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le clinicien février 2004 101
Gilles Jobin, MD, FRCPC, MSc
Présenté à l’Université de Montréal dans le cadre de la conférence intitulée Mise à jour
en gastro-entérologie, le 10 octobre 2003
L’infection à C. difficile :un problème courant
Le Clostridium difficile (C. difficile) est le micro-organisme responsable de la colite post-
antibiothérapie. Toutefois, la majorité des patients quidéveloppent une diarrhée pendant la prise d’unantibiotique ne souffrent pas d’une diarrhée infec-tieuse, mais bien d’une diarrhée osmotique due àl’altération du métabolisme des sucres.
Cette bactérie, de type bâtonnet Gram positif,colonise le tractus gastro-intestinal presque exclusive-ment après un traitement antibiotique. Elle libère deuxtoxines (entérotoxine A et cytotoxine B) qui se lient àdes récepteurs épithéliaux intestinaux pour produireune diarrhée sécrétoire importante et une réactioninflammatoire tissulaire. Certaines souches ne pro-duisent pas de toxine, d’autres en produisent peu oubeaucoup, mais il ne semble pas y avoir de corrélationentre le taux de production de toxines et les manifesta-tions cliniques.1 De plus, certaines souches ne pro-duisent que la toxine B.2,3
Le mode de transmission le plus fréquent est la voiefécale-orale. L’infection à C. difficile est l’infectionnosocomiale la plus fréquente en milieu hospitalier.On estime que 10 % des patients hospitalisés durantplus de 2 jours développent une diarrhée à C. difficile.4
Tous les antibiotiques peuvent prédisposer à uneinfection par le C. difficile (tableau 1).5 Cependant, lesdeux antibiotiques les plus souvent impliqués sont laclindamycine et l’ampicilline.
Le C. difficile est l’agent en cause chez près de 100 % des cas de colites pseudo-membraneuses et de20 % des cas de diarrhées post-antibiothérapie.
La vancomycine et le métronidazole sont efficacespour traiter le C. difficile, mais 20 % des patientsprésentent une récidive après un traitement adéquatet, chez les patients qui récidivent, plus de 40 % d’en-tre eux présentent plusieurs épisodes. Ces récidives
Tableau 1
Les antibiotiques associés àune infection à C. difficile
Fréquemment associés
Ampicilline
Amoxicilline
Céphalosporines
Clindamycine
Occasionnellement associés
Pénicilline
Sulfonamides
Érythromycine
Triméthoprime
Quinolone
Rarement associés
Aminoglycoside
Tétracycline
Chloramphénicol
Métronidazole
Vancomycine
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L’infection à C. difficile
ne semblent pas attribuables à une résistance aumétronidazole ou à la vancomycine. Elles pourraientêtre dues à une déficience de la réponse immune del’hôte.
Quelles sont les manifestationscliniques?
Les formes cliniques sont variées, allant du porteurasymptomatique au mégacôlon toxique. L’arthritereprésente une complication rare de l’infection à C. dif-
ficile (tableau 2).6
Environ le deux tiers des patients hospitalisés quisont infectés demeurent asymptomatiques, cela étantprobablement dû à la présence d’immunoglobuline Gqui agit contre la toxine A.4,7 Il n’est habituellementpas recommandé de traiter ces patients.
Chez les patients qui présentent des diarrhées sanscolite, l’arrêt des antibiotiques règle habituellement leproblème et d’autres formes de traitement ne sonthabituellement pas nécessaires.
La colite fulminante est rare et elle survient chez 2 % à 3 % des patients infectés par le C. difficile.Enfin, il faut savoir qu’il existe des présentationsinhabituelles de l’infection par le C. difficile : longuepériode de latence entre la prise d’un antibiotique etl’apparition de la colite, absence de prise d’unantibiotique, entéropathie exsudative avec ascite etœdème et iléus avec peu de diarrhées.
Comment poser le diagnostic?
On établit le diagnostic soit par des études de cyto-toxicité, soit par la méthode d’immunoessai (ELISA).
