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Jardin botanique Alpin du Lautaret Livret - Guide Serge Aubert

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Jardin botaniqueAlpin du Lautaret

Livret - Guide

Serge Aubert

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Le Jardin botanique alpin du Lautaret tel qu’on le visite aujourd’hui est le reflet d’un siècle de travail de la part des passionnés qui l’ont façonné. Le présent guide combine une présentation du Jardin (histoire, fonctionnement, collections) et de son environnement exceptionnel au col du Lautaret, en incluant une introduction à la botanique et à l’écologie alpine. Il intègre des résultats issus des recherches menées au Lautaret sur les plantes et les écosystèmes alpins, en particulier par le Labo-ratoire d’écologie alpine de Grenoble.Le Jardin alpin combine plusieurs missions : l’accueil et la sensibilisation du public à la richesse et à la conservation de la diversité des milieux alpins, l’entretien de collections (espèces provenant des montagnes du monde, banque de semences, herbiers, banques d’images, bibliothèque spéciali-sée), la formation des étudiants ainsi que la participation aux recherches en biologie alpine. Ces missions sont celles d’un jardin botanique universitaire qui développe une synergie entre science et société, en recevant 15 à 20 000 visiteurs chaque été.Le Jardin, un temps dissocié de la recherche, est aujourd’hui associé au Chalet-laboratoire au sein de la Station alpine Joseph Fourier, une Unité Mixte de Services de l’université Joseph Fourier et du CNRS créée en 2005 qui comprend aussi l’Arboretum Robert Ruffier-Lanche et des serres techniques sur le campus de Grenoble. Le site du Lautaret constitue une station biologique d’altitude unique en Europe, reconnue dans le cadre du programme Investissements d’avenir comme Infrastructure Nationale de Biologie et Santé dans le domaine de l’Analyse et l’Expérimentation sur les Ecosys-tèmes (ANAEE-Services).

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Poster du Jardin alpin du Lautaret au cœur d’une gentiane, dessiné dans les années 1960 par Paul Rochette (1923-1989), enseignant-chercheur et botaniste à l’université de Grenoble.

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Sommaire

1. Un jardin centenaire ....................................................................................................... 1

• Un site remarquable ........................................................................................... 2 • Une histoire centenaire .................................................................................... 11 • Les collections du jardin .................................................................................. 21

2. La flore alpine ....................................................................................................... 31

• Qu’est ce qu’une plante alpine? ..................................................................... 32 • L’histoire de la flore alpine .............................................................................. 41• La diversité des plantes alpines ....................................................................... 51

3. Quelques éléments de botanique ......................................................................... 61

• La fleur .............................................................................................................. 62• Les relations entre espèces .......................................................................... 71• Les adaptations à la vie alpine ................................................................... 81

4. Des milieux remarquables ................................................................................... 91

• La mégaphorbaie ........................................................................................... 92• Les zones humides ....................................................................................... 101• La végétation et la neige .......................................................................... 111

5. Les hommes au col ................................................................................................... 121

• L’histoire du col .............................................................................................. 122• La vie à la montagne ................................................................................... 131• L’homme et les plantes ................................................................................. 141

6. Les principales évolutions du jardin ............................................................... 151

Une nouvelle signalétique, une école de botanique, une résidenced’illustrateurs, des publications, un arboretum d’altitude, uneparticipation à la recherche, de nouveaux aménagements,un grand projet : la Galerie de l’Alpe

7. Les rocailles du jardin : sélection d’images ................................................... 161

8. Bibliographie ................................................................................................................200

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du JardinPrésentationUn jardin

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2 Le col du Lautaret occupe une position privilégiée. C’est un véritable carrefour géographique, climatique et géologique. Au croisement des Alpes du Nord et du Sud, des Alpes internes et externes, la diversité des influences climatiques et la diversité géologique des terrains ont favorisé une grande diversité bota-nique naturelle avec près de 1500 espèces végétales, soit environ 1/3 de la flore française. Cette biodiversité remarquable a été reconnue dès la fin du 18ème

siècle par Dominique Villars (1745-1814), le célèbre médecin et botaniste origi-naire du Champsaur dans les Hautes-Alpes (Villars 1779).

Un site remarquable

Carte de la France métropolitaine montrant les principaux massifs montagneux : Alpes, Pyré-nées, montagnes de Corse, Massif Central, Jura et Vosges.

Alpes

CorsePyrénées

Jura

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Le col du Lautaret est situé au croisement des Alpes du nord (fort enneigement et nébulosité) et des Alpes du sud (fort ensoleillement et influence méditerranéenne), à la limite entre Alpes externes (influence océanique entraînant de fortes précipitations) et Alpes internes sèches (influence conti-nentale).

Alpes internessèches

Alpes du Nord

Alpes du Sud

Alpes externes humides

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CHAMBERY

Massif du Queyras

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BRIANCON

St-MICHEL-DE MAURIENNEE

BOURG d’OISANSMassif

de Belledonne

Massif duVercors

Massif duDevoluy

Massif de laGrande Rousse

Massif de laChartreuse

Massif des Ecrins

Massif des CercesLa Meije (3987 m)

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La Barres des Ecrins (3102 m)

Col et Jardindu Lautaret

La vallée de la Guisane, le col du Lautaret et le massif des Ecrins vus depuis le Grand Galibier (3229 m). Les plus hauts sommets apparaissent derrière les pics du combeynot. L’étoile blanche indique la position du Jardin alpin.

Les Ecrins(4102 m)

La Meije (3987 m)

Les Agneaux (3664 m)

Le Pelvoux (3946 m)

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Le col du Lautaret, situé à 2056 m d’altitude, marque la ligne de séparation des eaux entre deux rivières. A l’Est, la Guisane coule vers la Durance dans le dépar-tement des Hautes-Alpes ; à l’Ouest, la Romanche rejoint le Drac puis l’Isère dans le département éponyme. C’est une frontière sur la voie de communica-tion qui relie Grenoble (à 90 km) et Briançon (à 30 km), une transition entre les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, ainsi qu’un carrefour tou-ristique entre Oisans, Briançonnais (deux régions du Dauphiné) et Savoie.

Le col du Lautaret est aussi situé à un carrefour climatique. D’une part, il se trouve à la limite entre les Alpes externes humides (influence océanique venant de l’ouest) et les Alpes internes sèches. D’autre part, il marque la transition entre les Alpes du Nord à forte nébulosité et les Alpes du sud très ensoleillées, avec des influences méditerranéennes qui remontent la vallée de la Durance. Cette diversité des influences climatiques de part et d’autre du col du Lautaret se voit aisément au niveau de la végétation. Ainsi, à quelques dizaines de kilomètres de distance, on observe des forêts très différentes. A l’Ouest, le hêtre et l’épicéa sont largement représentés, notamment dans la région de Bourg d’Oisans, alors qu’à l’Est ils sont remplacés respectivement par le pin sylvestre et le mélèze.Si l’on ajoute à ce tableau déjà contrasté la contribution du vent, omniprésent et qui favorise la sécheresse, on obtient un climat froid et sec, caractérisé par un fort ensoleillement et par des variations thermiques souvent considérables.

Vue sur la vallée de la Guisane (à l’est, en direction de Briançon), les massifs des Cerces et du Combeynot, depuis le col du Lautaret.

Massif sédimentairedes Cerces

Massif cristallindu Combeynot

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Les couleurs d’automne dans la vallée de la Romanche permettent de distinguer les forêts de hêtre (feuillage caduque, 1) et d’épicéa (résineux à aiguilles persistantes toujours vertes, 2). Ces deux arbres sont caractéristiques des Alpes externes humides ; on ne les rencontre plus à l’est du col du Lautaret où ils sont remplacés respectivement par le pin sylvestre à basse altitude (étage monta-gnard), et par le mélèze, le pin à crochet et le pin cembro, à haute altitude (étage subalpin).

Les couleurs d’automne dans la vallée de la Guisane permettent de distinguer les forêts de pin sylvestre (1’) à l’étage montagnard et les mélézins ou forêts de mélèze (2’) à l’étage subalpin. Les mélézins sont caractéristiques des Alpes internes qui présentent un climat estival sec et lumineux. A noter que le mélèze est le seul résineux en France à perdre ses aiguilles en automne.

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Carte des précipitations estivales moyennes dans les Alpes (données de Météo France, réalisation : Ph. Choler). Les montagnes des Hautes-Alpes, en particulier la région du Lautaret-Briançonnais, sont beaucoup plus sèches que les montagnes des Alpes externes du Nord (massifs de la Chartreuse et de Belledonne en particulier). Il tombe en moyenne 1200 mm d’eau par an au col du Lautaret, sous la forme de pluie ou de neige (plusieurs mètres cumulés), alors que dans les Alpes externes (Ver-cors, Chartreuse) les précipitations moyennes sont d’environ 2500 mm à la même altitude.

BRIANÇON

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Données météorologiques enregistrées durant la période 2010-2012 au Jardin alpin (compilation : Ph. Choler). Sur la période 1999-2011, la station météorologique de Monêtier-les-Bains (1459 m) indique un minimum de température de -24°C (13 février 1999), ce qui correspond à environ -27,5°C au col du Lautaret compte tenu du gradient thermique de 0,51°C/100 m dans la Guisane.

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Une histoire centenaire

La fin du 19ème siècle est marquée par une mode des jardins alpins. Au début, les motivations étaient plus d’ordre esthétique que scientifique. Henry Correvon est le premier, en Suisse, à créer en 1889 un jardin alpin qui allie des buts esthétiques à des préoccupations de protection des plantes. A cette époque, la nécessité de protéger la montagne était déjà présente, pour limiter la déforestation et le pillage des plantes alpines par les amateurs, les botanistes collectionneurs ou les marchands de plantes.

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Vue du col du Lautaret, vers 1935, avec l’hospice delphinal, l’hospice-refuge Napoléon et l’hôtel des glaciers (au fond), le chalet-hôtel PLM et son garage, le Jardin alpin et son chalet (au premier plan à droite). Au fond, les massifs du Combeynot (à droite) et des Cerces (à gauche). Voir plus loin la partie relative à l’histoire du col (p. 122). Cliché Gep, coll. Bignon.

