démontrer ou de justifier de l’importance ou non de l’obligation pour mettre en œuvre

l’exception d’inexécution.

178. Le droit allemand est relativement précis dans la mise en œuvre de l’exception

d’inexécution et notamment sur le moment où celle-ci doit cesser.

En effet les tribunaux allemands ont souligné que le contractant qui s’est prévalu de cette

exception doit exécuter « trait pour trait » (Zug um Zug) c’est-à-dire au fur et à mesure qu’il

reçoit la contreprestation.

179. Cette précision s’explique de par le fait que l’exception d’inexécution est invoquée dans

le cadre d’obligations réciproques découlant d’un même contrat.

C’est le §322 du BGB qui prévoit cette modalité et elle est demeure une particularité du droit

allemand en ce qu’elle est prévue textuellement. Par comparaison en droit français, même s’il est aussi fait mention d’exécution des obligations

trait pour trait, cette levée de l’exception d’inexécution au fur et à mesure n’est pas évoquée par

la jurisprudence ni envisagée par les projets de réforme.

180. Le droit, allemand, comme évoqué dans le projet Terré ainsi que dans celui de la

Chancellerie, prévoit une exception d’inexécution anticipée dans son paragraphe 321 du BGB.

Il est prévu que « celui qui est obligé en vertu d’un contrat synallagmatique d’exécuter la

prestation en premier peut refuser sa prestation lorsqu’après la conclusion du contrat il devient

manifeste que son droit à la contre-prestation est menacé par le manque de ressource de l’autre

partie ». Par cette définition, le législateur allemand a souhaité consacrer l’exception d’inexécution

anticipée.

Nous remarquons toutefois que le texte ne la consacre seulement dans le cas où c’est un manque

de ressources du débiteur qui menace l’exécution de l’obligation. Le domaine de l’exception d’inexécution anticipée est envisagé de manière restrictive.

Cela nous semble opportun.

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34

II) Le droit anglais

181. Le droit anglais admet le mécanisme de l’exception d’inexécution47.

Toutefois, ce droit ignorant toute catégorisation de contrats, il n’y a pas un principe général

consacrant cette exception d’inexécution pour les contrats synallagmatiques en général.

On va retrouver cette notion dans certains contrats dont les obligations sont interdépendantes.

Comme par exemple dans le cadre d’un contrat de vente48.

Aussi, retrouve-t-on aussi dans le droit anglais cette exigence d’obligations réciproques.

182. En cas de manquement contractuel par une partie, qui n’exécuterait pas son obligation ou

dont l’exécution serait imparfaite, l’autre partie a plusieurs possibilités pour réagir et

notamment elle peut s’abstenir d’exécuter le contrat. Cette possibilité n’est offerte au créancier

que si l’inexécution ou l’exécution imparfaite est suffisamment importante. Le droit anglais s’attache ainsi à l’obligation même, qui évoque plus, à travers sa notion de «

consideration » celle de contrepartie.

183. Le droit anglais étant très matérialiste, la présence d’une contrepartie, « consideration »

est essentielle.

On va parler de consideration de nature promissoire (a promissory condition) ou de garantie

(warranty).

La garantie est une simple promesse.

Warranties are minor terms of a contract which are not central to the existence of the

contract. If a warranty is breached the innocent party may claim damages but can not end

the contract49.

La partie subissant l’inexécution ne peut pas suspendre elle l’exécution de sa consideration. Sinon on parle de condition compromissoire. Cette dernière est la substance même du contrat.

184. En revanche, en présence de l’inexécution d’une « promissory condition », le créancier

aura le choix50.

47Le droit anglo-américain des contrats, Edward ERRANTE, LGDJ Jupiter. 2001 48 Sale of Goods Act de 1979, article 28. 49 Poussard v Spiers (1876) 1 QBD 410 50 Bettini v Gye (1876) QBD 183

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La partie non défaillante (le créancier) va pouvoir choisir la solution qu’il désire face à

l’inexécution de l’obligation par le débiteur et ainsi peut choisir de suspendre l’exécution de sa

propre « consideration ».

185. L’exception d’inexécution ne jouera évidemment pas si le contrat stipule que l’une des

parties doit exécuter avant l’autre. Raisonnement logique adopté par le droit français comme le

droit allemand qui, lui, le prévoit textuellement.

186. Toutefois, les tribunaux anglais sont parfois confrontés à une certaine ambiguïté du fait de

la différence parfois infime entre warranty et promissory condition.

Une interprétation du contrat est alors faite rigoureusement sur la base de certains critères :

l’intention réelle des parties, les mots utilisés dans le contrat, comparer ces derniers.

187. Les tribunaux, malgré l’utilisation de ces critères, sont parfois incapables de déterminer

s’il s’agit d’une garantie ou d’une condition promissoire.

En 1962 les tribunaux anglais ont reconnu leur impuissance dans l’interprétation de certains

contrats.

L’arrêt Hong Kong Fir Shipping Co. V. Kawasaki Kisen Kaisha Ltd a donc introduit une tierce

catégorie qui est la condition non nommée « innominate term ».

La création de cette dernière permet au tribunal de ne pas se trouver dans une impasse.

La proportion de la réponse à l’inexécution est sous-entendue à travers la prise en compte du

caractère de garantie ou de condition compromissoire de l’obligation concernée.

188. Tout comme les projets Terré, de la Chancellerie et à l’instar du droit allemand, l’exception

d’inexécution anticipée est envisagée par le droit anglais.

Elle est appelée« anticipatory breach of the contract ». One party informs the other that he

will not perform his contractual dutieswhen due. Initialement le droit anglais était réfractaire à cette notion. La Common law énonçait que le

cocontractant devait attendre, malgré le manquement prévisible du débiteur quant à l’exécution

de son obligation, qu’il y ait effectivement inexécution.

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189. Le droit anglais a donc fait évoluer sa jurisprudence, ce qui revêt, contrairement aux autres

droit européen, un caractère fort, puisque le droit anglais fonctionne sur la règle du précèdent.

Paragraphe 2 Les projets de réforme européens

I) Les principes Lando

190. Comme les législations précédentes, les principes reprennent ce mécanisme de l’exception

d’inexécution, en « s’inspirant » des différences de chacun51.

Les principes ne catégorisent pas les contrats (synallagmatique, unilatéral, civil, commercial…)

et donc l’exception d’inexécution va être envisagée pour certains contrats. On retrouve ici le

système anglais.

191. L’article 9 :201 alinéa 1er énonce ainsi qu’ « Une partie tenue d’exécuter dans le même

temps que l’autre ou après elle peut, tant que le co-contractant n’a pas exécuté ou offert

d’exécuter, suspendre l’exécution de sa prestation en tout ou partie, ainsi qu’il est raisonnable

eu égard aux circonstances. »

192. Si nous comparons au droit français, on retrouve 2 conditions.

L’article évoque la nécessité d’exécution simultanée des obligations, ou postérieure pour le

créancier.

Il y est évoqué implicitement que les obligations sont interdépendantes.

En effet, il a été vu ci-dessus que cette exception d’inexécution ne pouvait jouer que dans les

contrats synallagmatiques visés expressément.

193. De plus, est prévu ici la nécessité d’une certaine proportionnalité. Le créancier doit se

comporter de manière mesurée et ne pas mettre en œuvre l’exception si l’inexécution ne le

justifie pas.

Il apparait ici une analogie avec le droit français et le droit anglais plus particulièrement à

l’inverse du droit allemand qui ne connaît pas cette notion de proportionnalité de la mise œuvre

de ce mécanisme.

51 Principes contractuels communs, société de législation comparée, 2008.

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194. Par contre, les principes Lando se démarquent du droit français, (exceptés des projets de

réforme Terré et de la Chancellerie), pour se rapprocher des droits allemand et anglais en

consacrant la possibilité d’une exception d’inexécution anticipée.

En effet l’alinéa 2 de l’article suscité prévoit qu’ « Une partie peut de même suspendre

l’exécution de sa prestation dès lors qu’il est manifeste qu’il y aura inexécution de la part du

co-contractant à l’échéance ». La possibilité d’une exception d’inexécution anticipée révèle une volonté de protéger de

manière accrue le créancier qui ne doit pas attendre de subir le préjudice de l’inexécution mais

qui peut l’anticiper afin de minimiser ce dernier.

Toutefois elle nous semble contestable car très aléatoire et basée sur une appréciation à un

instant T d’une temps T+1.

II) Le code Gandolfi

195. Le code Gandolfi prévoit dans son article 108 ce qu’il appelle le droit du créancier de

suspendre l’exécution dans les contrats synallagmatiques52.

Il énonce dans son 1er alinéa que « Dans les contrats synallagmatiques, si l’une des parties

n’exécute pas ou n’offre pas d’exécuter son obligation, quelle que soit la gravité de

l’inexécution, le créancier a la faculté de suspendre la prestation par lui due simultanément ou

successivement, à moins qu’un tel refus de sa part se heurte à la bonne foi ».

196. Tout d’abord il faut relever que le code exclut clairement une des 3 conditions connues

en droit français.

En effet la qualité de l’obligation inexécutée n’a que peu d’importance. L’article énonce que le

créancier victime peut mettre en œuvre cette exception d’inexécution peu importe la gravité de

l’inexécution.

Aussi qu’importe que l’obligation soit principale ou secondaire, que l’inexécution soit partielle

ou totale, seule l’inexécution par elle-même du débiteur, offre la possibilité au créancier de

mettre en œuvre le mécanisme étudié.

52 Code européen des contrats, Académie des privatistes européens, Milano - Dott ; A Giuffrè Editoire - 2004

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38

197. Ensuite concernant la réciprocité des obligations, le code évoque, à l’instar des projets

Catala et Terré ou encore le droit allemand, la notion de « contrat synallagmatique ».

Les mêmes conséquences que précédemment peuvent en être tirées.

Par une interprétation stricte, l’exception ne jouera que dans le cadre d’obligations réciproques

nées d’un même contrat.

Par une interprétation plus large, l’exception pourra être mise en œuvre dès lors que des

obligations sont interdépendantes.

198. Enfin, la condition de simultanéité des obligations est requise. Une position partagée avec

les autres trois européens.

199. La mention de la bonne foi est plus intéressante.

Dans l’ensemble des projets et droits abordés jusqu’ici, le code Gandolfi est le premier à poser

textuellement cette exigence de bonne foi.

Bien sûr, les autres textes évoquent notamment le rapport mise en œuvre de l’exception

d’inexécution/intérêt du créancier, la nécessité que l’obligation porte sur une obligation

principale ou encore l’exigence d’une proportionnalité de l’action (excepté pour le droit

allemand)…qui sous entendent que le créancier doit avoir un intérêt notoire à agir et donc

suggère le principe de bonne foi.

Mais la bonne foi est l’un des principes fondamentaux qui régit l’exécution du contrat. C’est

une condition inhérente au contrat lui-même, c’est une exigence qui lie les parties.

La consacrer textuellement dans le cadre de l’exception d’inexécution est une initiative lourde

de sens.

200. Car concrètement, l’inexécution de l’obligation par le créancier est autorisée par ce jeu de

l’exception d’inexécution alors que l’inexécution en tant que telle est la violation même de

l’exécution de bonne foi du contrat et des obligations résultantes.

Insérer la notion de bonne foi dans le texte rappelle ô combien ce mécanisme est, et doit

demeurer, une exception.

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39

201. L’exception d’inexécution est un mécanisme de défense, reconnu pour le débiteur, et dont

la mise en jeu est consacrée par l’ensemble des droits et projets étudiés.

Des disparités quant aux modalités d’application sont notoires.

Les 3 « conditions » exigées en droit français que sont la nécessité que l’inexécution porte sur

une obligation principale, l’interdépendance des obligations et la simultanéité de leur exécution

ne sont pas présentent dans les autres droits, au complet. Nous retrouvons parfois 1, parfois 2

conditions.

Mais la philosophie de l’exception d’inexécution reste la même. Elle doit être appréciée comme

un mécanisme d’exception, qui ne doit être activé que dans des cas le nécessitant et dans le

respect des principes qui régissent le contrat en général.

202. On retiendra deux particularités.

D’une part la notion d’exception d’inexécution anticipée, absente dans la législation actuelle

française, mais envisagée par les projets Terré et de la Chancellerie et consacrée dans les autres

droits européens ainsi que dans les principes Lando. D’autre part la notion de bonne foi, introduite par le Code Gandolfi, et qui, par son insertion

dans le texte, rappelle par ces deux mots ce qu’est et doit être l’exception d’inexécution, une

exception. Introduire cette notion peut sembler désuet mais finalement c’est permettre de ne pas oublier le

principe fondamental consacré en droit français par l’article 1134, qui est la force obligatoire

du contrat.

Il nous semble appréciable qu’un texte, qui a pour ambition de devenir un code européen

proposant des solutions concrètes rappelle que chaque action doit se faire dans le respect de la

bonne foi.

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40

PARTIE 2 : L’INEXECUTION FAUTIVE

SANCTIONNEE

203. Si nous mettons de côté les cas particuliers de l’impossibilité matérielle d’exécution et

celui de l’exception d’inexécution, toutes les autres inexécutions contractuelles sont

sanctionnées car constitutives d’une faute.

203. Les sanctions sont multiples à l’encontre du cocontractant contrevenant. Deux vocations

sont à distinguer.

204. D’une part il y a celles impactant l’existence même du contrat. En effet l’inexécution

pourra entraîner la résolution du contrat ou à l’inverse pourra aboutir à l’exécution forcée dudit

contrat.

Dans le cadre de la poursuite du contrat, il y a l’exécution forcée en nature. Face à l’inexécution,

le créancier peut exiger, si cela est encore possible, que l’exécution, même tardive, voire

partielle soit effective.

Ce mécanisme de l’exécution forcée a une application très contrastée dans les différents droits

étudiés ci-après.

Elle sera tantôt considérée comme le moyen de réaction privilégié ou à l’inverse un mécanisme

très secondaire.

205. Dans le cadre de l’extinction du contrat par « résolution », au sens large du terme, les

dispositifs prévus peuvent être de nature légale, on parle de résiliation ou résolution judiciaire,

mais aussi de nature contractuelle, comme dans le cas de la clause résolutoire.

L’extinction du contrat est la résultante d’une justice judiciaire ou privée.

206. D’autre part, il y a les sanctions pécuniaires envers le débiteur et de nature à indemniser

le créancier de cette inexécution. L’inexécution est la violation même du contrat et en cela la

partie subissant l’inexécution doit être protégée et voir son dommage réparé.

Par principe, cette réparation interviendra par le versement de dommages et intérêts, qui seront

de natures diverses, selon les droits que nous étudierons. C’est un mécanisme légal.

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41

Nous constaterons au cours de notre étude, que la réparation allouée au créancier peut être

nuancée, aménagée notamment conventionnellement.

207. Il faut préciser que l’allocation des dommages et intérêt a en réalité une double nature. Elle

constitue un moyen de réparer le préjudice subi par le créancier, puisqu’ils peuvent être

notamment alloués en sus d’une résiliation mais constitue aussi un moyen d’exécution forcée

par équivalent. Cet aspect aurait pu être traité dans le cadre de l’exécution forcée.

Toutefois nous avons pris le parti ici de traiter les dommages et intérêts sous l’angle de la

réparation.

La nature hybride des dommages et intérêts ouvre différentes possibilités d’analyses. Nous en

avons choisi une.

208. Il sera donc étudié la mise en œuvre ces différents mécanismes, ceux ayant vocation à

atteindre l’existence du contrat (Chapitre 1) et ceux ayant pour objectif de réparer les

préjudices résultant de l’inexécution (Chapitre2).

Chapitre 1 Les sanctions affectant l’existence même du

contrat

209. Il est pertinent d’envisager la poursuite du contrat avant de s’attacher aux mécanismes qui

ont pour effet d’éteindre le contrat, support de l’inexécution.

Section 1 L’exécution forcée du contrat

210. Face à l’inexécution de l’obligation par le débiteur, le créancier a différents moyens

d’action. Les parties, en concluant le contrat, l’ont fait dans l’objectif de bénéficier

réciproquement de certaines prestations. Si on raisonne logiquement, l’exécution forcée en

nature semble être le moyen idéal pour rester au plus proche de ce qu’était la volonté initiale

des parties, c’est-à-dire l’exécution du contrat et l’obtention des prestations désirées.

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42

Pourtant, notre étude tendra à démontrer qu’il est loin, dans certains cas, d’être le moyen

privilégié consacré par les textes

Paragraphe 1 En droit français

I) La législation actuelle en vigueur

211. L’exécution forcée en nature n’est pas la solution de principe prévue par le code civil. Et

cela peut paraître étonnant dans une première lecture.

En effet les parties ont conclu un contrat afin d’obtenir chacune des prestations de la part de

l’autre partie. Aussi, si l’une est défaillante, pour quelques raisons que ce soit, il serait logique

d’essayer, dans un premier temps et si cela est possible, de contraindre le débiteur à fournir sa

prestation. Telle n’a pas été la position première du code civil de 1804.

A. Le principe de l’article 1142

212. En effet, l’article 1142 préconise que tout inexécution d’une l’obligation de faire ou de ne

pas faire se résout en dommages et intérêts. Si cette solution sera étudiée plus loin dans ce

mémoire, la position du droit français est claire. L’exécution forcée en nature est dans les textes

une solution secondaire.

Or cette solution semble léser le créancier qui a signé un contrat pour obtenir une prestation

possible et non dans l’optique de voir cette prestation se transformer en un apport numéraire. Et au-delà du désir du créancier de recevoir la prestation due, passé sous silence avec cet article

1142, c’est aussi le principe de la force obligatoire qui est mis à mal.

Ce principe est la fondation même du contrat, qui exige des parties qu’elles exécutent le contrat

tel que signé car ce contrat tient lieu de loi entre les parties et doit être exécuté de bonne foi53.

213. Le choix du législateur, en érigeant apparemment l’article 1142 comme solution

privilégiée à l’inexécution peut être critiquable.

Mais sa portée doit être mesurée à plusieurs titres. La rédaction des articles 1184, 1143 et 1144

du code civil, tout comme l’astreinte et enfin la pratique atténuent l’effet de cet article 1142.

53 Article 1134 du Code Civil

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43

B. Les atténuations du principe

1. Cette exécution forcée en nature va trouver un premier écho textuel.

a) L’article 1184

214. L’article 1184 alinéa 2 du code civil énonce que « La partie envers laquelle l'engagement

n'a point été exécuté, a le choix de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est

possible ».

Le texte est assez explicite, la partie lésée par l’inexécution peut forcer l’exécution de la

convention.

Par cette lecture, il semble aisé d’exclure l’article 1142 dans le cadre des obligations

conventionnelles.

215. En pratique, l’application de l’article 1184, qui semble énoncer un principe général et

d’application facile, peut être compliquée dans certains cas.

216. Il est évident que le créancier doit pouvoir faire respecter la force obligatoire du contrat,

toutefois la contrainte qu’il peut exercer envers le débiteur est limitée et ne doit porter atteinte

aux droits de ce dernier comme le rappelle l’adage « Nemo praecise cogi potest ad factum »

soit « Nul ne peut être contraint à l’accomplissement d’un fait »54.

L’idée est qu’on ne peut contraindre physiquement une personne à exécuter sa prestation.

Car l’exécution forcée en nature implique que le créancier fasse pression sur la personne. On

ne peut menacer verbalement ou physiquement son débiteur pour voir sa prestation réalisée.

217. La mise en œuvre directe de l’exécution forcée semble donc être presque impossible en

pratique sur le principe du respect fondamental, de respecter la liberté individuelle de chacun

concernant les prestations à caractère personnel.

On parle d’impossibilité d’exercer une contrainte directe, sous-entendu sur la personne elle-

même.

54 Précis Dalloz, Terré, Simler, Lequette, 10ème édition.

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44

218. Toutefois, cette exécution en nature difficilement applicable concerne surtout les

obligations qui sont très personnelles, comme l’obligation d’un peintre de réaliser une toile,

l’obligation pour un artiste d’exécuter une prestation (on ne peut forcer un peintre à mettre son

tableau à disposition du cocontractant55).

219. Pour les autres obligations contractuelles, plus nombreuses, cette exécution en nature est

envisageable.

Si la contrainte physique est interdite, d’autres moyens de pression sont possibles tels que sous-

entendre de porter atteinte aux intérêts patrimoniaux du débiteur, de faire exécuter la prestation

par un tiers ou encore d’utiliser le mécanisme de l’astreinte.

220. L’article 1184 est une alternative et même une dérogation certaine au principe de l’article

1142. Les exceptions à cette article se poursuivent ensuite via les articles 1143 et 1144 du CC.

b) L’article 1143

221. L’article 1143 énonce « Néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait

été exécuté par contravention à l'engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire

aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s'il y a lieu. ». On est dans

l’hypothèse d’une obligation de ne pas faire.

222. Le texte prévoit la possibilité pour le créancier, lors qu’il y a eu non-respect d’une

obligation de ne pas faire, de faire détruire ce qui a été établi par le débiteur, comme par exemple

en matière de construction ou de propriété artistique56.

C’est une exécution forcée en nature.

Le débiteur devait s’abstenir de réaliser une chose, en cas de réalisation de celle-ci, le créancier

oblige à ce que soit respectée cette abstention en détruisant la réalisation effectuée.

55 Cass. Civ.1, 14 mars 1900, << Eden c. Whistler », DP, 1900-1-497, << Les conventions qui portent sur des

œuvres de l'esprit sortent des catégories normales du droit, à cause de l'influence qu'exerce sur elles le droit moral

». P-Y GOUTIER. P. 248. 56 Civ, 3ème 11 mai 2005 (p 1459 cc), Civ 1er, 16 janvier 2007, p1459 Code Civil Dalloz 2013, jurisprudence de

l’article 1184.

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45

223. L’obligation de ne pas faire est condamnable par une exécution forcée en nature selon le

code civil.

224. L’article 1143 succédant au 1142, c’est un premier tempérament, Toutefois il s’applique

en réalité très rarement, car peu d’obligations de ne pas faire, en réalité exécutées en

contrevenant au contrat, peuvent être détruites.

c) L’article 1144

225. L’article 1144 prévoit quant à lui que « Le créancier peut aussi, en cas d'inexécution, être

autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être

condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution ».

226. Le texte prévoit une exécution en nature mais par une personne autre que le débiteur.

C’est la particularité de ce texte car l’exécution en nature n’est pas imposée au débiteur, qui y

contribue tout de même en payant les frais nécessaires à cette exécution mais sera exécutée par

un tiers. Ce dernier se substitue au débiteur pour réaliser la prestation prévue. C’est la faculté

de remplacement57. Cet article offre une possibilité assez étonnante. L’inexécution d’une obligation contractuelle

va être « réparée » par l’exécution de celle-ci par un tiers au contrat initial.

227. L’article 1144 a donc vocation à s’appliquer plus fréquemment que l’article 1143, ce qui

est logique de par le fait qu’il concerne une obligation de faire.

Une intervention judiciaire pour que le débiteur soit « condamner à avancer les frais

nécessaires».

Les articles 1184, 1143 et 1144 constituent des exécutions forcées en nature « directe »

d) L’astreinte

228. Cette dernière est un mécanisme de contrainte indirect et il a pour objectif d’obliger le

débiteur à exécuter sa prestation sous peine de devoir payer un certain montant pour chaque

57 Manuel droit des obligations, Philippe Malinvaud, Dominique Fenouillet, LexisNexis, 12ème Ed, 2012

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jour de retard dans l’exécution de la décision ou pour chaque « infraction » lors d’une obligation

de ne pas faire.

Ce sont les tribunaux qui ont imaginé cette sanction au début du XIXème siècle, peu de temps

après la promulgation du code civil58.

229. Ce dispositif permet d’exercer une pression sur le débiteur en affectant son patrimoine.

Plus le débiteur tardera à exécuter l’obligation dont il est tenu, plus son patrimoine diminuera59.

Il ne s’agit pas d’une exécution forcée réellement puisque l’exécution de la prestation se fera

en nature mais suite à une incitation de nature judiciaire pour que le débiteur réalise sa prestation

volontairement.

230. C’est une exécution en nature, « provoquée » mais pas forcée. Son application, qui n’était au départ pas consacrée par un texte a suscité de nombreuses

controverses. Le créancier recevait notamment de l’argent issue de l’astreinte et l’exécution

qu’il convoitait de par le contrat. Le créancier s’enrichissait…

231. Aussi, le législateur a souhaité la consacrer textuellement par la loi du 05 juillet 1972

réformant la procédure civile.

Aujourd’hui, elle est consacrée comme une mesure légale d’intimidation prononcée par le juge

dont le bénéfice en revient au créancier, qui perçoit le montant de cette astreinte. Aussi, la

notion d’enrichissement sans cause du débiteur a été dans ce cas légalisée.

232. La controverse à ce sujet perdure et cela nous semble compréhensible.

L’astreinte doit jouer comme un mécanisme visant à réparer le préjudice subi au créancier et de

lui permettre de recevoir la prestation telle qu’il devait la percevoir selon le contrat. Mais elle

ne devrait pas profiter au-delà au créancier.

58 Req, 29/01/1834, DP 1834, Grands arrêts, 12ème ed 59 Précis Dalloz, Terré, Simler, Lequette, 10ème édition.

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233. La pratique s’est adaptée selon certains auteurs.

Pour contourner cette difficulté, les tribunaux, selon les observateurs, prononceraient des

astreintes de plus faible montant60.

Seulement si le montant est réduit, l’intimidation l’est aussi et donc le mécanisme perd de son

efficacité…

2. La pratique

234. A l’origine, certains auteurs ont cru que l’article 1142 était une sanction à l’inexécution

mais aussi une éventualité pour le débiteur. Aussi ce dernier, s’il devait exécuter l’obligation

de faire pourrait se libérer de l’exécution de celle-ci en versant des dommages et intérêts au

créancier.

Une telle vision, si elle reflétait la réalité, contreviendrait à la force obligatoire du contrat, au

principe de la portée contractuelle61.

235. A l’heure actuelle, la jurisprudence tend à appliquer l’exécution en nature dès lors que

c’est possible. Elle n’est écartée systématiquement qu’en cas de contrat très intuitu personae (la

prestation artistique comme évoquée ci-dessus par exemple).

Elle l’est aussi lorsque la prestation n’est plus exécutable, comme une représentation à date

précise, la vente d’une chose déjà revendue ou encore la résiliation fautive d’un bail déjà

consenti à un tiers62…

236. Il y a ainsi un glissement dans l’application des textes. L’article 1142, présenté par le code

comme le principe devient l’exception. L’exécution forcée en nature, à travers l’application

notamment des articles 1184, 1143 et 1144 ou encore de l’astreinte est devenue la solution de

choix en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle.

Et il y a tout lieu de s’en réjouir car, in fine, c’est la conséquence logique d’un principe

fondamental du contrat, celui de la force obligatoire de ce dernier. Chaque fois que l’obligation peut être encore exécutée, l’exécution forcée en nature doit être

prononcée, sous réserve que le créancier la demande63.

60 Précis Dalloz, Terré, Simler, Lequette, 10ème édition. 61 Les obligations, Malaurie, Aynes, Stoffel-Munck, Ed Défresnois 2009 62 Cass 3ème Civ 23 mai 1978 JCP 1978 63 Cass, Civ. 1, 16 janvier 2007, Bull. civ. III, n°19

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II) Les projets de réforme

A. Le projet Catala

237. Le projet Catala consacre textuellement la tendance actuelle, en érigeant l’exécution

forcée en nature comme principe et ce faisant, l’article 1142 comme exception.

Le projet tend aujourd’hui à entériner le droit positif actuel, et, comme pour certains autres

aspects, moderniser le code civil, inchangé depuis 1804 et qui n’est plus le reflet de la pratique.

L’ambition du texte est donc d’être le plus en adéquation avec l’évolution de cette pratique.

Aujourd’hui, les exceptions, nombreuses telles que vues ci-dessus trouvent plus d’applications

que le principe de l’article 1142.

L’évolution marquée par le projet Catala était donc naturellement attendue.

Toute position contraire aurait reflété un échec de la réflexion de la part des professionnels

ayant élaboré cet avant-projet.

238. L’exécution forcée est prévue par le projet comme l’une des 3 options fondamentales

possibles lors de l’inexécution d’une obligation contractuelle, au côté de la résolution et les

dommages et intérêts. C’est l’article 1158 du projet qui érige ce droit fondamental.

Il prévoit que : « Dans tout contrat, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté,

ou l’a été imparfaitement, a le choix ou de poursuivre l’exécution de l’engagement ou de

provoquer la résolution du contrat ou de réclamer des dommages intérêts, lesquels peuvent, le

cas échéant, s’ajouter à l’exécution ou à la résolution ».

