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INFO REINES, Bulletin de l’Association Nationale des Éleveurs de Reines et des Centres d’Élevage Apicoles - / e trimestre 20/5 - N o /09 INFO REINES, Bulletin de l’Association Nationale des Éleveurs de Reines et des Centres d’Élevage Apicoles - / e trimestre 20/5 - N o /09 SAVOIR FAIRE ET FAIRE SAVOIR SAVOIR FAIRE ET FAIRE SAVOIR 42 43 Les reines peuvent naître dans la cou- veuse pour diverses raisons : greffage de larves un peu trop grosses, tempé- rature de couveuse trop élevée ou er- reur de calendrier. Elles émergent alors prématurément et nous les retrouvons dans les bigoudis le jour prévu pour leur introduction en colonies orphe- lines. Cette mésaventure m'est arrivée dans mes débuts alors que j'utilisais une couveuse électrique. Que faire dans ce cas ? Dans beaucoup de livres d'apiculture, l’introduction d'une reine vierge est décrite comme la pratique apicole la plus difficile à réus- sir. A l'époque, comme beaucoup de débutants, j'utilisais les abeilles locales non sélectionnées. Et comme me le pré- disaient les ouvrages que je consultais, je n'ai pas réussi les introductions de reines vierges sur des colonies orphe- lines à couvain ouvert. Au fil de mes échecs et réussites, j'ai constaté que l'introduction de reines vierges est tributaire de la méthode d'introduction mais aussi de la colonie accueillante. La race a également son influence. Après des échanges avec des apicul- teurs éleveurs et des recherches dans la littérature apicole, j'ai adopté une technique qui donne de très bons résul- tats. Elle consiste à créer des colonies receveuses dotées d'abeilles nourrices et à opter pour la réémergence de la reine vierge. Nous expliquerons cette technique en détail après avoir fait le point sur les pratiques anciennes qui fonctionnent. Les paquets d'abeilles sans couvain La pratique la plus simple consiste à faire un paquet d'abeilles avec de jeunes nourrices (voir Info-Reines n˚108 page 12), les laisser 24 heures au frais (entre 13 et 18C˚) avec un cadre de cire étiré, pour qu'elles puissent y déposer le nectar/miel qu'elles ont absorbé lors de la création du paquet d'abeilles 1 . Si nécessaire, nous les nourrissons. La pré- sence de ce cadre de cire leur permet de s'accrocher et de stocker en commun de la nourriture. Ceci crée une cohésion au sein du paquet qui est très utile dans le cas d'abeilles issues de différentes colonies. Le paquet est installé dans un contenant quelconque (nucleus, ruchette, ruche) avec ce cadre étiré ; le reste de l'espace étant libre facilitera la mise en grappe et donc la constitution d'une entité qui acceptera plus facile- ment la reine. Lors du vol de fécondation de ces reines vierges en colonies sans couvain, il est possible que les abeilles sorties avec la reine pour la protéger, soient attirées par les reines en ponte dans les ruches voisines. Afin de renforcer la cohésion de la nouvelle colonie, il est utile de cloîtrer 24 h de plus le paquet avec sa reine vierge 2 , puis de les introduire di- rectement avec tous les cadres dans une ruche. Cette méthode fonctionne bien, notamment pour la création des nuclei de fécondation au printemps. Une autre méthode : La technique suivante, plus simple et rapide, suppose que le protocole soit bien respecté. En pleine journée il faut placer dans une ruchette deux cadres bien pourvus de miel/pollen/nectar et un cadre de couvain ouvert et fermé. Le couvain ouvert fixera les nourrices. Quatre cadres de couvain ouvert sont secoués au-dessus de cette ruchette, qui est alors éloignée de la colonie pour- voyeuse de nourrices. Les butineuses entrées en journée dans la ruchette repartiront vers leur colonie d'origine avant la nuit et nous aurons donc une ruchette riche en nourrices. Au crépuscule, il faut réunir près de la ruchette une reine vierge et un pot de miel tiède : tremper la reine dans le pot de miel afin que ses pattes arrières et ses ailes soient bien couvertes de miel liquide. Il convient de la prendre délica- tement par le thorax. Elle est ainsi posée sur la planche d'envol. Le souffle des orphelines va la guider vers l'entrée de la ruchette. Les gardiennes vont l’assail- lir, mais sans détecter ses phéromones masquées par le miel. Très rapidement, la reine va demander un échange tro- phalactique, ce qui lui permettra de prendre l'odeur de la colonie. Selon ce principe, nous pouvons intro- duire une jeune reine vierge dans une L'introduction des reines vierges par réémergence Par Philippe Gilles colonie, devenue orpheline du fait que sa reine n'est pas rentrée de son vol de fécondation. La ruche est déplacée en journée d'un bon mètre ou tout simple- ment tournée derrière-devant. Les buti- neuses seront retardées dans leur retour et la colonie ainsi désorganisée accep- tera mieux une nouvelle reine. Il existe encore de nombreuses façons de réussir l'acceptation des reines vierges, mais il faut toujours respecter ces grands principes : §"" la colonie doit être composée de jeunes abeilles (elles doivent être âgées de moins de 20 jours), qui se sentent orphelines, §"" la jeune reine vierge arrive quand la colonie est au calme, §"" la jeune reine arrive doucement par- mi les abeilles en diffusant progressi- vement ses phéromones royales. La réémergence de la reine J'ai développé l'introduction de reines vierges par réémergence quand je tra- vaillais en région parisienne et que mes colonies étaient dans le Calvados. Je greffais le dimanche soir avant de par- tir travailler. Je rentrais le vendredi soir après le travail, j'avais juste le temps de sortir mes cellules de mon éleveuse et de les mettre en couveuse. Le vendredi soir suivant, toutes les cellules étaient operculées, mais le samedi matin dès 8 heures elles étaient émergées. Comment donc utiliser ces belles filles ? J'ai fait des recherches dans ma biblio- thèque apicole, j'ai trouvé ceci dans « l'Apiculture intensive et l'élevage des reines » de A.PERRET-MAISON- NEUVE (page 343 article 230) : « Cette méthode est basée sur le fait que les abeilles acceptent plus facilement une cellule qu'une reine. Elle fut créée par l'apiculteur allemand OTTO SCHULZ. Elle consiste, somme toute, à introduire les reines enfermées dans une cellule artifi- cielle, ce qui, en les empêchant de cou- rir et en les affamant, réalise certaines conditions favorables à l'acceptation et donne, pour ainsi dire aux ouvrières, l'illusion de les faire naître une seconde fois...» J'avais bien vu dans le matériel d'éle- vage de Nicotplast une cellule KNE9 cellule royale d'introduction de reine, réalisée en collaboration avec Jacques KEMP (photo 4), mais sans aucun mode d'emploi sur son utilisation. J'ai fait coïncider le matériel moderne en plas- tique avec le mode d'emploi du siècle dernier et j'ai abouti à ma technique d'introduction que je vais vous d’écrire dans les moindres détails. Pour faire ré-émerger une jeune reine vierge, il lui faut une cellule royale. Nous pourrions utiliser sa cellule, mais il est très difficile de la refermer et il est impossible de faire rentrer une reine en marche arrière dans la cellule. Si la reine séjourne plus de six heures avec sa cel- lule dans le bigoudi, instinctivement, elle va grignoter avec ses dents un trou sur le côté de sa cellule 3 pour pouvoir piquer sa potentielle rivale. Attention, ce trou à la base du cocon peut bloquer la reine quand elle rentre dans sa cel- lule prendre de la gelée royale. Ce pro- blème arrive souvent quand il y a peu de gelée dans la cupule, ce qui oblige la reine à rentrer très profondément dans la cupule. L’extrémité de ses ailes se trouve à hauteur du trou situé entre la cupule et le cocon : en voulant sortir, ses ailes se bloquent dans ce trou, ce qui l’immobilise et l’empêche de se nourrir. Un autre problème peut survenir : cer- taines reines sont tellement motivées à faire des trous dans leur cellule qu'elles arrivent à décrocher leur cocon, ce qui leur bloque l'accès aux réserves de miel au fond du bigoudi. Elles meurent de faim dans la couveuse. Ne pouvant réutiliser les cellules, il faut soit les fabriquer en cire (voir le livre de A.PERRET-MAISONNEUVE p. 344) ou plus facilement utiliser celles que fabrique l'entreprise Nicotplast (voir photo 4). Elle est équipée d'une porte arrière, ce qui permet de faire rentrer la reine en marche avant. Elle a une extension laté- rale pour la faire tenir dans un rayon de cire en l'y enfonçant. A l'opposé de la porte arrière se trouve un orifice qui per- met à la reine de sortir. Ce trou doit être obstrué, ce que je fais avec de la cire. Là, j'entends les jeunes apiculteurs : « mais elle ne pourra jamais sortir ». Erreur ! Les jeunes reines vierges sont de véritables foreuses à cire avec leurs dents sur leurs mandibules (voir Info- 1) Les jeunes nourrices absorbent plus de nectar/miel lorsque le paquet d'abeilles est fait par tapotement et enfumage que par secouage des cadres de corps. Il faut donc prévoir plus de nourriture si le paquet est constitué par secouage de cadres de corps et plus de place de stockage si le paquet est obtenu par tapotement sur le corps d'une colonie. 2) Il est possible de les laisser plus longtemps en caisse, mais il ne faut pas oublier que jeune nourrice + nourriture + reine (même vierge) + espace libre + chaleur du groupe = production de cire donc construction de rayon. Photo 1 : Moule en silicone pour cupules en cire Abdomen de reine : les ovaires sont situés en haut de l’abdomen Photo 2 : Refroidissement des cupules à l'eau froide entre deux trempages dans la cire Photo 3 : Démoulage des cupules servant à fermer les cellules de réémergence Photo 4 : Cellule de réémergence (modèle Nicoplast KNE9) 3) Ce qui prouve que ce n'est pas la reine sous forme de nymphe dans sa cellule qui attire la reine vierge en quête de destruction de ses sœurs mais bien la forme ou les phéromones du cocon qui lui font faire un trou sur le coté de la cellule