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Après la première guerre mondiale, le projet de construction d’une nouvelle route d’accès au col du Galibier entraîne la fin de ce premier jardin alpin du Lautaret. Le professeur Marcel Mirande, successeur de Lachmann, est déses-péré. C’est alors que le Touring Club de France décide de financer le déplace-ment du Jardin vers son emplacement actuel, à proximité du chalet-restaurant de la compagnie ferroviaire PLM (Paris-Lyon-Méditerranée), laquelle participe également aux dépenses et fournit le terrain.

Le Jardin alpin en 1919, avec sa collection « systématique » de 600 espèces des Alpes classées par ordre alphabétique. Les autres rocailles concernent la flore des montagnes du monde. Au fond, le Chalet-restaurant de la compagnie Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) construit en 1914 (p. 127). Cliché H. Müller.

Le plan du nouveau jardin alpin du Lautaret dessiné par le paysagiste Jean Ginet. Au centre, le chalet Mirande. Le dessin général n’a pas changé jusqu’à aujourd’hui.

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Le Jardin alpin, ici en 1925, a été dessiné et réalisé par Jean Ginet, paysagiste renommé de Gières, près de Grenoble. Ses grandes lignes ont été conservées jusqu’à aujourd’hui. A gauche, le chalet Mirande ; au fond, le Chalet-hôtel-restaurant PLM (noter l’agrandissement par rapport à l’image prise 6 ans plus tôt, voir p. 14).

Visite du Jardin alpin vers 1930. Au premier plan, à droite, la zone expérimentale consacrée aux recherches agronomiques sur la performance des plantes fourragères en haute altitude (empla-cement conservé aujourd’hui pour les recherches, voir p. 18). A gauche, la pyramide érigée en hommage au capitaine Scott (voir p. 80). Au second plan, chalet-restaurant PLM (voir p. 127).

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Un chalet, aujourd’hui appelé chalet Mirande, est construit. Il va permettre un essor important du site. Il abrite un logement pour les jardiniers, un petit labora-toire où travaillent les chercheurs qui étudient la biodiversité et cartographient la végétation, un musée minéralogique et un musée ethnographique créé par Hippolyte Müller, le fondateur du Musée Dauphinois de Grenoble. Ce « nou-veau » Jardin alpin inauguré en août 1919 va connaître une grande renommée tant touristique que scientifique jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Après le déplacement et la reconstruction sur son site actuel, l’inauguration du nouveau Jardin alpin, le 5 août 1919. Au centre du porche d’entrée, toujours présent aujourd’hui, le professeur Mar-cel Mirande (1) et Henry Defer (2), le vice-président du Touring Club de France. Cliché H. Müller.

Ces champignons sont des espèces nouvellement décrites dans la région du Lautaret par Roger Heim, alors qu’il était stagiaire au Jardin alpin dans les an-nées 1920. Il a bénéficié d’une bourse de recherche allouée par le Touring Club de France (bourse de Blonay). Roger Heim est devenu ensuite directeur du Muséum national d’Histoire naturelle et membre de l’Académie des Sciences.

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Une étape déterminante est la construction en 1989 du Chalet-laboratoire, à l’initiative de Richard Bligny. Ce laboratoire qui jouxte le Jardin est équipé d’ins-truments qui permettent de conduire des recherches sur les plantes et les éco-systèmes alpins. L’équipe en charge du Jardin alpin depuis 2002 développe la synergie entre science et tourisme. Le Jardin, un temps dissocié de la recherche, est aujourd’hui associé au Chalet-laboratoire au sein de la Station alpine Jo-seph Fourier, une Unité Mixte de Services de l’université Joseph Fourier et du CNRS créée en 2005 qui comprend aussi l’Arboretum Robert Ruffier-Lanche et des serres techniques sur le campus de Grenoble.

Aperçu des recherches menées en conditions contrôlées au Chalet-laboratoire du Lautaret : ana-lyses expérimentales des échanges gazeux chez des plantes alpines collectées quelques minutes au préalable dans le secteur du col du Galibier.

La zone expérimentale située à l’arrière du chalet Mirande permet de mener des recherches en condi-tions semi-contrôlées (pots). Au second plan, le cha-let Mirande et le massif du Combeynot.

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Le site du Lautaret constitue une station biologique d’altitude unique en Eu-rope, reconnue comme Infrastructure Nationale de Biologie et Santé pour la thématique Analyse et Expérimentation sur les Ecosystèmes (ANAEE-Services) dans le cadre du programme « Investissements d’avenir ». Entre 2006 et 2012, la plate-forme du Lautaret et les compétences botaniques et horticoles qui lui sont associées à travers le Jardin alpin ont permis la production de 60 publications scientifiques et la soutenance de 12 thèses.

L’arboretum Robert Ruffier-Lanche situé sur le campus de Grenoble comporte environ 250 espèces d’arbres et arbustes. Créé en 1966 par le chef de culture du Jardin alpin, abandonné dans les années 1990, il a été remis en état par Joëlle Leplan-Roux, adjointe aux cultures à la Station alpine, à partir de 2000. Il est libre d’accès. Le sentier planétaire Manuel Forestini y a été implanté en 2003.

Exemple de recherches de terrain menées par les scientifiques qui utilisent les infrastructures du col du Lautaret. Ici, mesures sur le silène acaule, une plante en coussin des hautes altitudes de l’étage alpin (p. 87). A droite, Philippe Choler, pionnier des recherches en écologie alpine à la Station alpine.

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Autour du jardin : le grand prix de la fondation Louis de Polignac

La Fondation Prince Louis de Polignac a décerné son Grand Prix 2007 au Jardin botanique alpin du Lautaret, une récompense obtenue pour sa contribution à la recherche en biolo-gie alpine. Ce Prix d’un montant de 25 000 € a été décerné sur proposition de l’Académie des sciences (Institut de France). Il récompense un siècle de passion et de travail au service de la vulgarisation scientifique et de la recherche, les deux missions définies par Jean-Paul Lachmann dès la création du Jardin. Le montant du prix a contribué au finance-ment de plusieurs projets, en particulier la mise en place d’une signalétique de qualité sur l’ensemble du Jardin alpin (p. 152) et l’édition d’un portfolio triennal associé à l’Illustration botanique en résidence au Jardin alpin du Lautaret (p. 154).

Le Jardin alpin est reconnu pour la qualité de ses collections et pour sa contribution à la recherche : Jardins Botaniques de France et des pays franco-phones (JBF), Conservatoire des Collections Végé-tales Spécialisées (CCVS) et Jardin remarquable.

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Un exemple de rocaille dite écologique, ici consacrée aux éboulis des étages montagnard et su-balpin. Dans ces rocailles, les plantes de la région y sont présentées selon leur habitat (milieux humides, sous-bois, rochers, pelouses alpines, éboulis alpins, etc.).

Les rocailles sont le fruit d’un important travail d’entretien : désherbage, ins-tallation de nouvelles espèces, gestion du développement des arbustes. Elles doivent combiner l’esthétique paysagère (expertise des jardiniers) et la recons-titution la plus fidèle des habitats des plantes (expertise des botanistes). Un arro-sage a lieu lors des périodes de sécheresse pour augmenter les chances de survie des espèces.

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Aspect de la rocaille consacrée à la flore des zones humides de la Sibérie et du Caucase en début de saison, ici en mi-mai 2003. Les tiges et les feuilles mortes accumulées donnent un aspect peu flatteur au jardin. On imagine difficilement la métamorphose qui va s’opérer en quelques semaines par le travail des jardiniers et grâce à la formidable rapidité de croissance des plantes qui ont une saison très courte pour accomplir leur cycle de végétation (comparer avec la page 99).

Désherbage dans la rocaille « Caryophyllacées » en juillet 2012. Une vingtaine de stagiaires issus des filières horticole et paysagère se succèdent tout au long de la saison pour mener à bien ce travail minutieux, encadrés par les deux jardiniers permanents. Depuis le début des années 2000, d’autres stagiaires sélectionnés à l’université de Grenoble assurent des visites guidées trois fois par jour.

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Réalisation d’un éboulis de calcaire blanc pour la rocaille « Apennins » en septembre 2007, par Richard Hurstel, chef de culture du Jardin alpin dans les années 2000, et Jean-Louis Latil, pépiniériste et paysagiste partenaire du Jardin alpin. Cet habitat est constitué de plusieurs couches de granu-lométrie variable, de manière à reconstituer au mieux les conditions de vie des plantes d’éboulis, réputées de culture difficile (voir p. 175). Devant le chalet Mirande, noter l’ancienne pépinière.

Depuis sa création, le Jardin alpin bénéficie du trop plein de l’eau alimentant le col du Lautaret. Cette eau joue un rôle important, aussi bien sur le plan esthétique qu’écologique. Les zones hu-mides ont été replacées autour des torrents et des lacs du jardin. Ici, les plantes des rocailles « Mas-sif Central » et « Pyrénées » se reflètent dans le petit lac artificiel installé à l’entrée du Jardin alpin.

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Autour du jardin : un jardin aménagé dans un « jardin naturel »

Le Jardin alpin a la particularité d’être installé au milieu des prairies subalpines à fétuque paniculée qui comportent plus de cinquante espèces sauvages. Ces prairies naturelles nécessitent un entretien particulier, avec une fauche en fin de saison pour maintenir leur biodiversité et pour empêcher la dissémination des graines vers les rocailles aménagées. Des étiquettes particulières, avec photo et dessin de Christophe Perrier, ont été installées en 2010 pour aider à l’identification des espèces sauvages de ces prairies qui accueillent le Jardin alpin.

