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Liste des tableaux et des figures Tableau 1. La contribution belge dans le cadre du Headline goal ___________________ 17 Figure 1 Evolution du budget de la défense en pour cent du PIB __________________ 22 Figure 2 Evolution du volume du personnel entre 1994 et 2001 ___________________ 24 Tableau 2 Evolution des crédits de l’Armée luxembourgeoise entre 1996 et 2000 ______ 42 Figure 3 Pourcentages des crédits totaux consacrés au personnel au sein de l’armée luxembourgeoise_________________________________________________ 43 Figure 4 Pourcentages des crédits totaux consacrés au fonctionnement au sein de l’armée luxembourgeoise _______________________________________ 43 Figure 5 Pourcentage des crédits totaux consacrés aux acquisitions au sein de l’armée luxembourgeoise_________________________________________________ 43 Tableau 3 Comparaison entre les effectifs théorique et réel au 31 décembre 2000 ______ 46 Figure 6 Comparaison entre les dotations prévues et disponibles pour les Cies A et B de l’armée luxembourgeoise _______________________________________ 48 Figure 7 Evolution du Budget de la défense aux Pays-Bas en pour cent du PIB _______ 64 Figure 8 Evolution du volume des forces armées néerlandaises depuis 1996 _________ 66 Tableau 4 Comparaison des marines belge et néerlandaise________________________ 84 Tableau 5 Structures « Temps de paix » et « Temps de guerre » de l’ABNL ___________ 86

Liste des tableaux et des figures - operationspaix.netv~Politique_de_defe… · représentations du Royaume–Uni sur le concept d’une défense européenne et ... pas sa « philosophie

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Liste des tableaux et des figures

Tableau 1. La contribution belge dans le cadre du Headline goal ___________________ 17 Figure 1 Evolution du budget de la défense en pour cent du PIB __________________ 22 Figure 2 Evolution du volume du personnel entre 1994 et 2001 ___________________ 24 Tableau 2 Evolution des crédits de l’Armée luxembourgeoise entre 1996 et 2000 ______ 42 Figure 3 Pourcentages des crédits totaux consacrés au personnel au sein de l’armée

luxembourgeoise_________________________________________________ 43 Figure 4 Pourcentages des crédits totaux consacrés au fonctionnement au sein

de l’armée luxembourgeoise _______________________________________ 43 Figure 5 Pourcentage des crédits totaux consacrés aux acquisitions au sein de l’armée

luxembourgeoise_________________________________________________ 43 Tableau 3 Comparaison entre les effectifs théorique et réel au 31 décembre 2000 ______ 46 Figure 6 Comparaison entre les dotations prévues et disponibles pour les Cies A et B

de l’armée luxembourgeoise _______________________________________ 48 Figure 7 Evolution du Budget de la défense aux Pays-Bas en pour cent du PIB _______ 64 Figure 8 Evolution du volume des forces armées néerlandaises depuis 1996 _________ 66 Tableau 4 Comparaison des marines belge et néerlandaise________________________ 84 Tableau 5 Structures « Temps de paix » et « Temps de guerre » de l’ABNL ___________ 86

Glossaire des abréviations et acronymes

1 DIV MEC Première Division Mécanisée belge ABN Amiral Bénélux. AMF(L) Ace Mobile Force (Land) BELBAT Belgian Bataillon BELUKOS Belgique / Luxembourg for Kosovo BELUROKOS Belgique/ Luxembourg/ Roumanie for Kosovo C3 Communication, Commandement, contrôle CAX Computer Assisted CED Communauté Européenne de Défense CIA Centre d'Instruction de l'Armée Cie Ap Compagnie d'Appui CIM Centre d'Instruction Militaire CJTF Combined Joint Task Force CMT Chasseur de Mine Tripartite. COPS COmité Politique et de Sécurité CRC Crowd and Riot Control DATF Deployable Air Task Force DCI Defence Capabilities Initiatives FAC Forward Air Controllers FBA Forces Belges basées en Allemagne GTR Groupe Tactique Régimentaire IFOR Implementation Force IPS Integrated Self Protection System Klu Koninklijke Luchtmacht KFOR Kosovo Force LANTRIN Low Altitude Navigation and Targeting Infrared for Night LUF Florin luxembourgeois MDN Ministère de la Défense nationale MINUAR Missions des Nations Unies d’aide au Rwanda MLU Mid Life Update MTA Multilateral Technical Agreement OIDS Objectif d’Investissement pour la Défense et la Sécurité ONG Organisation Non Gouvernementale ONU Organisation des Nations Unies OSCE Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe OTAN Organisation du Traité de l’Atlantique Nord PESD Politique Européenne de Sécurité et de Défense PIB produit intérieur Brut QGCE Quartier général du Corps européen RMA Revolution in Military Affairs Sabena Société anonyme belge de navigation aérienne SAS Special Ammunition Storage SACEUR Supreme Allied Commander Europe SFOR Stabilization Force

SHIRBRIG Standby Forces High Readiness Brigade- SNCB Société Nationale des Chemins de fers belges STD Strategische Toekomstdiscussie Defensie UEBL Union Economique Belgo-Luxembourgeoise UEO Union de l’Europe Occidentale. UPE Union Politique européenne UPPAR Unité de planification de la politique et d’alerte rapide UNPROFOR United Nation Protection Force

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Introduction générale et méthodologie

Les 3 et 4 décembre 1998, le Président de la République française, Jacques CHIRAC, et le Premier ministre britannique, Tony BLAIR , réunis en Sommet informel à Saint-Malo, affirmaient conjointement la nécessité de doter l’UE de capacités d’action autonomes. L’issue de la rencontre consacrait un véritable revirement des représentations du Royaume–Uni sur le concept d’une défense européenne et autorisait à penser l’émergence d’une intégration à venir des forces armées de nos nations. Du moins, est-ce là l’un des souhaits que formulent nombre d’hommes de bonne volonté. Réalistes, nous savons les difficultés que recouvre la formulation concrète d’un tel idéal. Elle passe par la refonte de nos perceptions géopolitiques, la vision de nos destinées politiques et les valeurs que nous entendons défendre en commun. Le processus actuellement en cours se veut plus pragmatique. Il repose, pour l’essentiel, sur une démarche capacitaire et possibiliste. Ambition trop frileuse, nous dirons certains ? Certes, il y a tout lieu de reconnaître que contrairement aux Etats–Unis, l’Europe ne se reconnaît pas de « destinée manifeste ».1 « L’Europe, à l’évidence, nous enseigne Jacques ATTALI , n’existe pas. Elle n’est ni un continent, ni une culture, ni un peuple, ni une histoire. Elle n’est définie ni par une frontière unique, ni par un destin ou un rêve communs. Il existe, en revanche, des Europes, qui s’échappent lorsqu’on cherche à en appréhender trop précisément les contours. »2 L’Europe, pour reprendre les termes de Zbigniew BRZEZINSKI, ne constitue pas une puissance globale.3 Contrairement aux Etats–Unis, aussi, l’ampleur de la tâche que recouvre la construction d’une défense commune implique le dépassement de rivalités séculaires – car ce sont elles qui ont dessiné les frontières de nos Etats. Elles sont présentes, aujourd’hui encore, en filigrane dans les attitudes des nations européennes. Ce défi, pourtant, l’Europe pourrait le relever en vue d’incarner une « puissance plurielle », une Europe stratégique4 d’un sens particulier qui se fonde sur la multiplicité et ce qu’elle comporte de richesses et d’enseignements. Elle s’est déjà attelée à tâche. Il lui manque toutefois un allié précieux : le temps. Car, à moins d’assister à des bouleversements politiques ou idéologiques substantiels, l’Europe « politique » s’étendra à près de trente–cinq membres d’ici 2020. Et, si elle ne renouvelle pas sa « philosophie et [ses] modes de gestion, elle sera devenue ingérable, à peu près incapable de formuler une politique et d’influer sur les affaires du monde, à l’image de ce qu’est aujourd’hui l’Organisation des Nations Unies, dans ses agences les moins efficaces. » Face à la marge temporelle étroite dont nous disposons actuellement, les nations européennes se sont engagées, depuis le Conseil européen d’Helsinki des 10 et 11 décembre 1999, dans l’élaboration d’un « objectif global » suffisamment lucide que pour pouvoir bénéficier d’une mobilisation d’énergie suffisante. Celle–ci est actuellement en cours, même si elle n’est pas exempte d’un manque d’investissement chronique, comme l’évoquait récemment Maartje RUTTEN

5.

1 P. CECCHINI, E. JONES & J. LORENTZEN, Europe and the Concept of Enlargement, dans Survival, Vol. 43, No. 1, Spring 2001, p. 155. 2 J. ATTALI , Europe(s), Paris, fayard, 1994, p. 9. 3 Z. BRZEZINSKI, Le grand échiquier. L’Amérique et le reste du Monde, traduit de l’anglais (Etats–Unis), par M. BESSIÈRE et M. HERPE–VOSLINSKY, Paris, Hachette, 1997, p. 43. 4 Voyez à ce propos l’ouvrage de B. COLSON, Europe :repenser les alliances, Paris, Economica & Institut de Stratégie Comparée (ISC), 1995. 5 M. RUTTEN, Malaise dans la PESD. Voir à l’adresse : http://www.iss-eu.org, février 2002.

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La démarche de réflexion entreprise au sein du Centre d’Etudes de Défense s’intègre dans cet effort global consenti par les différents milieux politiques, militaires et académiques des Etats membres de l’UE. Elle vise, d’une part, une meilleure connaissance des lieux de convergence de nos institutions politico-militaires. D’autre part, elle dresse un bilan sans complaisance de nos divergences. Tel sera le double objectif auquel nous conduirons le lecteur par l’intermédiaire d’une étude de la politique de défense de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas.

Genèse de l’étude

C’est à la demande du Ministre de la Défense Nationale, Monsieur André FLAHAUT , et dans le cadre de la Présidence belge de l’UE que le Centre d’Etudes de Défense s’est engagé voici plus d’un an dans une entreprise de recherche portant sur la comparaison des politiques de défense des Etats de l’UE. Le premier rapport, rédigé par les soins de Messieurs André DUMOULIN , Vincent METTEN et Raphaël MATHIEU, a offert une synthèse inédite des résultats de la mise en parallèle des Livres blancs, documents officiels et notes de politique générale relatifs à la politique de sécurité et de défense des « Quinze ». Ce travail de mise en exergue était, toutefois, fort limité sur le plan méthodologique dans la mesure où il ne s’inspirait que des documents officiels émis par les diverses autorités nationales. Le rapport était, donc, avant tout une « photographie des contenus et modèles nationaux. » Il entendait, néanmoins, offrir une « avancée vers une réflexion plus aboutie sur l’idée d’un document collectif intégrant le concept de convergence des politiques de sécurité et de défense des Etats membres de l’UE. »6 La poursuite de cet objectif pour le moins ambitieux ne pouvait se suffire d’un état des lieux des perceptions et modalités d’expression nationales de la défense et de la sécurité – même si un tel exercice a eu l’immense mérite d’ouvrir la voie à des recherches plus exhaustives. Aussi, le Centre d’Etudes de Défense s’est-il attaché à assurer la suite logique de cette première étape en organisant la conduite d’études intégrant non seulement des sources officielles, mais également les commentaires académiques, de même que les analyses extraites de revues de presse générales et spécialisées. Le présent rapport incarne l’expression aboutie de cette volonté.

Objectifs

Notre étude a pour objectif d’introduire le lecteur aux politiques de défense de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas telle qu’elles ont évolué, durant les années 1990, à l’aune des enjeux européens – en accordant une place toute particulière aux engagements récents issus du Sommet franco-britannique de Saint-Malo du mois de décembre 1998 et des récentes rencontres intervenues dans le cadre de ce processus. Aussi, il ne peut être question d’attendre du contenu de ces pages une analyse exhaustive des rapports entretenus entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, et leur appareil de défense respectif.

6 A. DUMOULIN , R. MATHIEU & V. METTEN, Présentation comparative et thématique des politiques de défense des Etats membres de l’UE, Bruxelles, Sécurité et stratégie, n° 68, décembre 2001, p. 9.

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Deux limitations s’opposent à une telle ambition. La première, d’ordre chronologique, procède d’un choix discrétionnaire de nous concentrer principalement sur la période s’étendant de la fin de la Guerre Froide au Sommet de Laeken des 13 et 14 décembre dernier – le terme temporel de l’étude correspondant ainsi à l’événement symbolique mettant fin à la Présidence belge de l’UE. Une seconde limitation, d’ordre méthodologique, procède du temps qu’il nous a été imparti pour la rédaction de ce rapport. La lecture des textes et documents officiels, le manque de sources scientifiques et critiques concernant le Bénélux en tant qu’entité, le recul nécessaire à une réflexion posée et sereine ont été tout autant de facteurs qui nous incités à privilégier une dimension qualitative plutôt que quantitative. L’approche analytique pour laquelle nous avons opté réside, plus exactement, dans l’étude des liens existant entre, d’une part, les forces profondes, qui ont contribué à forger les cultures stratégiques belge, luxembourgeoise et néerlandaise et, d’autre part, l’engagement européen auquel ont décidé de contribuer Bruxelles, Luxembourg et La Haye ainsi que d’autres capitales européennes. C’est l’étude de cette dialectique entre « héritage » et « destinée » que nous avons entendu aborder.

Méthodologie

La question de départ qui a jeté les premiers jalons de notre étude a porté sur les interactions entre, d’une part, les lignes de force les traditions des trois Etats du Bénélux en matière de défense et, d’autre part, l’élaboration progressive d’une capacité de défense européenne autonome. L’interrogation peut se résumer à la formule suivante : comment les cultures stratégiques de ces trois Etats, les particularités des concepts de défense et représentations géopolitiques qui leurs sont propres, peuvent contribuer à la constitution de capacités militaires européennes. Nous évoquerons, également, l’attitude de ces pays sur cette question, de même que la nature et l’importance des contributions nationales à la réalisation de cet objectif.

Organisation de l’étude

Cette étude se divise en deux parties : la première, qui contient les trois premiers chapitres, est une description des politiques de sécurité et de défense des trois Etats du Bénélux, ensuite une deuxième partie aborde la question des coopérations militaires au sein du Bénélux et le rôle que cette entité peut jouer vis-à-vis du développement de la PESD. Concernant la première partie, chacun des chapitres (Belgique, Luxembourg et Pays-Bas) est subdivisé en six points dont le choix des sujets procède d’un effort de condensation et de rationalisation de la répartition thématique du travail initial conduit par Messieurs DUMOULIN , MATHIEU et METTEN. Les deux premiers points portant sur l’identification de la culture stratégique nationale, des concepts de défense et modes de perception des menaces entendent introduire le lecteur aux « forces profondes » qui ont contribué à la singularité de ces acteurs.

4

Pour Bruno COLSON, le concept de culture stratégique désigne « un ensemble de pratiques traditionnelles et habitudes de pensée qui, dans un Etat, gouvernent l’organisation et l’emploi de ses forces militaires au service de ses objectifs politiques. »7 Cette définition très « clausewitzienne » - fondée sur le diptyque fins/moyens - sera notre conception de départ pour l’analyse des héritages belge, luxembourgeois et hollandais. On soulignera, du reste, la nécessité d’intégrer dans l’examen l’ensemble des contraintes qui participent à la production d’une stratégie, tels que ceux évoqués par Carnes LORD

8 : position géopolitique, relations internationales, idéologie et culture politique, culture militaire, relations civils-militaires, organisation bureaucratique et, enfin, armement et technologie militaire. Un troisième point, ensuite, nous conduira à explorer les missions incombant aux forces armées nationales. Quels ont été les réaménagements intervenus au sein des édifices militaires de ces deux pays depuis la fin de la Guerre froide ? Comment les Etats du Bénélux ont-ils perçu, et pensé l’univers stratégique nouveau et quels sont les modèles qu’ils ont cherché à lui appliquer en vue de garantir sécurité et stabilité en Europe et ailleurs ? Nous tenterons d’éclairer le lecteur sur cette problématique qui, selon la nation que nous prenons en considération et les particularités stratégiques de chacune, a donné lieu à des réponses particulières. Un quatrième point abordera les diverses interactions issues des alliances et cadres de coopération au sein desquels participent les pays du Bénélux, à des degrés d’implication variés, en matière de sécurité et de défense européenne. Il s’agira, dès lors, de nous pencher sur l’état actuel des rapports entre Bruxelles, La Haye, Luxembourg et Washington sur la question de l’Alliance atlantique et de l’OTAN, mais aussi de nous intéresser aux contributions de ces deux Etats à la dynamique de l’UE et de ce que fut l’Union de l’Europe Occidentale dans le domaine de la PESD. Car, l’alliance, nous indique Charles ZORGBIBE, peut recouvrir deux acceptions. La première, plus étroite, se fonde sur l’engagement d’assistance qui se situe au cœur de l’accord entre deux ou plusieurs parties. Il s’agit alors du traité « par lequel deux puissances s’engagent à se porter mutuellement secours, soit par une action militaire, soit par tout autre moyen au cas de guerre affectant l’une d’elles. »9 La seconde acception, plus générique, se réfère à « tous les traités à objet général et exécution continue signés entre Souverains ou Républiques. »10 Plus exactement, la signification donnée ici à l’alliance vise l’union de deux ou plusieurs Etats animés par la volonté de réaliser un but politique commun. Il s’agit d’une définition plus opportune en vue de comprendre les mutations engagées ces dix dernières années par l’Alliance atlantique et l’OTAN, mais aussi, par l’UE et sa défunte Union de l’Europe Occidentale (UEO).

7 B. COLSON, Europe : repenser les alliances, Paris, Economica & Institut de Stratégie Comparée, 1995, p. 86. 8 C. Lord, American Strategic Culture, dans Coparative Strategy, Vol. 5, 1985, p.272. 9 H. CAPITANT, Vocabulaire juridique, Paris, Presses Universitaires de France, 1936, p. 46, cité par C. ZORGBIBE, Les alliances dans le système mondial, Paris, Presses Universitaires de France, 1983, p. 67. 10 Ibid., Paris, Presses Universitaires de France, 1983, p. 68.

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Les questions relatives aux budgets, personnel et équipements, feront l'objet d'un cinquième point. L’analyse des politiques budgétaires en matière de défense, dans un premier temps, nous permettra d’examiner avec plus de profondeur l’effort de défense consenti par les trois pays et leur compatibilité avec le « partage des responsabilités » – entendez par là, « responsabilités financières » – au sein de l’Alliance atlantique, tout d’abord, et dans la perspective de développement d’une défense européenne autonome, ensuite. Dans un deuxième temps, nous aborderons la problématique du personnel. La fin de la Guerre froide, et la disparition d’une menace globale sur l’ensemble de l’Europe occidentale ont conduit au développement d’un double processus parmi les forces armées de l’UE. Le premier a résidé dans une réduction de format des contingents nationaux. Il s’agira, dès lors, d’indiquer les voies particulières que les Etats membres ont empruntées afin de faire correspondre un volume d’armée adapté aux perceptions des enjeux et menaces se posant à leur sécurité. Un second processus repose sur la professionnalisation – tantôt aboutie, tantôt en cours – des forces armées nationales. Il correspond à la volonté des responsables politiques et militaires d’ajuster les appareils de défense aux nouvelles réalités stratégiques et missions en découlant. Nous évoquerons, dans un troisième temps, l’évolution et la réforme des équipements liés à la nature nouvelle de la configuration stratégique d’une part, et à l’innovation technologique d’autre part. Enfin, la structure de forces armées nationales fera l’objet d’un dernier point. La structure des forces armées est le plus souvent associée aux réformes et à l’organisation nationale des forces armées. Elle caractérise les spécificités de chaque Etat dans son potentiel de sécurité et de défense. En dépit de l’existence de certaines différences, on peut constater une tendance à concevoir ces structures autour de concepts communs tels que la coopération civilo-militaire, la modularité, la projection de forces, et l’interopérabilité11. C’est à la lumière de ces analyses, nécessaires pour refléter correctement la spécificité de ces trois pays, que nous aborderons la deuxième partie. Il s’agira ici de situer le Bénélux dans le cadre européen : nous montrerons comment cette entité née après la seconde guerre mondiale, a souvent fait figure de précurseur des grands dossiers européens. Cependant, notre mandat nous limitant à la coopération dans le domaine militaire, nous n’aborderons que cet aspect des relations entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Dans cette optique, nous décrirons le cadre général de la coopération Bénélux, qui s’établit en fonction de plusieurs conventions mettant en place des organes de concertations et de planifications. Nous aborderons ensuite les différents types de coopérations qui s’établissent entre chacune composantes des forces armées des trois pays. Dans ce domaine, l’exhaustivité reste un leurre, notre objectif est de décrire la nature de ces coopérations, et non de les identifier toutes. Ainsi, nous verrons qu’en fonction de la force, la nature et le degré d’intégration peuvent être très différents. Concernant l’acquisition de matériel, nous montrerons comment les Etats du Bénélux entreprennent des coopérations visant à effectuer en commun l’achat, entre autres, d’appareils de transport stratégique.

11 André DUMOULIN , Raphaël MATHIEU & Vincent METTEN, op. cit., Bruxelles, Sécurité et stratégie, décembre 2001, p. 23.

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Enfin, nous aborderons la question de la visibilité et des positions tenues par les Etats du Bénélux, en particulier sur la scène européenne en ce qui concerne les récents développements de la PESD. Nous expliciterons ce que l’on pourrait qualifier de position du Bénélux vis-à-vis de l’Europe, et de voir dans quelle mesure cette position diffère des perceptions de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas considérés isolément.

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Chapitre 1 Politique de sécurité et de défense de la Belgique

1.1. Perception de l’environnement stratégique

La Belgique a rapidement perçu les bouleversements politiques survenus après la chute du mur de Berlin. Le Ministre de la défense de l’époque, Guy Coëme12, à l’instar du reste du gouvernement belge, avait fait le constat de la disparition de facto d’une menace d’attaque conventionnelle du territoire de l’Alliance par l’Union soviétique. Cette prise de conscience s’est traduite concrètement par la programmation, par le Ministre Coëme, du retour des forces belges basées en Allemagne. Décision qui « témoigne du désir de préparer le pays à d’éventuels changements13. » Ce changement de perception, s’est également exprimé au niveau doctrinal, par la remise en question du concept de «défense de l’avant » de l’OTAN14, ainsi que la doctrine de la « réponse flexible », qui entretenait la menace d’une frappe nucléaire sur l’Allemagne de l’Est : « Des missiles nucléaires à courte portée braqués sur l’Allemagne de l’Est, on pourrait dire l’Allemagne tout court, sont un non sens15. » Le constat fait au lendemain de la fin de la guerre froide est resté identique sous les ministres Delcroix16 et Poncelet17, qui ont l’un et l’autre introduits des plans globaux de restructuration des forces armées. Les mesures proposées visaient à l’adaptation des structures et moyens militaires au nouveau contexte sécuritaire, ainsi qu’aux exigences imposées par les restrictions budgétaires18. Ce constat n’a pas subit de modifications fondamentales ces dernières années. Il a même été réaffirmé dans la description officielle la plus récente de la perception de l’environnement stratégique. Cette dernière est développée dans « Le plan stratégique 2000-201519 », rédigé par le Ministre de la Défense nationale, André Flahaut, et approuvé le 12 mai 2000, dont l’objectif est de calibrer le volume des forces, de rééquilibrer le budget et de définir les besoins en matériel ainsi que les nouvelles missions incombant aux forces armées dans l’environnement post-Guerre froide. 12 G. Coëme fut Ministre de la Défense dans le gouvernement Martens (coalition chrétiens-socialistes, 1988/1992). 13 Chambre des représentants, Compte-rendu analytique des débats, Sénat et Chambre des Représentants de Belgique, Bruxelles, 9 février 1990. 14 Le Ministre de la Défense de l’époque résumait en ces mots sa pensée : « A quoi rimerait encore un stationnement de troupes massées dans la défense de l’avant face à un rideau de fer qui n’existe plus. » Pour une analyse de cette question voir : C. FRANCK, Belgique : nouveaux enjeux et restructurations des forces, dans P. BUFFOTOT (Dir.), La défense en Europe, La Documentation française, Paris, 1994. 15 Interview du Ministre de la Défense Guy Coëme, dans La Lanterne, 18 avril 1990. 16 Voir : A. DUMOULIN, La restructuration des forces armées, dans Courrier Hebdomadaire du CRISP, N°1383-1384, Bruxelles, 1992, et Opération « Bear 97 » : l’armée belge en mutation, dans Les dossiers du GRIP, N°189-190, Bruxelles, 1994. 17 Concernant cette période, voir : J-P. PONCELET, La restructuration des forces armées. Bilan et perspectives, Ministère de la Défense nationale, Bruxelles, 1996. 18 Voir point 1.6 de la présente étude. 19 A. FLAHAUT, Le plan stratégique pour la modernisation de l’Armée belge 2000-2015. Propositions concrètes pour entrer dans le XXI ème siècle, Bruxelles, mai 2000.

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Pour la Belgique l’effondrement du système soviétique a sonné le glas du monde bipolaire, et si les enjeux classiques semblent maintenant moins importants, le passage à un système multipolaire entraîne dans son sillage de « nouveaux risques » pouvant constituer une « menace » pour la sécurité et les valeurs démocratiques européennes : « Le monde bipolaire, qui caractérisa les années de Guerre froide, s’est transformé en un monde multipolaire en mutation permanente et faisant émerger de nouveaux risques. Ces nouveaux risques peuvent constituer autant de menaces tant pour la sécurité européenne que pour les valeurs démocratiques20. » Pour Bruxelles, « en plus des tensions internationales, des crises et des conflits, d’autres risques peuvent avoir une influence déstabilisante. Le crime organisé, les problèmes environnementaux, l’extrémisme seront d’importantes menaces pour notre société. Prévoir l’issue de cette période instable est un exercice difficile, qui nécessite une analyse en profondeur des changements qui se produisent ainsi que de leurs conséquences pour notre pays21. » En outre, pour la Belgique, une des conséquences de la fin de la guerre froide fut la diminution des budgets militaires ; cette coupe dans les allocations a été accentuée, ces dernières années, par les efforts consentis par les pays de l’UE pour remplir les critères de convergence européens22. Avec la disparition d’un des deux adversaires, le facteur principal de confrontation militaire s’est estompé de facto : « les pays qui comme la Belgique étaient directement concernés par la confrontation militaire ont eu la possibilité de réduire les moyens alloués à la défense23. » Selon Bruxelles, dans un monde caractérisé par l’incertitude, la recherche et le maintien d’un équilibre entre les puissances sont essentiels. En outre, même si la menace nucléaire est moins palpable, elle n’en demeure pas moins présente : « Malgré la chute du mur de Berlin, l’équilibre entre les puissances, qu’elles soient mondiales ou régionales, demeure un des principaux enjeux dans un monde multipolaire24. » La Belgique considère également que la fin de l’antagonisme est-ouest a permis au modèle économique libéral de se développer avec pour conséquence une érosion progressive des frontières et du rôle des Etats dans la sphère transnationale. Cette dernière se voit maintenant occupée par de nouveaux acteurs (entités régionales, groupes financiers transnationaux) dont la concurrence peut avoir, et a déjà des répercussions négatives, sur les équilibres écologique, démographique et politique de la planète. Bruxelles insiste donc sur l’importance des organisations internationales, qui, en occupant également la sphère transnationale, sont les garantes du maintien d’un certain équilibre.

20 A. FLAHAUT, Le plan stratégique pour la modernisation de l’Armée belge 2000-2015. Propositions concrètes pour entrer dans le XXI ème siècle, Bruxelles, mai 2000, p.7. 21 A. FLAHAUT, idem, p.7. 22 C’est en effet le budget de la Défense nationale qui a été le plus mis à contribution pour rééquilibrer les finances de l’Etat belge (sept années de gel du budget). 23 A. FLAHAUT, idem, p.8. 24 A. FLAHAUT, idem, p.8.

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Sur le plan économique et social, la stabilité du monde se voit, selon le Ministère de Défense, menacée par : • L’existence de fortes disparités entre différentes régions du monde et d’importants

mouvements migratoires vers les pays riches ; • La perturbation du commerce mondial à la suite de conflits régionaux ; • La contestation de valeurs telles que le respect des droits de l’Homme et le respect

des droits des minorités ; • Les conflits d'intérêts concernant la pollution et l'exploitation des richesses

minérales ; • Le renforcement de la puissance et les abus de pouvoir des grandes entreprises

internationales et des organisations criminelles. D'un point de vue ethnique et culturel, la stabilité du monde est menacée par : • L'émergence de conflits intra-étatiques, qui déstabilisent des régions entières et

vont généralement de pair avec de grands flux migratoires ; • L'apparition d'un nationalisme ou d’un fondamentalisme dangereux, ainsi que

d'organisations extrémistes. Bien que leurs définitions soient différentes ( la menace diffère du risque en ce sens que, dans le cas de la première, l’intention de nuire doit être présente), Bruxelles n’opère pas de distinction sémantique entre les deux concepts. Deux types de menaces ou risques sont seulement identifiés : les menaces de nature socio-économique, d’une part et les menaces ethnico-culturelles, de l’autre. Concernant les menaces de nature socio-économique, Bruxelles stigmatise les disparités entre les différentes régions du monde et les flux migratoires qui peuvent en découler. La Belgique met également en exergue l’influence des tensions régionales sur l’ordre économique mondial, la contestation des valeurs, les conflits en matière de pollution ou d’exploitation des richesses, les abus des firmes transnationales et la criminalité organisée. Du point de vue ethnico-culturel, l’effet déstabilisateur des conflits intra-étatiques, ainsi que le danger de l’extrémisme et du fondamentalisme sont évoqués. Enfin, Bruxelles insiste sur le caractère asymétrique des menaces et des conflits actuels, et ce, au niveau de l’analyse de l’implication des parties concernées par ces troubles25. Forte de ces constatations, la Belgique pose l’évaluation du degré d’asymétrie d’un conflit comme un élément majeur dans la définition d’une politique opérationnelle. En outre, le Ministère de la Défense souligne le paradoxe d’une nation en état de guerre, confrontée à une coalition internationale dont les membres ne le sont pas, eux, mais devant payer le prix humain et financier d’un conflit non légitimé par l’opinion publique, qui n’accepte pas la perte de soldats nationaux.

25 La notion d’asymétrie n’est pas neuve, on la retrouve dans le vocable militaire notamment pour caractériser l’opposition de forces de nature différente (aviation Vs forces terrestres, par exemple). Cette notion est également présente dans les textes fondateurs de la Revolution in Military Affairs (RMA) pour souligner la vulnérabilité des systèmes avancés (le « talon d’Achille ») vis-à-vis d’un opposant ne disposant pas de moyens technologiquement assez avancé pour se lancer dans un affrontement classique.

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1.2. Une politique de sécurité active

Le concept national de sécurité développé par la Belgique est repris pleinement dans « Le plan stratégique 2000-2015 » du Ministère de la Défense. Ce dernier, après avoir rappelé que « l’environnement stratégique actuel diffère totalement de celui de la Guerre froide », et explicité les principaux changements géostratégiques, ainsi que leurs implications26, définit le concept de sécurité et de défense qui en découle. Le concept de « politique de sécurité active », développé par le Ministère de la Défense, se caractérise d’emblée par sa dimension proactive. Pour Bruxelles, il est impératif de « passer d’une sécurité basée sur la peur à une stabilité reposant sur une gestion active et préventive des facteurs d’instabilité. La politique de sécurité doit donc privilégier la prévention des risques plutôt que leur encadrement27. » Une deuxième caractéristique est le recours aux instruments civils dans le cadre de la prévention des nouvelles menaces : « souvent, des instruments civils tels qu’une aide diplomatique, ou économique, ou des sanctions justes, offrent une réponse satisfaisante aux risques présentés et les instruments militaires peuvent rester à l’arrière-plan28. » La troisième caractéristique de la politique de sécurité de la Belgique, est la multinationalité. Compte tenu de la faible probabilité d’une confrontation de grande envergure, mais de la perspective de tensions et conflits de basse intensité caractérisés par l’implication de différents acteurs (Etats, groupes révolutionnaires ou indépendantistes, organisations terroristes,…), « la réponse à ces défis exigera une approche coordonnée, multinationale et multi-institutionnelle29. » En réponse au caractère polymorphe des menaces identifiées par Bruxelles, une approche se limitant à une action nationale ne peut suffire. Aussi la Belgique met-elle en exergue sa participation au sein de l’UEO, de l’UE, de l’OTAN, de l’OSCE et de l’ONU30 ; organisations au sein desquelles la Belgique entend assumer ses responsabilités et jouer son rôle sur l’échiquier international. Dans cette perspective, pour le Ministère de la Défense nationale, il convient d’élaborer une « architecture de sécurité non hiérarchisée » au sein de laquelle les différentes organisations se compléteront. Le Ministère de la Défense souhaite ainsi que les forces armées collaborent de manière étroite avec les autorités civiles, les organisations non-gouvernementales et les acteurs non-étatiques ; « ceci signifie que la politique de sécurité que notre pays doit mener impose des efforts au niveau politique, économique, militaire et humanitaire. La sécurité ne se résume plus à un concept politico-militaire31. »

26 Cfr. Point 1.1. de la présente étude. 27 A. FLAHAUT, op. cit., p.11. 28 A FLAHAUT, idem, p.12. 29 A FLAHAUT, idem, p.12. 30 La nature de l’implication belge dans ces organisations sera approfondie au point 1.4 de la présente étude. 31 A. FLAHAUT, idem, p.13.

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Enfin, le concept de sécurité active implique également une participation aux opérations de maintien de la paix : « La paupérisation de régions entières et la multiplication probable des catastrophes humanitaires et écologiques nous contraindront à mettre en œuvre une aide humanitaire intensive. Les conflits d’origine ethnique demanderont un engagement de longue durée. Par conséquent, la résistance morale face à l’extrémisme, la solidarité sociale et la promotion des valeurs démocratiques devront être au centre de nos préoccupations32. » Pour Bruxelles, la sécurité sort donc du cadre strictement politico-militaire. Les dimensions économiques et humanitaires sont également prises en considération dans les plus récentes publications officielles. Elles se reflètent également, comme nous le verrons, dans la préparation et l’accomplissement des opérations auxquelles prennent part les forces armées belges.

1.3. Missions et tâches des forces armées belges

Dans le cadre du « Plan stratégique 2000-2015 », une distinction est opérée entre les missions et les tâches. Pour le Ministère de la Défense, une mission implique l’organisation d’entraînements spécifiques et le consentement à des investissements nécessaires. Les moyens dont l’armée dispose pour les missions peuvent aussi être utilisés pour d’autres objectifs dénommés tâches. Il n’y a cependant pas d’investissements spécifiques pour préparer l’armée à l’exécution de ces dernières.

1.3.1. Les Missions

Les missions des forces armées belges consistent en : • La protection de l’intégrité du territoire national et de celui de l’Alliance ; • La responsabilité dans les opérations de réponse aux crises ; • La diplomatie de défense ; • Le rapatriement des ressortissants nationaux. La première mission consiste en la protection de l’intégrité du territoire national et de celui de l’Alliance. A l’instar des autres nations européennes, le respect des articles V de l’UEO et 5 de l’OTAN demeure, pour la Belgique, la pierre angulaire de la défense collective. La dimension conventionnelle entre ici en ligne de compte. En ce sens, Bruxelles insiste sur la nécessité de disposer d’une armée solide, en mesure de contribuer au maintien de la paix et de la stabilité internationale et à même de garantir l’intégrité du territoire national ainsi que celui de l’Alliance. 32 A. FLAHAUT, idem, p.12.

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Vient ensuite la responsabilité dans les opérations de réponse aux crises. Considérant le risque d’une attaque massive contre le territoire de l’Alliance comme quasi nul, et estimant que les seules menaces envisageables aux frontières de l’Alliance seraient probablement de nature régionale (nécessitant la mise en place d’unités mobiles et rapidement déployables), la Belgique estime que « l’ancienne distinction33, assez nette, entre une intervention pour la défense collective et pour des opérations de paix a disparu34. » L’exécution de ces missions repose, aux yeux de Bruxelles, sur la collaboration internationale et, en premier lieu, la collaboration européenne : « afin de figurer en bonne place à l’intérieur de la constellation de sécurité et de défense, la Belgique doit, dès aujourd’hui, participer activement à la construction de la politique de sécurité et de défense européenne35 ». L’objectif est une contribution à la définition, ainsi qu’une participation active à la PESC, tout en ne remettant pas en cause le lien transatlantique36. Dans ce cadre, la Belgique entend répondre aux objectifs fixés par le nouveau concept stratégique de l’OTAN37 défini lors du Sommet de Washington de 1999 ; elle entend également renforcer la dimension européenne de la Defence Capabilities Initiative (DCI)38, en arguant que la solution aux lacunes européennes doit être trouvée au sein de l’Europe.

33 Cette distinction reste présente en cas de modification de la situation : le risque d’une opération évoluant vers un conflit de haute intensité n’est pas à exclure. Même si certaines exigences sont similaires, toutes les unités opérationnelles belges doivent être capable d’assumer les deux types de missions. Il convient cependant de replacer cette affirmation dans son contexte. En effet, il y a une certaine tendance à vouloir effacer le distinguo entre les opérations article 5 et non-article 5. A notre sens, cette démarche n’est valable que pour la sphère opérationnelle. Elle prend ainsi en considération le fait qu’une opération de maintien de la paix peut, si elle dégénère, nécessiter tout le spectre des moyens disponibles, mais du point de vue juridique la distinction est et reste de mise. 34 A. FLAHAUT, op. cit., Bruxelles, mai 2000. 35 Voir : Vision 2015, dans Vox, N°9836 bis, 25 novembre 1998. 36 Les implications sur le personnel, le matériel et le budget de la participation belge au développement de la PESD seront abordées au point 1.5 de la présente étude. 37 L’OTAN entend disposer de forces qui : - permettent à l’Alliance d’assurer la défense du territoire de l’OTAN et, en même temps,

d’effectuer toute une gamme d’opérations au-delà de ce territoire ; - puissent être engagées rapidement et projetées sur de grandes distances ; - soient dotées d’un potentiel de combat et de moyens de protection suffisant ; - puissent intervenir pendant des opérations de longue durée ; - soient capable d’opérer dans différentes configurations internationales ; - disposent d’un personnel et de matériels hautement professionnels ; - disposent en suffisance d’unités de support ; - disposent d’unités de réserve pour le cas où une menace d’envergure se présenterait contre le

territoire de l’Alliance. 38 La DCI définit les lacunes des capacités de défense (déploiement et mobilité, endurance et logistique, efficacité d’engagement, survie des forces et infrastructures, système C3) et formule des recommandations pour les résorber.

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Enfin, il est ajouté que, à l’heure actuelle, les développements de l’IESD et de la PESD concernent les « opérations de crises et de paix », la défense collective reste du ressort de l’OTAN. L’UEO, pouvant servir, au même titre que toute autre formule convenue39, de direction stratégique et de contrôle politique pour des opérations pour lesquelles l’Alliance ne sera pas prête à s’engager militairement, mais sera disposée à mettre ses moyens et capacités à disposition40. Ensuite, Bruxelles considère que la mise en œuvre d’une diplomatie de défense active, « qui, en étroite concertation et en soutien de la diplomatie classique menée par les Affaires étrangères, permet d’exercer un certain contrôle sur le respect des accords internationaux et de soutenir des activités qui contribuent à la sécurité et à la stabilité41. » Il en résulte la définition de cinq domaines dans lesquels s’oriente la diplomatie de défense de la Belgique : • La contribution au contrôle des accords de désarmement et de l’exploitation

d’armes ; • Les activités bilatérales avec les pays tiers ; • L’assistance militaire aux armées étrangères dans leur évolution vers une armée

démocratique ; • Une diplomatie préventive efficiente dans les régions présentant un danger de

crise ; • La participation à des mesures qui favorisent la confiance. Enfin, le rapatriement de ressortissants nationaux réside dans la capacité pour la Belgique d’exécuter des opérations d’évacuation de citoyens belges, si le gouvernement le décide, sans pour autant exclure la possibilité d’une coopération internationale en général et européenne en particulier dans ce domaine42.

1.3.2. Les tâches

Les tâches assignées aux forces armées belges concernent l’aide à la nation et l’aide humanitaire. De par leur formation, leurs capacités et leur expérience, les forces armées sont à même de remplir certaines tâches qui sont d’ordinaire dévolues au secteur civil. En cas de sinistres, de catastrophes ou de la mise en place de plans d’urgence, les forces armées peuvent devenir en certaines occasions les auxiliaires des services incendies, médicaux et de protection civile. Cette aide est de nature occasionnelle et exceptionnelle ; les forces armées belges n’étant pas en mesure d’allouer de manière continue des moyens opérationnels à ce type d’opérations.