239. Le principe de l’exécution en nature est érigé à l’article 1154 du projet64.

Il énonce dans son alinéa 1er que « L’obligation de faire s’exécute si possible en nature ».

240. Qu’en déduire ?

Le texte est explicite, l’obligation de faire doit s’accomplir telle qu’elle est prévue par le contrat,

soit en nature. Aucune exécution de substitution n’est tolérée dès lors que l’exécution par le

débiteur est possible.

64 Le projet Catala, 2005

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241. Mais l’article va plus loin. Les subtilités d’application des différents articles du code civil,

selon la nature de l’obligation et qui sont aujourd’hui expliquées et encadrées par la doctrine et

la jurisprudence, trouvent un écho écrit ici.

Les règles développées par ces deux faces de notre droit sont aujourd’hui inscrites noires sur

blanc.

242. L’alinéa 2 dispose que « Son exécution peut être ordonnée sous astreinte ou un autre moyen

de contrainte, sauf si la prestation attendue a un caractère éminemment personnel ».

Il est complété par l’alinéa 3 qui prévoit quant à lui qu’ « En aucun cas, elle ne peut être obtenue

par une coercition attentatoire à la liberté ou à la dignité du débiteur ». Tout est dit. L’exécution en nature peut être « forcée » par l’astreinte, aujourd’hui prévue par

le code de procédure civile mais longtemps non codifiée ou par une mesure de contrainte.

L’exécution en nature peut donc légalement être « forcée ».

243. Mais l’article évoque aussitôt l’exception, en consacrant la situation, qui, à l’origine,

expliquait peut-être le fait d’ériger l’article 1142 comme principe.

En effet l’alinéa 2 exclut l’exécution en nature forcée si la prestation concernée a un caractère

trop personnel (comme l’exécution d’un tableau). L’article précise même dans son 3ème alinéa que cette exécution forcée ne peut être contrainte

par des moyens qui porteraient atteinte à la liberté et dignité du débiteur ».

244. Le projet Catala a entièrement, et opportunément, réformé le mécanisme de l’exécution

forcée en nature, en l’érigeant d’une part comme le principe, et d’autre part, en prévoyant par

écrit les modalités d’application de cette mesure.

245. La seule exception à l’exécution forcée en nature est la présence d’un fort intuitu personae

dans le contrat. L’exécution forcée en nature telle qu’elle est appliquée aujourd’hui est enfin consacrée comme

le principe et non l’exception. Cette dernière étant, opportunément énoncée et prévue par le

texte.

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B. Le projet Terré

246. L’exécution forcée en nature est un moyen mis à la disposition du créancier face à une

inexécution de son débiteur comme le rappelle l’article 97 du projet : « la partie envers laquelle

l’engagement n’a pas été exécuté, où l’a été imparfaitement, a le choix, selon les circonstances,

de poursuivre contre l’autre l’exécution en nature de l’engagement […].

247. Le créancier a donc le choix entre les différents moyens proposés (exécution en nature,

suspension de l’exécution, résolution…) face à une inexécution.

Le terme de « choix » est intéressant nous semble-t-il au regard de la formule que nous

retrouvons dans l’article évoquant l’exécution forcée en nature. En effet l’article 105 énonce :

« Le créancier peut, après une mise en demeure du débiteur, exiger l’exécution forcée d’une

obligation chaque fois qu’elle est possible et que son coût n’est pas manifestement

disproportionné et que ses conséquences sont suffisamment graves pour le créancier ».

248. Et là une première chose attire l’attention.

D’après l’article le créancier « peut » exiger l’exécution chaque fois qu’il en est possible ». Le

cocontractant peut mais ne « doit » pas exiger l’exécution en nature automatiquement si elle est

possible ».

L’emploi du verbe « peut », combiné avec le terme de « choix », dans l’utilisation des remèdes

à l’inexécution de l’article 97 est assez parlant.

L’exécution forcée en nature n’est pas autant érigée en principe que dans le projet Catala.

Dans ce dernier, certes, l’article 1158 propose aussi ce « choix » quant à l’utilisation des

remèdes à l’inexécution par le créancier. Un choix qui est finalement très relatif car l’article 1154 énonce que l’exécution doit se faire en

nature « si possible ». La primauté de l’exécution en nature semble assez claire.

249. Dans le projet Terré, on ne retrouve pas la consécration de l’exécution forcée en nature en

tant que principe.

Telle est d’ailleurs l’interprétation de Denis Mazeaud qui note que le « label de principe

directeur ne lui a pas été décernée, ce que l’on peut déplorer au regard de la spécificité qu’il

confère à notre droit contractuel »

Elle reste une possibilité mais n’est pas considérée comme étant la solution à privilégier.

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Notre avis converge avec celui émis par le Professeur65.

250. L’article 106 du projet prévoit une nouveauté. L’autorisation judicaire n’est pas exigée

pour demander l’exécution forcée.

Cette position nous semble appréciable et semble finalement assez logique.

Le projet Terré n’a pas souhaité entériner la pratique d’aujourd’hui.

Le projet ne va cesser de se démarquer du projet Catala et du droit positif concernant l’exécution

en nature.

251. Deux autres choses marquantes attirent l’attention. D’une part, l’article, si on s’en tient à sa lettre, n’exclut pas l’exécution forcée en nature pour

les obligations dont le caractère intuitu personae est central.

L’exception, qui a longtemps fait débat et qui pouvait expliquer la prédominance de l’article

1142 comme moyen privilégiée contre l’inexécution est absente.

Et cela parait surprenant.

A l’heure actuelle, la jurisprudence, tout comme la doctrine se sont accordées sur cette notion

de contrat à caractère éminemment personnel et l’application en pratique ne suscite plus autant

de débat.

Il n’en demeure pas moins que cette notion, qui a animé nombres d’interrogations et discussion,

nécessitait d’être posée textuellement.

Le projet Catala est allé dans ce sens logiquement.

252. Les projets de réforme ont l’ambition de moderniser et de clarifier le droit.

Selon nous, cela passe par consacrer par écrit, des situations d’origines jurisprudentielles et

doctrinales.

Il a tout lieu de penser, que si ce projet venait à aboutir, la jurisprudence conserverait sa position

actuelle et exclurait cette exécution forcée en cas de contrats à

65 Une nouvelle rhapsodie doctrinale pour une réforme du droit des contrats. Recueil Dalloz / Denis Mazeaud —

D. 2009. 1364 — 14 mai 2009

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253. D’autre part, l’article innove en faisant émerger une autre exception à l’exécution en

nature.

S’il passe sous silence la notion d’intuitu personae il introduit un tempérament, jusque-là ni

consacré ni même envisagé dans la pratique concernant l’exécution forcée en nature.

En effet le texte prévoit que l’exécution en nature doit être privilégiée, si elle est possible, mais

aussi si son coût n’est pas « manifestement disproportionné » et que les conséquences de

l’inexécution sont « suffisamment graves pour le créancier ».

254. A la lecture de cet article, on peut légitimement en déduire que l’exécution forcée en nature

est subordonnée à 3 conditions : la possibilité de l’exécution, un coût raisonnable et la nécessité

que l’inexécution aient des conséquences graves pour le créancier. Il est difficile de savoir pourquoi le projet a voulu introduire ces deux « conditions »

supplémentaires, nouvelles, et exclure celle existante et sujet à controverse depuis toujours.

L’exception semble plus se rapporter à l’économie du contrat plutôt qu’à la personne du contrat. Par cette position, le projet Terré aborde le contrat d’un point de vue plus attaché à l’économie

qu’à la personne au centre du contrat.

255. Cette vision n’est pas sans rappeler celle du droit anglais, très attaché à cette notion

d’économie du contrat ou encore la position des principes Lando, telle qu’elle sera vue plus

tard.

Cette approche a animé les débats et a été sujet à controverse66. Les auteurs ont critiqué cette

approche économique et ont regretté que l’économie prenne le pas sur le respect de

l’engagement du débiteur tel qu’il fixé dans le contrat.

Or l’engagement du débiteur est la base du contrat.

256. La vision du projet Terré de cette exécution en nature pose question, et il nous semble,

n’atteint pas l’objectif que doit atteindre le projet.

66 P. Ancel et alii, eod.loc., sp. n°12, qui détectent dans cette exception « l’entrée en force dans le droit français

d’une logique d’efficacité économique du droit

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53

L’ambition de ce dernier, s’il est de réformer le droit des obligations, a pour objet, globalement,

de consacrer la pratique actuelle et d’apporter une certaine lisibilité de ce droit, parfois en

décalage avec ce que prévoit le code civil.

257. S’il peut et doit en sus apporter des aménagements et introduire des notions nouvelles en

adéquation avec la pratique concrète du droit, il ne peut renier les fondamentaux de ce qu’est

historiquement le droit français.

Il est inopportun d’engager un revirement à 180° en plaçant l’aspect économique devant

l’aspect « moral » du contrat. Certes, cet aspect apparait dans le cadre l’exécution forcée en nature et n’est pas le reflet de la

philosophie générale du projet. Toutefois, il dénote de la part des rédacteurs de ce projet la

volonté d’aller au-delà d’une simple adéquation du projet avec le droit positif.

Il veut aller plus loin, trop loin ???

Cet engagement, qui va au-delà de ce qu’on pouvait attendre, s’est déjà fait remarquer dans

l’étude des notions de force majeure et d’exception d’inexécution.

Le projet Terré confirme sa volonté presque de « rupture » avec le droit positif actuel.

C. Le projet de la Chancellerie

258. L’exécution forcée en nature est évidemment envisagée.

Elle est avant tout citée comme l’un des remèdes à l’inexécution dans l’article 125 du projet,

déjà mentionné : « la partie en vers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été

imparfaitement peut […] poursuivre l’exécution forcée en nature de l’engagement ».

259. Ensuite, deux articles s’attardent sur la notion.

L’article 129 prévoit que « le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en

poursuivre l’exécution en nature, sauf si cette exécution est impossible ou si son cout est

manifestement déraisonnable ».

L’article 130 quant à lui énonce que « Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un

délai et un coût raisonnable, faire exécuter lui-même l’obligation ou faire détruire ce qui a été

fait en violation de celle-ci. Il peut en demander le remboursement au débiteur ».

Ou pour exécuter l’obligation il peut saisir le juge pour qu’il oblige le débiteur à avancer les

fonds.

Cet article confirme le droit positif actuel.

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260. Il en est de tout autre de l’interprétation de l’article 129.

Sur ce dernier, le projet de la Chancellerie adopte une position très proche de celle du projet

Terré à plusieurs titres. D’une part, l’exécution en nature n’est pas mise en avant par rapport aux autres remèdes.

Elle fait partie du choix proposé par l’article 125.

L’article 129 corrobore cette position d’égalité avec les autres réponses à l’inexécution en

réitérant que le créancier lors de l’inexécution d’une obligation « peut » choisir l’exécution en

nature.

C’est une position analogue au projet Terré.

Le projet de la Chancellerie n’aborde pas l’exécution forcée avec la même vision que celle du

droit positif actuel.

261. D’autre part, le projet gouvernemental évoque lui aussi l’aspect économique du contrat

plus que celui de l’intuitu personae.

Il exclut la possibilité de mettre en œuvre l’exécution forcée en nature lorsque son « cout est

manifestement déraisonnable ».

Aussi, dans cette vision, l’exécution en nature est subordonnée à la réalité économique et non

à l’engagement initial des parties, ciment du contrat.

Le même scepticisme qu’envers le projet Terré a été formulé.

262. Le projet Catala a clarifié le droit positif en consacrant l’exécution en nature comme le

moyen privilégié face à l’inexécution. Il a aussi consacré son exception, celle relative à l’intuitu

personae, qui a tant fait l’objet d’appréciation et qui, est à l’origine des réflexions doctrinales

et jurisprudentielles sur la place de l’exécution forcée.

Les exceptions, aujourd’hui transcrites par les articles 1143, 1144, 1184 et l’astreinte forment

aujourd’hui le principe et l’article 1142, érigé comme règle prioritaire par le code civil est, dans

ce projet, une solution bien secondaire.

Ce projet a aussi dissipé tout soupçon sur la possibilité d’un choix alternatif pour le

cocontractant, entre exécution en nature et dommages et intérêts.

Le projet Catala a ainsi adopté une position prévisible mais opportune et désirée.

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263. Il en est tout autre des projets Terré et de Chancellerie qui ont voulu se « démarquer » du

droit positif. Ils se sont, semblent-ils, laissés tenter par la philosophie des droits européens, tel

que le droit anglais et les principes Lando pour réformer cette notion de l‘exécution forcée en

nature.

264. L’économie du contrat remplace la parole donnée sacralisée par le contrat. Finalement peu

importe la volonté, la parole donnée, support du contrat, seul l’aspect économique doit être pris

en compte pour pouvoir exiger l’exécution forcée ?!... Dans le cadre de l’exécution forcée en nature, les deux projets semblent renier les fondamentaux

du droit français, qui a toujours fait primer la parole donné, l’engagement effectif de chaque

partie sur l’aspect économique.

Vouloir réformer le droit des obligations est une nécessité. Nous ne pouvons aujourd’hui

conserver des principes mis en place en 1804 et immuables jusque-là.

Mais à l’inverse les projets ne doivent pas dénaturer le droit français mais le faire évoluer. Et sur cette question de l’exécution forcée, les projets Terré et de la Chancellerie ont pris une

direction contestable au regard de notre droit.

Paragraphe 2 Les droits européens

I) Le droit allemand

266. L’exécution forcée en nature est une notion connue du droit germanique.

Le paragraphe 241 du BGB l’envisage comme tel : « En vertu de l’obligation, le créancier a le

droit d’exiger du débiteur une prestation. La prestation peut également consister en une

abstention67 ». Le texte est assez général et évoque aussi bien l’attente légitime que peut avoir le créancier lors

de la conclusion du contrat, que le droit du créancier lors de l’inexécution de ladite obligation.

Les auteurs allemands ont adopté cette interprétation du texte qui leur permet de consacrer un

droit à l’exécution forcée en nature.

67 Le contrat en droit allemand, Michel Pedamon, LGDJ, 2ème Ed, 2004

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267. L’exécution du contrat prime sur la demande de dommages et intérêts.

Mais le droit allemand va au-delà. En effet le créancier face à une inexécution d’une obligation

est contraint de laisser une chance au débiteur d’exécuter sa prestation en lui octroyant un délai.

Le co-contractant doit laisser une chance au débiteur de s’exécuter.

Ce n’est qu’en cas de défaillance définitive de ce dernier que le créancier pourra demander des

dommages et intérêts ou résoudre le contrat68. Passé un certain retard dans l’exécution malgré

la mise en demeure, l’inexécution est considérée comme effective.

268. La portée de ce principe est encore plus grande.

En effet, le créancier doit mettre en œuvre, systématiquement, l’exécution en nature face à la

défaillance du débiteur et il ne peut y échapper en saisissant le juge.

Ce dernier est lié par ce principe et ne peut rendre une décision dans laquelle il substituerait

l’allocation de dommages et intérêts à une exécution en nature.

L’exécution en nature est de droit.

269. Le droit allemand a donc une approche de la notion d’exécution forcée en nature voisine

de l’approche française.

Elle a consacré textuellement ce qui n’est encore en France que jurisprudentiel et doctrinal,

l’exécution forcée en nature comme moyen privilégié contre l’inexécution.

II) Le droit anglais

270. Le droit anglais connaît une notion, l’equity. Celle-ci correspond à l’ensemble des règles

introduites et appliquées par la juridiction de la Chancellerie et cela depuis la fin du XIVème

siècle afin de compléter, voire suppléer, le système de la Common law.

271. Les règles de l’equity, basées sur le principe de justice et d’équité, constituaient un système

parallèle au Common law.

A la fin du XIXème siècle la Common law et l’equity ont « fusionné ».

De cette equity va se développer la notion d’exécution en nature69.

68 Bénédicte Doubliez, Licenciée en droit, Berlin-Paris. 69 Le droit anglo-américain des contrats, Edward ERRANTE, LGDJ Jupiter. 2001

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Comme il sera vu ultérieurement, les règles de Common law ont pour tradition de sanctionner

l’inexécution par des dommages et intérêts.

C’est seulement dans les situations où ce remède ne peut être une réponse que la règle de

l’equity intervient.

272. Le droit anglais encadre strictement l’application.

Il y a d’une part les situations qui ouvrent droit à ce recours de par l’objet même du contrat.

C’est le cas notamment des contrats qui concernent les corps certains. Ces derniers ne sont pas

remplaçables par une chose de genre mais sont des pièces, des objets uniques tels qu’une œuvre

d’art, une pièce de collection, une antiquité ou encore un objet qui a une valeur sentimentale.

Il en est de même pour les biens immeubles, qui ne peuvent être remplacés par un autre.

Ainsi les dommages et intérêts ne peuvent permettre de trouver le dit objet par substitution.

L’exécution en nature est ici une nécessité.

273. Il y a d’autre part les situations dans lesquelles le créancier qui a subi l’inexécution ne peut

convenablement évaluer le montant de son préjudice. Par conséquent il est difficile d’allouer

des dommages et intérêts.

Nous avons évoqué ci-dessus un arrêt rendu par les juridictions anglaises, celui qui a introduit

et consacré la notion de frustration est l’arrêt « Taylor v. Caldwell » de 186370

En l’espèce, Caldwell est propriétaire d’un music-hall et le loue à Taylor qui souhaite y donner

un spectacle. Mais un incendie, accidentel, intervient avant que n’ait eu lieu ce dernier.

L’indemnisation avait été refusée pour « force majeure ».

274. Mais si nous adaptons l’espèce. Monsieur Caldwell, propriétaire, loue un music-hall à

Monsieur Taylor.

Ce dernier investit de l’argent pour l’organisation, pour mettre en place la vente des billets, de

différents montants selon le placement…

Monsieur Caldwell n’exécute pas le contrat et refuse de mettre à disposition le music-hall.

Dans ce cas, difficile pour Monsieur Taylor de fixer son préjudice. Certes, il peut chiffrer le

70 Le droit anglo-américain des contrats, Edward ERRANTE, LGDJ Jupiter. 2001

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coût de l’organisation, mais il ne peut estimer le nombre de billets qui auraient été vendus sur

l’ensemble des semaines ni à quel tarif…

Dans ce cas, l’exécution forcée en nature est la seule possibilité.

Certes Monsieur Taylor aura un préjudice relatif aux représentations qu’il n’aura pu organiser

mais les futures seront données.

275. Il faut préciser que les tribunaux sont réticents à appliquer l’equity pour les contrats à

exécution successive quand bien même ils rempliraient l’ensemble des conditions qui seront

vues ici.

276. Mais au-delà de l’objet même du contrat qui détermine s’il peut y avoir un recours en

equity, d’autres conditions sont exigées.

Il y a tout d’abord un premier principe, le plus important il me semble, c’est que ce recours est

un recours discrétionnaire.

Les parties n’ont donc pas de droit un recours à l’equity, c’est le juge qui décide si oui ou non

il souhaite en faire bénéficier les parties.

Sur ce point, le droit anglais est à l’opposé des législations françaises et allemandes pour

lesquelles le recours à l’exécution forcée en nature est de droit.

277. Ensuite, le droit anglais exige que la personne sollicitant le recours en equity soit de bonne

foi.

Prenons un exemple. Deux personnes signent un contrat de vente d’un bien immobilier.

L’acheteur refuse finalement d’acheter le bien. Le vendeur requiert le recours à l’equity, à juste

titre par principe. Mais si l’acheteur prouve que le vendeur lui a tu l’existence de vices cachés, la Cour va

considérer que le vendeur a fait preuve de mauvaise foi.

Si le droit anglais n’impose pas que le vendeur fournisse de telles informations, les tribunaux

considèrent que la mise en œuvre de l’action en vue de faire appliquer l’equity alors que ce

dernier n’a pas eu un comportement moral envers son acheteur ne saurait aboutir.

278. Enfin, le droit anglais exige que la personne qui demande l’application de l’equity ait fait

preuve de diligences. En effet le recours ne pourra être envisageable que si la personne n’attend

pas un délai déraisonnable, appelé laches, pour le demander.

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59

La théorie de laches repose sur un principe, celui que l’equity ne peut être accordée à celui qui

abuse de ses droits et notamment en les évoquant à retardement pour obtenir quelque chose.

Le « sommeil » du créancier a pu causer un préjudice au débiteur et ce dernier ne saurait être

puni pour ce préjudice en subissant l’equity.

279. Le droit anglais a fait une place à l’exécution forcée en nature, l’equity dans son droit.

Toutefois, cette equity demeure l’exception. Le droit anglais lui a toujours préféré, lui préfère

et lui préfèrera toujours l’attribution de dommages et intérêts.

Si elle trouve sa place aujourd’hui du fait du « système des précédents », elle ne sera appliquée,

de façon discrétionnaire par les juges, simplement lorsque l’attribution de dommages et intérêts

serait une solution inappropriée.

280. Une position en adéquation avec la philosophie du droit anglais qui s’attache

essentiellement à l’aspect économique du contrat. Aussi, alors que le droit français et allemand érigent l’exécution forcée en nature comme

principe, le droit anglais considère l’equity comme un palliatif aux dommages et intérêts71.

III) Les projets de réforme européens

A. Les principes Lando

281. L’exécution forcée en nature est connue. Les principes l’abordent en deux temps ; lorsque

c’est une somme d’argent qui est en cause ou si c’est une obligation autre.

Deux textes ont donc été rédigés, 9 :101 et 9 :10272.

1. La dette de somme d’argent

282. L’article 9 :101 prévoit que « le créancier a droit d’obtenir paiement d’une dette de somme

d’argent ».

L’article expose ici plus le reflet de l’effet obligatoire du contrat plus que de l’exécution forcée

en nature spécifiquement.

71 Revue de droit Henri Capitant, 30/12/2011, G.Viney. 72 Principes contractuels communs, société de législation comparée, 2008.

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60

283. Le (2) de l’article est plus intéressant. Il énonce que « lorsque le créancier n’a pas encore

exécuté sa propre obligation et qu’il est manifeste que le débiteur n’acceptera pas de la recevoir,

le créancier peut néanmoins passer à l’exécution et obtenir paiement de toute somme exigible

en vertu du contrat ».

284. La notion d’exécution forcée est envisagée plus clairement.

Toutefois, elle est subordonnée à l’attitude du créancier et du débiteur.

En effet, si le débiteur n’est plus intéressé par l’exécution de la prestation par le créancier tel

que prévu par le contrat, ce dernier sera tenu de la rémunérer tout de même si le créancier

l’effectue malgré le vœu exprimé par le débiteur.

Peu importe que le débiteur ne veuille plus de la prestation. Le contrat a figé la volonté des

parties, et si le créancier exécute son obligation il est en droit de demander sa rémunération. L’article prévoit tout de même des tempéraments qui traduisent une volonté de prendre en

compte la « nouvelle volonté » du débiteur.

285. Le (a) énonce que le créancier, s’il avait la possibilité d’effectuer une prestation de

remplacement sans désavantages pour lui, alors il ne peut exiger la somme du débiteur.

Le (b) quant à lui prévoit que si l’exécution du créancier en cause était déraisonnable au vu de

la situation, il ne pourra pas demander paiement de la somme.

286. Le (2) de l’article reflète une position qui semble à la fois souhaitable et critiquable.

Souhaitable car il protège le principe fondamental de la force obligatoire du contrat. Le débiteur

s’est engagé par contrat à recevoir une prestation contre laquelle il donnera paiement.

Il semblerait contestable que ce dernier puisse renoncer à recevoir sa prestation et donc, en

conséquence, ne pas payer le créancier.

Une telle attitude contreviendrait à la force obligatoire du contrat et surtout pénaliserait le

créancier.

En ce sens, la position des principes est opportune.

287. Mais à l’inverse, on peut critiquer l’article en ce qu’il admet à demi-mots la mauvaise foi

du débiteur.

Ce dernier, conscient de la volonté exprimée par le débiteur, exécute tout de même sa prestation

afin de recevoir l’argent tel qu’escompté au départ.

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61

Si, de droit, il peut légitimement exécuter sa prestation et en recevoir paiement, une certaine

mauvaise foi n’est pas à exclure au vu de la position adoptée par le créancier. Il est donc difficile de donner un avis tranché sur l’opportunité ou non de ce texte, d’autant que

cette position n’est pas rencontrée dans les autres droits étudiés.

288. D’une manière générale, il est difficile d’interpréter cet article vis-à-vis notamment des

droits européens, qui n’ont pas différencié l’obligation de payer une somme d’argent avec celles

de faire, de ne pas faire ou de donner.

2. Les obligations autres que celle de payer une somme d’argent.

289. C’est l’article 9 :102 qui les traitent.

Le (1) énonce avec clarté et fermeté le principe selon lequel « le créancier d’une obligation

autre que de somme d’argent a droit d’exiger l’exécution en nature, y compris la correction

d’une exécution défectueuse ».

Le créancier, face à une inexécution est légitime à demander l’exécution forcée en nature.

Toutefois, cela demeure un droit et n’est pas énoncé comme étant le moyen que doit privilégier

le créancier.

L’exécution forcée en nature comme solution de principe n’est pas consacrée. D’autant plus qu’un certain nombre de tempérament sont prévus.

290. Cette exécution en nature ne peut être exigée par le créancier lorsque :

-l’exécution est impossible ou illicite,

-l’exécution comporte pour le débiteur des efforts ou des dépenses déraisonnables,

-la prestation due présente un caractère très personnel ou dépend de relations personnelles,

-le créancier peut raisonnablement obtenir l’exécution par un autre moyen.

291. On retrouve dans les principes Lando l’ensemble des tempéraments vus dans les différents

droits européens. Evidemment, l’exécution doit être possible matériellement et juridiquement. Une fois

l’exécution théoriquement réalisable, des exceptions sont envisagées en second lieu.

292. Les principes Lando partagent la conception des projets Terré et de la Chancellerie ainsi

que celle du droit anglais en s’attachant à prendre en compte le coût de l’exécution.

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62

Le caractère économique du contrat est un élément qui exclut l’exécution par le débiteur,

prenant ainsi le pas sur l’importance de la « parole » donnée lors de la conclusion du contrat et

quelque part, toujours, sur la force obligatoire du contrat.

293. Et à l’instar des autres textes qui mettent aussi en exergue la notion de caractère

économique dans le cadre de l’exécution forcée en nature, il est difficile d’en déterminer les

contours.

Il nous semble que ce concept de caractère économique du contrat, nonobstant le fait qu’il porte

atteinte à un des fondamentaux du contrat que constitue la force obligatoire, est assez flou.

A partir de quels moments considère-t-on que le débiteur doit fournir un effort déraisonnable

ou que le coût le devient ?

Par rapport à quels éléments faut-il apprécier l’effort et le coût ? Comment définir le champ du

déraisonnable ?

L’ensemble de ces questions sans réponse renforce l’appréhension légitime qu’il peut y avoir

de prendre en considération l’aspect économique plus que moral du contrat.

294. A l’inverse, certains auteurs voient dans cette exception une position respectueuse d’un

autre principe essentiel inhérent au contrat, celui de la bonne foi.

En effet le coût disproportionné de l’exécution au moment de cette dernière, qui ne l’était pas

au jour de la conclusion du contrat, ne devrait pas permettre au créancier d’exiger le respect du

contrat73.

295. Les principes Lando se rapprochent de la conception anglaise de l’exécution forcée. Selon nous, la considération économique du contrat est une appréhension de l’exécution forcée

en nature très contestable. Elle ne devrait servir de base pour déterminer si oui ou non

l’exécution en nature doit se réaliser.

Avant tout, la force obligatoire du contrat et la valeur de la parole donnée doivent primer.

73 Principes contractuels communs, société de législation comparée, 2008.

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296. Les principes évoquent toute de même l’exception retenue par le droit positif français,

celle qui consiste à exclure l’exécution forcée en nature pout toutes les obligations ayant un

caractère éminemment personnel. C’est une satisfaction.

Le texte va plus loin en parlant aussi d’obligations dépendant de relations personnelles pour

exclure la possibilité d’une exécution en nature. En pratique, la notion est assez obscure et les

illustrations sont inexistantes.

297. Il faut aussi noter que les principes Lando excluent la possibilité pour le créancier d’exiger

l’exécution forcée en nature par le débiteur dès lors que le créancier peut en obtenir la réalisation

de la prestation par un autre moyen.

Là encore, la lecture de cette disposition est dépourvue d’ambiguïté.

Les principes se focalisent ici sur l’obligation en tant que telle mais le contrat en lui-même est

presque renié. Sont complètement écartés les concepts de force obligatoire et de respect de la

parole des parties.

Un autre regret que nous pouvons avoir nous semble-t-il.