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La flore alpine

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Le terme « alpin » mérite quelques précisions. Il est souvent confondu avec le terme « alpien » qui signifie relatif aux Alpes au sens strict. Dans l’acception re-tenue ici, ce terme s’applique à la zone et aux plantes situées au-dessus de la limite naturelle des forêts (en absence d’intervention humaine), quelle que soit la partie du globe envisagée. Ainsi, dans les Alpes françaises, l’étage alpin commence à partir de 2300 mètres en moyenne. En zone tropicale et équato-riale, cette limite s’élève aux alentours de 4000 mètres, alors que dans les zones polaires elle s’abaisse au niveau de la mer (Arctique, Spitzberg) et on parle alors de toundras arctiques. Ces variations d’altitude en fonction de la latitude sont conditionnées par la température.

Qu’est ce qu’une plante alpine ?

Etagement de la végétation dans les Alpes de la région briançonnaise. Les versants exposés au sud (adrets) sont plus chauds, ce qui explique la remontée des étages de végétation. Ils ont souvent été déboisés depuis des siècles pour les besoins de l’agriculture (cultures en terrasses, pâturages).

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Páramos du nord de l’Equateur (alt : 4000 m - lat : 0,7°N, point 3 sur le schéma de la page 33). Ces formation des Andes du nord sont caractérisées par des Astéracées en rosettes, ici Espeletia pyc-nophylla ssp angelensis. Cette plante dite pachycaule (voir plus loin) ne pousse que de quelques centimètres par an peut atteindre 6 à 7 m de hauteur.

Un aperçu de la végétation dominée par les coussins épineux (ici Acantholimon sp, Plumbagina-cée) dans les montagnes iraniennes du mont Elburz (étage subalpin, vers 2500 m). Ces formations sont caractéristiques des montagnes froides et sèches, notamment la Sierra Nevada espagnole, l’Atlas marocain, les montagnes de l’Iran et de l’Afghanistan (photo : M. van der Brink).

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Ces épicéas d’Engelmann (Picea engelmanii, vers 3000 m dans les montagnes Rocheuses du Colora-do), montrent les effets de l’agression incessante du vent en altitude qui a imposé aux branches un déve-loppement unilatéral. Ces arbres ont adopté le port dit « en drapeau » (ici les vents dominants viennent de la droite).

Limite entre étage subalpin (forêts de Nothofagus pumilio (hêtre de l’hémisphère sud, 1) et l’étage alpin dominé par des espèces en coussins (boules vertes de l’Apiacée Bolax gummifera, au tout premier plan, 2)(alt : 500 m - lat : 55°S, point 1’ du schéma de la figure 33). Au second plan, Ushuaia (Argentine), le canal Beagle et l’Ile Navarino (Chili). Les derniers arbres sont déformés et ne me-surent que quelques dizaines de centimètres (facies dit « Krumholtz »).

Au voisinage de la limite supérieure des forêts, les arbres sont déformés par les agressions physiques du vent et de la neige, jusqu’à n’être que des arbustes prostrés de quelques dizaines de centimètres de hauteur. Cette petite taille leur permet d’éviter ces agressions et d’être protégés du gel hivernal par le man-teau neigeux. Il ne s’agit pas d’un caractère fixé génétiquement car lorsque ces plantes sont cultivées à plus basse altitude, elles poussent comme de grands arbres.

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Localisation de quelques massifs alpins représentés au jardin (détail de la carte p. 19) : Atlas, Sierra Nevada, Pyrénées, Alpes, Apennins, Balkans, Carpates, Caucase, montagnes pontiques. Selon la latitude et le climat, l’étage alpin débute vers 500 m (montagnes de Norvège), vers 2000-2300 m (Alpes) ou au-delà de 3000 m dans l’Atlas marocain et dans les montagnes de l’Iran.

La saxifrage à feuilles opposées (Saxifraga oppositifolia, Saxifragacée, 1) et le silène acaule (Silene acaulis, Caryophyllacées, 2) sont des plantes en coussins qui poussent au niveau de la mer en Arctique (ici au Spitzberg, à 79°N de latitude) et vers 2700 m sur les crêtes du Galibier. Ces espèces sont dites arctico-alpines (voir plus loin). La saxifrage à feuilles opposées détient le record d’altitude dans les Alpes suisses où elle a été trouvée à 4500 m d’altitude.

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Le saule herbacé Salix herbacea (ici au Galibier, 2700 m) se ren-contre au niveau des combes à neige, ces cuvettes longuement enneigées de l’étage alpin (p. 115).

Le saule à feuilles réticulées Salix reticulata (ici au Galibier, 2600 m) est typique des landes basses rencontrées au niveau des pentes à long enneigement à l’étage alpin.

Le saule polaire Salix polaris (ici au Spitzberg, 50 m) est une es-pèce abondante dans les toun-dras arctiques circumpolaires. Il prédomine dans les stades de fin de succession sur les zones libé-rées par le retrait des glaciers.

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L’étude de la distribution géographique des espèces suggère que la colo-nisation s’est faite selon trois influences : méditerranéenne (ex : campa-nules et silènes), centre-asiatique (ex : primevères et gentianes) et arc-tique (ex : saules). Par exemple, le centre de distribution des rhododendrons (près de 1000 espèces) est situé en Asie du sud-est (plusieurs centaines d’espèces en Chine, dans l’Himalaya, à Bornéo et au Japon). Le nombre d’es-pèces rencontrées diminue lorsque l’on se rapproche des Alpes (5 espèces dans le Caucase et uniquement 2 espèces dans les Alpes françaises).

Les voies de colonisation de l’arc alpin (en rouge) par trois cortèges : méditerranéen (1), centre-asiatique (2) et arctique (3). En vert, les principaux massifs montagneux en dehors des Alpes.

Soldanelle des Alpes (Soldanella alpina, Primula-cée), une espèce des combes à neige, ces zones concaves déneigées tardivement (p. 115). Les ana-lyses génétiques récentes montrent que les solda-nelles sont originaires de l’Himalaya. Elles auraient colonisé les Alpes depuis les basses altitudes, à partir d’une espèce proche de l’actuelle soldanelle velue présente dans le Pays basque.

Alpes Caucase

Himalaya

Arctique

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Le genre Campanula (ici Campanula alpestris, dans les éboulis calcaires de l’étage alpin) est un exemple de plante originaire de la région méditerranéenne.

Les primevères (ci-dessus Primula bulleyana et Primula secundiflora) sont originaires d’Asie cen-trale. Ces deux espèces sont à découvrir au jardin dans la rocaille « Asie centrale ».

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Variations des températures au cours des 70 derniers millions d’années, avec, à droite, un agrandis-sement des 500 derniers milliers d’années permettant de visualiser les quatre grandes glaciations : Günz, Mindel, Riss et Würm, dernière vague glaciaire achevée il y a seulement 10.000 ans. Simplifié d’après Graham 1999 Am. J. Bot 86 : 36 ; Petit et al. 1999 Nature 39 : 429.

La bérardie sans tige (Berardia subacaulis, Asteracée), un exemple de relique tertiaire qui colonise les éboulis calcaires de l’étage alpin dans les Alpes du Sud, ici au col de l’Izoard vers 2600 m. La plante protégée à l’échelle nationale est à voir au Jardin alpin dans la rocaille « Éboulis calcaires des Alpes » (photo T. Syre).

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Pour expliquer la recolonisation des régions arctiques et des Alpes après la der-nière glaciation, deux hypothèses existent. La première, dite « tabula rasa », suppose que les plantes ont entièrement disparu des Alpes et de l’Arctique lors des glaciations et que leur colonisation s’est faite depuis des zones éloignées dépourvues de glace. L’autre hypothèse dite des « nunatak » suppose que des zones refuges ont été préservées des glaces et ont alimenté une recolonisa-tion locale. Les méthodes moderne de la génétique suggèrent que les deux mécanismes ont été impliqués dans la recolonisation des massifs alpins après le dernier maximum glaciaire.

Exemples de zones dépourvues de glaces (petits nunataks) au niveau des glaciers qui recouvrent une partie des îles du Svalbard (Spitzberg, Norvège, 79 °N).

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Venise

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Refuges intra-alpins (nunataks)

Refuges périphériques sur calcaire

Refuges périphériques sur silice

Limite des glaciers

Grenoble

Représentation des refuges périphériques et intra-alpins pour plusieurs plantes alpines durant la der-nière glaciation (20 000 ans), d’après des études de diversité génétique (adapté de Schönswetter et al 2005 Molecular Ecology 14 : 3547–3555).

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Plantes artico-alpines dans la région du col du Lautaret et au jardin

La dryade à huit pétales (Dryas octopetala, Rosa-cée), une espèce des pentes rocailleuses à long enneige-ment, aux étages subalpin et alpin.

L’oseille à deux styles (Oxy-ria digyna, Polygonacée), une espèce caractéristique des éboulis acides, ici dans la réserve du Combeynot à 2400 m.

La saxifrage à feuilles oppo-sées (Saxifraga oppositifolia, Saxifragacée), une espèce en coussin rampant lâche abondante à l’étage alpin, ici sur les crêtes du Galibier à 2700 m.

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La gentiane de Clusius, Gentiana clusii, constitue avec la gentiane sans tige (ci-contre) un exemple de vicariance écologique. Les deux espèces dérivent probablement d’une même population mère ancestrale à partir de laquelle deux ensembles de populations ont divergé pour donner deux es-pèces, respectivement sur les pelouses acides ou calcaires.

La gentiane pourpre (Gentiana purpurea, à gauche) est une espèce des pâturages des Alpes du Nord (aussi en Italie, en Bavière, en Autriche, en Hongrie et en Norvège) alors que Gentiana corym-bifera (à droite) est une espèce des éboulis calcaires des montagnes de Nouvelle-Zélande. Ces deux espèces illustrent la diversification des gentianes (400 espèces) à travers la colonisation de milieux et de continents variés (voir d’autres exemples de gentianes aux pages 81, 108 et 149).

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Lorsque les deux espèces Eryngium alpinum et Eryngium bourgatii sont cultivées en jardin, elles donnent naissance à un hybride inconnu dans la nature et nommé Eryngium x zabelli. Cet hybride est stérile, une situation qui se rencontre chez les animaux avec l’exemple du mulet, hybride entre un âne et une jument.