39 C’est le cas depuis la fusion des organes de l’UEO au sein de l’UE, et la déclaration d’opérationnalité de cette dernière. 40 Voir : § 30 du Concept stratégique de l’Alliance, Washington, 1999. 41 A. FLAHAUT, op. cit., Bruxelles, mai 2000. 42 Concrètement, cela se traduit par le souhait de la Belgique de disposer pleinement de sa brigade para-commando pour des interventions à caractère national. Par exemple en cas de crise en Afrique nécessitant le rapatriement des ressortissants belges.

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L’aide aux pays tiers constitue le deuxième pôle des tâches de l’armé belge43. Ainsi, au cours de la dernière décennie, la Belgique a apporté sa contribution aux opérations humanitaires en Bosnie, au Kosovo, au Mozambique, en Turquie et plus récemment vers l’Afghanistan. En outre, de part leurs nombreuses participations à ce type de missions, les militaires belges ont développé des capacités très pointues dans le domaine de l’assistance humanitaire d’urgence, notamment dans le domaine du largage de vivres à basse altitude.

1.3.3. Les directives régissant la participation be lge à des opérations internationales

C’est à la suite des travaux la commission d’enquête parlementaire, chargée de faire la lumière sur les responsabilités liées à la mort tragique de 10 para-commandos belges à Kigali44, que s’est ressentie la nécessité de définir clairement les conditions d’encadrement politique, les moyens et les garanties relatives à la sécurité lors des missions de paix. Concernant l’engagement dans des opérations internationales, les responsables politiques sont tenus par les recommandations du rapport Verhofstadt-Mahoux pour la commission Rwanda45. En outre, le cadre de référence édictant les principes et lignes de conduite devant contribuer à la prise de décision politique dans le cadre de l’envoi de troupes belges lors d’opérations internationales de maintien de la paix, est défini par une note gouvernementale de janvier 199846.

43 Depuis les dernières élections (juin 1999), et la mise en place du gouvernement Arc en ciel (coalition socialistes, libéraux, écologistes) et la prise de fonction d’André Flahaut (PS) à la Défense, il y a une augmentation sensible des missions de types humanitaires. Cette augmentation, traduction de la sensibilité gouvernementale, est également un instrument de promotion visant à casser auprès de l’opinion publique l’image d’une armée uniquement vouée à la défense collective. 44 La Belgique, après avoir apporté son soutien aux accords de paix d’Arusha du 4 août 1993, dont l’objectif était d’aboutir à l’établissement pour 1995 d’un gouvernement pluraliste et de mettre fin à la guerre civile ravageant le pays, mit 400 soldats à la disposition de la Missions des Nations Unies d’aide au Rwanda (MINUAR). Le processus d’Arusha fut cependant compromis par l’attentat perpétré le 6 avril 1994 contre les présidents rwandais et burundais, ainsi que par les massacres de l’armée rwandaise et des milices hutues contre des Tutsis et Hutus modérés. C’est dans ce contexte, que le 7 avril 1994, le Premier ministre du gouvernement d’unité nationale Agathe Uwilingyiamana, ainsi que les 10 para-commandos belges chargés de sa protection furent assassinés. Pour un approche complète voir : J-C WILLAME, L'ONU au Rwanda (1993-1995). la communauté internationale à l’épreuve d'un génocide, Labor, Bruxelles, 1996. A. DES FORGES, « Leave none to tell the story ». Genocide in Rwanda, Human Rights Watch, Bruxelles, 1999. 45 G. Verhofstadt, P. Mahoux, Commission parlementaire sur les évènements au Rwanda. Rapport fait au nom de la commission d’enquête par MM Mahoux et Verhofstadt, Sénat et Chambre des Représentants de Belgique, session 1997-1998, 6 décembre1997. 46 Note de politique générale du gouvernement sur la participation belge aux opérations de maintien de la paix, Sénat et Chambre des Représentants de Belgique, session 1997-1998, 28 janvier 1998.

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La décision de s’engager dans une opération des Nations Unies47 doit résulter d’une analyse opérée par le Gouvernement des facteurs militaire, humanitaire et politique qui peuvent en découler. C’est dans cette optique que la Belgique identifie les conditions « pour que la sécurité des troupes soit garantie de manière maximale et que les chances de réussite de la mission soient optimalisées » : • Chaque détachement devra recevoir, pendant le temps nécessaire, un entraînement

spécifique à sa mission, au niveau des règles d’engagement, des comportements à adopter sur place, ainsi qu’un briefing complet sur la situation du pays vers lequel le contingent sera envoyé ;

• Le mandat, ainsi que les règles d’engagement doivent être clairs, et ce pour tous les niveaux de la chaîne décisionnelle ;

• La préparation des cadres militaires ne doit pas souffrir d’empressement ; il convient de les former aux procédures budgétaire, financière, administrative et logistique des Nations Unies ;

• Les détachements envoyés en missions doivent pouvoir disposer de tous les moyens opérationnels modernes. Ceci constitue pour le gouvernement belge une condition nécessaire à la participation à une opération ;

• Concernant l’armement, l’option minimaliste consiste à posséder un armement

équivalent à celui des belligérants potentiels. En outre les unités belges « se réservent le droit d’acheminer sur place tous les systèmes d’armement jugés nécessaires ou utiles à leur propre sécurité48. » Et, d’ajouter qu’en cas de légitime défense, les unités doivent avoir le droit de répondre avec toute la palette d’armements disponibles ;

• Un plan d’évacuation, ainsi qu’un « scénario catastrophe » doivent être prévus et portés à la connaissance de tous les échelons de la hiérarchie ; Sur le terrain, les responsables de la mission doivent avoir la possibilité d’interpréter leur mandat, ainsi que les règles d’engagement « si ceux-ci ne sont pas clairs pour que l’on puisse réagir à la situation49 » ;

• Les conseillers en droit des conflits armés utilisés, doivent être non seulement qualifiés, mais également aptes à communiquer et à fournir des explications au personnel sur le terrain ;

Dans la perspective de missions ultérieures, il est prévu d’effectuer, après chaque opération, un débriefing, dont les conclusions seront traduites en directives opérationnelles. Un groupe de travail de la Commission des Affaires étrangères du Sénat suivra les développements de chaque mission à laquelle participe la Belgique et en informera le Parlement.

47 Les mêmes règles s’appliqueraient à d’éventuelles opérations menées par l’OSCE. Pour les actions sous l’égide de l’OTAN ou de l’UEO, le contrôle politique est assuré selon les règles de fonctionnement de l’organisation concernée. 48 Sénat et Chambre des Représentants de Belgique, Note de politique générale du gouvernement sur la participation belge aux opérations de maintien de la paix, session 1997-1998, Bruxelles, 28 janvier 1998. 49 Sénat et Chambre des Représentants de Belgique, idem, session 1997-1998, Bruxelles, 28 janvier 1998.

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1.4. Alliances et coopérations internationales

1.4.1. L’UE et le développement de la PESD

Deux idées forces peuvent être dégagées pour comprendre la position défendue ces dernières années par la Belgique quant au processus de mise en place d’une Politique européenne de sécurité et de défense. D’une part, la politique belge vis-à-vis du développement de l’intégration européenne en général, et en matière de défense en particulier, s’articule autour de la conception que si l’Europe n’est pas destinée à devenir une puissance mondiale au sens classique du terme, il n’en reste pas moins qu’elle deviendra un « véritable ensemble politique fondé sur la solidarité et une destinée commune50. » D’autre part, la politique défendue par Bruxelles est définie par le caractère avant tout européiste et volontariste de la Belgique à l’égard des grands dossiers européens tels que la monnaie unique, la justice et les affaires intérieures et la PESD. Enthousiasme cependant pondéré sur les questions de défense, par le leitmotiv voulant qu’aucun développement d’une capacité européenne de sécurité et de défense ne puisse remettre en cause la pérennité du lien transatlantique. Ainsi, les récents développements en la matière, tels que la mise en place de manière définitive des comités politique et militaire et l’établissement de la force de réaction rapide européenne pour 2003, ne constituent pas pour Bruxelles un aboutissement en soi. Aux yeux de la Belgique, il faut aller plus loin51, tout en tenant compte des sensibilités, des spécificités et des objectifs nationaux et en ne remettant pas en cause le lien transatlantique52. Il n’en reste pas moins que dans le cadre du Headline goal53, la Belgique a été le premier Etat à déposer un document détaillé sur les contributions pouvant être apportées lors de la réunion informelle des ministres de la défense de l’UE, qui s’est tenue à Sintra (Portugal), le 28 février 2000.

50 L. MICHEL, La nouvelle politique étrangère belge entre diplomatie et éthique. Discours de M. Louis Michel, Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères, à l’occasion de la séance inaugurale de l’année académique 2000-2001 de l’université des aînés, 28 septembre 2000. 51 Concrètement cela se traduit par la nécessité, de l’avis de Bruxelles, d’insérer la PESD dans le deuxième pilier, et non dans un hypothétique quatrième pilier. Egalement, par le désir de voir le COPS pouvoir gérer des crises de manière effective et de pouvoir bénéficier d’une certaine autonomie de décision. 52 G. VERHOFSTADT, Intervention lors du colloque du Ministre de la Défense A. FLAHAUT sur le concept de convergence, Bruxelles, 28-29 mars 2000. 53 Le Headline goal, ou Objectif global du Conseil européen d’Helsinki (10 et 11 décembre 1999), consiste à ce que l’UE soit en mesure, en 2003, de déployer en soixante jour et sur une durée au moins égale à un an une force de réaction rapide de 50.000 à 60.000 hommes sur la base de moyens mis à disposition par chaque pays. Cette force devra être autonome.

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La contribution belge dans ce cadre sera équivalente à son statut au sein de l’UE (3% des moyens engagés). La volonté est de privilégier la garantie d’un engagement qualitatif, et non de s’aventurer dans des projets de contributions trop ambitieux qui ne pourraient être respectés. Tableau 1. La contribution belge dans le cadre du Headline goal Opérations courtes (Max. 6 mois) Opérations longues (plus de 6 mois) Force terrestre

Une brigade mécanisée (3000 hommes), comprenant infanterie, blindés, artillerie, génie, services logistiques et médicaux.

Force d’intervention comprenant un ou deux bataillons (400 à 800 hommes) ; Un élément de la brigade para-commando.

Force aérienne

Une escadrille de 12 avions de combat F-16 ; Onze avions de transport C-130 Hercules ; Deux Airbus A-310.

Marine Une flottille de deux frégates ; Six chasseurs de mines ; Un bâtiment de commandement et de soutien.

Une frégate ; Un navire de soutien ; Trois chasseurs de mines.

Ces engagements s’accompagnent de prises de position du Ministère belge de la Défense qui renforcent le sentiment d’un certain volontarisme concernant le développement de la PESD. Bruxelles insiste notamment sur la nécessité d’harmoniser les planifications d’acquisition de matériel, pour aboutir, à terme, à une véritable intégration54. Le désir a également été exprimé par le Ministère de la Défense de voir se développer des synergies, ainsi que des coopérations dans les domaines du renseignement, de la surveillance et du commandement et contrôle55. Enfin, la volonté de lancer le débat sur la nécessité de réaliser un Livre blanc européen de la défense, montre l’importance qu’accorde Bruxelles à une harmonisation des politiques de défense de Etats membres de l’UE. Cette initiative ministérielle s’est traduite concrètement par la présentation d’une étude comparative des documents officiels des quinze Etats membres56 lors d’une conférence de haut niveau, suite à laquelle la décision a été prise d’approfondir cette problématique au sein de l’Institut d’Etude de Sécurité de l’UE (l’ancien Institut de l’UEO transféré à l’UE).

54 A. FLAHAUT, European defence. The concept of convergence, Bruxelles, 28-29 Mars 2000. 55 A. FLAHAUT, Discours inaugural de rentrée académique de l’IRSD, Bruxelles, 21 septembre 2000. 56 A. DUMOULIN, R. MATHIEU & V. METTEN, op. cit., Sécurité et stratégie, décembre 2000.

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Abordons succinctement la présidence belge de l’UE du 1er juillet au 31 décembre 200157 sous l’aspect des objectifs initiaux du Ministère de la Défense et de leur réalisation. L’analyse exhaustive des résultats de la Présidence belge en matière de défense dépasse clairement le mandat de notre étude. Néanmoins, certaines conclusions, éclairantes quant à la position et aux aspirations belges dans le champ de la défense européenne, peuvent en être extraites.Si les attentats du 11 septembre 2001 ont fait passer au second plan la Présidence belge, il n’en reste pas moins qu’en matière de défense, les attentats survenus sur le sol américain se sont traduits par une prise de conscience de la part des Etats membres de l’Union de la nécessaire coopération dans le cadre de la lutte contre des réseaux transnationaux terroristes. Cette coopération a, entre autres, débouché sur un aboutissement du projet de mandat d’arrêt européen. Concernant la dimension extérieure de l’Union, la Belgique entendait « poursuivre les efforts entrepris en vue d’améliorer l’efficacité et la cohérence de l’action extérieure de l’UE et de ses Etats membres58. » Pour le développement d’une politique de défense commune, Bruxelles s’est basé sur deux acquis : d’une part, les instruments prévus par le Traité d’Amsterdam59 et, d’autre part, les structures mises en place par le Traité de Nice60. En matière de défense, six priorités ont été soumises (de manière bilatérale) aux quatorze partenaires : • Les relations entre l’OTAN et l’UE dans le cadre de l’aptitude opérationnelle ; • Les capacités militaires ; • L’opinion publique ; • L’information des assemblées parlementaires ; • La question de l’élaboration d’un « Livre blanc européen sur la défense »; • Les questions de santé. L’examen de ces priorités met en évidence la sensibilité belge concernant la défense européenne. L’analyse des résultats obtenus dans ces domaines, si elle doit être pondérée par les événements du 11 septembre, reste cependant positive. 57 Pour une analyse approfondie, voir : A. DUMOULIN, Bilan de la présidence belge de l’Union Européenne : la dimension défense, dans Défense, n°97, IHEDN, Paris, janvier-février 2002. 58 P. MAHOUX et H. DE CROO, La présidence belge du Conseil de l’UE, Rapport fait au nom du Comité d’avis Fédéral chargé des questions européennes, Sénat et Chambres des Représentants de Belgique, 8 mars 2001. 59 Les modifications institutionnelles les plus relevantes apportées par le Traité d’Amsterdam en matière de défense sont : la création au sein du secrétariat général du conseil de l’Unité de planification de la politique et d’alerte rapide (UPPAR), l’apparition d’un poste de Haut Représentant pour la PESC et l’intégration des missions de Petersberg (art. 17) au Traité. 60 A savoir le Comité politique de sécurité (COPS) composé d’ambassadeurs de chacun des Etats membres, il traite de tous les aspects de la politique européenne de sécurité et de défense. En outre, il exerce un contrôle politique et la direction stratégique d’une éventuelle opération. Le Comité militaire, composé de délégués permanents des chefs d’état-major des Armées des différents Etats, il donne des avis militaires et formule des recommandations destinées au COPS. L’état-major militaire, composé d’une centaine d’officiers, son rôle est l’alerte rapide, l’analyse de situation, la planification stratégique pour les missions de Petersberg. Il est également en charge de l’identification des forces qui seront engagées sur un théâtre d’opération.

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Concernant le renforcement des capacités militaires, la Belgique se réjouit du chemin déjà parcouru depuis la première conférence sur les capacités de novembre 2000. Et la présidence belge d’ajouter que, malgré les avancées quantitatives et qualitatives enregistrées, des efforts devront cependant être menés afin que l’Union puisse devenir pleinement opérationnelle. Notamment au travers de la poursuite des travaux en matière de prévention des crises ainsi que les aspects civils de la prévention des crises et l’amélioration des capacités militaires et policières61. En ce qui concerne le lien transatlantique, la Belgique, membre fondateur de l’OTAN et de l’UE, accorde une importance particulière à l’harmonie des relations entre les deux institutions. L’émergence actuelle de l’UE en tant qu’acteur opérationnel, par la reprise à l’UEO de la capacité de gérer le volet militaire d’une crise, pose de nombreuses questions sur la nature de ces relations dans le futur. Le Sommet de Laeken ayant scellé officiellement le caractère opérationnel de l’UE, la Belgique a réaffirmé la compatibilité entre les deux institutions, tout en insistant sur leur nécessaire coopération. Dans cette perspective, Bruxelles espère une clarification du principe de l’accès automatique de l’UE aux moyens de l’OTAN. Concernant le projet d’élaboration d’un « Livre blanc européen sur la défense », il a été décidé que l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’UE mènera des travaux en coordination avec un panel d’experts représentant les Etats membres en vue de présenter un document, type « Rapport Brahimi », au Conseil rassemblant les lignes de convergences en matière de défense des Etats membres. L’information des assemblées parlementaires a fait également l’objet d’un suivi lors de la Présidence concernant, notamment, les développements de la PESD et la gestion des crises. Pour l’information du grand public, la présidence belge a rappelé la nécessité d’une plus grande information d’une population qui est, et sera amenée, à contribuer financièrement au développement d’une PESD. Enfin, les questions de santé liées aux opérations militaires ont fait l’objet de prises d’initiatives visant, notamment, la mise en œuvre d’un échange efficace et sécurisé des informations.

1.4.2. L’UEO

La Belgique compte parmi les membres fondateurs de l’UEO, organisation issue du Traité de Bruxelles signé en 1948, et considéré comme le « phénix de la défense européenne, ayant eu à renaître à plusieurs reprises de ses cendres62. » La position de Bruxelles vis-à-vis de l’UEO a souvent été de se montrer favorable aux diverses relances de son histoire.

61 Voir Présidence belge de l’UE, Bilan de la présidence belge de l’UE, 20 décembre 2001. Disponible sur www.eu2001.be 62 Pour une étude approfondie, voir : A. DUMOULIN & E. REMACLE, L’Union de l’Europe Occidentale. Phénix de la défense européenne, Etablissement Bruylant, 1998.

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Ainsi, en 1984, la Belgique figurait parmi les Etats favorables à l’octroi de plus de compétences opérationnelles en faveur de l’organisation, tout en gardant le projet d’une intégration de l’Identité Européenne de Sécurité et de Défense63 au sein de l’UE64. Lorsque la Belgique occupa la Présidence du Conseil de l’UEO, entre le 1er juillet et le 31 décembre 1996, sous le gouvernement Dehaene, le Premier ministre, le Ministre de la Défense et le Ministre des Affaires étrangères avaient trois objectifs. Le premier à été la poursuite du développement opérationnel de l’organisation, qui s’est traduite par l’examen d’un usage conjoint des éléments de forces multinationales de type FRUEO d’une part, ainsi que par la création de l’Organisation de l’armement de l’Europe occidentale (OAEO) d’autre part65. Le second la contribution à l’action humanitaire et au maintien de la paix en Afrique, pour laquelle le Ministre de la Défense de l’époque66a regretté l’écart entre « le soutien théorique de l’UEO au maintien de la paix en Afrique et l’attentisme, puis l’inaction dont elle fit preuve face à la situation humanitaire à l’Est du Zaïre.67 » Enfin, un troisième a été le souhait d’engager l’organisation dans le domaine de la lutte contre les mines anti-personnel, pour laquelle l’UEO décida d’assurer la coordination. La décision prise lors du Conseil européen de Cologne de juin 1999 de récupérer les fonctions et compétences de l’UEO nécessaires à l’UE pour assumer ses responsabilités dans le cadre des missions de Petersberg, ne laissera plus à l’UEO que le statut de gardien de l’article V du Traité de Bruxelles68. Pour la Belgique, l’intégration des différents organes de l’UEO au sein de l’UE ne peut constituer qu’une étape d’un processus qui pourrait aboutir, à terme, à l’intégration de l’article V dans l’UE. En outre, concernant l’avenir de l’Institut d’Etudes et de Sécurité de l’UEO, Bruxelles était favorable à son rattachement à l’unité politique du Conseil. Enfin, la Belgique défendait également l’intégration du Centre satellitaire de Torrejon au sein de l’UE69.

63 Suivant le concept d’Identité européenne de sécurité et de défense, tel que développé par l’UEO à La Haye en 1987 et ensuite repris par l’OTAN. Voir : D. COLLINS, Pour une Europe ambitieuse. Interview de l’Amiral Viriot, dans La Belgique militaire, N°2783, 2001. 64 A. DUMOULIN, La Belgique et la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), dans Courrier hebdomadaire du CRISP, N°1700, 2000. 65 L’OAEO, a été créée à Ostende le 19 novembre 1996. C’est un organisme subsidiaire de l’UEO, au sein duquel les pays du Groupe d’Armement de l’Europe Occidentale (GAEO), organe subsidiaire l’UEO chargé de la coordination en matière d’armement) se trouvent, sur pied d’égalité, chargés de gérer les activités de recherche technologique menées dans le cadre du GAEO. 66 Ndlr : Jean-Pol PONCELET (PSC). 67 Jean-Pol PONCELET cité dans : C. FRANCK & D. HERMANS, L’UEO et la présidence belge du second semestre 1996, dans Courrier hebdomadaire du CRISP, N°560-1561, 1997. 68 Ainsi que du GAEO et de l’OAEO. 69 A. DUMOULIN, La Belgique et la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), dans Courrier hebdomadaire du CRISP, N°1700, 2000.

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De par son désir d’une intégration maximale des organes de l’UEO70 au sein de l’UE, ainsi que d’une intégration de l’article V dans l’UE, la Belgique affiche un positionnement ne laissant pas de doute sur sa volonté de voir se développer une politique européenne de sécurité et de défense à partir du transfert des organes de l’UEO, même si cette option peut faire figure de « second best » en regard d’une PESD qui se développerait d’elle même au sein de l’Union.

1.4.3. L’OTAN : le positionnement belge face à la n ature du lien transatlantique

Les ambitions européennes en matière de sécurité et de défense ne peuvent, pour Bruxelles, être incompatibles avec le lien transatlantique. Constatons néanmoins, que du point de vue des Affaires étrangères, ce lien, aussi indispensable soit-il, doit « respecter l’émergence nécessaire d’une politique européenne de défense, prolongation naturelle de son identité politique. Cette nouvelle dimension de l’identité européenne est d’ailleurs nécessaire à la pérennité de l’Alliance atlantique71. » La collaboration entre les deux structures ne pouvant empêcher la PESD d’avoir son espace d’autonomie, de jugement et de planification. De son coté, le Ministère de la Défense estime que « l’Europe et les Etats-Unis sont indissociablement liés », et que « l’OTAN restera la pierre angulaire de notre sécurité militaire. » Et de rappeler que « la défense collective définie par l’article 5 du Traité de l’OTAN reste l’expression par excellence de la solidarité atlantique et du lien entre Européens et Américains. La primauté de l’OTAN dans la défense du territoire de l’Alliance est toujours intégralement valable. » Toutefois, le Ministère précise que « le souhait du maintien de l’engagement des Etats-Unis ne signifie pas pour autant qu’il faille se soumettre à une hégémonie de ce pays72. » Pour le contrebalancer, il est souhaitable, selon Bruxelles, de renforcer la dimension européenne au sein de l’OTAN sans qu’il y ait de tensions entre « l’Identité Européenne de Sécurité et de Défense (IESD) au sein de l’OTAN et les efforts entrepris par les Européens eux-mêmes pour mettre en œuvre une capacité conjointe dans le cadre d’une politique de sécurité et de défense européenne. » Globalement, Bruxelles défend une position dans laquelle l’IESD et la PESD trouvent leur raison d’être, dans le cadre d’un renforcement des moyens européens de sécurité et de défense et dans un esprit de complémentarité avec le lien transatlantique.

70 Sur cette question la position belge diffère sensiblement de la position néerlandaise qui à longtemps préféré l’option de l’utilisation de l’UEO comme « relais » entre l’UE et l’OTAN. Pour la perception néerlandaise, cfr. Point 3.4.2. de la présente étude. 71 Discours de L. MICHEL, Présentation du budget 2001 des Affaires étrangères, Commission des Relations extérieures de la Chambre, 17 novembre 2000. 72 A. FLAHAUT, op. cit., Bruxelles, mai 2000.

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1.5. Budget, personnel et équipement

1.5.1. Le budget

C’est dans le cadre du « Plan d’investissement pour la défense et la sécurité » (IDS), développé dans le « Plan stratégique 2000-2015 », que la Belgique définit ses futures orientations en matière de budget. L’analyse d’un budget militaire peut s’effectuer de diverses manières. La méthode d’analyse que nous emploierons se basera sur la comparaison des ressources allouées au trinôme investissement, fonctionnement et personnel.

L’idée force du Plan d’investissement belge est que ce dernier s’inscrit, ou s’inscrira tôt au tard, dans une perspective européenne. A l’instar des exigences européennes en vigueur pour la mise en place de la monnaie unique, la création d’une future PESD nécessitera de la part des Etats membres un niveau minimum de dépenses en matière de défense. Figure 1. Evolution du budget de la défense en pour cent du PIB73

C’est avec cette vision européiste que, suite à sept années consécutives de gel budgétaire, la Belgique a décidé, le 12 octobre 1999, d’indexer le budget de la Défense nationale pour la période 2000-2005. L’objectif pour Bruxelles est de pouvoir répondre au rôle dévolu aux forces armées belges au sein de l’Alliance et de l’Union au moyen du Plan IDS (que les décisions budgétaires d’octobre 1999 rendent possible sur le moyen terme). Le plan sera prolongé par un Objectif d’Investissement pour la Défense et la Sécurité (OIDS)74, pour le long terme, qui permettra de couvrir la totalité des besoins des forces armées. En matière d’investissements, Bruxelles entend « plaider partout où ce sera possible, et plus spécialement auprès de ses voisins, pour l’achat commun d’équipements plus lourds ou plus sophistiqués75. » Les coûts inhérents à l’achat de matériel de dernière génération ne permettront plus à la Belgique d’effectuer un remplacement unitaire. 73 Sources : éditions successives du Military Balance. 74 Voir Annexes. 75 A. FLAHAUT, op. cit., Bruxelles, mai 2000.

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Les futurs investissements se caractériseront par leur continuité, résultant de l’identification des besoins à long terme.Ils viseront également à assurer la sécurité du personnel des forces armées et privilégieront les domaines dans lesquels la Belgique est traditionnellement spécialisée de manière à éviter un isolement ou un remplacement de matériel ne permettant pas une plus value optimale. En termes budgétaires, la réalisation de l’OIDS, représentera une moyenne d’ordonnancement de 413.982.186 euros par an. En outre, durant la période préparatoire (2000-2005), 550.323.624 euros par an d’ordonnancement seront nécessaires en régime. Les dépenses en matière de personnel diminueront à terme grâce à une réduction des effectifs à 39.500 personnes pour l’année 2015, la marge budgétaire ainsi dégagée permettra d’atteindre un niveau d’investissement supérieur. Les dépenses en personnel non liées au fonctionnement vont diminuer de 1,38 à 1,16 milliards d’euros en 2015. A cette date, les dépenses en personnel représenteront environ 45% du budget total, les dépenses en fonctionnement et les dépenses en investissement représenteront respectivement 25% et 30%. Enfin, concernant les dépenses liées au fonctionnement, les estimations prévoient une diminution de 17.352.546 euros à partir de 2001 et de 42.141.899 euros à partir de 2005. Le volet fonctionnement sera ainsi ramené à 557.760.430 euros en 2015. Dans l’avenir, le budget de la Défense nationale devrait tourner autour des 2.498.766.729 euros par an sur quinze ans, ce qui reste relativement proche des 2.481.414.182 euros prévus. Nous ne constatons pas une augmentation démesurée du budget de la défense, et de l’avis du Ministère, l’OIDS reste réalisable moyennant un ajustement continu et un suivi attentif des paramètres qui régissent la faisabilité budgétaire. Toutefois, l’annonce faite le 10 octobre 2001 par le Ministre des finances d’une réduction du budget de la Défense nationale, fait craindre au Ministre Flahaut de se trouver de nouveau confronté à l’obligation de faire des économies importantes et récurrentes qui pourraient nuire au caractère opérationnel de l’armée. Ainsi, lors du dernier contrôle budgétaire, l’enveloppe prévue pour la modernisation a été réduite de 12,39 millions d’euros. Ce montant sera transféré en 2002. En outre la diminution des crédits budgétaires à concurrence de 24,79 millions d’euros devrait être compensée par les recettes générées par la vente de biens et de matériel76. Il est cependant évident que la vente de matériel excédentaire et de bâtiments ne parviendra pas à résorber la diminution budgétaire envisagée ; le Ministre en semble conscient quand il rappelle : « à l’issue du conclave budgétaire j’ai préféré signaler à mon collège du Budget qu’il risquait d’y avoir des problèmes dans le futur si des efforts considérables77 étaient encore demandés à la défense78. »

76 Concernant les bâtiments, il y a un projet de vente à la ville d’Anvers de bâtiments hospitaliers qui devraient rapporter 6,5 millions d’euros à la défense. Concernant le matériel excédentaire (mobilier, vêtements, camionnettes, motos,…), une liste du matériel excédentaire est disponible sur le site Internet des forces armées. A l’heure actuelle (avril 2002), cette vente a rapporté 188.399 euros. 77 En matière budgétaire, ndlr. 78 Chambre des représentants de Belgique, Commission de la Défense nationale, Compte Rendu Intégral des Débats, CRIV 50 COM 614, 12 décembre 2001.

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La bonne réalisation de tous les aspects du Plan stratégique ne saurait cependant souffrir de nouvelles réductions budgétaires. La Belgique est en effet engagée à la fois dans un ambitieux plan de refonte de ses structures, et dans de coûteux programmes d’achats. Le Ministère de la Défense devra donc gérer au mieux son budget, en espérant ne pas faire les frais d’une coupe supplémentaire.

1.5.2. Le personnel

Afin de pouvoir répondre aux engagements internationaux approuvés par le Gouvernement et le Parlement, ainsi qu’aux missions qui en découlent, le capital humain des forces armées belges fera l’objet, d’ici l’horizon 2015, de nombreuses restructurations. La réalisation de ces dernières sera pondérée, d’une part, par le potentiel de recrutement du marché du travail et, d’autre part, par les moyens budgétaires devant respecter l’équilibre 50-25-25 entre le personnel, le fonctionnement et les investissements mis à la disposition du Ministère. Figure 2. Evolution du volume du personnel entre 1994 et 200179

Le suivi du Plan Bear 9780, entamé en 1993, constitue le premier objectif de la politique du personnel du « Plan de restructuration 2000-2015 ». La normalisation des structures internes passera par un rééquilibrage consistant à résorber le surnombre en sous-officiers en le compensant par des recrutements dans les catégories déficitaires (volontaires et civils), tout en restaurant une pyramide des âges compatible avec les ambitions opérationnelles définies. La finalisation du dossier sur le statut de la réserve volontaire81 devrait en outre permettre de conserver le lien essentiel Armée-Nation que la suppression de la conscription a tendance à étioler.

79 Sources : éditions successives du Military Balance. 80 Voir : L. DELCROIX, Livre blanc 1994, Ministère de la Défense Nationale belge, 1994. 81 La Belgique est en effet engagée à mettre certaines unités à disposition de l’OTAN, en ce compris leur partie mobilisable sur le pied de guerre. Le besoin total en réservistes consiste en 29.290 fonctions réparties en 8.600ex-militaires du cadre actif, 6.425 réservistes volontaires et 14.265 miliciens.

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L’amélioration de la politique de recrutement, tant pour le futur personnel civil que militaire (diminution du temps de sélection), la mise en place d’une structure de direction de la formation, l’instauration et le renforcement des mesures d’accompagnement médical, psychologique et social des militaires et des familles constituent les décisions les plus visibles prises par le Ministère afin de rendre la carrière plus attractive. Concrètement, l’objectif du Plan stratégique est une réduction de 11,44% du personnel, soit un passage de 44.500 (47.350 unités temps plein) à 39.500 pour le premier janvier 2015. En outre, le rapport actuel entre le personnel engagé dans des fonctions opérationnelles (46%) et dans des fonctions de soutien (54%) sera, idéalement, inversé. La révision du statut court terme82, ainsi que l’adoption de mesures favorisant le reclassement des catégories d’âges au-dessus de 40 ans seront mises par la création d’une enveloppe budgétaire temporaire spéciale. Cette dernière représente un budget de 0,13 milliards d’euros sur 4 ans réparti en deux volets : 0,03 milliard d’euros pour la mise en place du nouveau statut court terme, et 0,1 milliard d’euros pour les mesures d’accompagnement visant le millier de personnes se trouvant dans la « bosse » de la pyramide des âges. La restructuration, dans son volet personnel, doit permettre aux forces armées de remplir les engagements internationaux souscrits par le Gouvernement. Il n’en reste pas moins que cette réforme d’envergure devra se dérouler de manière linéaire, en privilégiant à la fois les départs volontaires, ainsi que les primes d’encouragement. En effet, le secteur des entreprises publiques belges se trouvant dans une phase de morosité (les restructurations à la poste et à la SNCB en sont deux exemples), il conviendra, de l’avis du Ministre de la Défense, de privilégier le dialogue entre toutes les parties. Notons enfin, qu’à l’instar du Grand-Duché de Luxembourg, l’idée a été évoquée de pouvoir recruter des citoyens non-européens au sein de la Défense nationale. Dans ce cadre les ministres belge et luxembourgeois de la Défense envisagent de comparer leurs travaux83. Mais, tout comme au Grand-Duché, la proposition ne semble pas avoir fait l’unanimité et à surtout fait l’objet de critiques de l’extrême droite flamande (Vlaams Blok)84.

82 Dans ce cadre, le Ministère a mis en place le projet MCEM (Militaire- Civil- Ex militaire), visant à faciliter le passage de la vie militaire à la vie civile de part des formations complémentaires et des primes. 83 Chambre des représentants de Belgique, Commission de la Défense nationale, Compte rendu intégral des débats, CRIV 50 COM 627, 15 janvier 2002. 84 A noter que dans ce débat, c’est l’Espagne qui fait figure de précurseur. En effet, le Gouvernement espagnol a donné son feu vert pour la présentation devant le parlement d’une loi qui permettrait aux résidents étrangers de joindre les forces armées espagnoles. Le recrutement se limiterait aux citoyens des pays ayant des « special and traditional historic and liguistic link with Spain ». Ces recrues, majoritairement d’Amérique latine représentent la majorité des résidents étrangers et leur incorporation ne devrait impliquer, de l’avis du Gouvernement Aznar, que des modifications structurelles et organisationnelles mineures. Spain to recruit foreign troops, dans Jane’s Defence Weekly, Vol 37, N°7, 13 février 2002.

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1.5.3. L’équipement

L’aspect équipement sera abordé selon les trois forces (terrestre, aérienne et marine), en analysant comment les renouvellements des équipements engagés par Bruxelles devraient permettre aux forces armées belges de satisfaire à leurs engagements internationaux. Nous nous tiendrons ici, pour l’essentiel, à la description des programmes concernant les équipements lourds, et entrant dans le cadre de la revue des moyens du « Headline goal85 ». Nous traiterons ainsi de la projection aérienne et navale, des systèmes d’armes aériens tirés à distance de sécurité, des moyens amphibies et aéronavals et de la mobilité terrestre et héliportée.

1.5.3.1. La Force terrestre

A l’avenir, la Force terrestre86 devra, d’une part, être capable de satisfaire aux missions classiques de défense du territoire national et allié, mais également d’honorer les nouvelles missions, incombant aux forces armées87. Pour ce faire, deux capacités clés seront l’apanage de la Force terrestre : une capacité mécanisée et une capacité aéromobile. C’est dans ce contexte qu’interviennent le glissement de trois brigades mécanisées incomplètes, vers deux brigades totalement équipées en personnel et en matériel, ainsi que la transformation de la brigade para-commando en une brigade aéromobile. L’accent sera également mis sur la standardisation et l’interopérabilité dès le stade de la conception et de l’expression des besoins dans le cadre européen et atlantique. L’actuelle capacité mécanisée (basée sur des véhicules blindés chenillés), sera orientée vers l’engagement rapide d’unités de combats légères, mobiles, uniformes et projetables. L’emploi d’armes de précision et à plus grande portée, un appui logistique simplifié par une standardisation maximale du matériel et l’utilisation de véhicules blindés à roues constituent les principales mesures visant à rendre la Force terrestre plus mobile, disponible et modulable. La capacité aéromobile se caractérisera par un degré élevé de disponibilité et de mobilité. Les unités seront équipées d’hélicoptères devant assurer à la fois le transport et l’appui feu. Equipées de véhicules leur assurant protection et mobilité, ces unités pourront également être engagées dans des opérations de soutien de la paix.

85 Voir infra. 86 Cfr. annexes pour le rééquipement de la Force terrestre à l’horizon 2015. 87 Cfr. point 1.3.1 de la présente étude.

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1.5.3.2. La Force aérienne

La Force aérienne disposera jusqu’en 2015 de 90 F-16 MLU (Mid Life Update)88, afin de remplir des missions de dissuasion, de défense aérienne, d’appui aux opérations au sol et de reconnaissance. L’expérience du Kosovo a mis en évidence le besoin d’armements de plus grande précision (introduction de kit laser pour les bombes MK-82), ainsi que d’appareils adaptés au vol de jour comme de nuit et de tous temps89. Concernant, la flotte des avions de chasse, un débat est actuellement en cours sur le choix que fera le gouvernement belge sur le successeur du F-16. Cette problématique est à replacer à la fois dans le contexte européen et du Bénélux. En effet, suivant l’échéancier défini dans le « Plan stratégique », les F-16 devront être remplacés après 2015. Mais à l’heure actuelle, le Ministère de la Défense n’a encore effectué aucune analyse comparative entre les successeurs potentiels90. La Belgique se trouve en porte-à-faux entre, d’une part, sa volonté de voir les matériels militaires européens devenir de plus en plus compatibles, de voir se développer une politique d’achat européenne et, d’autre part, le choix unilatéral du partenaire Bénélux néerlandais91, ainsi que d’autres pays européens pour le chasseur américain. De fait, si la Belgique veut garantir une uniformité au niveau de la capacité aérienne de combat, et que le choix du JSF se concrétise déjà dans plusieurs pays européens, l’acquisition de ce dernier sera alors inévitable. Dans ce cadre, il faut s’interroger sur la nécessité de prendre une décision rapide ; en effet, plus le Gouvernement tarde à négocier un « ticket d’entrée », plus le prix d’achat des appareils sera élevé92. En outre au niveau interne un report de choix peut traduire une certaine crainte de troubles au sein de la majorité ; en effet les écologistes flamands et wallons, ainsi que les socialistes flamands semblent moins partisans que les libéraux et socialistes wallons du maintien d’une capacité aérienne polyvalente au profit d’une augmentation de la capacité de transport stratégique. Avec l’amélioration des capacités des chasseurs, le transport stratégique constitue la deuxième nécessité pour la Force aérienne. A l’horizon 2015, la flotte de C-130, qui sort de révision, aura 40 ans. Ces derniers seront remplacés par l’Airbus A-400M93, dont la Belgique s’est engagée à acheter sept exemplaires et un huitième pour le Grand-Duché de Luxembourg94.

88 Le renouvellement de la flotte interviendra après 2015. A ce moment, la Force aérienne belge diminuera le nombre total de ses avions de combats. 89 En annexe la liste exhaustive des futures acquisitions de matériels de la Force aérienne. 90 Entre autres, le Joint Strike Fighter de Lockheed Martin, le Rafale de Dassault et le Typhoon du consortium Eurofighter. 91 L’impact que pourrait avoir la décision néerlandaise sur les coopérations Bénélux au niveau des Forces aériennes est analysé au point 5.4 de la présente étude. 92 Après 2010 le remplacement coûterait jusqu’à 35% de plus. 93 Le retrait de l’Italie du projet A-400M pourrait compromettre la suite du programme. En effet, si l’Italie annule sa commande, le coût unitaire des appareils devient moins supportable pour les autres nations qui participent au projet. En outre, la décision allemande de réduire sa commande initiale accentue d’autant plus l’impact négatif du retrait italien du programme A400M. Le seuil minimum pour que le programme soit économiquement viable est de 180 appareils (avec le retrait italien la commande atteint les 198 appareils). 94 Cette coopération belgo-luxembourgeoise est décrite dans la partie consacrée aux coopérations Bénélux.

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Concernant le reste de la flotte, les appareils légers utilisés pour les petites liaisons (Hawker Siddeley 748, Merlin, Falcon 20) seront remplacés par un seul type d’appareil (Embraer) d’une capacité d’une trentaine de passagers, ce qui entraînera des économies d’échelles pour les coûts d’entretien et de formation des pilotes et des techniciens. Enfin, à l’instar de celle de la Marine, la flotte d’hélicoptères de la Force aérienne sera renouvelée. Plusieurs successeurs sont envisagés pour l’Agusta : le Sikorsy S-70 Black Hawk, le Sikorsy S-92, le NH-90 de NH industries, le Cougar d’Eurocopter, et le EH-101 de EH industries95. Le NH 90 ayant été déjà choisi par sept pays alliés, il est certain que le choix de cet appareil présenterait l’avantage de garantir l’uniformité et l’interopérabilité.