L'introduction des reines vierges par réémergence Par Philippe Gilles · 2021. 1. 4. · I N F O R E I N E S, Bulletin de l’Association Nationale des Éleveurs de Reines et des

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  • INFO REINES, Bulletin de l’Association Nationale des Éleveurs de Reines et des Centres d’Élevage Apicoles - ⁄e trimestre 20⁄5 - No⁄09 INFO REINES, Bulletin de l’Association Nationale des Éleveurs de Reines et des Centres d’Élevage Apicoles - ⁄e trimestre 20⁄5 - No⁄09

    SAVOIR FAIRE ET FAIRE SAVOIRSAVOIR FAIRE ET FAIRE SAVOIR

    42 43

    Les reines peuvent naître dans la cou-veuse pour diverses raisons : greffage de larves un peu trop grosses, tempé-rature de couveuse trop élevée ou er-reur de calendrier. Elles émergent alors prématurément et nous les retrouvons dans les bigoudis le jour prévu pour leur introduction en colonies orphe-lines. Cette mésaventure m'est arrivée dans mes débuts alors que j'utilisais une couveuse électrique.Que faire dans ce cas ? Dans beaucoup de livres d'apiculture, l’introduction d'une reine vierge est décrite comme la pratique apicole la plus diffi cile à réus-sir. A l'époque, comme beaucoup de débutants, j'utilisais les abeilles locales non sélectionnées. Et comme me le pré-disaient les ouvrages que je consultais, je n'ai pas réussi les introductions de reines vierges sur des colonies orphe-lines à couvain ouvert. Au fi l de mes échecs et réussites, j'ai constaté que l'introduction de reines vierges est tributaire de la méthode d'introduction mais aussi de la colonie accueillante. La race a également son infl uence.Après des échanges avec des apicul-teurs éleveurs et des recherches dans la littérature apicole, j'ai adopté une technique qui donne de très bons résul-tats. Elle consiste à créer des colonies receveuses dotées d'abeilles nourrices et à opter pour la réémergence de la reine vierge. Nous expliquerons cette technique en détail après avoir fait le point sur les pratiques anciennes qui fonctionnent.

    Les paquets d'abeilles sans couvain

    La pratique la plus simple consiste à faire un paquet d'abeilles avec de

    jeunes nourrices (voir Info-Reines n˚108 page 12), les laisser 24 heures au frais (entre 13 et 18C˚) avec un cadre de cire étiré, pour qu'elles puissent y déposer le nectar/miel qu'elles ont absorbé lors de la création du paquet d'abeilles1. Si nécessaire, nous les nourrissons. La pré-sence de ce cadre de cire leur permet de s'accrocher et de stocker en commun de la nourriture. Ceci crée une cohésion au sein du paquet qui est très utile dans le cas d'abeilles issues de différentes colonies. Le paquet est installé dans un contenant quelconque (nucleus, ruchette, ruche) avec ce cadre étiré ; le reste de l'espace étant libre facilitera la mise en grappe et donc la constitution d'une entité qui acceptera plus facile-ment la reine.