Le genre Eryngium (panicauts) appartient à la famille des Apiacées (Ombellifères) et il comprend plus de 200 espèces réparties dans le monde entier, avec un centre de distribution en Amérique du Sud. Les deux panicauts ci-dessus appartiennent à deux espèces différentes qui sont séparées géographiquement : Eryngium alpinum, le panicaut des Alpes ou reine des Alpes, est une espèce des Alpes (à gauche) alors qu’Eryngium bourgatii est une espèce des Pyrénées (à droite).

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Azorella monantha (Apiacée), espèce dominante dans cet écosystème des Andes sèches du centre du Chili (Valle Nevado, 3000 m). Le genre Azorella compte environ 70 espèces qui poussent essentiellement dans les Andes (deux espèces dans les îles sub-antarctiques).

De gauche à droite et de haut en bas : Petunia patagonica (Solanacée, Patagonie argentine), Burkhartia lanigera (Asteracée, Patagonie argentine), Anarthrophyllum desideratum (Fabacée, Patagonie argentine), Oxalis erythrorhiza (Oxalidacée, Andes de l’Argentine), Viola pygmea (Vio-lacée, páramos des Andes de l’Equateur), Paepalanthus karstenii (Eriocaulacée, páramos humide des Andes du Venezuela).

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Le genre Androsace (Primulacées) compte une centaine d’espèces des régions tempérées et froides de l’hémisphère nord qui sont soit an-nuelles, soit pérennes en rosettes, soit pérennes en forme de coussin.

L’apparition de la forme de vie en coussin chez les androsaces

Cet arbre phylogénétique visualise l’histoire évolutive du genre Androsace apparu il y a environ 35 millions d’années. Des comparaisons génétiques montrent les relations de pa-renté entre les espèces. Il apparaît que les espèces annuelles (en rouge) sont apparues en premier, probablement dans les steppes d’Asie. Les espèces en coussins sont apparues plus récemment et de façon indépendante (étoiles) , d’une part dans l’Himalaya (il y a environ 15 millions d’années, probablement en lien avec la surrection du plateau tibétain) et d’autre part en Europe (il y a environ 10 millions d’années, probablement en lien avec la surrection des Alpes). Le port en coussin et son adaptation au froid a probablement constitué une inno-vation-clé pour coloniser ces nouveaux milieux de haute altitude (simplifié d’après Boucher et al 2012, travail réalisé au Laboratoire d’écologie alpine de Grenoble, en collaboration avec la Station alpine Joseph Fourier).

Europe etAmériquedu Nord

Europe

Asie Centraleet Himalaya

2025 15 10 5 03035Temps, en millions d’années

Espèces annuelles

Espèces pérennes en rosette

Espèces pérennes en coussin

Androsace septentrionalis(espèce annuelle)

Androsace adfinis ssp. brigantina(espèce en rosette)

Androsace alpina(espèce en coussin)

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Autour du jardin : la richesse de la flore du secteur du col du Galibier

Le secteur du col du Galibier est un haut lieu de la botanique. Ici, la Société botanique de France a herborisé sur les crêtes du Galibier lors sa 141ème session extraordinaire organisée en juillet 2007 par le Jardin alpin. Parmi les espèces à découvrir figurent Androsace helve-tica, Campanula cenisia, Linaria alpina, Saxifraga biflora, Eritrichium nanum, etc. (Aubert et al 2011).

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Éléments de botanique

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Au delà de toute la symbolique qui lui est rattachée, la fleur est pour le biologiste la partie de la plante dont la fonction principale est d’assurer la reproduction sexuée. Les fleurs des plantes alpines se singularisent souvent par des tailles, des formes et des couleurs spectaculaires, en relation avec leur fonction reproductrice dans des conditions environnementales difficiles, comme la du-rée de végétation courte et la rareté des pollinisateurs.

Pulsatilla alpina, la pulsatille alpine, très belle plante alpine qui fleurit en juin dans les prairies du Lautaret. Elle fait partie de la grande famille des Renonculacées, une famille apparue tôt dans l’évolution des plantes à fleurs; elle se caractérise notamment par des pétales libres entre eux, des étamines très nombreuses (couronne jaune sur la photo) et disposées en spirale.

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La fleur

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L’étude botanique d’une plante passe par une description précise des pièces florales (stériles et fertiles) et notamment une coupe longitudinale de la fleur. L’exemple est ici Linum alpinum, le lin des Alpes. Les fleurs se distinguent en particulier par le nombre de pièces florales, leur symétrie, et leur disposition (dessin Ph. Choler).

Pièces fertiles Pièces stériles

Étamine :Partie mâlecontenant les grains de pollen

Ovaire et pistil :Partie femellecontenant les ovules

Pétales : Ils forment la corolle

Sépales : Ils forment le

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Le schéma ci-contre illustre les étapes suivant la pol-linisation. Le grain de pollen déposé sur le stigmate (partie réceptrice femelle) germe et donne un tube pollinique qui est chargé de mener le gamète mâle jusqu’au gamète femelle (situé au cœur de l’ovaire). Il s’ensuit une fécondation donnant une cellule œuf qui formera un embryon contenu dans la graine. L’ovaire quant à lui se transformera en fruit contenant les graines (dessin P. Fernandez).

Grain de pollen

Stigmate

Tube polliniqueEnveloppe de la future graine

Embryon

Pistil

Ovaire

Comme chez les animaux, les parties fertiles mâles (étamines produisant le pollen) et femelles (ovaires) produisent des cellules reproductrices ou gamètes, appelés respectivement anthérozoïdes et oosphères (chez les animaux, on parle de spermatozoïdes et d’ovules). La fécondation ou fusion des gamètes est toujours précédée de la pollinisation, une étape au cours de laquelle le pollen contenant les gamètes mâles est transporté jusqu’aux parties réceptrices femelles (pistil), le plus souvent sur une fleur différente.

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Le séneçon à feuille d’adonis (Senecio adonidifolius, Astéracée), a commencé à fran-chir la barrière du Jardin alpin. Des opérations d’éradication sont en cours.

Carte de répartition de la polémoine bleue à l’extérieur du Jardin alpin réalisée en 2012 par les botanistes du Jardin, Christophe Perrier et Rolland Douzet. Par rapport au précédent inventaire mené en 2003, on ne note pas d’extension significative. Ce suivi est effectué en partenariat avec le Parc national des Ecrins, dans le cadre de la zone Natura 2000 « Ecrins-Lautaret-Combeynot ». Fonds de carte SCAN 25 ® - © IGN / PFAR CRIGE 2000.

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Les relations entre les végétaux comportent aussi une lutte chimique, dite allé-lopathique, où les plantes libèrent dans le sol des substances inhibitrices, qui in-toxiquent les graines ou même les individus bien développés d’autres espèces.

Des interactions chimiques sont également en jeu dans les relations entre plantes et herbivores, des molécules toxiques étant fréquemment synthétisées par les plantes comme mode de protection. Certaines de ces substances ont des propriétés pharmaceutiques à très faibles doses mais elles peuvent égale-ment être très toxiques voire mortelles pour l’homme.

La lutte allélopathique est une notion dont le bota-niste de Candolle faisait déjà mention en 1834. Parfois, certaines espèces, comme ici l’épervière piloselle (Hieracium pilosella, Asteracée), ont une toxicité si forte qu’elles rendent le sol impropre au développement de leurs propres descendants. On parle alors d’autotoxicité.

Deux exemples de plantes parmi les plus toxiques : la digitale à grandes fleurs (Digitalis grandi-flora, Plantaginacée, à gauche) et l’aconit napel (Aconitum napellus, Renonculacée, à droite). Les toxines qu’elles contiennent sont mortelles mais utilisées à très faibles doses, elles permettent de réguler l’activité cardiaque (digitaline) ou de réduire la douleur (aconitine).

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Les plantes hémiparasites puisent l’eau et les sels minéraux au niveau de la sève (racines ou tiges) de la plante hôte, mais elles demeurent vertes et capables de faire la photosynthèse (synthèse des sucres). Les plantes holoparasites ont perdu la capacité de faire la photosynthèse : elles puisent non seulement l’eau et les sels minéraux, mais aussi la matière organique dans la sève de leur hôte. Dessin: Ch. Perrier.

Dans le cas du parasitisme, une plante se développe sur une plante hôte dont elle capte des éléments indispensables à sa croissance sans échange en retour. Cette spoliation peut concerner uniquement l’eau et les minéraux ou inclure la matière organique synthétisée par l’hôte.A l’opposé, dans le cas de la symbiose, il existe des coopérations où les béné-fices sont partagés entre chaque partenaire de l’association, les espèces deve-nant interdépendantes.

L’orobanche du Laser (Orobanche laserpitii-sileris, Orobanchacée jaune-orange) est une plante holo-parasite dépourvue de chlorophylle. Elle puise l’eau, les sels minéraux et la matière organique via des su-çoirs qui s’enfoncent dans les racines de son hôte, le laser siler (Laserpitium siler), cette Apiacée aux inflo-rescences blanches des rocailles entre 500 et 2500 m d’altitude.

eau etsels minéraux

racines (suçoirs)du parasite

racine de l'hôte racine de l'hôte

racines (suçoirs)du parasite

eau et sels minéraux+ matière organique

Hémiparasitisme Holoparasitisme

Plante chlorophyllienne

(verte)

Plante non chlorophyllienne

(non verte)

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La pédiculaire incarnat (Pedicularis rostratospicata) est une Orobanchacée des Alpes et des Car-pates. Elle est assez fréquente dans les pelouses subalpines et alpines du Lautaret-Briançonnais entre 1500 et 2700 m. Elle est hémiparasite : ses feuilles vertes assurent la photosynthèse alors que ses racines parasitent d’autres plantes pour s’alimenter en eau et en éléments minéraux.

Le pinceau d’indien (Castilleja rexifolia, Orobanchacée) est une plante hémiparasite des montagnes d’Amérique du Nord à découvrir en fleur au Jardin alpin au mois d’août. La culture des espèces parasites en jardin est complexe car il faut également cultiver l’hôte indispensable à leur croissance.

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Insecte digéré au niveau des feuilles collantes d’une grassette commune (Pinguicula vulgaris, Lentibulariacée) poussant dans la tufière située dans le Jardin alpin.