1.5.3.3. La Marine

A l’image des deux autres forces, la Marine inscrit plus que jamais son avenir dans une perspective européenne. Etant la plus petite de l’OTAN, la Marine belge doit se positionner dans une perspective de coopération et d’intégration garante de sa survie. Les développements du programme d’acquisition de matériel vont en ce sens96. Concrètement, les trois frégates de la Marine belge (Wielingen, Westdiep et Wandelaar), ont plus de 20 ans de service. Néanmoins, ces dernières devront rester en fonction jusqu’à leur remplacement en 2015 par 2 navires d’escorte polyvalents. Avant cette échéance, les frégates, à l’instar des F-16 de la Force aérienne, seront l’objet d’un programme de modernisation devant s’achever en 2005. Ce plan de modernisation, visant à maintenir les frégates opérationnelles (en augmentant la rapidité de déploiement) tout en améliorant la qualité de vie du personnel navigant97, présente deux aspects majeurs. Le premier réside dans l’armement et l’équipement des frégates. Fin 2001, le radar détecteur de missiles anti-navires a été optimalisé, le système de sonar a été digitalisé et les trois frégates disposeront d’un tout nouveau système de détection des signaux électromagnétiques98. Les navires seront également équipés de deux détecteurs infrarouges travaillant en binôme et pouvant ainsi couvrir un rayon de 360 degrés, l’un pouvant faire de la détection et l’autre de la poursuite. Les systèmes de communications internes, externes, ainsi que tous les systèmes informatiques seront améliorés. L’armement se voit également modifié avec l’adoption, à l’instar de 13 autres pays de l’Alliance du missile anti-aérien Seasparrow, de nouvelles munitions (billes explosives) pour le canon de 100 mm, l’augmentation de la cadence de tir et le couplage du canon aux nouveaux détecteurs infrarouge.

95 G. TOREMANS, Army prepares for change, dans Jane’s Defence Weekly, Vol 3, 4 octobre 2000. 96 En annexe la liste exhaustive des futures acquisitions de matériels de la marine. 97 De l’avis des responsables militaires le principal problème de la marine est le vieillissement du matériel, les navires demandent beaucoup d’entretient et absorbent une grande part du budget. Voir : La marine Belge sera plus petite, mais plus efficace, dans Neptunus, Décembre 2001. 98 Modernisation des frégates, dernier lifting, dans Direct, N°27, 20 novembre 2001.

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Le deuxième aspect du plan de modernisation des frégates concerne le trinôme coque-machinerie-électricité. Ces modifications permettront aux frégates d’augmenter leur vitesse de pointe (la capacité des moteurs diesel passant de 16 à 20 nœuds). L’automatisation de certaines machines devrait en outre pallier au manque de personnel, et limiter la pollution causée par les navires. Concernant les chasseurs de mines tripartites, le programme de modernisation (CUP-CMT) s’effectuera en coordination avec les Pays-Bas. La modernisation comprendra le remplacement des systèmes de sonar, du CIC et des systèmes de dragage des mines. En outre, ces bâtiments, à l’instar des frégates, verront leur capacité de logement, leurs installations électriques et leurs générateurs améliorés. Ces adaptations devraient permettre de conserver les chasseurs de mines jusqu’en 2020. D’ici l’horizon 2015, il est également prévu d’acquérir un navire type Roll-on/Roll-off avec capacité autonome de chargement et de déchargement. Cette acquisition s’effectuera en coopération avec le Grand-Duché de Luxembourg qui financera 25% de la construction du navire de soutien logistique99. En outre, les chasseurs de mines passeront d’ici 2015 de 7 à 6, et seront l’objet d’un Capability Upgrade Program. Enfin, le remplacement des Alouettes devra se faire en tenant compte du choix des marines française, néerlandaise et allemande pour le NH-90, de manière à assurer un maximum d’interopérabilité100. Les choix faits par la Marine s’inscrivent dans une perspective de coopération internationale, tant européenne qu’atlantique. La Marine belge conserve son potentiel dans la chasse aux mines et intègre le concept de projection de forces avec le futur navire Roll-on/Roll-off. Enfin l’achat des futurs navires d’escorte multi-rôle pourrait créer de nouvelles synergies. Par exemple, si la France décidait l’achat d’un deuxième porte–avions nucléaire, elle ne serait probablement pas en mesure d’assumer financièrement la construction de navires d’escortes, ce que la Belgique pourrait lui fournir.

1.6. La structure des forces armées

C’est à l’aune de l’évaluation des transformations de l’environnement géostratégique101 que sont déterminés les principes politiques orientant les développements en matière de structure des forces armées. Durant la décennie écoulée, les forces armées belges ont fait l’objet de restructurations d’envergure : le retour des forces belges basées en Allemagne (FBA), la suppression du service militaire, le passage vers un état-major intégré (structure unique).

99 La construction de ce navire a été approuvée par le gouvernement le premier juin 2001. Ce dernier pourra accueillir plusieurs catégories de véhicules, de la Jeep légère au tank de combat ainsi qu’une unité chirurgicale parachutable et de 5 hélicoptères qui bénéficieront de trois pistes d’envol. The Belgian navy : small but efficient, dans Nato’s Nations and partners for peace, N°3, 2001. 100 De l’avis de l’Amiral de division M. Hellemans, Chef d’Etat-major de la marine, « L’achat d’un même type d’hélicoptère représente naturellement une économie considérable (…) Le NH 90 serait un choix logique étant donné que sept pays de l’OTAN ont marqué leur préférence pour ce type d’appareil. » La marine Belge sera plus petite, mais plus efficace, dans Neptunus, Décembre 2001. 101 Cfr. Point 1.1 de la présente étude pour la perception de l'environnent stratégique de la Belgique.

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Ces réformes ont été autant de réponses aux modifications radicales de l’environnement stratégique global, de la fin de la Guerre froide, ainsi qu’aux économies dues, entre autres, aux critères de convergence vers la monnaie unique. Sitôt le Mur de Berlin effondré, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer une réorganisation des forces armées belges102. Dès 1988, les propositions de restructurations affluent103. Le Plan Delcroix, entériné lors du Conseil des ministres du 3 juillet 1992 et adopté le 29 mars 1993, va constituer « la plus vaste restructuration des forces armées que le pays ait jamais connue depuis l’immédiat après-guerre104. » Les lignes générales du Plan Delcroix résidaient en une diminution de l’effectif des forces armées, avec comme corollaire, la suppression du service militaire obligatoire dès la levée de 1994, ainsi que le rapatriement des FBA. Au niveau budgétaire, une limitation à 2,18 milliards d’euros du budget de la Défense nationale était implémentée, et ce jusqu’en 1997 (croissance nominale zéro). Le Plan Delcroix montrera cependant rapidement ses faiblesses. L’augmentation du nombre de missions multinationales, ainsi que les exigences de standardisations qui leur sont liées, ne s’accordaient pas avec le gel des budgets. De plus, le rapatriement des FBA, ainsi que les procédures de dégagement visant à rééquilibrer la pyramide des âges posaient de nombreuses questions au niveau du reclassement du personnel. En 1996, Jean-Pol Poncelet succède à Léo Delcroix. Le bilan tiré des trois années du plan Bear 97 est mitigé, même si la plupart des réformes prévues ont été réalisées. Des problèmes importants subsistent essentiellement concernant le trinôme personnel-budget-investissement105. A la même époque, le chef d’Etat-major, l’Amiral Willy Herteleer, insistait déjà sur la nécessité de revoir le budget à la hausse, sous peine de voir les forces armées se retrouver dans une phase de crise aiguë106. En 2000, le Ministre de la Défense André Flahaut107, présente le « Plan stratégique 2000-2015 ». Dernière réponse en date, ce plan, qui constitue l’aboutissement d’un long processus de concertations et de discussions, est à considérer comme une vision commune partagée à la fois par le Ministre, les milieux politique et militaire. Celle ci se démarque clairement du plan Bear 97, pour lequel, à l’époque, les futurs développements que subirait l’environnement stratégique n’étaient pas aussi visibles qu’en 2000.

102 A. DUMOULIN, La restructuration des forces armées, dans Courrier hebdomadaire du CRISP, N° 1383-1384, 1992. 103 Entre autres : L’étude du lieutenant général Maurice Gysemberg de juillet 1988 ; l’étude du lieutenant général Charlier de décembre 1988 ; le plan d’investissement à moyen terme couvrant la période 1988-1992, de juillet 1989,… 104 A. DUMOULIN, Opération « Bear 97 ». L’armée belge en mutation, dans Les dossiers du GRIP, N° 189-190, 1994. 105 J-P PONCELET, La restructuration des forces armées. Bilan et perspectives, Ministère de la Défense nationale, Bruxelles 1996. 106 O. ALSTEENS, Herteleer chiffre le coût d’une armée de 40.000 hommes, dans Le Soir, 5 mars 1996. 107 André Flahaut (PS) est ministre de la Défense nationale depuis 1999

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Partant du constat que la structure actuelle peut être mieux adaptée aux situations nouvelles et futures, mais également de la nécessité d’une adéquation entre les aspects organisationnels et matériels. Tout ceci en égard aux risques et menaces pouvant se présenter à moyen et à long terme, et de la garantie d’un état de préparation suffisant, permettant de contribuer à d’éventuelles opérations. En tenant compte des futurs développements de la PESD, ainsi que de l’audit de l’UEO et des recommandations de la DCI de l’OTAN, le « Plan stratégique 2000-20015 » précise les trois principes de base pour la mise en œuvre et le fonctionnement plus efficient de l’organisation et la gestion des forces armées. • Premièrement, une structure commune pour toutes les forces est la règle et une

structure différenciée par force est l’exception. Concernant la structure unique108, le Ministère affirme que : « Les forces armées sont une. C’est pourquoi, il est logique que ceci soit la règle de base de la gestion et de la construction de l'organisation. L'unité de la gestion, tout comme l'unité de commandement, est un principe fondamental pour toute organisation. La méthode optimale pour la concrétisation de cet objectif est le développement d’une structure unique pour l’organisation109. »

• Deuxièmement, pour le Ministère de la Défense la maximalisation de la

coopération internationale constitue l’avenir des forces armées belges. Afin de répondre à ses engagements internationaux, la Belgique se voit dans l’obligation de satisfaire à des exigences élevées dans les domaines de la formation, de l’entraînement, du personnel et du matériel. La taille modeste des forces armées belges, combinée à ces exigences, pousse à la recherche d’accords de coopérations internationales visant à optimiser les ressources budgétaires, matérielles et humaines disponibles.

• Le troisième principe guidant la restructuration des forces armées belges, tout en ne constituant pas une finalité politique en soi, est la coopération civilo-militaire conçue comme instrument dans les tâches de gestion de crises et pour les missions opérationnelles. Cette coopération favorise une coordination visant une « harmonisation des différents mandats, des compétences disponibles entre les forces armées et les instances civiles110 », et ce dès le processus de planification d’une opération de paix. Ce souci se retrouve dans la note du Premier ministre, Guy Verhofstadt, concernant la Présidence belge du Conseil de l’UE, où s’exprime le souci de « veiller à faire progresser les travaux selon les priorités fixées par le conseil européen de Feira, elle accordera [la Présidence belge] une attention particulière à l’expérience et aux intérêts des ONG dans la matière111. »

108 Voir annexe pour l’organigramme de la structure unique. 109 A. FLAHAUT, op. cit., Bruxelles, mai 2000. 110 Le terme « instances civiles » ne se réfère pas uniquement aux organisations non gouvernementales (ONG), mais aussi à d’autres départements étatiques que la ceux de la Défense, des institutions, ou des entreprises privées. 111 G. VERHOFSTADT Note des priorités du Gouvernement belge pour la présidence Belge de l’UE, Sénat et Chambre des Représentants de Belgique, 2 Mai 2001.

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Toutefois, selon le Ministère de la Défense, la révision des structures nécessitera un changement des mentalités qui transcenderait le cloisonnement entre les différentes armes, « Le changement de mentalité doit amener chacun à viser l’efficacité et l’efficience des forces armées comme entité, sans raisonner en termes de compétences et de pouvoir112. » La future structure unique devra permettre aux forces armées de garantir les tâches clés (opérations et entraînements) avec une diminution globale du personnel. A cette fin, chaque activité sera unique et servira les différentes composantes des forces armées. Il y aura une distinction claire entre les tâches clés (activités core) et les tâches de soutien (activités corporate)113. Pour le Ministère de la Défense, le premier défi pour les forces armées belges « consistera à mettre sur pied des structures opérationnelles qui seront à 100% de leurs effectifs et de leur équipement, facilement modulables pouvant être rapidement déployées et qui seront capables de bien s'intégrer au niveau international. » Et d’indiquer qu’à l’heure actuelle, les trois brigades mécanisées sont aux deux tiers de leurs effectifs et de leurs capacités opérationnelles. « Il paraît donc opportun de refondre les trois brigades existantes en deux brigades opérationnelles disposant d’effectifs et d’équipements complets114. » Les engagements internationaux de la Belgique exigent la capacité de pouvoir fournir des contributions pendant de longues durées. En ce sens, il est essentiel d'axer la structure des forces armées sur la participation à des opérations de paix. Aussi est-il prévu « trois unités comparables […] : une unité qui se prépare à être envoyée, une qui est disponible, ou est envoyée, et une qui récupère. Cette systématique devrait être appliquée tant au sein des composantes terrestre et aérienne qu'au sein de la composante navale. » Concluons en affirmant que le Gouvernement belge semble, jusqu’à présent, rester fidèle au maintien d'une capacité terrestre, aérienne et navale au sein de ses forces armées, garantissant ainsi une plus grande flexibilité en matière de réponse aux crises. La structure unique ayant officiellement débuté en janvier 2002, il est encore trop tôt pour tirer un bilan de critique de sa mise en place. Nous pouvons néanmoins constater que dans la perspective d'une Défense européenne, ce choix « permet d'occuper une bonne position de départ lors de la participation aux négociations relatives aux missions et à la répartition des risques115. » Il n’en reste pas moins que ce ne sera que par l’entremise de structures complètes, mieux préparées, plus flexibles et utilisables de façon modulaire que la Belgique pourra continuer à prétendre à ses prérogatives.

112 A. FLAHAUT, op. cit., mai 2000. 113 Dans ce schéma, le core se trouvera dans une relation client-fournisseur par rapport au corporate. Les tâches clés seront dirigées à partir d’un commandement national commun. Ce commandement veillera en plus à ce que les activités le concernant se déroulent en concertation et en coordination avec les partenaires européens et autres (combined). Les tâches de soutien seront regroupées par domaines fonctionnels afin d’éliminer les redondances stratégiques, opérationnelles et d’exécution (joint). De plus, il est également prévu de rechercher dans les tâches de soutien comment collaborer avec les partenaires militaires (combined) et la société civile. 114 A. FLAHAUT, op. cit., mai 2000. 115 A. FLAHAUT, idem, mai 2000.

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Chapitre 2 Politique de sécurité et de défense du Grand-Duché de Luxembourg 116

2.1. Perception de l’environnement stratégique

C’est la géographie qui a sans doute eu le plus d’influence sur la perception qu’a le Grand-Duché de Luxembourg à propos de son environnement117. Sa position enclavée entre trois voisins de plus grande taille118, est le principal facteur explicatif des attentes et des actions du Grand-Duché vis-à-vis de son entourage. Toutefois, si le pays est enclavé, force est de constater qu’il n’est pas clos ; dès l’aube de son indépendance119, le Grand-Duché se tournera vers l’extérieur. Il entrera dans le Zollverein120 en 1842, pour le quitter au lendemain de la Première Guerre mondiale. Ensuite, il deviendra partenaire de la Belgique dans l’Union Economique Belgo-Luxembourgeoise (UEBL) en 1921. Ces quelques exemples montrent l’importance qu’accorde le pays à l’intégration au sein de structures supranationales. Cette attitude tient au fait que depuis son indépendance, le Grand-Duché a été, à deux reprises, le champ de bataille des armées de ses puissants voisins allemand et français. A cette époque, les préoccupations luxembourgeoises vis-à-vis de l’environnement stratégique visaient à éviter de se retrouver dans la situation« du grain de blé entre les meules française et allemande121. » La Guerre froide va modifier la lecture qu’a le Luxembourg de son environnement : le risque n’est plus, à présent, l’étau franco-allemand122, mais celui de se retrouver en premier rempart en cas d’une confrontation directe Est/Ouest. Ainsi, il n’est pas surprenant qu’en 1948, le Grand-Duché compte parmi les membres fondateurs du

116 Il n’existe pas de documents officiels récents, type livre blanc, exposant en tant que telle et de manière claire la politique de sécurité et de défense du Luxembourg. En outre, selon nos sources, si de tels documents devaient exister, ces derniers seraient classifiés. Cette absence de sources officielles disponibles va de pair avec une quasi-inexistence d’études scientifiques, récentes et exhaustives sur la politique de sécurité et de défense du Luxembourg au sens le plus large. Afin de pouvoir néanmoins appréhender quelques aspects de cette politique, nous avons dû multiplier nos sources. Dès lors, le lecteur devra se montrer indulgent envers le caractère hétéroclite et parfois non officiel de ces dernières. Concernant la perception actuelle de l’environnement stratégique, entendons post-guerre froide, nous avons pu nous baser sur les documents les plus récents mis à notre disposition par les autorités luxembourgeoises, qui sont les « Rapport d’activités 2000 », rédigé en mars 2001, ainsi que les dernières déclarations des Ministres de la Défense et des Affaires étrangères. 117 Le Grand-Duché de Luxembourg a une superficie de 2586 km², pour une population de 500.000 habitants. 118 L’Allemagne, la Belgique et la France. 119 C’est avec le congrès de Londres du 19 avril 1839, que le Grand-Duché acquiert sa forme actuelle en entrant dans le Confédération germanique. 120 L’« Union douanière allemande », est une association douanière entrée en vigueur en 1834 sous l’impulsion de la Prusse. 121 M. NIES-BERCHEM, Un petit pays face à l’Union politique : le cas du Luxembourg, dans Le Luxembourg face à la construction européenne, Centre d’études et de recherches européennes Robert Schuman, Luxembourg, 1996. 122 Les craintes luxembourgeoises vis-à-vis de l’Allemagne s’estompent avec l’adhésion de cette dernière à la CECA en 1951.

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Traité de Bruxelles123 et que le 4 avril de l’année suivante il le soit également pour le Traité de l’Atlantique Nord, pour lequel Joseph Bech affirmera, « we replace the illusionary security guarantees of our neutrality in the past by a strong and concrete guarantee provided by a collective and reciprocal system of defence against future aggression124. » Ainsi, lorsque le 15 février 1951, dans le cadre du plan Pleven, la France invitera les autres pays d’Europe à se pencher sur la question de l’édification d’une armée européenne, le Luxembourg sera de nouveau parmi les premiers pays à la table des négociations125. Depuis la fin de la Guerre froide, la lecture faite par le Luxembourg des évolutions de son environnement stratégique ne diffère pas de celle de ses partenaires occidentaux. Le constat est fait, tant pour la défense nationale, que pour les affaires étrangères qu’avec la chute du mur de Berlin, l’équilibre reposant sur la dissuasion réciproque a cédé la place à une situation caractérisée par l’instabilité. Pour les Affaires étrangères, « une fois levé le couvercle de la dissuasion, il est rapidement apparu que les anciennes lignes de fracture étaient encore vivaces sur notre continent, et que les plaies héritées du passé pouvaient se rouvrir à tout moment126. » Pour le Ministère de la Défense, l’exposé des motifs du projet de Loi de programmation financière militaire entre 1997 et 2001, indique que « la nouvelle génération de risques et de conflits auxquels l’Europe et la communauté euro-atlantique auront à faire face fait prévaloir que ce rôle se concentrera sur la participation à des opérations de rétablissement et de maintien de la paix. Ces opérations viennent s’ajouter aux missions traditionnelles de défense collective et de contribution à l’OTAN127. » Concernant l’UE, le constat est également fait que les changements fondamentaux intervenus dans l’environnement international ont conduit l’UE à assumer, sans doute plus vite que prévu, sa vocation d’être l’un des grands acteurs de la société internationale globale128. Comme nous le soulignions précédemment, l’inexistence d’un document global décrivant avec précision la perception luxembourgeoise de son environnement ne nous permet que cette lecture succincte. Notons que tant au niveau de la Défense que des Affaires étrangères, l’analyse faite se borne à rappeler que l’environnement s’est transformé, et que ces modifications appellent à des adaptations en matière de politique de défense et de sécurité.

123 Le Traité de Bruxelles est signé le 17 mars 1948, il porte sur la collaboration économique, sociale, culturelle et la légitime défense collective. Les signataires sont la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. 124 J. POOS, NATO will continue to evolve, dans NATO’s Nations, N°1, 1999. 125 La Communauté Européenne de Défense (CED) offrait au Luxembourg, dans le contexte de la guerre froide, des garanties quant à l’impossibilité d’un nouveau conflit franco-allemand, ainsi que la certitude, dans la mesure où l’Allemagne se ralliait au camp occidental, de ne pas à nouveau jouer le rôle de glacis entre deux camps adverses. 126 L. POLFER, Déclaration de politique étrangère 2000, Luxembourg, mars 2000. 127 Armée luxembourgeoise, Rapport d’activité 2000, Luxembourg, mars 2001. 128 L. POLFER, Déclaration de politique étrangère 2001, Luxembourg, mars 2001.

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2.2. Les concepts de sécurité et de défense

« Nous n’avons pas de culture de défense proprement dite129 » : c’est en ces termes que le Ministre Goerens introduisait une interview accordée au quotidien luxembourgeois Le Jeudi. Malgré cela, il est possible de dégager certaines lignes de forces de la politique de sécurité et de défense130 développée par le Grand-Duché. Tout d’abord, la politique étrangère du Grand-Duché se caractérise depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale par trois constantes : la fiabilité, la capacité d’évoluer dans la continuité et la cohérence de ses positions fondamentales131. En effet, depuis près d’un demi-siècle, les changements au sein du paysage politique, aussi importants soient-ils, ont eu plus d’influence sur le choix de nouvelles priorités politiques, sur la mise en œuvre de nouveaux moyens que sur la substance même des positions luxembourgeoises, même si « parmi certains partis de l’opposition les opinions divergent allant de l’opposition à l’Alliance et d’un pacifisme militant, à des attitudes interventionnistes en ex-Yougoslavie132. » Ainsi, après la Guerre froide, un large consensus s’est dégagé sur la possibilité offerte dans le Traité de Mastricht de développer et mettre en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune133. En outre, la législation de 1992 sur la participation du Grand-Duché à des missions de paix, ainsi que l’effort de 2,47 millions d’euros en aide humanitaire en Bosnie et en Croatie avait facilement passé l’étape parlementaire. En 1994, l’adhésion au Corps européen et la mise en place d’une politique de sécurité et de défense capable de prendre en charge à la fois la défense collective et les nouvelles missions ont également été accueillies favorablement. Plus récemment, les décisions prises à l’occasion des Conseils européens de Cologne, d’Helsinki, de Nice et de Laeken n’ont pas été remises en cause par la classe politique luxembourgeoise. Un consensus a également été atteint sur la décision du gouvernement de contribuer à « l’objectif global » d’Helsinki et par là même sur la participation de l’armée luxembourgeoise à la future force européenne de réaction rapide.

129 D. P. SOUM, Au service de la démocratie, dans Le Jeudi, 26 novembre 2000. 130 Au Luxembourg, une distinction nette s’opère entre les concepts de défense et de sécurité. Le premier est défini par rapport à tous ce qui touche à l’armée et aux engagements internationaux souscrits par le Luxembourg (OTAN, UEO). Le second englobe tout le reste : missions de Petersberg, PESC, lutte conte le trafic de drogue, contre le terrorisme… 131 R. LINSTER, Luxembourg, la fidélité aux engagements, dans P. BUFFOTOT (Dir.) La défense en Europe : nouvelles réalités, nouvelles ambitions, La documentation française, Paris, 2001. 132 R. LINSTER, Luxembourg, l’adhésion à l’identité européenne, dans P. BUFFOTOT (Dir.) La défense en Europe, La documentation française, Paris, 1994. 133 Lors de la ratification de juillet 1992, la majorité acquise dépassait largement celle de la coalition gouvernementale.

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Il n’en reste pas moins que le Luxembourg est un pays « sans véritable tradition militaire, sans culture de défense, sans industrie d’armement et qui dispose de ressources humaines très limitées134. » Constatons néanmoins que le Grand-Duché est parvenu à édifier une politique de défense reposant sur le principe de l’intégration dans des alliances multinationales tant à vocation militaire, que politique ou économique. Concrètement, cette politique repose sur deux piliers : l’intégration à l’Alliance atlantique et l’adhésion au processus de construction de l’Europe de la défense135. Le Luxembourg est par conséquent très présent sur la scène européenne et mondiale136 de par ses nombreuses participations à des forces internationales et son investissement réel dans le développement d’une PESD. Dans les Balkans par exemple137, la présence luxembourgeoise est réelle, dès 1992 avec BELBAT 1 (Baranja), BELUGA (Visoko), BELBUG (Tomislavgrad), BELUKOS et dernièrement BELUROKOS. Hors Balkans, les forces armées luxembourgeoises ont été présentes, entre autres, en Irak, lors de l’opération Provide comfort. Comme le souligne le chef d’Etat-major, le Colonel Lentz : « il serait tentant pour un petit pays comme le nôtre d’adopter la solution de l’Islande, qui apporte à l’OTAN un important soutien financier mais ne met aucune force armée à sa disposition. Le Luxembourg est un des membres fondateurs de l’UE, et je pense que dans l’esprit de notre gouvernement, il est inconcevable que nous participions aux efforts financiers liés à la défense sans en partager les risques sur le terrain138. » Toutefois cette affirmation doit être pondérée par le manque chronique de moyens humains dont dispose le Grand-Duché139 qui n’a en 2000 participé qu’à une seule opération de paix et qui, actuellement, « vu la pénurie d’effectif, n’est pas en mesure de participer à d’autres missions140. » Il n’en reste pas moins que le Luxembourg a clairement pris la décision de transformer son armée en une « armée européenne à vocation humanitaire », ce qui se traduit par une volonté d’ancrage des forces grand-ducales au sein des structures de l’UEO et de l’OTAN. Cette ambition est rappelée dans le programme gouvernemental : « la politique de défense, et par voie de conséquence, l’armée luxembourgeoise sont désormais rattachées au Ministère des Affaires étrangères. Cette décision est motivée par l’adaptation de la politique de sécurité et de défense à l’environnement international profondément modifié141. » Ainsi, au-delà des tâches traditionnelles qui lui incombent et des engagements pris au titre de l’Alliance atlantique, l’armée luxembourgeoise sera désormais amenée à assumer des missions nouvelles qui s’intègrent dans des opérations multinationales de gestion de crise et de maintien de la paix.

134 Roger LINSTER, op. cit., Paris, 2001. 135 L’articulation des politiques luxembourgeoises vis-à-vis de ces organisations fera l’objet du point 2.4 de la présente étude. 136 Armée luxembourgeoise, Rapport d’activité 2000, Luxembourg, mars 2001. 137 De par les rotations, toute l’armée luxembourgeoise a été amenée à servir en ex-Yougoslavie. 138 Luc VANGANSBEKE, Armée luxembourgeoise : intégration et coopération, dans VOX, N°4, avril 2001. 139 Cfr. Point 2.6.2 de la présente étude : Le personnel. 140 Armée luxembourgeoise, idem. 141 Gouvernement du Grand-Duché du Luxembourg, Le programme gouvernemental. Accord de coalition PCS/PDL, Luxembourg, 1999.

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Vis-à-vis de ses engagements européens et internationaux, et en réponse aux bouleversements survenus lors de la dernière décennie, le Luxembourg souhaite désormais mener une politique de sécurité active. Cette politique « devra être conçue en étroite coordination avec la politique étrangère pour appuyer la crédibilité d’une action en faveur de la paix et de la sécurité internationale142. » C’est dans cette optique que le gouvernement luxembourgeois a pris la décision de rattacher la politique de défense, et par voie de conséquence l’armée, au Ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur de l’Action humanitaire et de la Coopération. Pour les autorités grand-ducales, l’armée ne peut donc plus se contenter de tâches de défense du territoire national et allié. Elle est dorénavant amenée à s’acquitter de nouvelles missions s’intégrant dans le cadre des opérations multinationales de gestion de crise de maintien de la paix, ainsi que la gestion civile de crise. De ces éléments d’analyse, retenons que le Grand-Duché développe une politique de sécurité et de défense se basant sur la participation à des ensembles multinationaux, et que cette dernière se caractérise depuis plus d’un demi-siècle par sa constance. Enfin notons que le concept de « politique de sécurité active » introduit en créant un « super ministère », favorise l’utilisation d’instruments de gestion de crises autres que militaires et entraîne une redéfinition des missions des forces armées luxembourgeoises. 2.3. Les missions des forces armées La dernière énumération en date des missions incombant aux forces armées luxembourgeoises se trouve dans la Loi du 2 août 1997143. Ces dernières se déclinent, d’une part, sur le plan national et, d’autre part, sur le plan international. Sur le plan national, les missions des forces armées luxembourgeoises sont les suivantes : • Participation, en cas de conflits armés, à la défense du territoire du Grand-Duché ; • Protection des points et espaces vitaux du territoire national ; • Assistance aux autres administrations publiques et à la population en cas d’intérêt

public majeur et de catastrophes naturelles ; • Octroi aux volontaires d’une préparation à des emplois dans le secteur public ou

privé. Sur le plan international, les missions des forces armées luxembourgeoises sont les suivantes : • Contribution à la défense collective ou commune dans le cadre des organisations

internationales dont le Grand-Duché est membre ; • Participation dans le même cadre à des missions de maintien de la paix, de gestion

des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix ; • Participation à la vérification et au contrôle de l’exécution des traités

internationaux dont le Luxembourg fait partie. Au vu de ces missions, il apparaît que le rôle de l’armée luxembourgeoise sur le plan national ne se limite plus à être strictement défensif. Outre les deux premières

142 Gouvernement du Grand-Duché du Luxembourg, idem, Luxembourg, 1999. 143 Les textes de loi sont disponibles sur l’adresse Internet : www.gouvernement.lu

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missions, deux missions, l’une d’assistance en cas de catastrophe et l’autre de formation, élargissent le spectre des compétences des forces armées luxembourgeoises sur le sol national. Si la première ne nécessite pas de commentaires particuliers, la seconde illustre les difficultés auxquelles l’Armée luxembourgeoise est confrontée pour le recrutement d’effectifs, spécialement dans la catégorie des volontaires. La définition des missions internationales, telles que décrites dans la Loi du 2 août 1997, est également le signe d’une évolution dans les attributions de l’Armée. Outre la mission classique de défense collective, les forces armées luxembourgeoises se trouvent dorénavant amenées à remplir des missions à caractère humanitaire, ainsi que des missions de maintien, de rétablissement et d’imposition de la paix. Cette volonté politique de créer, selon les termes employés par le Ministre de la défense Charles Goerens, « une armée à vocation humanitaire144 » est motivée par le fait que, d’une part, une visibilité internationale ne se gagne qu’en remplissant ces nouvelles obligations et que, d’autre part, au-delà de la représentation, la sécurité nationale passe, dorénavant, par l’exécution de missions en dehors des frontières européennes et otaniennes. Sur le plan militaire, l’armée luxembourgeoise devra, si elle veut remplir ses nouvelles missions, augmenter ses capacités en moyens matériels et humains, en matière de formation et surtout de recrutement145. En outre, une mise à niveau des moyens dont disposent les forces armées luxembourgeoises est également indispensable pour la continuation de la politique développée par le Grand-Duché vis-à-vis des alliances et des coopérations internationales qui ne veut pas se cantonner à un rôle de contributeur financier.

2.4. Alliances et coopérations internationales

Comme nous l’explicitions précédemment, la politique étrangère du Grand-Duché de Luxembourg repose sur deux piliers incontournables. D’une part, un engagement en faveur de la construction et de l’intégration européenne, en ce compris le développement de la PESD, au sujet de laquelle le Premier ministre Jean-Claude Juncker affirmait dernièrement « que plus d’Europe est nécessaire (…), qu’il est évident que même les grands Etats membres de l’UE, sur un plan strictement diplomatique et de positionnement international ne sauront pas prendre en charge les intérêts de la communauté internationale à eux seul146. » Et, d’autre part, l’attachement à l’Alliance atlantique, qui, pour le Grand-Duché, reste « l’élément essentiel de la sécurité en Europe147. » Il n’est tant question ici d’opposition entre les deux organisations, que de complémentarité. Pour le Grand-Duché, tant l’UE que l’OTAN doivent contribuer ensemble, en se renforçant mutuellement, à la stabilité, à la sécurité et à la paix en Europe148.

144 D. P. SOUM, Au service de la démocratie, dans Le Jeudi, 26 novembre 2000. 145 Les réformes en matières de budget, personnel et équipement seront abordées au point 2.5 de la présente étude. 146 J.C. JUNCKER, Mes convictions pour l’Europe, Bruxelles, 15 mai, 2001. 147 Le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, Le programme gouvernemental : Accord de coalition PCS/PDL, Luxembourg, 1999. 148 Roger LINSTER, Luxembourg, la fidélité aux engagements, dans Patrice BUFFOTOT (Dir.) La défense en Europe : nouvelles réalités, nouvelles ambitions, La documentation française, Paris, 2001.

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2.4.1. L’UE et l’émergence de la PESD

La spécificité luxembourgeoise vis à vis de l’émergence d’une PESD au sein de l’UE peut être analysée au travers trois problématiques : la réforme institutionnelle, l’élargissement et la contribution à l’objectif global d’Helsinki. Bien que ces trois problématiques soient inextricablement liées, il nous paraît opportun de les analyser ici séparément. Tout d’abord dans le cadre de la réforme des institutions, le Luxembourg se fait l’avocat, au même titre que ses partenaires Bénélux149, d’une intégration des coopérations renforcées dans le deuxième pilier, tout en rappelant que « dans le domaine de la politique étrangère, l’unicité et la cohérence doivent être préservées150. » Par conséquent, le relatif assouplissement des conditions requises pour déclencher une coopération renforcée acquis lors du sommet de Nice151, aurait pu aller dans le sens des attentes grand-ducales152. Mais leur inapplication à la PESD, en raison notamment de l’opposition de Londres, ne permet d’engager des coopérations renforcées que pour la mise en œuvre des positions et actions communes pour lesquelles existent déjà les principes de majorité qualifiée et d’abstention constructive. En outre, elles sont interdites pour les questions ayant des implications militaires et de défense. Sur le plan de l’élargissement, ensuite, le Grand-Duché affirme qu’une Union qui comptera un jour 20 membres ne peut faire l’économie d’un repositionnement sur les grands domaines, qui, dans toute fédération ou confédération, doivent être traités au niveau central ;une politique de défense commune, en constitue, au même titre que la monnaie unique, le meilleur exemple. Outre ce premier aspect, les autorités grand-ducales, tout en n’étant pas opposées à l’élargissement, affichent certaines craintes vis-à-vis du risque d’étouffement d’un petit pays comme le Luxembourg au sein d’une Union élargie. Dans cette perspective, le Grand-Duché joue la carte de la coopération/consultation avec les partenaires Bénélux. Et, en dehors de l’Union, des contacts sont initiés, notamment153 avec les Pays du groupe VISEGRAD154, jugés proches des

149 Les positions du Bénélux vis à vis de la PESD sont analysées au point 5.7 de la présente étude. 150 Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, Aide-mémoire sur la conférence intergouvernementale, Luxembourg, 19 octobre 2000. 151 Pour une analyse de ces questions voir entre autres : L’union après Nice, dans Politique étrangère, N°2, avril-juin 2001 et F. DEHOUSSE, Le Traité de Nice et la déclaration de Laeken. Ou l’Europe bloquée face à l’élargissement, dans Courrier hebdomadaire du CRISP, N°1735, 2001. 152 Si il ne change pas les conditions, ni le champ d’application des coopérations renforcées, le Traité de Nice apporte, néanmoins, trois changements qui assouplissent, dans une certaine mesure, l’application de ces coopérations à la PESD. Il modifie le nombre d’Etat membre requis pour déclencher une coopération renforcée : huit et non plus la majorité d’entre eux. Il supprime le droit de veto en le transformant en droit d’évocation (sans effet suspensif) au Conseil européen. Enfin, l’augmentation du rôle de la Commission et du Parlement inscrit la coopération renforcée dans la méthode communautaire pour le premier pilier et accroît l’implication de ces deux institutions dans le troisième pilier. Voir : F. DE LA SERRE, Le traité de Nice déconstruction ou refondation de l’Union ?, dans Politique étrangère, N°2 , 2001. 153 Ces contacts se font par l’entremise du Bénélux. 154 Hongrie, Pologne, Slovaquie et République tchèque.

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préoccupations et des intérêts luxembourgeois et qui pourraient devenir des alliés précieux dans le cadre d’une Europe élargie155. Enfin, en ce qui concerne l’émergence de la PESD, notamment dans ses aspects opérationnels aux yeux des autorités grand-ducales, le fait que les chefs d’Etat et de Gouvernement aient décidé de doter l’UE, d’ici 2003, d’une force de réaction rapide, capable de mener à bien des missions de type Petersberg, permet aux responsables luxembourgeois de définir la teneur de leur participation à cette dernière. Dans cette perspective, et sur proposition des forces armées elles-mêmes, le gouvernement luxembourgeois s’est engagé à apporter une participation proportionnelle à ses capacités : « Nous nous sommes engagés à contribuer à la mise en œuvre de l’objectif global d’Helsinki avec la mise à disposition d’ici 2003 d’une compagnie de reconnaissance sur véhicules blindés légers156. » Il s’agira d’un contingent de 60 unités, ce qui signifie que pour assurer les rotations ce dernier mobilisera en réalité 180 hommes. Le Ministre de la Défense préconise l’intégration du contingent luxembourgeois au sein du contingent belge : « La Belgique est notre partenaire de prédilection en raison de l’expérience commune acquise dans les Balkans occidentaux au cours des dernières années. Par ailleurs, cette unité correspond à celle que nous mettons à disposition du Corps européen dans le cadre de la Division belge au sein de ce Corps157.» Pour le Grand-Duché, le développement de cette force européenne ne se fera pas de façon concurrentielle avec l’Alliance atlantique, mais sera « un renfort de la solidarité et de l’efficacité de l’Alliance. » Et d’ajouter que « la volonté des européens, souhaitée du reste par nos alliés américains doit être comprise comme la contribution des quinze Etats membres de l’Union à la sécurité et à la stabilité de leur continent, au service des mêmes valeurs et des mêmes objectifs que l’Alliance atlantique158. »

2.4.2. L’OTAN en tant que garant de la sécurité en Europe

La politique de défense luxembourgeoise a été, et reste, aujourd’hui encore, ancrée dans le cadre de l’Alliance atlantique. Pour le Grand-Duché, « l’Alliance est l’élément essentiel de la sécurité en Europe. » Ainsi, c’est dans le cadre de l’Alliance, entre 1954 et 1959, que l’Armée Luxembourgeoise a atteint sa plus grande expansion avec la mise sur pied au profit de l’OTAN, du « Groupement Tactique Régimentaire » (GTR)159, dont les objectifs, trop ambitieux, amèneront sa suppression en 1959. Au lendemain de l’abolition du service militaire obligatoire (1967), le premier bataillon d’infanterie OTAN voit le jour. Dès 1968, ce bataillon est intégré à « l’Ace Mobile Force (Land) » AMF(L)160 de l’OTAN. En 1985, le premier bataillon 155 Vers une coopération Bénélux VISEGRAD, dans L’Echo, 16 janvier 2001. 156 Réponse de Monsieur Charles Goerens, Ministre de la Coopération, de l’Action humanitaire et de la Défense à la question parlementaire n°797 de Monsieur le Député Alex Bodry, 8 novembre 2000. 157 Idem, 8 novembre 2000. 158 L. POLFER, Déclaration de politique étrangère 2001, Luxembourg, mars 2001. 159 Le GTR sur pied de guerre représentait 220 officiers, 676 sous-officiers et 3.856 soldats. A ces derniers était rattaché un groupe de support logistique, portant ainsi l’effectif total du GTR à 5.119 hommes. En outre la structure de Commandement du Territoire et celle de l’Etat-major général, devaient permettre d’atteindre un total de 10.400 hommes en temps de guerre. 160 L’AMF (L) fut créée en 1960 afin de pallier à la relative carence en troupe de l’OTAN, surtout présente en Europe centrale, sur les flancs Nord et Sud du rideau de fer. Cette unité multinationale de la taille d’une brigade pouvait être déployée d’une part à court terme en temps de paix comme démonstration de la volonté des Etats membres l’OTAN vis à vis d’éventuelles pressions politiques ou

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d’infanterie OTAN est remplacé par le Contingent AMF(L) Luxembourgeois, qui fait partie intégrante de l’AMF(L), avec un équipement lui permettant d’être opérationnel dans toutes les zones d’engagement de l’AMF(L)161. La réorganisation de l'armée en cours prévoit de nouvelles structures pour ce contingent162. Cette brève description de l’engagement opérationnel du Grand-Duché illustre bien l’importance accordée à l’OTAN, qui est perçue comme la garante de la stabilité et de la sécurité en Europe. Mais, dans le chef des autorités luxembourgeoises, l’Alliance doit désormais pouvoir s’adapter à d’autres missions, telles que la gestion de crises et le maintien de la paix. Dans ce cadre précis, l’OTAN ne constitue donc plus, pour le Grand-Duché, la seule réponse : « L’OSCE et le Conseil de l’Europe ont renforcé leur action en matière de prévention des crises et de réhabilitation de la société civile ainsi que du fonctionnement démocratique de l’Etat après conflit163. » Pour le Gouvernement luxembourgeois, la préservation de la paix et de la sécurité en Europe n’est plus exclusivement du ressort du politico-militaire, et les risques et menaces pouvant peser sur l’Union ne sont plus de nature uniquement conventionnelle. Dans ce cadre, l’OTAN reste pour le Grand-Duché l’organisation de référence pour la préservation de la sécurité en Europe au sens conventionnel du terme. Cependant, les modifications dans la nature même des risques et menaces font que l’Alliance, malgré le nouveau concept stratégique défini au sommet de Washington de 1999, n’est plus l’unique dépositaire de la paix et de la stabilité sur le vieux continent. Néanmoins pour les questions de défense, le Grand-Duché considère que dans l’immédiat seule l’Alliance atlantique est à même d’y répondre. Sur le long terme par contre, il est admis qu’après l’assimilation des organes de l’UEO au sein de l’UE et dans l’hypothèse d’une politique de sécurité et de défense européenne pleine et entière, que le Luxembourg fasse reposer sa sécurité sur l’UE, et à plus long terme sa défense.

