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L’insuffisance cardiaque aiguë aux urgences

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Page 1: L’insuffisance cardiaque aiguë aux urgences

Journal Européen des Urgences et de Réanimation (2013) 25, 65—73

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

MISE AU POINT

L’insuffisance cardiaque aiguë aux urgences�

Acute heart failure in the emergency department

L. Pottona,b, C. Ara-Somohanoa, C. Schwebela,c,J.-F. Timsit a,d,∗

a Service de réanimation médicale, université Grenoble 1, CHU Albert-Michallon, CS 10217,38043 Grenoble cedex 09, Franceb Inserm U 1042, hypoxie : physiopathologie cardiovasculaire et respiratoire, 38043 Grenoblecedex, Francec Inserm 1039, laboratoire des radiopharmaceutiques biocliniques, 38700 La Tronche, Franced Université Grenoble 1, équipe 11 - épidémiologie clinique des cancers des voies aériennes etdes patients de réanimation, 38700 La Tronche, France

Disponible sur Internet le 3 juin 2013

MOTS CLÉSInsuffisancecardiaque aiguë ;Hétérogénéitéclinique ;Biomarqueurs ;Échocardiographie

Résumé Bien que fréquente aux urgences, l’insuffisance cardiaque aiguë reste un chal-lenge diagnostique et thérapeutique. En effet, les présentations cliniques sont multiples,parfois trompeuses, et le clinicien devra souvent avoir recours aux biomarqueurs et àl’échocardiographie pour affirmer le diagnostic. La prise en charge thérapeutique est axéesur la diminution des symptômes et la stabilisation hémodynamique, de facon concomitanteavec le traitement spécifique d’un facteur précipitant. Les principes du traitement ont peuchangé ces dernières années. Les diurétiques, dont la posologie doit être adaptée à la volé-mie, les vasodilatateurs, en première ligne en cas d’œdème aigu pulmonaire cardiogénique,l’oxygénation voire la ventilation mécanique non invasive ou invasive en dernier recours et lescatécholamines en cas d’hypoperfusion périphérique ou d’état de choc constituent les piliersdu traitement en urgence. Malgré l’existence de facteurs de mauvais pronostic bien identifiés,la stratification du risque de ces patients est extrêmement difficile et impose bien souventl’hospitalisation.© 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSAcute heart failure;Clinicalheterogeneity;Biomarkers;Echocardiography

Summary Although frequently encountered in the emergency department, acute heart fai-lure remains a challenge for clinicians. Clinical signs and symptoms can be misleading andtherefore final diagnosis often relies on biomarkers and echocardiography. Initial therapy isfocused on relief of symptoms and hemodynamic stabilization concomitantly with specific treat-ment of a precipitating factor. Yet, treatment principles and key drugs haven’t changed foryears and still rely on diuretics for fluid removal according to volume status, vasodilators as

� Cet article appartient à la série « Cardiologie ».∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (J.-F. Timsit).

2211-4238/$ — see front matter © 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.http://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2013.03.003

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first-line therapy in acute pulmonary oedema, oxygen or ventilation if necessary, and inotropesor vasopressors in case of systemic hypoperfusion or cardiogenic shock. Despite of well-established predictors of adverse events, risk stratification remains poor and leads to hospitalizemost of the patients.

r Masson SAS.

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Tableau 1 Classification en six groupes de syndromed’insuffisance cardiaque aiguë (SICA).

Phénotype Tableau clinique

Aggravation oudécompensation d’uneinsuffisance cardiaquechronique

Dyspnée, tachycardie,congestion pulmonaire etpériphérique

Œdème aigu pulmonaire Œdème alvéolaireconfirmé à la radiographiepulmonaire, détresserespiratoire aiguë,orthopnée, etdésaturation

Insuffisance cardiaqueaiguë hypertensive

Pression artérielle élevée,fonction systoliqueventriculaire gauchesouvent préservée,volémie peu ou pasaugmentée

Choc cardiogénique Bas débit cardiaque,signes d’hypoperfusiontissulaire et hypotensionartérielle

Insuffisance cardiaquedroite isolée

Turgescence jugulaireavec ou sanshépatomégalie, œdèmespériphériques et despressions de remplissageventriculaires gauchesbasses

Insuffisance cardiaqueassociée au syndromecoronarien aigu

Signes d’insuffisancecardiaque et angor,anomalies ECG élévationdes enzymes cardiaques

La société européenne de cardiologie (ESC), 2008.

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© 2013 Published by Elsevie

ntroduction

’insuffisance cardiaque aiguë est un challenge diagnos-ique et thérapeutique. Le terme d’insuffisance cardiaqueiguë regroupe en effet une grande variété de présenta-ions cliniques allant de l’œdème aigu pulmonaire (OAP) à’insuffisance cardiaque chronique décompensée en passantar l’insuffisance cardiaque droite isolée et le choc car-iogénique. Ces pathologies sont regroupées sous le termee syndrome d’insuffisance cardiaque aiguë (SICA), définiar l’apparition rapide ou brutale de signes ou symptômes’insuffisance cardiaque nécessitant une prise en chargeédicale urgente.La société européenne de cardiologie (ESC) identifiait

n 2008 six catégories de SICA (Tableau 1). Une autre clas-ification, basée sur le niveau de pression artérielle desatients à l’admission, a émergé récemment dans la littéra-ure. Cette classification a le double avantage de permettrene meilleure stratification du risque, la pression artériellel’entrée étant un facteur pronostique majeur, et une prisen charge thérapeutique adaptée à chaque présentation cli-ique [1]. On distingue ainsi trois situations :la pression artérielle systolique est supérieure à140 mmHg : la fonction systolique ventriculaire gauche esttrès probablement préservée, l’hypertension s’installerapidement du fait d’une élévation des pressions de rem-plissage ou d’une augmentation du tonus sympathique ;la pression artérielle systolique est entre 100 et140 mmHg : la fonction systolique ventriculaire estle plus souvent altérée, les symptômes de congestionpulmonaire et systémique apparaissent progressivementsur plusieurs jours voire semaines ;la pression artérielle systolique est inférieure à100 mmHg, il existe des signes de bas débit systémiqueallant jusqu’au choc cardiogénique [2].