Les lichens sont une association symbiotique entre une algue photosynthétique (en vert) et un champignon (en marron). A droite, deux espèces, Xanthoria elegans (orange) et Rhizocarpon geo-graphicum (jaune-vert), photographiés sur un bloc granitique du monument Scott au Jardin alpin.

Les plantes insectivores vivent dans des milieux humides peu oxygénés et pauvres en azote. La stratégie trouvée par ces plantes consiste à piéger au niveau de leurs feuilles des insectes qui sont ensuite digérés par des enzymes (protéases) produites par les feuilles. Les acides aminés libérés sont alors absor-bés par les feuilles et permettent de synthétiser les protéines de la plante.

Dans le cas des symbioses, une association à bénéfice réciproque existe entre deux protagonistes, comme une plante et des bactéries (p. 96) ou une algue et un champignon (cas des lichens, organismes colonisant les milieux extrêmes).

azote organique(acides aminés)

azote des protéines de l’insecte

enzymes (protéases)

CO2

sucres(carbone organique)

(carbone minéral de l’air)

O2

alguesunicellulaires

mycéliums du champignon

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Autour du jardin : exemples de plantes en coussins

Quelques exemples de plantes en coussins de l’étage alpin de la région du col du Lauta-ret. Ci-dessus, la minuartie faux-orpin (Minuartia sedoides, Caryophyllacée verdâtre) et le petrocalle des pyrénées (Petrocallis pyrenaica, Brassicacée rose), deux espèces des pelouses sur schistes. Ci-dessous la saxifrage fausse-mousse (Saxifraga bryoides, Saxi-fragacée blanche) et l’éritriche nain ou roi des Alpes (Eritrichium nanum, Borraginacée bleue), deux espèces typiques des rochers siliceux.

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Les lichens sont le résultat d’une association symbiotique entre une algue et un champignon. Ici deux espèces, Xanthoria elegans (orange) et Rhizocarpon geographicum (petites taches jaune-vert) photographiés sur un bloc granitique du monument Scott. Voir aussi p. 57 la symbiose entre les racines de l’aulne vert et les bactéries fixatrices d’azote atmosphérique du genre Frankia.

Des milieuxremarquables

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Le col du Lautaret, en tant que zone de transition, présente de multiples visages. Parmi les milieux rencontrés ici, il en est un qui illustre la diversité et la luxuriance du couvert végétal à l’étage subalpin : la mégaphorbaie. Les mégaphorbaies désignent les formations constituées de hautes herbes et de plantes à grandes feuilles. Le feuillage forme une canopée sous laquelle règne un microclimat humide et ombragé. La végétation y est dense et témoigne des conditions de développement optimales, avec un sol riche en eau et en azote, et une humi-dité forte même en été.

La mégaphorbaie

Sur le sentier des crevasses, à 2000 m dans le Parc national des Ecrins : les feuilles de l’adénostyle à feuilles d’alliaire (Adenostyles alliariae, Astéracée) sont d’une très grande taille, inattendue à cette altitude, en lien avec la richesse en eau et en azote du sol.

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Dans le secteur du Lautaret, les mégaphorbaies occupent principale-ment les zones fraîches et humides des versants exposés au nord (ubacs). Elles affectionnent particulièrement les zones perturbées, rajeunies réguliè-rement par les avalanches. Elles sont associées le plus souvent à des aul-naies à aulne vert (localement appelés « vernes ») qui ont un rôle important dans l’enrichissement des sols en azote (voir plus loin). Lorsque les conditions deviennent moins perturbées, une forêt de mélèzes peut s’installer.

Le cortège floral de la mégaphorbaie est très riche. On y retrouve par exemple la rose des Alpes (Rosa pendulina, Rosacée sans épine), le géranium des bois (Geranium sylvaticum, Géraniacées), la grande astrance (Astrantia major, Apiacée), le lis martagon (Lilium martagon, Liliacée), l’aconit tue-loup (Aconi-tum lycoctonum subsp. vulparia, Renonculacée toxique).

Etymologie

Le terme « mégaphorbaie » désigne simplement les grandes herbes. Du grec méga : grande et phorbè : pâturage.

Inflorescence complexe de l’adénostyle à feuilles d’alliaire (Adenostyles alliariae). Comme toutes les Astéracée (marguerite, pissenlit, etc.), ses fleurs sont en fait des capitules de petites fleurs. Ici, l’inflorescence est constituée d’un grand nombre de petits capitules chacun constitué de 3 à 6 fleurs.

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Deux espèces de la mégaphorbaie. A gauche, l’aconit tue-loup (Aconitum lycoctonum subsp. vulparia) est une Renonculacée extrêmement toxique. Les alcaloïdes qu’elle contient (notamment l’aconitine) sont mortels. A droite, la grande astrance (Astrantia major) est une belle Apiacée dont plusieurs variétés sont cultivées dans les jardins de plaine (dans des sols frais et riches qui corres-pondent à ses conditions écologiques).

La mégaphorbaie du Combeynot (Parc national des Ecrins) renferme de superbes espèces telles que l’ail des cerfs (Allium victoriale, Amaryllidacée blanche) et le lis martagon (Lilium martagon, Li-liacée rose). Les prélèvements dans le Parc national des Ecrins sont interdits pour toutes les espèces végétales ou animales. Ailleurs dans les Hautes-Alpes, la cueillette du lis martagon est réglementée et limitée à une poignée par personne sans parties souterraines (p. 103).

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Autour du jardin : le sentier des crevasses (Parc national des Ecrins)

Le sentier des crevasses est situé en face du Jardin alpin. Le Parc national des Ecrins a installé des panneaux d’interprétation de cet écosystème où l’on observe une mosaïque de groupements à hautes herbes (mégaphorbaies, ci-dessus) et de « brousses » à aulnes verts et saules. Dans le passé, les arbustes (« vernes ») étaient coupés pour fournir du bois et permettre le pâturage. Cette pratique aujourd’hui abandonnée s’accompagne d’une recolonisation par les aulnes, les saules et les mélèzes (Girel et al 2010).

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Les zones humides

Dans la région du Lautaret, on rencontre plusieurs types de milieux humides, des écosystèmes souvent localisés et fragiles (Manneville et al 2006).

Les bas-marais acides à laîche noire sont présents de façon fragmentaire à proximité des sources de la Guisane. Il s’agit d’un marais tourbeux se dévelop-pant sur un substratum acide (granites du Combeynot). Les espèces caracté-ristiques sont des laîches (Carex nigra, Carex echinata), des linaigrettes (Erio-phorum angustifolium, Eriophorum vaginatum) et des scirpes (Trichophorum alpinum, Trichophorum cespitosum). On rencontre quelques bombements de sphaignes, des mousses très rares dans le département des Hautes-Alpes, ce qui justifie leur protection par arrêté départemental. Les vraies tourbières bombées à sphaignes sont ainsi absentes du secteur du Lautaret à cause de la séche-resse climatique relative, alors qu’elles sont fréquentes dans les Alpes externes et dans les Alpes du Nord.

Les sources de la Guisane font l’objet d’un arrêté de biotope. Ce marais acide à laîche noire (Carex nigra) abrite une zone de tourbière à sphaignes. Ici, une belle population de linaigrette (Eriophorum vaginatum), la seule de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Au second plan, la Réserve naturelle nationale des pics du Combeynot.

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Bas-maraisacide

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Landes àEricacées

ou genévrier nain

Pelousesèche

à fétuquede Haller

Pente -Humidité +

Perturbation physique -Perturbation anthropique +

Pente +Humidité -Perturbation physique +Perturbation anthropique -

Prairie fraîcheà grande berce

Prairie àfétuque paniculée

Pelouse raseà seslérie

Prairiehumide

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Bas-maraisalcalin

Pente -Humidité +Perturbation physique -Perturbation anthropique +

Pente +Humidité -

Perturbation physique +Perturbation anthropique -

Transect de répartition des groupements végétaux de l’étage subalpin au niveau du col du Lautaret, en ubac et en adret. En orange, les milieux décrits dans cette partie (d’après Molinier et Pons 1955 Bull. Soc. Scient. du Dauphiné 69 : 2-19, détails dans Aubert et al 2011).

Deux superbes Gentianacées de la tufière du Jardin alpin : la gentiane asclépiade (Gentiana asclepiadea, à gauche) et la swertie vivace (Swertia perennis, à droite). La gentiane asclépiade pousse dans les montagnes du centre et de l’est de l’Europe, surtout dans les bois frais. La swertie vivace est une espèce de l’hémisphère nord (Eurasie et Amérique du Nord), typique des marais alcalins et très sensible à la destruction de ses habitats.

Combeynot Chaillol

UBAC ADRET

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Les tufs du Jardin alpin : archives du passé

L’étude des fossiles de la tufière du Jardin alpin a permis d’obtenir une bonne image de la végétation et de certains aspects de la faune du site étudié. La présence de boisements de pins à crochets (ci-dessus) et de feuillus (ci-dessous) datés de 10 000 ans amène en particulier à s’interroger sur l’expansion des forêts et des glaciers à cette époque de fin de glaciation (Latil et al 2012).

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La végétation et la neige

Une des principales contraintes de l’étage alpin est le froid, les précipitations neigeuses étant une des conséquences de ces basses températures. La neige est responsable de dommages sévères pendant l’hiver, en particulier sur les arbres et les arbustes. Elle est aussi un élément déterminant de l’organisation des communautés végétales en altitude.La neige détruit, mais elle peut aussi protéger. En effet, c’est un très mauvais conducteur thermique. Ainsi, sous un épais manteau neigeux, les températures ne s’abaissent pas en dessous de zéro même au plus fort de l’hiver. Cet pro-priété du manteau neigeux tient au fait qu’il emprisonne beaucoup d’air aux propriétés isolantes.

Lorsque l’on visite le Jardin alpin en été, on imagine mal qu’il est recouvert par la neige durant plus de la moitié de l’année. Noter que les pins mugo disparaissent sous la neige (pp. 164, 180, 186).