    Lors du vol de fécondation de ces reines vierges en colonies sans couvain, il est possible que les abeilles sorties avec la reine pour la protéger, soient attirées par les reines en ponte dans les ruches voisines. Afi n de renforcer la cohésion de la nouvelle colonie, il est utile de cloîtrer 24 h de plus le paquet avec sa reine vierge2, puis de les introduire di-rectement avec tous les cadres dans une ruche. Cette méthode fonctionne bien, notamment pour la création des nuclei de fécondation au printemps.

    Une autre méthode :

    La technique suivante, plus simple et rapide, suppose que le protocole soit bien respecté. En pleine journée il faut placer dans une ruchette deux cadres bien pourvus de miel/pollen/nectar et un cadre de couvain ouvert et fermé. Le couvain ouvert fi xera les nourrices. Quatre cadres de couvain ouvert sont secoués au-dessus de cette ruchette, qui est alors éloignée de la colonie pour-

    voyeuse de nourrices. Les butineuses entrées en journée dans la ruchette repartiront vers leur colonie d'origine avant la nuit et nous aurons donc une ruchette riche en nourrices.Au crépuscule, il faut réunir près de la ruchette une reine vierge et un pot de miel tiède : tremper la reine dans le pot de miel afi n que ses pattes arrières et ses ailes soient bien couvertes de miel liquide. Il convient de la prendre délica-tement par le thorax. Elle est ainsi posée sur la planche d'envol. Le souffl e des orphelines va la guider vers l'entrée de la ruchette. Les gardiennes vont l’assail-lir, mais sans détecter ses phéromones masquées par le miel. Très rapidement, la reine va demander un échange tro-phalactique, ce qui lui permettra de prendre l'odeur de la colonie.

    Selon ce principe, nous pouvons intro-duire une jeune reine vierge dans une

    L'introduction des reines vierges par réémergence Par Philippe Gilles

    colonie, devenue orpheline du fait que sa reine n'est pas rentrée de son vol de fécondation. La ruche est déplacée en journée d'un bon mètre ou tout simple-ment tournée derrière-devant. Les buti-neuses seront retardées dans leur retour et la colonie ainsi désorganisée accep-tera mieux une nouvelle reine.

    Il existe encore de nombreuses façons de réussir l'acceptation des reines vierges, mais il faut toujours respecter ces grands principes :

    la colonie doit être composée de jeunes abeilles (elles doivent être âgées de moins de 20 jours), qui se sentent orphelines, la jeune reine vierge arrive quand la colonie est au calme,la jeune reine arrive doucement par-mi les abeilles en diffusant progressi-vement ses phéromones royales.

    La réémergence de la reine

    J'ai développé l'introduction de reines vierges par réémergence quand je tra-vaillais en région parisienne et que mes colonies étaient dans le Calvados. Je greffais le dimanche soir avant de par-tir travailler. Je rentrais le vendredi soir après le travail, j'avais juste le temps de sortir mes cellules de mon éleveuse et de les mettre en couveuse. Le vendredi soir suivant, toutes les cellules étaient operculées, mais le samedi matin dès 8 heures elles étaient émergées. Comment donc utiliser ces belles fi lles ?

    J'ai fait des recherches dans ma biblio-thèque apicole, j'ai trouvé ceci dans « l'Apiculture intensive et l'élevage des reines » de A.PERRET-MAISON-

    NEUVE (page 343 article 230) : « Cette méthode est basée sur le fait que les abeilles acceptent plus facilement une cellule qu'une reine. Elle fut créée par l'apiculteur allemand OTTO SCHULZ. Elle consiste, somme toute, à introduire les reines enfermées dans une cellule artifi -cielle, ce qui, en les empêchant de cou-rir et en les affamant, réalise certaines conditions favorables à l'acceptation et donne, pour ainsi dire aux ouvrières, l'illusion de les faire naître une seconde fois...» J'avais bien vu dans le matériel d'éle-vage de Nicotplast une cellule KNE9 cellule royale d'introduction de reine, réalisée en collaboration avec Jacques KEMP (photo 4), mais sans aucun mode d'emploi sur son utilisation. J'ai fait coïncider le matériel moderne en plas-tique avec le mode d'emploi du siècle dernier et j'ai abouti à ma technique d'introduction que je vais vous d’écrire dans les moindres détails.