Cette classification correspond aux trois situations cli-iques le plus souvent rencontrées : l’OAP hypertensif,a décompensation cardiaque globale d’une insuffisanceardiaque chronique le plus souvent connue et le choc car-iogénique.

Cependant, le médecin va être confronté aux urgencesdes situations cliniques complexes où la dyspnée,

’hypervolémie, l’hypertension artérielle ou au contraire’hypotension artérielle, l’oligurie sont multifactorielles etes patients polypathologiques. Il va devoir répondre à troisuestions simultanément :la première est diagnostique : s’agit-il d’une insuffisancecardiaque ou d’une autre cause de dyspnée ?la deuxième est étiologique : quel est le facteur préci-

pitant, et notamment existe-t-il un syndrome coronarienaigu (SCA) nécessitant un traitement spécifique urgent ?la troisième est pronostique : quelle est la gravité dupatient, le pronostic vital est-il engagé du fait d’une

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ECG : électrocardiogramme.

hypotension artérielle ou d’une hypoxie profonde parexemple ?

Il convient enfin, d’assurer une prise en charge thérapeu-ique rapide afin d’améliorer les symptômes, en particuliera dyspnée, l’hypoxie et l’état de choc si nécessaire.

pidémiologie

a dyspnée est un motif fréquent de consultation auxrgences. Parmi les étiologies rencontrées, la bronchite

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L’insuffisance cardiaque aiguë aux urgences

chronique obstructive, l’asthme, les pneumopathies,l’embolie pulmonaire et l’insuffisance cardiaque aiguë sontles plus fréquentes. Plusieurs grandes études multicen-triques portant sur l’intérêt des peptides natriurétiques auxurgences ont révélé que, en moyenne, 45 % des tableauxde dyspnée aux urgences étaient dus à une insuffisancecardiaque aiguë [3,4]. L’insuffisance cardiaque aiguë estégalement la première cause de dyspnée chez les personnesâgées et le premier motif de consultation aux urgencesdans cette population [5].

La décompensation cardiaque aiguë concerne essen-tiellement des patients atteints d’insuffisance cardiaquechronique (80 %) contre seulement 20 % d’insuffisancecardiaque de novo. Seuls 5 % souffrent d’insuffisance car-diaque terminale parmi les 15 millions d’européens atteintsd’insuffisance cardiaque [6]. Les urgences accueillent enoutre 80 % des décompensations cardiaques aiguës, ce quiplace l’urgentiste au cœur de la prise en charge de cespatients [7].

La survenue d’un SICA constitue un tournant évolutifchez ces patients. Alors que la mortalité hospitalière estde l’ordre de 3 à 4 %, la mortalité à 60—90 jours atteint 10 %et le taux de réadmission pendant cette période 25 % [8].

Rationnel pour un traitement précoce

Lorsque l’étiologie de la dyspnée n’est pas clairement éta-blie, les patients ont une durée de séjour prolongée àl’hôpital, une morbidité et une mortalité augmentées [9].

L’impact du dépistage précoce et du traitement immé-diat des urgences cardiologiques telles que l’OAP ou lechoc cardiogénique a été récemment quantifié. Dans uneanalyse rétrospective du registre Acute DecompensatedHeart Failure National Registry (ADHERE), le délai médiand’administration intraveineuse d’agents vasoactifs étaitd’une à deux heures aux urgences, contre plus de 22 heureslorsque le traitement était commencé dans un serviced’hospitalisation. L’administration précoce d’un traitementétait associée à une mortalité plus faible (4,3 % vs 10,9 %,p < 0,0001), moins de transferts vers une unité de soinsintensifs, moins de recours à des procédures invasives et unedurée de séjour plus courte (4,5 jours vs 7 jours, p < 0,0001)[10]. Ces données suggèrent que l’initiation précoce d’untraitement adapté a un impact majeur sur le pronostic despatients admis pour SICA aux urgences.

Les étapes du diagnostic

Le diagnostic positif est avant tout clinique. Il repose surla présence de signes cliniques classiques d’insuffisancecardiaque, l’électrocardiogramme (ECG) et la radiographiepulmonaire. Cependant, un certain nombre de patients pré-sentent des pathologies intriquées ou des présentationscliniques inhabituelles. Dans ces situations, les biomar-queurs et l’échographie prennent une part de plus en plusimportante dans la démarche diagnostique.

Clinique

Aucune révolution ne s’est produite dans la séméiologiede l’insuffisance cardiaque ces dernières années. Certains

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ableaux cliniques comme l’OAP ne laissent pas de placeu doute diagnostique et d’autres, comme la décompen-ation cardiaque gauche sur un terrain de BPCO, posentavantage de difficultés. L’évaluation clinique quoiqu’il enoit, a une place prépondérante dans la démarche diag-ostique. Elle permet à la fois de juger de la gravité duatient sur des éléments simples tels que l’état général,es constantes et en particulier la pression artérielle eta saturation, l’état de conscience, la présence de mar-rures, de sueurs et de rechercher des éléments en faveuru diagnostic d’insuffisance cardiaque ou d’un diagnosticifférentiel.