Page 56: Lire des extraits

Couche de neige(épaisseur 40 cm)

Température du sol

Température extérieure-15°C

0°CLe schéma ci-contre indique qu’une couche de neige de 40 cm est suffisante pour isoler le sol des températures négatives. Ce « manteau de neige » protège les plantes et certains animaux comme les campagnols des neiges qui vivent à l’interface entre sol et neige.

Une station éco-climatique installée à proximité du Jardin alpin permet de mesurer des variables météorologiques, dont la température et l’humidité de l’air et du sol, les intensités lumineuses di-rectes et réfléchies, la vitesse du vent et l’épaisseur de la neige. Cette station initiée en 2012 vise à mesurer les flux de gaz (notamment le CO2), d’eau et d’énergie échangés entre le sol, la végé-tation, la neige et l’atmosphère. Des images analysent aussi la dynamique de l’enneigement et l’état d’avancement de la végétation. Ce projet est né d’une collaboration entre la Station alpine Joseph Fourier, le Laboratoire d’écologie alpine de Grenoble, le Laboratoire d’étude des Transferts en Hydrologie et Environnement et le Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environne-ment (Laboratoire d’Excellence « OSUG@2020, stratégies innovantes pour l’observation et la modéli-sation des systèmes naturels »). Le projet s’inscrit dans le cadre des activités de la Zone Atelier Alpes, un dispositif de l’institut écologie et environnement du CNRS permettant de fédérer les différents acteurs de la recherche sur les écosystèmes alpins, notamment le Parc national des Ecrins.

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Adret Ubac

Sud

Un exemple d’opposition de versant au niveau de la montagne de Chaillol (qui domine le jardin au nord). L’adret (exposé au sud) est déneigé plusieurs semaines avant l’ubac. La durée de la saison de végétation y est supérieure, mais les végétaux doivent être adaptés au gel et aux excès de lumière. Sur les parties hautes des versants d’adret et d’ubac les types de végétation sont respectivement des pelouses à seslérie bleue (Sesleria caerulea, Poacée ci-dessus à gauche) et des landes à Ericacées, dont le rhododendron ferrugineux (Rododendron ferrugineum) et le myrtiller (Vaccinium myrtillus, ci-dessus). En automne, les feuilles du myrtiller colorent en rouge les ubacs des montagnes.

Nord

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Contrairement aux combes à neige, les crêtes sont balayées par le vent et les plantes ne sont recouvertes par la neige que durant quelques semaines en hiver. Elles disposent d’une longue période de végétation mais doivent faire face aux stress les plus intenses : froid extrême, sécheresse, rayonnement solaire en excès, pauvreté des sols. Ces plantes ont des adaptations morphologiques (plantes en touffes ou en coussins qui conservent la chaleur, par exemple) et physiologiques (résistance au gel, recyclage des éléments minéraux lors de la mort des feuilles, etc.).

Au moment de la fonte de la neige, les jeunes pieds du vulpin de Gérard (Alopecurus alpinus, Poa-cée, cercle blanc) développent un réseau de racines qui poussent à l’interface entre la neige et le sol (flèches). Elles permettent très probablement l’assimilation de l’azote présent dans la couverture neigeuse, comme cela a été démontré chez une plante des combes à neige du Caucase.

Pro

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Déneigement

précocenormal

Des expériences de déneigement précoce de combes à neige ont été menées à la Station alpine pour mimer l’effet du réchauffement climatique. Les plantes déneigées plus tôt montrent une productivité plus faible (production de biomasse rapportée au nombre de jours sans neige) alors qu’elles ont une saison de végétation plus longue. Il semble qu’elles résistent mal au gel qui a lieu en début de saison en absence de protection par le manteau neigeux. Ainsi, le réchauffement entraînerait plus de froid pour ces plantes (travaux coordonnés par Ph. Choler au Laboratoire d’écologie alpine de Grenoble ; Baptist et al 2010).

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A gauche, la fritillaire Fritillaria michailovskyi (Liliacée), une plante bulbeuse des mon-tagnes du Nord-Est de la Turquie. A droite, Tulipa turkestaniska (Liliacée), est une tulipe des montagnes du Turkestan et du Nord-Ouest de la Chine.

L’adonis des Pyrénées (Adonis pyrenaica, Ranunculacée) est une plante rare protégée à l’échelle nationale (Annexe I). Il pousse dans les rocailles et les éboulis dans les Pyrénées françaises et espagnoles ainsi que très localement dans les Alpes-Maritimes.

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Le col du Lautaret est un lieu de passage depuis très longtemps. Les plus an-ciennes traces d’activités humaines remontent à la fin de l’âge du bronze (900 ans avant JC), avec divers objets découverts à 1900 m d’altitude à « Casse Rousse » dans la région du Lautaret. La voie qui relie Grenoble à l’Italie via Brian-çon était déjà empruntée par les Romains et c’est au 15ème siècle que le col est doté d’un hospice delphinal destiné à accueillir les pèlerins et les voyageurs. D’autres hospices aujourd’hui disparus ou en ruines étaient situés de part et d’autre du col du Lautaret (Loche et La Madeleine). Les indigents de passage y étaient nourris et logés gratuitement. L’hospice du Lautaret est la propriété de la commune de Villar d’Arène qui attribue la gérance par adjudication. Jusque dans les années 1950, le gérant devait assurer l’ouverture toute l’année.

Gravure du col du Lautaret avec son hospice (Sabatier, In Nodier et Taylor, 1846). A la différence d’autres gravures de cette époque, il s’agit ici d’une image très réaliste sur laquelle on notera l’am-pleur du glacier de l’homme en cette fin du Petit Age glaciaire. Pour trouver son chemin en hiver, des jalons en bois étaient installés. Ces piquets, aujourd’hui métalliques (ou en bois sur la route du col du Galibier) sont encore utilisés comme repères pour le déneigement.

L’histoire du col

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Partie de la carte de Peutinger, un document du début de l’ère chrétienne qui représente le réseau de routes de l’Empire romain (l’original du document est un rouleau de près de 7 m de long conser-vé à Vienne en Autriche). En rouge, la route entre Briançon et Vienne, ville à l’époque beaucoup plus importante que Grenoble.

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Une des premières photos du col du Lautaret vers 1890, avec l’ancien hospice (à gauche) et le nouveau refuge-hospice Napoléon. Les vaches sont probablement celles du gérant de l’hospice delphinal. On notera l’extension importante du glacier de l’homme (voir aussi la gravure ci-contre), à comparer avec la photo prise dans les années 1930 (voir p. 127) et avec la situation actuelle (voir p. 167).

Gap

Vienne

Monêtier-Les-Bains

Briançon

Grenoble Bourg d’Oisans

Lyon

Marseille

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Les excursions du journal Le Petit Dauphinois permettaient de visiter les grands sites du Dauphiné au départ de la place Grenette à Grenoble. Ici, au col du Lautaret, sur le parking de l’hôtel des gla-ciers, et en face de l’hospice delphinal (à gauche) et des annexes du refuge-hospice Napoléon (à droite). Photo Augustin Michel (?), fonds Radisaw Tomitch. Inv. N° C72.314, © Coll. Musée dauphinois.

L’hospice-refuge Napoléon vers 1930, avec ses nombreuses annexes : deux à l’avant, deux sur les côtés et d’autres à l’arrière (comparer avec la p. 123). Au second plan, sur la butte, le chalet-hôtel PLM et son garage (à droite). A gauche, le mur de l’hospice delphinal annonce la direction du PLM et le prix des déjeuners (20-25 Fr). Cliché Martinotto Frères. Inv. N° C88.740, © Coll. Musée dauphinois.

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Autour du jardin : la table d’orientation

A la sortie du jardin, on peut accéder aisément à une superbe table d’orientation en lave émaillée construite en 1929 par le Touring Club de France et par la compagnie PLM (Paris Lyon Méditerranée). Le dessin a été réalisé à partir d’une série de photos d’Emile Roul, ingénieur des Ponts et Chaussées à Briançon, délégué du Touring Club de France, fon-dateur de la première équipe de hockey sur glace à Briançon et initiateur des premières remontées mécaniques de Montgenèvre. La maquette en taille réelle est conservée au Centre des Archives Contemporaines à Fontainebleau. Au second plan, le chalet Mirande (1) et le chalet-laboratoire (2).

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Vivre à la montagne

L’occupation de la région du Lautaret par l’homme se traduit fortement dans le paysage, en particulier sur les versants exposés au sud (adrets) qui ont été déforestés et aménagés en terrasses pour permettre les labours et la culture de céréales jusqu’à 1800-2000 m. Les pelouses situées plus haut étaient fauchées (parfois jusqu’à près de 2400 m) et pâturées (jusqu’à plus de 2600 m). Les ver-sants exposés au nord (ubacs) fournissaient le bois de construction et de chauf-fage, des pâturages pour bovins dans les forêts claires de mélèze, et des prairies de fauche au-delà de 2200 m.

Image du début du 20ème siècle montrant les deux versants de la vallée de la Haute Romanche : adret de Villar d’Arène à gauche (importance des terrasses) et ubac à droite (forêt de mélèzes). Au fond, le col du Lautaret et le massif du Combeynot. Carte postale ancienne, cliché Oddoux.

Adret Ubac

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Moisson chez les familles Faure et Clot, en septembre 1953, au hameau des Cours (Villar d’Arène). La personne assise sur la faucheuse, Edouard Clot, utilise un râteau pour redresser les céréales cou-chées et faciliter ainsi leur coupe par la lame mécanique. Le cheval est mené par Pierre Faure et trois personnes s’occupent de lier les gerbes. Fonds Marcel Maget, MuCEM.

Evolution de l’utilisation des terres sur l’adret de Villar d’Arène, avec en particulier le recul des terres labourées (en rouge) entre 1810 (interprétation du cadastre napoléonien d’après Mallen, 2002 In Girel et al 2010, travail financé par le Parc national des Ecrins dans le cadre du programme Natura 2000), 1952, 1971 et 2001 (photo-interprétation par J. Girel d’après des photographies aériennes). Fonds de carte SCAN 25 ® - © IGN / PFAR CRIGE 2000 (réalisation : P. Lamarque).