Formes cliniques
Asymptomatique
Diarrhées sans colite
Colite sans pseudo-membrane
Colite avec pseudo-membrane
Colite fulminante
Diarrhée
Absente
Légère à modérée
Profuse
Profuse
Modérée à profuse
Signes et symptômes
Normal
Légère douleur, crampesabdominales
Distension abdominaleavec nausée, anorexie,fièvre, déshydratation
Distension abdominaleavec nausée, anorexie,fièvre, déshydratation
Distension, péritonisme,léthargie, fièvre avec ousans iléus
Endoscopie
Normal
Normal
Érythème non spécifique
Pseudo-membranes
Pseudo-membranes(dangereux)
Tableau 2
Les formes cliniques de l’infection à C. difficile
Le Dr Jobin est professeuragrégé de clinique, Université deMontréal, et gastro-entérologue,Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
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L’infection à C. difficile
Cette dernière méthode est plus simple et a remplacédepuis peu les études de cytotoxicité. Toutefois, lesétudes par immunoessai ne permettent de mettre enévidence que la toxine A, tandis que certaines sou-ches de C. difficile ne produisent que la toxine B. Lasensibilité et la spécificité des études de cytotoxicitéet de la méthode d’immunoessai sont respective-ment de 94 % et 99 % et de 90 % et 99 %. Elles sontdonc comparables.8,9
Contrairement aux autres types de diarrhées infec-tieuses, la culture de selles est rarement utilisée dansce cas. La sigmoïdoscopie ou, préférablement, lacoloscopie, peuvent toutefois s’avérer utiles.10,11
Quels sont les traitements?
Le traitement initial
D’abord, il est important d’interrompre les antibiotiquesen cours. Le métronidazole, à une dose de 500 mgadministrée 3 fois par jour par voie orale, représente letraitement initial de choix. La solution de rechange àcette thérapie est la vancomycine à une dose de 125 mgadministrée 4 fois par jour par voie orale durant unepériode allant de 10 à 14 jours. La vancomycine peut êtreprivilégiée comme traitement initial chez les patientsgravement atteints. La bacitracine administrée à une dosede 250 000 unités 4 fois par jour est également efficace.
Un échec du traitement ne doit pas être interprétécomme une résistance au métronidazole ou à la van-comycine, mais bien comme un problème de complian-ce, un mauvais diagnostic ou la présence d’autres causesde diarrhées associées. La résistance au métronidazole ouà la vancomycine n’a pas encore été rapportée commeétant une cause de l’échec du traitement.
Chez les patients gravement atteints, on pourra com-mencer le traitement par le métronidazole, administré àune dose de 500 mg, 3 fois par jour ou avec la van-comycine, administré à une dose de 125 mg, 4 fois par jour par voie orale. Si le patient ne
semble pas répondre au traitement, on changera l’anti-biotique pour de la vancomycine. Si le patient est déjàtraité avec de la vancomycine (125 mg, 4 fois par jour),on augmentera la dose à 250 mg, puis à 500 mg, 4 foispar jour. Dans le cas d’une non-réponse, on pourra intro-duire du métronidazole (500 mg, par voie intraveineuse,3 fois par jour) ou des lavements à la vancomycine.12-14
Le traitement des récidives
À la suite du traitement initial, 10 % à 25 % des patientsprésentent une récidive. Le traitement de la premièrerécidive est identique au traitement initial. Pour lesrécidives subséquentes, plusieurs stratégies sont
Tableau 3
Le traitement des récidives
Première récidive
• Confirmer le diagnostic
• Reprendre le traitement initial
Deuxième récidive
• Confirmer le diagnostic
• Administration de la vancomycine en dose décroissante :
- 125 mg, 4 fois par jour (QID), pendant 7 jours
- 125 mg, 2 fois par jour (BID), pendant 7 jours
- 125 mg, 1 fois par jour, pendant 7 jours
- 125 mg aux 2 jours, pendant 7 jours
- 125 mg aux 3 jours, pendant 14 jours
Autres récidives
• Saccharomyces boulardii (500 mg, BID, pendant14 jours) et vancomycine ou métronidazole
• Vancomycine en dose décroissante et cholestyramine(4 mg, BID)
• Vancomycine (125 mg, QID) et rifampicine (600 mg,BID, pendant 7 jours)
• Immunoglobuline
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L’infection à C. difficile
possibles (tableau 3).15-17 Dans une étude rétros-pective récente, cas-témoin, il a été suggéré que lesinhibiteurs de la pompe à proton (IPP) pourraientreprésenter un facteur de risque. Ainsi, la pertinenced'utliser un réducteur de la sécrétion gastrique lorsd’un traitement pour une colite à C. difficile doit êtrereconsidérée.18
Références
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www.stacommunications.com
Cet article est disponible en ligne.Visitez Le Clinicien.
À retenir...
• Tous les antibiotiques peuvent prédisposer à uneinfection par le Clostridium difficile.
• Le Clostridium difficile est l’agent en cause chez prèsde 100 % des cas de colites pseudo-membraneuseset de 20 % des cas de diarrhées post-antibiothérapie.
• Les formes cliniques sont variées, allant du porteurasymptomatique au mégacôlon toxique.
• On établit le diagnostic soit par des études de cyto-toxicité, soit par la méthode d’immunoessai (ELISA).
• À la suite du traitement initial, 10 % à 25 % despatients présentent une récidive.
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