298. L’article prévoit, in fine, que le créancier ne peut demander l’exécution forcée en nature

s’il la sollicite après un délai jugé déraisonnable une fois l’inexécution connue ou dès lors qu’il

était censé en avoir connaissance. Cette exigence de délai est notamment une condition exigée

pour que l’equity soit accordée au créancier.

Sur le fond, la condition est pertinente. Le créancier doit faire preuve de diligence et ne pas

punir le débiteur fautif plus que de droit.

Nous pouvons toutefois regretter d’une part le flou entourant le terme « raisonnable » et celui

inhérent la formule « à partir du moment où […] il aurait dû avoir, connaissance de

l’inexécution ».

Si l’article venait à trouver une réalité pratique, les difficultés d’appréciation et d’interprétation

seraient ici encore importantes.

299. Quand on porte un regard général sur ce texte, il apparait clairement que les principes

Lando adoptent une position anglo-saxonne plus que française.

300. A notre sens, la position des principes est contestable. Outre l’emprise de la vision

économique du contrat, les termes vagues de coût, d’efforts, de délais… prêteront à des

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difficultés d’appréciation par les juges et donc des positions différentes entre les juridictions

internes mais aussi entre les juridictions internationales.

Ces principes, dont la volonté est de trouver un écho unique à l’échelle européenne, sont alors

sans effets s’ils ne cadrent pas suffisamment la notion imposant ainsi une seule interprétation

possible.

B. Le code Gandolfi

301 Un article principal évoque l’exécution forcée en nature, l’article 11174.

Ce dernier dispose dans son 1er alinéa que le créancier a le droit d’obtenir l’exécution de

l’obligation, ou son complément, sous forme spécifique, si cela est objectivement possible, et

ce, sous réserve de l’attribution de dommages et intérêts, au débiteur.

L’importance de l’inexécution est sans effet sur la possibilité offerte au créancier.

302. L’article détaille alors les conséquences de cette exécution en nature selon la nature de

l’obligation. Cela peut aller de l’obligation d’exécuter l’obligation dans une obligation de faire

à celle de détruire ce qui a été accompli dans le cadre d’une obligation de ne pas faire.

303. Mais le texte va plus loin en évoquant clairement la possibilité pour le juge de prononcer

une astreinte en complément pour contraindre plus efficacement le débiteur à exécuter sa

prestation sous la forme demandé par le créancier.

L’astreinte, absente des principes Lando, est consacrée par le code Gandolfi. Mais cela

s’explique aisément. Le code Gandolfi n’évoque pas d’exceptions précises au principe de l’exécution en nature, si

ce n’est qu’elle doit être réalisable objectivement.

Il n’y est pas évoqué le caractère personnel ou non de l’obligation, ni son coût, ni sa possible

réalisation par un tiers…

304. Le code Gandolfi consacre la primauté du contrat conclu qui doit trouver exécution. Aussi

il est naturel d’obliger le débiteur à s’y soumettre sans émettre des réserves dans cette exécution.

L’astreinte renforce la valeur et la primauté de l’exécution forcée.

74 Code européen des contrats, Académie des privatistes européens, Milano - Dott ; A Giuffrè Editoire - 2004

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305. Selon nous le droit français est celui qui aborde de la manière la plus juste le contrat. Il

est un acte juridique qui doit avoir et garder son caractère sacré et cela passe par le respect de

ses fondamentaux, tels que la force obligatoire, l’importance de la parole donnée, l’exécution

de bonne foi. L’approche anglaise plus éloignée de cette conception a séduit les principes Lando.

Le code Gandolfi nous séduit lui pour son penchant très civiliste et il nous semble plus

approprié.

306. Le droit positif français considère aujourd’hui l’exécution forcée en nature comme le

remède principal à l’inexécution, s’éloignant ainsi des dispositions du code civil de 1804.

Le projet Catala, a consacré très justement cette pratique actuelle.

307. Les projets Terré et de la Chancellerie ont choisi une position différente et, il nous semble,

trop radicale en soumettant l’exécution en nature au caractère économique du contrat.

Si telle est la position du droit anglais, logique et dans la philosophie de la Common law, cette

position des projets de réforme français est contestable.

Elle est inconcevable selon nous avec l’histoire et la culture du droit français des obligations en

faisant primer l’aspect économique à la force obligatoire du contrat et à la valeur de la parole

donnée.

308. Les projets de réforme européens n’adoptent pas une position uniforme.

Si les principes Lando ont une vision anglo-saxonne et économique de l’exécution en nature, le

Code Gandolfi consacre cette exécution, rendant au contrat le respect qu’il doit lui être accordé

à notre avis.

Section 2 La résolution du contrat

309. Lorsque le débiteur n’exécute pas son obligation telle que prévue par le contrat, le créancier

a le choix de demander au débiteur d’honorer son engagement ou encore de demander des

dommages et intérêts.

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310. Mais il peut aussi, face à cette violation du contrat, vouloir mettre fin à la relation

contractuelle qui le lie avec le débiteur défaillant. C’est la troisième possibilité offerte au

créancier.

La fin de celle-ci entraine donc l’extinction du contrat, qui peut intervenir de différentes façons

bien qu’identique dans le principe.

On parle aussi bien de résolution que de clause résolutoire ou encore de résiliation

principalement.

Ces modes d’extinction du contrat peuvent être d’origine contractuelle, légale ou judiciaire.

Les différents droits européens connaissent ce mécanisme tout en l’abordant différemment

selon la culture juridique en vigueur.

311. Toutefois une harmonie européenne tend à se dégager. Il faut à ce moment de l’étude préciser les notions de résolution et résiliation. Les deux mettent

fin au contrat, seulement les effets de l’extinction du contrat diffèrent.

312. La résiliation éteint le contrat pour l’avenir. Ses effets ne trouvent écho que pour la période

postérieure à la rupture.

Elle concerne essentiellement les contrats dits à « exécution successive », tels que le contrat de

travail, le contrat de bail… La résolution, quant à elle, a un effet rétroactif. C’est-à-dire que ses effets impactent l’avenir,

puisque le contrat est rompu mais a aussi une incidence sur la période antérieure à la rupture du

contrat.

Elle a un effet « rétroactif » qui bien souvent a pour objet de remettre les parties dans la situation

dans laquelle elles se trouvaient avant de conclure.

313. Aussi il est aisé de comprendre que la résolution ne peut s’appliquer aux contrats à

exécution successive.

Pour prendre l’exemple du contrat de travail, l’employé ne peut redonner à l’employeur tous

ses salaires ou encore revenir sur tout le travail qu’il a exécuté pour l’employeur. On parle donc de résiliation quand la rupture ne joue que pour l’avenir et de résolution quand

la rupture entraîne des effets rétroactifs.

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De manière générale quand on évoque la rupture de contrat on parle de résolution, mais il faut

voir derrière ce terme la notion aussi présente de résiliation.

• A noter que la résiliation peut intervenir pour d’autre raison que l’inexécution d’une

obligation au contraire de la résolution. Cette possibilité ne sera pas abordée ici.

Paragraphe 1 En droit français

I) La législation actuellement en vigueur

314. On parle en droit français de résolution judiciaire avec, ou non, une condition résolutoire,

de clause résolutoire ou encore de résiliation. Les notions sont proches et ont comme effet

commun et principal d’éteindre le contrat.

Par principe, la violation d’un contrat par l’inexécution d’une obligation peut donner droit au

créancier de demander l’extinction de ce dernier.

Toutefois, en pratique, tel n’est pas systématiquement le cas comme l’étude tendra à le montrer.

La nature de l’obligation et de l’inexécution va déterminer la possibilité ou non de mettre fin

au contrat.

A. La résolution judicaire

315. L’article 1183 du code civil aborde la résolution sous l’angle de la condition résolutoire.

En effet il énonce que « la condition résolutoire est celle qui, lorsqu’elle s’accomplit, opère la

révocation de l’obligation, et qui remet les choses au même état que si l’obligation n’avais pas

existé ». L’article 1184 précise que cette condition est toujours implicite dans les contrats

synallagmatiques dans le cas où une partie ne respecterait pas son engagement.

316. Mais cette condition sous-entendue n’entraîne pas la résolution de plein droit, comme

l’énonce le second alinéa.

En effet, face à l’inexécution, le créancier peut choisir l’exécution forcée ou encore demander

des dommages et intérêts.

La demande de résolution doit donc être demandée en justice.

On parle donc de résolution judiciaire.

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• Il faut noter que les articles que si l’article 1184 prévoit la condition résolutoire dans les

contrats synallagmatiques, en pratique, cette condition peut s’étendre à d’autres conventions,

telles que les donations ou à l’inverse se voir exclure pour certains contrats synallagmatiques

tels que par exemple le contrat de travail des salariés protégés75.

1. Les conditions de fond

a) La Nécessité d’une inexécution par le débiteur

317. La résolution ne peut être envisageable qu’en cas d’inexécution d’une obligation par le

débiteur.

Mais l’inexécution n’a pas nécessairement à être fautive. Si le débiteur est défaillant suite à un

cas de force majeure, le créancier est donc libéré et la résolution intervient.

Toutefois, à l’instar de l’inexécution fautive du débiteur, il doit demander la résolution

judiciaire. Elle n’est pas de plein droit76 .

Si l’inexécution et la faute du débiteur sont nécessaires pour pouvoir mettre en jeu la résolution

judicaire, l’existence d’un préjudice n’est pas exigée77.

b) La Nécessité d’une certaine gravité de l’inexécution

318. Une simple inexécution ne suffit pas.

En effet, comme évoqué ci-dessus, l’importance de l’inexécution en rapport avec la nature de

l’obligation est prise en considération.

Il ne peut s’agir que d’une inexécution grave.

319. Comment interpréter cette notion de gravité ? Il est possible d’envisager la gravité par rapport à la nature de l’obligation.

Ainsi, l’inexécution serait grave lorsqu’elle concernerait une obligation principale, essentielle

du contrat.

Et, à l’inverse, l’inexécution d’une obligation secondaire ne pourrait justifier une résolution.

75 Les obligations, Malaurie, Aynes, Stoffel-Munck, Ed Défresnois 2009 76 Précis Dalloz, Terré, Simler, Lequette, 10ème édition. 77 Civ, 3ème, 5 février 1971, bull civ III, n°90, p65.

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Mais il est aussi possible d’envisager l’inexécution sous l’angle de son ampleur.

Ainsi, si l’inexécution est totale, le manquement est assez grave pour justifier une résolution,

quand bien même l’obligation serait secondaire. Il est alors possible de combiner ces deux approches.

320. L’inexécution d’une obligation principale pourrait entrainer une résolution quand bien

même l’inexécution serait partielle au vu du caractère principal de l’obligation78.

A l’inverse, si l’inexécution atteint simplement une obligation secondaire mais que

l’inexécution est totale, la résolution serait aussi envisageable. Le juge va avoir un rôle important dans l’appréciation de l’inexécution et de la nature de

l’obligation.

Si l’inexécution est totale, il n’y aura pas de difficulté.

321. Il en est autrement lorsqu’on se trouve dans les situations exposée ci-dessus, c’est-à-dire

si l’inexécution n’est que partielle ou que l’obligation concernée est secondaire.

Le juge se pose alors la question : l’inexécution a entraîné une dégradation du lien contractuel,

à partir de là, le créancier aurait-il contracté si cette dégradation était prévisible?

Il vérifie si la prestation inexécutée était la cause de l’obligation du créancier79.

322. Cette dernière affirmation pose néanmoins question. En effet il est possible de résoudre le

contrat si l’obligation est secondaire mais que l’inexécution a été totale.

Or l’obligation secondaire n’est pas l’obligation principale du contrat qui a incité les parties à

contracter.

L’obligation secondaire n’est pas la cause de l’obligation principale du créancier….

323. Le juge au-delà de la prise en compte de l’altération du lien contractuel peut aussi prendre

en considération les circonstances économiques. Le pouvoir d’appréciation du juge sur l’ampleur de l’inexécution et sur la nature de l’obligation

concernée est déterminant et laisse un pouvoir important au juge.

78 Cass Com, 2 juillet 1996, Bull civ IV, n°198 79 Précis Dalloz, Terré, Simler, Lequette, 10ème édition, 2009

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70

Ce pouvoir d’appréciation du juge est source d’incertitude pour le créancier, qui peut avoir une

interprétation différente et qui voit le côté concret de l’inexécution et de ses conséquences.

Aussi peut-il craindre la hauteur du juge pour l’appréciation.

324. C’est donc très opportunément, selon nous et de l’avis de l’ensemble de la communauté

juridique, que la pratique a développé la résiliation unilatérale extra-judiciaire, qui sera étudiée

plus loin.

325. La doctrine, la loi et la jurisprudence abordent la résolution différemment.

Pour la majorité de la doctrine la résolution est liée à l’inexécution fautive du débiteur.

Plus rares sont les auteurs qui voient la résolution comme une modalité de la responsabilité

contractuelle.

La loi et la jurisprudence l’envisagent autrement. Ils examinent le contrat et se demandent s’il

peut se poursuivre ou non dans des conditions semblables à celles qui étaient prévues dans le

contrat80.

326. La faute que constitue l’inexécution est comparée avec le dommage résultant. Le dommage

qui se traduit sur l’opportunité ou non de poursuivre le contrat dans de bonnes conditions.

2. La résolution, simple option pour le créancier

327. Le créancier n’a évidemment pas l’obligation de faire jouer la résolution.

Et cela est appuyé par le code civil qui énonce que même si une condition résolutoire est sous-

entendue dans chaque synallagmatiques, la résolution n’est pas de plein droit.

Le créancier peut choisir entre les trois options qui lui sont offertes. L’inexécution n’entraîne pas de facto la résolution judicaire. Elle doit être demandée en justice.

Seul le créancier a le pouvoir de la demander.

328. Le fait que la résolution doive passer par une décision judiciaire la rend plus aléatoire.

Le juge va avant tout vérifier que les conditions relatives à l’inexécution sont réunies c’est-à-

dire apprécier la gravité du manquement.

En effet, le juge a un pouvoir discrétionnaire et a plusieurs possibilités :

80 Les obligations, Malaurie, Aynes, Stoffel-Munck, Ed Défresnois 2009

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71

-il peut accorder un délai au débiteur pour exécuter son obligation. Le gros désavantage pour le

créancier est donc la lenteur de la procédure qui l’oblige à attendre une prestation, qu’au final,

il n’obtiendra peut-être pas.

-il juge si l’inexécution est assez grave pour justifier la résolution. La gravité étant appréciée

différemment comme nous l’avons vu un peu plus tôt.

-il peut évidemment prononcer la résolution et même l’assortir d’une condamnation

complémentaire qui est généralement l’octroi de dommages et intérêts. La résolution judiciaire présente un caractère aléatoire pour le créancier qui ne sait à l’avance

comment le juge va statuer.

329. Aussi, un mouvement s’est développé, critiquant ce recours nécessaire au juge.

La doctrine majoritaire estime que le droit français devrait reconnaitre au créancier le droit de

résoudre le contrat sans l’intervention du juge.

Le risque d’abus de cette possibilité de résoudre le contrat par sa seule décision, serait

immédiatement tempéré par la possibilité offerte au débiteur de contester cette résolution devant

le juge. Ce dernier serait un rempart contre l’abus.

Le créancier ne serait pas ainsi totalement libre dans sa décision de résoudre la convention.

3. Les effets de la résolution

330. L’effet principal de la résolution est, comme son nom l’indique, de mettre fin au contrat et

donc à la relation contractuelle.

331. L’effet secondaire mais finalement presque aussi important est la rétroactivité de la

résolution.

Cette dernière est censée remettre les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient

avant de contracter.

Si le contrat n’avait pas encore été exécuté alors le contrat est anéanti. Le contrat ne produira

aucun effet, seules certaines clauses auront encore vocation à s’appliquer, celles dont l’objet

même est l’inexécution. C’est notamment le cas de la clause pénale qui sera étudiée plus loin.

332. La rétroactivité peut parfois être difficile à réaliser. Imaginons la vente d’une chose.

Le vendeur a livré la chose chez l’acheteur. Ce dernier ne règle pas le prix convenu. Le vendeur,

créancier, décide de résoudre le contrat et demande la restitution de la chose.

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72

Or, l’acheteur, qui en avait pris possession l’a déjà revendue. La restitution est impossible.

333. Dans le cadre de notre exemple, la résolution de la vente opère un effet rétroactif, c’est-à-

dire que les actes de dispositions faits par l’acquéreur sur la chose objet de la vente sont annulés.

Le contrat résolu est réputé ne jamais avoir existé.

Si l’on appliquait strictement l’effet rétroactif, cela signifierait, en pratique, que si l’acheteur a

revendu la chose, la revente est annulée et ainsi le tiers acquéreur devrait restituer la chose au

débiteur qui devrait ensuite la restituer au créancier.

Cela créerait une insécurité pour le tiers.

En cela, l’effet rétroactif ne peut trouver application systématiquement.

334. C’est ainsi qu’a été mis en place une protection du tiers, qui ne peut se voir retirer la chose

acquise en raison de l’inexécution dont est coupable son cocontractant dans le cadre d’un autre

contrat dont il est tiers. Dans de tels cas, où la restitution est impossible matériellement ou juridiquement, alors la

restitution se fera en valeur. La restitution en valeur a pu poser question.

En effet le débiteur a pu, de la chose acquise et qu’il ne peut restituer, tirer certains profits,

fruits ou encore des intérêts.

En est-il redevable auprès du créancier ? La valeur de la chose qu’il doit à ce dernier doit-elle

être majorée du profit qu’a tiré le débiteur de la chose81?

Il a été décidé, à bon droit, que non. Le créancier ne peut s’enrichir sur l’inexécution du

débiteur82.

335. Mais des applications tendent à remettre en cause ce principe.

Il a été notamment reconnu que le débiteur acquéreur de la chose était redevable d’une

indemnité pour compenser l’usure liée à l’usage de la chose.

Cette position est obscure.

81 Précis Dalloz, Terré, Simler, Lequette, 10ème édition, 2009. 82 Cass Civ, 1ère, 07 avril 1998, RTD civ, 1998, 905.

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73

En quoi le débiteur devrait dédommager le créancier de cette usure. Une usure qu’il n’aurait

pas compensée s’il avait restitué la chose en nature.

A partir de là, comment ne pas imaginer que l’indemnité est en réalité due sur le fondement du

profit qu’a tiré le débiteur de la chose.

La cour de cassation, dans un arrêt du 06 juillet 200083 , a affirmé que cette « indemnité n’était

pas due pour compenser le profit que l’acquéreur a retiré dans l’intervalle de l’utilisation de la

chose »

Cette justification nous rend sceptique…

B. La résiliation judiciaire

336. Elle a pour principale caractéristique de ne pas avoir d’effet rétroactif.

Elle est ainsi très adaptée pour les contrats à exécution successive, dont les restitutions sont

impossibles.

La cour de cassation a toutefois admis qu’une résiliation pouvait avoir un effet rétroactif limité,

c’est le cas d’une décision condamnant le locataire à payer des loyers dus au propriétaire pour

une période antérieure au jour du prononcé84.

337. La différence avec la résolution est que la résiliation n’impacte pas la période pendant

laquelle le contrat a été correctement exécuté. Même si elle a parfois un effet rétroactif limité

elle n’entache pas la période de bonne exécution du contrat.

La résiliation peut jouer dans certains contrats ni instantanés ni à exécution successives mais

dit intermédiaires si les différentes exécutions successives sont indépendantes les unes des

autres.

338. La résiliation d’un contrat à exécution successive, qui ne peut avoir un total effet rétroactif,

va tout de même chercher à indemniser le créancier au regard de la totalité du contrat.

Si le débiteur ne peut restituer en nature ce qui a été exécuté correctement, comme l’exécution

d’un travail, la jouissance d’un appartement à bail…une restitution en valeur peut être accordée

au créancier pour la période où le contrat a pourtant été correctement exécuté.

Cette solution tend à rapprocher la résiliation de la résolution.

83 Cass Civ, ère, 06 juillet 2000 CCC2000. Versailles 02 février 2001, D 22000, somm, com, p 1006, obs Pignarre. 84 Cass civ 3ème , 01 octobre 2008, RDC 2009

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74

• Certaines résolutions ne sont admises qu’en cas de faute caractérisée du débiteur. Elles

ne seront ici évoquées car elles concernent presque uniquement les contrats spéciaux, exclus de

notre étude.

C. La rupture unilatérale extra-judiciaire

339. Elle se distingue de la résolution et de la résiliation car elle n’a pas besoin d’un recours

préalable au juge pour mettre fin au contrat.

Evidemment, l’avantage évident est la rapidité et la simplicité de la résolution du contrat.

Cet avantage permettant au créancier, qui subit déjà l’inexécution, de ne pas perdre de temps

pour la sanctionné et pour agir en conséquence.

Ces cas de rupture unilatérale sont d’origine légale et conventionnelle pour la plupart mais aussi

jurisprudentielle.

340. Le juge ne va pas décider de la rupture du contrat.

Il ne pourra avoir dans ces cas-là qu’un contrôle a posteriori, s’il venait à être saisi au sujet de

la résolution par le débiteur défaillant.

Cette rupture unilatérale va petit à petit concurrencer la résolution judiciaire85.

1. La rupture d’origine légale

341. La rupture unilatérale, d’origine légale, concerne essentiellement les contrats à durée

indéterminée, donc spéciaux, et qui n’a pas pour origine l’inexécution d’une obligation.

Cette dernière ne sera donc pas étudiée ici.

2. La rupture conventionnelle

342. La rupture d’origine conventionnelle se traduit par la clause résolutoire.

Cette dernière a en réalité été développée par la pratique, et ce, pour pallier à la lourdeur de

l’article 1184. L’avantage incontestable de cette clause est qu’elle permet au créancier de mettre

fin au contrat, de le résoudre, sans devoir faire appel au juge.

85 Les obligations, Malaurie, Aynes, Stoffel-Munck, Ed Défresnois 2009

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75

Avant tout, sa mise en œuvre par le créancier de cette clause doit se faire dans le respect de la

bonne foi.

a) Les conditions de fond

• La nécessité d’une inexécution

343. Elle ne pourra être mise en jeu que lorsque le débiteur sera coupable d’une inexécution.

Cette clause est aujourd’hui répandue dans la plupart de contrats. Elle a cet effet contraignant

qui incite les parties à s’exécuter.

La menace est plus proche que lorsque la sanction émane du juge.

On peut parler de « justice privée ». La clause résolutoire, tout comme la résolution, ne peut être invoquée que par le créancier face

à l’inexécution du débiteur.

• La caractéristique de l’obligation

344. Contrairement à la résolution, qui par principe peut jouer pour toute inexécution, même

s’il a été vu les différents tempéraments, la clause résolutoire quant à elle cible les inexécutions

pour lesquelles elle pourra être invoquée.

Elle doit être prévue par le contrat dans des termes clairs et précis qui ne peuvent laisser le doute

sur les obligations dont l’inexécution pourra être sanctionnée par cette clause.

345. En effet, le contrat devra cibler précisément les inexécutions pour lesquelles la clause joue.

Si la clause résolutoire vise « la résolution pour inexécution », elle ne sera pas considérée

comme telle par les juges. Ceux-ci ne verront pas ici une clause résolutoire mais seulement une

évocation de l’article 1184. Aussi, la saisine du juge sera nécessaire ainsi qu’une mise en

demeure. Il peut être envisagé une clause résolutoire qui énoncerait que la résolution est « de plein droit

» en cas d’inexécution. Dans ce cas, le recours au juge n’est pas nécessaire, seule la mise en

demeure est exigée. Enfin une clause peut même prévoir une résolution « de plein droit et sans sommation » pour

éviter aussi l’obligation de mise en demeure.

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346. Il nous semble que ces clauses prévoyant la résolution «de plein droit », avec nécessité de

mise en demeure ou non, viennent sensiblement atténuer la position restrictive des tribunaux

qui refusent de considérer comme clause résolutoire cette qui prévoit qu’il y aura « résolution

pour toute inexécution ».

347. Il y a clairement une contradiction…. Cette exigence qui veut que la clause cible les obligations soumises à elle est impérative et ne

doit être écartée. Tout glissement et relâchement, par la jurisprudence notamment, sur la

nécessité de cet encadrement serait, à notre avis, préjudiciable.

348. La résolution judiciaire reste le principe à toute inexécution. Si un champ illimité est

conféré à la clause résolutoire, dont l’application peut échapper entièrement au juge si le

débiteur ne le saisit pas, les abus pourraient se développer.

349. La clause résolutoire protège moins le débiteur et peut entrainer une certaine dérive dans

le comportement du créancier, qui pourrait la mettre en œuvre de mauvaise foi. Le recours judiciaire doit rester le moyen privilégié, protecteur de la bonne foi, des parties et

du respect des contrats.

b) La mise en jeu de la clause résolutoire, simple option pour le

créancier

350. Tout comme la résolution, le créancier, même si le contrat contient une clause résolutoire,

peut choisir de l’écarter. En effet, il peut préférer la résolution judiciaire qui aura l’avantage de

lui permettre d’obtenir des dommages et intérêts ou encore solliciter l’exécution forcée en

nature.

Mais ici encore, le choix du créancier n’est pas définitif. Il peut décider au départ de demander

l’exécution forcée et, en cas d’échec, faire jouer la clause résolutoire. L’inverse est aussi

possible.

La clause résolutoire ne prive pas non plus le créancier d’une rupture unilatérale à son initiative

si l’attitude du débiteur s’aggrave et compromet l’exécution du débiteur.

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• La rupture unilatérale peut être elle aussi prévue par le contrat. Mais à l’inverse des

mécanismes vus ci-dessus, elle peut être prévue dans des cas autres que l’inexécution d’une

obligation, comme par exemple dans les contrats à durée indéterminée.

Cet aspect-là ne sera pas étudié ici.

c) Les effets de la clause résolutoire

351. L’effet principal est évidemment la rupture du contrat qui est alors anéanti.

Mais ce qui caractérise surtout la clause résolutoire est qu’elle produit son effet sans que le

recours à un juge ait été nécessaire.

Elle va, par sa simple mise en jeu par le créancier, mettre fin au contrat. A première vue, cette clause laisse une liberté totale au créancier, mais en réalité, elle est

grandement restreinte et c’est un bien.

352. Si l’on peut se réjouir de l’existence de cette clause qui permet de mettre fin plus

rapidement à une relation contractuelle dommageable pour le créancier, la liberté qui lui est

accordée serait sans doute source d’abus dès lors qu’il serait insatisfait de l’exécution ou

envisagerait un peu trop largement la notion d’inexécution. C’est pour ça que le juge garde une place importante mais a posteriori.

Il va pouvoir être saisi par le débiteur, mécontent de la mise en jeu de la clause par son créancier.

353. Le juge aura alors deux prérogatives. Il devra vérifier s’il y a effectivement inexécution

puis s’enquérir de l’opportunité de la mise en œuvre de la clause.

L’opportunité sera notamment jugée par rapport à l’inexécution effective et les inexécutions

concernées par la clause (45). Les juges ne peuvent approuver la mise en jeu de la clause pour

une inexécution, certes effective, mais qui n’était pas visée par la clause.

354• Une question s’est posée. Est-il possible d’exclure la possibilité de résoudre le contrat ?

Certaines clauses prévoient, non pas les inexécutions qui permettront de faire jouer la clause,

mais que les parties ne pourront demander la résolution.

Concrètement, peut-on renoncer à la résolution, droit acquis par les parties ?

La question a divisé.

Pour certains, l’article 1184 prévoit la faculté de résolution judicaire, une clause ne peut

interdire le contractant de l’invoquer.

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Pour d’autres, l’article 1184 n’étant pas d’ordre public, rien n’empêche les parties d’en exclure

son application. Une décision de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, du 07 mars 1984, a énoncé

que la renonciation au bénéfice de l’article 1184 était possible si elle n’était pas équivoque86.

3. La pratique jurisprudentielle

355. La jurisprudence reconnaît de plus en plus cette possibilité de résolution « extra-

judiciaire».

La rupture unilatérale peut être dangereuse car elle laisse une grande liberté au créancier qui

semble libre de rompre le contrat dès lors qu’il y a selon lui une faute du débiteur ou une

inexécution de sa part.

Le créancier, selon la jurisprudence, est en droit de mettre fin au contrat dès lors que le débiteur

a eu un « comportement grave ».

Un arrêt important de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 20 février 2001 a

consacré cette possibilité, « la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier

que l’autre partie y mettre fin de façon unilatérale à ses risques et périls ».

356. Seulement, une question se pose. Qu’appelle-t-on « comportement grave » ?

L’appréciation difficile et très subjective sachant que, par définition, elle émane du créancier

lésé et à aucun moment du juge. L’interprétation du comportement est partiale. C’est pour cette raison qu’il a été offert au débiteur la possibilité de saisir le juge a posteriori

afin que ce dernier apprécie la gravité du comportement.