    Pour faire ré-émerger une jeune reine vierge, il lui faut une cellule royale. Nous pourrions utiliser sa cellule, mais il est très diffi cile de la refermer et il est impossible de faire rentrer une reine en marche arrière dans la cellule. Si la reine séjourne plus de six heures avec sa cel-lule dans le bigoudi, instinctivement, elle va grignoter avec ses dents un trou sur le côté de sa cellule3 pour pouvoir piquer sa potentielle rivale. Attention, ce trou à la base du cocon peut bloquer la reine quand elle rentre dans sa cel-lule prendre de la gelée royale. Ce pro-blème arrive souvent quand il y a peu de gelée dans la cupule, ce qui oblige la reine à rentrer très profondément

    dans la cupule. L’extrémité de ses ailes se trouve à hauteur du trou situé entre la cupule et le cocon : en voulant sortir, ses ailes se bloquent dans ce trou, ce qui l’immobilise et l’empêche de se nourrir. Un autre problème peut survenir : cer-taines reines sont tellement motivées à faire des trous dans leur cellule qu'elles arrivent à décrocher leur cocon, ce qui leur bloque l'accès aux réserves de miel au fond du bigoudi. Elles meurent de faim dans la couveuse.

    Ne pouvant réutiliser les cellules, il faut soit les fabriquer en cire (voir le livre de A.PERRET-MAISONNEUVE p. 344) ou plus facilement utiliser celles que fabrique l'entreprise Nicotplast (voir photo 4). Elle est équipée d'une porte arrière, ce qui permet de faire rentrer la reine en marche avant. Elle a une extension laté-rale pour la faire tenir dans un rayon de cire en l'y enfonçant. A l'opposé de la porte arrière se trouve un orifi ce qui per-met à la reine de sortir. Ce trou doit être obstrué, ce que je fais avec de la cire. Là, j'entends les jeunes apiculteurs : « mais elle ne pourra jamais sortir ». Erreur ! Les jeunes reines vierges sont de véritables foreuses à cire avec leurs dents sur leurs mandibules (voir Info-

    1) Les jeunes nourrices absorbent plus de nectar/miel lorsque le paquet d'abeilles est fait par tapotement et enfumage que par secouage des cadres de corps. Il faut donc prévoir plus de nourriture si le paquet est constitué par secouage de cadres de corps et plus de place de stockage si le paquet est obtenu par tapotement sur le corps d'une colonie.

    2) Il est possible de les laisser plus longtemps en caisse, mais il ne faut pas oublier que jeune nourrice + nourriture + reine (même vierge) + espace libre + chaleur du groupe = production de cire donc construction de rayon.

    Photo 1 : Moule en silicone pour cupules en cire

    Abdomen de reine : les ovaires sont situés en haut de l’abdomen

    Photo 2 : Refroidissement des cupules à l'eaufroide entre deux trempages dans la cire

    Photo 3 : Démoulage des cupules servant à fermer les cellules de réémergence

    Photo 4 : Cellule de réémergence (modèle Nicoplast KNE9)

    3) Ce qui prouve que ce n'est pas la reine sous forme de nymphe dans sa cellule qui attire la reine vierge en quête de destruction de ses sœurs mais bien la forme ou les phéromones du cocon qui lui font faire un trou sur le coté de la cellule

  • INFO REINES, Bulletin de l’Association Nationale des Éleveurs de Reines et des Centres d’Élevage Apicoles - ⁄e trimestre 20⁄5 - No⁄09 INFO REINES, Bulletin de l’Association Nationale des Éleveurs de Reines et des Centres d’Élevage Apicoles - ⁄e trimestre 20⁄5 - No⁄09

    SAVOIR FAIRE ET FAIRE SAVOIRSAVOIR FAIRE ET FAIRE SAVOIR

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    la base de la demi-sphère de la cupule (voir schéma 2). Ce trou servira à la reine pour quémander sa nourriture aux abeilles8 et permettra aux phéromones de sortir de la cellule de réémergence.