2.5. Budget, personnel et équipements

Pour répondre aux nouvelles missions fixées par les autorités politiques et dictées par l’évolution de l’environnement géopolitique et afin de s’assurer la présence militaire politiquement indispensable lors des missions et opérations internationales, le Luxembourg doit faire face à de nouveaux besoins en moyens humains, matériels et financiers. Nous décrirons ci-après les plus récents développements en la matière. D’une part en analysant les solutions apportées par le Grand-Duché en terme d’équipements, d’effectifs (en ce compris la formation et l’entraînement) et budgétaires aux nouvelles obligations lui incombant et, de l’autre, en identifiant les principaux écueils auxquels le Grand-Duché est confronté dans ces différents domaines.

militaires extérieures. Et, d’autre part dans un but de dissuasion en tant que signe tangible de l’application de l’Article V du Traité de l’Atlantique Nord. 161 L’OTAN possède des forces de plusieurs nations en centre Europe, le rôle de dissuasion de l’AMF (L) se joue sur les flancs (Danemark, Grèce, Italie, Norvège et Turquie). Avant 1985, faute d’un équipement et d’un entraînement adéquat l’emploi du bataillon luxembourgeois n’était pas envisageable en Norvège pendant la période d’hiver. Ce n’est plus le cas aujourd’hui avec l’entraînement et l’équipement dont bénéficie le Contingent AMF (L) luxembourgeois. 162 Site Internet des forces armées luxembourgeoises, Contribution Luxembourgeoise à l’AMF (L), www.armee.lu. 163 L. POLFER, Déclaration de politique étrangère 2000, Luxembourg, mars 2000.

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2.5.1. Le budget

Constatons d’emblée que la part budgétaire affectée au personnel représente en moyenne, depuis 1996, plus de 70% du budget total des forces armées luxembourgeoises. Cette importance des coûts en personnel réduit fortement la proportion allouée au fonctionnement, ainsi qu’aux acquisitions. Cette position, comme nous l’expliquerons ci-après, ne sera viable dans le long terme qu’avec une augmentation des budgets militaires. Tableau 2. Evolution des crédits de l’Armée luxembourgeoise entre 1996 et 2000164

Personnel Fonctionnement Acquisition TOTAL Montant en

millions d’euros

% Montant en millions d’euros

% Montant en Millions d’euros

% Montant en Millions d’euros

1996 23,46 74,67 4,58 14,58 3,37 10,75 31,41 1997 26,02 71,30 6,4 17,54 4,07 11,17 36,49 1998 27,93 72,40 5,98 15,50 4,66 12,10 38,57 1999 28,43 73,80 6,55 17,01 3,53 9,18 38,51 2000 29,18 73,94 7,18 18,23 3,09 7,83 39,45 2001 32,40 72,25 8,13 18,14 4,31 9,61 44,84 Concernant le budget total, le crédit de l’exercice 2001 est augmenté de 5,39 millions d’euros (12%) par rapport à 2000, et de 13,43 millions d’euros (29,95%) par rapport à 1996. Il convient d’analyser les variations qui s’opèrent au sein des différentes catégories budgétaires. Primo, les crédits affectés au personnel ont augmenté de manière continue, avec une évolution de 3,22 millions d’euros depuis 2000 et de 8,94 millions d’euros depuis 1996.

164 Armée Luxembourgeoise, Rapport d’activité 2000, Luxembourg, mars 2001.

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Figure 3. Pourcentages des crédits totaux consacrés au personnel au sein de l’armée

luxembourgeoise

69,00%

70,00%

71,00%

72,00%

73,00%

74,00%

75,00%

1997 1998 1999 2000 2001

Secundo, les crédits alloués au fonctionnement de l’Armée ont augmenté de manière quasi continue depuis 1996, avec une augmentation de 0,95 million d’euros depuis 2000 et de 3,55 millions d’euros depuis 1996. Notons, néanmoins, une légère diminution depuis 2001. Figure 4. Pourcentages des crédits totaux consacrés au fonctionnement au sein de l’armée

luxembourgeoise

0,00%

5,00%

10,00%

15,00%

20,00%

1996 1997 1998 1999 2000 2001

Tertio, les crédits affectés aux acquisitions affichent une augmentation de 1,32 millions d’euros par rapport à l’exercice 2000 et de 0,93 million d’euros par rapport à l’exercice de 1996. Figure 5. Pourcentage des crédits totaux consacrés aux acquisitions au sein de l’armée

luxembourgeoise

0,00%2,00%4,00%6,00%8,00%

10,00%12,00%14,00%

1996 1997 1998 1999 2000 2001

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Il n’en reste pas moins qu’une augmentation de budget semble plus que nécessaire. En effet, sachant qu’à l’heure actuelle l’effectif réel des forces armées est inférieur à l’effectif théorique165, si l’armée luxembourgeoise parvenait à résoudre ses problèmes d’effectif, les crédits alors disponibles pour le fonctionnement et les nouvelles acquisitions s’en retrouveraient encore plus réduits à un moment où l’acquisition de nouveaux matériels apparaît comme une nécessité. Une augmentation des budgets militaires est à prévoir dans la mesure où le Grand-Duché ambitionne réellement de participer de manière plus intense aux opérations de maintien de la paix. Pour l’heure, le cabinet du Ministre de la Défense a confirmé166 une augmentation substantielle du budget de la défense pour les années à venir, entre autres, liée à l’acquisition de nouveaux matériels et à l’engagement de personnel supplémentaire. Il s’avère que le ministère de la Défense consentira à une dépense de 387 millions d’euros167 pour les quinze prochaines années168, ce qui fera passer la dotation de l’armée de 0,7% à 1% du PIB annuel.

2.5.2. Le personnel

Le manque d’attractivité de l’armée luxembourgeoise reste un des obstacles à la création d’une « armée à vocation humanitaire ». Le fait que les forces armées ne soient plus pourvoyeuses de « places réservées »- il faut entendre ici de garanties d’embauches auprès de l’Etat et des communes- a sérieusement entamé son capital sympathie auprès des chercheurs d’emploi en général et des jeunes en particulier. Il n’est en outre pas certain que la réorientation humanitaire pourra d’elle-même inciter les jeunes à entrer dans la carrière militaire. Il n’en reste pas moins que si le Luxembourg désire réaliser pleinement ses objectifs, il devra pallier son manque chronique de personnel. A la fin 2000, le Luxembourg ne possédait, en effet, qu’un tiers des effectifs nécessaires pour respecter ses engagements politiques169. Par conséquent, de nombreuses initiatives sont prises pour combler le manque d’effectifs et la disparition des incitatives traditionnelles. Ainsi, une campagne de recrutement, dans laquelle le ministère place visiblement beaucoup d’espoirs a été mise sur pied170. Les salaires ont été augmentés de 20 à 25 % et les tâches telles que les services de garde sont dorénavant assurées par une section spéciale et plus par les volontaires. Enfin, le service social a été réactivé, notamment dans le but d’assurer le retour à la vie civile des volontaires. Parmi toutes ces mesures nous pouvons encore, pour son caractère atypique et résolument progressiste, souligner le projet d’ouverture de l’armée luxembourgeoise

165 Cfr. point 2.5.2 de la présente étude pour une analyse des questions relatives au personnel. 166 Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, Présentation des grands investissements futurs de la défense, Luxembourg, 19 juin 2001. 167 Le Chiffre de la semaine : 15,6 milliards, dans Le Jeudi, 21 juin 2001. 168 101 millions d’euros seront affectés à l’équipement technique ; 100 millions d’euros iront à la rénovation et à la modernisation des installations de Diekirch ; 140 millions pour l’achat d’un avion de transport A400M ; et 46 millions pour le cofinancement d’un navire rol-on/roll-off avec la Belgique. 169 M. GERGES, Restructuration de l’armée : rompez, dans D’Land, 3 novembre 2000. 170 Cette dernière se déroule en 6 phases, les trois premières de juillet 1999 à début 2001 visaient à promouvoir l’image de l’armée via Internet, des spots radios et télévisés ; les trois dernières phases constituaient trois vagues de recrutement devant s’achever début 2002. Selon nos sources les premiers résultats en terme de recrutements sont plus qu’encourageants.

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aux recrues non nationales. Cette proposition, qui aurait pu constituer un précédent en matière d’intégration européenne171, a été arrêtée dans l’accord gouvernemental entre le PCS et le PDL172. La question reste actuellement débattue. Les partisans de l’ouverture apportent comme arguments la citoyenneté européenne, le caractère de moins en moins national de la troupe, ainsi que la composition des contingents internationaux qui s’effectuera de plus en plus selon une clef de répartition qui ne tient pas compte des différentes nationalités présentes sur le territoire national. Cette possibilité serait, selon l’avant-projet de Loi déposé, ouverte aux ressortissants communautaires résidant depuis au moins 42 mois sur le territoire grand-ducal. Outre l’ouverture de l’armée aux non-nationaux, la création d’un « corps de volontaires pouvant être engagés dans différentes missions humanitaires » est également proposée dans la déclaration gouvernementale PCS/PDL. Cette perspective permettrait au Luxembourg d’atteindre une meilleure visibilité à l’extérieur. La lecture du tableau suivant, comparant les effectifs théoriques avec les effectifs réels ne peut que nous rappeler l’urgence de la mise en place des réformes proposées.

171 Une Loi similaire a été votée en Espagne. Voir supra. 172 Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, Le programme gouvernemental : Accord de coalition PCS/PDL, Luxembourg, 2000.

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Tableau 3. Comparaison entre les effectifs théorique et réel au 31 décembre 2000173

Personnel De carrière

Personnel Volontaire

Personnel Hors cadre ou Hors contingent174

Effectif Théorique

Effectif Réel

Effectif Théorique

Effectif Réel

Effectif Théorique

Effectif Réel

Armée Officiers 40 35 13 2 15 12 Sous-officiers 135 101 43 2 15 8 Caporaux 90 5 12 0 Personnel Civil

118 90

Enseignants Variable 7 Soldats-Volontaires

425 119 Variable 184

Musique Militaire

Officiers 1 1 Sous-officiers 60 54 Personnel Civil

1 1

En 2000, l’effectif réel de l’armée luxembourgeoise affichait une diminution de 41 unités par rapport à 1999. En outre toutes les catégories de personnel restent déficitaires sur le rapport effectif théorique/effectif réel. Au total, c’est plus de 33% des postes de l’armée luxembourgeoise qui sont vacants. Les catégories les plus touchées sont les volontaires (2 postes au lieu de 43) et les soldats volontaires175 (119 postes au lieu de 425). La solution apportée par le Ministère pour résorber ces écarts se développe en deux temps. Dans un premier temps, afin d’être en mesure d’assurer les missions nationales et internationales, la réalisation des effectifs théoriques suivant une programmation d’engagement et de renforcement constituera un objectif minimum. En effet, la résorption de cet écart est la condition sine qua non de la continuation des activités de l’armée luxembourgeoise. Ainsi, vu le manque de soldat et de personnel opérationnel, « l’armée n’a pu contribuer en 2000 qu’à une opération de maintien de la paix » et « vu la pénurie en effectifs et par conséquent le manque d’instruction, l’armée n’est pas en mesure de participer à d’autres missions et entraînements176. » En outre, cette pénurie affecte également les relations du Grand-Duché avec les institutions

173 Armée Luxembourgeoise, Rapport d’activité 2000, Luxembourg, mars 2001. 174 Sont placés hors contingent : les aspirants-officiers ; les soldats-volontaires fréquentant à temps complet l’école de l’armée ; les soldats-volontaires de la section sport d’élite ; les soldats-volontaires ayant réussi l’examen d’admission à la candidature auprès des administrations de l’Etat et y compris les candidats sous-officiers musiciens dès leur incorporation ; les soldats-volontaires participant à une opération pour le maintient de la paix. 175 En 2001, le nombre de soldats volontaires incorporés est passé de 119 à 199. 176 Armée Luxembourgeoise, Rapport d’activité 2000, Luxembourg, mars 2001.

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internationales, pour lesquelles le manque d’officiers qualifiés fait que « la limite absolue du possible a été atteinte avec le personnel actuellement disponible (…) Les représentants permanents, adjoints et représentants nationaux ne parviennent même plus à représenter le Grand-Duché dans les réunions essentielles177. » Ainsi, en 2000, trois officiers cumulaient la fonction de représentant au sein de l’OTAN, de l’UEO, de l’UE et du SHAPE en l’absence de tout personnel d’Etat-major et administratif178. Dans un deuxième temps, au regard des nouvelles missions imposées, une révision de la Loi du 02 août 1997, ainsi que des structures militaires s’impose. Le « Rapport d’activités 2000 » stigmatise le fait que « depuis des années, les engagements de renforcements demandés suivant la planification à long terme, et ceci spécialement pour le cadre des sous-officiers de carrière et pour le personnel civil, ont été refusés179. » Une augmentation des effectifs théoriques apparaît néanmoins inévitable pour assurer un encadrement efficace du personnel. Il semble qu’à présent le message soit bien passé. En effet le Ministère de la Défense a décidé d’augmenter les effectifs jusqu’à 1416 personnes180, ce chiffre devrait être atteint à l’aide des mêmes mesures devant combler l’écart actuel entre l’effectif théorique et l’effectif réel. Enfin, concernant la formation, il n’est pas inutile de rappeler que l’essentiel des formations s’effectue en dehors du pays181. Les officiers luxembourgeois reçoivent une formation de quatre années. Celle-ci se déroule soit en Belgique, à l’Ecole Royale Militaire, soit en France à l’Ecole de Saint-Cyr Coëtquidan. La formation spécialisée avancée s’effectue à Arlon, celle d’officier d’Etat-Major à Compiègne et les études militaires supérieures au Collège de défense de l’OTAN à Rome. Quant aux sous-officiers ils sont formés, pour la majorité, à Arlon et les caporaux le sont à l’Ecole royale des sous-officiers de Dinant.

177 Armée Luxembourgeoise, idem. 178 Si en 2001 la situation s’est un peu améliorée, elle reste néanmoins préoccupante. 179 Armée Luxembourgeoise, idem. 180 Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, Présentation des grands investissements futurs de la défense, Luxembourg, 19 juin 2001. 181 Tous les officiers, sous-officiers et caporaux de carrière sont formés à l’extérieur du Grand-Duché.

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2.5.3. L’équipement

Le Grand-Duché se retrouve au pied du mur en ce qui concerne son matériel effectivement utilisable en opération. Les graphiques suivants concernent les équipements utilisés par les compagnies A (Corps européen) et B (AMF(L)) en terme de dotation. La comparaison est faite entre les dotations prévues et réellement disponibles. Deux remarques s’imposent : d’une part, une partie du matériel comptabilisé dans les dotations disponibles ne correspond plus aux standards technologiques d’une armée moderne ; et d’autre part nous constatons un net sous-équipement de la compagnie assignée au Corps européen, qui ne peut remplir les conditions minimales d’opérationnalité, par rapport à celle de l’OTAN. Figure 6. Comparaison entre les dotations prévues et disponibles pour les Cies A et B de

l’armée luxembourgeoise

En réponse à ces lacunes, le parc de véhicules luxembourgeois sera entièrement renouvelé, les 37 Jeeps seront remplacées182. Le total des véhicules blindés passera de 33 à 42. Ces derniers seront équipés de mitrailleuses, et/ ou du système antichar TOW.

182 Probablement avec la Belgique.

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Des programmes d’acquisitions de plus grande envergure devraient permettre au Grand-Duché de remplir les exigences reprises dans le catalogue des forces et des capacités nécessaires à la mise en œuvre de l’objectif global d’Helsinki. Ainsi, dans le cadre de la projection de force, le Grand-Duché financera conjointement avec la Belgique l’achat d’un navire ro-ro, ainsi qu’un Airbus A-400M qui s’ajoutera à la commande de 7 appareils faite par la Belgique. Enfin, dans un souci d’exhaustivité signalons que les forces armées grand-ducales complètent leur parc de véhicules avec 50 camions de transport de matériel logistique, de 73 véhicules non blindés et de 30 véhicules banalisés.

2.6. La structure des forces armées

Le prédécesseur du Colonel Lentz, l’actuel chef d’Etat major, le Colonel Gretsh avait entamé le processus de réorganisation des forces armées luxembourgeoise. Au delà de la réorganisation, c’est la question même de la finalité de l’armée luxembourgeoise qui s’est posée. En effet, comme le souligne Charles Goerens l’actuel Ministre de la Défense, « L’armée de l’an 2000 n’a plus rien à voir avec celle de 1989. Autrefois investie d’une mission de défense, elle est maintenant confrontée à des conflits opposant par exemple les différentes parties d’un pays composite comme la Yougoslavie. Notre armée, aujourd’hui, ne conquiert pas et ne défend pas son territoire183. » Sans entrer dans de fastidieux détails, il nous semble opportun de décrire brièvement à présent les principales fonctions des 4 compagnies qui composent les forces armées luxembourgeoises. Premièrement, la Compagnie A, compagnie d'infanterie légère qui jusqu'en 1987, est chargée alternativement des missions de défense territoriale ou participe à la contribution OTAN de l'armée au sein du bataillon d'infanterie luxembourgeois. La Compagnie A devient en 1987 une compagnie de reconnaissance et d'appui, chargée de la défense militaire du territoire. En 1996, la Compagnie A fut chargée de constituer le noyau du contingent luxembourgeois rattaché à la 1e Division Mécanisée belge dans le cadre de l'adhésion du Luxembourg à l'Eurocorps (09 Sep 1996). A ce titre, elle fut restructurée en compagnie de reconnaissance et articulée de la façon suivante : • Un état-major de compagnie ; • Deux pelotons de reconnaissance ; • Un peloton antichar. Actuellement, la Compagnie est organisée autour de trois pelotons de reconnaissance. Le peloton antichar remplacera dans le futur le 3ème peloton de reconnaissance. Deuxièmement, la Compagnie B, subdivisée en un volet « Militaire » (Commandement) et un volet « Ecole ». Le Commandement s'occupe essentiellement de la partie administrative et de la gestion du personnel au sein de la Compagnie ainsi que de la continuation de l'instruction militaire.

183 Daniel Pol SOUM, Au service de la démocratie, dans Le Jeudi, 26 novembre 2000.

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L’école de l'Armée se compose d'un directeur, 6 instituteurs spéciaux et de chargés de cours actuellement. Son rôle est de fournir aux volontaires une instruction équivalente à au moins une 7° théorique et supérieur. Troisièmement, la Compagnie Commandement et Instruction qui est responsable, entre autres, de la gestion administrative du personnel du Commandement du CM et de la Compagnie ainsi que de la gestion administrative des volontaires qui suivent une formation professionnelle dans une école ou auprès d'une autre administration. Enfin, la Compagnie D constitue le noyau de la LU RECCE COY (Luxembourg Reconnaisssance Company) et qui fait partie de la composante terrestre de l’AMF(L), force multinationale de réaction immédiate dépendant directement de SACEUR. Le tableau d'organisation de la compagnie prévoit : • Un élément de commandement ; • Deux pelotons de reconnaissance ; • Un peloton antichar.

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Chapitre 3 Politique de sécurité et de défense des Pays-Bas

3.1. Perception de l’environnement stratégique

A l’instar des gouvernements belge et luxembourgeois, le Gouvernement néerlandais constate également que l’équilibre rigide régissant les relations Est/Ouest qui caractérisait la Guerre froide a succédé, après l’effondrement du système soviétique, à des changements dans la nature de la situation sécuritaire internationale. En réponse à ces modifications, les Pays-Bas ont reformulé leur politique de sécurité et de défense à l’occasion de la publication de plusieurs rapports clefs184. La « Defensie Nota » de 1991 et la « Prioriteitennota » de 1993 constituaient les deux premières publications officielles d’envergure rédigées au lendemain de la Guerre froide185. Le non-militaire et l’intra-étatique étaient les deux nouvelles catégories majeures de menaces identifiées par La Haye au début des années nonante : la première correspond à l’ensemble des guerres civiles à la périphérie de l’Europe ; la seconde inclut le crime organisé, le terrorisme et les catastrophes écologiques. Cette vision globale de l’environnement stratégique n’a pas fait l’objet de modifications majeures, et la lecture faite en 1993, puis en 1995186 se retrouve dans les dernières mises à jour publiées par le Gouvernement néerlandais187. En mai, 2001, le Ministre néerlandais des affaires étrangères, rappelait, en des termes sans équivoque, la disparition des menaces conventionnelles : « Europeans are aware that the characteristic of the global threat to peace and stability has drastically change since 1990, 30.000 tanks streaming into western Europe is no longer realistic188. » Cependant, la disparition de la menace d’une agression directe de la part des pays du Pacte de Varsovie n’a pas entraîné, aux yeux des autorités néerlandaises, une stabilisation de l’équilibre international : « Nowadays, if military resources are deployed, it is a result of the unstable situation in regions or countries beyond the NATO treaty area, in situations which could lead to crises189. » Le recours aux forces armées reste pour le Gouvernement néerlandais une nécessité. Mais à présent, cette dernière se situe moins dans le cadre d’une menace conventionnelle que dans celui de la prévention de crises. Il n’en reste pas moins que la fin de la Guerre froide a, avec la disparition d’un système international basé sur l’équilibre de la terreur, amené à un monde plus sûr, mais moins stable. 184 Ministère de la Défense des Pays-Bas, Defensienota 1991, La Haye, mars 1991 ; Prioriteitennota, La Haye, janvier 1993. 185 Ces rapports se focalisaient principalement sur les importantes restrictions budgétaires qui frappaient le Ministère de la Défense, et introduisaient, en plus des missions traditionnelles, de nouvelles fonctions comme la participation à des opérations de maintien de la paix ou la gestion de crises. 186 Ministère de la Défense des Pays-Bas, Herijkingnota, La Haye, 1995. 187 Ministère de la Défense des Pays-Bas, Defensienota 2000, La Haye, novembre 1999. 188 J. VAN AARTSEN, Europe and the world. Speech by the Minister of Foreign Affairs Georgetown University, 18 mai 2001. 189 Ministère de la Défense des Pays-Bas, The Netherlands Ministy of Defence : security in a changing world, La Haye, mai 1999.

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Dans ce cadre, le récent Livre blanc rédigé par les autorités néerlandaises, ainsi que plusieurs publications annexes190 identifient les zones où se situent ces nouveaux risques pour la sécurité et la stabilité internationale. La « Defensienota 2000 », après une description de la situation interne de la Russie, précise que la Fédération russe ne possédera pas de forces armées capables dans les prochaines années d’effectuer une offensive stratégique contre l’OTAN ou une offensive loin de son propre territoire : « L’Ouest a plusieurs années pour se préparer à n’importe quel développement de la capacité militaire conventionnelle russe191. » Par contre, les Balkans occidentaux, tout comme les régions du Caucase et de la Moldavie sont décrites comme des sources permanentes de crises, avec le risque que des conflits internes dégénèrent en conflits inter-étatiques. D’autres régions du globe sont également citées par La Haye en tant que menaces potentielles pour la stabilité : « Les autres régions dans lesquelles la détérioration des relations politiques et militaires peut avoir de sérieuses conséquences pour l’Europe sont l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et la région du Golfe192. » De même, la situation en Afrique centrale ne peut souffrir d’un désintéressement de la communauté internationale, au risque de créer de nouveaux déséquilibres : « la continuation des guerres en Afrique centrale et australe ne peut être ignorée. Les relations instables à l’intérieur des Etats constituent généralement un terrain propice à la multiplication des guerres civiles. Mais trop fréquemment ces dernières s’étendent au-delà des frontières, souvent perméables, de la région, ce qui a pour conséquence d’y impliquer d’autres Etats193. » L’identification sur base géographique des menaces pour la stabilité internationale se voit complétée par la prise en considération de questions telles que la prolifération des armes conventionnelles modernes et des armes de destruction massive. La Haye rappelle, entre autres, l’existence de programmes de développement d’armes NBC au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie, ainsi que l’expertise technique et l’infrastructure en la matière existant dans d’autres pays194 : « Quelques pays possèdent des systèmes de missiles balistiques et des avions à long rayon d’action, pouvant délivrer des armes conventionnelles. Un plus grand risque, cependant, serait que les moyens de lancement soient équipés d’armes de destruction massive195. » Les Pays-Bas accordent également une attention particulière à la menace posée par les armes de destruction massive contre les unités militaires dans un contexte d’opérations de gestion de crises à l’étranger : « les unités pouvant être confrontées à un adversaire possédant de telles armes et qui est capable de les utiliser ». Mais également aux menaces d’attaques contre des cibles sur le territoire national, « bien que la réalité d’une menace de pareille attaque terroriste sur le territoire néerlandais

190 Ministère de la Défense des Pays-Bas, The Netherlands Ministy of Defence : security in a changing world, La Haye, mai 1999 ; Framework Memorandum of the Defence White Paper 2000, La Haye, 1999 ; European Capabilities Action Plan, Non-paper of The Netherlands, La Haye, octobre 2001. 191 Ministère de la Défense des Pays-Bas, op. cit., La Haye, novembre 1999. 192 Ministère de la Défense des Pays-Bas, idem. 193 Ministère de la Défense des Pays-Bas, idem. 194 Les exemples donnés sont l’Irak, le Pakistan, la Corée du Nord. 195 Ministère de la Défense des Pays-Bas, op. cit., La Haye, novembre 1999.

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ne soit pas actuellement considérée comme élevée, la possibilité doit être prise en compte196. » Stricto sensu la « Defensie Nota 2000 » précise les facteurs qui peuvent avoir des conséquences sur la sécurité : • La déstabilisation de la cohésion politique, économique, financière et militaire ; • La prolifération d’armes de destruction massive ; • L’accroissement des activités terroristes ; • La criminalité internationale organisée dans ses différentes formes comme les

trafics de drogue, les trafics d’êtres humains et l’organisation d’une immigration illégale ;

• La raréfaction des ressources naturelles ; • Les problèmes environnementaux. La nature des risques énoncés dans les documents officiels néerlandais, l’identification des zones potentiellement menaçantes pour la stabilité internationale, ainsi que la lecture faite des développements politiques, sociaux, culturels et économiques de ces dix dernières années ne diffèrent globalement pas des analyses belge et luxembourgeoise. La prise en compte de nouvelles menaces, liées aux conditions économiques, sociales et environnementales, l’apparition d’acteurs non-étatiques constituent les éléments de convergence les plus notables. Enfin, à l’instar des partenaires Bénélux, mais également européens et otaniens, les Pays-Bas ont accompagné cette prise de conscience d’une vaste restructuration des forces armées, tant au niveau des concepts de sécurité, des missions, que de l’organisation et des relations internationales.

3.2. Concepts de sécurité et de défense

Il convient, avant toute description de la politique de sécurité et de défense des Pays-Bas, de définir le cadre dans lequel s’est développée la politique étrangère néerlandaise. Traditionnellement, cette dernière se base sur trois piliers ou traditions197, qui restent éclairants quant à la compréhension de la politique étrangère développée à l’heure actuelle par La Haye198. Le premier pilier, maritime/commercial, trouve son origine dans la situation géographique des Pays-Bas. Constituant l’une des principales places portuaires européennes, le commerce et l’économie ont eu un impact considérable sur tous les segments de la vie néerlandaise, et en particulier en politique étrangère, où les Néerlandais sont de fervents partisans du libre échange et de la libéralisation économique.

196 Ministère de la Défense des Pays-Bas, idem. 197 Pour une étude approfondie de ces trois piliers, voir J. VOORHOEVE, Peace, profit and principles. A study of Dutch foreign policy, La Haye, 1979. 198 B. KREEMERS, The role of a « Pocket-sized medium power » in the European security and defence policy : the case of The Netherlands, dans Europa : el debate sobre defensa y seguridad, Publications de l’Université de Barcelone, Barcelone, mai 2001.

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Le deuxième pilier, neutraliste/abstentionniste, vient du fait que les Pays-Bas avaient choisi de ne pas s’impliquer dans les luttes de pouvoir entre les grandes puissances européennes aux dix-neuvième et vingtième siècles, tout en ne cherchant pas une neutralité garantie. Ce qui explique que les Pays-Bas soient traditionnellement en faveur d’un équilibre entre les grandes puissances (principalement entre la France et l’Allemagne). En outre, les Néerlandais restent très attachés au rôle que peut jouer le Royaume-Uni comme régulateur du continent européen. Le dernier pilier, internationaliste/idéaliste, est significatif d’une nation qui « has usually taken a high moral ground in international conflicts199. » Ainsi, par exemple, les Pays-Bas ont-ils été le seul pays de l’UE à rejeter le Plan Vance-Owen en 1993. Car, du point de vue des autorités de La Haye, les musulmans de Bosnie méritaient un meilleur accord. C’est à l’aune de ces trois piliers qu’apparaissent les orientations globales et traditionnelles de la politique étrangère des Pays-Bas. Ces dernières pouvant se résumer au trinôme Paix-Profit-Principes, qui, à l’heure actuelle, reste pertinent. Concernant la politique de sécurité et de défense au sens strict du terme, les premières redéfinitions, esquissées en 1991 et 1993, avaient surtout pris la mesure des changements consécutifs à la fin de la Guerre froide et initié un mouvement de restructuration des forces armées néerlandaises. Mais le débat restait surtout dominé par les restrictions budgétaires200. Ce n’est qu’en 1995, dans le cadre de la refonte (Herijking) générale que nous trouvons une première véritable réadaptation de la politique étrangère néerlandaise201. Cependant, l’orientation générale de la politique de défense est restée la même, avec d’un côté la poursuite de la défense des intérêts nationaux, et, de l’autre, une certaine révision à la baisse des ambitions diplomatiques néerlandaises. En ce sens la refonte a surtout eu le mérite de résoudre les difficultés budgétaires202. Pour l’heure, la dernière relecture officielle de la politique de sécurité de La Haye est présentée au travers de la « Defensie Nota 2000 ». Cette note, qui équivaut à un Livre Blanc sur la défense, a été le fruit d’une série de consultations (Strategische Toekomstdiscussie Defensie STD). Ces dernières ont révélé qu’il existait un consensus en dépit de divergences sur la part du budget national à accorder à la défense, sur le niveau d’ambition à conserver203, sur l’orientation vers plus de nouvelles missions204, et sur les secteurs devant subir des coupes budgétaires.

199 B. KREEMERS, idem. 200 P. EVERTS, Pays-Bas : l’innocence perdue, dans Patrice BUFFOTOT (Dir.) La défense en Europe : nouvelles réalités, nouvelles ambitions, La documentation française, Paris, 1998. 201 Ministère de la Défense des Pays-Bas, Herijkingnota, La Haye, 1995. 202 Un compromis avait été trouvé entre les différents ministères (Affaires étrangères, Affaires économiques internationales, Défense). Ces derniers ont réorganisé leurs services afin de permettre, outre les économies, l’élaboration d’une politique extérieure plus intégrée. 203 Le niveau d’ambition (Ambitieniveau) tel que défini en 1993 (pouvoir engager l’équivalent d’un bataillon dans quatre opérations de maintien de la paix simultanées, ou l’équivalent d’une brigade dans une opération d’imposition de la paix) n’a pas été remis en cause. 204 Pour cet aspect voir point 3.3 de la présente étude.

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Au final, avec le concept de « politique de sécurité active », La Haye a pour ambition de développer une politique de sécurité qui « ne se limite pas uniquement à la sécurité territoriale ni à celle de l’Alliance ; il y a également le maintien de l’ordre juridique international et le respect des droits de l’homme. Cette politique s’appuie sur une armée moderne, qui en capacité, structure et équipements, répond aux exigences actuelles205. » La politique de sécurité active néerlandaise trouve ainsi à s’exprimer dans les domaines politique, économique, militaire et humanitaire. Mais il n’y a pas de changements majeurs à constater, tout au plus le fait que le niveau d’ambition soit (re)confirmé, et que l’orientation vers de nouvelles tâches soit réaffirmée. Concrètement, la politique développée par La Haye comporte quatre aspects : la coopération internationale206, la participation aux opérations de paix, la coopération civilo-militaire, et la surveillance/protection des territoires des Antilles néerlandaises et d’Aruba.

3.2.1. La participation aux opérations de paix

Depuis 1992, plus de 28.000 militaires néerlandais ont pris part, tant dans le cadre de l’ONU, que dans des coalitions ad hoc, à plus de 40 opérations de paix internationales, entre autres en ex-Yougoslavie, au Cambodge, à Haïti, en Angola et au Zaïre. Les forces armées néerlandaises fournissent également leur contribution dans le cadre d’opérations humanitaires. L’action développée par La Haye se caractérise par un travail en symbiose entre le Ministère de la Défense et celui de la Coopération au développement, par lequel une assistance peut être fournie allant de l’envoi d’une équipe de reconnaissance jusqu’à celui d’unités pour une aide d’urgence. Les conditions globales de participation aux opérations de paix sont posées par le Gouvernement, « A request for Dutch military resources to contribute to a peace operation must be approved by the Dutch Parliament and tested against the Frame of reference for decision making for the deployment of military units abroad207. ». L’expérience traumatisante vécue par les militaires néerlandais en ex-Yougoslavie, lors de la prise de Srebrenica208 par les forces serbes a, à l’instar des événements vécus à Kigali pour les forces armées belges, eu des répercussions sur les modalités d’engagement dans les opérations de paix209. Ce traumatisme explique les réticences 205 Ministère de la Défense des Pays-Bas, op. cit., novembre 1999. 206 Ce premier aspect est analysé au point 3.4 de la présente étude. 207 Ministère de la Défense des Pays-Bas, op. cit., La Haye, mai 1999. 208 Le 11 juillet 1996, l’enclave musulmane de Srebrenica, supposée zone de sécurité, défendue par 400 soldats de la paix néerlandais tombe aux mains de l’armée bosno-serbe de Ratko Mladic. Pour les 40.000 civils de la zone, cette prise signifiera au mieux la déportation vers la Bosnie et au pire la mort. Le rapport du Ministère néerlandais de la défense stigmatisa le manque de vision des autorités de l’ONU face aux objectifs de l’armée serbe, ainsi que le refus de fournir aux soldats néerlandais un appui aérien. Voir : Nations unies, Report of the Secretary General pursuant to general assembly resolution 53/35 (1998) ; Srebrenica Report, New-York, novembre 1999. 209 Depuis les évènements de Srebrenica, les procédures d’engagements donnent au Chef d’Etat-major le contrôle général des opérations hors du territoire national. En outre, les forces armées néerlandaises ont appris à ne plus s’engager dans des missions pour lesquelles, les objectifs politiques, les règles d’engagements et le commandement ne sont pas clairement définis.

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croissantes du monde militaire et des responsables politiques néerlandais à s’engager dans des opérations de paix à l’issue parfois imprévisible210. Enfin, le Ministère de la Défense a rappelé la nécessaire adéquation entre les autorités nationales, otaniennes et européennes pour la participation aux opérations de paix, « une politique de sécurité active contribue également aux opérations de paix pour lesquelles il y a une harmonie entre la position des Pays-Bas dans l’OTAN et dans l’UE211. »

3.2.2. La coopération civilo-militaire

Les expériences vécues ces dernières années dans le cadre des opérations de maintien de la paix ont fait prendre conscience au gouvernement néerlandais de la complexité résultant de la gestion de ce type de situation de crise. La Haye a ainsi fait le constat que la sécurité n’est plus uniquement du ressort du politico-militaire, et que l’utilisation de moyens non-militaires s’avérait nécessaire tant en amont qu’en aval d’une crise : « to achieve the protection of international stability, the international rule of law and Alliance security, it is essentials that attempts to solve any conflicts are initially conducted without the use of military force212. » La note de refonte (Herijking Nota) du cabinet précédent avait déjà insisté sur la cohésion comme notion essentielle dans la réalisation d’une politique de sécurité, spécialement pour les opérations de maintien de la paix213 pour lesquelles, à l’image de la Belgique et du Luxembourg les Affaires étrangères travaillent en collaboration avec la Coopération et la Défense.

3.2.3. La surveillance/protection des territoires d es Antilles néerlandaises et d’Aruba.

C’est dans le cadre des nouvelles attributions du Ministère de la Défense, visant au maintien des règles de droit international et de la sécurité publique que se situe la protection/surveillance des territoires d’Aruba et des Antilles néerlandaises. Les tâches effectuées, en dehors de la protection du territoire, consistent en la surveillance des côtes (zones de pêches,…), la lutte anti-drogue et le maintien (la seule exception du territoire néerlandais) d’une milice rassemblant chaque année plus d’une centaine d’antillais. Constatons que pour cette dernière, la fonction sociale a pris le pas sur la fonction militaire214.

210 Le 10 avril 2002, un rapport de 6800 pages a été déposé par l’Institut néerlandais de documentation sur la guerre (NIOD). Ce rapport apparaît aux yeux de nombreux observateurs comme une tentative d’exonérer les Néerlandais de toute faute grave. Il n’en reste pas moins que 24 heures après la publication du rapport le Gouvernement de Wim KOK a remis sa démission. Voir A. FRANCO, Srebrenica : une commission d’historiens exonère les Pays-Bas, dans Le Monde, 11 avril 2002. 211 Ministère de la Défense des Pays-Bas, op. cit., La Haye, novembre 1999. 212 Ministère de la Défense des Pays-Bas, op. cit., La Haye, mai 1999. 213 Ministère de la Défense des Pays-Bas, op. cit., La Haye, 1995. 214 La politique d’exemption étant assez large dans les Antilles, les personnes ayant un travail ou un diplôme n’ont pas l’obligation d’enter dans la milice. Dans cette dernière se retrouve les plus souvent des personnes sans emplois et sans diplôme souvent à la limite de la criminalité pour lesquelles l’armée constitue un tremplin vers la réinsertion. R. GUNST, La marine royale néerlandaise à l’ouest, dans Vox, N°6, juin 2001.