S’il considère que le créancier a commis une faute en rompant le contrat alors ce dernier verra

sa responsabilité engagée et pourra être condamné à payer des dommages et intérêts au débiteur.

La rupture unilatérale par le créancier, même en présence de clause résolutoire, se fait à ses

risques et périls.

357. Le créancier peut même être doublement sanctionné, si le débiteur, victime de la rupture

unilatérale injustifiée, demande l’exécution forcée du contrat.

86 50 Cass. Com, 07 mars 1984, bull civ, IV, n°93, p78, JCP 1985.

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En effet, la résiliation ayant été abusive, elle est considérée comme sans effet, et donc le contrat

continue à courir.

358. La jurisprudence a, depuis un arrêt du 10 février 200987 de la chambre commerciale de la

Cour de Cassation, considéré que ce droit de résiliation unilatéral est un droit d’ordre public

auquel les parties ne pouvaient porter atteinte.

Peu importe ce que le contrat prévoit comme modalités d’exercice de la résiliation.

359. A partir du moment où le débiteur se rend coupable d’un comportement grave, le créancier

peut opérer une résiliation unilatérale, nonobstant les dispositions d’exercice énoncées dans le

contrat. La rupture unilatérale, ou résolution unilatérale, est donc le pendant à la résolution judicaire.

Les deux mécanismes se côtoient.

360. Mais aujourd’hui la résolution judiciaire demeure la solution naturelle à l’inexécution

d’une obligation. Il me semble tout à fait opportun que le droit français ait reconnu cette faculté de résolution

unilatérale, qui, si elle laisse une liberté importante et appréciable au créancier, peut toujours

être encadrée par une intervention postérieur du juge.

II) Les projets de réforme

A. Le projet Catala

361. Le projet, dans le cadre de son regroupement des moyens de réponse à une inexécution,

fait une place importante à la résolution.

Dans son article 1158 vu précédemment, il laisse au créancier le choix, face à une inexécution,

de poursuivre l’exécution, de résoudre le contrat ou de demander des dommages et intérêts.

Tout en précisant que ces derniers peuvent compléter l’exécution forcée ou la résolution,

comme c’est le cas déjà aujourd’hui.

87 Cass. Com., 10 février 2009 – 08-12415

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362. L’article 1158 dans son alinéa 2 aborde concrètement la résolution.

Il énonce que « Quand il opte pour la résolution, le créancier peut soit la demander au juge, soit

de lui-même, mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un

délai raisonnable, à défaut de quoi il sera en droit de résoudre le contrat ».

L’alinéa suivant précisant qu’une fois ce délai passé, le créancier pourra notifier au débiteur la

résolution du contrat et ses raisons88.

363. Il faut en préambule noter que la résolution est envisagée pour tous les contrats et pas

seulement pour les contrats synallagmatiques.

C’est une innovation par rapport à la législation actuelle qui, d’un côté, ne l’envisageait

textuellement uniquement pour les contrats synallagmatiques mais qui, de l’autre côté, en

pratique, pouvait l’exclure pour ces derniers ou encore l’appliquer à d’autres types

d’obligations.

364. La résolution est donc une possibilité offerte dans tout contrat. Le champ d’application de

ce remède s’étend à nombre de cocontractants. Ce texte propose surtout une petite révolution de notre droit tel qu’énoncé dans le code civil.

En effet le projet laisse le choix au créancier entre la résolution judicaire et la résolution

unilatérale extra-judiciaire. Les deux sont mises sur un pied d’égalité.

Aujourd’hui la résolution unilatérale extra-judiciaire du contrat se développe et se rencontre

plus fréquemment.

Encore une fois, le projet saisit l’opportunité qui lui est offerte, celle de consacrer le droit positif

actuel, parfois éloigné du droit inscrit dans le code civil.

365. Le projet n’a toutefois pas consacré entièrement le droit positif jusqu’au bout, car il

n’évoque pas, volontairement ou non, la nécessité d’un comportement grave de la part du

débiteur pour que le créancier puisse mettre en œuvre la résolution unilatérale.

C’était une exigence clairement et strictement appliquée par la jurisprudence. Deux interprétations sont possibles.

88 Le projet Catala

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81

D’un côté, on peut se réjouir de cette absence car elle conforte un peu plus la place de la

résolution unilatérale extra-judiciaire à la même hauteur que la résolution judicaire, ce qui est

conforme à la pratique actuelle et qui se développe.

D’un autre côté, on peut craindre les abus.

Le créancier dans le cadre de la résolution judiciaire la sollicitait quand il savait que

l’inexécution était relativement sérieuse et que le juge ferait droit à sa demande.

Dans le cadre de la résolution unilatérale le juge ne peut intervenir, au mieux, a posteriori. Le

créancier, plus libre, pourrait être tenté d’abuser de son droit.

366. C’est toute la controverse qui entoure aujourd’hui, et qui persistera demain, l’impact de

cette résolution unilatérale extra-judiciaire , qui, il faut le reconnaitre, va un peu à l’encontre du

droit français qui prône pour l’intervention du juge dans le cadre de la rupture du contrat. Seule la pratique, sur les années à venir, pourra dire si oui ou non la consécration de la résolution

extra-judiciaire, sans la barrière notamment du comportement grave du débiteur, aura des

conséquences néfastes.

1. Les spécificités de la résolution unilatérale

a) Le recours du débiteur

367. Au vu de l’observation ci-dessus, il est fondamental de prévoir un recours pour le débiteur,

afin de lui assurer une certaine sécurité, malgré sa défaillance à l’origine de la procédure de

résolution.

A l’aune de ce projet, encore plus qu’hier, le débiteur droit être protégé de tout abus du

créancier.

C’est ainsi que le projet prévoit, dans son article 1158-1 que « Il est loisible au débiteur de

contester en justice la décision du créancier en alléguant que le manquement qui lui est imputé

ne justifie pas la résolution du contrat »89.

L’alinéa 2 précisant ainsi que « Le juge peut, selon les circonstances, valider la résolution ou

ordonner l’exécution du contrat, en octroyant éventuellement un délai au débiteur ». On retrouve les prérogatives du juge telles que sont les siennes aujourd’hui.

89 Le projet Catala, 2005

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82

368. Le juge va contrôler que les conditions de l’inexécution sont remplies et selon, entériner

ou refuser la résolution.

Ce contrôle a posteriori permet de palier le silence du texte sur la nécessité d’un comportement

grave du débiteur.

En effet si le texte n’exige pas un tel comportement, le juge, en contrôlant la pertinence de

l’inexécution et l’opportunité de la résolution unilatérale va apprécier si le comportement

justifiait celle-ci.

Le juge permet donc de palier la carence du texte, comme c’est aujourd’hui le cas.

Ce dernier jugera le comportement et il apparait évident que sel une certaine gravité de celui-ci

justifiera la mise en œuvre de la résolution unilatérale.

b) La particularité de la clause résolutoire

369. L’article 1159 énonce que « Les clauses résolutoires doivent expressément désigner les

engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat ».

Le projet est donc fidèle à ce qui est actuellement exigé.

En effet, pour que la clause soit considérée comme telle et non comme un simple rappel de

l’article 1184, elle doit cibler les obligations dont l’inexécution permettra la mise en jeu de la

clause. La condition essentielle qui définit la clause est donc réaffirmée.

370. L’article 1159, une fois abordée la clause résolutoire dans le premier alinéa, s’attarde

ensuite sur les effets de celle-ci.

L’alinéa 2 indique que « La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse,

s’il n’a pas été convenu qu’elle résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure

n’est efficace que si elle rappelle en termes apparents la clause résolutoire ».

371. Deux options sont donc possibles.

Si la clause a été suffisamment explicite, alors l’inexécution peut se faire de plein droit.

A l’inverse, en l’absence de précisions, le créancier doit informer le débiteur qu’il compte

mettre en œuvre la clause et c’est, en l’absence de réaction du débiteur, que le créancier pourra

faire jouer la clause résolutoire. Il est donc important de rédiger une clause très précise.

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83

En précisant que la résolution est automatique si la clause l’a prévue expressément, et que c’est

seulement dans le cas contraire qu’une mise en demeure est nécessaire, le projet semble vouloir

encore simplifier le jeu de la clause.

En droit positif actuel, sauf le cas où la clause mentionne une résolution de plein droit et sans

sommation, la mise en demeure est nécessaire.

Cette exigence est logique dans le sens où la mise en œuvre par le créancier doit se faire dans

le respect du principe de la bonne foi. Dans ce sens, le créancier ne peut « prendre en traitre »

le débiteur et se doit de l’informer de l’action qu’il envisage. Le dernier alinéa précise que la résolution, conséquence de la clause exécutoire, ne sera

effective qu’au moment où le débiteur en aura connaissance.

2. Les effets de la résolution

372. L’article 1160 du projet énonce que « La résolution peut avoir lieu pour une partie

seulement du contrat, lorsque son exécution est divisible ». Il faut s’attarder sur cet article. Selon ce dernier la résolution peut atteindre le contrat seulement

en partie, si le contrat est divisible.

De nombreuses interprétations sont possibles.

373. La résolution, par nature, a un effet rétroactif. Donc le principe devrait être que la

rétroactivité atteigne tout le contrat.

Or il semble que l’article envisage la résolution avec un effet rétroactif modulable. La résolution

judiciaire n’a pas systématiquement un effet rétroactif total. L’article 1160-1 complète et précise la vision du projet.

Il rappelle au préalable que la résolution libère les parties de leur obligation, le contrat étant

rompu.

374. L’alinéa suivant est quant à lui le marqueur de la réforme car il consacre explicitement la

résiliation.

En effet le droit positif connaît la résiliation, qui est le nom donné à la résolution lorsqu’il ne

peut pas être appliqué un effet rétroactif aux contrats, essentiellement ceux à exécution

successive ou échelonnée.

Mais cette notion de résiliation est une création doctrinale et jurisprudentielle.

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84

Le projet Catala a décidé de formaliser par écrit les deux termes de par leurs deux effets

différents afin de palier à la lacune du code. L’alinéa 2 prévoit ainsi que« Dans les contrats à exécution successive ou échelonnée, la

résolution vaut résiliation ; l’engagement des parties prend fin pour l’avenir, à compter de

l’assignation en résolution ou de la notification de la résolution unilatérale ».

375. Les deux alinéas suivants rappelent le principe de rétroactivité pour la résolution et le

principe de la résiliation pour l’avenir comme le droit français les connaît aujourd’hui. L’aliéna 3 énonce que « Si le contrat a été partiellement exécuté, les prestations échangées ne

donnent pas lieu à restitution ni indemnité lorsque leur exécution a été conforme aux obligations

respectives des parties ».

Le dernier alinéa quant à lui évoque les effets de la résolution, en effet « dans les contrats à

exécution instantanée, elle est rétroactive ; chaque partie restitue à l’autre ce qu’elle en a reçu,

suivant les règles posées à la section 6 ci- après du présent chapitre ».

376. Les modalités de restitutions sont prévues aux articles 1162 et 1162-3 du projet, que nous

n’étudierons pas ici.

377. L’analyse du projet concernant la résolution montre que dernier a souhaité consacré le

droit positif en formalisant textuellement et légalement des notions qui ne le sont pas

aujourd’hui, telles que la clause résolutoire elle-même et la différenciation entre résolution et

résiliation qui sont les innovations les plus marquantes.

Mais surtout, le projet se rapproche un peu plus du droit allemand, en consacrant la résolution

par notification.

B. Le projet Terré

378. La résolution est vue comme une option laissée au créancier lors de l’inexécution d’une

obligation par le débiteur comme l’énonce l’article 97 du projet, vu ci-dessus.

1. Les conditions de mise en œuvre de la résolution

379. C’est son article 108 qui évoque la résolution. Il prévoit que « La résolution d’un contrat

résulte soit de l’application d’une clause résolutoire, soit, en cas de grave inexécution, d’une

demande en justice ou d’une notification ».

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85

Le projet consacre lui aussi la pratique actuelle en considérant que la résolution peut avoir

comme source la clause résolutoire.

Il évoque les deux résolutions, judiciaire et extra-judiciaire, qu’il semble mettre sur un pied

d’égalité.

a) La nécessité d’une grave inexécution

380. L’article 109 du projet permet de préciser la notion de « grave inexécution » introduite par

l’article 108.

Ce dernier exige en effet une telle gravité pour demander la résolution judicaire ou unilatérale

extra-judiciaire. Deux observations :

Concernant la résolution judiciaire, cette exigence n’était pas consacrée par le code, qui, dans

son article 1184 requérait seulement qu’une partie ne satisfasse point à son obligation.

C’est donc une innovation.

Par contre, concernant la résolution unilatérale extra-judiciaire, le projet ne fait que consacrer

la jurisprudence actuelle qui exige un « comportement grave ».

381. L’article prévoit que « l’inexécution est grave lorsqu’elle porte sur une obligation dont la

stricte observation est de l’essence du contrat ».

Le projet consacre donc l’idée selon laquelle une résolution n’est possible que si c’est une

obligation essentielle qui est inexécutée.

Le projet semble ainsi occulter la possibilité pour le créancier de résoudre la convention en cas

d’inexécution d’une obligation dite secondaire. Si le projet Terré semble être plus souple dans le sens où il met les résolutions judicaires et

unilatérales sur un pied d’égalité, il limite leur recours au cas d’inexécution d’une obligation

essentielle.

382. L’alinéa 2 atténue cette rigidité en énonçant que l’inexécution est grave lorsqu’elle prive

substantiellement le créancier de ce qu’il pouvait légitimement attendre du contrat.

Le créancier, en souscrivant le contrat, espère obtenir un certain nombre de prestations, certes

d’importances diverses.

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86

Toutefois l’inexécution d’une « obligation secondaire » peut priver le créancier d’un service,

d’une prestation primordiale à ses yeux.

Une obligation secondaire peut être tout aussi essentielle que l’obligation considérée comme

principale.

A ce titre, il est important que le projet n’exclut pas cette possibilité pour le créancier.

Cette gravité ne sera toutefois pas retenue si le débiteur était dans l’incapacité de prévoir que

son inexécution aurait un tel résultat.

b) La nécessité d’une mise en demeure e

383. Un autre article du projet évoque la résolution, l’article 110.

Il rappelle en effet un principe reconnu et cher au droit français, la nécessité d’une mise en

demeure adressée au débiteur, et ce, par respect du principe de la bonne foi.

Il s’agit de conférer une certaine sécurité au débiteur à qui le créancier doit laisser la chance

d’exécuter son engagement.

384. L’article 110 aborde la résolution extra-judiciaire.

Dans son aliéna 1er, impose cette mise en demeure quand le créancier agit par voie de

notification, donc par voie extra-judiciaire.

Il prévient ainsi le débiteur de son intention de résoudre le contrat, donnant ainsi une dernière

chance à ce dernier d’exécuter son obligation.

Par contre, la mise en demeure est exclue si l’inexécution en elle-même entraîne la résolution.

Ainsi, la notification suffit pour déclencher la résolution de plein droit après un délai

raisonnable.

c) La résolution anticipée

385. Le dernier alinéa de l’article 110 précise qu’une inexécution intentionnelle est toujours

grave lorsqu’elle semble indiquer que le débiteur n’exécutera pas son obligation dans le futur.

Cette modalité paraît obscure.

Comment pourrait-on déterminer, par la simple inexécution, si le débiteur sera en mesure ou

non de satisfaire à son obligation ? Cet alinéa fait la place à la supposition du créancier sur

l’attitude future du débiteur.

La sécurité juridique, et notamment celle du débiteur, est remise en cause au premier abord.

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87

Cette position est pourtant confirmée par l’article 111 du projet.

Ce dernier prévoit que si avant l’échéance prévue pour l’exécution de l’obligation il est certain

que les conditions de la résolution sont acquises alors le créancier peut demander au débiteur

de le rassurer sur sa capacité à respecter son engagement. A défaut, le créancier pourra résoudre

unilatéralement le contrat par simple notification. Nous avons le sentiment que le projet prévoit une résolution anticipée aménagée.

386. Deux interprétations sont possibles :

-le créancier demande au débiteur de lui assurer qu’il exécutera bien son obligation, à défaut de

quoi il pourra résoudre de plein droit unilatéralement le contrat.

-le créancier demande au débiteur de lui assurer qu’il exécutera bien son obligation et si ce

dernier lui affirme qu’il ne sera pas en mesure de le faire, alors le créancier pourrait résoudre le

contrat avant l’inexécution.

A première vue cette seconde interprétation contreviendrait au principe même de la résolution

qui veut comme condition essentielle qu’une inexécution soit effective.

Cette seconde interprétation, assez déroutante pour notre droit français, semble pourtant être la

volonté du projet.

387. Ainsi est consacrée la résolution anticipée du contrat.

L’introduction de cette notion symbolise ici encore, la rupture que semble vouloir opérer le

projet Terré par rapport au droit positif français.

La philosophie du projet Terré est d’offrir un gain de temps et d'argent pour le créancier qui

justifie donc qu'un contractant puisse se faire justice à lui-même avant même que l'inexécution

qui le menace se soit produite.

d) La clause résolutoire

388. L’article 112 précise les modalités de la clause et notamment la condition fondamentale

pour qu’elle soit valable, c’est-à-dire qu’elle doit préciser les inexécutions qui entraineront sa

mise en jeu et donc la résolution du contrat.

Même si la résolution est normalement de plein droit par le jeu de la clause, seule une mise en

demeure infructueuse adressée au débiteur entraine la résolution, sauf si la clause avait en sus

prévu que cette mise en demeure ne serait pas nécessaire.

Le projet impose que la mise en demeure face référence à la clause

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88

Ainsi, la résolution ne sera effective qu’au moment de la notification et par la réception de celle-

ci par le débiteur.

e)Le recours du débiteur

389. L'article 110, alinéa 3, de l'avant-projet Terré dispose, quant à lui, que : « Le débiteur peut,

à tout moment, contester la résolution, le cas échéant, en référé. Le créancier doit alors prouver

la gravité de l'inexécution. Le juge peut, selon les circonstances, soit constater la résolution, soit

ordonner l'exécution du contrat.

390. Cette disposition est fondamentale, encore une fois, et à plusieurs titres.

D’une part, elle permet de protéger le débiteur en ne le laissant pas désarmé face à l’attitude du

créancier. Une protection qui se justifie d’autant plus que le projet Terré, à l’instar du projet

Catala, met sur un pied d’égalité la résolution judicaire et la résolution extra-judiciaire. Or cette

dernière ne fait l’objet d’aucun contrôle a priori. Il est donc nécessaire de permettre au débiteur

de se défendre s’il juge la résolution abusive.

D’autre part, cette saisine du juge permet aussi un contrôle sur la gravité de l’obligation, objet

de la résolution et qui est la condition essentielle posée par le projet Terré, outre le cas de la

mise en œuvre de la clause résolutoire.

391. Et puis il y a l’article 113 dispose que la résolution peut toujours être poursuivie en justice.

Quelle interprétation en faire ?

Le rédacteur a-t-il voulu exprimer la possibilité pour le débiteur de contester la résolution en

justice ?

Ou voulait-il consacrer la possibilité de demander la résolution judicaire même en l’absence de

grave inexécution, comme l’exige l’article 108 ?

Il est difficile de savoir. En l’absence de précisions, toutes les interprétations sont possibles.

En écho à la consécration de la résolution anticipée, le créancier peut la demander en justice

aussi.

Le juge est alors souverain dans son interprétation et peut ordonner la résolution ou au contraire

prononcer l’exécution forcée.

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89

2. Les effets de la résolution

392. L’article 114 prévoit que la résolution n’est pas forcément totale.

En effet, si le contrat est divisible, une seule partie faire l’objet de la résolution si les effets de

cette résolution partielle ne créent pas un trop grand déséquilibre.

Cet article marque un véritable tournant dans l’appréciation de la résolution, qui peut ne pas

être totale.

Mais cette position est compréhensible. Le projet ne fait pas de distinction entre résolution et

résiliation. Cette dernière ne jouant que pour l’avenir et ne remettant par en cause le contrat

dans sa réalisation antérieure.

C’est un juste milieu que semble choisir le projet Terré à la lecture de cet article.

393. En réalité l’article suivant va radicaliser cette position et symboliser la rupture que cherche

ce projet avec le droit français parfois.

Et pour cause, l’article 115 du projet énonce que la résolution libère les parties pour l’avenir

uniquement.

Evidemment la résolution n’a pas d’effet sur les clauses qui produisent leurs effets de par la

résolution.

Le projet Terré, en excluant l’effet rétroactif de la résolution du contrat qui est pourtant l’effet

qui définissait grandement la résolution, marque donc une fois encore, sa volonté de rompre

avec le droit actuel.

394. Enfin, l’article 116 rappelle que la résolution entraine la restitution des prestations qui

auraient été réalisées sans contrepartie.

395. Le projet Terré oscille donc entre conservatisme et innovation en ce qui concerne la

résolution.

Une position conservatrice en protégeant le débiteur via le recours au juge, l’exigence d’une

mise en demeure et la consécration de la clause résolutoire.

Une position innovatrice en mettent sur un pied d’égalité la résolution judiciaire et l’unilatérale,

et surtout en excluant l’effet rétroactif de la résolution ainsi qu’en consacrant la résolution

anticipée.

Cette audace peut nous surprendre et nous dérouter car elle va à l’encontre de ce que prône

notre droit, réticent à l’idée de mettre en œuvre des mécanismes de manière anticipée et qui,

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90

pour la sécurité juridique de notre droit attribue une place de choix au juge, notamment dans la

résolution judiciaire.

La dimension morale qui imprègne la résolution judiciaire, et qui constitue encore le principe

en droit positif, ne disparaît pas totalement de ce projet innovateur : qu’elle soit anticipée ou

non, la résolution unilatérale extra-judiciaire peut, en effet, toujours être contestée devant le

juge, lequel, si la résolution lui paraît, au regard de la gravité de l'inexécution invoquée pour

justifier la résolution, illégitime, peut ordonner la poursuite de l'exécution du contrat en

octroyant, éventuellement, un délai de grâce au débiteur comme évoqué dans l’article 110 .

C) Le projet de la Chancellerie

396. Le projet détaille très clairement le mécanisme de la résolution à travers un certain nombre

de dispositions.

Son article 132 énonce que «La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire,

soit en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou

d’une décision judicaire ».

397. Immédiatement, nous remarquons que ce texte est presque la copie exacte de l’article du

projet Terré.

Il est donc évident que le projet de la Chancellerie a voulu adopter la philosophie dudit projet.

Les deux résolutions judicaires et extra-judiciaire sont considérées comme deux solutions

alternatives ans que l’une prédomine sur l’autre.

Le projet consacre lui aussi textuellement le mécanisme de la clause résolutoire.

Une consécration d’autant plus logique, qu’outre le fait qu’elle fasse partie de notre droit positif,

d’où la reprise par le projet Catala, elle est le symbole d’une liberté accordée aux parties, qui

peuvent prévoir, à elles seules et sans l’intervention d’un juge, de régler la résolution du contrat.

398. Il faut toutefois noter une différence avec le projet Terré, ici le projet ne limite pas le

mécanisme de la résolution aux seuls contrats, laissant un large champ d’application au texte.

Le projet de la Chancellerie libéralise à l’extrême le mécanisme de la résolution.

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91

1. La clause résolutoire

399. Dans l’article 133 il s’intéresse à la clause résolutoire spécifiquement.

Il y prévoit que la clause doit mentionner les engagements dont l’inexécution entrainera la

résolution du contrat.

Et qu’excepté le cas où il fait mention que la résolution jouera de plein droit, la résolution via

la clause ne pourra intervenir qu’après une mise en demeure infructueuse.

Enfin l’article prévoit que la résolution est effective par la notification faite au débiteur et à la

date de sa réception.

L’article 133 est en réalité la copie conforme à l’article 1159 du projet Catala.

Une consécration textuelle et précise de la clause résolutoire telle qu’elle est appliquée

aujourd’hui.

2. La résolution unilatérale

400. Après la clause résolutoire, le projet prévoit expressément le régime de la résolution

unilatérale dans son article 134.

Il parle de résolution par notification.

L’article 134 prévoit que «Le créancier, à ses risques et périls, peut résoudre le contrat par voie

de notification. Il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à

son engagement dans un délai raisonnable ».

Cette mise en demeure mentionne en termes clairs que le défaut d’exécution par le débiteur

laissera au créancier la possibilité de résoudre le contrat.

Lorsque la défaillance est persistance malgré cette mise en demeure, alors le créancier notifie

la résolution au débiteur.

Le projet Terré reste fidèle à un principe cher en droit français, la mise en demeure du débiteur,

qui ne doit pas être pris au dépourvu.

401. Le dernier alinéa de l’article consacre la possibilité pour le débiteur de saisir le juge, il

énonce que «le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution.

Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution ».

Il est appréciable de retrouver consacrer ce pouvoir de recourir au juge pour le débiteur soumis

à une résolution extra-judiciaire.

Il est intéressant de voir dance ce projet, comme dans le projet Terré, la formulation « le

créancier doit prouver la gravité de l’inexécution ».

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92

Ainsi, le juge contrôle l’inexécution sur les éléments apportés et justifiés du créancier sur qui

pèse la charge de la preuve.

Cela tend aussi à rendre plus objectif l’appréciation du juge, qui, certes souverain, doit tenir

compte des éléments qui lui sont soumis par le créancier.

Ce recours au débiteur se retrouve ainsi dans les trois projets de réforme.

3. La résolution judicaire

402. L’article 135 rappelle très simplement le principe selon lequel la résolution peut toujours

être demandée en justice.

L’article 136 rappelle que le juge va alors constater ou prononcer ou ordonner l’exécution du

contrat en octroyant éventuellement au débiteur un délai pour s’exécuter.

4. Les effets communs de la résolution

a)La fin du contrat

403. Le projet rappelle le principe inhérent au terme même de résolution c’est-à-dire le fait que

celle-ci met fin au contrat.

Il le prévoit dans son article 137.

Dans son second aliéna l’article détermine le moment de la prise d’effet de la résolution.

S’il s’agit d’une clause résolutoire alors la résolution prend effet « dans les conditions prévues

par la clause résolutoire ».

En cas de résolution unilatérale, la date d’effet est le moment « de la réception de la notification

par le débiteur ».

En cas de résolution judicaire, l’effet court soit «à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour

de l’assignation en justice ».

b) Les restitutions

404. L’article 137 pose le principe de restitutions des prestations échangées lorsque leur

exécution n’a pas été conforme aux obligations respectives des parties ou lorsque l’économie

du contrat le demande.

Cet article appelle deux observations.

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93

D’une part, le texte ne parle pas clairement « d’effet rétroactif », qui est le terme inhérent à la

résolution.

D’autre part, le texte prévoit la restitution seulement pour les obligations mal exécutées.

Cette formulation confirme l’exclusion du principe fondamental appliqué en droit positif selon

lequel l’effet rétroactif remet les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant de

contracter et ce indépendamment de ce qui avait été déjà ou non effectué et ce qui avait été bien

ou mal exécuté

Il est ici exclu l’effet rétroactif total.

405. Cette exclusion du principe peut s’expliquer par le fait que la résolution avec effet

rétroactif n’est pas toujours applicable d’où le développement du terme de « résiliation ». Le

projet a peut-être voulu ériger un effet commun aux différentes résolutions possibles.

Cette position, si elle nous interpelle car elle contrevient clairement à la pensée du droit positif

actuelle, n’est pas totalement incongrue et permet d’éviter des difficultés d’interprétations sur

la possibilité ou non de faire rétroagir les effets de la résolution.

c) Les éléments échappant à la résolution

406. Si par principe la résolution anéanti le contrat, certaines clauses de ce dernier ne

« meurent » pas avec le contrat.

C’est le cas des clauses relatives au règlement des différends, celles destinées à produire effet

même en cas de résolution, comme les clauses de non concurrence par exemple.

407. On voit que le projet gouvernemental s’inspire des deux projets, Catala et Terré.

En effet, s’il adopte le libéralisme du projet Terré en mettant sur un pied d’égalité les résolutions

judicaire et unilatérale, il se rapproche du projet Catala en ce qu’il définit précisément le

mécanisme de la clause résolutoire et en ce qu’il ne consacre pas notamment la résolution

anticipée.

La même protection est conférée au débiteur en lui permettant de recourir au juge en cas de

résolution unilatérale.

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94

Paragraphe 2 En droit européen

I) Le droit allemand

408. Le droit allemand a une philosophie différente du droit français concernant la résolution

du contrat.

Le droit allemand connait une résolution d’origine conventionnelle (vertragliches

Rücktrittsrecht) et une résolution d’origine légale (gesetzliches Rücktrittrecht).

Le droit allemand va ainsi régir les effets de ces résolutions indifféremment, ce qui permet de

simplifier le régime.