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Faute de bois, les habitants du canton de La Grave (ici à Ventelon) utilisaient les excréments des herbi-vores. Une fois séchés devant les maisons, ils consti-tuaient un bon combustible (appelé « blettes »), comme dans certaines montagnes d’Asie centrale dépourvues d’arbres.

Troupeau de moutons transhumants venus de La Crau et gardé dans le secteur du col du Lautaret. Au fond, le Grand Galibier (3228 m).

En effet, la fauche permet de réduire l’extension des espèces de grande taille (fétuque paniculée) et des arbres, préservant ainsi la richesse des prairies. L’ar-rêt de l’entretien des prairies entraînerait la disparition de nombreuses espèces de fleurs et un embroussaillement progressif puis le retour des forêts.

L’élevage ovin et bovin joue un rôle important dans la région du Lautaret. Côté bovin, l’essentiel des troupeaux est constitué de jeunes bêtes élevées avant d’être vendues en Savoie pour la production de lait et de fromages. Des trou-peaux issus du sud des Alpes sont également pris en estive par des éleveurs ; on les retrouve jusqu’au col du Galibier. Côté ovin, les troupeaux transhumants de Provence côtoient les troupeaux des éleveurs de la région.

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Des recherches sur l’agriculture de montagne

Depuis 2003, l’équipe de Sandra Lavorel (Laboratoire d’Ecologie Alpine de Grenoble) mène des projets européens et nationaux qui utilisent l’adret de Villar d’Arène comme un site de référence pour effectuer des recherches sur l’agro-pastoralisme de montagne. Il s’agit d’intégrer l’histoire agricole des parcelles, les pratiques actuelles et la compré-hension du fonctionnement de cet écosystème pour comprendre l’évolution des prairies en fonction des différentes évolutions possibles du contexte socio-économique de l’agri-culture. Ces recherches multidisciplinaires permettent de mesurer les différents services rendus par ces agro-écosystèmes d’altitude. Ils combinent des travaux de terrain, des expériences en conditions semi-contrôlées, des mesures en laboratoire ainsi que des ap-proches de sciences humaines et sociales associant les habitants (dont les agriculteurs et les élus), les gestionnaires du territoire (Parc national des Ecrins) et les touristes.

La zone expérimentale du Jardin alpin est un lieu qui permet d’expérimenter dans des conditions semi-contrôlées. Ici, les pots contiennent des « prairies simplifiées » avec une sélection d’espèces où sont étudiées les interactions entre plantes, entre plantes et micro-organismes du sol, entre plantes et in-sectes (criquets piégés sous les filets blancs).

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Villar d’Arène: des habitants libres depuis longtemps…

A partir du 14ème siècle et jusqu’en 1789, Villar d’Arène est devenue une faranche, c’est à dire une communauté rurale « affranchie ». Ses habitants, appelés Faranchins ont racheté le droit de posséder des terres, un four et un moulin communaux et de répartir les impôts. Ils élisaient un consul et se réunissaient régulièrement en assemblée pour organiser la vie de la communauté. Le col du Lautaret, frontière géographique évidente, n’est pas la limite administrative entre les départements de l’Isère et des Hautes-Alpes. Après la Révo-lution Française, les habitants du canton de La Grave ont demandé leur rattachement aux Hautes-Alpes, espérant un accès au bois des forêts du Briançonnais. La promesse ne fut pas tenue et ils ne purent pas se rattacher à l’Isère avec les autres cantons de l’Oisans.

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La pommes de terre, ici à Villar d’Arène, donne un excellent rendement en montagne. Introduite depuis les Andes en Amérique du Sud, elle s’est imposée au 18ème siècle comme aliment cou-rant. C’est Antoine-Augustin Parmentier (1737-1813), pharmacien des armées, qui a popularisé sa culture, après avoir convaincu le roi Louis XVI de son intérêt pour réduire les disettes.

Les grands plats en fonte servent à la cuisson des tourtes de pomme de terre et des tourtes aux choux, le plat traditionnel de Villar d’Arène qui intègre notamment du choux, de la poitrine salée, de la crème fraîche et des châtaignes. Noter la réparation du couvercle du plat qui atteste de l’importance de cet objet (coll. Amieux).

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Un jardin potager au cœur de Villar d’Arène, à une altitude de 1600 m. Malgré la courte saison de végétation de nombreux légumes ont une belle taille : salades, choux, poireaux, bette-raves, pommes de terre, haricots, etc. Dans les années 1930 le jardin de Joseph Berthet à l’hospice du Lautaret faisait même l’admiration des touristes, avec notamment de superbes salades.

Le chenopode bon-Henri, ou épinard sauvage (Chenopodium bonus-henricus, Chenopodiacée, à gauche) est encore cuisiné localement et appelé « orle ». Le carvi (Carum carvi, à droite) appar-tient à la famille des Apiacées. Les semences de ce cumin des montagnes, localement appelé « charoue(t)ch » à La Grave et « Charaï » à Villar étaient utilisées pour parfumer les terrines et les saucisses ainsi que les sauces.

En dehors des céréales, les principales plantes cultivées étaient les pommes de terre, les choux, les raves et navets. Au 19ème siècle se sont ajoutés aux potagers le céleri perpétuel (livèche), les poireaux, le persil, les carottes, les oignons et les salades. Aujourd’hui presque oubliées, les plantes alimentaires et condimen-taires collectées dans la nature avaient un rôle important. Parmi les légumes, citons les épinards sauvages, l’oseille, les orties, les campanules en thyrse (« cor-nets ») ou les bunium noix-de-terre (« lissourous »).

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La réalisation des « herbes salées » se fait encore dans le canton de La Grave. Les plantes du jardin (à gauche) sont associées à des plantes sauvages (à droite). Photo A. Mercan.

Le prunier de Briançon (Prunus brigantina, Rosa-cées), un arbre qui pousse dans la région briançon-naise, donne des prunes au goût acidulé. L’huile dite de « marmotte » a longtemps été issue des noyaux de ces fruits.

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Plusieurs plantes étaient mangées en salades, en particulier les pissenlits et les laitues sauvages (« coutch » ou « côts »). Par ailleurs, une pratique originale, car n’ayant pas disparu dans la région, concerne les « herbes salées ». Il s’agit d’un mélange d’herbes sauvages et de plantes issues du potager qui étaient conser-vé dans le sel. Durant l’hiver, ces herbes étaient utilisées dans les soupes. Ce mode de conservation, probablement très répandu autrefois, a disparu avec l’arrivées des congélateurs. Il a été mis à jour par les enquêtes menées par Aline Mercan, ethnologue qui travaille en collaboration avec le Jardin alpin.

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A gauche, le génépi des glaciers (Artemisia glacialis) se reconnaît facilement à ses gros capitules jaunes groupés en haut de la tige. Il pousse dans les éboulis et les moraines. A droite, le génépi laineux (Artemisia eriantha) est typique des sols siliceux. Assez rare dans les Hautes-Alpes, sa cueil-lette y est interdite. Pour les trois autres espèces (A. glacialis, A. umbelliformis et A. genipi), la cueil-lette autorisée dans les Hautes-Alpes (à l’exception du Parc national des Ecrins) est limitée à 100 brins par personne et par jour.

A gauche, le génépi jaune (Artemisia umbelliformis) présente des capitules de fleurs jaunes étagés le long de la tige et ses feuilles supérieures sont pétiolées (flèche). A droite, le génépi noir (Artemisia genipi) a des fleurs groupées en haut de la courte tige, des feuilles supérieures non pétiolées et les écailles noirâtres au niveau du calice des fleurs. Les deux espèces se rencontrent sur les rochers, dans les éboulis et les moraines (photo R. Douzet).

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A gauche, Incarvillea zhongdanensis, une Bignoniacée du Jardin alpin dessinée par Francisco Ro-jas en 2010. A droite, couvertures des premiers numéros des cahiers illustrés du Lautaret.

Des publications

La Station alpine Joseph Fourier édite tous les trois ans un catalogue (portfolio de 24 pages au format A3, bilingue français/anglais) contenant les reproduc-tions des dessins ainsi qu’une présentation des illustrateurs et de la Résidence mise en place en 2006 (Danton et Aubert 2009, Aubert 2012).

Par ailleurs, une collection a été initiée en 2010, les cahiers illustrés du Lautaret, une publication du Jardin botanique alpin du Lautaret qui met à disposition du public des travaux originaux en lien avec les activités de la Station alpine Joseph Fourier. Les premiers numéros concernent l’histoire de l’agriculture dans le Haut-Oisans (Girel et al 2010), la flore et la végétation de la région du Lauta-ret-Briançonnais (Aubert et al 2011), les tufs de la région du Lautaret (Girel et al 2012), l’histoire du tourisme et de la compagnie PLM dans la région du Lautaret (Aubert et Bignon 2013). Les numéros suivants devraient porter sur les plantes alimentaires de la région, les plantes en coussins, l’histoire des essais de Scott au Lautaret, les criquets de la région, la géologie de la région, la végétation des montagnes alpines tropicales, etc.

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Un arboretum d’altitude

Cet arboretum d’altitude, un des plus hauts en France, est situé au dessus du Jardin. Il a été implanté en 1974 par l’institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea, ex Cemagref) et l’Office National des Forêts pour tester le comportement de conifères au voi-sinage de la limite altitudinale de croissance des arbres. Abandonné durant une dizaine d’années, il est en cours de réhabilitation à des fins scientifiques et pédagogiques. Le réchauffement climatique pourrait produire une remontée de la limite supérieure des arbres de plusieurs centaines de mètres d’ici un siècle selon certains cénarios.

Un projet vise à poursuivre les essais d’implantation de nouvelles essences fores-tières issues de divers continents, à assurer un suivi de la mesure des paramètres de croissance des arbres et à permettre une découverte de l’arboretum à tra-vers un parcours botanique fléché et des panneaux explicatifs qui compléte-ront la visite du Jardin alpin.