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3.3. Les missions des forces armées néerlandaises

La redéfinition des missions des forces armées a fait l’objet, dans le cadre de la STD, d’un important débat au sein de la classe politique. En effet, à l’heure où en l’absence de menaces externes, les missions traditionnelles des forces armées cèdent le pas, faut-il s’orienter exclusivement vers les nouvelles missions, ou conserver les capacités de défense traditionnelle ? La réponse à cette question n’a pas été fournie par le gouvernement, dont les positions restent fortement influencées par le clivage gauche/droite. Les premiers sont favorables à une définition large des missions et des intérêts nationaux, tandis que les seconds préfèrent maintenir l’accent sur les tâches traditionnelles215. Nous trouvons la plus récente description officielle des tâches des forces armées néerlandaises dans la « Defensienota 2000 », elles sont au nombre de trois : • La protection de l’intégrité du territoire national, dont les Antilles néerlandaises,

Aruba et celui des alliés ; • L’amélioration des règles de droit et de stabilité internationale ; • L’aide aux autorités civiles dans le contexte de l’application de la loi, lors de

désastres et de l’aide humanitaire, au niveau national et international. Outre ces « Core tasks » qui constituent l’ossature des missions des forces armées néerlandaises, d’autres tâches nécessaires à la réalisation et à la mise en œuvre des trois premières viennent se greffer : • La défense globale dans le cadre de l’Alliance, qui implique la mobilisation des

unités de réserve ; • La participation pour une durée limitée dans une opération d’imposition de la paix

avec une brigade ou son équivalent (aérien et/ou maritime) ; • Le soutien à une participation à un maximum de quatre opérations de paix,

impliquant une contribution de niveau bataillon ou leurs équivalents aériens ou navals ;

• Les tâches militaires nationales, telles que la protection de l’intégrité du pays, des eaux territoriales, et de l’espace aérien ;

• Les tâches civiles au profit du gouvernement, telles les tâches de police réalisées par la Koninklijke Marechaussee (contrôle des frontières, surveillance mobile des étrangers et sécurité des aéroports) ainsi que la fourniture d’une assistance militaire aux tâches civiles du gouvernement ;

• La sauvegarde de l’intégrité territoriale des Antilles néerlandaises et d’Aruba et le soutien aux activités civiles comme la surveillance des côtes et la lutte anti-drogue.

215 P. EVERTS, Pays-Bas : l’innocence perdue, dans Patrice BUFFOTOT (Dir.) La défense en Europe : nouvelles réalités, nouvelles ambitions, La documentation française, Paris, 1998.

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L’exécution de ces missions est pondérée par le niveau d’ambition (Ambitie Niveau) de La Haye, tel que défini par les Accords gouvernementaux. Ces derniers chiffrent les contributions à l’OTAN, dans le cadre de la défense collective, ainsi que lors des opérations de paix. Ce niveau d’ambition détermine l’effort financier que peut fournir La Haye aux alliances internationales pour la défense collective, pour la gestion de crises, le maintien de la paix et les opérations humanitaires. Nous pouvons conclure en affirmant que les propositions de la « Defensienota » apparaissent dès lors plus comme un compromis entre les positions de la gauche et de la droite que comme un changement radical dans les attributions militaires néerlandaises. Le plan souligne à la fois l’orientation vers les nouvelles tâches, réaffirme le niveau d’ambition et ne renonce pas aux missions de défense traditionnelles. Ce consensus fait que les missions telles que présentées dans la « Defensienota 2000 » n’apportent pas de changements majeurs dans la politique de défense néerlandaise, les contraintes internationales, financières et politiques qui pesaient sur le ministère semblent avoir empêché de grands bouleversements216. Ainsi, à l’instar de ses partenaires du Bénélux, les missions que le Gouvernement de La Haye assigne à ses Forces armées ne se limitent plus à la défense du territoire, mais englobent des nouvelles missions telles que les opérations de paix, l’assistance humanitaire, l’aide humanitaire, l’assistance en cas de catastrophe et la coopération civilo-militaire. La différence se situe au niveau de l’ordonnancement de ses tâches, La Haye n’ayant pas effectué la même révolution copernicienne que ses deux voisins, pour qui les nouvelles missions prennent clairement le pas sur les missions traditionnelles.

216 P. EVERTS, Pays-Bas : une adaptation encore incertaine, dans P. BUFFOTOT (Dir.) La défense en Europe, Les études de la documentation française, Paris, 2001.

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3.4. Alliances et coopérations internationales

Pour La Haye, la coopération fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité nationale : « the Netherland’s foreign policy is chiefly conducted within the European Union, the Western European Union, NATO and the United Nations217. » De l’avis du gouvernement néerlandais, la coopération joue un rôle important dans la coordination entre les Etats. Dans ce cadre, les Pays-Bas se font les avocats d’une harmonisation optimale des procédures, des équipements et des doctrines, « l’intégration et l’interopérabilité, sont en effet maintenant plus que jamais d’une grande nécessité en raison des changements dans les relations internationales218. »

3.4.1. Coopération dans le cadre des organisations internationales (hors OTAN et UE)

Si la « Defensienota 2000» indique que « l’OTAN reste la pierre angulaire de la politique de sécurité des Pays-Bas », les autres organisations internationales telles que l’ONU et l’OSCE jouent également pour le Gouvernement néerlandais un rôle essentiel. Dans ce cadre, les Pays-Bas reconnaissent « l’importance vitale des efforts politiques et diplomatiques de l’ONU et des opérations de paix de l’ONU pour la promotion de la paix et la sécurité internationale. » Dès 1991, lors de la redéfinition des missions des forces armées, le gouvernement néerlandais a répondu favorablement à plusieurs demandes émanant des Nations Unies pour participer à des opérations de maintien de la paix. Cependant, la nature des forces armées de l’époque, constituées d’appelés, limitait les possibilités d’interventions219. En outre, les Pays-Bas, tout en reconnaissant l’importance de l’Onu, ne disposent pas des moyens, ni du consensus politique suffisant pour participer à chaque opération militaire sous l’égide des Nations Unies. Ainsi la participation aux opérations au Cambodge, fit l’objet de nombreuses discussions parlementaires, et la participation aux opérations en Somalie (1994) fut rejetée. Ces discussions n’ont cependant pas grevé l’implication des Pays-Bas au sein des Nations Unies. Ainsi, en 1995 le Ministre des Affaires étrangères néerlandais s’était déclaré favorable à un renforcement du rôle opérationnel de l’ONU dans le domaine des opérations de paix. En 1996, les Pays-Bas avec six autres partenaires ont mis en place, et à la disposition permanente de l’ONU, une brigade internationale d’intervention rapide de 5000 hommes (Standby Forces High Readiness Brigade- SHIRBRIG). En outre, certains contingents spécialisés sont également mis à la disposition de l’ONU. 217 Ministère de la Défense des Pays-Bas, op. cit., La Haye, mai 1999. 218 Ministère de la Défense des Pays-Bas, op. cit., La Haye, novembre 1999. 219 Selon le parlement, la participation à des opérations hors-zone se fait sur base volontaire. Pour une description détaillée des modalités de déploiement hors-OTAN ainsi que sur le rôle du Parlement, voir Betrokkenheid van het parlement bij de uitzending van militaire eenheden, Lettre des Ministres des Affaires étrangères et de la Défense, N°23591, La Haye, 1993-1994.

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Il faut néanmoins pondérer ces déclarations, en considérant les réticences de plus en plus nombreuses des néerlandais à l’égard des opérations de paix (ce que nous pouvons appeler le syndrome Srebrenica), que ce soit au niveau du Gouvernement220, du Parlement et de l’opinion publique. Les discussions concernant les forces de l’ONU pour la Sierra Leone (UNAMSIL) et pour l’Ethiopie et l’Erythrée (UNMEE), reflètent bien ces hésitations221.

3.4.2. Position de La Haye vis à vis du développeme nt de la politique européenne de défense

Dès la fin de la Guerre froide, le gouvernement néerlandais a dû repenser la position qu’il occuperait dans la future architecture de sécurité du continent européen. Le Ministère de la défense souhaitait, dès 1991, voir figurer dans l’UE la politique de l’industrie de défense, les exportations d’armement, la non-prolifération, la participation aux opérations de paix des Nations Unies et les interventions hors-zone OTAN222. La Haye restait cependant hostile à l’idée d’une politique de sécurité et de défense purement européenne. Le gouvernement néerlandais, dans ce débat, s’alignait sur la position du Royaume-Uni, en considérant la présence physique et réelle des forces américaines sur le continent et leur consultation permanente dans le cadre de l’OTAN comme indiscutables. Pour le Gouvernement néerlandais, l’UEO devait servir de lien entre l’UE et l’OTAN de manière à renforcer l’intégration européenne et le pilier européen au sein de l’Alliance223. Dans cette optique, les Pays-Bas se sont donc réjouis de l’évocation, lors du Sommet de l’OTAN de janvier 1994, du concept de « forces séparables mais non séparées », qui pourrait répondre aux besoins européens et contribuer à la sécurité de l’Alliance224. Une évolution des positions néerlandaises, concernant la défense et la coopération en matière de sécurité, apparaît dans le cadre de la Conférence Intergouvernementale (CIG) de 1996. La Haye ne se déclare en effet plus opposée à une éventuelle fusion progressive de l’UEO dans l’UE225, mais estime qu’il reste difficile d’envisager une politique étrangère européenne commune effective sans un élément de coordination et de coopération militaire226.

220 Le Gouvernement a rejeté une proposition du Conseil consultatif pour la paix et la sécurité visant à restreindre les conditions de refus d’accéder à une demande des Nations unies. Voir : Advisory Council on Peace and Security, Innocence lost : The Netherlands and UN operations, La Haye, 1996. 221 K. HOMAN, Nederland heeft plicht om aan VN-missie Eritrea mee te doen, dans Volkskrant, 3 octobre 2000. 222 Ministère de la Défense des Pays-Bas, Defensie nota 1991, La Haye, mars 1991. 223 A cette époque le gouvernement néerlandais était opposé à une inclusion de l’UEO dans l’UE, ce qui le différenciait des conceptions française, allemande et belge pour lesquelles l’UEO pouvait devenir l’organe exécutif de l’UE. 224 Déclaration des chefs d’Etat et de Gouvernement participant à la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord, Bruxelles, 11 Janvier 1994. 225 Ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, Les Pays-Bas et l’Europe : la conférence intergouvernementale, La Haye, 1996. 226 P. EVERTS, Pays-Bas : L’innocence perdue, dans Patrice BUFFOTOT (Dir.) La défense en Europe, Les études de la documentation française, Paris, 1998.

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La mise sur pied du mécanisme de Combined Joint Task Force (CJTF), qui permet aux Etats européens d’agir « seuls », via des troupes assignées à l’OTAN mises à la disposition de l’Union227, a en ce sens apporté une pleine satisfaction aux Pays-Bas. Une dernière évolution notable a eu lieu dans le chef de La Haye avec l’acceptation des principes généraux définis par la France et le Royaume-Uni concernant le renforcement de la PESD, tels que décrit dans la déclaration de St-Malo. Il y a assurément eu une évolution dans la perception néerlandaise. Alors qu’en 1999 le Gouvernement affirmait qu’il rejetait l’idée d’une capacité européenne disposant de structures propres228 et que le Ministre de la Défense affirmait que l’on se situait à « des années lumières d’une armée européenne », à l’heure actuelle même si le parlement reste sceptique, le gouvernement s’est rangé à l’idée de la constitution d’une Force de réaction rapide (FRR) européenne, qui si elle ne constitue pas une armée européenne en tant que telle, peut en être considérée comme l’embryon. Ce revirement peut s’expliquer de deux manières. D’une part, le fait que Londres reconnaisse qu’une Europe plus forte signifie également une Alliance plus forte et, d’autre part, le fait que la France considère dorénavant l’OTAN comme une organisation indispensable à la sécurité post-Guerre froide229. Le Gouvernement néerlandais s’est ainsi libéré de ses craintes du fait de la reconnaissance par Londres, Paris et d’autres capitales européennes que les discussions sans fin sur l’architecture de défense ne servent personne et surtout pas la cause d’une capacité européenne crédible de gestion de crise. Il n’en reste pas moins qu’un retour d’un certain euro-scepticisme au Royaume-Uni, que le fait que certaines duplications entre l’OTAN et l’UE seront inévitables et que la problématique de la participation aux décisions des pays membres de l’OTAN non membres de l’UE n’ait pas été réglée, sont à considérer comme les facteurs pondérateurs les plus importants de l’enthousiasme de La Haye vis à vis du développement de la PESD230. Actuellement, les Pays-Bas insistent surtout sur la nécessaire augmentation des capacités militaires pour atteindre les standards minimums permettant d’assumer les missions de Petersberg. Dans ce cadre, il est indispensable aux yeux des autorités néerlandaises de multiplier les coopérations bilatérales et multilatérales en matière d’achat, de formation, d’entraînement et de doctrine. La position néerlandaise vis-à-vis du développement de la PESD se différentie, toutefois, des positions belges et luxembourgeoises : pour les Pays-Bas cette problématique est abordée essentiellement sous l’angle de l’émergence au sein de l’OTAN d’une identité européenne de sécurité et de défense, qui permettrait de dégager des solutions « européennes, à des problèmes de nature européenne. » L’émergence d’une véritable PESD reste tributaire, selon La Haye, de l’amélioration des capacités opérationnelles européennes, du développement des contacts et des coopérations entre l’UE et l’OTAN (via les GFIM par exemple), de l’élaboration de 227 M. VAN DOEL, Dutch defence policy, dans Reshaping European Defence, The Royal Institute of International Affairs, Londres, 1994. 228 J. VAN AARTSEN, Het gemeenschappelijk Europees buitlands, veiligheids en defensiebeleid, Tweede Kamer, N°24128, La Haye, 29 octobre 1999. 229 F.H.G. DE GRAVE, Speech by the Minister of Defence for the National Defence University, Washington, septembre 2000. 230 B. KREEMERS, The role of a « Pocket-sized medium power » in the European security and defence policy : the case of The Netherlands, dans Europa : el debate sobre defensa y seguridad, Publications de l’Université de Barcelone, Barcelone, mai 2001.

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règles devant régir les relations entre les pays de l’OTAN non-membres de l’UE, et par conséquent de l’adaptation des structures institutionnelles européennes231.

3.4.4. Autres coopérations multilatérales

Les unités des forces armées néerlandaises font partie de différentes coalitions multinationales de nature bi ou trinationales, dont les plus abouties sont la Deployable Air Task Force (DATF), l’Amiral Bénélux (ABNL)232, le Corps d’armée germano-néerlandais et la Force amphibie anglo-néerlandaise. Le Corps d’armée germano-néerlandais est, du point de vue international, une des formes les plus élaborées de coopération militaire transfrontalière. Pour La Haye, ce type d’intégration permet aux deux forces armées de préparer de manière optimale les futures missions : « En réflexion avec l’Allemagne, nous voyons comment la mise sur pied du Corps d’armée pour les opérations non-article V pourrait être améliorée233. » Le Corps d’armée est composé d’un Etat-major intégré de 400 soldats allemands et néerlandais, il est disponible pour les opérations de défense et de gestion de crises en dehors de la zone OTAN. Les unités néerlandaises, qui font partie de ce Corps d’armée, sont également disponibles et aptes pour les opérations de paix. Actuellement environ 2800 militaires néerlandais de ce Corps participent aux opérations de l’OTAN dans les Balkans. Dans ce cadre, les militaires néerlandais au Kosovo évoluent sous commandement allemand. La majorité des éléments qui le compose a évolué depuis sa création en 1993, ce qui se traduit par une amélioration de ses possibilités d'emploi lors des opérations de maintien de la paix. Les unités de soutien dans ce Corps d’armée sont indispensables pour les opérations en dehors du territoire de l’OTAN et représentent le type d’unités flexibles, modulables et polyvalentes pouvant être le noyau d’une opération militaire multinationale. La Force amphibie anglo-néerlandaise, quant à elle, a été créée le 9 mai 1973, et plus d’un quart de siècle plus tard elle reste, avec l’ABNL, sans équivalent au niveau de l’intégration de forces opérationnelles sous un même commandement. De l’avis du Secrétaire général de l’OTAN, cette force constitue « a devastatingly capable two-nation NATO force wich provide a demonstration of capabilities wich matched the political rhetoric in european defence234. » Cette Force comprend deux éléments principaux, le Groupe amphibie et la Force de débarquement (Landing Force), le premier est composé de spécialistes venant des deux flottes, et la seconde est constituée de trois brigades des Royal marines et d’unités du Royal Netherlands marine Corps. La Force amphibie anglo-néerlandaise peut opérer dans tout le spectre des missions, du combat de haute intensité aux opérations autres que la guerre, de manière autonome, ainsi qu’à l’intérieur d’une

231 Sur ce point particulier, il est assez symptomatique de noter que pour l’éventuel relais européen de la mission de l’OTAN en ex-République yougoslave de Macédoine (« Amber fox »), La Haye exige la signature préalable d’un accord régissant les relations entre l’UE et l’OTAN. Sur cette même question Bruxelles penche pour l’établissement d’un accord Ad Hoc qui permettrait de contourner l’actuel veto grec bloquant la signature d’un accord global. 232 Ces deux structures seront étudiées dans la troisième partie de la présente étude. 233 Ministère de la Défense des Pays-Bas, The Netherlands Ministy of Defence : security in a changing world, La Haye, mai 1999. 234 UK/Netherlands Amphibious Force celebrate silver jubilee, dans Jane’s Navy international, N°103/005, janvier 1998.

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force multinationale plus vaste235. L’entraînement et la formation s’effectuent comme s’il s’agissait d’une seule entité et non de deux forces distinctes. L’intégration est développée à tous les niveaux, de par l’échange de personnel et la mise en commun des doctrines et des procédures. Enfin, les Pays-Bas sont également actifs dans la coopération bilatérale avec les pays d’Europe centrale et orientale. A l’instar de ses partenaires Bénélux qui collaborent entre autres avec la Roumanie dans le cadre de BELUROKOS, les Pays-Bas prennent en considération les initiatives visant à intégrer des unités de pays de l’Europe centrale ou orientale dans leurs contingents. Ainsi, par exemple, le génie bulgare est repris dans le contingent des Pays-Bas en Bosnie et au Kosovo. Pour La Haye, certains pays voulant devenir membres de l’OTAN disposent en général d’assez de personnel, mais n’ont pas les possibilités d’entraînement et de formation des Etats de l’Alliance. Par conséquent, de par ces coopérations, « les partenaires peuvent opérer avec les pays OTAN et peuvent se familiariser avec nos méthodes de travail au point de vue du personnel, du matériel et du management236. »

3.5. Budget, personnel et équipement

3.5.1. Le budget

Comme l’indique le tableau ci-dessous, le budget de la Défense nationale néerlandaise a été caractérisé ces dernières années par une diminution continue. Le gouvernement de La Haye a cependant déclaré en 1999 qu’à l’avenir, le budget militaire ne diminuerait plus. Ainsi, en l’an 2000 le budget des forces armées néerlandaises s’est vu augmenté de 4%. Figure 7. Evolution du Budget de la défense aux Pays-Bas en pour cent du PIB237

235 Dans ce cadre elle peut également fournir des éléments de commandement. 236 Ministère de la Défense des Pays-Bas, Defentie Nota 2000, La Haye, novembre 1999. 237 Sources : éditions successives du Military Balance.

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1996 1 997 1998 199 9 2000 200 1

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L’augmentation des capacités militaires européennes, tant dans le cadre de l’OTAN que de l’Union, la continuation de la politique en matière de personnel238, la réorganisation globale des forces armées et l’amélioration du management financier et opérationnel constituent les quatre plus importants postes du budget de la défense des Pays-Bas.

3.5.1.1. L’augmentation des capacités militaires européennes

C’est à l’aune des opérations dans les Balkans et surtout de la campagne aérienne au Kosovo que le gouvernement néerlandais a tracé les lignes directrices de ses futures attributions budgétaires239, en pointant les lacunes européennes en matière de capacités militaires : « it has been proved that Europe possesses insuficient capacity with respect to, among other things, strategic air and naval transport, intelligence gathering, command and control and combat ready, rapidely deployable units240. » Signe de cette réalité, la décision prise par les Pays-Bas de contribuer à la future Force de réaction rapide, pour laquelle La Haye « wants to make a valuable contribution to this and bears its responsibilities within this task241. » Dans ce cadre les Pays-Bas estiment, à l’instar d’autres petits pays, que les exigences financières imposent l’idée d’une participation sous forme de modules pouvant être déployés dans des alliances multinationales. La coopération internationale ne doit cependant pas se limiter aux seuls aspects opérationnels ; elle doit également apparaître dans le cadre du financement et de la formation : « the importance of pool formation and multinational financing is also increasing. Intensification of existing multilateral and bilateral alliance is a solution here. The Netherlands is searching for new solutions, which have a sound military basis242. »

3.5.1.2. La continuation de la politique du personnel

Le marché du travail aux Pays-Bas se caractérise par un faible taux de chômage, ainsi qu’une forte compétition entre les différents employeurs pour le recrutement du personnel jeune et qualifié. Dans ce contexte, engager et surtout conserver son personnel constitue une gageure pour les autorités militaires néerlandaises. A cet effet, plusieurs enveloppes budgétaires ont été accordées à la politique du personnel : une provision structurelle de 45,38 millions d’euros, via la « Defensie Nota 2000 » ; une enveloppe additionnelle de 22,69 millions d’euros sur base de la « Dijkstal Motie » ; 9,08 millions d’euros provenant du « Financieel Rapport » du Gouvernement néerlandais du printemps 2000 ; et un dernier supplément de 13,61 millions d’euros. L’essentiel de ces ressources sera consacré à l’amélioration des mesures de recrutement, du bien être et de la sécurité et à la conservation du personnel via des ajustements salariaux et des compensations financières.

238 Cfr. Point 3.5.2 de la présente étude. 239 En juillet 2000, le Gouvernement néerlandais a décidé d’ajouter 90,76 millions d’euros au budget des forces armées pour financer des projets qui contribueront à l’amélioration des capacités militaires européennes dans les domaines du transport stratégique, du renseignement et du commandement et contrôle. 240 Ministère de la Défense des Pays-Bas, Defence budget 2001, La Haye, 2000. 241 Ministère de la Défense des Pays-Bas, Defence budget 2001, La Haye, 2000. 242 Ministère de la Défense des Pays-Bas, Defentie Nota 2000, La Haye, novembre 1999.

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3.5.1.3. Assurer la continuité du processus de réorganisation des forces armées

Cette troisième priorité a été initiée en 1999, et vise à transformer la culture même de l’organisation militaire, sur base des concepts clés : transparence, fiabilité, flexibilité et disponibilité. Les sommes ainsi allouées seront consacrées au renforcement du management centralisé, à l’amélioration de l’information à l’intérieur et vers l’extérieur des forces armées.

3.5.1.4. L’amélioration du management opérationnel et financier

Pour ce faire les relations entre les intentions politiques et leurs implications budgétaires seront renforcées. Les études réalisées à ce sujet par le Ministère et l’Audit national sur les finances militaires vont dans ce sens : « Financial management must contain sufficient guarantees for the timely and high-quality implementation of the improvement process243. » Les autres postes budgétaires consistent en l’allocation de moyens supplémentaires au respect des normes environnementales (8,17 millions d’euros), au maintien des 108 F-16 opérationnels (20,42 millions d’euros en 2001) et à l’acquisition de nouveaux moyens de communication pour la Royal Marechaussee. Enfin, un ajustement prévisionnel a été adopté dans le cadre des futures opérations de maintien de la paix, faisant passer cette enveloppe budgétaire de 14,07 millions d’euros à 29,95 millions d’euros par an.

3.5.2. Le personnel

Comme nous l’avons indiqué au point précédent, les autorités militaires néerlandaises sont confrontées à un déficit important en matière de personnel et à un niveau d’engagement insuffisant. Idéalement, pour remplir les exigences de la nouvelle structure des armées, 8000 personnes devraient être engagées par an. Cependant, à l’heure actuelle, les autorités néerlandaises parviennent difficilement à tenir cet objectif (en 2000 il était rempli à 86%). Figure 8. Evolution du volume des forces armées néerlandaises depuis 1996244

243 Ministère de la Défense des Pays-Bas, Defence budget 2001, La Haye, novembre 2000. 244 Sources : éditions successives du Military Balance.

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Concrètement, les objectifs majeurs en matière de personnel tels qu’exposés dans la « Defensie Nota 2000 », sont les suivants : • L’inversion du ratio entre les contrats à durée indéterminée et ceux à durée

déterminée en passant de 60/40 à 40/60. Ceci impliquera dans le chef des autorités militaire d’accentuer la mise en œuvre de mesures visant à favoriser le passage entre la vie militaire et la vie civile ;

• La diminution des exigences dans le cadre des opérations internationales. L’augmentation des capacités en matière de déploiement rapide devrait permettre au Pays-Bas d’atteindre l’objectif de 6 mois de missions au maximum pour chaque période de 18 mois ;

• L’augmentation de l’utilisation du personnel de la réserve pour les opérations de maintien de la paix, dans le cadre de fonctions de transport, soins médicaux et la coopération civilo-militaire ;

• L’amélioration des techniques de communication afin de permettre de mieux toucher les 18-29 ans et de les informer sur les possibilités de carrière à court terme au sein des forces armées ;

• Le développement de nouvelles aides dans les domaines économique, médical, psychologique et social.

Si les mesures proposées sont rendues effectives, la composition en temps de paix des forces armées néerlandaises sera, en 2009, de plus de 76.000 personnes (y compris les civils) : 16.600 dans la marine, 34.500 dans l’armée de terre, 12.700 dans l’armée de l’air, approximativement 5.500 dans la gendarmerie et 6.800 dans le commandement inter-forces et le département central. En outre il pourra être possible, en 2009, d'augmenter les effectifs des forces armées en cas de conflit majeur à hauteur approximative de 108.000 personnes : 19.500 dans la Marine, 56.700 dans l’armée de terre, 17.200 dans l’armée de l’air, 7.600 dans la gendarmerie et 6.800 environ dans le commandement inter-forces et le département central. Enfin, la « Defensienota 2000 » précise que « la préparation au combat et la capacité de déploiement des forces armées néerlandaises doivent être augmentées ». Ces ambitions sont néanmoins pondérées par les possibilités du recrutement sur le marché de l’emploi et par les contraintes budgétaires. Concrètement, le nombre de fonctions actives dans les unités de déploiement rapide sera augmenté de 2.100, y compris mille personnes de l'infanterie mécanisée et trois cents marines. Concluons brièvement en évaluant l’état d’avancement des réformes en matière de personnel. La pénurie de main-d’œuvre semble poser de gros problèmes aux autorités néerlandaises pour atteindre leurs objectifs. Pour les experts de la politique de défense néerlandaise, il sera difficile pour le Gouvernement de tenir son objectif d’accroissement des effectifs immédiatement disponibles de 2100 hommes245. Reste que des propositions sont avancées : l’abaissement de l’âge minimum d’engagement à 16 ans, qui a reçu un accueil très froid de la part du Parlement sensibilisé aux questions des enfants soldats ; ou encore la proposition de l’Institut Clingendael, d’engager un certain nombre d’étrangers qualifiés pour combler le déficit de main

245 P. EVERTS, Pays-Bas : une adaptation encore incertaine, dans P. BUFFOTOT (Dir.) La défense en Europe, Les études de la documentation française, Paris, 2001.

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d’œuvre, mais elle fut rejetée par le Parlement et les syndicats avec encore plus de virulence qu’au Grand-Duché de Luxembourg et qu’en Belgique246.

3.5.3. L’équipement

L’analyse de la politique néerlandaise concernant les équipements militaires sera étudiée ici sous l’angle des principaux programmes d’acquisitions tels que décrits dans la « Defensie Nota 2000 », ainsi que leur état d’avancement. Nous analyserons ces programmes d’acquisition en fonction des différentes forces (Air, Terre, Mer), tout en insistant sur les capacités opérationnelles plus spécifiques à l’exécution des nouvelles missions (capacités de transport stratégique, de tirs à distances, amphibies, etc.)

3.5.3.1. La Marine

Les principaux programmes d’acquisition, de modernisation et de mise à la retraite pour la Marine sont les suivants : • L’acquisition d’un second navire de transport amphibie, qui sera en principe

opérationnel pour 2007247 ; • La mise à la retraite de la dernière frégate lance missiles pour 2003248, ainsi que la

mise à la retraite des quatre frégates standards pour la période 2001-2005 ; • L’équipement, en fonction d’une étude d’opportunité, des frégates LCF d’une

capacité de défense contre les missiles balistiques (TMD) ; • La mise à la retraite de 3 chasseurs de mines pour la période 2000-2002, ainsi que

la modernisation des douze derniers pour 2008249 ; • La mise à la retraite et le remplacement des navires hydrographiques et

océaniques pour 2003 ; • La mise à la retraite de 3 avions de patrouille en mer Orion (période 2000-2006)

et la modernisation des 10 avions restants sur la même période250 ; • Le remplacement des hélicoptères Lynx par 20 NH-90 pour 2007.

246 Pour une analyse plus approfondie de ces questions voir : Jaarboek vrede en Veiligheid, Studiecentrum, Vredesvraagstukken, Nimègue, 2001. 247 Ce navire accueillera un GFIM de 400 hommes, il pourra s’acquitter du transport de tous les types d’équipements militaires, il sera en outre adapté à l’aide humanitaire, l’évacuation et l’aide d’urgence en cas de catastrophes naturelles. 248 Au total la marine néerlandaise disposait de deux frégates lance missile de la classe Tromp, la première avait été mise à la retraite en 1999. 249 Cette modernisation s’effectuera en coopération avec la Belgique. 250 Installation d’un système de communication par satellite, système de contre-mesure, aménagement du cockpit et système de gestion des données. Orion upgrade in prospect, dans Janes Defence upgrade, Vol 4, N°5, mars 2001.

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3.5.3.2. La Force terrestre

Les principaux programmes d’acquisition, de modernisation et de mise à la retraite pour la Force terrestre sont : • L’achat de 300 pièces du système de défense anti-char Rafael Gill251 pour équiper

les unités de réaction rapide252 ; • La modernisation des 180 tanks de combat Leopard 2A5 vers la configuration

2A6i, via l’acquisition de nouveaux systèmes d’armes253 ; • L’achat de 112 véhicules 6x6 pour le transport de matériels pour 2004 ; • La vente de 136 tanks de combat Léopard 2, 125 véhicules chenillés et de 400

véhicules légers.

3.5.3.3. La Force aérienne

Les principaux programmes d’acquisition, de modernisation et de mise à la retraite pour la Force aérienne sont les suivants : • L’achat de 14 hélicoptères légers pour 2003 ; • La mise à la retraite de 18 F-16 ; • L’acquisition pour 2003 du système de radar Longbow pour équiper les

hélicoptères de combat Apache ; • L’équipement de tous les hélicoptères de combat de systèmes de protection pour

2003254 ; • L’achat de système de contre-mesures et du système LANTRIN pour le mid-life

update (MLU) des F-16 . En matière d’acquisition d’équipements, retenons principalement les oppositions au sein des autorités néerlandaises entre les partisans d’achats moins chers et souvent hors d’Europe (Etats-Unis, Israël) et ceux qui défendent une politique d’acquisition privilégiant le renforcement de la base industrielle européenne. D’ordinaire, les décisions vont dans le sens de l’acquisition des avions de chasses et des hélicoptères de combat aux Etats-Unis255 (F-16 et Apache), et une compensation en achetant d’autres systèmes à l’industrie européenne (véhicules blindés, système de communications,…). Un bon exemple, est la décision prise par le Ministère de la

251 Cette décision fait suite au retrait néerlandais du programme de missile moyenne portée TRIGAT. La décision devait se prendre entre le missile Gill/spike et Javelin. Pour des raisons budgétaires, le choix des autorités s’est porté sur le système israélien malgré l’opposition des partis de gauche craignant que cet achat ne soit un mauvais signal aux autorités israéliennes à un moment ou la tension entre Israéliens et Palestiniens est particulièrement exacerbée. 252 Netherlands select Gill, dans Jane’s missiles and rokets, Vol 5, N°9, septembre 2001. 253 Système Reinmetall L55 120 mm smoothbore gun barrel, augmentant la portée et la pénétration actuelle. The Netherlands- Army orders Leopard 2A6 upgrade, dans Jane’s defence upgrade, Vol 5, N°5, mars 2001. 254 Integrated Self Protection System (ISPS). 255 P. EVERTS, Pays-Bas : une adaptation encore incertaine, dans P. BUFFOTOT (Dir.) La défense en Europe, Les études de la documentation française, Paris, 2001.

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Défense néerlandais de rejoindre le programme Joint Strike Fighter (JSF) pour le remplacement des F-16 MLU. Les Pays-Bas ont l’intention d’acquérir 100 F-35 (le remplacement s’effectuera entre 2010 et 2020), le reste de la flotte de F-16 sera remplacé par des Unmanned air vehicles (UAVs), et pour 2020 par des Unmanned combat air vehicles (UCAVs)256. Les Pays-Bas ont réalisé une évaluation, au terme de laquelle le F-35 présentait le meilleur rapport qualité prix, devant le Rafale F-4 de Dassault Aviation et le Typhoon, du consortium Eurofighter. Les représentants de Dassault et d’Eurofighter ont critiqué le fait de n’avoir pu renégocier leurs prix avec le ministère néerlandais de la défense, et dénoncé le fait que ce choix puisse mettre fin à l’industrie aérospatiale de défense de par l’effet boule de neige que pourrait avoir cette décision sur les petites forces aériennes européennes257.

3.6. La structure des forces armées

Le Ministère de la Défense des Pays-Bas est constitué de deux entités de base : l’Organisation centrale et les forces armées258 (la Force terrestre, la Force aérienne, la Marine et la Gendarmerie). L’Organisation centrale constitue le centre névralgique du Ministère, et les différentes Forces, ses organes subsidiaires. Le concept de Process of Change in the Defence Organisation pleinement introduit dans la « Defensie Nota 2000 » part du constat que l’organisation de la défense doit répondre aux évolutions de la situation internationale. La nouvelle structure développée se veut un compromis entre la centralisation et la décentralisation, dont les concepts clés sont : transparence (transparency), responsabilité (accountability) et fiabilité (reliability). Les objectifs majeurs sont les suivants : • Le renforcement de la direction centrale ; • Le renforcement du rôle de l’Inspector General of the Armed Forces ; • L’amélioration de la communication vers l’extérieur ; • L’amélioration la gestion des situations exceptionnelles ; • La centralisation du commandement pour les opérations de paix ; • La création d’une architecture unique pour la participation aux opérations de

paix ; • L’amélioration de la mobilité du personnel. Retenons que pour le Ministère de la Défense, la gestion d’une organisation telle qu’une armée nécessite une centralisation de la prise de décision, se différenciant d’une centralisation pure et simple qui causerait des délais inutiles et rencontrerait une certaine opposition. Cependant, à l’autre extrême un management trop dispersé ferait perdre la vision globale. Cette centralisation de la prise de décision se voit dès lors couplée à une décentralisation de l’exécution. Cela permet au ministère de se situer en équilibre entre les deux extrêmes. C’est ce que nous retrouvons dans le concept de « central direction and decentralised execution » développé par le management militaire.

256 J. JANSSEN LOK, The netherlands confirms it is to become a JSF partner, dans Jane’s Defense Weekly, Vol 37, N°5, 30 janvier 2002. 257 A l’heure actuelle (avril 2002), la participation au programme reste contestée par le parlement. Il est probable que le choix d’intégrer où non le programme JSF incombera au prochain gouvernement. 258 Organigramme en annexe.

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Concrètement, le nombre de fonctions dans les Core department sera réduit pour 2003 de 25% par rapport à la période 1995/96, la préparation au combat sera améliorée par l’ajout de 2100 fonctions pour les forces terrestres de déploiement rapide259, des évaluations seront réalisées afin d’évaluer la possibilité de l’utilisation de l’ outsourcing pour certaines fonctions d’exécutions260. Selon nos sources, la mise en place complète des mesures du « Process of change in the Defence Organisation » devrait être réalisée pour 2003. Les évaluations pour l’année 2001 ne sont pas encore disponibles à l’heure où nous écrivons ces lignes, mais il s’avère que les perspectives de gains de productivité annoncées sont par trop optimistes. Pour preuve, le Ministère a été contraint de repousser certains investissements, faute de crédits261.

259 Cfr. point 3.5.2 de la présente étude : Le personnel. 260 L’objectif de ces évaluations (programme Competitive Service Provision) est de réaliser des économies d’au moins 18,15 millions d’euros en 2001, de 29,50 millions d’euros en 2002 et de 45,38 millions d’euros les années suivantes. 261 P. EVERTS, Pays-Bas : une adaptation encore incertaine, dans P. BUFFOTOT (Dir.) La défense en Europe, Les études de la documentation française, Paris, 2001.

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SYNTHESE

Lignes de force intra-Bénélux

L’examen des politiques de sécurité et de défense de la Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg et des Pays-Bas, nous permet de tirer quelques conclusions partielles et de dégager les premiers enseignements préalables à l’étude de la coopération militaire au sein du Bénélux à proprement parler. Nous présenterons succinctement ci-après les lignes de forces et les spécificités existant entre les trois Etats sur base des six thématiques préalablement retenues.

Perception nationale de l’environnement stratégique

Les trois Etats du Bénélux ont rapidement perçu que la fin de l’antagonisme Est-Ouest a amélioré de manière sensible leur situation géostratégique. Tous trois font le constat qu’avec la quasi disparition de la menace conventionnelle, de nouvelles formes de menaces ou risques ont fait leurs apparitions. Ces dernières peuvent être d’origine politique, sociale, économique, étique, religieuse, démographique ou écologique (Belgique, et dans une moindre mesure les Pays-Bas). Elles sont également dépendantes de l’émergence des nationalismes et fondamentalismes dont les débordements violents et leurs conséquences humanitaires sont soulignés tant par les Pays-Bas que la Belgique. La zone des Balkans est explicitement citée (Belgique, Pays-Bas). La Belgique souligne les conséquences de la globalisation de l’économie, du non respect des droits de l’Homme. Pour leur part, les Pays-Bas mettent avant la prolifération des armes nucléaires, biologiques, chimiques et balistiques, ainsi que le terrorisme. En outre, l’évocation des situations d’instabilité plus lointaines pouvant avoir des effets indirects sur la sécurité (Afrique, Asie, Proche et Moyen-Orient) est également faite par La Haye.

Les concepts de sécurité et de défense 262

Les Etats du Bénélux, en tant que membres de l’OTAN, ont tous adopté le Concept stratégique de l’Alliance atlantique d’avril 1999 qui offre une définition commune du cadre collectif de la sécurité et de la défense. Concernant l’UE, ces trois Etats ont également ratifié les conclusions du Sommet de Nice concernant les développements de la PESD263.

262 Au même titre que pour la perception nationale de l’environnement stratégique, le Luxembourg n’a pas publié une description officielle de sa politique de sécurité et de défense. Cette dernière repose essentiellement sur son adhésion à l’Alliance atlantique (Défense du territoire et dans une moindre mesure la sécurité indirecte) et au processus d’édification de l’Europe de la défense (pour la sécurité indirecte). 263 En tout état de cause il en sera sans doute de même pour les avancées accomplies en la matière à l’occasion du Sommet de Laeken.

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Toutefois, au niveau national, les caractéristiques des concepts de sécurité et de défense sont plus hétérogènes et expriment particulièrement les spécificités desdits Etats pris individuellement. Les éléments suivants sont particulièrement mis en évidence : la sécurité globale (Belgique, Pays-Bas), la défense collective et la solidarité entre alliés (Belgique, Luxembourg et Pays-Bas) et la coopération civilo-militaire (Belgique et Pays-Bas). La problématique de la prévention des crises se retrouve particulièrement dans le chef de Bruxelles. La dimension humanitaire est surtout mise en évidence au Grand-Duché de Luxembourg par la création d’un super ministère regroupant la Défense, les Affaires étrangères et la Coopération au développement. Notons enfin que les Pays-Bas n’apportent pas une relecture fondamentalement différente des concepts de sécurité et de défense esquissés au sortir de la Guerre froide.

Les missions des forces armées

Dans les documents nationaux étudiés, la définition des missions et/ou des tâches ne recouvre pas toujours la même signification. Toutefois, les trois Etats citent la mission souveraine de protection du territoire national, ainsi que la défense de l’espace des alliances. Relevons que les Pays-Bas citent également la défense de territoires ou d’intérêts nationaux outre-mer (Aruba et Antilles néerlandaises). Mais, pour ces trois Etats, les missions dévolues aux forces armées ne se limitent plus à la stricte défense du territoire national et de l’Alliance. En effet, les trois s’assignent également comme missions la prévention des conflits et les opérations de maintien de la paix, l’action humanitaire et l’assistance en cas de catastrophes naturelles et environnementales, en ce compris celles affectant le territoire national. La Belgique cite également la sécurité et le rapatriement de ressortissants nationaux et la diplomatie de défense recouvrant la participation à la vérification et au contrôle des accords de désarmement (Belgique, Luxembourg). La contribution militaire à des missions de sécurité (crime organisé, terrorisme, trafic de drogue, immigration clandestine) apparaît enfin aux Pays-Bas264.

Alliances et coopérations internationales

Les Etats du Bénélux, en tant que membres fondateurs de l’OTAN, l’ONU de l’UEO et l’UE, sont associés à plusieurs institutions multilatérales disposant de responsabilités en matière de sécurité et de défense, nonobstant le fait que ces organisations internationales fonctionnent dans un cadre intergouvernemental et que la décision politique de participation aux opérations reste une prérogative exclusivement nationale, dans les limites des engagements souscrits et selon les missions (Art V/5 ou non Art. V/5).