409. La principale différence avec le droit français est que le droit allemand subordonne la

résolution à une déclaration de volonté qu’adresse le créancier au débiteur, comme l’énonce le

§349 du BGB.

Elle produit son effet dès lors que le débiteur l’a reçue.

L’intervention du juge est totalement mise de côté.

Le droit allemand préfère à l’intervention du juge la rapidité que confère la résolution « privée ».

Et si le droit allemand offre la possibilité au débiteur de saisir le juge, ses prérogatives n’ont

rien de comparables avec celles du juge français.

S’il doit contrôler la réunion des conditions pour la mise en œuvre de la résolution, il homologue

la résolution plus qu’il ne la contrôle.

410. Selon nous, c’est un des défauts de cette conception de la résolution.

Comme nous avons pu le mentionner lors de notre étude du droit français, il est important et

judicieux de permettre une justice privée entre les parties, avec les avantages de célérité, de

confidentialité que cela confère.

Toutefois il est fondamental qu’une sécurité soit assurée pour le débiteur et de contrôler que le

créancier n’abuse pas de ce droit de résolution.

Or un tel encadrement ne peut passer que par le juge et nécessite qu’il dispose de véritables

prérogatives.

L’intervention des juges telle que prévue par le droit allemand est plus un écran de poussières

qui en réalité n’a pas vraiment de réel pouvoir de contrôle.

Et c’est selon nous regrettable.

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La sécurité n’empêche pas la liberté.

A. Les conditions de la résolution

1. Les conditions de la résolution d’origine légale

a) Le §323 du BGB

411. Le §323 du BGB définit le principe général dans son alinéa 1er « Lorsque dans un contrat

synallagmatique le débiteur ne fournit pas une prestation échue ou ne la fournit pas

conformément aux stipulations contractuelles, le créancier peut résoudre le contrat s’il a été

imparti au débiteur, sans succès, un délai raisonnable pour exécuter ou réparer en nature ».

Cet article rappelle ainsi le fait que l’exécution en nature est le remède consacré par le droit

allemand.

412. Les conditions pour mettre en œuvre la résolution, sont donc

-l’échec de l’exécution forcée dans le délai accordé au débiteur :

-l’inexécution d’une prestation due ou une mauvais exécution de celle-ci par rapport à ce qu’il

a été stipulé dans le contrat.

Ces conditions sont étudiées dans le cadre d’un contrat synallagmatique.

L’exigence de se trouver dans le cadre d’un tel contrat, est donc de nouveau présente ici. Une

exigence que nous avons déjà remarquée depuis le début de notre étude.

Le droit allemand évoquant l’inexécution contractuelle telle que nous l’avons étudiée dans le

cadre des contrats synallagmatiques.

413. Le droit allemand, s’il impose que l’exécution forcée soit le premier remède mis en œuvre

face à une inexécution, ne hiérarchise pas les autres solutions. La résolution, la demande de

dommages et intérêts ou leur cumul peuvent être choisis.

A la lecture du premier alinéa de ce §323, le créancier est soumis à un certain délai d’attente

avant de pouvoir résoudre le contrat.

Ce délai d’attente correspond à peu près à la mise en demeure exigée en droit français.

Les alinéas suivants assouplissent toutefois la portée de ce délai, qui peut être écartée si le

débiteur fait part de son refus définitif d’exécuter, si la prestation doit être réalisée à une date

donnée ou encore si la nature du contrat exigé la résolution immédiate.

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414. Mais cet article est loin de conférer une liberté dans la mise en jeu de la résolution car s’il

exclut la nécessité de la mise en œuvre du délai dans certaines situations, il restreint aussi

l’application de la résolution.

Celle-ci est notamment exclue lorsque le créancier est responsable en partie de la situation

d’inexécution par le débiteur qui lui aurait permis normalement de solliciter la résolution.

L’exclusion a été aussi limitée dans le sens où le créancier ne peut résoudre totalement le contrat

en cas de réalisation partielle d’une obligation qui, si elle est partielle, représente pour lui un

intérêt réel.

Par cette disposition, il apparait clairement que le droit allemand ne confère pas à la résolution

l’effet rétroactif tel qu’il est consacré par le droit français.

Par principe, la résolution ne joue que pour la partie non exécutée du contrat.

C’est seulement si la partie exécutée n’a pas d’intérêt à elle-seule pour le créancier que la

résolution totale est possible.

415. En droit allemand, le principe d’effet rétroactif total est l’exception à l’inverse du droit

français.

Il y a la volonté de conserver du contrat tout ce qui est possible de l’être.

416. Enfin le créancier ne peut solliciter cette résolution que si la violation de l’obligation est

importante.

Concernant cette dernière notion, une question se pose.

Que le législateur entend-il par « importance de la violation de l’obligation » ?

Evoque-t-il l’importance de l’obligation en elle-même ? Ou l’importance de la violation

s’intéresse-t-elle au comportement du débiteur ?

La violation de l’obligation peut être importance en raison de l’obligation inexécutée ou en

raison du comportement qu’au eu le débiteur dans le cadre de l’inexécution, indépendamment

de l’obligation concernée.

417. Le §323 du BGB, outre les délais et les situations d’exclusion de la mise en œuvre de la

résolution, prévoit le principe de la résolution anticipée.

Le (4) énonce que « Le créancier peut résoudre le contrat avant même l’échéance de la

prestation, s’il est évident que les conditions de la résolution sont remplies ».

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b) Le §325 du BGB

418. Il introduit un nouveau principe élaboré par la réforme de 2001 qui prévoit que la résolution

n’est pas exclusive de l’allocation de dommages et intérêts.

c) Le §326 du BGB

419. Il évoque le cas très particulier de la résolution du contrat suite à une impossibilité

matérielle d’exécution par le débiteur.

Comme nous l’avons étudié au début de ce mémoire, l’impossibilité matérielle d’exécution de

l’obligation décharge le débiteur de sa responsabilité.

Il n’en demeure pas moins qu’il y a eu inexécution et que par conséquent le créancier peut

exiger la résolution du contrat sans contrainte de délai, de mise en demeure au vu de la situation.

C’est l’alinéa 5 du §326 du BGB qui le prévoit expressément90.

d) Les autres dispositions

420. A côté des paragraphes du BGB étudiés ci-dessus, d’autres résolutions sont envisagées

dans le BGB.

90 § 323 BGB : 1.Si le débiteur n'exécute pas ou exécute mal une obligation exigible découlant d'un contrat

synallagmatique, le créancier peut résoudre le contrat, s'il a imparti au débiteur un délai d'exécution raisonnable

ou un délai moratoire.

2. La fixation d'un délai est inutile lorsque :

le débiteur refuse solennellement et définitivement d'exécuter son obligation ;

le débiteur n'a pas exécuté son obligation à la date fixée dans le contrat et dans lequel le créancier a lié le maintien

de son intérêt à la prestation au fait qu'elle soit fournie en temps voulu de l'obligation ;

des circonstances particulières justifient l'exercice immédiat du droit de résolution.

3. Si la fixation d'un délai n'entre pas en ligne de compte étant donné le caractère de la violation de l'obligation,

un avertissement s'y substitue.

4. Le créancier peut résoudre le contrat avant l'échéance de l'obligation s'il est évident que les conditions de la

résolution seront remplies.

5. Si le débiteur a en partie exécuté son obligation, le créancier ne peut demander la résolution de tout le contrat

seulement si l'exécution partielle ne lui est d'aucun intérêt. 2Si le débiteur n'a pas exécuté comme convenu son

obligation, le créancier ne peut demander la résolution si la violation de l'obligation est insignifiante.

6. La résolution est exclue quand le créancier est totalement ou en majeure partie responsable des circonstances

qui l'autoriseraient à résoudre le contrat, ou quand des circonstances non-imputables au débiteur se produisent à

un moment où le créancier est en retard dans l'acceptation.

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98

Notre analyse dans ce mémoire tend à étudier les principes généraux, qui ont vocation à

s’appliquer à l’ensemble des situations de droit commun, même si certaines nuances et

particularismes sont mis en exergue.

Toutefois, dans le cadre de l’étude de la résolution en droit allemand nous n’aborderons pas les

résolutions relatives aux contrats spéciaux.

2. Les conditions de la résolution d’origine conventionnelle

421. La résolution du contrat peut être envisagée contractuellement.

Le droit allemand a ainsi créé la clause de déchéance.

Elle est envisagée au §354 du BGB et énonce que « Si le contrat est conclu avec la réserve que

le débiteur, s’il n’exécute pas son obligation devra être déchu de ses droits résultant du contrat,

le créancier a le droit de résoudre le contrat dès que cette hypothèse se réalise.

422. Cette clause de déchéance est l’équivalent de notre clause résolutoire en droit français.

Cette clause est très encadrée et à l’instar de la clause résolutoire elle ne peut tout prévoir.

Un certain nombre de clause de déchéance sont considérées nulles par le droit allemand.

Il en est ainsi de la clause qui prévoit « le droit de se libérer de son obligation sans raison

objectivement justifiée et prévue au contrat 91».

Il en est de même de la clause qui restreint le pouvoir du créancier de se libérer du contrat en

cas d’inexécution fautive de la part du débiteur

La résolution conventionnelle peut être neutralisée dans certaines situations.

Par exemple, lorsque le débiteur, dans le cadre du délai qui lui est imparti avant que la résolution

n’opère, compense la prestation qu’il n’a pas exécuté alors que ce mécanisme de compensation

avait été prévu au contrat, alors il ne pourra être mis e œuvre la résolution par le créancier.

91 §308 BGB : « Est spécialement inefficace dans les conditions générales contractuelles :

(3) La clause accordant au stipulant le droit de se libérer de son obligation de fournir la prestation sans raison

objectivement justifiée et prévue au contrat ; la règle ne s’applique pas aux contrats à exécution successive ».

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99

3. Les conditions de la résiliation

423. Le §314 évoque la résiliation des contrats à exécution successive92.

Alors que le droit allemand n’exige pas un « motif grave » pour la mise en œuvre de la

résolution, l’alinéa 1 prévoit ici la résiliation d’un contrat à exécution successive pour un motif

grave.

Il est surprenant que cette exigence de motif grave n’ait été exigée qu’en matière de résiliation,

voire paradoxal.

En effet la résiliation n’a d’effet que pour l’avenir alors que la résolution, de par son effet

rétroactif, à un impact plus important et grave pour le contrat…

Il y a motif grave lorsqu’il est impossible pour la partie qui résilie de continué la relation

contractuelle jusqu’au terme prévu au des faits de l’espèce.

424. L’exigence d’un délai est toujours exigée, même si le motif grave présent en l’espèce, ne

laisse guère la place à la mise en œuvre d’une exécution forcée.

Par voie de conséquence, le créancier doit attendre un délai raisonnable avant d’exercer son

droit de résiliation.

Il est difficile de savoir ici, si ce délai raisonnable correspond uniquement au délai qui doit être

laissé au débiteur pour exécuter la prestation ou s’il s’agit d’un autre délai.

Enfin, à l’instar de la résolution, la résiliation n’exclut pas la possibilité de demander

concomitamment l’allocation de dommages et intérêts.

92 § 314 BGB : « 1.Tout contrat à durée indéterminée peut être résilié pour motif grave par chacune des parties

sans qu'elle soit tenue à l'observation d'un délai. 2Il y a motif grave lorsque la partie qui procède à la résiliation

ne peut être obligée à poursuivre le contrat jusqu'à son échéance, eu égard à la situation concrète et aux intérêts

respectifs des deux parties.

2. Lorsque le motif grave est la violation d'une obligation contractuelle, la résiliation ne peut intervenir avant

‘expiration du délai imparti pour y remédier ou d'un rappel resté sans suite. Le § 323 al. 2 s'applique par analogie.

3. Celui qui est en droit de résilier le contrat ne peut le faire que dans un délai raisonnable à partir du moment où

il a eu connaissance du motif de résiliation.

4. La résiliation du contrat n'exclut pas le droit aux dommages et intérêts.

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100

B. Les effets de la résolution

Ils sont identiques que la résolution soit d’origine légale ou conventionnelle

1. Les effets de la résolution

425. Ils sont au nombre de quatre :

-l’extinction des droits et des obligations qui ne sont pas encore exécutés.

-la restitution des choses en nature pour les prestations déjà fournies.

-la restitution en valeur lorsque la restitution en nature est impossible.

-le remboursement au débiteur des dépenses qu’il a pu faire sur ce qu’il restitue.

Ce sont les effets connus en droit français. Il n’y pas de difficultés par rapport à ça.

La doctrine allemande aujourd’hui n’admet pas l’effet rétroactif total.

Pour les auteurs l’effet extinctif ne joue à l’égard du contrat qui n’a pas été exécuté ou à l’égard

des droits et obligations non exécutés si le contrat a déjà commencé à être mis en œuvre.

a) La restitution en nature

426. Elle est prévue par le §346 alinéa 1er du BGB qui énonce que « Si l’une des parties

contractantes s’est réservée contractuellement le droit de résoudre ou si un tel droit lui est

accordé par la loi, il y a lieu, en cas de résolution, de restituer les prestations reçues et de rendre

les revenus qui en ont été tiré ».s

427. Si nous comparons avec le droit français, le mécanisme de restitution en nature est

semblable.

Toutefois, il faut noter qu’à l’inverse du droit français, le débiteur allemand doit rendre les

revenus qu’il a tiré des prestations reçues par le créancier.

Or, sur ce point, le droit français a clairement exprimé sa volonté de ne pas exiger une telle

restitution. Même si la position, comme nous l’avons dit, est atténuée du fait des indemnités qui

peuvent être demandées au débiteur, en dehors des dommages et intérêts.

Le droit allemand fonde sa position sur la notion d’enrichissement sans cause.

Le débiteur ne peut conserver les fruits d’un contrat anéanti qui est réputé n’avait jamais existé.

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101

b) La restitution en valeur

428. Elle est prévue par l’alinéa 2 du §346 du BGB.

La restitution en valeur se fera dès lors que la restitution en nature est impossible (destruction

de la chose, aliénation, transformation de celle-ci

Le contrat prévoit les modalités de calcul de la restitution en valeur.

Cette restitution en valeur peut à l’inverse être écartée si le créancier a contribué à la situation

à l’origine de la demande de résolution par exemple.

c) Le remboursement des dépenses au débiteur

429. Les dépenses effectuées par le débiteur pour conserver la chose doivent être remboursées

par le créancier.

2. Les effets de la résiliation

430. La résiliation, si elle est envisagée au §314 du BGB ne fait pas l’objet d’une réglementation

aussi encadrée que la résolution. Son origine est légale ou conventionnelle.

Tout comme la résiliation, une simple déclaration de volonté suffit.

Comme nous l’avons vu son effet principal est de produire des effets uniquement pour l’avenir.

En ce sens, elle se distingue de la résolution et a la même vocation que la résiliation en droit

français.

Comme dans celui-ci la résiliation joue presque exclusivement dans le cadre des contrats à

exécution successive.

II) Le droit anglais

A. Les conditions de la résolution

431. La résiliation, telle qu’elle est nommée, est un remède proposé par le droit anglais.

La résolution n’échappe pas à la conception très libérale qu’a le droit anglais du contrat.

Le mécanisme repose sur la notion de warranty et de condition93.

La condition est une obligation essentielle du contrat alors que la warranty est une stipulation

secondaire du contrat.

93 Droit européen comparé des contrats, Rémy Cabrillac, 2012

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102

Or, seule l’inexécution d’une warranty offre le droit à résolution.

Dans le cas où le manquement est moins grave, la partie lésée ne peut demander la résiliation.

Le créancier sera alors tenu d’exécuter ses obligations nées du contrat.

432. Immédiatement, deux observations sont à faire.

D’une part, le droit anglais reste dans sa philosophie qui veut que le contrat soit préservé, en

dépit des difficultés que peuvent rencontrer les parties dans son exécution.

D’autre part, et en conséquence, seule l’inexécution d’une obligation essentielle peut permettre

ladite résolution.

On est en cela bien éloigné du droit français qui admet la résolution pour des obligations

secondaires voire très secondaires dans le cadre notamment de la clause résolutoire.

433. Comme cela, le mécanisme de la résolution apparait simple.

Mais en réalité, une difficulté importante résulte dans l’interprétation qu’est faite de

l’obligation.

Il n’est pas toujours aisé de déterminer si l’obligation est une condition ou une warranty.

Les tribunaux adoptent alors un critère « objectif » pour l’interprétation : l’homme raisonnable

considèrerait-il cette obligation comme une condition ou une warranty ?

Il apparait toutefois évident que cette méthode d’interprétation va conduire à des solutions très

disparates, d’autant plus négligeables en droit anglais du fait de la règle du précédent.

434. Le problème dans cette conception de la résolution est que l’on s’intéresse uniquement à

l’obligation en elle-même sans étudier l’inexécution, son contexte, sa forme, ses conséquences.

Les tribunaux, conscients de cette lacune ont donc introduit la notion « d’inominate term ».

C’est une clause innomée qui permet de prendre en considération l’inexécution principale en

cause et non l’obligation principale.

C’est par le biais de ce mécanisme que le créancier pourra obtenir une résolution pour

l’inexécution d’une obligation secondaire au vu du contexte et de l’attitude des parties.

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103

1. La résolution anticipée

435. Comme son homologue allemand ou le projet Terré, le droit anglais admet la résolution

anticipée.

Au départ la Common law n’y était pas favorable. Le créancier devait attendre le terme échu

de la prestation et seulement à ce moment-là pouvait résilier le contrat en cas d’inexécution.

Aujourd’hui cette résiliation anticipée est reconnue, c’est «l’anticipatory breach of the

contract».

C’est l’arrêt Hochster v/ de La Tour de 1853 qui est à l’origine de la consécration de cette

notion94.

Lorsqu’avant le terme prévu pour l’exécution il est manifeste que le débiteur n’exécutera pas,

alors le créancier peut mettre fin au contrat »

436. Le droit anglais s’attache à définir quels sont les manquements annoncés qui peuvent

justifier une résiliation anticipée.

Un tel manquement est constitué lorsque le débiteur indique clairement et sans ambiguïté

qu’elle se rendra coupable d’une inexécution.

L’inexécution ne doit pas seulement être supposée.

Il existe une hypothèse où dans le cadre de ce manquement annoncé, une résiliation anticipée

ne peut être mise en œuvre.

Si le créancier a exécuté ses prestations et que l’inexécution du débiteur porte sur le paiement

de ces dernières, le créancier ne peut exiger le paiement immédiat et doit attendre le terme

prévu.

A noter que la partie lésée peut toujours revenir sur sa volonté de résiliation.

2. La résolution unilatérale extra-judiciaire

437. Elle est envisagée dans le droit anglais.

Lorsque le débiteur n’exécute pas une «condition » c’est lui-même qui résout le contrat par son

inexécution.

C’est ce que le droit anglais nomme la « repudiation of the contract ».

9456. Hochster v/ De la Tour, in the Queen’s Bench, 1853 2 Ellis and Bl 678

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104

Dans ce cas, le créancier peut accepter cette repudiation et ainsi la résolution unilatérale du

contrat est constituée.

L’intervention du juge est par essence exclue en amont.

Mais à l’inverse du droit français et allemand il ne prévoit pas un recours a posteriori au juge

par le débiteur.

B. Les effets de la résolution

438. Le droit anglais adopte une position très différente du droit français.

En effet, le contrat non exécuté est « discharge » c’est dire qu’il prend fin mais sans aucun effet

rétroactif.

Si le droit anglais n’admet pas la rétroactivité, il prévoit par contre le mécanisme de restitutions.

Et la Common law base ce principe de restitution sur la notion d’enrichissement sans cause.

Il s’agit d’obliger la partie contrevenante à restituer au créancier le profit qu’elle a injustement

retiré.

Ces restituions peuvent s’effectuer en nature ou en valeur.

En droit anglais, ces restitutions sont considérées comme une alternative aux dommages et

intérêts quand il apparait évident que le créancier ne pourra chiffrer son préjudice.

Pour obtenir la dite résolution, le créancier doit prouver qu’une « condition » a été inexécutée.

439. Le droit anglais admet ainsi le mécanisme de la résolution, essentiellement de nature

judicaire, s’opposant ainsi à la philosophie du droit allemand.

Nous retiendrons que la résolution est subordonnée à une inexécution d’une « condition » soit

d’une obligation essentielle ainsi que la consécration encadrée de la résolution anticipée.

III) Les projets de réforme européens

A. Les principes Lando

1. Les conditions

440. Le droit de résoudre le contrat est prévue à l’article 9 :301, « Une partie peut résoudre le

contrat s’il y a inexécution essentielle de la part du cocontractant ».

La résolution est une résolution de nature extra-judiciaire.

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105

La première remarque à faire est évidente, le projet impose que l’inexécution soit une

inexécution essentielle, donc concrètement une inexécution portant sur une obligation

essentielle.

Cette position rejoint celle adoptée par le droit anglais.

441. L’article 8 :103 définit l’inexécution essentielle.

Elle est essentielle lorsque :

-la stricte observation de l’obligation est de l’essence même du contrat.

-l’inexécution prive substantiellement le créancier d’une prestation qu’il attendait légitimement

de par le contrat sauf si le débiteur ne pouvait prévoir le résultat.

-lorsqu’il apparait que l’inexécution intentionnelle demeurera pour l’avenir et qu’aune

exécution ne sera possible pour l’avenir.

442. Il est évident que les principes focalisent leur attention sur la nature de l’obligation plus

que sur le préjudice.

L’inexécution essentielle est donc constituée lorsqu’elle porte sur une prestation importante du

contrat et semble exclu lorsqu’une obligation secondaire est concernée.

Cet article a inspiré le projet Terré qui a repris le contenu exact de cet article pour définir

l’inexécution grave.

443. Mais L’article, 9 :301 énonce dans son alinéa 2 « qu’en cas de retard, le créancier peut

également résoudre le contrat en vertu de l’article 8 :106 (3) ».

En réalité, cet aliéna permet de déroger à la règle de la résolution pour inexécution essentielle

soit pour inexécution d’une obligation essentielle.

L’article 8 :106 prévoit en effet que lorsque le retard dans l’exécution ne constitue pas une

inexécution essentielle et que le créancier a notifié au débiteur un délai supplémentaire, il est

en droit de résoudre le contrat une fois ce délai expiré si le débiteur demeure défaillant.

Le créancier peut préciser que la résolution se fera de plein droit en cas d’inexécution à la fin

du délai.

Si le délai est trop court, le créancier devra résoudre le contrat une fois un délai raisonnable

passé.

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106

L’exécution tardive peut justifier une rupture unilatérale du contrat95.

444. Les principes Lando consacrent ainsi une notion qui n’est pas connue des trois droits

européens que nous venons d’étudier.

Cette possibilité offerte au créancier nous semble opportune. L’exécution tardive est parfois

aussi grave qu’une inexécution.

445. L’article 9 :302 aborde cette notion d’inexécution essentielle dans le cadre des contrats à

exécution fractionnée.

Si l’inexécution essentielle porte sur une tranche du contrat, indépendant des autres, alors le

créancier peut demander la résolution pour cette tranche uniquement.

Cet article consacre la résolution partielle du contrat en présence d’une inexécution partielle.

a) La consécration de la résolution anticipée

446. L’article 9 :304 des principes prévoit que « Lorsque, dès avant la date à laquelle la partie

doit exécuter, il est manifeste qu’il y aura inexécution essentielle de sa part, le cocontractant est

fondé à résoudre le contrat ».

A l’instar du projet Terré ou des droits anglais et allemand, l’inexécution anticipée peut

permettre une résolution anticipée.

Commentons ici un peu plus précisément cette disposition. Les observations faites ici

s’appliquant aux droits susvisés.

447. La pertinence de cette mesure peut être admise.

S’il est acté que l’exécution ne se réalisera jamais, alors attendre la date prévue pour

l’inexécution est une perte de temps et pénalise un peu plus le créancier qui reste lié par le

contrat. La résolution du contrat permet de limiter le préjudice du créancier.

En ce sens, cette mesure est intelligente.

A l’inverse, cette mesure présente une insécurité pour le débiteur.

95Principes contractuels communs, société de législation comparée, 2008.

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107

Car si à l’instant T, il est indéniable qu’au vu du sa situation le débiteur ne pourra exécuter son

obligation à l’instant T+1, rien ne dit que sa situation ne changera pas d’ici là et qu’il ne sera

pas capable d’honorer son engagement.

Il demeure théoriquement toujours un espoir que le débiteur puisse finalement réaliser sa

prestation.

Et puis il y a les termes inutilisés qui sont plutôt vagues : Qu’entend-on exactement par

« manifeste » ou encore « dès avant » ?

Il aurait été opportun d’encadre ces termes afin de limiter le danger auquel le débiteur, quel que

soit l’analyse que nous pouvons faire de cette disposition, est indéniablement exposé.

448. Cette précarité qui entoure le régime de la résolution anticipée explique que le droit

français soit réticent à l’envisager.

Et si nous devions trancher, en pesant les avantages et les inconvénients, nous pensons qu’il est

préférable de ne pas reconnaître cette possibilité de résolution.

b) La résolution par notification

449. Les principes Lando régissent les conditions de la notification dans leur article 9 :303.

Ce dernier prévoit que la résolution du contrat s’opère par notification au débiteur.

La résiliation est extra-judiciaire.

Les principes encadrent néanmoins la mise en œuvre de cette résolution unilatérale.

L’alinéa 2 du texte impose au créancier d’adresser la notification de résolution dans un délai

raisonnable à partir du moment où l’inexécution était connue ou connaissable par lui.

450. L’alinéa 3 prévoit d’une part que le créancier qui ne sait quel va être le comportement du

débiteur face à l’inexécution est dispensé de notifier la résolution tant qu’il n’a pas reçu une

offre d’exécution tardive par le débiteur.

La disposition laisse songeur. Elle renvoie à la nécessité d’interpréter subjectivement le

comportement du débiteur et parallèlement semble laisser le créancier dans une position

intermédiaire où il peut oui ou non accepter l’exécution tardive.

Ce point mériterait des éclaircissements.

La suite de l’alinéa est moins équivoque.

Si le débiteur fait part au créancier de son intention d’exécuter tardivement l’obligation, le

créancier doit lui notifier dans u délai raisonnable qu’il refusera la dite exécution.

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108

S’il dépasse ce délai, et en cas de réalisation de l’obligation, il ne pourra résoudre le contrat.

451. Cet article permet d’éviter que le créancier ne joue à sa guise avec le contrat.

Il ne faut jamais oublier que la résolution unilatérale extra-judiciaire se doit de respecter le

principe de bonne foi. Le créancier, à ce titre, ne peut abuser de son droit de résolution.

Il y a aussi la volonté de laisser une chance au débiteur qui voudrait honorer le contrat.

452. Enfin le dernier alinéa énonce qu’en cas d’empêchement absolu et permanent (force

majeure…) qui a empêché le débiteur de s’exécuter, le créancier est exonéré de l’obligation de

notification pour que le contrat soit résolu.

2. Les effets de la résolution

Le principal effet, est la disparition du contrat, puisque tel est l’objectif de la résolution.

a) L’absence d’effet rétroactif

453. Les principes prévoient que la résolution ne jouera que pour l’avenir. C’est l’article 9 :305

qui l’énonce.

En effet, la résolution libère les parties de leur obligation d’effectuer les prestations par

lesquelles elles étaient tenues dans le futur.

La résolution demeure sans effet sur les droits et obligations qui avaient pris naissance au

moment où elle est intervenue (sous réserve des articles 9 :306 et 9 :308).

Evidemment, la résolution ne joue pas sur les clauses relatives aux règlements des différends

ni sur les clauses prévoyant les effets qu’aurait la résolution.

454. La résolution a ici le caractère de la résiliation en droit français.

Cette position s’explique dans le sens où cela permet d’uniformiser de se simplifier les effets

de la résolution, quel que soit le type de contrat.

La rétroactivité étant impossible dans certains cas, les principes, comme le droit anglais ou

encore le projet Terré, préfèrent écarter systématiquement l’effet rétroactif.

Comme nous l’avons dit, c’est une position qui peut se concevoir.

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109

b) Les restituions

455. L’absence d’effet rétroactif n’exclut pas les restituions comme nous l’avons vu dans les

autres droits.

Les articles 9 :306 à 9 :309 envisagent ses restitutions.

Elles peuvent se faire en nature si le débiteur souhaite se séparer de la chose reçue qui a perdu

en valeur ;

Une partie peut demander de recouvrer la somme payée pour une prestation qui n’a pas été

exécutée ;

Le créancier peut demander à ce que lui soient restitués les biens transmis sans paiement en

contrepartie.

Enfin, la partie peut exiger la restitution en valeur si elle n’est pas possible en nature.