Aperçu de l’arboretum d’altitude du Lautaret qui comporte environ 450 individus appartenant à 19 espèces différentes inventoriées en 2008.

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Une participation à la recherche

Le Jardin alpin est impliqué dans plusieurs programmes de recherche, à travers son expertise botanique et ses facilités de culture de plantes. Des programmes visent à mieux comprendre l’évolution de la végétation en fonction des chan-gements du climat et des pratiques agricoles. D’autres projets multidisciplinaires intègrent l’expertise botanique et les méthodes les plus récentes de la géné-tique. C’est le cas du projet Phyloalp porté par le Laboratoire d’Ecologie al-pine de Grenoble ; il comporte un échantillonnage systématique de toutes les espèces de la flore des Alpes (~4500 espèces), avec l’objectif de construire son histoire évolutive. L’expertise botanique du Jardin joue un rôle clé ; elle est associée à celle du Parc national des Ecrins, du Parc national de la Vanoise, du Parc national du Mercantour, du Conservatoire Botanique National Alpin de Gap-Charance et du Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles.

Par ailleurs, le Jardin fournit des échantillons (semences, feuilles, parts d’herbier ou plantes) pour de multiples projets de recherche en France et à l’étranger.

Echantillonnage pour le programme de recherche Phyloalp. De gauche à droite: S. Lavergne, C. Quétel, W. Thuiller (laboratoire d’écologie alpine à Grenoble), R. Douzet (botaniste au Jardin alpin).

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De nouveaux aménagements

Les banquettes surélevées permettent de présenter des plantes délicates de culture, en particulier les plantes en coussin. A gauche, le sentier pour personnes à mobilité réduite et le chalet Mirande.

Entre 2005 et 2013, plusieurs aménagements ont été menés à bien. La pépinière (nurserie), installée depuis longtemps à côté du chalet Mirande, était devenue trop petite et fort dangereuse à cause du risque d’effondrement de son mur de soutènement. Une nouvelle pépinière a été créée à l’arrière du chalet, à proximité de la zone expérimentale elle-même agrandie pour accueillir de nou-veaux projets de recherche. Trois grandes banquettes ont aussi été construites à la place de l’ancienne pépinière pour permettre la culture de plantes de culture difficile nécessitant un fort drainage, un arrosage particulier et une pro-tection hivernale. Par ailleurs, les recherches menées sur la tufière du Jardin alpin (p. 106) ont conduit à la réalisation d’un chantier de fouilles qui fourni des blocs de tufs utilisés pour la réalisation d’un mur pour la culture de plantes de rochers. Enfin, des banquettes maçonnées accueillent une école de botanique (p. 153) et un sentier d’accès pour personnes à mobilité réduite a été mis en place.

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Une banque d’images est développée sur internet depuis le début des années 2000 (www.flickr.com/photos/stationalpinejosephfourier/). Elle compte déjà plus de 20.000 images qui illustrent notamment les collections de plantes culti-vées au Jardin alpin, la flore et la végétation indigène de la région du Lauta-ret, la flore des sites d’excursions botaniques organisées à l’université par les enseignants de la station alpine. Une partie importante concerne la flore de différentes montagnes du monde, avec une attention particulière portée sur la flore des Andes et de la Patagonie. En effet, plusieurs expéditions botaniques y ont été organisées dans le cadre du développement des collections du Jardin et dans le cadre de projets de recherche. C’est le cas en particulier de la flore alpine-tropicale du Venezuela (páramos), où un projet de recherche est en cours sur la mise en place de cette flore extrêmement diversifiée et originale (collaboration franco-vénézuélienne).

Une banque d’images

Visuel de la banque d’images présentant la flore de l’étage alpin de la région du Lautaret (à gauche) et la flore alpine-tropicale du páramo Tuñame (Venezuela).

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Un grand projet : la Galerie de l’Alpe

L’implantation centenaire de la Station alpine au col du Lautaret. La ruine de l’hôtel Paris-Lyon-Mé-diterranée (PLM, en bas à droite) est située à proximité des deux chalets actuels.

Depuis plus d’un siècle, le Jardin botanique alpin du Lautaret s’est forgé une solide réputation dans le domaine de la biologie alpine en développant une synergie entre science et tourisme. Aujourd’hui, le Jardin alpin est à la fois un lieu de recherche d’excellence, notamment avec le soutien du CNRS, ainsi qu’un site majeur du tourisme dans les Hautes-Alpes (20 000 visiteurs/saison), mais ses infrastructures sont devenues insuffisantes tant pour la recherche que pour l’accueil du public. La Galerie de l’Alpe est un projet de construction d’un nouveau bâtiment, à proximité des deux chalets existants. Il comprendra des salles d’exposition, une salle de conférences, une salle d’enseignement et des espaces de laboratoires. Le financement associe l’université, le CNRS, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le département des Hautes-Alpes et la Commu-nauté de Communes du Briançonnais.

ChaletMirande

Ruine PLM

ZoneexpérimentaleTufière

Chalet-laboratoire

Tabled’orientationArboretum d’altitude

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Les rocaillesdu jardin

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Alpes du sud

Cette région correspond aux Alpes maritimes françaises et italiennes, jusqu’au Trentin en Italie. Elle a une grande diversité d’espèces et un fort taux d’endé-misme, en lien avec l’isolement géographique, l’importance des roches cal-caires et la confrontation entre les domaines alpin et méditerranéen.

Pivoines (Paonia officinalis) et pins mugo (Pinus mugo)

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Sempervivum grandiflorum

Rhaponticum heleniifolium

Linaria alpina

Fritilaria meleagris

Lilium pomponium

Saxifraga retusa ssp. augustana

Leontopodium alpinum

Allium insubricum

Paederota lutea

Bupleurum longifolium

Page 83: Lire des extraits

Alpes Orientales

Cette partie des Alpes a bénéficié d’influences floristiques en provenance des Balkans et des Carpates qui datent des recolonisations post-glaciaires. Parmi les massifs remarquables pour leur diversité floristique figurent les Dolomites (3343 m), le Triglav (2864 m), les Karawanken (2237 m) et les Hohe Tauern (3798 m).

Primula clusiana devant les pins mugo et les pics du Combeynot

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Page 84: Lire des extraits

Rhododendron hirsutum

Campanula thyrsoides ssp. carniolica

Hesperis matronalis ssp. nivea

Hacquetia epipactis

Cirsium carniolicum

Lilium martagon var. cataniae

Scorzonera rosea

Gentiana pannonica

Dianthus alpinus

Senecio abrotanifolius

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Massif central

Ce massif est géologiquement très ancien et de nature essentiellement grani-tique. Il a été rajeuni par le soulèvement des Alpes et par un volcanisme intense. Ces montagnes de moyenne altitude ont une flore qui a beaucoup de similari-tés avec celle des Alpes et celle des Pyrénées.

Vue sur le chalet-laboratoire

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Première de couverture : photos de la plante Dryas octopetala et du papillon Agrodiaetus sp et des-sin de Dodecatheon pulchellum réalisé par Christophe Perrier durant la 3ème édition de l’Illustration en résidence au Jardin alpin du Lautaret en 2008.

Deuxième de couverture : La rocaille des plantes du Caucase, le chalet Mirande et le Grand Gali-bier au mois de juillet.

La médaille de l’Université Joseph Fourier a été remise à Serge Aubert en 2009 pour son implication dans le développement de la Station alpine Joseph Fourier et dans l’obtention du prix de la Fonda-tion Prince Louis de Polignac pour le Jardin botanique alpin du Lautaret.

Quatrième de couverture : Le Jardin botanique alpin du Lautaret et le massif de la Meije (3987 m), avec le reflet des rocailles dans le petit lac situé à l’entrée.

Remerciements à : E. Antzamidakis, S. Bec, A. Bignon, R. Bligny, Z. Blumenfeld-chiodo, Ph. Choler, Ph. Danton, F. Delbart, A. Deschamps, R. Douzet, P. Fernandez, R. Hurstel, N. Iacono, J. Leplan-Roux, O. Manneville, S. Perillat, Ch. Perrier, J. Renaud, P. Salze, T. Syre, E. Terret.

Page 87: Lire des extraits

La première version de ce guide a été publiée en 2000 suite au travail de Patrice Fernan-dez qui effectuait son service national comme objecteur au sein de la Station alpine du Lautaret, encadré par l’équipe qui a assuré le renouveau scientifique du site au début des années 2000 : Serge Aubert, Philippe Choler, Rolland Douzet et Richard Bligny (directeur entre 2000 et 2004). Lors de la rédaction de la deuxième version en 2005 (réimprimée à plusieurs reprises avec un total de 5000 exemplaires), Serge Aubert a travaillé avec Alain Bignon (1944-2012) pour inclure une partie consacrée à l’histoire régionale. La présente version, largement revue, corrigée et augmentée, a doublé le nombre de pages.

Sauf mention particulière, l’essentiel de l’illustration provient de la collection d’images de l’auteur. La plupart des images anciennes proviennent des archives du Jardin alpin et des collections Bignon et Aubert. Certains documents sont issus des collections du Mu-sée dauphinois et du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) qui sont chaleureusement remerciés.

Maquette : Séverine Perillat & Serge AubertEdition : Station alpine Joseph Fourier/UJF (2013)Impression : Imprimerie des Ecureuils, Gières; tirage: 3000 exemplaires

Serge Aubert est professeur de biologie végétale à l’université Joseph Fourier (Grenoble 1), membre du Laboratoire d’Ecologie Alpine et directeur de la Station alpine Joseph Fourier, une structure de l’uni-versité Grenoble 1 et du CNRS créée en 2005. Cette Unité Mixte de Services regroupe, au col du Lautaret, le Jardin botanique alpin et le Chalet-laboratoire, et, sur le campus de Grenoble, l’Arboretum paysa-ger Robert Ruffier-Lanche et des serres techniques. La photo a été prise en août 2012 dans le páramo El Angel (Andes équatoriennes).

Station alpine Joseph Fourier

UMS 3370 UJF CNRS

Grenoble - Col du Lautaret [ 2100 m ]

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5562617829539

ISBN 9782953556261

Prix : 12 €