    L’introduction de la reine vierge dans la cellule

    La cellule étant prête, il faut y faire en-trer la reine vierge. Cette opération se fait juste avant d'introduire la cellule de réémergence dans la colonie. Elle se déroule à l’extérieur ou dans une pièce ouverte, dans les 24 heures suivant l’émergence. La jeune reine ne vole pas mais cherche à se protéger. La main de l'apiculteur9 va servir de plan de travail. Il faut retirer le porte-cellule du bigoudi puis le secouer fortement pour préci-piter la reine dans sa main. Cette opé-ration est facilitée si la reine a séjourné une quinzaine de minutes à 20˚C, ce qui va ralentir ses déplacements. Présenter

    la porte de la cellule de réémergence juste devant la tête de la jeune reine. Si la cellule de réémergence ne présente pas d'odeur parasite (hydrocarbure parfum etc) et si la cellule est légère-ment chaude, la jeune reine s'y préci-pitera. En cas de réticence, il suffi t de mettre la reine en pleine lumière et elle y rentrera rapidement (voir photo 6 et 7). Quand la reine a émergé depuis plus de 24 heures, le risque d’envol devient réel ; il est alors préférable de faire cette opération dans un endroit clos (labo10, miellerie, voiture11). La reine, en arrivant dans votre main, va faire des batte-ments d'ailes pour chauffer ses muscles thoraciques avant de décoller. Cela vous laisse 2 à 5 minutes, suivant la tempéra-ture ambiante, pour la faire rentrer dans la cellule. Elle risque de ne pas vouloir le faire toute seule, il faudra la pousser doucement avec les doigts. Si elle ne veut vraiment pas rentrer, il suffi t de la remettre dans son bigoudi et la faire

    séjourner 5 à 10 minutes dans le réfri-gérateur (5˚C ça calme). Si vous êtes au rucher, vous pouvez la mettre dans un seau d'eau fraîche, mais quand elle est trempée et même une fois séchée, elle aura beaucoup de diffi culté à s'imposer aux abeilles car elle n’aura plus, pen-dant un certain temps, ses phéromones pour se faire reconnaître comme future reine. Une fois que la reine sera arrivée au bout de l'opercule de cire qui bouche la cellule de réémergence, elle va très rapidement faire marche arrière pour en sortir. Il faut veiller à ne pas lui coincer les pattes en refermant la cellule12.

    Lors de la mise en place de la cellule de réémergence avec la reine dans la colo-nie, il faut faire attention lorsque que nous enfonçons la languette dans les alvéoles de miel qu'il ne coule pas sur le trou de la portière. Cela limiterait la dif-fusion des phéromones royales dans la colonie. J'ai remarqué lors de l'introduc-

    Reines n˚108 page 31). Souvenez-vous qu'une reine doit détruire une vingtaine de cellules avant de devenir reine/mère d’une colonie, alors une petite cloison de cire de quelques millimètres, elle la perce en 5 minutes, « les griffes dans les antennes !4». Pour faire cette cloison de cire, nous utilisons plutôt une cupule en cire que nous allons faire, soit sur un bâton en bois de diamètre 9mm sur une longueur utile de 16mm (voir Infos-Reine n˚ 94 page 20), soit avec un moule en silicone (pie de vache - voir photos 1, 2 et 3)5. Si vous n'avez ni l'un ni l'autre, il est possible d'utiliser les bouchons en caoutchouc pour les compte-gouttes en verre6 (voir photo 5). Pour faire la cloi-son de cire il faut faire fondre de la cire au bain marie. Personnellement, j'utilise une casserole en inox sur une plaque à

    induction réglée à 80 C˚ lors du trem-page du moule. Attention pour le moule en bois : avant son utilisation, il faut le tremper pendant 20 minutes pour em-pêcher la cire de coller au bois. Pour que la cire liquide se solidifi e sur le moule, il doit être froid et la cire doit approcher de son point de solidifi cation soit 64,5 C˚. Pour atteindre cette température, il faut toujours un bloc de cire en train de fondre, sinon vous risquez de réchauf-fer plus vite votre moule que la cire qui l'entoure. Lorsque vous allez sortir votre moule de la cire liquide, il va se former une goutte au bout arrondi de votre moule. Cette goutte pourrait créer des surépaisseurs de cire que la reine ne pourrait découper. Pour limiter la for-mation de cette goutte, il faut, soit mou-ler les cupules dans une atmosphère très froide (pour empêcher la cire de couler), soit mouler avec une cire très proche de 64,5 C˚. Nous pouvons aussi, lors de la sortie du moule du bain de cire, l'orien-ter à l’horizontale et le faire tourner sur son axe pour que la goutte se répartisse sur le côté de la cupule. Un trempage n'est pas suffi sant pour atteindre une épaisseur de cire qui limitera une sortie trop rapide. Pour empêcher que la cire que nous venons de déposer sur le moule ne fonde lors d'un nouveau trempage, il faudra la refroidir fortement en la trem-