456. A noter que les principes n’envisagent pas la clause résolutoire.

Les principes Lando abordent donc de la résolution au sens général de la notion et ainsi donc

prévoit les mêmes effets quel que soit la particularité de la résolution, comme l’exclusion

notamment de l’effet rétroactif de celle-ci.

Elle a choisi de reconnaitre la résolution anticipée, qui toutefois s’entoure de certaines

interrogations quant à ses modalités d’application.

Les principes Lando, dans le cadre de la résolution, montre une fois de plus sa tendance anglo-

saxonne.

B. Le code Gandolfi

1. les conditions de mise en œuvre de la résolution

457. L’article 114 du code aborde la résolution96.

Il énonce que « S’il se produit une inexécution d’une importance notable, au sens où l’entend

l’article 107, le créancier a le droit de procéder à la résolution du contrat, en sommant le débiteur

de l’exécuter dans un délai raisonnable, et pourvu qu’il ne soit pas inférieur à 15 jours, et en lui

notifiant que si le délai s’écoule inutilement, le contrat sera considéré comme résolu de droit ».

Ce premier alinéa consacre la résolution par simple notification c’est à dire extra-judiciaire.

96 Code européen des contrats, Académie des privatistes européens, Milano - Dott ; A Giuffrè Editoire - 2004

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110

Comme l’exige les différents droits vus, le code impose au créancier de laisser un délai

raisonnable au débiteur pour pouvoir s’exécuter, c’est ce qui correspond à la mise en demeure

en droit français.

Il faut relever ici, que si le code reprend la formule de délai raisonnable, il précise qu’il ne peut

être inférieur à 15 jours. Cette précision est à saluer car elle évite en partie certains écueils quant

à l’interprétation du « délai raisonnable ».

Un coté pragmatique, dans le sens où le code Gandolfi, à l’inverse des principes Lando, a la

volonté d’apporter des solutions concrètes plus que des principes généraux.

Cette vision très pragmatique est un avantage.

458. Le code exige une inexécution d’importance notable, à l’instar des principes Lando, du

droit anglais, allemand…

L’article 107 définit celle-ci. « Une inexécution a une importance notable si elle concerne une

des obligations principales (et non secondaires) du contrat et, en outre, quand, compte tenu de

la qualité des personnes et de la nature de la prestation, l’inexécution comporte pour le créancier

un préjudice tel qu’elle le prive substantiellement de ce qu’il est en droit d’attendre ».

La position de ce texte est clairement analogue au droit anglais, ainsi qu’aux principes Lando,

qui font tous référence à une inexécution essentielle, qui en conséquence prive le créancier

d’une prestation importante qui était l’objet principal du contrat semble-t-il.

Dans cet article encore, transparait la volonté du Code d’exclure toute ambiguïté.

L’inexécution essentielle porte sur une obligation principale uniquement, et non secondaire.

Alors que les autres droits n’excluaient pas explicitement les obligations secondaires

textuellement ; le code s’est voulu très clair à ce sujet.

Nous ne pouvons qu’apprécier.

459. L’article 114 prévoit aussi dans son 3ème aliéna qu’une fois le délai raisonnable écoulé, le

créancier n’est plus en droit d’attendre l’exécution et ainsi peut la refuser au créancier qui n’est

alors plus tenu.

460. Enfin, une autre condition est exigée par l’alinéa 6.

Le débiteur ne peut procéder à la résolution du contrat s’il est responsable de l’inexécution pour

laquelle il veut mettre en jeu la résolution.

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111

Sa faculté de résolution est aussi exclue s’il a fait part au débiteur de sa volonté de ne pas

procéder à une résolution.

a) Le cas particulier de la clause résolutoire

461. Contrairement aux principes Lando, le code européen des contrats envisage cette clause ;

L’article 114 alinéa 2 indique que « Si le contrat comporte une clause en vertu de laquelle

l’inexécution d’une certaine prestation de la part de l’une des parties confère à l’autre le droit

de résoudre le contrat, l’inexécution sera considérée en tout état de cause comme ayant une

importance notable au sens où l’entend l’article 107, et le contrat sera tenu pour résolu dès lors

que la partie intéressée notifie au débiteur qu’elle entend se prévaloir de la clause en question ».

462. Plusieurs remarques :

La première, l’article en évoquant la clause exige la condition inhérente à la clause résolutoire

telle que nous l’avons étudié dans ce mémoire, elle doit viser les obligations dont l’inexécution

entraine le jeu de la clause et donc la résolution.

Seconde remarque, aucun délai ne doit être laissé au débiteur pour lui permettre une exécution

tardive.

La résolution est de plein droit, le créancier doit seulement notifier au débiteur la mise en jeu

de la clause qui prend effet au moment de la réception de la notification par le débiteur.

Enfin, l’un des avantages de cette clause est qu’elle permet de contourner l’exigence d’une

« inexécution d’importance notable ».

En effet, la clause peut prévoir que l’inexécution d’une obligation secondaire déclenchera

l’application de la clause. Or, dans le cas de la clause, l’article reconnait que cette obligation

est automatiquement considérée comme notable.

Il est donc très intéressant pour les parties d’insérer une telle clause dans leur contrat.

b) La résolution anticipée

463. Elle est envisagée par les articles 90 et 91 du code.

Ils prévoient que s’il apparait que le débiteur ne pourra exécuter sa prestation à temps, ou qu’il

a fait part au créancier de son intention de ne pas exécuter le contrat, alors le créancier a la

possibilité d’envoyer un courrier au débiteur en lui annonçant, qu’en au vu de sa situation

actuelle, ou au vu de sa déclaration, il considère l’inexécution constituée.

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112

L’inexécution actée permettra alors de résoudre le contrat avant de constater à l’instant T, qu’en

effet, l’obligation n’est pas exécutée.

Dans le cadre de cette résolution anticipée, le code prévoit légitimement que le débiteur puisse

contester l’inexécution par écrit adressé au créancier.

Si ce dernier maintient sa position, alors il devra s’adresser au juge. La résolution sera alors

actée si le débiteur ne s’est pas employé pour exécuter l’obligation.

2. Les effets de la résolution

464. La résolution emporte extinction du contrat.

L’article 114 dans son aliéna 4 évoque la résolution partielle que peut demander le créancier,

si, en l’absence d’une exécution totale, il accepte ce qu’il a été reçu du débiteur. En

conséquence, sa contrepartie, par exemple monétaire, sera réévaluée proportionnellement.

L’alinéa 5 prévoit la résolution pour les contrats à exécution successive. Dans ces derniers, les

prestations exécutées précédemment à la partie du contrat inexécutée ne subissent pas l’effet de

la résolution.

465. Enfin l’article 115 du code énonce que la résolution emporte restitutions.

Le créancier peut exiger du débiteur qu’il lui restitue ce qui lui a été donné en échange de la

prestation qu’il n’a pas exécutée.

L’article 160 prévoit les modalités de restituions dans le cas de la résiliation.

Par contre, à aucun moment, le code n’aborde clairement la question de la rétroactivité de la

résolution.

466. Pour conclure, nous pouvons dire que le code Gandolfi apporte des solutions très

pragmatiques concernant la résolution pour inexécution, des solutions qui sont sans ambigüités

pour l’essentiel.

S’il prévoit la résolution anticipée, qui reflète la liberté donnée au créancier, il se rapproche sur

nombre de points du droit français.

Déjà, concernant cette résolution anticipée, un recours est octroyé au débiteur qui peut contester

la dite résolution obligeant le créancier à saisir le juge.

De plus, contrairement aux principes Lando, le code consacre aussi la clause résolutoire.

Enfin, si le code évoque la résolution essentiellement extra-judiciaire par notification, il prévoit

la possibilité de la résolution judiciaire, par son article 158.

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113

La résolution peut émaner d’une décision de justice qui aura pour avantage d’accompagner la

résolution de dommages et intérêts et d’encadrer les restitutions dues.

Nous pouvons saluer cette possibilité qui est toutefois bien résiduelle dans le sens où, pour

demander une telle résolution, le créancier doit attendre 6 mois après les déclarations échangées

entre débiteur et créancier suite à l’inexécution.

Par contre, une fois saisi, le juge aura tous les pouvoirs pour apprécier la résolution dans son

ensemble.

Il pourra confirmer ou annuler la résolution.

Il aura la faculté d’octroyer des délais supplémentaires au débiteur pour s’exécuter.

Il pourra en outre décider si la résolution doit être totale ou partielle et si elle doit être

accompagnée de dommages et intérêts.

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114

Chapitre 2 La réparation de l’inexécution

Il sera étudié dans le présent chapitre la réparation de l’inexécution.

Nous envisagerons le principe, qui est celui de la réparation intégrale du préjudice avant de

nous intéresser aux exceptions à ce principe.

Section 1 En droit français

Paragraphe 1 La législation actuellement en vigueur

I) Le principe de réparation intégrale

Le droit français exige qu’il y ait la présence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de

causalité.

La réparation est envisagée dans le cadre de la responsabilité contractuelle.

A. Nécessité d’une mise en demeure

467. Les dommages et intérêts peuvent se concevoir comme une sanction à part entière ou en

sus d’une autre sanction, telle que l’exécution forcée ou la résolution.

Elle joue surtout un rôle de réparation de l’inexécution.

L’octroi de dommages et intérêts tend essentiellement au départ à réparer un préjudice.

C’est dans cette optique que les dommages et intérêts ont été introduits comme remède à

l’inexécution contractuelle.

L’allocation de dommages et intérêts est subordonnée à l’existence d’une faute, d’un dommage

et d’un lien de causalité, c’est-à-dire qu’elle trouve son fondement dans la responsabilité

contractuelle du cocontractant.

468. Plusieurs questions sont inhérentes à ce mécanisme.

Comment déterminer le montant des dommages et intérêts ? A partir de quel moment

l’inexécution est-elle retenue pour permettre le calcul du montant des dommages et intérêts?

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115

469. En matière contractuelle, l’octroi de dommages et intérêts passe par une mise en demeure

préalable, telle que prévue par l’article 1146 du code civil97.

Cette mise en demeure est essentielle car elle permet d’acter l’inexécution et surtout elle fait

courir les dommages et intérêts moratoires qui sont dus en raison du retard de l’inexécution.

Nous sommes ici en dehors de notre champ d’étude. Ils ne seront pas détaillés.

A l’inverse, pour les dommages et intérêts compensatoires, aucune mise en demeure n’est

exigée. La cour de Cassation a rappelé ce principe dans un arrêt de sa chambre mixte du 06

juillet 200798.

Cette position est critiquée par certains auteurs et influencera le projet Catala.

470. L’article 1153 aborde l’obligation de paiement d’une somme d’argent. Dans ce cas, les

dommages et intérêts correspondent aux intérêts aux taux légal. Ces intérêts sont dus dès le jour

de la sommation de payer ou tout autre acte équivalent. La mise en demeure du débiteur est

donc aussi exigée.

471. La mise en demeure n’est pas toujours nécessaire.

Ainsi, l’article 1145 du code civil prévoit qu’en cas d’inexécution d’une obligation de ne pas

faire, les dommages et intérêts sont dus par le seul fait de la contravention ».

L’octroi de dommages et intérêts n’est pas subordonné à la preuve d’un préjudice ni de la

nécessité d’une mise en demeure.

L’article 1146, qui prévoit cette mise en demeure, l’écarte dans le cas où l’obligation devait être

impérativement exécutée dans un délai précis, déjà dépassé.

Mais surtout, le contrat peut prévoir que le délai pour exécuter arrivé à son terme, l’inexécution

effective vaudra alors mise en demeure.

L’insertion d’une telle disposition est possible puisque l’article 1146 n’est pas d’ordre public.

Cette possibilité nous semble très opportune.

97 Article 1146 CC « Les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son

obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être

donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d'une lettre

missive, s'il en ressort une interpellation suffisante ». 98 58. Cass, Ch mixte, 06 juillet 2007 : D.2007, 2642 et note G.Viney

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116

B. Une réparation par équivalent ou en sus

472. Comme nous l’avons vu à l’occasion de notre étude de l’exécution forcée, l’octroi de

dommages et intérêts est notamment posé par le code civil, en son article 1142, comme le

moyen utilisé par principe pour toute inexécution. Les dommages et intérêts étant ici considérés

comme une exécution en équivalent.

Face à une inexécution d’une obligation de faire ou de ne pas faire, l’article 1142 prévoit que

cette inexécution se résout en dommages et intérêts.

Comme étudié précédemment, en pratique, c’est l’exécution en nature qui est privilégiée.

Il n’en demeure pas moins, qu’en cas d’impossibilité d’exécution forcée en nature, comme pour

les obligations à caractère très personnel, ou en cas d’impossibilité juridique, alors l’octroi de

dommages et intérêts est la solution privilégiée.

473. Mais les dommages et intérêts sont aussi un remède cumulatif aux autres sanctions comme

le prévoit l’article 1184 du code civil.

474. En cas d’inexécution définitive, on parle de dommages et intérêts compensatoires.

Le versement de ceux-ci se fait principalement par le versement d’une somme globale, qui a

lieu en une seule fois.

Plus exceptionnellement, les dommages et intérêts seront versés sous forme de rente.

C. L’étendue de la réparation

475. Il y a un principe immuable en droit français, l’indemnisation concerne « Tout le préjudice,

mais rien que le préjudice99 ».

La cour de cassation, par sa 2ème chambre civile en date du 04 février 1982 a déclaré que « le

propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit

par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation dans

laquelle elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était point produit ».

Il existe plusieurs préjudices : moral, matériel, ou corporel.

476. Le droit français limite la réparation au préjudice certain actuel mais aussi futur.

99 Manuel droit des obligations, Philippe Malinvaud, Dominique Fenouillet, LexisNexis, 12ème Ed, 2012

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117

En matière contractuelle, l’article 1150 prévoit que « le débiteur n’est tenu des dommages et

intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son

dol que l’obligation n’est point exécutée ».

Le débiteur n’est tenu d’indemniser le créancier qu’à hauteur du dommage prévisible né du

contrat.

La prévisibilité s’entend au sens des causes à l’origine du dommage et de l’étendue de celui-ci.

Ces dispositions qui limitent la responsabilité du débiteur ne concernent pas la détermination

de l’équivalent monétaire destiné à réparer le dommage.

Cette notion de prévisibilité, s’efface devant le dol du débiteur, alors auteur d’une faute lourde.

Or la faute lourde dolosive s’entend lorsque le débiteur, délibérément, refuse d’exécuter ses

obligations contractuelles100.

Il y a le cas des intérêts moratoires, qui sont prévus lorsque l’inexécution concerne une dette

d’argent. La mise en demeure fait alors courir des dommages et intérêts moratoires, en sus

des dommages et intérêts qui pourraient être alloués pour l’inexécution.

477. Le droit positif connait toutefois une atténuation du principe selon lequel seul le préjudice

certain est indemnisé via la théorie de la perte de chance.

La réparation étant alors fondée sur une probabilité.

La partie a perdu une chance de réussir, d’assister à un évènement…il y a donc lieu à

indemnisation.

L’appréciation des juges est souveraine.

L’article 1149 du code civil énonce que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en

général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé ».

478. Le droit français n’exige pas non plus que le créancier minimise son préjudice.

Aujourd’hui, au vu notamment de la position des droits européens, la doctrine s’interroge.

Cette exigence de minimisation est déjà reconnue dans certains domaines, comme celui de

l’assurance101.

100 63. Cass, civ 3ème, 10 février 1999 ; RCA 1999, n°110

101Article L172-23 du code des assurances

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118

La jurisprudence avait pris des libertés sur cette question en matière médicale, la loi du 27 juillet

1999 n°99-641 a rappelé que la victime n’a pas à minimiser son préjudice et peut refuser des

interventions médicales102.

La cour de cassation a donc corrigé sa position dans ses arrêts ultérieurs103.

II) Les exceptions

1. Les dommages et intérêts punitifs

479. Le droit positif français ne connaît pas les dommages et intérêts punitifs.

En effet les dommages et intérêts sont là pour indemniser le créancier à hauteur de son

préjudice. Il ne serait pas opportun que l’indemnisation aille au-delà.

Toutefois la Cour de Cassation a admis que les dommages et intérêts punitifs n’étaient pas

contraires à l’ordre public dès lors qu’ils ne sont pas disproportionnés.

La cour de cassation a adopté cette position lorsqu’elle a été saisie d’une décision d’exequatur

d’une décision étrangère qui avait prononcés des dommages et intérêts punitifs. C’est ainsi

qu’elle a déclaré que les dommages et intérêts punitifs n’étaient pas en soi contraire à l’Ordre

Public104.

Ils sont donc une exception au principe de réparation intégrale car ils peuvent aller au-delà de

la réparation du simple préjudice.

2. Les aménagements conventionnels

Ces deniers ne seront pas étudiés de manière exhaustive mais seulement dans leur régime

général afin de cerner en quoi ils exceptent au principe.

a) Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité

480. Elles sont nombreuses et l’objectif n’est pas ici de les étudier de manière exhaustive.

Elles sont admises en droit français dans leur principe.

102 Cass, 2ème civ, 13 janvier 1966 : Gaz Pal. 1996 I, 375 103 Cass, 2ème civ, 19 juin 2003, Bull civ 2003, II, n°203. 104 Cass, Civ, 1er décembre 2010 : D 2011, obs I. Gallmeister.

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119

Toutefois, elles seront considérés comme nulles si elles permettent au débiteur de s’exonérer

de sa responsabilité et donc de son devoir de réparation en cas de faute intentionnelle ou de

faute lourde.

En cas de manquement d’un débiteur à une de ses obligations essentielles, la clause n’a pas de

cause et donc n’est pas valable.

Cette limitation concernant le champ d’application de la clause, a trouvé sa première réelle

consécration dans l’arrêt Chronopost du 22 octobre 1996105 qui a été le premier d’une longue

et riche jurisprudence.

b) La clause pénale

481. Cette clause, insérée dans le contrat, permet de fixer forfaitairement un montant de

dommages et intérêts en cas d’inexécution du contrat.

Mais il existe un risque que cette clause pénale soit trop élevée par rapport à l’inexécution qui

pourrait la déclencher.

Le juge peut donc diminuer la clause pénale.

Dans certain cas il peut même l’augmenter.

Cette prérogative ressort de l’article 1152 du CC106.

III) La mise en œuvre du principe d’indemnisation

Cette dernière se fait uniquement en fonction du préjudice et non de la faute.

En pratique, la nature de la faute est prise en compte, la réparation pour un même préjudice sera

surement évalué différemment selon que la faute est légère ou grave.

Une difficulté apparait quant au moment où doit être évalué le préjudice et le moment à

partir duquel court l’indemnisation.

Le droit français a adopté une position relativement linéaire, en considérant que c’est à partir

du jugement que court l’indemnisation.

105 Cass Com. 22 oct. 1996, Chronopost, n°93-18.632, D. 1997. 121, note Sériaux ; D. 1997. 145, note Larroumet

; D. 1997. 175, note Delebecque ; RTD civ. 1997. 418, note Mestre ; RTD civ. 1998. 213, note Molfessis. 106 Art 1152 CC « Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme

à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est

manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite ».

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120

La Cour de cassation a consacré cette solution voilà plus d’un siècle107.

Paragraphe 2 Les projets de réforme

I) Le projet Catala

482. L’article 1158 du projet, comme nous l’avons vu, permet au créancier de demander des DI

en cas d’inexécution à côté de l’exécution forcée ou de la résolution ou en tant que sanction en

elle-même.

A. Le principe de réparation intégrale

483. Le projet pose le principe de la réparation intégrale dans son article 1368.

Ce dernier énonce que « La réparation peut, au choix du juge, prendre la forme d'une réparation

en nature ou d'une condamnation à des dommages-intérêts, ces deux types de mesures pouvant

se cumuler afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice ».

L’article 1370 ajoute que « Sous réserve de dispositions ou de conventions contraires,

l'allocation de dommages-intérêts doit avoir pour objet de replacer la victime autant qu'il est

possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu. Il

ne doit en résulter pour elle ni perte ni profit »

1. Mise en demeure

484. C’est l’article 1152-3 du projet qui définit les modalités de la mise en demeure.

Il énonce que « Le débiteur est mis en demeure soit par une sommation ou un acte équivalent

dont il ressort une interpellation suffisante, soit, si la convention le prévoit, par la seule échéance

du terme ».

La définition de la mise en demeure est telle que nous la connaissons aujourd’hui.

En droit positif nous avons vu que concernant les dommages et intérêts compensatoires, dus en

cas d’inexécution, la mise en demeure n’était pas obligatoire.

Le projet Catala a adopté une position inverse dans son article 1365 « La mise en demeure n'est

requise pour la réparation de tout autre préjudice que lorsqu'elle est nécessaire pour caractériser

l’inexécution ».

107 Cass, civ, 16 février 1948 : S.1949, I, 69.

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121

Or, tant que le créancier n’a pas mis en demeure le débiteur, l’inexécution n’est pas avérée.

Aussi le projet Catala adopte une position différente du droit positif mais en accord avec la

position de la doctrine majoritaire.

Cette mise en demeure vaut toujours pour les intérêts moratoires.

L’article 1381, qui reprend l’article 1153, n’a toutefois pas repris l’exigence d’une mise en

demeure lorsqu’il s’agit d’une obligation de payer une somme d’argent.

485. L’article 1154-1 du projet énonce que « L’inobservation d’une obligation de ne pas faire

se résout de plein droit en dommages-intérêts du seul fait de la contravention, sauf le droit pour

le créancier d’en exiger à l’avenir l’exécution en nature ».

La formulation de cet article nous rappelle la formulation de l’article 1142 de notre code civil,

si contesté aujourd’hui.

Mais à la différence de l’article 1142, si la réparation en dommages et intérêts se fait de plein

droit, le créancier peut l’écarter en choisissant l’exécution forcée.

Le principe selon lequel l’exécution forcée est le remède premier face à une inexécution

contractuelle n’est pas remis en cause.

2. Une réparation par équivalent ou en sus

486. Les dommages et intérêts ont plusieurs finalités.

S’ils peuvent être considérés comme une réparation en équivalent, en cas d’impossibilité

d’exécution en nature, C’est-à-dire un remède en tant que tel, ils peuvent aussi s’ajouter à

l’exécution forcée ou à la résolution.

Le projet Catala reste fidèle au droit positif.

C’est l’article 1158 précité qui le prévoit108 (70).

487. A l’instar du droit positif, le juge peut décider de verser ces dommages et intérêts sous

forme d’un capital ou d’une rente.

C’est l’article 1376 qui le prévoit, « L'indemnité peut être allouée au choix du juge sous forme

d'un capital ou d'une rente, sous réserve des dispositions de l'article 1379-3 ».

108 Article 1158 projet Catala « «Dans tout contrat, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou

l’a été imparfaitement, a le choix ou de poursuivre l’exécution de l’engagement ou de provoquer la résolution du

contrat ou de réclamer des dommages intérêts, lesquels peuvent, le cas échéant, s’ajouter à l’exécution ou à la

résolution ».

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122

Pas de réelles nouveautés introduites par le projet sur la réparation par équivalent.

3. L’étendue de la réparation

488. Le projet Catala conserve le principe selon lequel « tout le préjudice et rien que le

préjudice » est réparé.

L’article 1370 dispose en effet que « Sous réserve de dispositions ou de conventions contraires,

l'allocation de dommages-intérêts doit avoir pour objet de replacer la victime autant qu'il est

possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu. Il

ne doit en résulter pour elle ni perte ni profit ».

Pour ce faire, un large pouvoir d’appréciation est laissé aux juges pour chiffrer le plus

exactement possible ce préjudice.

Le projet Catala a toutefois souhaité limiter ce pouvoir. S’il octroie aux juges le pouvoir

d’analyser les circonstances et l’évolution du préjudice certain, aujourd’hui ou à l’avenir, dans

son article 1372109, il exige que les juges se penchent sur chaque préjudice séparément, selon

l’article 1374 du projet110.

489. L’article 1366 du Projet Catala prévoit que « Sauf dol ou faute lourde de sa part, le débiteur

n'est tenu de réparer que les conséquences de l'inexécution raisonnablement prévisibles lors de

la formation du contrat ».

C’est l’équivalent de l’article 1150 de notre code civil actuel.

490. Le projet Catala consacre la jurisprudence de la perte de chance en son article 1346 qui

énonce que « La perte d'une chance constitue un préjudice réparable distinct de l'avantage

qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ».

Or cet article se trouve dans le paragraphe intitulé « préjudice réparable ».

109 Article 1372 du Projet Catala. « Le juge évalue le préjudice au jour où il rend sa décision, en tenant compte de

toutes les circonstances qui ont pu l'affecter dans sa consistance comme dans sa valeur, ainsi que de son évolution

raisonnablement prévisible. » 110 Article 1374 du projet Catala. « Le juge doit évaluer distinctement chacun des chefs de préjudice allégués qu'il

prend en compte. En cas de rejet d'une demande relative à un chef de préjudice, le juge doit motiver spécialement

sa décision ».

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123

B. Les exceptions au principe

1. Les dommages et intérêts punitifs

491. Le projet Catala, souvent conservateur en se « contentant » de consacrer le droit positif

actuel, adopte ici une position réformatrice en consacrant les dommages et intérêts punitifs.

L’article 1371 prévoit que « L'auteur d'une faute manifestement délibérée, et notamment d'une

faute lucrative, peut être condamné, outre les dommages-intérêts compensatoires, à des

dommages-intérêts punitifs dont le juge a la faculté de faire bénéficier pour une part le Trésor

public. La décision du juge d'octroyer de tels dommages-intérêts doit être spécialement motivée

et leur montant distingué de celui des autres dommages-intérêts accordés à la victime. Les

dommages-intérêts punitifs ne sont pas assurables ».

Ces dommages et intérêts sont surtout envisagés lorsque le débiteur se rend coupable d’une

faute qui lui procure un profit supérieur à la sanction encourue.

Le juge apprécie le montant de ces dommages et intérêts punitifs, aucune règle de calcul n’étant

envisagée.

2. La minimisation du dommage

492. Le projet Catala introduit une seconde innovation.

Il impose au créancier de diminuer autant qu’il peut le préjudice qu’il a subi. Il s’est

certainement inspiré des droits européens et des projets de réforme européens.

L’article 1373 prévoit ainsi que « Lorsque la victime avait la possibilité, par des moyens sûrs,

raisonnables et proportionnés, de réduire l'étendue de son préjudice ou d'en éviter l'aggravation,

il sera tenu compte de son abstention par une réduction de son indemnisation, sauf lorsque les

mesures seraient de nature à porter atteinte à son intégrité physique ».

C’est là une innovation lourde de conséquences.

Le créancier, déjà victime, peut être doublement sanctionné s’il n’adopte pas une attitude visant

à réduire au maximum son préjudice.

Nous trouvons cette position très contestable.

L’article pose tout de même une exception en énonçant que cette exigence est exclue lorsque

les mesures qui réduiraient le préjudice porteraient atteinte à l’intégrité physique du débiteur.

Encore heureux !

Si la jurisprudence tendait à prendre en compte l’attitude du débiteur face à son préjudice, la

consécration textuelle permettra de légitimer cette tendance.

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124

Selon nous, cette disposition n’est pas opportune.

3. Les aménagements contractuels

a) Les clauses limitatives de responsabilité

493. Elles sont envisagées par le projet dans les articles 1382 à 1382-4 et reprennent la position

du droit positif111.

Elles sont par principe valables. Mais comme l’admet aujourd’hui le droit français, en cas de

faute dolosive ou lourde ou en cas de d’un manquement d’une obligation essentielle, la clause

est considérée comme nulle.

L’article 1382-2 du projet aliéna 1er dispose « qu’un cocontractant ne peut exclure ou limiter

la réparation du dommage causé à son cocontractant par une faute dolosive ou lourde ou par le

manquement à une obligation essentielle ».

b) La clause pénale

494. L’article 1383 du projet prévoit que « Lorsque les parties ont fixé à l'avance la réparation

due, le juge peut, même d'office, modérer la sanction convenue si elle est manifestement

excessive ».

La clause est donc licite mais peut toujours être contrôlée par le juge.

Le projet Catala consacre le droit positif, dans sa totalité…ou presque.

Aujourd’hui, il est possible au juge d’augmenter aussi la clause pénale.

Quitte à consacrer le mécanisme, pourquoi ne pas le faire entièrement ?

111 Art 1382 : Les conventions ayant pour objet d'exclure ou de limiter la réparation sont en principe valables,

aussi bien en matière contractuelle qu'extra-contractuelle.

Art. 1382-1 Nul ne peut exclure ou limiter la réparation d'un dommage corporel dont il est responsable

Art. 1382-2 Un contractant ne peut exclure ou limiter la réparation du dommage causé à son co-contractant par

une faute dolosive ou lourde ou par le manquement à l'une de ses obligations essentielles

En l'absence de contrepartie réelle, sérieuse et clairement stipulée, un professionnel ne peut exclure ou limiter

son obligation de réparer le dommage contractuel causé à un non-professionnel ou consommateur.