Un des éléments importants de l’examen clinique esta recherche de signes congestifs. En effet, la congestionclinique » est définie par une pression télédiastolique ven-riculaire gauche (PTDVG) élevée associée à des signes’insuffisance cardiaque tels que la dyspnée, les râles cré-itants et les œdèmes. Il est probable qu’une congestionhémodynamique » survienne quelques jours voire semainesvant les manifestations cliniques. Dans une étude portantur 50 patients insuffisants cardiaques chroniques, les signesliniques de congestion (râles crépitants, œdèmes et turges-ence jugulaire) étaient absents chez 42 % des patients ayantne pression capillaire pulmonaire supérieure à 22 mmHg auathétérisme [11]. Dans l’étude ESCAPE, seules l’orthopnéet la turgescence jugulaire étaient associées à une élévatione la pression capillaire pulmonaire [12]. La clinique seulest donc très souvent prise en défaut.

La manœuvre de Valsalva pourrait sensibiliser l’examenlinique. L’absence de modification ou l’augmentation de laression artérielle pendant la manœuvre de Valsalva reflèten général des pressions de remplissage élevées [13].

Trois présentations cliniques se rencontrent principa-ement aux urgences, chacune ayant un profil tensionnelpécifique.

’œdème aigu pulmonaire hypertensifl ne pose habituellement aucune difficulté diagnostique. Leatient doit bénéficier d’un monitorage cardiorespiratoiret idéalement d’un sondage urinaire. L’inspection recherchea mise en jeu des muscles respiratoires accessoires, les mar-rures, la confusion, l’agitation ou encore l’obnubilation.es sueurs, la froideur des extrémités ou la moiteur sontes signes d’hypoperfusion périphérique.

L’interrogatoire lorsqu’il est possible, tâche de détermi-er s’il existe une histoire d’insuffisance cardiaque, quellesont les comorbidités et d’emblée recherche des argumentsour un facteur précipitant tel qu’un SCA.

Le patient est le plus souvent euvolémique dans cetteituation, mais l’état d’hydratation doit être évalué auieux afin de déterminer si une déplétion hydrique est

écessaire. Les œdèmes sont habituellement absents dansette situation.

a décompensation cardiaqueurvenant sur un terrain polypathologique, en plusieurs

emaines, elle pose davantage de problèmes diagnostiques.ans cette situation la pression artérielle se situe le plusouvent entre 100 et 140 mmHg, et le patient a des signese congestion pulmonaire et périphérique.
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Tableau 2 Facteurs de décompensation cardiaque.

Facteurs de décompensation rapideArythmie rapide ou bradycardie sévère/ trouble de la

conductionSyndrome Coronarien AiguComplication mécanique d’un SCA : rupture

ventriculaire, IM ischémique, infarctus du ventricule droitEmbolie pulmonaireCrise hypertensiveTamponnadeDissection aortiqueContexte péri ou post-opératoireCardiopathie du post-partumMyocarditeCauses toxiques volontaires ou accidentelles

Beta bloquants : Tenormine®, Cardensiel®,Avlocardyl®. . .

Calcium-bloquants : Isoptine®, Tildiem®. . .

Digitaliques : Digoxine®

Stabilisants de membraneFlécaïnide : Flécaïne®

Tricycliques : Anafranil®

Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine :Effexor®, Seropram®. . .

Chloroquine : Nivaquine®

Facteurs de décompensation progressiveInfectionExacerbation de BPCOAnémieInsuffisance rénaleInobservance thérapeutique ou diététiqueIatrogénie : interactions médicamenteuses,

administration d’AINS, corticoïdesTroubles du rythme ou de la conduction ne modifiant

pas brutalement la fréquence cardiaque

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HTA non contrôléeDysthyroïdie

L’interrogatoire retrouve le plus souvent une histoire’insuffisance cardiaque connue et s’attache à recherchern facteur décompensant (Tableau 2). La prise de poids estn élément objectif utile au diagnostic.

La présentation clinique est plus variable et moinsruyante que la précédente et laisse davantage de tempsour les examens complémentaires.

La dyspnée est le plus souvent présente mais plus dif-cile à mettre en évidence car d’installation progressive.’interrogatoire porte sur la gêne ressentie lors de la réalisa-ion des tâches ménagères courantes, le nombre de marchesue le patient peut monter, le nombre d’oreillers utilisésa nuit. . . Une échelle visuelle analogique ou une échellee Likert peuvent aider à quantifier la dyspnée en positionssise tout d’abord puis en position allongée. La présence’une dyspnée paroxystique nocturne est recherchée carrès spécifique de l’insuffisance cardiaque.

Il existe un état d’hypervolémie dans la décompensation

ardiaque subaiguë qui se manifeste par la présence d’uneurgescence jugulaire, d’œdèmes prenant le godet desembres inférieurs voire des lombes chez un patient alité,’une hépatomégalie. . . L’auscultation cardiaque peut

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L. Potton et al.

évéler un galop, un souffle, une arythmie. L’auscultationulmonaire retrouve des crépitants limités aux bases lelus souvent, parfois associés à un épanchement pleu-al, quelques sibilants ou ronchis peuvent être présents.’auscultation peut également être normale ou nonontributive.