264 A côté de ces indications nationales, les Etats membres ont adopté, dans le cadre des alliances dont ils font partie, des missions spécifiques, inscrites dans les Traités : missions article 5/V et missions de gestion de crise et de Petersberg.

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Dans ce cadre, les Etats du Bénélux développent dans leurs livres blancs et déclarations officielles leur participation aux trois alliances (UE, UEO et OTAN). En outre, la Belgique, les Pays-Bas citent aussi l’ONU comme organisation impliquée dans les opérations de gestion de crise. La place prépondérante donnée à l’OTAN en matière de défense du territoire de l’Alliance est explicitement perceptible dans les documents des trois Etats. Cependant, la Belgique et le Luxembourg n’insistent pas tant sur le renforcement de la dimension européenne au sein de l’Alliance (IESD), que sur la nécessité d’éviter les tensions transatlantiques et les duplications, entre les deux entités dans le cadre du développement du processus de la PESD. Les positions exprimées par les trois capitales concernant l’émergence de la PESD et surtout les relations que devra entretenir l’UE avec les tierces parties dans ce domaine265. Toutefois, pour les trois Etats du Bénélux les engagements multinationaux représentent l’avenir de leurs forces armées. Dans cette optique, ils intègrent tous trois la dimension multinationale de l’Alliance à travers les unités composées. La Belgique et le Luxembourg, développent plus avant leur participation au Corps européen tandis que les Pays-Bas mettent en exergue le corps germano-néerlandais et la division amphibie anglo-néerlandaise. La dimension bilatérale de la coopération impliquant des zones sous-régionales : coopérations belgo-britannique, belgo-allemande, belgo-française pour Bruxelles ; coopération anglo-néerlandaise et belgo-néerlandaise pour La Haye et belgo-luxembourgeoise pour Luxembourg.

Budget, personnel et équipements

Au sein du Bénélux, à l’exception du Luxembourg, en matière de volume des forces armées la tendance est à une diminution généralisée. Notons que dans les trois pays l’idée a été proposée d’incorporer des non-nationaux au sein des forces armées, mais également de diminuer l’âge minimum d’engagement (Pays-Bas). Les trois Etats membres visent une professionnalisation totale de leurs forces armées, mais font cependant face à des problèmes récurant de recrutement (particulièrement au Luxembourg). En outre, ils sont également confrontés à la difficulté de rééquilibrer la pyramide des âges de leurs forces armées et le ratio entre le personnel opérationnel et celui affecté aux fonctions de soutien (surtout en Belgique). La présentation des équipements majeurs et des acquisitions futures reste fonction des priorités nationales et multinationales, de l’influence des différentes armes et des variables économique, historique, politique et budgétaire. Toutefois, globalement, la tendance est à la recherche d’une capacité aérienne de tir à distance et de meilleure précision, de capacité multi-rôles, de mise à niveau dans le domaine du ravitaillement et d’amélioration du transport aérien. La modernisation, la consolidation et le renouvellement des frégates (Belgique et Pays-Bas) et des sous-marins (Pays-Bas) occupent également la visibilité maritime. Quant aux forces terrestres, elles sont souvent associées à l’acquisition de nouveaux blindés multi-rôles, de transport héliporté, de drones de surveillance (Pays-Bas) et de véhicules de reconnaissance (Luxembourg et Belgique). 265 Voir point 4.7. de la présente étude.

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Concernant les budgets, la tendance générale de 1996 à 2000 est caractérisée par la régression (les trois Etat du Bénélux ont réduit leur budget de défense de manière continue entre 1995 et 2000). Le Luxembourg et les Pays-Bas se sont engagés à augmenter les futurs budgets de défense. La Belgique s’est, quant à elle, engagée à l’indexer pour les prochaines années (période 200-2005). En outre, la Belgique et le Luxembourg, qui figurent parmi les Etats européens les plus riches en terme de PIB par habitant, ne sont pas ceux dont la part affectée à la défense se situe dans le peloton de tête en comparaison avec les Pays-Bas. Enfin, la répartition des dépenses entre le personnel, les investissements (équipements) et les autres domaines (fonctionnement) indique que les dépenses en personnel arrivent en tête dans les trois Etats du Bénélux. Pour la Belgique et les Pays-Bas, elles sont supérieures à 50 % du total des dépenses et à 70% pour le Grand-Duché de Luxembourg.

Structure des forces armées

Majoritairement associée au fonctionnement, aux réformes et à l’organisation nationale des forces armées, l’examen de la structure est caractéristique des spécificités de chaque Etat membre dans son potentiel de sécurité et de défense. Plusieurs tendances semblent néanmoins se dessiner : séparation des fonctions « direction » et « exécution » pour les Pays-Bas avec le « Process of change in defence organisation » qui devrait être pleinement mis en place pour 2003. Signalons également l’introduction d’un commandement opérationnel interforces ou l’emphase sur la dimension interarmée, le regroupement des tâches (Belgique et Pays-Bas) et l’établissement d’un Etat-major unique depuis le 1er janvier 2002 pour la Belgique. Notons que Bruxelles insiste également sur la coopération civilo-militaire. Les autres notions importantes sont : la modularité que l’on retrouve dans les documents belges et néerlandais, l’interopérabilité multinationale pour la Belgique et la projection (Belgique et Pays-Bas).

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Chapitre 4

Les coopérations militaires Bénélux 266

Comprendre l’implication et les liens entre l’intégration et les coopérations développées au sein du Bénélux et la construction européenne nécessite un retour aux origines de l’édification de l’entité européenne. Un tel retour, même succinct, démontre d’une part que le processus d’intégration entre les Etats du Bénélux trouve ses racines il y a près d’un demi-siècle267 et, d’autre part, que ce processus a été, à de nombreuses reprises, en avance sur la construction européenne. Cette étude se limitant aux coopérations dans le cadre des politiques de sécurité et de défense, un bref historique nous permettra de rappeler que ces dernières ne constituent qu’une des facettes des relations entre les Etats du Bénélux qui se développent également, et surtout, dans les sphères économique, sociale et culturelle. Force est de constater que même en se limitant aux seuls aspects ayant trait à la politique de sécurité et de défense, le nombre de documents officiels existants268 ne permet pas une étude exhaustive, mais nécessite une analyse plus ciblée. Cette dernière se basera, dans un premier temps, sur la description des accords cadres régissant la coopération Bénélux, tant au niveau des forces armées dans leur ensemble, qu’au niveau de chaque force. Dans un deuxième temps, elle se focalisera sur l’analyse de domaines spécifiques comme l’acquisition de matériel et la formation. Enfin, en guise de perspective, nous nous interrogerons sur l’avenir de ces coopérations dans le cadre du développement de la PESD ; même si l’existence de ces coopérations trilatérales n’a jamais été remise en cause par les développements de la construction européenne, et la possibilité d’une disparition d’un Bénélux devenu caduque au sein d’une Union européenne totalement intégrée rarement, voire jamais évoquée.

266 Il serait plus correct de parler de coopération et d’intégration dans le domaine militaire au sein du Bénélux. Par commodité nous utiliserons le vocable coopération Bénélux comme concept générique pour nos titres. Cependant la distinction entre coopération et intégration sera toujours faite lorsque la nature des coopérations étudiées le nécessitera. 267 Si des rapprochements économiques avaient déjà eu lieu entre les Pays-Bas et la Belgique, associée depuis 1921 au Luxembourg par le Traité d’Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL), l’entité Bénélux n’est effectivement apparue qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. 268 Au total, il existe plus d’une centaine de documents, répartis en conventions, mémorandum, accords cadres, accords techniques, pouvant s’appliquer aux armées entières ou à une de leurs composantes, et ce dans des domaines tels que la formation, l’entraînement, la logistique, les soins médicaux, l’acquisition de matériel et les aspects opérationnels. Cette pléthore de documents officiels contraste avec la quasi inexistence de publications sur le sujet.

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4.1. Le Bénélux, un laboratoire de la construction européenne

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Bénélux s’est distingué en tant que première manifestation d’un mouvement d’intégration écconomique visant à établir des règles de bonne conduite commerciale et monétaire, de manière à éviter le retour de la concurrence effrénée dans le commerce international qui fut l’une des causes du conflit. Ainsi, le 1er janvier 1948, les Etats du Bénélux signent la Convention douanière269, alors qu’au niveau de la CEE la suppression totale et réciproque des droits de douane et l’instauration d’un tarif extérieur commun ne seront acquises qu’en 1968. Pour les pays du Bénélux, il s’agissait de pouvoir bénéficier des avantages résultant de la liberté des échanges et de la division internationale du travail270. En 1955, le rôle crucial joué par les gouvernements belge, luxembourgeois et néerlandais dans ce qui est appelé communément la relance de Messine271 constitue l’une des premières implications des gouvernements Bénélux dans le processus de construction européenne. Le mémorandum rédigé à l’époque, basé sur le plan Beyen272, laissait entrevoir le possible développement d’un marché commun élargi. C’est fort de leur expérience acquise au sein de l’UEBL et du Bénélux que les ministres belge, luxembourgeois et néerlandais ont convaincu les gouvernements allemand, français et italien de l’opportunité d’entreprendre une vaste coopération européenne273. Par la suite, le Rapport Spaak devant conclure la phase d’orientation sera présenté en avril 1956. Un mois plus tard les six Ministres des Affaires étrangères se réuniront à Venise, pour lancer des négociations qui aboutiront à la conclusion du traité instituant le marché commun européen et du traité Euratom. C’est quasi simultanément, en 1958, que le traité instituant la CEE et celui instituant l’Union Economique Bénélux voient le jour. Le préambule du traité Bénélux stipule que les objectifs poursuivis sont semblables pour les deux traités et que les différences sont à trouver dans le rythme de l’intégration, et dans le stade atteint par cette dernière au moment de la rédaction274.

269 La mesure d’unification douanière avait été adoptée à Londres le 5 septembre 1944 mais ne fut appliquée qu’à partir de 1948, les circonstances de l’après guerre (notamment l’état des différents pays par suite de la destruction des infrastructures) rendant très difficile sa mise en œuvre immédiate. 270 Les Etats du Bénélux affichent depuis toujours une vocation commerciale. C’est réellement cette dernière, qui a incité, tant au niveau de la classe politique, que de la société, la création du Bénélux, bien plus que les affinités culturelles, linguistiques et religieuses qui aujourd’hui ne sont pas particulièrement développées. 271 L’échec de la Communauté européenne de Défense (CED) ayant consacré l’abandon de l’unification militaire et politique, il ne restait plus qu’à reprendre la voie de l’intégration économique qui avait réussi avec la CECA. Jean Monnet cherchait les voies d’une relance. La Conférence de Messine fut convoquée le premier juin 1955, en principe pour lui donner un successeur à la Présidence de la Haute Autorité. Voir : D. HAMON & I. S. KELLER, Fondements et étapes de la construction européenne, Presses universitaires de France, Paris, 1997, pp. 126 et suivantes. 272 Le néerlandais Johan Beyen préconisait, avec les Allemands, une intégration générale par un Marché commun. Le mémorandum Beyen-Spaak-Bech (pour les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg), avait été inspiré largement par Jean Monnet et Jean Beyen, et fut remis au conseil spécial des Six de la CECA, réunis à Messine. 273 P. MONTUSIEWICZ, Le Bénélux : toujours une source d’inspiration pour d’autres pays, dans Benelux Newsletter, N°1, 2001. 274 Le Traité instituant la CEE tend, dans ses grandes lignes, au même but que le Traité Bénélux, c’est-à-dire à une union économique telle qu’elle est caractérisée ci-après. La différence principale entre les

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La création de la Communauté économique européenne ne met pas pour autant en veilleuse le zèle intégrationniste des Etats du Bénélux. Ainsi, la fusion de la CEE, de la CECA et de l’EURATOM en 1967, trouvait en partie son origine dans une proposition néerlandaise ayant reçu l’assentiment de ses deux partenaires du Bénélux ; encore en 1971 avec l’Accord monétaire Bénélux appelé « ver » Bénélux, qui constituera l’ébauche du « serpent » monétaire européen, et l’Accord concernant la libre circulation des services. A l’heure actuelle, nombreux sont les exemples de coopérations entre les Etats Bénélux pouvant servir d’exemple à une intégration plus approfondie entre les autres Etats membres de l’Union : l’aménagement du territoire275, la coopération transfrontalière (programmes Interreg II et III), la conservation de la nature et des sites, les communications, la santé publique, la protection de la propriété intellectuelle, la politique énergétique, l’unification des droits d’accises et dans le cadre de la police, de la justice et de l’immigration276. Tout ceci illustre que le statut de laboratoire de l’intégration européenne du Bénélux est pleinement justifié et reconnu dans les milieux politiques européens. Le terme laboratoire correspond mieux pour caractériser l’entité Bénélux, que le terme modèle. En effet, si le Bénélux a eu, à de nombreuses reprises, l’occasion de faire figure de précurseur, il n’en reste pas moins qu’il a aussi expérimenté les nombreuses difficultés liées à la gestion du diptyque souveraineté et intégration. Ainsi dès le départ le Bénélux apparaît comme une réussite incomplète puisqu’il ne franchit pas le Rubicon qui lui aurait permis de passer d’une union douanière à une union économique. C’est donc à tort que l’on caractérise le Bénélux de modèle pour l’intégration européenne, le terme laboratoire de la construction européenne étant plus approprié car c’est dans un laboratoire que l’on mesure les difficultés qui peuvent se poser. Il n’en reste pas moins, comme nous l’avons vu que pour certaines questions le Bénélux a clairement été précurseur et en ce sens un modèle pour l’Europe. Lorsque l’entité Bénélux s’est fait « dépasser » par la Communauté européenne, elle a eu tendance à se vider de sa substance. La volonté politique a eu tendance à s’étioler, les différents entre belges et néerlandais n’ont pas permis d’approfondir les structures du Bénélux, qui peut apparaître comme une coquille vide277. Nous nous trouvons ainsi face à une entité au sein de laquelle existent de nombreux accords de coopérations ; mais le Bénélux n’étant pas parvenu à devenir une véritable union économique et politique, la question se pose à présent de son avenir au sein d’une Europe qui a réalisé l’union économique et qui ouvre le débat sur une union politique.

deux Traités réside dans le rythme et le stade de la réalisation de leurs objectifs. En effet, la CEE n’atteindra le degré actuel d’intégration du Bénélux qu’après une période de transition assez longue, tandis que le marché commun du Bénélux est déjà, dans une large mesure, une réalité. Il paraît donc indiqué de consolider les résultats acquis au cours d’années d’efforts communs et de poursuivre la réalisation des objectifs de l’Union économique, sans attendre qu’un degré de coopération équivalent ait été atteint par la CEE. 275 Dans ce cadre, la coopération ne se limite plus au seul Bénélux, l’Allemagne a été associée aux concertations à la frontière orientale, et la France à celles du côté occidental. 276 P. MONTUSIEWICZ, op. cit., 2001. 277 G. TRAUSCH, L’histoire du Luxembourg, Hatier, 1992.

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Dans ce contexte l’analyse des coopérations bénéluxiennes dans le cadre de la défense est révélatrice, à la fois du rôle que peut encore jouer le Bénélux dans le processus (rôle de modèle) et des difficultés à transcender les réflexes nationaux (rôle de laboratoire).

4.2. Cadre général régissant les coopérations milit aires Bénélux

Comme nous le signalions ci-avant, même en limitant notre étude au strict champ des coopérations militaires, l’exhaustivité ne peut, en raison de la multitude d’accords de toutes natures existants, être ici un objectif. Néanmoins, nous décrirons dans un premier temps le cadre général dans lequel prennent place les coopérations militaires Bénélux et, dans un deuxième temps, nous prendrons en considération tous les champs au sein desquels des coopérations voient le jour, que ce soit par forces (analyse verticale) ou en fonction de facteurs plus horizontaux tels que la formation, l’entraînement, l’acquisition de matériel et la logistique. Cette double approche permettra d’illustrer combien la coopération au sein du Bénélux dans le domaine militaire est polymorphe. Nous pouvons ainsi tracer un spectre qui va de l’intégration la plus poussée (dans le cas de la Marine) à des coopérations d’ordre essentiellement technique et de portée limitée.

4.2.1. La Convention du 25 mars 1987, pierre angula ire de la coopération Bénélux

La convention de référence régissant les actuelles coopérations militaires au sein du Bénélux a été signée le 25 mars 1987278. Elle étend la convention militaire belgo-néerlandaise du 10 mai 1948 au Grand-Duché de Luxembourg et l’actualise. L’objectif et les motivations étaient de poser clairement les jalons des futures coopérations militaires entre les Etats Bénélux. La Convention du 25 mars 1987 ne définit pas d’objectifs concrets et précis à respecter, mais les différents articles qui la composent définissent la nature des futures coopérations, ainsi que leurs relations avec les organisations internationales existantes. Dans l’esprit des rédacteurs de l’époque, il importait, entre autres considérations, dans le cadre des Nations Unies, du Traité de Bruxelles du 17 mars 1948 et du traité de Washington du 4 avril 1949 : « que les trois pays prennent des mesures dans le domaine militaire, pour assumer une meilleure coordination et une coopération plus étroite, de même que pour rechercher l’adoption d’une position commune à l’égard d’autres puissances.279 »

278 Voir annexe. 279 Convention entre le Ministre de la Défense nationale du Royaume de Belgique, le Ministre de la Force Publique du Grand-Duché de Luxembourg et le Ministre de la Défense du Royaume des Pays-Bas, 25 mars 1987, Luxembourg.

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Ainsi, pour les Etats du Bénélux, l’adoption de positions communes permettait d’acquérir une visibilité qu’ils n’atteindraient pas en tant qu’Etats pris isolément. Même si concrètement chaque pays agit individuellement et pas en tant qu’entité collective, les positions de chacun sont l’objet, dans la mesure du possible, de concertations et de coordinations préalables. En outre, en addition à un gain de représentativité, les Etats Bénélux espèrent « qu’une coopération plus étroite de leurs forces armées respectives sera bénéfique à l’efficacité de leurs efforts de défense. » Le deuxième aspect motivant la mise sur pied d’une structure de coopération au sein du Bénélux est ainsi posé ; il vise à une augmentation de l’efficacité des efforts de défense des trois nations. Gains de représentativité et d’efficacité restent à l’heure actuelle les deux leitmotivs des coopérations militaires qui se développent entre les Etats du Bénélux. Et, force est de constater qu’ils n’ont, 15 ans plus tard, pas perdus de leur pertinence- elle aurait même, selon nous, augmenté- En effet, dans la future Europe élargie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas ont tout intérêt à agir de concert plutôt qu’en tant qu’Etats séparés280. Enfin, l’efficacité et l’efficience, ne sauraient, à une époque où les coûts liés à l’acquisition de matériel militaire ne permettent plus aux Etats de conserver des capacités militaires globales, souffrir la discussion.

4.2.1.1. Portée et objectifs de la convention du 25 mars 1987

Deux articles composent la Convention, le premier fait état de l’adhésion du Luxembourg à la Convention de 1948 et le second amende et modifie cette convention. Parmi les 14 points qui composent le second article de la Convention du 25 mars 87, outre les considérations d’ordre juridique, neuf engagements sont pris : • Premièrement, un engagement est pris au niveau des Etats-majors visant à

promouvoir une « unité de conception » lors de la mise en œuvre des forces armées des trois pays en temps de crise ou de guerre.

• Deuxièmement, l’échange d’information sera favorisé « dans un esprit de

confiance mutuelle » entre les chefs d’Etat-major des forces terrestres, navales et aériennes, si cela ne se faisait pas déjà dans le cadre d’autres organisations alliées281.

280 De fait de la nouvelle pondération des voix au Conseil européen depuis le Sommet de Nice, les Etats du Bénélux totalisent ensemble vingt-trois voix. De ce fait, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg peuvent dorénavant bénéficier du même poids que les grand pays au sein du Conseil, s’ils agissent en tant que Bénélux. Voir supra. 281 Concrètement, les procédures de gestion sécuritaire de l’information sont le plus souvent celles de l’OTAN. Néanmoins, certains problèmes se posent concernant la séparation entre les responsabilités, missions et compétences strictement nationale. Dans le cadre de l’information par exemple, le haut degré d'intégration rend difficile la distinction entre responsabilités, missions et compétences nationales et binationales. Ceci se traduit – le cas échéant - par une séparation ou une compartimentation des informations selon qu'elles sont destinées à l'usage national exclusif ou ne doivent être partagées qu'avec un état tiers. Ceci peut, au sein d'un même état-major, causer des problèmes pratiques ou des cas de communication non désirée d'informations.

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• Troisièmement, tout en se gardant de contradictions avec l’OTAN, ainsi que d’autres organisations alliées, les mesures de coordinations à prendre pour l’emploi des forces armées des trois pays seront étudiées.

• Quatrièmement, la possibilité, pour une nation, d’utiliser le territoire, les

installations et les établissements militaires d’une autre sera envisagée par les chefs d’Etats-majors, et des propositions en ce sens seront soumises aux trois gouvernements.

• Cinquièmement, les échanges de personnel militaire seront favorisés afin

d’améliorer la connaissance réciproque des forces armées et des doctrines respectives.

• Sixièmement, des relations étroites seront entretenues en matière d’exercices, de

manœuvres, d’expériences et de recherches intéressant les forces armées des trois pays.

• Septièmement, les chefs d’Etats-majors s’efforceront de réaliser la standardisation

progressive de l’armement, de l’équipement, de l’organisation et des procédés tactiques. Dans ce cadre, les recherches, développements, production et acquisition d’armements et d’équipements en commun seront favorisés.

• Huitièmement, un Groupe Directeur282 sera constitué afin d’identifier et de suivre,

pour les trois pays, tous les domaines pour lesquels un programme est en cour d’exécution, une analyse plus approfondie est possible et un résultat à plus long terme peut être atteint.

• Neuvièmement, les trois Etats s’engagent à la tenue de réunion au niveau des

Chefs d’Etats-majors généraux et des Etats-majors des forces, ces réunions devant aboutir, dans la mesure du possible, à des conventions.

Si dans les domaines économiques le Bénélux s’est montré précurseur vis-à-vis de l’UE, la lecture de ces neuf engagements permet de considérer pleinement les ambitions posées par les rédacteurs de la Convention face à l’avenir des coopérations militaires au sein du Bénélux et de mesurer l’avance prise une fois de plus par ces trois Etats vis-à-vis de l’intégration des moyens de défense. Gardons à l’esprit que cette Convention est de caractère général ; elle entend poser les grandes lignes, ambitions des coopérations au sein du Bénélux. Au-delà des intentions, il nous faut à présent analyser, au travers des travaux du Groupe directeur et des différents accords signés à la suite de la Convention de 1987, la nature des coopérations Bénélux, ainsi que les réalisations concrètes en découlant.

282 Cfr. Point 5.2.2 de la présente étude.

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4.2.2. Le Groupe Directeur, moteur de la coopératio n militaire Bénélux

La coopération au sein du Bénélux est dirigée par un Groupe Directeur (« Steering Group ») constitué d’Officiers Généraux ou de Chefs de Division du niveau Etat-major général/défense (ACOS STRAT). De ce groupe dépendent 3 sous-groupes de travail représentant chacun une des composantes des forces armées283. Le Groupe Directeur se réunit une fois par an, vers mars/ avril et toujours en Belgique, en vue de préparer la réunion ministérielle annuelle du mois de mai qui se déroule alternativement en Belgique et aux Pays-Bas. Cette réunion permet au président du Groupe Directeur de présenter aux ministres les activités de l’année écoulée, ainsi que les progrès réalisés en matière de coopération. Le Groupe Directeur constitue le centre névralgique des coopérations au sein du Bénélux. De part sa position, il fait fonction d’interface entre les autorités politiques et les trois forces armées. Il identifie dans son rapport annuel l’avancement des différents projets initiés lors de la réunion des ministres de l’année précédente, mais il formule également des recommandations aux autorités politiques sur les domaines pour lesquels la coopération devrait être renforcée.

4.3. Coopération dans le cadre de la Marine

L’augmentation des coûts du matériel et les réductions budgétaires qui ont frappé les forces armées ces dernières années vont dans le sens d’une intensification des coopérations internationales dans le domaine naval. Ces coopérations doivent amener à un renforcement des capacités dans les domaines de la défense collective, dans les opérations de maintien/rétablissement de la paix et les opérations humanitaires. Elles doivent également permettre de réaliser des économies avec une plus grande transparence dans les programmes d’acquisitions, en développant, dans la mesure du possible des plates-formes communes, en standardisant la logistique, en intégrant l’instruction et l’entraînement et en utilisant une infrastructure commune. Pour analyser les coopérations existant entre la Belgique et les Pays-Bas dans le domaine des forces navales, un élément important à garder à l’esprit est la taille respective des marines belge et néerlandaise. Le rapport entre les deux flottes est de un pour sept. La crainte d’une dilution des forces navales belges au sein d’une Marine

283 1. Le Groupe Terre Le Groupe Terre dirige trois sous-groupes dont les attributions sont les suivantes :

• Instruction et entraînement. • Planification. • Problèmes relatifs aux technologies et à la logistique.

2. Le Groupe Air Le Groupe Air dirige trois sous-groupes dont les attributions sont les suivantes : • Instruction. • Opération et entraînement. • Logistique. 3. Le Groupe Mer Le Groupe Mer dirige cinq sous-groupes dont les attributions sont les suivantes : • Instruction et entraînement. • Maintenance. • Logistique et approvisionnement. • Communications. • Aspects légaux et financiers.

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néerlandaise de sept fois sa taille pouvait dès lors exister. Cependant, comme nous le verrons ci-après, les structures mises en place dans le cadre de l’intégration des marines belge et néerlandaise assurent une juste représentativité des deux partenaires. Tableau 4. Comparaison des marines belge et néerlandaise

Dutch Navy Belgian Navy 16 (14) Frigates 1 (2) LPD 2 Fast Combat Support Ships 1 Torpedo workship 4 Submarines 15 (12) Mine hunters 13 (10) Orion MPA 21 (20) Lynx helicopters 2 Hydrographic ships

3 (2) Frigates NTBL 2 (1) Command and support ships 7 Mine hunters 3 (3) Alouette helicopters 1 Oceanographic ship

Cette disproportion entre les deux marines amène à penser que c’est surtout la Belgique qui est le premier bénéficiaire de l’intégration284. Si les Néerlandais ont moins à gagner que les Belges, il y a d’autres bénéfices (non monnayables). Par exemple, il est plus simple pour les Néerlandais de légitimer des projets binationaux auprès du Parlement ou de l’opinion : « If you have a project funded by the two countries, it’s not as easy to drop out of it as it would be if you are doing it all by yourself285. »

4.3.1. L’intégration des marines belge et néerlanda ise dans la structure Amiral Bénélux (ABNL)

La genèse des coopérations entre les marines belge et néerlandaise- le Luxembourg ne possédant pas de marine- se situe le 7 mars 1975 avec la signature de l’Accord ABNL temps de guerre286. Mais ce n’est que le 28 mars 1995 qu’est signé l’Accord ministériel ABNL temps de paix et temps de guerre, sur la coopération entre les deux marines. Dans la foulée, un accord sera signé entre les deux chefs d’état-major pour l’exécution des opérations. Ensuite, le premier janvier 1996, le quartier général binational est activé à Den Helder. Enfin, un accord sera signé entre les chefs d’état-major pour l’intégration dans le domaine de l’instruction. La structure de commandement de l’ABNL est constituée de telle sorte que les tâches et missions à caractère purement national seront exécutées depuis le quartier général ABNL à Den Helder287. En outre l’Accord du 28 mars 1995 ne ferme pas la porte à la

284 Tweede Kamer, Samenwerking op maritiem gebied tussen Nederland en België, Vergaderjaar 2000-2001, 27 400X, n°19, La Haye, 2001. 285 P. SHISHKIN, Benelux Navy Officials Try to Stay Buoyant, dans Wall Street Journal, 28 mars 2000. 286 L’accord de 1975 sera révisé le 15 octobre 1985. 287 Missions nationales ne faisant pas partie des opérations communes, telles que citées dans l’annexe A de l’Accord pour l’exécution des opérations du 29 juin 1995 : • inspection pêcherie ; • mission de garde-côtes (lutte anti-drogue et anti-contrebande, assistance aux douanes, lutte contre

la pollution en milieu marin, participation au sauvetage en mer) ;

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possibilité « d’exécuter en commun des missions impliquant d’autres départements », mais il précise également que « toute forme de spécialisation pour une tâche sera évitée. » Les objectifs de l’ABNL sont d’approfondir la coordination et la coopération, afin d’améliorer l’efficience et l’efficacité de la préparation opérationnelle des marines belge et néerlandaise au travers de : • La mise en commun des quartiers généraux des deux marines en un seul quartier

général intégré ; • L’établissement d’un schéma commun pour les entraînements et la mise en

condition ; • La conduite d’opérations « réelles » communes des flottes néerlandaise et belge.

L’Accord du 28 mars 1995 est à situer dans la continuité de la Déclaration belgo-néerlandaise du 28 juin 1994. Ce dernier insistait sur l’opportunité de renforcer la collaboration existante288 à la réunion des états-majors opérationnels en un Etat-major intégré, à la mise en œuvre en commun des flottes opérationnelles, à l’ajustement progressif et la fusion de certaines formations, à l’approfondissement des accords de coopérations existant dans les domaines du matériel et de la logistique et à l’ajustement des programmes de constructions nouvelles. Cet Accord, qui a pour objectif « d’améliorer la coordination et de renforcer la collaboration entre la FN et la KM », qui à terme devrait constituer « le noyau d’une coopération ultérieure élargie dans un contexte international plus étendu », met en place la fonction ABNL temps de paix et temps de guerre289. Le tableau suivant explicite les différences entre les attributions pied de paix et pied de guerre de l’ABNL. • recherche océanographique ; • destruction de munitions et explosifs ; • recherche et récupération d’objets perdus ; • formation d’élèves de la marine marchande ; • transport de marchandise au profit des autres forces ; • tâches RDS (ready duty ship) ; • assistance aux départements nationaux. 288 Cette dernière fait l’objet de Convention Bénélux du 25 mars 1987. Cfr. Supra. 289En temps de paix : mise en condition des unités aériennes et navigantes de la flotte opérationnelle commune belge et néerlandaise qui lui sont affectées ainsi que l’exécution et /ou la coordination des opérations navales définies de commun accord. En temps de guerre : mise en place des moyens qui lui sont alloués ainsi que l’exécution et /ou la coordination des tâches maritimes qui ne ressortent pas du commandement de l’OTAN.

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Tableau 5. Structures « Temps de paix » et « Temps de guerre » de l’ABNL

Temps de paix Temps de guerre Commandement Autorité directe des chefs d’état-

major nationaux pour la mise en condition des unités de la flotte qui leurs sont affectées et de l’exécution des opérations navales290.

Autorité directe des chefs d’état-major nationaux pour les tâches maritimes nationales. Et, en tant que Commandant des fronts de mer291, l’ABNL soumet tous les plans et propositions relatifs à la préparation de ses tâches aux deux Chefs d’état-major.

Zone de responsabilité

Pas de limitation, elle est fonction des opérations.

En tant que Commandant des fronts de mer, l’ABNL est responsable des eaux côtières belges et néerlandaises. En outre les commandants nationaux292 assument respectivement la responsabilité dans leurs eaux territoriales.

Attribution Commandement opérationnel (OPCOM) des unités navigantes et aériennes. En cas d’intervention commune, l’OPCOM est exercé par l’ABNL après décision des gouvernements nationaux293.

En tant que Commandant des fronts de mer, l’ABNL fait fonction de coordinateur vis-à-vis des commandants nationaux, et Commandement opérationnel (OPCOM) des unités navigantes et aériennes qui lui sont affectées.

Tâches Mise en condition des moyens alloués, et exécution des opérations communes.

En tant que Commandant des fronts de mer : planification et exécution d’opérations maritimes ; protection des rades, des mouillages et des ports contre les actions venant de la mer ; sauvetage et recherche ; coordination avec les autres forces belges et néerlandaises.

290 Les opérations nationales seront commandées par les commandants nationaux sous l’autorité de leur chef d’état-major respectif. 291 Fonction OTAN de COASTAL COMMANDER, telle que reprise dans le « MC36-Division of responsabilities between national and NATO Commanders ». 292 Commandant des Opérations navales pour la Belgique et le « Commandant der Zeemacht dans Nederland » pour les Pays-Bas. 293 Le commandement logistique et administratif reste une responsabilité nationale.

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L’ABNL est donc une structure disposant d’un Etat-major intégré, constitué de telle manière que les marines belge et néerlandaise gardent la possibilité d’exécuter de manière autonome les tâches et les missions d’ordre national. La fonction ABNL peut être exercée par un officier belge ou néerlandais, il n’y a pas un système de roulement : l’attribution de cette fonction se fait au cas par cas d’un commun accord entre les deux parties. Néanmoins la fonction d’ABNL adjoint (Deputy ABNL) doit toujours être attribuée à un officier de nationalité différente de l’ABNL.

4.3.2. Volet opérationnel

Le volet opérationnel est régi par « l’Accord d’Exécution pour les Opérations », signé à Ostende le 29 juin 1995 au niveau des chefs d’Etat-major. Ce dernier a pour but de déterminer la collaboration opérationnelle des différentes unités navigantes et aériennes et l’intégration entre les états-majors opérationnels du « Commandant der Zeemacht in Nederland » et le Commandant des opérations maritimes belges. Leur collaboration consiste en : • L’établissement d’un plan de navigation et de vol des marines. • La mise en condition et l’entraînement des marines. • L’exécution des opérations, notamment dans le cadre des missions de Petersberg,

menées par les marines, après accord des gouvernements nationaux. L’état-major mis en place dans le cadre de l’ABNL fonctionne comme un état-major intégré. Concrètement cela signifie que toutes les fonctions existantes peuvent être occupées aussi bien par du personnel belge que néerlandais et que tous les officiers de l’Etat-major ABNL travaille pour l’ensemble de la flotte opérationnelle commune. Concernant l’entraînement et les exercices en commun, une structure d’état-major intégrée a été mise en place294. Dans cet état-major intégré, la Force navale belge peut occuper le poste chef d’état-major de l’escadre et/ou d’un officier d’état-major de l’escadre et d’un sous-officier. Notons que lors de l’entrée en vigueur de l’Accord d’exécution pour les opérations un officier et un sous-officier belges ont été mis en place auprès du « Fregattensquadron » afin de réaliser l’intégration et l’harmonisation des schémas d’entraînement. Concernant le personnel, les dispositions de l’Accord d’Exécution pour les Opérations stipulent que les fonctions opérationnelles de COMOPSNAV seront transférées en une fois vers le nouvel Etat-major intégré de Den Helder et que la relève du personnel belge se fera conformément aux schémas de relève néerlandais295.

294 L’organigramme de cet état-major est présenté dans la section Annexes de la présente étude. 295 La durée de l’affectation, telle qu’établie par l’Accord d’exécution pour les opérations, est fixée à trois ans pour les postes à terre et à deux ans pour les postes à bord. Les éventuelles dérogations sont possibles moyennant un accord commun des deux parties.

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Les autres aspects liés à la situation du personnel sont repris dans « L’Accord régissant la situation du personnel dans le cadre de la collaboration entre la Marine belge et la Koninklijke Marine », signé à Den Helder le 8 novembre 1995. La lecture de cet Accord fait prendre conscience que l’intégration de deux marines nationales est une véritable gageure. Il faut en effet pouvoir harmoniser les systèmes nationaux d’évaluation, de discipline, d’octroi des congés, de gestion des dossiers médicaux, d’attribution des certificats de sécurité, ainsi qu’appréhender les changements organisationnels nationaux pouvant affecter les fonctions au sein de l’état-major binational. Ici, soit la solution apportée est l’utilisation du système national (évaluation, discipline), soit il est nécessaire de trouver une solution binationale (changements organisationnels), voire les deux (congés et certificats de sécurité).

4.3.3. Volet instruction et entraînement

Le volet instruction et entraînement est défini par « l’Accord d’exécution en matière d’instruction », signé à La Haye 29 août 1996. Cet Accord a pour objectif de fixer la collaboration entre les marines belge et néerlandaise sur le plan de l’ajustement et/ou de la fusion progressive des formations afin de les organiser de la manière la plus efficace. Concrètement, il met à la disposition des deux marines les moyens d’instructions nationaux depuis le premier septembre 1996. Ainsi l’école de commissariat belge située à Bruges et l’école opérationnelle située à Den Helder deviennent binationales. Dans ce cadre, le personnel enseignant des deux écoles sera constitué à la fois de néerlandais et de belges désignés par leur chef d’état-major respectif ou leur représentant. Enfin, il existe une troisième école, l’école de la Guerre des mines à Ostende, qui bénéficie du statut d’école binationale depuis 1975296.

4.3.4. Volet maintenance et logistique

Bien qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de logistique opérationnelle commune, le volet maintenance et logistique comprend de nombreux accords et coopérations. Du reste, force est de constater que la volonté d’intégrer la logistique opérationnelle est présente. En effet, les deux marines explorent de nombreuses pistes en ce sens, ainsi qu’elles envisagent l’achat de matériel en commun.

Perspectives

Dans le cadre de la marine, le stade de la coopération est dépassé, puisqu’il s’agit ici d’une véritable intégration. Les actions entreprises en commun peuvent clairement servir de modèle pour une intégration plus large des marines au niveau européen, dans la mesure où elles en illustrent à la fois les avantages et, non pas tant les inconvénients mais plutôt la complexité inhérente à une telle intégration. 296 Cette école a été inaugurée le 27 juin 1960. Suite à un accord bilatéral, les marines belge et néerlandaise décident de regrouper dès 1965 toutes les formations de lutte contre les mines à Ostende. En 1975 l’école devient véritablement binationale, et fonctionne sur une base de répartition 50/50 des frais de fonctionnement.

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Il n’en reste pas moins que cette intégration reste perfectible. La meilleure illustration est le domaine de la logistique. Notons également la problématique liée à la réalisation des futurs programmes d’acquisition. En effet, du point de vue de l’équipement, la Marine néerlandaise évolue plus rapidement que la Marine belge. Ainsi, des problèmes peuvent être craints en ce qui concerne les frégates : actuellement les accords restent valables en ce qui concerne la formation commune et l’entretien, et il en sera ainsi jusqu’au remplacement des frégates belges. Par la suite, les programmes de développement des deux marines ne seront plus les mêmes. D’un côté, la Belgique se lancera dans la construction de navires d’escorte multifonctionnels297, tandis que les Néerlandais développent un programme de Corvette d’Attaque contre Terre298 et un programme de frégate à capacité anti-aérienne en coopération avec l’Allemagne et l’Espagne299. A l’avenir cela pourrait poser problème pour certains aspects de la coopération au sein de l’ABNL : même si la complémentarité entre les futures frégates belge et néerlandaise reste existante300, les économies d’échelles liées à l’utilisation de navires identiques, par contre, diminueront. Pour les chasseurs de mines, l’avenir de la coopération ne semble pas compromis, dans la mesure où les bâtiments font partie, dès le départ du programme franco-belgo-néerlandais de Chasseurs de Mines Tripartites (CMT). De plus le programme de modernisation des chasseurs de mines (CUP-CMT) va s’effectuer de manière conjointe entre les Belges et les Néerlandais301. Dans ce cas, la coopération pourra pleinement jouer, au moins jusqu’en 2020. Le remplacement des hélicoptères est également une pierre d’achoppement dans la coopération ABNL. Les autorités néerlandaises ayant décidé d’acquérir le NH90, il conviendrait que Bruxelles décide également du successeur des hélicoptères actuellement en service dans nos forces armées. Le choix du NH-90, apparaît judicieux, de par le fait qu’il ait été commandé par 7 pays de l’OTAN et qu’il sera totalement compatible avec le partenaire néerlandais. Si à l’heure actuelle, la coopération ABNL reste, sans nul doute, un des exemples d’intégration les plus aboutis au monde, il convient de rester attentif aux choix posés dans les toutes prochaines années et qui pourraient avoir des répercussions pour les vingt à trente prochaines années. Si du point de vue de la Belgique, la coopération ABNL permet de réaliser des économies302, aux Pays-Bas certaines interrogations se font jour sur ce que rapporte et coûte concrètement cette coopération303. En outre, 297 Multi-Purpose-Escort Vessels (MPEV). 298 Land Attack Corvettes (LAC). 299 Pour une description exhaustive de ce programme voir : Assemblée de l’Union de l’Europe Occidentale, La coopération européenne dans le domaine naval : les programmes de frégates, Document 1606, 6 mai 1998. 300 Les frégates d’escortes belges pourront ainsi assister les bâtiments néerlandais, allemands ou français lors d’opérations. G. TOREMANS, Navy to stay a credible support, dans Jane’s Defence Weekly, Vol 3, 4 octobre 2000. 301 Pour ces questions voir les points concernants le matériel pour la Belgique et les Pays-Bas. 302 Le ministre de Grave a ainsi commandé une étude sur ce que rapporte et coûte la coopération Bénélux aux Pays-Bas. Pour la marine, le rapport étant de 1 pour 7, la Belgique est clairement le premier bénéficiaire de la coopération ABNL. A cet égard voir : Algemene Rekenkamer, Verklaring van de effectiviteit van de Benelux samenwerking, La Haye, juillet 2000. 303 Pour le Ministre de la défense néerlandais, dans le domaine de la marine, les Belges apparaissent comme les premiers bénéficiaires de la coopération. En outre l’étude publiée par la Algemene

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comme nous l’avons vu, les futurs programmes de développement ne se font pas en concertation : la Belgique va construire son navire roll on- roll off avec le Luxembourg, les Pays-Bas construisent leurs futures frégates avec les Espagnols et les Allemands. Retenons, dès lors, que Bénélux ne représente qu’une possibilité parmi d’autres pour la coopération navale en Europe, ce que semble avoir bien compris les Pays-Bas. La Belgique, quant à elle semble s’être faite une raison, citons l’exemple de l’acquisition du navire roll on- roll off, pour laquelle dans un premier temps une concertation avait eu lieu avec les Pays-Bas, avant faute d’intérêt commun de se tourner vers le Luxembourg. Il n’est cependant pas lieu ici de noircir le tableau plus que de raison. D’une part les enquêtes néerlandaises sur l’efficacité, de même que certains rapports du même type réalisés en Belgique, mettent en lumière que mis à part le nombre de fonctions économisées de part et d’autre, il est extrêmement complexe, si pas impossible de chiffrer l’efficacité de la coopération Bénélux. Il est impossible en effet de savoir combien rapporte aux Pays-Bas le fait de ne plus avoir à sa charge une école de guerre des mines et de commissariat et, pour la Belgique le fait de ne plus devoir supporter les coûts d’une école opérationnelle. Par contre, le développement de programmes d’acquisition de matériel différent, qui est en claire opposition avec les principes fondateurs de la coopération entre nos deux marines, pourrait peu à peu éroder l’effet positif de la coopération navale belgo-néerlandaise.