    pant dans un bol d'eau glacé (glaçon en fonte). Il faut essuyer les cupules de toute trace d'eau car il pourrait se for-mer des poches d'eau qui gêneraient la sortie de la reine, puis nous refaisons un trempage dans la cire. Il faut refaire autant que nécessaire pour obtenir une cupule d'une épaisseur comprise entre 1 et 1,5mm. Après cet apprentissage, l’œil est exercé à percevoir la bonne épais-seur : trop fi ne, la reine sortira trop vite de sa cellule de réémergence, ce qui ne laissera pas le temps à la colonie de se calmer après votre visite. Il faut laisser le temps aux phéromones de la reine qui sortent par les trous de la cellule de réémergence de circuler dans toute la colonie. Si la cupule est trop épaisse les mandibules de la reine ne pourront pas l'entamer. Avec l'aide des abeilles, elle sortirait néanmoins, mais d'autant plus tardivement que la population est peu importante, au risque de souffrir du manque de nourriture. Pour installer la cupule/cloison/porte, il faut que la cire qui la compose soit à la température de la ruche (34,5˚C température de la cou-veuse) pour que lorsque nous l’emboî-tons sur le cylindre de la cellule KNE9, elle s'y adapte bien et colle à la paroi7. Si nous avons des doutes sur la bonne épaisseur, il est possible avec un trom-bone ou un cure-dent de faire un trou à

    4) C'est la traduction en abeille de l’expression « les doigts dans le nez ».5) Ce moule à cupules en silicone ne se trouve plus chez tous les marchands de matériel apicole. Il a été remplacé par un autre modèle qui n'est pas utilisable

    pour réaliser des cloisons de sortie pour les cellules NE9, mais il est encore sur le site de Route d'Or, Réf E712.6) Les compte-gouttes en verre sont souvent utilisés pour la propolis sous forme huileuse (buccopolis).7) En trempant la cupule/cloison/porte dans de l'eau chaude, elle va bien s'adapter mais elle ne collera pas au plastique et elle se décollera lors de son refroi-

    dissement.

    8) J'ai fait des observations de réémergence en ruche vitrée. La reine réclame très rapidement aux abeilles de la nourriture en sortant sa langue/trompe par le petit orifi ce réalisé dans la cupule de cire.

    9) Il faut que la main n’ait aucune odeur parasite. Pour le vérifi er, il suffi t de placer la main à côté d’un cadre d’abeilles : si elles ne piquent pas la main, c’est qu’elle est propre.

    10) Attention aux toiles d'araignée qui sont à proximité des fenêtres, car la jeune reine sera moins rapide qu’une araignée affamée.11) Attention pour la voiture de mettre un chiffon dans l’arrivée d'air au pied du pare-brise, car la reine sera attirée par la lumière derrière le pare-brise, si elle

    a plus de 24 heures. La pente du pare-brise va la guider vers cette fente et le seul moyen de récupérer la reine serait alors de mettre la ventilation à fond.12) Il aurait été bien que la fermeture de la cellule se fasse par l’extérieur du tube, ce qui aurait limité le coinçage des pattes. Une fois une des pattes arrière

    cassés, la reine ne pourra plus marquer correctement sa colonie avec ses phéromones tharciales.