Certaines présentations cliniques liées au terrain ou auacteur déclenchant peuvent être trompeuses.

Chez le sujet âgé, la décompensation cardiaque peut serésenter comme une altération de l’état général au pre-ier plan, et la dyspnée peut être difficile à mettre en

vidence. En effet, il existe avec le vieillissement une dimi-ution de la perception de la dyspnée et une diminutione l’adaptation à l’hypoxémie et l’hypercapnie. Il n’y an outre aucune corrélation entre hypoxémie et dyspnée,i entre polypnée et dyspnée. De plus, le sujet âgé estréquemment polypathologique, associant pathologie car-iaque et respiratoire [14]. Dans ce contexte, les examensara cliniques, et en particulier les biomarqueurs sont d’uneide précieuse au diagnostic.

Le diagnostic de décompensation cardiaque aiguë chezn patient porteur d’une bronchopathie chronique obstruc-ive (BPCO) est également difficile, alors que l’associationes deux pathologies est relativement fréquente. En effet,0 à 40 % des patients insuffisants cardiaques chroniquesnt une BPCO. La survenue d’une orthopnée, d’une dys-née paroxystique nocturne ou d’une toux nocturne doitaire évoquer un SICA, tout comme la majoration d’uneoux ou le changement de couleur des expectorations doitaire évoquer une surinfection de BPCO. Cependant, leseux pathologies sont très souvent intriquées, l’une décom-ensant l’autre, et là encore, les biomarqueurs, ainsi que’échocardiographie peuvent apporter une aide précieuse.

Le sujet jeune peut se présenter avec un tableau typiquee décompensation cardiaque ou un tableau plus trompeur’asthénie, de dyspnée et de toux ou bien encore une his-oire de syncope. Ces éléments devront faire rechercher enriorité une myocardite, une cardiopathie du péripartumhez la femme enceinte et jusqu’à cinq à six mois après’accouchement, une cardiopathie ischémique ou encorene cardiomyopathie dilatée. L’échocardiographie a dans ceas une place de choix pour identifier la dysfonction myo-ardique systolique.

Lorsqu’une fièvre est au premier plan du tableau cli-ique, elle peut signer une infection respiratoire ou autre,ais peut également orienter vers une endocardite infec-

ieuse responsable de destruction valvulaire. Rarement,’auscultation est asymétrique dans le cas d’une insuffi-ance mitrale excentrée responsable d’un OAP unilatéral.a fièvre induit une tachycardie et une augmentation desesoins en oxygène qui peuvent décompenser une insuffi-ance cardiaque quel que soit le site de l’infection.

L’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservéeite « diastolique » ne présente quant à elle pas de spécifi-ité clinique permettant de la différencier de l’insuffisanceardiaque « systolique ». La pression artérielle est normaleu haute, quasiment jamais abaissée en dehors d’un trai-ement hypotenseur. Le diagnostic est basé sur les signes

liniques classiques d’insuffisance cardiaque, et confirméar l’association d’une fonction systolique ventriculaireauche normale et d’une anomalie de la fonction diastoliquel’échocardiographie.
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L’insuffisance cardiaque aiguë aux urgences

Le choc cardiogéniqueSa présentation clinique est dominée par l’état de choc.L’urgence est de rétablir un état hémodynamique satisfai-sant tout en recherchant une étiologie curable telle qu’unSCA, une embolie pulmonaire, une tamponnade. . . Les signescliniques sont ceux d’une décompensation cardiaque globaleassociés à des signes d’hypoperfusion périphérique et unehypotension artérielle.

Électrocardiogramme

La réalisation d’un ECG est systématique. On recherchedeux informations principales : le facteur déclenchant etla présence d’une cardiopathie sous-jacente qui peut êtresuggérée par un bloc de branche gauche ou des ondes Qsystématisées par exemple.

L’ECG renseigne sur la fréquence cardiaque, le rythme,la conduction, et souvent l’étiologie. Il peut indiquer uneischémie myocardique évolutive ou une séquelle de nécrose.L’hypertrophie ventriculaire, le bloc de branche, un allon-gement de l’intervalle QT, une arythmie ou des signes demyopéricardite doivent être recherchés.

Radiographie pulmonaire

Elle est systématique. Elle permet de conforter le diagnosticde congestion pulmonaire et de rechercher un diagnosticdifférentiel.

Elle peut montrer une redistribution de la vascularisationvers les sommets, un œdème alvéolo-interstitiel péri-hilairehautement spécifique mais peu sensible. Elle permet derechercher des signes d’insuffisance cardiaque chroniquetels qu’une cardiomégalie ou un épanchement pleural etd’éliminer les diagnostics différentiels de la dyspnée.

Biologie standard

Elle n’est habituellement pas utile au diagnostic et ne doitpas retarder le traitement. Elle comprend habituellement :ionogramme, glucose, urée, créatinine, créatinine kinasemyocardique, troponine T ou I, numération formule san-guine et gaz du sang artériel avec lactate en cas dedétresse respiratoire aiguë ou état de choc. Ce bilan permetd’identifier un facteur déclenchant tel qu’une insuffisancerénale, une anémie, une infection, un SCA, et de déterminerla gravité de la détresse respiratoire le cas échéant.

Échographie cardiopulmonaire

Des appareils d’échographie sont désormais disponibles dansde nombreux services d’urgence. Qu’il s’agisse de petitsappareils portatifs disposant uniquement des modes bidi-mensionnel et Doppler couleur ou d’appareils completsoffrant tous les modes utilisés en routine y compris le Dop-pler tissulaire, ils fournissent des informations précieusessur l’anatomie et la fonction cardiaque et les interactionscardiopulmonaires.