4.4. Coopérations dans le cadre de la Force aérienn e

Au même titre que la coopération dans le domaine naval, la coopération, née entre les forces aériennes belge et néerlandaise a été une des conséquences des réductions budgétaires et des coûts de plus en plus élevés du matériel volant, de son entretien et de sa mise à niveau. Dans ce cadre les Pays-Bas et la Belgique ont signé de nombreux accords, dont le plus important est celui mettant en place une Deployable Air Task Force (DATF), engendrant des résultats en terme d’efficacité opérationnelle et en terme d’économie d’échelle plus que positifs. Comme nous le décrirons ci-après, la coopération entre les forces aériennes est le siège de nombreuses synergies, mais nous démontrerons également, qu’à l’image de la situation de la marine, les choix posés à l’heure actuelle par les gouvernements belge et néerlandais, notamment dans les nouveaux programmes d’équipement peuvent remettre en question certains aspects de ces coopérations.

4.4.1. La Deployable Air Task Force (DATF)

Comme pour l’ABNL, la Convention relative à la constitution d’une « BENELUX Deployable Air Task Force » a pour cadre de référence la Convention militaire du 25 mars 1987. La Convention DATF se base également sur la Convention du 2 octobre 1992 entre la Belgique et les Pays-Bas sur la collaboration entre la Force aérienne belge et la « Nederlandse Koninklijke Luchtmacht » en matière de transport

Rekenkamer conclut que les coopérations internationales n’apportent pas, pour les Pays-Bas, au niveau de l’efficience et de l’efficacité les résultats escomptés. Mais à l’heure actuelle, cela n’a pas entraîné une remise en cause de la participation néerlandaise dans l’ABNL. Tweede Kamer der Staten Generaal, Samenwerking op maritiem gebied tussen Nederland en België, vergaderjaar 2000-2001, 27 400X, N°19, La Haye, 2001.

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aérien, ainsi que sur la déclaration commune du 28 mars 1995 visant intensifier la coopération existante et de constituer une unité aérienne capable d’être déployée304. La convention DATF a été signée par les trois ministres de la défense à Bergen (Norvège) le 25 septembre 1996 ; trois considérations en motivent le préambule : • « L’importance croissante de la multinationalité et de l’interopérabilité d’unités

aériennes à déploiement rapide dans le cadre de gestion de crise ; • La collaboration entre la Force aérienne belge, la Force aérienne néerlandaise et

l’Armée luxembourgeoise peut constituer le noyau d’une coopération renforcée élargie dans un contexte international plus vaste ;

• L’engagement commun des moyens similaires et complémentaires des deux Forces Aériennes d’une part et de l’Armée luxembourgeoise d’autre part, peut améliorer leur efficacité opérationnelle305. »

A la lecture de ces considérations, les ambitions que placent les Etats du Bénélux dans la constitution de la DATF apparaissent clairement. Il y a une prise de conscience qu’il est nécessaire dans le cadre actuel de disposer de forces aériennes flexibles, modulables et pouvant être déployées rapidement, ce qui signifie une nécessaire adaptation des moyens dont disposent les Forces aériennes belges et néerlandaises306. Cette adaptation, financièrement lourde, ne sera possible que dans le cadre d’une coopération entre les trois pays pouvant garantir une maximisation de l’effort consenti en la matière par les trois partenaires bénéluxiens. Notons également l’insistance pour que cet accord devienne, à terme, le noyau d’une coopération renforcée dans un contexte plus large. Cette volonté se situe clairement dans les ambitions que développent les Etats du Bénélux envers les développements de la PESD, pour laquelle ils se montrent favorables à l’approfondissement des coopérations renforcées, et à leur intégration dans le deuxième pilier.

4.4.1.1. Objectifs et portée

L’Accord DATF porte sur l’engagement opérationnel des moyens des Forces aériennes belges et néerlandaises et de l’Armée luxembourgeoise pour des opérations de soutien de la paix dans le cadre de l’ONU, de l’OSCE, de l’OTAN et de l’UEO. En dehors de ces structures la DATF sert également à la mise en œuvre de tâches communes bi- ou trilatérales entre les états du Bénélux.

304 Cette convention est étendue par un accord signé entre la Belgique et le Portugal en 1999. C’est dans le cadre de cette convention que des militaires des forces aériennes belge et portugaise ont déployé des avions de transport au Pakistan (2 C-130 dans le cadre de l’ISAF à Karachi ). Voir : J.J. LOK, Europe Strengthens support for « Enduring Freedom », dans Jane’s Defence Weekly, Vol. 37 N°16, 17 avril 2002, p.6. 305 Convention entre le Ministre de la Défense du Royaume des Pays-Bas, le Ministre de la Force Publique du Grand-Duché de Luxembourg et le Ministre de la Défense Nationale du Royaume de Belgique, relative à la constitution d’une « Bénélux Deployable Air Task Force. », Bergen, 25 septembre 1996. 306 Cf. la première partie sur les politiques de défense nationales en général et sur les restructurations en matière de matériel en particulier.

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L’Accord DATF, se caractérise par un haut niveau de flexibilité et de modularité. Flexible, il couvre la gamme la plus large possible de tâches en ayant recours à des moyens identiques ou complémentaires. Modulable, en cas d’engagement sa composition, ses tâches et son commandement sont définis au cas par cas. Les deux forces aériennes, ainsi que l’Armée luxembourgeoise conservent néanmoins la capacité d’exécuter de manière autonome leurs tâches nationales et de respecter leurs engagements internationaux. En outre l’exécution des opérations communes s’effectue sous réserve de la disponibilité des moyens nécessaires. Il n’en reste pas moins que la composition, les tâches et la mise en œuvre de la DATF seront définies en commun accord entre les trois chefs d’Etat-major.

4.4.1.2. Structure de la DATF

Le commandement opérationnel sur les unités affectées à la DATF est confié à un Commandant DATF désigné de commun accord entre les parties participantes pour la durée de l’opération concernée. Concernant les exercices, et en fonction de leur engagement respectif, le commandant DATF est désigné de commun accord par les deux chefs d’Etat-major des forces aériennes et le Commandant de l’Armée luxembourgeoise. Au niveau de la coordination, un groupe de travail composé de membres des Etats-majors des deux forces aériennes et de l’Armée luxembourgeoise établit des rapports à l’intention des autorités ministérielles lors des réunions annuelles des ministres de la défense Bénélux. Au niveau du commandement tactique, une cellule de planification permanente, constituée en principe de militaires des deux forces aériennes, est installée en Belgique depuis 1999. Cette cellule est chargée de la planification et de la coordination adéquate de la DATF. Afin de permettre à la DATF d’agir de manière rapide et efficace, des plans définissent diverses possibilités d’engagement avec la composition correspondante de la DATF (« contingency plans »). Les autorités compétentes sont chargées de déterminer les situations pour lesquelles il convient d’élaborer des « contingency plans ». Les plans proposés sont développés par la cellule de planification. Ils sont approuvés par les Chefs d’état-major et mis en pratique lors d’exercices communs.

4.4.1.3. Aspects sécuritaire

La sécurité de l’information nationale et du matériel national est garantie par la convention DATF dans la mesure où la Partie qui reçoit de l’information ou du matériel ne peut attribuer un degré de sécurité inférieur à celui qui est conféré par la Partie qui fournit l’information ou le matériel en question. En outre, les informations et les matériels ne peuvent en aucun cas être transmis à des tiers sans l’autorisation de la Partie à qui l’information ou le matériel appartient.

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4.4.1.4. Niveau opérationnel

Au niveau opérationnel, l’engagement commun des forces aériennes néerlandaise et belge à l’opération ALLIED FORCE a pleinement démontré l’efficacité de l’Accord DATF. Mais il a également illustré l’effet multiplicateur que peuvent avoir les coopérations multinationales dans le cadre de la gestion des crises. Avec une présence que l’on peut qualifier de modeste307, JOINT FALCON a opéré 12% des « fighter bomber sorties », ce qui place la coalition belgo-néerlandaise au rang de troisième contributeur derrière les Etats-Unis et la France. Un tel pourcentage n’aurait jamais pu être atteint par les flottes belges et néerlandaises prises séparément. Ce résultat peut donc être considéré comme l’éclatante démonstration du degré d’efficacité, et surtout d’efficience atteint par la DATF. En outre, comme nous le verrons ci-après, d’autres coopérations existent entre les forces aériennes belge et néerlandaise, ces dernières étant également motivées par le souci d’efficacité et d’efficience.

4.4.2. Autres aspects des coopérations entre les Fo rces aériennes

Si la Convention DATF illustre l’effet multiplicateur des coopérations multilatérales, surtout dans leurs aspects opérationnels, elle ne constitue qu’une des facettes des coopérations existant entre les Forces aériennes du Bénélux. D’autres coopérations existent que ce soit dans les domaines de l’entraînement, du contrôle aérien et de la logistique. Ainsi, la surveillance aérienne du territoire est assurée, depuis le 18 mars 1996, de manière alternative par les centres de Glons et de Nieuw-Millingen en dehors des heures de services, ce qui permet de réduire les coûts matériels et humains de la surveillance continue de manière substantielle. Dans le domaine de la logistique, signalons également la coopération en matière d’entretien des F-16. Des techniciens belges assurent la maintenance des F-16 de la RNALF, et cette dernière prend à sa charge les frais de personnel y affairant. En outre, dans le cadre de la formation, les techniciens F-16 belge peuvent suivre des formations de « avionics specialist », ainsi que diverses reconversions. En retour les techniciens belges assurent la maintenance journalière du matériel de la RNALF. Cet aspect de la coopération est extrêmement important ; en effet, la Belgique et les Pays-Bas sont, à l’image de nombreuses armées européennes, confrontés à d’importants problèmes en matière de ressources humaines. Dans cette optique, partager un pool d’experts et de techniciens pour l’entretien des deux flottes en se répartissant les frais y afférents, permet de réaliser d’importantes économies d’échelle.

Perspectives

Pour l’avenir, la continuation de la politique d’intégration des forces aériennes belge et néerlandaises, pourrait avoir à souffrir des choix politiques pris par les Pays-Bas et à prendre par la Belgique. Comme nous l’avons déjà développé308, les Pays-Bas ont fait le choix d’entrer dans le programme américain du JSF. Ce choix place le

307 L’engagement belgo-néerlandais représentait un total de 26 avions (16 avions de la RNLAF et 10 de la BAF). 308 Cfr. Point 3.5.3.3 de la présente étude.

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Ministère belge de la Défense dans une situation inconfortable. En effet, si l’on respecte les Accords signés avec La Haye, il conviendrait de se procurer le même type d’appareil. Nous pouvons clairement identifier deux écueils à ce choix. Premièrement, la Belgique estime que la décision prise par les Pays-Bas ne s’est pas fait en concertation avec le partenaire belge et les autres partenaires européens : « je ne peux imposer de concertation aux Pays-Bas (…) les Néerlandais font cavalier seul. » En outre pour le Ministre belge de la Défense ce choix va à l’encontre d’une compatibilité du matériel européen « Nous restons cohérents, nos matériels européens doivent devenir de plus en plus compatibles. Ma décision est de maintenir cette position, malgré la décision néerlandaise, qui émane d’un gouvernement en fin de législature. Il n’y a pas eu de concertation internationale sur le remplacement des F-16 ; on peut le regretter309. » Nous devons néanmoins constater que le choix néerlandais fait suite à une vaste étude, non classifiée, sur les caractéristiques du JSF et de ses concurrents directs, et qu’il en ressort que le JSF représente à la fois le choix le plus économique, l’avion le plus performant et que de surcroît il assure une bonne continuité avec le F-16. En outre, d’autres pays européens ayant déjà commandé cet avion, les Pays-Bas n’ont pas pris une décision qui les isolaient sur l’échiquier européen. La Belgique se voit à présent dans l’obligation de faire un choix. Soit, elle reste sur ses positions, manifestant ainsi son attachement au développement d’une capacité industrielle européenne en la matière. Soit, elle prend également part au programme JSF, ce qui lui assurera une parfaite compatibilité avec le voisin néerlandais dans le cadre de la DATF310. Un deuxième écueil, lié au premier, réside dans le fait que le gouvernement belge devra tôt ou tard prendre une décision à ce sujet. En effet, les Pays-Bas recevront leurs premiers JSF aux alentours de 2010 ; à ce moment la flotte belge en sera toujours au F-16, qui sont prévus jusqu’en 2015 : « La composante aérienne dispose de 72 avions de chasse F-16 MLU opérationnels jusqu’en 2015. Le choix du type d’avion ainsi que le nombre d’avions à acquérir en remplacement du F-16 seront fixés d’ici la fin du plan stratégique. » Le problème que nous entrevoyons est qu’un retard dans le choix du remplacement du F-16, entraînerait une cohabitation de deux flottes aériennes incompatibles. Si les missions en commun resteront envisageables, par contre toutes les économies d’échelles liées à la formation des techniciens, aux coûts d’entretien seront balayées. A nos yeux, cette question est liée au débat fondamental qui a lieu en Belgique sur le futur rôle de notre force aérienne. Dans les milieux politiques, certaines voix s’élèvent pour réclamer une augmentation des capacités de transport stratégique et par conséquent une orientation vers une certaine spécialisation. Ce point de vue n’est pas partagé par la Force aérienne : « there have been suggestions that Belgium should concentrate on providing airlift, but this view is certainly not shared by the air force. Fighter aircraft are essential to Belgium because of their speed of deployment311. »

309 Commission de la Défense nationale, Compte rendu intégral des débats, CRABV 50COM 663, mardi 19 février 2002. 310 O.G., La coopération militaire Bénélux sans lendemain ?, dans L’Echo, 7 février 2002, p. 4. 311 J. JANSSEN, BAF concentrates on core assets, dans Jane’s Defence Weekly, Vol 3, N°4, 4 octobre 2000.

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Pour le Ministère belge de la Défense, toute la subtilité du travail résidera dans le fait de prendre en considération tant les visions des partenaires de la majorité gouvernementale, que l’avis du personnel militaire plus favorable au maintien de l’ensemble des capacités aériennes. Enfin plus fondamentalement, et quel que soit la décision prise, il faut garder à l’esprit que les avions de chasse, à l’image des frégates sont les instruments qui assurent la visibilité de notre pays. Une certaine diversité doit être maintenue afin de permettre à notre gouvernement d’agir quand il le souhaite dans les crises. Concluons en affirmant que les coopérations Bénélux dans le domaine des forces aériennes ont déjà permis de réaliser bon nombre d’économies d’échelle, et qu’il en sera ainsi pour encore quelques années. L’avenir sera fonction des choix que fera la Belgique, mais dans le cas où Bruxelles déciderait d’opter pour un modèle d’avion différent du partenaire de La Haye, l’avenir de la coopération dans le domaine aérien serait plus que compromis.

4.5. Coopérations dans le cadre de la Force terrest re

En comparaison avec les deux autres armes, les coopérations ayant lieu entre les forces terrestres du Bénélux sont beaucoup moins nombreuses. Plusieurs facteurs peuvent justifier ce déséquilibre. Primo, les forces terrestres du Bénélux sont, à l’heure actuelle, déjà impliquées dans de nombreuses structures multinationales (Eurocorps, AMF(L)…). Pour ces dernières, la véritable coopération se réalise à travers ces structures312. Secundo, les coûts d’entretien, de fonctionnement et d’achat du matériel utilisé par les forces terrestres sont moindres que ceux engendrés par les forces aériennes et navales, ce qui favorise pour ces dernières la signature de nombreux accords de coopérations visant à réduire ces coûts. Tertio, du point de vue culturel, les forces aériennes et surtout navales développent un esprit de corps plus transfrontalier qui semble les amener à tisser un réseau de coopérations transnationales de manière plus naturelle.

4.5.1. Champs d’application des coopérations entre les forces terrestres

Les coopérations s’établissant entre les forces terrestres du Bénélux concernent essentiellement l’instruction, l’entraînement et la logistique. Force est de constater que la tendance est à un approfondissement des coopérations au sein des structures déjà constituées (Eurocorps, ect…), ainsi qu’à l’ouverture de ces structures à tous les types d’unités. Si les coopérations au sein du Bénélux sont moins nombreuses pour la Force terrestre que pour la Marine et la Force aérienne, cela ne revient donc pas à dire qu’elles sont inexistantes. Depuis plusieurs années, le Groupe Terre du Comité directeur effectue un travail d’identification des domaines pour lesquelles une coopération peut avoir lieu. Ainsi depuis plus de 5 ans de nouvelles propositions ont été faites par les Etats-majors. Ces dernières concernent le soutien logistique commun lors d’opérations, l’échange de personnel, le support médical et l’entraînement conjoint.

312 La Belgique et le Luxembourg sont intégrés dans l’Eurocorps, tandis que les Néerlandais coopèrent avec les Allemands dans le cadre de la Brigade germano-néerlandaise.

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Lors de la dernière réunion des Ministres de la Défense du Bénélux en 2000, il a été rappelé que les domaines identifiés par les Etats-majors en 1999 font maintenant l’objet de coopérations. Ces dernières se focalisent sur les domaines de l’instruction, de l’entraînement et de la logistique. Nous pouvons identifier, entres autres : • Le projet d’acquisition en commun de « weapons effects simulators » ; • La signature d’un mémorandum d’entente portant sur la formation et

l’entraînement des « Forward Air Controllers » (FAC). Cet accord vise à mettre en commun en tout, ou en partie, les moyens respectifs dans le domaine de la formation des FAC.

Un Accord sur la formation des Chauffeurs LEOPARD I en Belgique et des chauffeurs AIFV au Pays-Bas. Cet accord est également motivé par les besoins respectifs dans le domaine de l’écolage des pilotes de véhicules blindés chenillés. Les signataires conviennent de mettre en commun leurs moyens de formation. La signature d’un mémorandum d’entente portant sur l’échange d’informations relatives à une base de données sur les mines ; Une convention portant sur la gestion et l’utilisation commune d’une base de données sur les mines. L’objectif est d’organiser l’échange d’informations dans les domaines relatifs aux mines terrestres entre les Etats signataires de la convention. En outre, dans le cadre des nouvelles missions assignées aux forces armées, la maîtrise des foules, ainsi que la gestion des émeutes et des manifestations font parties des nouvelles compétences demandées aux militaires. Dans ce cas précis la coopération se situe dans le domaine de l’entraînement, de l’instruction et dans une moindre mesure dans celui de l’élaboration en commun de doctrines militaires. Si les Etats comprennent la nécessité de développer des capacités CRC, ils adoptent toutefois des positions différentes quant à leur utilisation. Le projet d’élaboration d’un concept commun semble pour l’heure être abandonné. Il n’en reste pas moins que l’élaboration d’un cadre politico-militaire global couvrant l’ensemble des domaines CRC lors d’opération de maintien de la paix soit à l’ordre du jour. Un concept commun (CRC-BENELUX) a néanmoins été adopté par les trois Ministres de la Défense, lors de la réunion ministérielle Bénélux du 01 décembre 1999. Ce qui permet aux trois Etats de disposer d’un cadre global pouvant servir de socle aux concepts nationaux. A terme, l’adoption des concepts nationaux permettra de dégager des coopérations dans ce domaine. En mars 2000, un concept a été finalisé par la Belgique, avec pour objectif de permettre aux autorités compétentes de prendre en compte lors de la planification, de la préparation et de l’exécution de missions extérieures, les actions CRC que les militaires belges pourraient effectuer. Il n’existe toutefois pas comme pour la Force aérienne et la Marine un Accord global, mettant en place une structure telle que l’ABNL ou la DATF, il s’agit plus ici de coopérations au cas par cas. Malgré tout, le rattachement d’une compagnie luxembourgeoise au sein de la Première division mécanisée belge, que nous décrirons ci-après, constitue une intégration au sens propre du terme.

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4.5.2. Rattachement du contingent luxembourgeois à la 1 Div Mec dans le cadre du Corps européen

4.5.1.1. Le Protocole d’accord

Selon la déclaration commune de Senningen, le contingent luxembourgeois doit être rattaché à la 1 Div Mec tout en gardant son identité. En outre, cet engagement n’affecte en rien la défense commune de l’OTAN et ne remet pas en cause l’engagement envers l’UEO. C’est le protocole d’accord du 11 décembre 1996 qui va déterminer les conditions et les modalités de ce rattachement313. En cas d’engagement réel et pour tout exercice en commun, le contingent luxembourgeois est considéré comme détachement et, par conséquent, passe sous commandement opérationnel314 du Commandant de la 1 Div Mec. En outre, bien que le commandement opérationnel n’implique pas de responsabilité logistique et administrative, la Belgique fournit un appui dans ces deux domaines. La représentation luxembourgeoise au sein de l’Etat-major de la 1 Div Mec est assurée par un officier de liaison. Ce dernier se charge d’assurer la liaison entre la 1 Div Mec d’une part, l’Armée et le contingent luxembourgeois, d’autre part. Lors des exercices du Corps européen, la participation est coordonnée entre le Commandant de la 1 Div Mec et le Commandant de l’armée luxembourgeoise. L’objectif étant que le contingent luxembourgeois participe à ces exercices avec la même fréquence que les unités belges analogues. Les militaires luxembourgeois restent soumis à leur propre législation et réglementation militaire. En outre, le Comandant du contingent luxembourgeois est le seul responsable vis-à-vis du Commandant de la 1 Div Mec. Les dépenses relatives aux traitements, soldes, allocations et indemnités étant supportées par chaque partie pour ses nationaux, le rattachement du contingent luxembourgeois n’est pas censé engendrer de frais génériques. Le protocole d’accord prévoit toutefois que les luxembourgeois prennent à leur charge les dépenses supplémentaires « induites par les spécificités du contingent luxembourgeois par rapport aux autres unités de la 1 Div Mec. » Concernant la logistique, les moyens luxembourgeois, au-delà du niveau organique sont intégrés à ceux de la 1 Div Mec. L’appui logistique belge fourni aux luxembourgeois se fait selon les procédures belges. Pour l’équipement une harmonisation maximale est prévue « pour le long terme », entre-temps les parties s’informeront de leurs programmes respectifs d’acquisition de matériel. L’aspect médical est également pris en compte dans le protocole d’accord, la réciprocité des soins médicaux est assurée, en outre les deux parties reconnaissent

313 Protocole d’accord relatif au rattachement du contingent luxembourgeois à la Première Division Mécanisée belge affectée au Corps européen, Marche-en-Famenne, 11 décembre 1996. 314 Commandement opérationnel : Pouvoir donné à un commandant d’assigner des missions ou des tâches particulières à des commandants subordonnés, de déployer ou de réassigner des unités et de conserver ou de déléguer contrôle opérationnel ou tactique comme il le juge nécessaire.

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mutuellement la validité des pièces médico-administratives315 rédigées par les différents échelons médicaux. Les parties s’engagent également à rechercher une interopérabilité maximale au niveau des spécialités pharmaceutiques et des matériels médicaux. La coordination périodique de tous les aspects du rattachement est assurée par un groupe de travail, composé de membres des Etats-majors respectifs, en marge de la réunion des ministres Bénélux. En cas d’engagement, la coordination permanente est assurée par des contacts directs entre les Etats-majors et les représentants belges et luxembourgeois au Comité Commun du Corps Européen. En cas d’exercice, la coordination est assurée par des contacts directs entre les différents Etats-majors. Enfin, l’Accord de rattachement devrait être étendu dans le cadre de la participation de la Belgique et du Luxembourg à la FRR européenne.

4.6. Les coopérations dans le cadre de programmes d ’acquisition et d’exploitation en commun d’équipements

4.6.1. Cadre général

Le 13 juin 2001, le Ministre Belge de la Défense et son homologue luxembourgeois ont signé la « Convention en matière de coopération militaire générale, de programmes d’acquisition et/ou d’exploitation en commun d’équipement », avec pour objectif de renforcer l’efficacité de leurs forces armées et d’assurer une utilisation optimale des crédits de défense. Il est important de noter qu’ici la coopération s’effectue de manière bilatérale, entre la Belgique et le Luxembourg. Il ne s’agit donc pas, à proprement parler, d’une coopération Bénélux. Par exemple, dans le cas de l’achat du futur avion de transport stratégique A400M, les Pays-Bas ont entrepris une coopération avec l’Allemagne, à qui ils fournissent des fonds pour financer leur commande. En contrepartie de cet appui financier, les Néerlandais peuvent utiliser les avions allemands. Ont peut néanmoins s’interroger, au regard de la convention de 1987 qui encourageait la mise en œuvre de programmes d’acquisition en commun, sur le fait que les Pays-Bas ne soient pas engagés dans la Convention du 13 juin 2001. Cette Convention se veut le cadre général des futures coopérations en matière de coopération dans le cadre des programmes d’armement. Comme le souligne l’article 2, lorsque les Parties décideront de réaliser un programme d’acquisition et/ou d’exploitation en commun, elles devront se concerter afin de conférer à l’une d’elles un mandat spécifique fixant les limites de ses attributions et la législation qui sera d’application. Chaque programme (Article 3) verra sa mise en œuvre assurée par un arrangement de coopération établi entres les Parties et définissant les modalités applicables. Cet arrangement de coopération sera complété par des accords de nature plus technique, qui préciseront les modalités pratiques d’exécution.

315 Les déclarations d’accident et les certificats de décès par exemple.

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4.6.2. L’acquisition et l’exploitation conjointe d’ un A400M pour le Luxembourg

Un des premiers accords signé dans le cadre de la Convention du 13 juin est conclu le même mois par les ministres de la Défense belge et luxembourgeois et s’intitule « Accord de coopération relatif a l’exploitation conjointe d’un A400M pour le Luxembourg ». La coopération dans le cadre du Programme316 A400M vise un objectif triple. Primo, l’utilisation optimale des ressources militaires, industrielles, scientifiques et techniques des Parties. Secundo, tirer le meilleur parti possible d’une acquisition en commun. Tertio, bénéficier d’un soutien en commun du Programme A400M. La Belgique s’engage d’une part à acquérir un appareil A400M pour les Luxembourgeois, simultanément à l’acquisition de 7 appareils pour ses besoins propres, et d’autre part, à effectuer la mise en œuvre, le soutient logistique, la formation conjointe des équipages, les modifications futures de l’avion et des équipements de support, ainsi que le retrait d’emploi du système A400M. Le projet A400M est conduit et administré par un Comité de Pilotage (CP), organisation paritaire constituée du directeur du service des achats du matériel volant, de l’officier de projet de la Force aérienne pour la partie belge, ainsi que de l’officier du budget et des finances de l’Armée belge. Le CP, se réunit tous les six mois, ses décisions sont prises à l’unanimité et il est responsable pour : • La supervision des dispositions de l’arrangement au niveau de l’exécution ; • L’examen de l’avancement des prestations par rapport aux dispositions prises dans

l’arrangement. ; • L’examen et la transmission aux Parties les éventuels amendements à

l’arrangement ; • La liaison avec les autorités des Parties pour les aspects liés à la sécurité ; • La mise en œuvre, l’entretient et la formation en commun des équipages ; • La mise en œuvre des dispositions de l’arrangement ; • L’étude et la proposition des axes de coopérations dans l’intérêt des Parties. La Belgique se portant acquéreur d’un A400M pour le Luxembourg, les délégués belges représenteront la Partie luxembourgeoise au sein des groupes de travail A400M. Dans ce cadre, la partie belge s’engage à : • Informer régulièrement la Partie luxembourgeoise de l’avancement du

Programme ; • Signaler les événements pouvant compromettre le calendrier, le budget et certains

aspects techniques du Programme ; • Veiller à la sauvegarde des intérêts de la Partie luxembourgeoise ;

316 Programme A400M : Développement, production et soutien initial de l’ A400M

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• Prévenir la Partie luxembourgeoise de la tenue de réunions des groupes de travail ayant un caractère décisionnel formel, afin que le délégué luxembourgeois puisse y assister.

Selon les dispositions financières de l’arrangement, la Partie luxembourgeoise s’engage sur un montant plafond de 152,6 millions d’euros courant. En outre, cette dernière s’engage à financer le coût lié à l’exploitation des appareils au prorata de sa participation. L’intérêt de ce type d’accord, est de permettre à un pays comme le Grand-Duché de Luxembourg d’acquérir, via un Etat partenaire un nombre limité d’appareil qu’il n’aurait pu commander seul. La même logique prévaut pour le navire stratégique, ici la Belgique ne pouvait s’offrir seule ce type de bâtiment, elle a donc fait appel au Grand-Duché. Le Luxembourg possède les moyens financiers suffisant pour investir dans le navire avec les Belges, et en contrepartie, la Belgique s’engage à former le futur personnel navigant luxembourgeois. A l’heure actuelle, les modalités sont également discutées pour l’établissement d’une commande commune Belgique-Luxembourg, concernant l’acquisition de véhicule de reconnaissance317. Il apparaît clairement que depuis maintenant deux ans, une véritable logique d’acquisition binationale de matériels est en train de voir le jour entre la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg.

4.6.3. L’acquisition de radio BAMS pour le Grand-Du ché de Luxembourg

S’il est moins visible que l’Accord pour l’achat conjoint d’avions de transport stratégique ou l’acquisition d’un navire ro-ro, le dossier concernant l’acquisition des radios BAMS est révélateur des difficultés rencontrées par les pouvoirs publics en général dans le cadre de la législation sur les marchés publiques. En outre, la solution utilisée par les deux nations pourrait constituer une piste intéressante pour de futures acquisitions de matériel, tant à l’échelle nationale qu’européenne. L’acquisition des radios BAMS, par le Luxembourg est à situer dans l’optique du rattachement d’une compagnie luxembourgeoise au sein de la 1ère Division Mécanisée belge (1 Div Mec) dans le cadre du Corps européen. Afin d’assurer l’interopérabilité entre les soldats des deux pays, l’acquisition de 9 postes radio BAMS s’est avérée nécessaire. Les autorités luxembourgeoises avaient cependant manqué l’opportunité de les acquérir lors du marché passé en mars 1997 avec la firme ALCATEL. Depuis lors, la chaîne de production s’est arrêtée.

317 La Belgique devrait commander 121 véhicules, le besoin Luxembourgeois serait, quant à lui, de 44 véhicules. A l’heure actuelle aucun choix ne semble être fait entre le véhicule néerlandais Fennek de SP Aerospace and Vehicle System, et son principal concurrent le Scarab des britanniques de Alvis Vehicles. Voir : C. FOSS, Belgium to restart Recce 2000 competition, dans Jane’s Defence Wekly, Vol 37, 10 avril 2002, p.4.

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Deux options se sont présentées. La première, était de vendre aux luxembourgeois les 9 postes de radio. Cependant la législation belge en la matière n’autorise pas la vente de matériel non-excédentaire318. La deuxième option, qui sera retenue, est celle du prêt des postes radios au Luxembourg. Bien que le matériel ne soit pas excédentaire, la première option était défendable, car les radios étaient destinées à un détachement qui est totalement intégré dans une division belge. En ce sens ce matériel continuera à servir directement au sein de la force terrestre belge. Une Convention signée en 1999319, met finalement à la disposition du Luxembourg l’ensemble de 9 postes BAMS. La mise à disposition est d’une durée nominale de 11 ans ; La Partie luxembourgeoise prend à sa charge tous les frais d’utilisation du matériel, ainsi que les coûts de réparation, de reconditionnement ou de remplacement éventuel. En contrepartie, la Partie belge s’engage à assurer l’appui logistique du matériel. Cette solution de location/ achat qui s’étend sur toute la durée de vie du matériel à été récemment reprise par le ministre de la défense André Flahaut lors du conseil Affaires générales et des ministres de la défense de Séville des 13 et 14 mai 2002. Concrètement, il ne s’agirait plus d’acquérir du matériel en pleine propriété, mais de le faire acheter par un organisme international au sein duquel les Etats seraient actionnaires. Cet organisme offrirait alors la location du matériel en échange d’un loyer qui s’échelonnerait sur la durée de vie du matériel320.

4.7. Les coopérations Bénélux dans le champ de la c onstruction européenne en général et dans le processus de la PE SD en particulier

Tenter d’appréhender la position du Bénélux dans la construction européenne, et en particulier dans le cadre du développement de la PESD relève de la gageure. En effet, au sein des différentes institutions européennes (Conseil, Commission, Parlement,...), ces trois Etats n’agissent pas systématiquement d’une seule voix321. Dans ce cadre, nous pouvons affirmer qu’il n’existe réellement pas de spécificité Bénélux, voire de politique européenne du Bénélux. Tout au plus, ces trois pays ont des positions communes sur certaines problématiques322, mais sans développer une véritable politique européenne trilatérale. Concernant la PESD, ce manque de visibilité s’explique par les différentes positions de ces trois Etats concernant, entre autres, les rapports que devraient entretenir l’UE et l’OTAN dans le cadre de la future architecture sécuritaire de l’Europe. Si la Belgique et le Luxembourg peuvent être considéré comme européistes, les Pays-Bas restent

318 Adjonction budgétaire 2.16.20, 1er alinéa de la Loi budgétaire 1998, le MDN n’est autorisé à vendre que du matériel excédentaire dans le cadre du Plan de restructuration. (Moniteur du 12 Mars 1998). 319 Convention relative à la mise à disposition d’un ensemble de neuf postes VHF ECCM (BAMS) dans le cadre du rattachement du contingent luxembourgeois à la 1ère Division Mécanisée belge au sein du corps européen. 320Voir : Un financement alternatif pour l’équipement militaire ?, dans La Libre Belgique, 15 mai 2002. 321 Il n’y a que dans le cadre du Traité Open Sky que la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas sont considéré comme une seule entité. 322 Ainsi, lors des Sommet de Nice et de Laeken, les pays du Bénélux ont adoptés une stratégie et des positions communes. Voir infra.

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essentiellement atlantistes. Pour La Haye, à l’inverse de ses deux partenaires, qui sont favorables à l’établissement de structures de discussions parallèles entre les deux institutions, l’OTAN reste prioritaire, et l’UE ne devrait pouvoir agir que lorsque l’OTAN ne désire pas le faire323. Les Etats du Bénélux, en tant que petits Etats sont favorables à un renforcement de la méthode communautaire, permettant un meilleur équilibre avec les grands Etats. Ainsi, lors du Sommet de Maastricht, les Pays-Bas avaient proposé un Traité créant une seule structure (en lieu et place des trois piliers) supranationale. Cette proposition avait eu le soutien de la Belgique, mais fut rejetée par les autres Etats membres324. Les Etats du Bénélux n’en restent pas moins des défenseurs d’un rôle plus accru de la Commission dans la mise en œuvre de la PESD, ainsi que de l’application du vote à la majorité qualifiée dans ce domaine. Dès lors, les pays du Bénélux élaborent des positions communes à l’occasion de rencontres formelles et informelles. C’est le cas depuis quelques années : les pays du Bénélux ont ainsi rédigé plusieurs mémorandums reprenant leurs positions. Leur analyse permet d’identifier les points de consensus entre les trois pays. Ce fut le cas avec le mémorandum de La Haye du 7 mars 1996325, qui proposait que la Commission puisse utiliser son pouvoir d’initiative dans le domaine de la PESD, et qu’une cellule d’analyse et de planification soit établie afin d’établir le lien entre les Etats membres de l’UE, la Commission et le secrétariat de l’UEO326. Sur le processus de vote, les Etats du Bénélux se disent en faveur de l’extension du vote à la majorité pour certains domaines de la PESD (ces derniers ne sont pas cités dans le document). Il n’est cependant pas fait mention d’une intégration des structures de l’UEO au sein de l’UE (ce que l’on retrouve par contre dans la note belge de l’époque sur la CIG). Enfin, le mémorandum rappelle la nécessité du lien avec l’Alliance dans le domaine de la défense collective, et le fait que les Etats devraient avoir la possibilité de refuser de participer à des opérations, tout en ne pouvant pas bloquer le processus d’engagements des autres Etats (abstention constructive). Concernant les mécanismes de coopérations renforcées, les Etats du Bénélux sont favorables à l’établissement de « groupes de pionniers » qui iraient plus loin dans l’intégration. Cependant pour les Néerlandais, en ce qui concerne les matières régies par les deuxième et troisième piliers, une approche à plusieurs vitesses ne devrait pas être de mise. Pour la Belgique, par contre, la mise en place de groupes évoluant à des

323 Voir les points 1.4, 2.4 et 3.4 de la présente étude. 324 Cet échec a rendu les Pays-Bas plus pragmatique dans leurs efforts pour la promotion de la méthode communautaire. Cette diminution de l’enthousiasme peut aussi s’expliquer par le fait que les Pays-Bas soient passé du rôle de bénéficiaire des fonds communautaire à celui de second plus gros contributeur (en terme relatif) après l’Allemagne. Ce qui n’est pas le cas pour la Belgique et le Luxembourg, qui reste bénéficiaires des fonds européens. Voir : B. SOETENDORP & K. HANF, De aanpassing van kleine staten aan de Europese Unie. Over bureaucratie, diplomatie, beleid en macht, dans International Spectator, Vol. LI, N°3, mars 1997, pp. 141-145. 325 Memorandum on the ICG, La Haye, 7 mars 1996. 326 Sur cette question la position de la Belgique est plus maximaliste : Bruxelles est favorable à un renforcement du droit d’initiative de la Commission, ainsi qu’à l’application du vote à la majorité qualifiée au Conseil des propositions de la Commissions de matière de politique étrangère européenne. Voir Government Policy Paper addressed to the Belgian Parliament on the ICG, Bruxelles, 28 juillet 1995.