    Photo 5: Caoutchouc de compte-goutte ser-vant de moule à cupule

    Introduction entre deux cadres de la cellule de réémergence

    Cellule de réémergence avec reine

    Photo 6 Photo 7

  • INFO REINES, Bulletin de l’Association Nationale des Éleveurs de Reines et des Centres d’Élevage Apicoles - ⁄e trimestre 20⁄5 - No⁄09 INFO REINES, Bulletin de l’Association Nationale des Éleveurs de Reines et des Centres d’Élevage Apicoles - ⁄e trimestre 20⁄5 - No⁄09

    SAVOIR FAIRE ET FAIRE SAVOIR

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    tion de cellule de réémergence dans des ruchettes mono-cadre vitrées que très rapidement (30 secondes) des abeilles venaient se mettre sur la cellule et elles tapaient/frappaient avec leur abdomen et leur thorax sur la partie plastique de la cellule. Vu que les abeilles com-muniquent grâce aux vibrations et aux odeurs, j'imagine qu'elles cherchent à communiquer avec leur future (belle) mère.

    Le choix de la reine

    Cette technique de réémergence permet de contrôler la qualité des reines avant leur introduction. Environ 2 à 5 % des reines ont des problèmes d'ailes défor-mées et le contrôle par mirage ne per-met pas de détecter ce problème ana-tomique. Quand nous n'avons que des petites séries de 30 nuclei et qu'il faut faire un choix parmi 50 reines, il est ap-préciable de pouvoir les regarder avant de les mettre en colonie orpheline. Per-sonnellement, j'ai plusieurs critères de choix qui ne sont pas très scientifi ques mais qui me conviennent :- Premier choix : le dynamisme de la reine dans son bigoudi. La reine doit se déplacer rapidement à la température de la couveuse. Attention à la tempé-rature pour juger du dynamisme. Si elle reste sur la table du labo 1/4 heure, elle sera moins mobile que la reine qui sort de la couveuse. Il y a aussi la différence entre celle qui vient d’émerger et la reine qui a déjà 6 heures de vie dans la cou-veuse. Après plusieurs séries de reines, il est facile de différencier les dynamiques des apathiques. Attention ! La reine ne bouge pas quand la reine mange mais également lorsqu’elle fait des mouve-ments d'abdomen pour respirer (mou-vement d’accordéon de l’abdomen cela arrive quand la couveuse n'est pas assez aérée).- L'un des critères physiques scienti-fi quement prouvé est l'absence des poils qui forment la corbeille à pollen

    sur les pattes arrière (photo 8). Il faut que le tibia et le tarse des pattes arrière soient étroits, ce qui prouve qu'elle a eu toute la nourriture pour devenir une vrai reine.

    - Je ne regarde pas ses dents sur les man-dibules (voir Info-Reines n˚108 page 31) mais l’abdomen qui doit être large dans sa partie haute (vers le thorax) pour laisser de la place au développement de ses ovaires. Comme disait Henri REN-SON : « elles doivent avoir l’abdomen en forme de cœur », large en haut et fi n en bas. Il ne faut pas regarder sa longueur, qui varie selon qu'elle a mangé et/ou que son ampoule rectale est pleine.

    - Je regarde aussi si ses ailes sont bien droites et lisses.

    - J'ai fait des tests sur le poids des reines avec une balance au 0,001 g. Cela de-mande beaucoup de temps pour faire la pesée juste après l’émergence de la reine, car à la sortie de sa cellule, elle se précipite sur la nourriture. S'il n'y a pas de miel, elle va manger sa gelée dans le fond de la cellule. Cela peut faire évoluer son poids de 1 à 5 mg. Je n'ai fait qu'une série de mesures de poids,

    qui m'a montré que les reines les plus lourdes (235 mg) ne se sont pas fait fé-conder. J’étais en fi n de saison apicole et je ne disposais pas du temps nécessaire à la poursuite de ces observations.

    Si vous introduisez 100 ou 200 reines, il est diffi cile de contrôler chaque reine émergée et plus économique de mettre une cellule operculée mirée à 11 jours, de repasser 2 jours plus tard pour faire un contrôle par sondage, puis de s'assurer de la fécondation à 21 ou à 28 jours .Cette technique de réémergence doit être plutôt utilisée si vous faites des petites séries de reines pour des colo-nies orphelines de gros volume, type ruchette. Je ne vous la conseille pas si vous faites des grandes séries avec des nuclei de petit volume.Dans tous les cas, nos jeunes reines une fois fécondées devront être prélevées de leurs micro-colonies pour être intro-duites dans les colonies de production. Mais pour cela, il va falloir rechercher les vieilles reines en ponte, ce que nous étudierons dans le prochain numéro d'Info-Reines.

    Photo 8 : Patte arrière de reine,sans poil sur les corbeilles à pollen