L’échographie cardiaque transthoracique (ETT) permeten premier lieu de rechercher une altération de la fractiond’éjection du ventricule gauche. La cinétique segmentairepeut également être appréciée dans toutes les incidences,

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ans négliger l’incidence « deux cavités ». Un diagnostic deCA peut ainsi être redressé.

D’importantes calcifications valvulaires peuvent évoquern rétrécissement valvulaire serré, alors que le Dop-ler couleur confirmera une fuite valvulaire suspectée à’auscultation.

L’examen recherche aussi un épanchement péricardiquet son retentissement sur les cavités droites le cas échéant.n cas d’épanchement péricardique et d’instabilité hémo-ynamique, une attention particulière sera portée à l’aortescendante qui peut être le siège d’une dissection.

Les dernières recommandations de la ESC proposentn algorithme diagnostique basé sur l’échocardiographie’emblée ou la mesure des peptides natriurétiques puis’échocardiographie. Les principales mesures et seuils sontésumés sur la Fig. 1.

L’échographie pulmonaire contribue également au dia-nostic. En effet, la présence de lignes verticalesyperéchogènes partant de la ligne pleurale jusqu’au base l’écran appelées queues de comètes est évocatrice deongestion pulmonaire.

iomarqueurs

ce jour, seuls les natriopeptides (NP) ont démontré leurntérêt dans le diagnostic d’insuffisance cardiaque. De nom-reuses études menées ces dernières années, en premierieu desquelles Breathing Not Properly, BASEL, ou PRIDEe sont intéressés à la place du BNP dans l’algorithmeiagnostique d’une dyspnée aiguë. Ces études ont permis’établir les seuils d’exclusion de l’insuffisance cardiaque à00 pg/mL pour le BNP et 300 pg/mL pour le NT pro-BNP.ependant, le seuil permettant un diagnostic positif estlus difficile à établir, et les NP n’ont dans ce cas qu’unealeur d’orientation. Ainsi, un taux de BNP supérieur à00 pg/mL est en faveur d’une insuffisance cardiaque. Ene qui concerne le NT pro-BNP, ces seuils sont différentselon l’âge du patient : plus de 450 pg/mL chez les patientse moins de 50 ans, plus de 900 pg/mL chez les patients de0 à 75 ans et plus de 1800 pg/mL chez les plus de 75 ans.es valeurs intermédiaires, constituant une « zone grise »,e sont pas informatives. L’application d’une stratégie diag-ostique basée sur le dosage des peptides natriurétiqueséduirait significativement le délai d’initiation du traite-ent, la durée et le coût global d’hospitalisation mais pas

a mortalité [15].Un taux élevé de NP doit tout de même être inter-

rété avec prudence. En effet, l’étirement des myocytes,éterminant principal de la synthèse des NP, est lié àne surcharge volémique ou barométrique qui se rencontreans l’insuffisance cardiaque, mais également dans d’autresituations telles que l’embolie pulmonaire, l’hypertensionulmonaire, ou encore la cirrhose hépatique. De plus, laynthèse des NP est également médiée par d’autres voiese signalisation et par un certain nombre de cytokinesro-inflammatoires sans lien direct avec l’état hémodyna-ique. L’interprétation de ces biomarqueurs doit donc tenir

ompte des comorbidités, du contexte clinique global et’éventuelles valeurs antérieures. En pratique, les dernièresecommandations de la ESC en 2012 ne retiennent un intérêtes NP que pour l’exclusion du diagnostic d’IC [16].

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Figure 1. Algorithme diagnostique : place des natriopeptides et de l’échocardiographie. SICA : syndrome d’insuffisance cardiaque aiguë ;ECG : électrocardiogramme ; Radio Tx : radiographie thoracique ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche ; DTDVG : diamètre télé-diastolique du ventricule gauche ; ITV : intégrale temps vitesse ; E et A : ondes E et A du flux transmitral en Doppler pulsé ; e’ : vélocitémyocardique au bord latéral de l’anneau mitral en Doppler tissulaire ; OG : oreillette gauche ; VG : ventricule gauche ; A pulm—A mitral : duréed itral ;D d chr

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e l’onde A du Doppler veineux pulmonaire—onde A du flux transm’après ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute an

L’ANP, peptide natriurétique atrial, est quant à lui enours d’évaluation. Il pourrait présenter un intérêt à titreiagnostique lorsque les résultats des autres NP sont enzone grise », chez les patients obèses ou encore les patientse plus de 70 ans [17].

D’un point de vue pronostique, plusieurs études ont mon-ré qu’il existait une corrélation significative entre le tauxe NP et la gravité initiale de l’insuffisance cardiaque, leisque de réhospitalisation et de décès.

La troponine est également un marqueur de gravité.n effet, son augmentation est associée à un sur-risque’hospitalisation en unité de soins intensifs, d’avantagee recours aux catécholamines et dérivés nitrés et uneugmentation de la mortalité hospitalière d’autant plusmportante que le taux de troponine est élevé [18]. De plus,es troponines ultra- et hypersensibles auraient une valeurronostique surajoutée par rapport aux dosages standardsn dépistant de facon plus sensible les patients au pronosticéjoratif [19].

La copeptine, reflet de la libération hypothalamo hypo-hysaire de l’arginine vasopressine, et l’adrénomédulline,eptide vasodilatateur, aux effets inotrope et natriuré-ique, auraient également une valeur pronostique dans’insuffisance cardiaque aiguë.