Art. 1382-3 En matière contractuelle, la partie à laquelle est opposée une clause excluant ou limitant la réparation

doit avoir pu en prendre connaissance avant la formation du contrat.

Art. 1382-4 En matière extra-contractuelle, on ne peut exclure ou limiter la réparation du dommage qu'on a causé

par sa faute

Dans les autres cas, la convention n'a d'effet que si celui qui l'invoque prouve que la victime l'avait acceptée de

manière non équivoque.

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125

C. La mise en œuvre de la réparation

495. En droit positif c’est l’étendue du préjudice et non la faute qui est prise en considération

pour déterminer les dommages et intérêts.

Nous avions toutefois dit qu’implicitement la nature de la faute influençait quelque peu la

réflexion des juges.

Le projet Catala a décidé de consacrer textuellement l’influence de la faute dans l’évaluation

des dommages et intérêts.

L’article 1378 énonce que « Tous les responsables d'un même dommage sont tenus

solidairement à réparation.

Si tous les co-auteurs ont vu leur responsabilité retenue pour faute prouvée, leur contribution

se fait en proportion de la gravité de leurs fautes respectives ».

Il est fait mention de la gravité de la faute.

Cette introduction de la faute dans l’évaluation des dommages et intérêts est pertinente.

496. Une autre question porte sur le moment où doit être évalué le préjudice.

Le projet reprend la position du droit positif en prévoyant que l’évaluation se fait au jour du

jugement. C’est l’article 1372, suscité, qui l’indique.

497. Si nous devons faire une synthèse rapide, nous devons reconnaitre que le Projet Catala se

veut très réformateur concernant la réparation du dommage subi par l’inexécution.

Il introduit les dommages et intérêts punitifs, exige une minimisation du préjudice par le

créancier et indique que la faute doit être prise en compte au même titre que le préjudice pour

évaluer le montant des dommages et intérêts.

Nous pouvons regretter les deux premières innovations.

Le projet Catala, en se montrant plus innovant que sur les autres aspects étudiés ici, n’a pas

innové de manière, selon nous, pertinente au regard de notre droit français.

Le projet Catala a souhaité abordé la notion des dommages et intérêts dans le cadre de la

responsabilité civile plutôt que dans celui de la responsabilité contractuelle.

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126

II) Le projet Terré

498. L’article 97 déjà cité offre la possibilité au créancier de réclamer des dommages et intérêts.

Ce sont les articles 117 à 123 qui traitent de ce « remède »112.

L’article 117 rappelle simplement que les dommages et intérêts sont une des réponses possibles

à l’inexécution d’une obligation contractuelle.

A. Le principe de réparation intégrale

499. En effet, l’article 118 prévoit que « les dommages et intérêts sont, en règle générale, d’un

montant qui place le créancier dans la situation où il se trouverait si le contrat avait été dûment

exécuté, en considérant la perte qu’il a faite et le gain dont il a été privé.

Le premier alinéa de ce texte évoque incontestablement le principe selon lequel les dommages

et intérêts réparent tout le préjudice et rien que le préjudice.

500. Le second alinéa indique « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été

prévus ou qu’on pouvait raisonnablement prévoir lors de la conclusion du contrat lorsque

l’inexécution n’est point due à son dol ou à sa faute lourde ».

Nous retrouvons le principe selon lequel c’est le préjudice prévisible qui est indemnisé.

En cas de dol, le créancier sera indemnisé à hauteur des conséquences et suites découlant de

l’inexécution dolosive, comme l’énonce l’article 119.

L’article suivant offrant toutefois la possibilité pour le créancier de demander au juge qu’il soit

indemnisé sur la base du profit qu’a tiré le débiteur du dol.

Ce projet développe, de manière plus précise, les modalités d’indemnisation en cas de dol ou

de faute lourde du débiteur.

C’est un choix qui n’est ni présent en droit français ni, comme nous le verrons, en droit

européen.

Le projet prévoit, par son article 121, et ce logiquement, que si le créancier a contribué à créer

la situation à l’origine de l’inexécution, il ne peut prétendre à réparation.

A noter que la mise en demeure est maintenue en principe pour les dommages et intérêts

compensatoire.

112 Projet Terré, pour une réforme du droit des contrats, Dalloz, 2008

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127

B. Les exceptions

1. La minimisation du dommage

501. L’article 121 énonce que le créancier n’a droit qu’à des dommages et intérêts réduits « […]

si le créancier n’a point pris les mesures, sures et raisonnables, propres à éviter, à modérer ou à

supprimer son préjudice ».

Le projet Terré consacre donc le principe de minimisation du dommage. Le créancier a un

devoir, face au préjudice qu’il subit, de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour le réduire.

C’est selon nous une double peine qui ne se justifie pas. Pourtant nous verrons que cette

obligation faite au débiteur se retrouve dans les droits européens.

2. La clause pénale

502. L’article 123 du projet consacre cette clause qui peut prévoir que celui qui manquera

d’exécuter le contrat devra payer une certaine somme à titre de dommages et intérêts. Il ne sera

alors pas possible de lui allouer plus, ou moins.

Mais l’article n’en oublie pas de protéger le débiteur et, dans son second alinéa, énonce que le

juge pourra modérer ou augmenter la somme si la stipulation contractuelle prévoit une somme

dérisoire ou excessive.

Les parties ne peuvent écarter le recours au juge par une clause.

Il est intéressant de voir que le juge, peut le faire d’office, et qu’il a la possibilité de majorer ou

minorer la somme.

Nous verrons que dans les droits européens il est fait mention du pouvoir de modérer la somme

mais pas l’inverse.

Cette précision est importante.

III) Le projet de la Chancellerie

503. Rappelons que l’article 125 du projet propose au créancier la possibilité de demander la

réparation de son préjudice subi par l’inexécution.

Ledit projet a souhaité reprendre le droit constant, sous réserve d’aménagements ultérieurs.

C’est ainsi que le projet, dans sa dernière version d’octobre 2013, indique qu’il reprend

l’ensemble des dispositions actuelles du code civil prévues par les articles 1146 à 1155.

Il n’y a donc aucune analyse particulière.

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128

Si ce n’est qu’en décidant de reprendre le droit constant, même sous réserves d’aménagements,

la Chancellerie ne semble pas vouloir réformer sensiblement le régime de la réparation.

Selon nous, il est donc peu probable que le projet innove en consacrant les dommages et intérêts

punitifs, ou encore en imposant au créancier de minimiser son dommage.

Etant donné que le Projet Catala est bien connu, si la Chancellerie avait eu l’ambition de s’en

inspiré, elle aurait consacré ces aménagements si ce n’est, dans sa première version de 2008,

dans les versions ultérieures.

Section 2 En droit européen

Paragraphe 1 Les droits allemand et anglais

I) Le droit allemand

504. En droit allemand, les dommages et intérêts sont subordonnés à l’existence d’une faute.

Cette possibilité de demander des DI est une nouvelle notion en droit.

Alors que le droit français aborde les préjudices sous leur aspect moral, économique et corporel,

le droit allemand distingue les dommages matériels et immatériels.

Le dommage immatériel est beaucoup plus rarement indemnisé ; les cas où il peut l’être sont

encadrés strictement par la loi113.

Le §253 énonce en effet que « Il n’est possible d’exiger une réparation en argent d’un dommage

qui n’est pas patrimonial, que dans les cas précisés par la loi ».

Ce dommage est réparable seulement depuis la loi du 19 juillet 2002 entrée en vigueur le 1er

août de la même année114.

Une classification, bien que non mentionnée par la doctrine allemande, distinguerait d’un côté

le dommage pour inexécution en lieu et place de l’exécution et de l’autre côté, le dommage

pour retard dans l’exécution.

Ce serait alors le pendante en droit français de notre dommages et intérêts compensatoires et

moratoires.

113 Droit européen comparé des contrats, Rémy Cabrillac, 2012 114 Le contrat en droit allemand, Michel Pedamon, LGDJ, 2ème Ed, 2004

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129

A. La réparation intégrale du préjudice

505. Peu importe la nature du dommage, ils sont tous soumis à la règle posée par le §249 du

BGB qui prévoit le principe de la réparation intégrale du préjudice.

Ce dernier énonce que « Celui qui est tenu à la réparation d’un dommage doit rétablir l’état des

choses qui aurait existé si le fait générateur de l’obligation de réparer n’était pas survenu ».

Cette réparation intégrale vaut quel que soit la gravité de la faute du débiteur et quel que soit

l’ampleur des conséquences dommageables.

La réparation se doit de réparer l’entier dommage

Seule la faute de la victime qui a contribué à la réalisation du dommage peut permettre de

diminuer le montant de la réparation.

Les dommages et intérêts sont alloués afin de remplacer en lieu et place la prestation que devait

réaliser le débiteur. C’est une disposition prévue par le §281 du BGB115

A. Les exceptions

1. La minimisation du dommage

506. Le §254 alinéa 2 du BGB consacre cette exigence116.

Il prévoit que l’obligation de réparer le dommage ainsi que son étendue peuvent être réduites

dans le cas où la victime, le créancier, a négligé d’écarte ou de diminuer le dommage.

115 § 281 BGB : 1.Lorsque le débiteur n'exécute pas une obligation exigible ou l'exécute mal, le créancier peut

demander une indemnisation dans les conditions posée au § 280 al. 1er s'il a imparti au débiteur un délai

d'exécution raisonnable ou un délai moratoire. 2. Si le débiteur a en partie exécuté l'obligation, le créancier ne

peut demander une indemnisation à la place de l'obligation que si l'exécution partielle ne lui est d'aucun intérêt.

3. Si le débiteur n'a pas exécuté comme convenu son obligation, le créancier ne peut demander une indemnisation

à la place de l'obligation entière si la violation de l'obligation est insignifiante.

La fixation d'un délai est inutile lorsque le débiteur refuse solennellement et définitivement d'exécuter son

obligation, ou lorsque des circonstances particulières justifient l'exercice immédiat du droit à indemnisation.

4. Si, étant donné le caractère de la violation de l'obligation, la fixation d'un délai n'entre pas en ligne de compte,

on y substitue un avertissement.

5. Le droit à exécution est exclu dès que le créancier a demandé des dommages et intérêts au lieu de l'exécution.

6. Si le créancier demande une indemnisation à la place de l'exécution complète, le débiteur a droit à la restitution

de ce qui a été exécuté, conformément aux §§ 346 à 348.

116 §254 Al.2 Il en est ainsi même lorsque la faute de la victime se restreint au fait […] qu’elle a négligé d’écarter

ou de diminuer le dommage […].

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130

Le droit allemand a une conception de la réparation qui n’est pas si éloignée de l’approche

française. Le principe de réparation intégrale est consacré et les clauses limitatives de

responsabilité ou encore la clause pénale ont leur place.

La divergence notoire est l’exigence du droit allemand envers le créancier qui doit minimiser

son dommage.

2. Les clauses limitatives de responsabilité

507. Comme en droit français elle sont en principes valables.

Toutefois, le §276 du BGB prévoit que la clause qui la clause qui exonèrerait le débiteur de sa

responsabilité lors de la commission d’une faute intentionnelle de sa part n’est pas valable117.

3. La clause pénale

508. Le droit allemand parle de pénalité pour désigner la clause pénale.

Le §348 du BGB énonce que les parties peuvent décider d’insérer une clause pénale qui prévoit

que le débiteur s’engage envers le créancier à lui verser une certaine somme ou à lui fournir

une prestation déterminée au cas où il n’exécuterait pas son obligation.

Les paragraphes 340 à 345 encadrent les modalités de la mise en œuvre d’une telle clause.

Dans le cadre de l’inexécution, le §340 dispose que le créancier, face à l’inexécution, peut donc

faire jouer ladite clause plutôt que de demander l’exécution forcée.

Ce même article précise que si le créancier est en droit d’agir pour demander des dommages et

intérêts, cela ne l’empêche pas d’invoquer la clause pénale comme montant minimum du

préjudice.

Il pourra évidemment demander des DI au titre d’un autre dommage.

Nous évoquerons le §342 qui énonce que lorsque la pénalité prévue est une prestation autre

qu’une somme d’argent, alors la mise en jeu de la clause exclut la possibilité pour le créancier

de demander des dommages et intérêts.

117 §276 1.Le débiteur est tenu de répondre des faits intentionnels ou de sa négligence, si aucune responsabilité

atténuée ou renforcée n'a été convenue ou ne peut être tirée du contenu du rapport d'obligation, en particulier de

l'acceptation d'une garantie ou de l'acceptation d'un risque. 2. Les dispositions des §§ 827 et 828 sont applicables

par analogie.

Agit négligemment celui qui néglige les diligences nécessaires dans le commerce.

3. La responsabilité pour un fait intentionnel ne peut faire par avance l'objet d'une dispense du débiteur.

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131

Enfin, le §343 offre au débiteur la possibilité de saisir le juge pour que la pénalité soit réduite,

si elle se trouve être démesurément élevée.*

Un exemple de clause pénale interdite :

«La clause garantissant au stipulant le versement d’une pénalité en cas de refus ou de retard

dans la réception de la prestation […] » est interdite dans un contrat entre professionnels et

consommateurs comme l’énonce le §309 alinéa 6.

II) Le droit anglais

509. En droit anglais les dommages et intérêts représentent le mode de réparation préférentiel

lors d’une inexécution contractuelle.

Le créancier a toujours la possibilité de demander des dommages et intérêts.

A. Réparation intégrale du préjudice

1. Un préjudice certain

510. Comme l’ensemble des droits étudiés, ce sont par principe les préjudices certains et

prévisibles qui sont indemnisés.

Il admet les dommages et intérêts qui sont appelés « damages ».

Ces damages vont pouvoir être alloués en réparation du préjudice, indépendamment de la

résolution du contrat.

C’est une position analogue aux droits français et allemand.

Il s’éloigne toutefois de ces derniers en n’exigeant nullement la présence d’une faute pour que

des dommages et intérêts puissent être alloués.

511. Le droit anglais distingue 3 sortes de préjudices : matériel, moral et corporel.

Le droit anglais va au-delà de cette distinction.

En effet il différencie « l’expectation interest » et « la reliance interest ».

L’expectation interest : C’est le dommage subi du fait de l’inexécution par le débiteur.

La reliance interest repose sur l’idée de confiance, d’attente légitime. C’est le dommage subi

du fait que le créancier avait cru à la validité du contrat.

Cette attente légitime résulte du fait qu’un contrat donne à une partie le droit d’escompter que

l’autre respectera ses engagements.

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132

Le droit anglais exige que le créancier soit placé autant que la monnaie peut le faire dans la

situation qui aurait été la sienne si le contrat avait été exécuté.

Les deux sortes de damages vont permettre au créancier d’être replacé dans une telle situation.

Pour évaluer le montant des dommages et intérêts, le créancier va établir la différence entre ce

qu’il aurait dû recevoir du contrat et ce qu’il a réellement reçu.

512. A noter qu’à côté de ces deux dommages, le droit anglais admet la théorie de la perte de

chance, comme en droit français. C’est une dérogation au principe du préjudice certain.

Un arrêt de 1911 a consacré cette Théorie.

En l’espèce Madame Chaplin avait été sélectionnée pour un concours de beauté avec comme

prix de l’argent et un emploi. Son manager ne l’inscrit pas au second niveau du concours.

Elle lui intente alors un procès pour perte de chance de gagner le prix.

La Cour va lui attribuer une indemnisation118.

Toutefois, ce sont plus des dommages et intérêts symboliques qui sont alloués, ils sont donc

d’un faible montant.

2. Le préjudice prévisible

513. En droit français nous avons vu que le préjudice prévisible était celui que les parties

pouvaient envisager au moment de la signature du contrat.

Ce sont deux arrêts importants qui ont fait évoluer la position du droit anglais.

Dans un arrêt de 1854, Hadley était propriétaire d’un moulin. Il amène la pièce pour une

réparation qui dure plus longtemps que prévu, paralysant ainsi l’activité de Monsieur Hadley.

Il demande donc à être indemnisé.

Le tribunal le déboute au motif que le réparateur n’avait pas connaissance de l’importance de

la pièce119.

118Chaplin v Hicks [1911] 2 KB 786 Court of Appeal

Held:

The appeal was dismissed. The claimant was entitled to recover damages for her loss of a chance of gaining

employment. She did not have to demonstrate that she would have been successful at interview.

119 Hadley v Baxendale [1854] EWHC Exch J70 Courts of Exchequer

The damages available for breach of contract include:

1. Those which may fairly and reasonably be considered arising naturally from the breach of contract or

2. Such damages as may reasonably be supposed to have been in the contemplation of both the parties at the time

the contract was made.

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133

Le droit anglais refusait alors d’indemniser le préjudice « prévu ».

Un second arrêt va voir la position de la cour évoluer. Il s’agit d’un arrêt de 1969, soit plus d’un

siècle plus tard...

En l’espèce, un bateau transportait du sucre de Roumanie en Irak.

Le bateau arrive avec un retard volontaire, or le prix du sucre a baissé.

Le propriétaire de la cargaison demande donc à être indemnisé pour la perte bien que le

propriétaire du bateau argue ne pas avoir eu conscience que le prix pouvait baisser.

La Cour a cette fois estimé que le propriétaire du bateau devait se douter qu’en arrivant en retard

le prix du sucre aurait évolué.

Le préjudice pouvait être prévu120.

Le droit anglais admet ainsi aujourd’hui l’indemnisation pour le préjudice prévisible que

pouvaient déterminer les parties au moment de la conclusion du contrat.

B. Les exceptions

1. Les dommages et intérêts punitifs

514. Ils sont admis ponctuellement. Toutefois ces dommages et intérêts sont le sujet d’une

controverse importante121.

Le droit anglais semble les accorder en cas de faute intentionnelle ou malveillante.

D’une manière générale, en cas de rupture du contrat pour une inexécution intentionnelle de la

part du débiteur, ces dommages et intérêts punitifs ne sont pas admissibles.

Concrètement les tribunaux anglais accordent de tels dommages et intérêts dans un nombre très

limité de procédure en responsabilité civile c’est-à-dire dans les cas où ces dommages et intérêts

sont autorisés expressément par la loi ou dans le cas où le débiteur a voulu tirer profit de son

acte répréhensible.

120 Czarnikow Ltd v Koufos (The Heron II) [1969] 1 AC 350.

Held:

Under the second limb in Hadley v Baxendale it was only necessary that the losses were in the reasonable

contemplation of the parties as a possible result of the breach. There was no requirement as to the degree of

probability of that loss arising. Since the defendant must have known that market prices fluctuate, the loss would

have been in his contemplation as a possible result of the breach. 121 Le droit anglo-américain des contrats, Edward ERRANTE, LGDJ Jupiter. 2001

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134

La pratique a montré que ces dommages et intérêts punitifs étaient surtout admis dans les

affaires de presses, comme pour atteinte à la vie privée ou diffamation.

2. La minimisation du dommage

515. Le droit anglais appelle ça la « mitigation of damages ».

La partie lésée doit limiter son préjudice et ce, en prenant toutes les mesures raisonnables pour

le diminuer.

La doctrine considère que le créancier doit logiquement agir pour réduire au maximum le

préjudice qu’il subit, il est donc logique de le contraindre à le faire.

Il faut noter l’importance de la charge de la preuve.

En effet, c’est le débiteur qui doit prouver que le créancier a fait preuve d’un manque de

diligence et aurait pu réduire son préjudice.

C’est au débiteur d’apporter la preuve de l’inaction fautive du créancier pour que sa

responsabilité soit atténuée.

Si les preuves sont rapportées, les dommages et intérêts dus seront réduits en rapport avec les

mesures qui auraient pu être prises et qui ne l’ont pas été.

3. Les clauses limitatives de responsabilité

516. Ces clauses sont reconnues en droit anglais.

Ils existent les clauses limitatives de responsabilité́ et les clauses exclusives de responsabilité́

Elles ont toutes les deux pour but de limiter la responsabilité́ de l'auteur de l'inexécution.

Ces clauses sont reconnues en droit anglais.

Le critère limitant la validité de ces clauses est l’inexécution essentielle, à l’instar du droit

français.

Une clause qui a pour but de limiter ou d’exclure la responsabilité du débiteur défaillant sera

considérée comme nulle si elle a pour but de l’exonérer pour l’inexécution d’une obligation

essentielle.

Les clauses limitatives de responsabilité fixent un plafond au-dessus duquel la victime de

l'inexécution ne peut être indemnisée.

Le créancier sera indemnisé mais pas en intégralité du fait du jeu de la clause.

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135

Les clauses exclusives écartent elles la responsabilité entièrement du débiteur défaillant122?.

Ces clauses sont donc reconnues et acceptées.

Il reste toutefois des domaines où elles sont plus encadrées car elles posent plus de problèmes.

C’est le cas dans des « contrats d’adhésion », c’est-à-dire ceux entre professionnels et

consommateurs.

On parle d’ « Exemption Clauses » 123

Ces clauses exonératoires de responsabilité visent soit à exclure soit à limiter la responsabilité

d’une des parties en cas de rupture du contrat.

Dans ces contrats d’adhésion c’est fréquemment le professionnel qui est protégé par une telle

clause.

517. Ces clauses, si elles sont admises sont très contrôlées.

Leur contrôle est assuré par la Common Law et surtout par l’Unfair Contract Terms Act de

1977 (UCTA), qui fournit les limitations les plus importantes.

Les clauses visées par cette loi concernent surtout les contrats mettant en jeu les

consommateurs.

Les clauses abusives sont, « Unfair terms », concernent principalement les clauses limitatives

de responsabilité.

L’UCTA prévoit que de telles clauses sont excluent si elles ne revêtent pas un caractère

raisonnable.

Une position plus drastique alors qu’en droit français où le seul critère est le déséquilibre

significatif entre les droits et obligations des parties au contrat concernant le contrat entre

professionnels et consommateurs.

Il nous a semblé ponctuellement intéressant de s’écarter du droit commun pour montrer qu’en

droit anglais, malgré les grandes libertés accordées au « contrat », le droit reste protecteur et

encadre plus strictement ce dernier quand la bonne foi l’exige.

122 http://cdpf.unistra.fr/travaux/obligations-biens/les-clauses-contractuelles/angleterre/ 123 http://m2bde.u-paris10.fr/content/unfair-contract-terms-act-1977-par-anne-laure-khun

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136

4. La clause pénale

518. En aparté, on retrouve pour la clause pénale le même régime que pour les clauses

limitatives et exclusives de responsabilité pour les contrats entre professionnels et

consommateurs.

En droit commun le système anglais reconnaît deux types de clauses :

-les « liquidated damages ».

Ils correspondent à une fixation forfaitaire des dommages et intérêts que recevra la partie lésée.

Leur validité n’est pas contestée.

Il faut toutefois que la clause réponde à deux conditions.

Elle doit refléter le fait qu’au moment de la conclusion du contrat, le préjudice éventuel subi

était très difficile à prévoit.

De plus, elle doit être une estimation raisonnable du préjudice subi.

-les « penalty ».

Le droit anglais considère ces clauses nulles car cette pénalité est considérée comme contraire

à l’ordre public. Les parties ne peuvent se faire justice à elles-mêmes.

Il est parfois difficile de faire la distinction. En cas de doute les tribunaux retiennent la

qualification de « liquidated damages ».

Les trois droits admettent le principe de réparation intégrale du préjudice et tous l’atténuent par

des exceptions légales ou conventionnelles.

Dans l’ensemble, les règles et modalités ne diffèrent pas tant.

519. En droit anglais, comme en droit français et allemand ces clauses, si elles sont admises,

font l’objet d’un contrôle relativement strict.

Il s’agit de rester dans la proportionnalité entre inexécution et réparation.

Cela vaut pour les clauses pénales ainsi que pour les clauses limitatives ou exclusives de

responsabilité.

520. Nous noterons toutefois que les droits allemand et anglais imposent au créancier une

minimisation du dommage.

Cette minimisation jouant sur le montant des dommages et intérêts octroyés.

Il nous semble que le droit français se distingue dans le bon sens.

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137

Cette nécessité de minimisation du préjudice est assez controversée et en pratique l’objectivité

des juges pour l’apprécier au vu des éléments apportés par le débiteur nous semble plus

théorique que pratique.

Et puis on parle de méthodes raisonnables, et pour le projet Catala de méthodes non attentatoires

à l’intégrité physique.

Quelles sont les limites ?...

Paragraphe 2 Les projets de réforme

I) Les principes Lando

521. L’article 8 :101 des principes rappelle que face à une inexécution le créancier peut recourir

à différents remèdes. La demande de dommages et intérêts en fait partie.

L’article 8 :102 réaffirme que les dommages et intérêts peuvent se cumuler avec d’autres

mesures.

Les principes distinguent les préjudices matériels et moraux.

Ils sont tous les deux indemnisés.

A. La réparation intégrale du préjudice

522. Contrairement aux trois droits européens étudiés, les principes Lando ne semblent pas

subordonner la réparation du préjudice à la présence d’une faute. Il semblerait que la

responsabilité du débiteur soit admise automatiquement et donc que la réparation du créancier

le soit tout autant. En effet la faute est absente de l’article qui traite des dommages et intérêts.

L’article 9 :501 prévoit que « Le créancier a droit à des dommages et intérêts pour le préjudice

que lui cause l’inexécution […]

Toutefois si on ne retrouve pas cette notion de faute et l’exigence de « l’adage »

faute/dommage/lien de causalité, les principes soumettent introduise l’axe

inexécution/préjudice/lien de causalité.

1. Un préjudice certain

523. L’article précise que le préjudice réparable inclut le préjudice non pécuniaire et le

préjudice futur, dont la réalisation peut raisonnablement être tenue pour vraisemblable.

Ainsi le préjudice certain actuel mais aussi futur peut être indemnisé.

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138

L’article 9 :502 énonce que « Les dommages et intérêts sont en règle générale d’un montant qui

permet de placer, autant que possible, le créancier dans la situation où il se serait trouvé si le

contrat avait été dument exécuté. Ils tiennent compte tant de la perte qu’il a subi que du gain

dont il a été privé.

Cet article consacre la notion de réparation intégrale du préjudice et l’idée selon laquelle tout

le préjudice et rien que le préjudice est indemnisé.

2. Un préjudice prévisible

524. L’article 9 :503 aborde le caractère prévisible du dommage.

Il est prévu que « Le débiteur n’est tenu que du préjudice qu’il a été prévu ou aurait dû

raisonnablement prévoir au moment de la conclusion du contrat comme étant une conséquence

vraisemblable de l’inexécution, lorsque ce n’est point intentionnellement ou par sa faute lourde

que l’obligation ‘est pas exécutée ».

La réparation est limitée au dommage contractuel.

La position des principes Lando est la même que celle des trois européens étudiés ci-dessus.

L’article 9 :504 précise que si le créancier a contribué à la faute ayant créé son préjudice, alors

il ne doit pas être tenu responsable et n’a pas à indemniser le créancier.

Cette position est évidemment opportune.

B. Les exceptions

525. Les principes Lando n’envisagent pas les dommages et intérêts punitifs, au titre que les

dommages et intérêts doivent compenser le préjudice uniquement.

Cette position nous parait encore une fois satisfaisante.

1. La minimisation du dommage

526. Comme les droits anglais et allemand, les projets imposent au créancier de limiter son

dommage.

L’article 9 :505 dispose que « Le débiteur n’est point tenu du préjudice souffert par le créancier

pour autant que ce dernier aurait pu réduire son préjudice en prenant des mesures raisonnables ».

Le créancier pourra se voir rembourser les dépenses qu’il a faites pour réduire le préjudice.

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Comme nous l’avons exprimé, cette exigence nous semble excessive et discutable,

contrairement à ce que pensent l’ensemble de la doctrine à ce sujet.

Le créancier, victime, peut ainsi se faire doublement pénaliser.

Il y a toujours cette difficulté d’interpréter la notion de « mesures raisonnables » et la difficulté

de déterminer si le créancier avait réellement la possibilité de les prendre.

On peut se réjouir, que contrairement au droit allemand et anglais, le créancier se fera

rembourser les dépenses réalisées pour réduite ce préjudice.

Il nous semble que c’est bien un moindre mal.

2. Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité

527. Elles sont prévues à l’article 8 :109 des principes qui énonce que « les moyens accordés

en cas d’inexécution peuvent être exclus ou limités à moins qu’ils ne soient contraire aux

exigences de la bonne foi d’invoquer l’exclusion ou la limitation ».

Ces clauses contractuelles sont donc admises dans leur principe.

Il nous faut noter que l’article s’intitule « clauses excluant ou limitant les moyens ».

En effet les principes évoquent ici la possibilité d’exclure ou limiter la responsabilité par des

clauses contractuelles mais pas seulement.