Cependant, il n’existe pas de valeur seuil permettant deéterminer un niveau de gravité pour un patient donné, ete, quel que soit le biomarqueur utilisé.

Enfin, plusieurs études ont porté sur l’intérêt d’une

pproche multimarqueurs. Localement, au CHU de Gre-oble, une étude prospective portant sur 400 patients admisour dyspnée sévère a ainsi évalué l’intérêt du dosage delusieurs biomarqueurs à l’admission. Dans cette population

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NT pro-BNP : N terminal pro-B-type natriuretic peptide.onic heart failure, 2012.

e patients graves comme le souligne la mortalité éle-ée à 19,9 % à 28 jours, NT pro-BNP, MR pro-ANP, PCTt CRP étaient significativement associés au diagnostic’insuffisance cardiaque De plus, indépendamment du dia-nostic final, en association avec un modèle prédictif deécès, troponine, pro-ADM, MR pro-ANP et copeptine appor-aient une information pronostique supplémentaire [20].

ronostic et stratification du risque

a pression artérielle à l’admission est un important fac-eur pronostique. Elle est en effet inversement corrélée àa mortalité. Une pression artérielle élevée à l’admissionst associée à une mortalité plus faible bien que les taux deéhospitalisation à 90 jours chez ces patients restent élevés.es profils hypertendus se rencontrent chez des sujets plusgés, plus souvent de sexe féminin et qui ont présenté uneégradation rapide sur les 24—48 dernières heures.

La présence d’une cardiopathie ischémique, d’une asyn-hronie ventriculaire dépistée par un élargissement du QRSt d’une arythmie de novo sont des marqueurs de mauvaisronostic.

L’insuffisance rénale est fréquemment retrouvée chez lesatients à l’admission et elle va s’aggraver chez environ0 % des patients hospitalisés pour SICA. Tous les marqueurs’insuffisance rénale ont une valeur pronostique péjorative.

L’hyponatrémie est également associée à un mauvais pro-

ostic, tout comme l’augmentation des troponines et deseptides natriurétiques.

La stratification du risque prend en compte le terrain duatient, les éléments cliniques et paracliniques ci-dessus et

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L’insuffisance cardiaque aiguë aux urgences

la réponse au traitement. Cependant, l’absence de facteursde mauvais pronostic ne signifie pas pour autant que le pro-nostic est bon. De plus, nous ne disposons pas de moyenssimples et rapides pour identifier les patients à bas risque,ce qui explique que 80 % des patients adressés aux urgencessoient hospitalisés.

Prise en charge thérapeutique

L’œdème aigu pulmonaire hypertensif

PhysiopathologieLes deux points centraux de la physiopathologie de l’OAPdont découle le traitement sont l’euvolémie ou hypovolé-mie modérée et l’élévation aiguë de la pression artérielle.Il existe une augmentation des résistances vasculaires quiaboutit à une augmentation de postcharge disproportionnéemalgré une fonction systolique le plus souvent préservée,une dysfonction diastolique et donc une diminution dudébit cardiaque. Cela explique la congestion pulmonaire enl’absence de surcharge volémique : il s’opère une redistribu-tion du sang de la circulation périphérique vers la circulationpulmonaire puis vers les alvéoles du fait de l’augmentationde la pression veineuse pulmonaire, dépassant les capaci-tés d’absorption des cellules alvéolaires et conduisant à lacongestion pulmonaire et l’hypoperfusion périphérique [21].

TraitementLe facteur déclenchant doit être traité le plus rapidementpossible.

OxygénothérapieElle est administrée précocement en cas d’hypoxémie dansle but d’obtenir une saturation artérielle en oxygène supé-rieure à 90 %. L’oxygénothérapie n’est pas systématique etne doit pas être utilisée en l’absence d’hypoxémie dans lamesure où elle favorise la vasoconstriction et la diminutiondu débit cardiaque [16].

Traitement médicamenteuxLes diurétiques. Classiquement, il n’y a pas ou peu

d’augmentation de la volémie dans l’OAP hypertensif,l’usage des diurétiques doit donc être modéré et réservéaux situations où il existe une hypervolémie. Les diuré-tiques de l’anse participent, avec les vasodilatateurs, àl’amélioration des symptômes par leur effet veinodilatateurimmédiat et par la déplétion hydrique qu’ils engendrent. Defaibles doses de l’ordre de 20 à 40 mg sont le plus souventsuffisantes, d’autant que de plus fortes doses majorent lerisque d’insuffisance rénale. Ces traitements n’ont en outrepas montré de bénéfice en termes pronostique.

Les vasodilatateurs veineux et artériels. Ilsdoivent être utilisés en priorité dans l’OAP hypertensif bienque leur impact sur le pronostic soit là encore mal connu.

Les dérivés nitrés sont recommandés dans toutes lessituations associant congestion pulmonaire et pression arté-rielle systolique supérieure à 110 mmHg, en l’absence derétrécissement aortique ou mitral serré. Il est recommandé

de débuter avec de la nitroglycérine en spray si possiblepuis de poursuivre si nécessaire avec un traitement intraveineux continu [2]. Ce traitement diminue la précharge etla postcharge et augmente le volume d’éjection systolique.

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l diminue également la congestion pulmonaire par vaso-ilatation veineuse. À de plus fortes doses il a de plusn effet vasodilatateur coronaire. Une tachyphylaxie estréquente après 24 à 48 heures de traitement nécessitant’augmentation des doses. Les effets secondaires principauxont l’hypotension artérielle et les céphalées.

Le nitroprussiate, vasodilatateur mixte veineux et arté-iel de très courte demi-vie est utilisé essentiellement ennités de soins intensifs cardiologiques et en salle de cathé-érisme cardiaque.

Les opiacés. La morphine peut être utilisée dans l’OAPar elle diminue l’anxiété du patient et la sensation deétresse respiratoire associée à la dyspnée. La morphineurait également une action vasodilatatrice. Cependant, laorphine est également émétisante et du fait de son actione dépression respiratoire majore le risque de recours à laentilation non invasive.

entilation non invasiveu’il s’agisse de continuous positive airway pressure (CPAP)u de VNI à proprement parler (ventilation non invasive àeux niveaux de pression positive), la ventilation peut êtretilisée précocement dans l’OAP car elle diminue la dyspnéet améliore certaines constantes en particulier la saturationn oxygène. Cependant, alors qu’il était admis que la VNIiminuait le risque d’intubation et la mortalité, une étudeortant sur plus de 1000 patients a montré que la VNI per-ettait certes une amélioration plus rapide des symptômesais qu’elle n’avait aucun effet sur la mortalité à court

erme ni sur le risque d’intubation, et ce, quel que soit laodalité de ventilation [22].Son utilisation reste cependant recommandée avec un

rade IA dans les recommandations 2012 de la ESC enas d’OAP avec polypnée supérieure à 20/minute afin’améliorer la dyspnée, l’hypercapnie et l’acidose. La VNIst contre indiquée en cas d’hypotension artérielle, deroubles de conscience, vomissements, et de pneumothorax16].

a décompensation cardiaque globalenormotensive »

hysiopathologie’hypervolémie est dans ce cas manifeste. Il existe le plusouvent une histoire d’insuffisance cardiaque chronique àonction systolique altérée.

Plusieurs mécanismes contribuent à l’aggravation pro-ressive de la fonction myocardique, parmi eux l’activationu système nerveux sympathique et du système réninengiotensine, la survenue d’une ischémie sous-endocardiquet d’un remodelage ventriculaire avec dilatation progres-ive du ventricule gauche et apparition ou aggravation d’unensuffisance mitrale. L’élévation de la pression veineuse sys-émique contribue au syndrome cardiorénal qui lui-mêmentretient la rétention hydro-sodée [6].

L’équilibre précaire de ces patients repose sur la pré-ence d’une contraction auriculaire, d’une contractionynchronisée du ventricule gauche et d’une interaction

ormale entre les ventricules gauche et droit. Toutes lesnomalies survenant à ce niveau, telles qu’un passage enbrillation auriculaire, un trouble de la conduction auriculo-entriculaire, la survenue d’un bloc de branche gauche,
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u une charge hémodynamique supplémentaire peuventonduire à un poussée d’insuffisance cardiaque aiguë [16].

raitemente traitement dans cette situation reprend les mêmes prin-ipes de base que celui de l’OAP hypertensif, c’est-à-direraitement du facteur déclenchant, l’oxygénothérapie siécessaire et les diurétiques de l’anse. Les vasodilatateursont moins souvent nécessaires car la pression artérielle sys-olique se situe le plus souvent entre 100 et 140 mmHg. LaNI n’est la plupart de temps pas indiquée car la dyspnée’est installée progressivement, il n’existe pas de tableaue détresse respiratoire aiguë. Quelques particularités sontoutefois à signaler.

es diurétiquesls sont indispensables pour corriger l’hypervolémie et laongestion pulmonaire et périphérique. La question du mode’administration (en continu à la seringue électrique ou enolus) et de la posologie n’est pas tranchée, bien que deortes doses semblent associées à une amélioration plusapide des symptômes notamment de la dyspnée, mais aurix d’une dégradation de la fonction rénale [16].

ue faire des médicaments de l’insuffisance car-iaque chronique ?n ce qui concerne les bêta-bloquants, une étude a montréu’il était possible de les poursuivre en phase de décom-ensation cardiaque au prix parfois d’une diminution deosologie [23]. Les bêta-bloquants ne doivent donc pas êtrerrêtés, dans la mesure du possible. La posologie peut êtreventuellement divisée par deux. Seules les situations deas débit ou de choc imposent leur arrêt total. Ils doiventtre réintroduits le plus tôt possible s’ils ont été arrêtés.

Les IEC et ARA II n’ont pas fait l’objet d’étude spéci-que dans ce contexte. Cependant, ils majorent, d’une part,

’insuffisance rénale déjà favorisée par la décompensationardiaque et les diurétiques et, d’autre part, l’hypotensionrtérielle. Il est donc parfois nécessaire de les suspendre.

Les anti-aldostérones exposent au risque’hyperkaliémie dans le contexte d’insuffisance rénalet nécessitent une surveillance étroite du ionogramme san-uin. Ils sont le plus souvent interrompus temporairement.

La digoxine et l’ivabradyne peuvent être poursuiviesous condition. L’insuffisance rénale expose au surdosage enigoxine. Elle doit donc être suspendue dans ce cas. Ce peuttre l’occasion de réévaluer son indication. L’ivabradyne estn ralentisseur pur de la fréquence cardiaque qui agit sure nœud sinusal et est donc inefficace en cas de fibrillationuriculaire, relativement fréquente dans les SICA. Elle n’agitas cependant pas sur l’inotropisme.