En évoquant « les moyens accordés en cas d’inexécution », les principes semblent ouvrir un

champ d’application pour ces clauses qui pourrait prévoit d’autres limitations comme celle du

droit de résolution, d’exécution en nature…

Les clauses n’ont donc pas vocation à ne s’appliquer qu’à la responsabilité.

Et donc les limites apportées à ces clauses, par conséquent, ne concernent pas que la

responsabilité.

L’article mentionne que ces moyens ne sauraient être admis s’ils sont contraires à la bonne foi.

La chose semble évidente mais les principes sont les seuls à évoquer la bonne foi, notion chère

aux principes, que nous avons retrouvés à plusieurs reprises comme limite.

S’il est bon de rappeler ce principe, sa portée semble beaucoup trop large et rompt avec les

droits européens qui ont apportés des restrictions sur des critères beaucoup plus précis.

Les droits anglais et français utilisent le critère d’inexécution essentielle, le droit allemand de

dol ou faute lourde…

Et puis les conséquences de la violation de la bonne foi ne sont pas envisagées par le texte.

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3. La clause pénale

528. Elle est prévue par les principes à l’article 9 :509 « Lorsque le contrat porte que celui qui

manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à raison de l’inexécution, cette somme sera

allouée au créancier indépendamment de son préjudice effectif.

Cependant, nonobstant toute stipulation contraire, la somme peut être réduite à un montant

raisonnable si elle est manifestement excessive par rapport au préjudice résultant de

l’inexécution et autres circonstances ».

La validité de ces clauses est reconnue.

Comme dans l’ensemble des droits européens, elles peuvent être modifiées en cas de

disproportion.

Le texte évoque toutefois seulement la réduction de la clause et non la possibilité de

l’augmenter.

529. D’une manière générale les principes Lando n’apportent pas de véritables révolutions.

Ils reprennent les dispositions présentes dans les différents droits européens, sans qu’un de ces

derniers ait une influence prédominante.

Nous noterons l’évocation de la bonne foi, une fois de plus. Elle est assez rarement explicitée

comme telle dans les autres droits comme l’a montré notre étude.

II) Le code Gandolfi

530. Le code reconnait les dommages moral et patrimonial. Ils sont tous les deux réparables,

comme l’indiquent les articles 163 et 164 du code Gandolfi.

A. Réparation intégrale du préjudice

1. Un préjudice certain

531. L’article 116 du code précise « […] en cas d’inexécution, et qu’elle qu’en soit la gravité,

le créancier a le droit d’obtenir du débiteur l’indemnisation des dommages subis, ainsi que le

prévoient les articles 162 et suivants ».

L’article 162 indique que le débiteur est tenu de réparer les dommages qui raisonnablement

sont considérés comme constituant la conséquence de l’inexécution.

L’article ajoutant que cette indemnisation peut se cumuler avec les autres remèdes tels que

l’exécution forcée, la résolution…

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141

L’article 165 prévoit l’indemnisation possible pour les dommages futurs et éventuels.

Ce dernier sera toutefois indemnisé que lorsqu’il se produira.

2. Un préjudice prévisible

532. L’article 162 alinéa 4 que « A moins que le débiteur ait agi par dol ou faute, la réparation

qu’il doit est limitée au dommage duquel-sur la base du texte du contrat, des circonstances, de

la bonne foi, des usages-on doit raisonnablement considérer qu’il a, en tant que personne

normalement avisée, au moment de la stipulation du contrat implicitement assumé l’obligation

de répondre.

La prévisibilité du dommage est abordée comme dans les droits vus ci-dessus.

Deux remarques nous semblent importantes.

D’une part, la formulation de l’article est lourde et à tendance à diminuer sa clarté.

D’autre part, notons que le code précise les éléments à prendre en compte pour établir la

prévisibilité du préjudice (bonne foi, usages…).

Cette liste, exhaustive semble-t-il, est une précision que nous retrouvons uniquement dans le

code et qui nous semble à propos.

Elle permet ainsi une meilleure appréciation du dommage, basé sur des éléments déterminés.

Evidemment, comme le dol et la faute du débiteur annihilent la portée de l’article, la faute,

l’intervention du créancier dans l’apparition de son dommage ne saurait justifier une

indemnisation par le débiteur.

C’est l’article 167 qui règle cette question.

B. Les exceptions

1. La minimisation du dommage

533. L’article 167 alinéa 2 prévoit que « L’alourdissement du dommage que le créancier aurait

pu empêcher, après sa survenue en adoptant les mesures nécessaires, n’est pas, lui réparable ».

L’article consacre la minimisation du dommage à l’instar des droits allemand, anglais et des

principes Lando et du projet Catala.

La partie du dommage qui aurait pu être évitée exclue donc toute indemnisation.

Nous conservons notre opinion sur le caractère non opportun d’une telle mesure.

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142

2. Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité

534. Le code Gandolfi aborde ses clauses à l’instar des droits européens sur le terrain de la

responsabilité contractuelle et ne va pas au-delà.

Elles sont donc reconnues valable

L’article 106 traite précisément de ces clauses.

Il précise en amont que « les conventions excluant ou limitant la responsabilité du débiteur pour

dol ou faute grave est nulle ».

Le code pose donc les limites de ces clauses et ce sur la base de critères précis, à l’inverse des

principes Lando.

Certains aménagements sont aussi prévus dans des cas particuliers que nous ne développerons

pas dans notre étude.

3. La clause pénale

535. Elle est évidemment prévue, à l’article 170.

Si les parties ont convenu dans le cadre d’une clause qu’en cas d’inexécution d’une prestation

due par le débiteur, la clause jouerait, alors, celle-ci constitue la réparation due par le débiteur.

La réparation est due nonobstant l’existence d’un dommage.

Il est aussi prévu par le texte la possibilité pour le juge de diminuer équitablement la peine

536. Si nous faisons un bilan de l’étude de « La Réparation » de l’inexécution, nous pouvons

surtout retenir que les droits européens ainsi que les projets de réforme ont une vision proche

de cette dernière.

Tous considèrent que le préjudice certain et prévisible doit être indemnisé par principe de façon

intégrale.

Quant aux « exceptions » apportés à ce principe, les mécanismes des clauses est récurrent.

L’introduction de la nécessité d’une minimisation du dommage ne fait débat plus qu’en France,

qui, est très réfractaire à cette notion.

Comme nous avons pu le dire, l’opportunité d’une telle mesure ne nous semble pas démontrée,

trop d’aléas et de subjectivité entoure cette notion.

Restent les dommages punitifs, qui eux, demeurent encore très controversés, seul le droit

anglais les envisagent.

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143

CONCLUSION

537. Nous arrivons au terme de notre étude, qui n’a pas la prétention d’être exhaustive. Mais

elle a permis de cerner les approches différentes des droits et projets concernant l’inexécution

des obligations contractuelles.

Concernant la première partie abordée, des enseignements clairs peuvent être tirés.

Nous retiendrons, concernant l’inexécution contractuelle « excusée » que les trois droits ainsi

que les projets de réforme consacrent tous la notion d’impossibilité matérielle d’exécution et

l’exception d’inexécution.

Les différences se focalisent d’une part sur les conditions exigées pour que soit retenue

l’existence de l’impossibilité matérielle d’exécution, plus strictes en droit français et en droit

anglais.

D’autre part, concernant l’exception d’inexécution, le droit anglais l’admet de manière

beaucoup plus stricte à l’inverse du droit allemand qui ne prévoit aucune restriction à son usage.

Le droit français et les projets de réforme ainsi que les projets européens ont une position

médiane. Admise largement, la mauvaise foi et la disproportion écarte la possibilité de mettre

en œuvre cette exception d’inexécution.

Mais les droits anglais et allemand convergent, avec les principes Lando, en consacrant la

possibilité d’une exception d’inexécution anticipée.

Aussi, nous remarquons que les droits européens et les projets ne sont jamais radicalement

identiques ou différents.

Tantôt ils se rapprochent, tantôt ils s’éloignent.

538. S’agissant de la seconde partie de notre étude, difficile de tirer une conclusion générale

tant les notions abordées sont riches.

Concernant l’exécution forcée, nous retiendrons que les droits français (excepté le projet Terré)

et allemand ainsi que les projets européens l’érigent en principe, à l’inverse du droit anglais.

Sur la notion de résolution, tous s’accordent sur les possibilités d’effectuer une résolution

judicaire ou extra-judiciaire. Le droit français demeure attaché à la résolution judicaire à

l’inverse des autres droits et projets européens qui ne hiérarchisent pas ces deux résolutions,

tout comme les projets de réforme interne. Mais le droit français tend petit à petit vers cette

égalité entre les deux résolution.

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144

Enfin, à propos de la réparation. La totalité des droits et projets consacrent le principe de la

réparation intégrale du préjudice, certain et prévisible tout en admettant des aménagements par

des mécanismes semblables tels que les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité et la

clause pénale, communes à tous les droits, ou d’autres mécanismes, plus controversés, que sont

les dommages et intérêts punitifs admis seulement en droit anglais, et, étonnamment par le

projet Catala. Enfin l’exigence de minimiser le dommage est, elle, largement consacrée, seul le

droit français, excepté les projets Terré et Catala, refuse de l’admettre.

539. Les droits européens et les projets, internes et européens, se rapprochent et s’éloignent à

la fois. Un droit ne s’opposant pas en tout point à un autre.

Les principes européens se sont inspirés des droits européens et inversement. Le projet Terré,

par exemple a été grandement influencé par les principes Lando.

Le droit français demeure le droit le plus conservateur, fidèle à son histoire et à ses traditions,

en refusant d’admettre des solutions plus controversées telles que l’exception d’inexécution,

la résolution anticipée ou encore minimisation du dommage.

Le projet Catala est très conservateur, s’inscrivant dans la philosophie et la tradition historique

du droit français. Il se « contente », dans la majorité des cas, à consacrer le droit positif actuel.

Le projet de la Chancellerie, a lui, une position à la fois fidèle au droit positif et à la fois

innovatrice. Ce projet a été très influencé par les deux autres projets de réforme français.

Ce projet tient sa conception traditionnelle du projet Catala et son côté plus innovateur pris au

projet Terré.

En effet, si nous devions faire la synthèse en une phrase du projet Terré, nous pourrions le

qualifier de révolutionnaire, presque en rupture avec le droit français.

Denis Mazeaud a parlé de ce projet en énonçant que « cette rhapsodie contractuelle risque de

faire du bruit. Elle comporte, en effet, toute une série d'harmonies et de sonorités nouvelles qui

détonnent, c'est le moins qu'on puisse dire, avec la grande tradition contractuelle française. En

une note comme en cent, la partition contractuelle composée par François Terré et son orchestre

est, donc, autrement plus innovante que celles sur lesquelles les critiques contractuels ont tant

et tant écrit ces dernières années et ces derniers mois ».

Le projet Terré est, selon nous, la révélation de cette étude, qui montre que certains auteurs et

juristes sont prêts à rompre avec le droit traditionnel français. Comme nous avons pu l’exprimer

dans ce mémoire, le projet est selon nous trop radical et pour cette raison, trouvera difficilement

écho dans l’esprit du législateur.

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145

Les projets européens ont deux philosophies éloignées.

Les principes Lando ont vocation à être des principes généraux plus que des solutions concrètes.

Ils sont clairement influencés par le droit anglo-saxon en général et donc du droit anglais, ici

étudié.

Le Code Gandolfi, quant à lui, a vocation à être d’application plus pratique. Il ambition d’être

le nouveau code européen et en ce sens, il édicte des règles qui sont destinées à s’appliquer dans

l’exercice du droit des obligations et des contrats.

A travers ce mémoire, nous avons pu voir que son approche, pragmatique, se rapprochait de la

vision française du droit.

540. Aujourd’hui, c’est donc l’attente. Alors que le droit français se penche sur la réforme du

droit des obligations depuis 10 ans, qu’en ressortira-t-il ?

Une législation européenne de droit des obligations restera-t-elle un mythe, où le code Gandolfi

trouvera-t-il un écho réel ?

Les années futures nous le dirons, mais espérons que la réforme française et l’harmonisation,

en partie, du droit européen aboutissent.

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INDEX

A

Anticipatory breach of the contract 188, 435

B

Breach of the contract 188, 435

C

Clauses exclusives de responsabilité 478, 518, 519, 527, 534, 538

Clauses limitatives de responsabilité 480, 493, 507, 516 et s, 527, 534 et 536

Clause résolutoire 305, 310, 314, 342 et s, 369 et s, 377 et s, 387 et s, 407, 422, 432, 456, 461

et s

D

Damages 510 et 511

-liquidated 518

-mitigation 515

Dommages et intérêts

-compensatoires 469, 474, 484, 491 et 504

-minimisation 478, 497, 501, 506, 515, 520, 526, 533, 536 et 539

-moratoires 469, 476, 484 et 504

-punitifs 479, 491, 497, 503, 514, 525 et 526

E

Equity 270 et s

Exception d’inexécution 132 et s

Exécution forcée 29, 204 et s, 210 et s

F

Force majeure 37 et s

Frustration 108 à 117, 273

G

Garantie 183, 187

I

Inexécution 1 à 539

L

Laches 278

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P

Préjudice

-certain 476, 488, 510, 512, 523, 531, 536

-préjudice prévisible 476, 500, 513, 524, 532

Promissory condition 183 à 186

R

Réparation 116 et s

Résiliation 106 et s, 147, 204 et s, 235, 310 et s, 324, 336 et s, 357 et s, 374 et s, 405, 423 et s,

449 et 454

Résolution 29 et s, 63, 73, 141, 147, 155, 167, 205, 238, 247 et 369 et s

W

Warranty, voir Garantie

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BIBLIOGRAPHIE

Les ouvrages

ACADEMIE DES PRIVATISTES EUROPEENS….Code européen des Contrats, MILANO-

DOTT. A GIUFRRE EDITOIRE, 2004

CABRILLAC Rémy……Droit européen comparé des contrats, LGDJ, 2012

CORNU Gérard Vocabulaire juridique, Quadrige, 8ème Ed, 2007

ERRANTE Edward……..The Anglo-American Law of Contract, LGDJ, 2ème Ed, 2001

FAUVARQUE-COSSON Bénédicte….Principes Contractuels communs, Société de

Législation Comparée, 2008

HILAIRE Jean…………..Adages et Maximes du droit français, Dalloz, 2013

MALAURIE Philippe Les obligations, Defrénois, 4ème Ed, 2009

AYNES Laurent

STOFFEL-MUNCK Philippe

MALINVAUD Philippe Droit des obligations, LexisNexis, 12ème Ed, 2012

FENOUILLET Dominique

PEDAMON Michel Le contrat en droit allemand, LGDJ, 2ème Ed, 2004

TERRE François Les obligations, Dalloz, 10ème Ed, 2009

SIMLER Philippe

LEQUETTE Yves

TERRE François……….Pour une réforme du droit des contrats, Dalloz, 2008

Les projets

CATALA Pierre……….Avant-projet de Réforme du droit des obligations, 2005

CHANCELLERIE……..Avant-projet de réforme du droit des obligations, 23 octobre 2013

TERRE François……Réforme du régime général du droit des obligations, 07 novembre 2013

Les mémoires

CALLEDE Fanny Exécution forcée en nature ou par équivalent, Etude de Droit comparé

droit français/droit anglais. Université Panthéon-Assas Paris II.

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TABLES DES MATIERES

L’INEXECUTION DES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES DE DROIT COMMUN EN

DROIT COMPARE .............................................................................................................................. 1

L’INEXECUTION DES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES DE DROIT COMMUN EN

DROIT COMPARE .............................................................................................................................. 3

REMERCIEMENTS ............................................................................................................................. 4

SOMMAIRE .......................................................................................................................................... 5

INDEX DES ABREVIATIONS ........................................................................................................... 6

INTRODUCTION ................................................................................................................................. 9

PARTIE 1 : L’INEXECUTION CONTRACTUELLE EXCUSEE .................................................. 1

CHAPITRE 1 : LA NOTION « D’IMPOSSIBILITE MATERIELLE D’EXECUTION » ....................................... 1

Section 1 : En droit français ........................................................................................................... 1

Paragraphe 1 La législation actuellement en vigueur ................................................................................................. 1

I) Les conditions de la force majeure ............................................................................................................. 1

A. L’imprévisibilité .................................................................................................................................... 2

B. L’irrésistibilité ....................................................................................................................................... 2

C. L’extériorité ........................................................................................................................................... 2

II) Les effets de la force majeure ..................................................................................................................... 3

Paragraphe 2 Les projets de réforme .......................................................................................................................... 5

I) Le projet Catala ................................................................................................................................................. 5

A. Le projet Catala ..................................................................................................................................... 5

1. Les conditions .................................................................................................................................. 5

2. Les effets .......................................................................................................................................... 6

B. Le projet Terré ....................................................................................................................................... 7

1. Les conditions .................................................................................................................................. 7

68. ............................................................................................................................................................ 7

2. Les effets .......................................................................................................................................... 8

C. Le projet de la Chancellerie ................................................................................................................... 9

1. Les conditions .................................................................................................................................. 9

2. Les effets .......................................................................................................................................... 9

Section 2 : En droit européen ....................................................................................................... 11

Paragraphe 1 les droits anglais et allemand .............................................................................................................. 11

I) En droit allemand ...................................................................................................................................... 11

A. L’avant réforme ................................................................................................................................... 12

B. L’après réforme ................................................................................................................................... 13

II) En Droit anglais ........................................................................................................................................ 15

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Paragraphe 2 Les projets de réforme européens ....................................................................................................... 19

I) Les principes de droit européen des contrats ou principes Lando ............................................................. 19

II) Le code Gandolfi ...................................................................................................................................... 20

CHAPITRE 2 L’EXCEPTION D’INEXECUTION ...................................................................................... 21

Section 1 En droit français ........................................................................................................... 21

Paragraphe 1 La législation actuellement en vigueur ............................................................................................... 22

Paragraphe 2 Projets de réforme ............................................................................................................................... 25

I) Le projet Catala ........................................................................................................................................ 25

II) Le projet Terré ................................................................................................................................................ 27

III) Le projet de la Chancellerie .......................................................................................................................... 30

Section 2 En droit européen ......................................................................................................... 32

Paragraphe 1 Les législations allemande et anglaise en vigueur ............................................................................... 32

I) Le droit allemand ...................................................................................................................................... 32

II) Le droit anglais ......................................................................................................................................... 34

Paragraphe 2 Les projets de réforme européens ....................................................................................................... 36

I) Les principes Lando ......................................................................................................................................... 36

II) Le code Gandolfi ...................................................................................................................................... 37

PARTIE 2 : L’INEXECUTION FAUTIVE SANCTIONNEE ........................................................ 40

CHAPITRE 1 LES SANCTIONS AFFECTANT L’EXISTENCE MEME DU CONTRAT ................................... 41

Section 1 L’exécution forcée du contrat ....................................................................................... 41

Paragraphe 1 En droit français .................................................................................................................................. 42

I) La législation actuelle en vigueur ............................................................................................................. 42

A. Le principe de l’article 1142 ................................................................................................................ 42

B. Les atténuations du principe ................................................................................................................ 43

1. Cette exécution forcée en nature va trouver un premier écho textuel. ............................................ 43

a) L’article 1184 .............................................................................................................................. 43

b) L’article 1143 .............................................................................................................................. 44

c) L’article 1144 .............................................................................................................................. 45

d) L’astreinte ................................................................................................................................... 45

2. La pratique ..................................................................................................................................... 47

II) Les projets de réforme .............................................................................................................................. 48

A. Le projet Catala ................................................................................................................................... 48

B. Le projet Terré ..................................................................................................................................... 50

C. Le projet de la Chancellerie ................................................................................................................. 53

Paragraphe 2 Les droits européens ........................................................................................................................... 55

I) Le droit allemand ...................................................................................................................................... 55

II) Le droit anglais ......................................................................................................................................... 56

III) Les projets de réforme européens .................................................................................................................. 59

A. Les principes Lando ............................................................................................................................ 59

1. La dette de somme d’argent ........................................................................................................... 59

2. Les obligations autres que celle de payer une somme d’argent. ..................................................... 61

B. Le code Gandolfi ................................................................................................................................. 64

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Section 2 La résolution du contrat ................................................................................................ 65

Paragraphe 1 En droit français .................................................................................................................................. 67

I) La législation actuellement en vigueur ..................................................................................................... 67

A. La résolution judicaire ......................................................................................................................... 67

1. Les conditions de fond ................................................................................................................... 68

a) La Nécessité d’une inexécution par le débiteur ........................................................................... 68

b) La Nécessité d’une certaine gravité de l’inexécution .................................................................. 68

2. La résolution, simple option pour le créancier ............................................................................... 70

3. Les effets de la résolution ............................................................................................................... 71

B. La résiliation judiciaire ........................................................................................................................ 73

C. La rupture unilatérale extra-judiciaire ................................................................................................. 74

1. La rupture d’origine légale ............................................................................................................. 74

2. La rupture conventionnelle ............................................................................................................. 74

a) Les conditions de fond ................................................................................................................. 75

b) La mise en jeu de la clause résolutoire, simple option pour le créancier ..................................... 76

c) Les effets de la clause résolutoire ................................................................................................ 77

3. La pratique jurisprudentielle .......................................................................................................... 78

II) Les projets de réforme .................................................................................................................................... 79

A. Le projet Catala ................................................................................................................................... 79

1. Les spécificités de la résolution unilatérale .................................................................................... 81

a) Le recours du débiteur ................................................................................................................. 81

b) La particularité de la clause résolutoire ....................................................................................... 82

2. Les effets de la résolution ............................................................................................................... 83

B. Le projet Terré ..................................................................................................................................... 84

1. Les conditions de mise en œuvre de la résolution .......................................................................... 84

a) La nécessité d’une grave inexécution .......................................................................................... 85

b) La nécessité d’une mise en demeure e ......................................................................................... 86

c) La résolution anticipée ................................................................................................................. 86

d) La clause résolutoire .................................................................................................................... 87

e)Le recours du débiteur ...................................................................................................................... 88

2. Les effets de la résolution ............................................................................................................... 89

C) Le projet de la Chancellerie ................................................................................................................. 90

1. La clause résolutoire ............................................................................................................................. 91

2. La résolution unilatérale ....................................................................................................................... 91

3. La résolution judicaire .......................................................................................................................... 92

4. Les effets communs de la résolution ..................................................................................................... 92

a)La fin du contrat ............................................................................................................................... 92

b) Les restitutions ................................................................................................................................ 92

c) Les éléments échappant à la résolution............................................................................................ 93

Paragraphe 2 En droit européen ................................................................................................................................ 94

I) Le droit allemand ...................................................................................................................................... 94

A. Les conditions de la résolution ............................................................................................................ 95

1. Les conditions de la résolution d’origine légale ............................................................................. 95

a) Le §323 du BGB .......................................................................................................................... 95

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b) Le §325 du BGB ......................................................................................................................... 97

c) Le §326 du BGB .......................................................................................................................... 97

d) Les autres dispositions ................................................................................................................. 97

2. Les conditions de la résolution d’origine conventionnelle ............................................................. 98

3. Les conditions de la résiliation ............................................................................................................. 99

B. Les effets de la résolution .................................................................................................................. 100

1. Les effets de la résolution ............................................................................................................. 100

a) La restitution en nature .............................................................................................................. 100

b) La restitution en valeur .............................................................................................................. 101

c) Le remboursement des dépenses au débiteur ............................................................................. 101

2. Les effets de la résiliation ............................................................................................................. 101

II) Le droit anglais ....................................................................................................................................... 101

A. Les conditions de la résolution .......................................................................................................... 101

1. La résolution anticipée ................................................................................................................. 103

2. La résolution unilatérale extra-judiciaire ...................................................................................... 103

B. Les effets de la résolution .................................................................................................................. 104

III) Les projets de réforme européens ........................................................................................................... 104

A. Les principes Lando .......................................................................................................................... 104

1. Les conditions .............................................................................................................................. 104

a) La consécration de la résolution anticipée ................................................................................. 106

b) La résolution par notification .................................................................................................... 107

2. Les effets de la résolution ............................................................................................................. 108

a) L’absence d’effet rétroactif ........................................................................................................ 108

b) Les restituions ........................................................................................................................... 109

B. Le code Gandolfi ............................................................................................................................... 109

1. les conditions de mise en œuvre de la résolution ................................................................................ 109

a) Le cas particulier de la clause résolutoire .................................................................................. 111

b) La résolution anticipée .............................................................................................................. 111

2. Les effets de la résolution ................................................................................................................... 112

CHAPITRE 2 LA REPARATION DE L’INEXECUTION .......................................................................... 114

Section 1 En droit français ......................................................................................................... 114

Paragraphe 1 La législation actuellement en vigueur ............................................................................................. 114

I) Le principe de réparation intégrale ......................................................................................................... 114

A. Nécessité d’une mise en demeure ...................................................................................................... 114

B. Une réparation par équivalent ou en sus ................................................................................................. 116

C. L’étendue de la réparation ...................................................................................................................... 116

II) Les exceptions ........................................................................................................................................ 118

1. Les dommages et intérêts punitifs ................................................................................................ 118

2. Les aménagements conventionnels .............................................................................................. 118

a) Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité ............................................................. 118

b) La clause pénale ........................................................................................................................ 119

III) La mise en œuvre du principe d’indemnisation........................................................................................... 119

Paragraphe 2 Les projets de réforme ................................................................................................................. 120

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154

I) Le projet Catala ...................................................................................................................................... 120

A. Le principe de réparation intégrale .................................................................................................... 120

1. Mise en demeure .......................................................................................................................... 120

2. Une réparation par équivalent ou en sus ....................................................................................... 121

3. L’étendue de la réparation .................................................................................................................. 122

B. Les exceptions au principe ................................................................................................................ 123

1. Les dommages et intérêts punitifs ................................................................................................ 123

2. La minimisation du dommage ............................................................................................................ 123

3. Les aménagements contractuels .......................................................................................................... 124

a) Les clauses limitatives de responsabilité ....................................................................................... 124

b) La clause pénale ............................................................................................................................ 124

C. La mise en œuvre de la réparation ..................................................................................................... 125

II) Le projet Terré ................................................................................................................................... 126

A. Le principe de réparation intégrale .................................................................................................... 126

B. Les exceptions ................................................................................................................................... 127

1. La minimisation du dommage ...................................................................................................... 127

2. La clause pénale ........................................................................................................................... 127

III) Le projet de la Chancellerie ............................................................................................................... 127

Section 2 En droit européen ....................................................................................................... 128

Paragraphe 1 Les droits allemand et anglais ........................................................................................................... 128

I) Le droit allemand .................................................................................................................................... 128

A. La réparation intégrale du préjudice ........................................................................................................ 129

A. Les exceptions ................................................................................................................................... 129

1. La minimisation du dommage ...................................................................................................... 129

2. Les clauses limitatives de responsabilité ...................................................................................... 130

3. La clause pénale ........................................................................................................................... 130

II) Le droit anglais ....................................................................................................................................... 131

A. Réparation intégrale du préjudice ...................................................................................................... 131

1. Un préjudice certain ..................................................................................................................... 131

2. Le préjudice prévisible ................................................................................................................. 132

B. Les exceptions ................................................................................................................................... 133

1. Les dommages et intérêts punitifs ................................................................................................ 133

2. La minimisation du dommage ...................................................................................................... 134

3. Les clauses limitatives de responsabilité ...................................................................................... 134

4. La clause pénale .................................................................................................................................. 136

Paragraphe 2 Les projets de réforme ...................................................................................................................... 137

I) Les principes Lando ................................................................................................................................ 137

A. La réparation intégrale du préjudice .................................................................................................. 137

1. Un préjudice certain ..................................................................................................................... 137

2. Un préjudice prévisible ................................................................................................................ 138

B. Les exceptions ................................................................................................................................... 138

1. La minimisation du dommage ...................................................................................................... 138

2. Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité ................................................................ 139

3. La clause pénale ........................................................................................................................... 140

Page 172: L’inexécution des obligations contractuelles de droit ... · 1 UNIVERSITE MONTPELLIER I UFR DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES L’inexécution des obligations contractuelles de

155

II) Le code Gandolfi .................................................................................................................................... 140

A. Réparation intégrale du préjudice ...................................................................................................... 140

1. Un préjudice certain ..................................................................................................................... 140

2. Un préjudice prévisible ................................................................................................................ 141

B. Les exceptions ................................................................................................................................... 141

1. La minimisation du dommage ...................................................................................................... 141

2. Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité ................................................................ 142

3. La clause pénale ........................................................................................................................... 142

CONCLUSION .................................................................................................................................. 143

INDEX ................................................................................................................................................ 146

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 148

TABLES DES MATIERES .............................................................................................................. 150