D’une facon générale, l’arrêt de ces traitements doit’emblée faire envisager leur réintroduction à bonne dose,n objectif parfois long et difficile à atteindre.

es inotropes et vasoconstricteursls ne sont nécessaires que chez peu de patients, en case pressions de remplissage élevées et de signes de basébit cardiaque ou de choc cardiogénique. Ils n’ont pas

’indication en cas de pression artérielle élevée. S’ilsoivent être utilisés, les inotropes doivent l’être préco-ement et le plus brièvement possible, en unité de soinsntensifs. En effet, ils ont de nombreux effets indésirables

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L. Potton et al.

t exposent aux risques d’arythmie et d’ischémie myocar-ique. Ils pourraient même augmenter la mortalité.

La dobutamine est utilisée en première intention.notrope et chronotrope positive et modérément vasodi-atatrice par le biais des récepteurs �, elle est utiliséen perfusion continue sans dose de charge. Son effet estoindre chez les patients traités par �-bloquants.La dopamine n’est plus utilisée car elle expose au risque

e tachycardie et d’hypoxémie sans bénéfice par rapport àa dobutamine.

Les inhibiteurs de phosphodiestérases III milirinone etnoximone et le levosimendan ont une action à la foisnotrope positive et vasodilatatrice périphérique. Leur usagest toutefois à réserver aux unités de soins intensifs spécia-isées.

Dans de rares cas, la noradrénaline peut être utilisée enas d’hypotension profonde et persistante. Elle a une actionasoconstrictrice qui permet une redistribution du débit car-iaque des extrémités vers les organes vitaux mais induit uneugmentation de la postcharge ventriculaire gauche.

e choc cardiogénique

hysiopathologiee choc cardiogénique est un état d’hypoperfusion périphé-ique dû à une défaillance myocardique. Il est défini parne hypotension persistante avec pression artérielle systo-ique inférieure à 90 mmHg et un bas débit cardiaque avec unndex cardiaque inférieur à 2L/min/m2 lorsqu’il est mesuré,lors que les pressions de remplissage sont normales ouautes. L’infarctus du myocarde en est la principale cause.

Un cercle vicieux s’installe et va entretenir l’étate choc. En effet, le bas débit cardiaque diminue laerfusion coronaire ce qui aggrave la défaillance myocar-ique, le bas débit systémique, l’hypotension artériellet l’hypoperfusion périphérique. L’hypoperfusion induit unelargage de catécholamines qui majorent les besoins enxygène du myocarde et donc l’ischémie. L’ischémie myo-ardique induit une dysfonction diastolique qui contribue à’élévation de pressions de remplissage, la dilatation ven-riculaire ayant à son tour des conséquences délétères sur’interdépendance ventriculaire. Il existe de plus une acti-ation des cytokines de l’inflammation qui contrecarrent laasoconstriction aboutissant dans certains cas à un authen-ique syndrome de réponse inflammatoire systémique.

raitemente patient doit avant tout être rapidement transféré ennité de soins intensifs ou en réanimation. Le diagnostict la prise en charge étiologique sont dans ce cas primor-iaux puisque la principale cause de choc cardiogéniquest l’infarctus du myocarde dont l’évolution est largementonditionnée par la revascularisation précoce.

La ventilation mécanique doit être envisagée rapidementn cas de détresse respiratoire, de troubles de la vigilancet afin de diminuer le travail myocardique.

Les amines sont introduites précocement, si nécessaire

près un test de remplissage en l’absence de signes deongestion. La dobutamine est utilisée en première inten-ion, suivie par la noradrénaline en cas d’hypotensionrtérielle marquée.
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L’insuffisance cardiaque aiguë aux urgences

Encadré 1 Points essentiels.

• Il n’y a pas une seule insuffisance cardiaqueaiguë mais un syndrome qui regroupe plusieursprésentations cliniques au traitement et pronosticspécifiques.

• L’évaluation de la pression artérielle est un élémentpronostique et thérapeutique fondamental.

• L’OAP hypertensif nécessite un traitementantihypertenseur agressif mais peu de diurétiques.

• Attention aux formes trompeuses aux âges extrêmes,aux intoxications, aux formes atypiques.

• Importance de l’échocardiographie et des

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biomarqueurs dans la démarche diagnostique.• La stratification du risque est difficile.

La suite de la prise en charge, et notamment la discus-sion d’une assistance circulatoire légère telle qu’une contrepulsion intra-aortique ou plus lourde, doit se faire en milieuspécialisé.

Conclusion

L’insuffisance cardiaque aiguë est un défi diagnostique etthérapeutique et un enjeu de santé publique. Pourtant,peu de choses ont changé ces dernières années tant sur leplan diagnostique que thérapeutique. Certes l’échographiecardiopulmonaire et les biomarqueurs ont pris une placeprépondérante dans la stratégie diagnostique, mais cer-taines situations restent problématiques. Le traitementn’a quant à lui pas été fondamentalement modifié enphase aiguë, alors que la prise en charge de l’insuffisancecardiaque chronique a connu de vraies révolutions avecl’avènement des bêta-bloquants, des bloqueurs du systèmerénine angiotensine et plus récemment de l’ivabradyne. Deplus, aucun traitement n’a montré de bénéfice en termespronostique dans l’insuffisance cardiaque aiguë. L’objectifest donc de diagnostiquer au mieux et au plus vite cespatients, afin de les soulager dans un premier temps,puis de les intégrer dans une filière de soins qui per-mette d’optimiser leur traitement de fond, d’améliorer leurconnaissance de la maladie et de détecter précocement unedécompensation aiguë (Encadré 1).

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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