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vitesses différentes ne doit pas être écartée. Le Luxembourg considère quant à lui que la mise en place de mécanismes de coopérations renforcées à géométrie variable sera une conséquence inéluctable de l’élargissement327. A la veille du Conseil européen d’Helsinki, les pays du Bénélux ont réaffirmé leur position commune, au travers d’un mémorandum concernant la CIG et les réformes institutionnelles328. A cette occasion, les trois Etats expriment le souhait de ne pas voir la CIG se limiter aux seuls reliquats d’Amsterdam329. Il en ressort que les Etats du Bénélux se déclarent en faveur d’un assouplissement des conditions quant à la mise en œuvre des coopérations renforcées, et leur application au deuxième pilier. Le mémorandum du 29 septembre 2000330, donne l’occasion aux pays du Bénélux d’exprimer une nouvelle fois leur position à la veille du sommet européen de Biarritz des 13 et 14 octobre 2000. Le soutien à la méthode communautaire y est réaffirmé, ainsi que le souhait de voir le haut représentant siéger tant dans les réunions du Conseil que dans celles de la Commission. Les pays du Bénélux se déclarent en outre favorables à un renforcement de l’aménagement constitutionnel de l’UE : « un processus d’aménagement constitutionnel qui pourrait servir de base à l’élaboration d’une constitution européenne. » L’assouplissement des conditions pour le déclenchement d’une coopération renforcée dans le domaine de la PESC est également réclamé par les pays du Bénélux. Ces derniers rappellent que celles-ci ne doivent pas être réservées à certains Etats, mais être ouverte à la participation de tous, y compris ceux n’y participant pas à l’origine. Enfin ces coopérations ne devraient pas créer de nouveaux organes qui viendraient s’ajouter aux institutions de l’Union. Cette implication du Bénélux concernant les réformes institutionnelles a été particulièrement visible lors du sommet de Nice, au cours duquel les délégations belge, luxembourgeoise et néerlandaise ont longuement défendu leurs positions, surtout sur la pondération des voix au Conseil. Ainsi au terme des négociations de Nice, le Bénélux a obtenu le même poids que les grands pays331. Ainsi, ensemble, les trois Etats totalisent 29 voix au Conseil, ce qui les positionne au même niveau que l’Allemagne, l’Italie, la France et le Royaume-Uni332. Le 20 juin 2001, les gouvernements des trois états du Bénélux, élaborent un document commun, intitulé : « Mémorandum du Bénélux sur l’avenir de l’Europe ». Ce dernier ne diffère pas des autres documents publiés ces dernières années. Les gouvernements du Bénélux rappellent leur souhait d’une constitutionnalisation du projet européen et

327 Voir : Government Policy Paper addressed to the Belgian Parliament on the ICG, Bruxelles, 28 juillet 1995 ; Note of the Government, La Haye, 14 novembre 1994 et « Luxembourg Government memorandum », Luxembourg, 30 juin 1994. 328 Mémorandum Bénélux concernant la CIG et les réformes institutionnelles, Luxembourg, 6 février 1999. Disponible à l’adresse : http://www.gouvernement.lu/gouv/fr/doss/memoradum/index.html. 329 Taille et composition de la Commission, repondération des votes au conseil et extension du recours au vote à la majorité qualifiée. 330 Mémorandum Bénélux sur la CIG et l’avenir de l’UE, La Haye, 29 septembre 2000. 331 La Belgique se réjouit que le Bénélux ait le même poids que les grands, AFP, 11 décembre 2000. 332 Cependant, un décrochage a été créé entre la Belgique (10 millions d’habitants), qui ne possède que 12 voix et les Pays-Bas (15 millions d’habitants) qui en possède 13. Ceci avait entraîné un blocage de l’accord sur la pondération des voix par Bruxelles, qui en compensation de la perte d’une voix aura la responsabilité de l’organisation des sommets européens à partir de 2006.

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soumettent deux questions à l’examen : « Une meilleure description des compétences de l’UE et des Etats membres, de leur exercice et l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité et une simplification des traités européens regroupés en un traité constitutionnel de base et une partie consacrée aux politiques, avec des procédures de révisions spécifiques333. » En outre, dans le but de trouver un système institutionnel plus équilibré et plus efficace, le document de juin 2001 propose le renforcement de la méthode communautaire, l’octroi de la personnalité juridique à l’Union, une fonction législative pour le parlement (y compris en matière de budget), un renforcement de la Commission, l’élection directe du Président de la Commission, le recours en règle générale à la majorité qualifiée et un renforcement de la cohérence et de l’efficacité de l’action et de la représentation extérieure de l’Union. Les Etats du Bénélux développent une approche commune, qui correspond en une large mesure aux préoccupations des petits états, soucieux de préserver un équilibre dans le processus de décision de l’UE (ce qui se reflète surtout dans la volonté de maintenir un équilibre entre les Etats-membres et de renforcer le pouvoir de la Commission). Ces dernières années les Etats du Bénélux ont défendu cette position commune, mais elle ne s’est pas accompagnée de la création de ce que l’on pourrait nommer une « communauté d’intérêt du Bénélux ». Une telle communauté présupposerait la suppression des divergences entre les trois pays, qui sans êtres insurmontables, sont néanmoins la traduction de sensibilités différentes par rapport à la construction européenne. Cela pose également la question de la représentativité du Bénélux, certains avancent à ce sujet qu’une position trop intégrée du Bénélux durant les négociation institutionnelles, « could boomerang with the common position being translated into a single Benelux Member in the Commission or one Benelux presidency », et préconisent que : « Each of the three Benelux partners rather should complete or repeat the other instead of the Benelux being one representative334. » Cela nous amène à conclure que quel que soit le mode de représentation choisit, l’essentiel de la question résidera dans la volonté des trois pays d’harmoniser leur politique nationale. Ce qui, comme nous l’avons montré, n’est pas évident. En effet, les structures mises en place au sein du Bénélux sont essentiellement intergouvernementales et deviennent informelles lorsqu’elles touchent des matières telles que la politique étrangère et la défense. C’est là tout le paradoxe du Bénélux : « As such Belgium and the Netherlands are not very consistent on this point ; while both are very much in favour of preserving the community legal order, with all its supranational features, they opt squarely for intergouvernmentalism in the Benelux context335. »

333 Mémorandum du Bénélux sur l’avenir de l’Europe, Bruxelles, 20 juin 2001. 334 M. HERMANS, Een rol voor de Benelux in een hervormde Europese Unie?, Conférence de l’Institut Clingendael voor internationale betrekkingen, La Haye, 1995. 335 A. PIJPERS, The Politics of the European Treaty Reform. The 1996 Intergovernmental Conference and Beyond, Pinter, London, 1997.

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Ainsi, même si les partenaires Bénélux ont instauré des rencontres à la veille des grands rendez-vous européens, et établi à ces occasions des mémorandums, ces derniers doivent être considérés comme des documents de compromis, les documents nationaux publiés en ces occasions étant le reflet implicite ou explicite des sensibilités nationales de chacun.

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Conclusions générales

Dès l’entame de la dernière décennie, il était devenu évident pour les Etats du Bénélux que, dans le domaine militaire, seule une mise en commun de certains moyens et capacités identifiés pouvait permettre de conserver des forces armées efficaces et crédibles. Ce constat fut accentué par la diminution généralisée des budgets de défense et par le souci des différents gouvernements de toucher les dividendes de la paix. De plus, l’augmentation du coût de remplacement du matériel militaire, surtout volant et navigant, a accentué cette nécessité. Fortes de ces constats les autorités belges, néerlandaises et luxembourgeoises se sont lancées dans le développement de concepts de coopérations et de mise en commun des ressources pour l’ensemble des composantes de leurs forces armées. Les activités de coopération développées au sein du Bénélux sont entrées depuis le mandat ministériel d’avril 1997 dans une phase d’intensification et d’amélioration ; les groupes et sous-groupes de travail poursuivant leurs objectifs d’intensification des opérations existantes, et d’identification de nouvelles coopérations potentielles. Cette intensification a essentiellement permis d’établir des coopérations tri- et bilatérales dans de nombreux domaines. Cependant, un certain ralentissement s’est fait ressentir ces deux dernières années : la suppression des rencontres annuelles des ministres de la défense en est le signe le plus visible. Il est évident que les ministres de la défense du Bénélux bénéficient, à présent, d’autres forums de rencontres, comme les sommets informels des ministres de la défense dans le cadre de l’UE. Toutefois, la suppression de ces rencontres a en quelque sorte privé d’agenda les responsables militaires du Comité directeur. En effet, ce sont les ministres de la défense des trois pays qui sont sensés donner l’impulsion et dessiner l’agenda, qui sera in fine mis en place par le Comité directeur. En outre, au niveau national, il est plus aisé pour un gouvernement de justifier devant le Parlement et l’opinion publique des dépenses militaires qui s’inscrivent dans le cadre de coopérations multilatérales. De plus au niveau européen, les Etats du Bénélux devraient continuer à approfondir leur coopération de manière à jouer le rôle de modèle que la plupart des responsables de l’UE leur reconnaissent. La chute du gouvernement Kok et la tenue de nouvelles élections aux Pays-Bas336, vont sans nul doute amener un nouveau ministre de la défense, ce qui pourrait donner une nouvelle perspective aux relations trilatérales, tiraillées en raison des différents belgo-néerlandais. Les divergences entre la Belgique et les Pays-Bas sur plusieurs dossiers sont sans doute une des causes de cet étiolement des relations trilatérales. En effet, l’axe Bruxelles-La Haye à été mis à mal sur le dossier du JSF, mais également sur l’attitude à adopter vis-à-vis du regain de violence au Proche-Orient.

336 Les élections législatives néerlandaises du15 mai, on vu la victoire du CDA (droite chrétienne) et du LPF (Liste Pim Fortyun) au détriment de la coalition sortante (libéraux-socialistes). Le nouveau gouvernement sera sans nul doute composé de représentant des partis vainqueurs des élections. Cependant, étant donné le climat particulier qui a précédé les élections (chute du gouvernement et assassinat de Pim Fortuyn) la mise en place du nouveau gouvernement pourrait prendre plusieurs semaines, voir plusieurs mois.

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Au niveau opérationnel également, la Belgique ne participe pas avec les Pays-Bas au soutien aérien de l’opération « enduring Freedom » en Afghanistan337. Fondamentalement, la relation entre la Belgique et les Pays-Bas est victime des conceptions résolument européistes des premiers, et la vision plus atlantiste des seconds. Ainsi, dernièrement, le Ministre belge des Affaires étrangères Louis Michel avait critiqué l’attitude des pays européens, dont les Pays-Bas qui refusaient toute prise de position différenciée de l’UE, sur la question du conflit israélo-palestinien, par rapport aux Etats-Unis. Il est évident qu’à l’heure où la défense européenne devient jour après jour une réalité plus tangible, les tensions entre les Etats de l’Union traditionnellement atlantistes et ceux ayant une volonté européiste, comme la Belgique, s’exacerberont de plus en plus. Malgré cela, si nous nous en tenons à ce qui a déjà été réalisé dans le cadre du Bénélux, il nous faut constater qu’à l’heure actuelle, ces collaborations ont atteint un niveau élevé qu’il sera difficile de dépasser. En effet, selon les experts, vu les charges pesant actuellement sur les unités, et tenant compte des réductions des budgets de défense, la mise au point de nouvelles coopérations doit être guidée, non pas par une recherche de coopération à tout prix, mais par un soucis d’amélioration des capacités opérationnelles. Concernant l’instruction, l’entraînement et la logistique, la recherche de l’efficience devrait constituer le critère de décision essentiel. En outre, de l’avis des militaires confrontés à ces questions, les procédures et législations concernant les marchés publics ne permettent pas d’acquérir, sans décision politique préalable, du matériel en commun. Lors de la réunion Bénélux du 01 décembre 1999, le Ministre belge de la Défense avait exprimé le souhait, en concertation avec ses partenaires, d’un assouplissement de la législation existante en matière de marchés publics dans le domaine de la défense au niveau européen. Force est de constater qu’à ce niveau beaucoup de travail reste à réaliser. Il va sans dire que les achats en commun avec le Luxembourg de plusieurs avions et d’un bateau de transport stratégique prouvent que de tels programmes d’acquisition sont d’ores et déjà devenus réalisables. Ces développements mis à part l’étude des dernières publications officielles des royaumes de Belgique, des Pays-Bas et du Grand-Duché de Luxembourg, ne permettent pas, à elles seules, de fournir une analyse complète quant à l’avenir des coopérations militaires au sein du Bénélux. Les textes se limitent à préciser l’état des coopérations en terme de visibilité et d’importance. Ce n’est qu’avec l’étude des accords de coopération, conventions, mémorandums et déclarations officielles existants que nous pouvons, en guise de conclusions, avancer quelques hypothèses quant à l’avenir des ces coopérations dans le cadre de l’architecture de sécurité et de défense européenne. Nous pouvons dès lors proposer trois scénarios possibles quant à l’évolution de la coopération au sein du Bénélux. Un premier développement réside en l’augmentation des forces centripètes qui mènerait, à terme, à une intégration des politiques de sécurité et de défense des trois Etats. Cette option maximaliste tient cependant plus de la politique fiction, que de la

337 Les Pays-Bas sont engagés avec le Danemark et la Norvège pour du transport stratégique à partir du Kyrgystan, en outre ces trois pays devraient fournir pour le mois de juin un détachement commun de chasseurs. De son côté la Belgique est engagée avec le Portugal pour du transport stratégique en partance du Pakistan et n’envisage pas, à l’heure actuelle, de participer à d’autres missions. Voir : J.J. LOK, Europe Strengthens support for « Enduring Freedom », dans Janes Defense Weekly, Vol. 37, 17 avril 2002, p.6.

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réalité. En effet, il n’a, à notre connaissance, jamais été question d’une telle intégration. Cette dernière présupposerait que les trois Etats acceptent d’abandonner une large part de leur souveraineté au profit d’une structure supranationale. Ce type d’intégration n’est pas envisageable pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le développement de plus en plus rapide de la PESD fait que le débat concernant un éventuel transfert de souveraineté dans le domaine de la politique de défense se situera à l’échelle européenne et non bénéluxienne338. Une deuxième raison, plus fondamentale, est qu’au sein du Bénélux la coopération au sens large- et donc également en matière de défense- se fait selon la méthode intergouvernementale, sur base d’accords ad-hoc et est limitée dans le temps. La nature même de la coopération Bénélux ne se prête donc pas à une intégration maximaliste, bien qu’elle existe dans le cadre de la Marine et également dans la force terrestre entre la Belgique et le Luxembourg. Un deuxième développement consisterait en un étiolement des coopérations Bénélux. Cette hypothèse se base sur le fait que la coopération navale et aérienne entre les Pays-Bas et la Belgique, en raison de programmes d’acquisition différents, pourrait à terme devenir caduque. Subsisteraient alors la coopération entre le Luxembourg et la Belgique en matière d’acquisition de matériel et l’intégration du contingent luxembourgeois dans la 1Div Mec belge, ainsi que des accords très limités dans des domaines techniques entre les trois pays. Ce scénario, s’il relève également du futurisme, est cependant plus probable que le premier, dans la mesure où il reflète la tendance actuelle. En effet, Belges et Néerlandais ont orientés leurs programmes d’acquisition majeurs dans des directions opposées : capacité de frappe à distance par air et par mer pour les Pays-Bas et capacité de transport stratégique par air et par mer pour la Belgique. En outre, la somnolence des concertations entre les ministres de la Défense depuis 2000 ne favorise pas le dialogue entre les trois parties quant aux intentions des uns et des autres. Le risque est alors grand de voir le décalage qui s’amorce entre la Belgique et les Pays-Bas s’accentuer davantage. De nombreux responsables militaires ont déjà stigmatisé cet état de fait. Comment concevoir en effet que les Néerlandais doivent attendre par exemple une décision belge d’augmenter les budgets pour acquérir du matériel en commun, alors qu’aux Pays-Bas l’achat de ce matériel est d’ores et déjà jugé indispensable à la réalisation de la politique de sécurité et de défense du pays. Enfin, une troisième voie peut être celle d’un statu quo des coopérations au sein du Bénélux. Ces dernières ne se réduiraient pas, mais le Bénélux ne serait plus le terrain de grandes coopérations. Pour éviter que ce scénario ne se réalise, une reprise de la concertation annuelle entre les trois ministres de la défense doit être envisagée. Elle permettrait d’élaborer un nouvel agenda pour le Comité directeur, qui ne peut travailler sans l’impulsion préalable du politique. Auquel cas, le risque serait alors grand de se retrouver avec des structures de coopération n’ayant plus de directive pour l’avenir, et devant se contenter d’un travail de sauvegarde des acquis. 338 Ce qui, selon nous, ne remettrait de toute manière pas en cause la coopération Bénélux en matière de défense. En effet, la mise en place de la monnaie unique n’a pas été synonyme de suppression de l’union économique belgo-luxembourgeoise.

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Ce statu quo devrait en outre se coupler d’une coopération entre les trois pays qui viserait à augmenter leur représentativité au sein de l’UE. Ainsi, dans le cadre de la PESD, il serait judicieux d’établir des mécanismes de concertation permanents entre les trois Etats du Bénélux. De tels mécanismes, tout en favorisant la coopération, renforceraient la représentativité du Bénélux vis-à-vis des autres partenaires européens. A l’heure actuelle, il n’est pas possible de prédire la direction dans laquelle la coopération entre les Etats du Bénélux évoluera, mais il est certain que cette dernière a tout à gagner d’une reprise du dialogue interministériel, seul à même d’aiguiller et de donner l’impulsion aux travaux du Comité directeur. Les aspects économiques mis à part, il est évident qu’au sein de l’UE les Etats du Bénélux ont intérêt de continuer, voir d’approfondir les consultations et le travail réalisés en commun. Par exemple, à l’heure où plusieurs voix s’élèvent pour réclamer la formalité des rencontres entre ministres de la défense de l’UE, les Etats du Bénélux pourraient prendre l’initiative et instituer des rencontres formelles entre leurs trois ministres de la défense. Enfin, une plus grande publicité auprès des opinions publiques de ce qui a été déjà réalisé dans le cadre du Bénélux devrait être envisagée. Il est évident qu’une augmentation des crédits consacrés à l’acquisition de matériel jouirait d’un meilleur soutien s’il s’inscrit dans un contexte européen. Il n’en reste pas moins que le Bénélux a pleinement joué, et continue de le faire son rôle de laboratoire de la construction européenne. Les coopérations s’établissant en son sein ont eu l’intérêt de montrer les avantages que l’on peut en extraire, notamment dans le cadre des économies d’échelles, du gain d’efficience et d’efficacité. Mais elles sont également là pour en montrer les limites, qui peuvent être de nature juridique (loi sur les marchés publics par exemple), mais qui sont surtout liées aux intérêts nationaux, particuliers et parfois particularistes. Il est nécessaire de garder à l’esprit que ses coopérations s’inscrivent dorénavant, et de manière inéluctable, dans le contexte de l’intégration des politiques de défense à l’échelle de l’UE. En ce sens les progrès réalisés par le Bénélux en la matière demeurent un signal fort pour les responsables européens. Ils montrent qu’il est possible de parvenir à une convergence et une coopération approfondie entre des Etats souverains même en matière de défense, à condition que la volonté politique soit présente.

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Bibliographie

Documents officiels

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Colloques, conférences et séminaires

Groupe d’études politiques européennes, Le débat européen à la veille de la présidence belge, Bruxelles, 26-27 avril 2001. M. HERMANS, Een rol voor de Benelux in een hervormde Europese Unie?, Conférence de l’Institut Clingendael voor internationale betrekkingen, La Haye, 1995. Institut Royal Supérieur de Défense, Les forces armées belges : moyens et missions futures, Bruxelles, 27 octobre 1993. Institut Royal Supérieur de Défense, Les petits pays et le processus d’intégration européenne, Bruxelles, 18 février 1998. Ministère belge de la Défense nationale, Public opinion and European defence : Convergence or divergence ?, Bruxelles, 3-4 avril 2001. Université de Barcelone, Europa : el debate sobre defensa y seguridad : 24 et 25 novembre 2000, Publications de l’Université de Barcelone, Barcelone, mai 2001.

122

Sites Internet

Ministère belge de la Défense Nationale http : www.mil.be http : www.mod.fgov.be Ministère néerlandais de la Défense Nationale http : www.mindef.nl Ministère luxembourgeois de la défense nationale http : www.armee.lu Ministère belge des affaires étrangères http : www.diplobel.fgov.be Ministère néerlandais des affaires étrangères http : www.minbuza.nl Ministère luxembourgeois des affaires étrangères http : www.gouvernement.be

123

Annexe 1 : Descriptions des principaux accords, con ventions, mémorandums signés entre les Etats du Bénélux

Intitulé Date Description et remarques éventuelles Signataires

Specific logistic Assistance Arrangement N°1 (TBO-CCFBA)

09/10/72 Coordination Log Sp des deux RCZ en temps de guerre. Accord basé sur l’ancien GDP. Dépassé, les Pays-Bas ont démarré la procédure pour y mettre fin.

Be, NL

Technische overeenkomst tot het verlenen van genees - en tandheelkundige verzoring

26/06/74 Détermination des modalités d’exécution pour les soins médicaux dispensés aux militaires de l’un ou l’autre pays, aux frais du pays d’accueil. Le délai de validité de l’accord étant expiré, ce dernier devrait être renouvelé.

Be, NL

Samenwerking betreffende de territoriale beveiliging van het Be en NL grondgebied.

08/06/76 Appui réciproque en cas d’hostilités. Accord dépassé par le Nouveau Concept Stratégique. Une menace éventuelle fera l’objet d’une concertation ad hoc.

Be, NL

Technische overeenkomst betreffende Militaire Wegverplaatsingen in crisis en oorlogstrijd

08/10/82 Détermination des mouvements militaires et postes frontières aux Pays-Bas pour les unités OTAN en provenance de Belgique. Cet accord est dépassé, l’acte y mettant fin doit être rédigé.

Be, NL

BENELUX overeenkomst voor samenwerking en eenheid van opvatting

25/03/87 Basé sur l’Accord belgo-néerlandais du 10 mai 1948 (auquel a été joint un addendum « Amiral Bénélux ». Cet accord organise l’adhésion du Luxembourg.

Be, Lu, NL

Accord gouvernemental sur les facilités apportées au franchissement des frontières pour les transports civils de défense

13/07/89 Concerne les accords visant le passage des frontières nationales en période de tensions internationales, vis à vis des personnes (militaires et civiles) et le matériel, dans l’intérêt défense ou des intérêts vitaux. Cet Accord entrait en vigueur pour 5 ans avec reconduction tacite.

Be, Lu

Uitvoering van de multinationale technische overeenkomst va 19 jul 62 betreffende de steun aan de Special Ammunition Storage Support Sites ten behoeve van NORTHAG

28/09/90 Concerne Part Fin du site SAS à Büren (Pays-Bas) dans le cadre du MTA du 19 juillet 1962339. Accord dépassé les Pays-Bas rédigent l’accord y mettant fin.

Be, NL

Accord relatif à la mise à disposition d’un détachement

08/04/92 Concerne les modalités de la Coopération. Cet Accord est dépassé.

Be, Lu

339 Multinational technical agreement concerning the maintenance of NATO SAS support sites, facilities and organizations required for the support of more than one user nation.

124

Be/Lu dans le cadre de UNPROFOR Protocole d’accord relatif au rattachement du contingent (Lu) à la 1 Div Mec

11/12/96 Intégration dans le cadre de l’Eurocorps. Accord ayant pour base la Déclaration commune des ministres de la défense du 6 septembre 1996. Accord complété par divers techniques.

Be, Lu

Ondersteuning door LM van de Klu (ter beschikking stelling van technish personeel HAWK)

27/02/97 Mise à disposition de personnel technique belge à la Force aérienne néerlandaise (considérée comme de la prestation de service pour tiers) Pour l’an 2000 (jusqu’au 22 décembre), la Force aérienne néerlandaise fait un appel complémentaire aux sous-officiers spécialiste maintenance belge à la base de De Peel pendant trois périodes.

Be, NL

Gebruik van het oefenterrein Vogelsang

17/12/97 Accords déterminant les procédures d’utilisation du camp de Volgelsang par les unités de l’Armée de terre néerlandaise, en contrepartie de l’utilisation de KIBOWI par la Force terrestre belge. Accord prorogé jusqu’en 2002.

Be, NL

Uitwisseling van informaties aangaande gegevens over de landmijnen

08/07/98 Accord déterminant les procédures de gestion par la Belgique d’une base de données. Cet Accord met fin à celui du 8 juillet 1998.

Be, Lu, NL

Intégration du détachement (Lu) au détachement (Be) dans le cadre de SFOR

24/08/98 Accord déterminant les modalités de coopération et d’intégration du détachement Lu. L’Accord se termine avec la fin de BELBUG en février 2000.

Be, Lu

Rijopleiding van chauffeurs van Pantserrupsvoertuigen

17/12/98 Accord régulant la mise à disposition réciproque des moyens de formations concernant les chars de combat Léopard 1.

Be, NL

Convention relative à la mise à disposition de postes VHF BAMS

22/12/98 Accord régissant la mise à disposition de neuf poste radio BAMS dans le cadre du rattachement Lu à la 1 Div Mec.

Be, Lu

Accord relatif aux formations et stages dans les organismes des forces armées belges

29/03/99 Accord régissant les modalités pour la participation de militaires luxembourgeois aux stages et formations en Belgique.

Be, Lu

Opleiding van Forward Air Controllers

15/04/99 Accord sur la mise en œuvre de la formation commune FAC.

Be, NL

Accord relatif à la constitution d’un détachement Be/Lu au sein de la KFOR

30/03/00 Be, Lu

125

Het beheer en gebruik van een gemeenschappelijke databank over landmijnen

06/09/00 Accord relatif à l’utilisation et la mise en place d’une base de données communes sur les mines.

Be, Lu, NL

Accord relatif au stockage d’explosifs et de munitions dans le dépôt de Bertrix

10/08/00 Be, Lu

Be/Lu samenwerking inzake algemene militaire samenwerking, gemeenshappelijke aankoopprogramma’s of gebruik van uitrusting

13/06/01 Be, Lu

Technich akkoord betreffende de aankoop van een Tpt vliegtuig A400M voor Lu in het kader van de Be aankoop van zeven A400M’s

13/06/01 Be, Lu

126

Annexe 2 : Approche théorique du phénomène d’intégr ation politique

1. Définition des concepts 1.1. L’intégration La notion d’intégration fait référence à un phénomène statique, « de ce qui est déjà intégré340 » qui se différencie de l’unification, phénomène dynamique, qui est « un processus au cours duquel l’intégration s’accroît341 » Dans son acceptation dynamique, le processus d’intégration se partage en deux phases distinctes : la phase interne et la phase externe. La première correspond à « l’ensemble des phénomènes par lesquels se constitue l’unité organique d’un être vivant, d’un système mental, d’une société342 » ; dans cette phase le processus d’intégration est l’objet de la création de la totalité par voie de rassemblement d’éléments épars. La seconde phase, peut se définir comme « l’établissement d’une interdépendance étroite entre les parties d’un être vivant ou entre les membres d’une société 343» ; ici le processus d’intégration est le fait d’un accroissement de la solidarité ente les éléments d’un ensemble déjà constitué. 1.2. Le politique Il convient à présent de définir la notion du politique ; le phénomène politique se déroule sur trois plans : les attitudes, le pouvoir ou les procédés politiques et le projet ou les finalités politiques. Le politique est un ensemble d’attitudes ; les grandes attitudes constitutives de la réalité politique sont l’obédience, l’allégeance et la revendication344. Chacune de ces attitudes, appelées « attitudes de socialisation politique verticales », décrit les rapports que la société entretient avec le pouvoir. Elles se distinguent du second groupe d’attitudes, les « attitudes de socialisation politique horizontales », qui se réfère aux dispositions que prennent entre eux les membres de la collectivité et plus vis-à-vis du pouvoir. Le deuxième plan correspond à la dimension procédurale ou institutionnelle du phénomène politique. En tant que procédé, la réalité politique est un mécanisme autoritaire de prise de décision : « La décision politique est dite immédiate au sens qu’elle ne souffre aucun intermédiaire obligé entre son émission par le pouvoir et sa réception par les individus345 ». En outre, la décision politique peut faire l’objet d’une exécution forcée au cas où l’obéissance ne lui serait pas spontanément acquise. 340 A. ETZIONI, A paradigm for a study of political unification, dans World Politics, XV, 1962. 341 A. ETZIONI, idem. 342 A. CUVILLIER, Nouveau vocabulaire philosophique, Paris, Colin, 1961. 343 A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 1962. 344 J. BARREA, Théories des relations internationales: la grammaire des événements, ARTEL, Louvain-la-Neuve, 1994. 345 J. BARREA, idem.

127

Le troisième plan est constitué de l’ensemble des matières qui ont trait à la réalisation du projet ou des finalités politiques que sont la sécurité extérieure, l’ordre public interne, la prospérité ainsi que la sauvegarde et la promotion de certaines valeurs. Nous pouvons souligner la distinction qui s’opère entre les matières à haute teneur politique (sécurité, relations extérieures), et les matières à moindre teneur politique (affaires économiques, techniques). 1.3. L’intégration politique externe Nous pouvons définir un processus d’intégration politique externe, comme un processus qui se caractérise par : • Au niveau du procédé politique, un sous-processus de politification par voie de

création d’un nouveau centre de décision et de contrainte physique ; • Au plan des domaines de compétence, un sous-processus de politisation par voie

de transfert au nouveau centre de décision d’un nombre suffisant de matières proprement politiques ;

• Au plan des attitudes politiques, des sous-processus de socialisation politique verticale et horizontale qui impliquent, au minimum, l’obéissance aux décisions du nouveau centre de commandement d’une part, et l’attitude de renonciation à la violence dans les différents d’ordre interne, d’autre part.346

Notons encore que ce processus d’intégration politique externe est lié à un processus d’intégration politique interne, dans lequel les sous-processus de politification, de politisation et de socialisation politique horizontale et verticale se renforcent. Comme le souligne J. Barrea : « L’accroissement du nombre des matières réglementées par le pouvoir central et l’apparition des attitudes politique d’allégeance, de revendication et de réelle conscience nationale sont des expressions de la consolidation interne d’une unité politique existante347. » 2. Les quatre écoles Nous pouvons identifier quatre écoles pour la théorie de l’intégration : l’école pluraliste ; l’école fonctionnaliste ; l’école néo-fonctionnaliste et l’école fédérale. Chacune de ces écoles propose un modèle différent du processus d’intégration, nous les décrirons ici succinctement. 2.1. L’école pluraliste Le concept central de l’école pluraliste est celui de « communauté de sécurité ». Cette « communauté dont on est sûr que les membres ne se battront pas, mais résoudront leurs différents par d’autres moyens348. » C’est là un des points centraux de la pensée de Deutch et de l’école pluraliste : la renonciation de fait à la violence est ce qui permet de concevoir l’intégration. Deutch distingue deux types de communauté de sécurité, abordons les de manière succincte.

346 J. BARREA, idem. 347 J. BARREA, idem. 348 K. DEUTCH, Political Community at the international Level, Anchor Books, Doubleday, 1954.

128

Premièrement, la communauté de sécurité pluraliste qui se caractérise par l’absence d’une institution politique centrale ; deuxièmement la communauté de sécurité amalgamée qui dispose d’un pouvoir politique central. Signalons que Deutch rend également compte des différentes forces politiques, économiques et sociales nécessaires à la création de telles communautés de sécurité : la compatibilité des valeurs et des modes de vie, l’espoir d’avantages économiques pour chacune des parties ainsi que la mobilité sociale entre les composantes de la communauté. 2.2. L’école fonctionnaliste La doctrine fonctionnaliste repose sur cinq principes de base : Premièrement, le principe de la « non-territorialité de l’autorité », ce qui signifie que l’autorité n’est pas liée à un territoire donné. • L’autorité est dite fonctionnelle, ce qui permet l’enchevêtrement ou la

superposition de différentes autorités ; • Deuxièmement, le principe de « séparabilité des compétences », avec une

distinction qui s’effectue entre les compétences politiques telles que la défense et la politique étrangère, et les compétences technico-socio-politique d’un Etat ;

• Troisièmement, le principe d’allégeance, selon lequel l’allégeance des populations ira vers des organisations internationales qui satisferont mieux leurs besoins matériels communs ;

• Quatrièmement, le principe de la « ramification de la pratique de la coopération intergouvernementale », ce qui signifie que lorsque la coopération est acquise dans un domaine donné, elle se propage ensuite vers d’autres domaines. Ainsi, le principe de ramification s’applique pour le passage des coopérations dans le domaine social et économique à des coopérations en matière politique, dont la coopération en matière de défense constitue l’étape la plus aboutie ;

Le dernier principe est celui de « la paix par l’érosion graduelle des souverainetés politico-territoriales et des nationalismes. » Il n’est pas question pour les fonctionnalistes de construire la paix par des relations de dissuasion, mais de la susciter par la gestion commune ou internationale des besoins technico-socio-économiques349. En ce sens la doctrine fonctionnaliste se rapproche de la doctrine de la sécurité collective par les sanctions économiques car un agresseur peut se voir, afin de rétablir la paix, privé des services et avantages que lui apporte la coopération internationale. 2.3. L’école néo-fonctionnaliste L’école néo-fonctionnaliste est celle qui rend le mieux compte des processus d’intégration contemporains. Voyons comment Haas et Lindberg définissent l’intégration. Pour Haas, « l’intégration est le processus par lequel les acteurs politiques des différentes communautés nationales sont déterminés à réorienter leur allégeance, leurs aspirations et leurs activités politiques, vers un nouveau centre dont les institutions

349 J. BARREA, idem.

129

possèdent ou demandent la juridiction sur les états nationaux préexistants350. » Et pour Lindberg, « l’intégration politique est le processus par lequel les Nations renoncent au désir et à la faculté de mener indépendamment les unes des autres leur politique étrangère ainsi que leurs principales politiques domestiques et cherchent à prendre ensemble des décisions ou à déléguer le processus décisionnel à un nouvel organe central » et « un processus par lequel les acteurs politiques des diverses unités sont conduits à réorienter leurs aspirations et activités politiques vers un nouveau centre351. »

Ces définitions nous éclairent sur les différences fondamentales qui existent entre le fonctionnalisme et le néo-fonctionnalisme. En effet, les fonctionnalistes développent, comme nous l’avons vu, une conception non territoriale de la souveraineté, alors que les néo-fonctionnalistes développent une conception du pouvoir traditionnelle et territoriale avec pour objectif la création d’un « super-Etat » avec une assise territoriale.

Au niveau des objectifs, la stratégie néo-fonctionnaliste est semblable à la stratégie fédéraliste, mais se différentie de la stratégie fonctionnaliste. Cependant au niveau des moyens mis en œuvre ce rapport s’inverse. Précisément, les néo-fonctionnalistes reprennent aux fonctionnalistes classiques les principes de la séparation des deux ordres de compétences et de la priorité des matières socio-économiques ainsi que le principe gradualiste de l’engrenage (ou de « spill over »). De l’héritage fonctionnaliste, ils rejettent, en revanche, l’hostilité de principe à l’égard de la souveraineté politique territoriale. Des fédéralistes, ils retiennent l’attention portée au facteur institutionnel ainsi que l’objectif final ou la création d’un super-Etat chapeautant les unités politiques existantes352. Les démocraties occidentales sont le terrain idéal pour ce type d’intégration, l’homogénéité idéologique, la démocratie pluraliste, rendent en effet possible le développement des activités des élites socio-économiques. Les agents moteurs de ce processus d’intégration sont les élites socio-économiques ; ces groupes ont conscience de la nécessité de la création de mécanismes institutionnels communs, ainsi que d’une désaffection à l’égard des oppositions idéologiques. Il y également des agents freins au phénomène d’intégration, ils sont de deux ordres. Primo, l’instabilité des coalitions socio-économiques. Secundo, la puissance des nationalismes, le rôle et l’importance que conservent les forces purement politiques (prestige de la nation), ainsi que la spécificité de ces domaines purement politiques (défense, politique étrangère,…)

350 E. HAAS, The Uniting of Europe, London, Stevens and Sons, 1958. 351 L. LINDBERG, The Political Dynamics of European Economic Integretion, London, Oxford University Press, 1963. 352 J. BARREA; idem.

130

2.4 L’école fédérale. Selon A. Etzioni, une communauté politique, est une communauté qui possède trois types d’intégration353 : • elle dispose d’un contrôle effectif sur le recours aux moyens de violence ; • elle dispose d’un centre de décision capable d’affecter de manière significative la

distribution des ressources et des bénéfices dans la communauté ; • elle constitue le principal foyer d’identification politique pour la grande majorité

des citoyens politiquement sensibilisés.

La stratégie fédérale met l’accent sur l’institutionnel, de part la création d’un gouvernement central disposant du pouvoir de la contrainte physique. En outre, le pouvoir central est compétent en matière de défense et de politique étrangère. A l’inverse des approches fonctionnaliste et néo-fonctionnaliste, le fédéralisme ne se constitue pas par une succession de transferts partiels ; la transition est brusque (révolution constitutionnelle). Cependant une étape de transition par la confédération est toutefois possible. Les agents moteurs de ce processus sont la présence d’un « grand homme », d’une élite politique et d’un « Etat-pilote ». Enfin, les menaces extérieures contre le territoire, l’économie et les valeurs peuvent accélérer ce processus.

Synthèse des quatre écoles354

Pluraliste

K. Deutch Fonctionnaliste

D. Mitrany Néo-

fonctionnaliste E. Haas

et L. Lindberg

Fédérale A. Etzioni

Facteurs favorables

- Mode de vie distinctif, espoir d’avantages économiques pour tous. - Mobilité sociale.

Inadaptation des structures étatiques à la gestion des intérêts socio-économiques communs ; principe de séparabilité.

Société moderne : industrielle, démocratique, pluraliste et idéologiquement neutre.

Pression d’un danger extérieur, menace contre la prospérité et les valeurs partagées.

Agents Etat-pilote. Allégeance populaire utilitaire

Coalition d’intérêts des élites socio-économiques.

- Grand Homme. - Elite politique. - Etat-pilote.

Freins Institutionnalisation trop poussée.

- Fragilité des coalitions socio-économiques. - Nationalisme et

Prestige des moyennes puissances.

353 A. ETZIONI, Political Unification, Holt-Rinehart, New-York, 1965. 354 C. PENTLAND, International Theory and European Integretion, London, Faber and Faber, 1973.

131

regain de puissance des Etats.

Processus Lent apprentissage social de la renonciation à la violence.

- Gradualisme : transferts successifs de compétences technico-socio-économiques à des organisations internationales créées au niveau approprié.

- Transfert d’allégeance utilitaire.

- Gradualisme : transferts successifs de souveraineté en matière socio-économique (engrenage et supranationalité). - Transfert d’allégeance utilitaire.

- Révolution institutionnelle. Ou - Etape transitoire de la confédération

Portée systémique

- Disposition généralisée de renonciation à la violence, « communauté de sécurité pluraliste ». - La paix malgré la pluralité des Etats.

- Enchevêtrement d’organisations intergouvernementales à compétence limitée. - La paix par la non-territorialité du pouvoir ou la disparition de l’Etat

- Création d’un Etat à un niveau supérieur. - La paix par le pouvoir politique partagé.

- Création d’un Etat à un niveau supérieur. - La paix par le pouvoir politique partagé.

3. Les attitudes des Etats face au processus d’intégration • Premièrement, le processus d’intégration peut être contrôlé ou favorisé par un Etat

extérieur au système qui s’intègre. Pour mener à bien ce processus, l’élite externe doit respecter la distribution des forces au sein du système qui s’intègre en apportant son soutient à l’élite interne. Un bon exemple est celui du soutien des Etats-Unis à l’unification européenne avec le Plan Marshall.

• Deuxièmement, l’Etat ou la région pilote définit par K. Deutsch comme suit :

« des unités politiques plus grandes, plus puissantes et politiquement, administrativement, économiquement et culturellement plus avancées,

132

constituaient les noyaux de puissance autour desquels le processus d’intégration se développait dans la plupart des cas355. »

• Troisièmement, pour définir l’attitude des moyennes puissances Etzioni avance la

notion de lieutenant : « Dans des unions plus large il y a souvent une unité qui joue le rôle de lieutenant : il ne s’agit pas d’une puissance de premier rang mais d’une puissance néanmoins plus forte que les unités plus petites356. » Concernant l’attitude de ces moyennes puissances Etzioni avance que l’Etat pilote préparerait la voie au leadership pour l’unité pilote. Cette dernière prendrait le relais lorsque le processus d’intégration serait certain de réussir. D’autres soutiennent que les puissances intermédiaires deviennent hostiles au processus d’intégration lorsqu’il passe sous le contrôle des puissances de premier rang357. Le constat est également fait que la direction de la nouvelle entité issue du processus d’intégration revient souvent aux moyennes puissances, dès que l’Etat-pilote n’occupe plus le leadership.

Enfin concernant les petits Etats, la théorisation est moins évidente. En effet nous pouvons citer autant d’exemple de petits Etats farouchement opposés au processus d’intégration, que d’Etat y collaborant pleinement. Cependant, comme le note Reinton : « lorsqu’une grande puissance prend l’initiative, les petites puissances suivent et plus petites elles sont, plus elles participent avec zèle au processus d’intégration358. »

355 K. DEUTSCH, Political Community and the North Atlantic area, Princeton University Press, Princeton, 1957. 356 A. ETZIONI, Political Unification, Holt-Rinehart, New-York, 1965. 357 J. BARREA, L’intégration politique externe, Notion globale et analyse sociologique, Nauwelaerts, Louvain, Paris, 1969. 358 P. REINTON, International Structures and International Integration, dans Journal of Peace Research, IV, 4, 1967.

133

Annexe 3 : Chronologie du rattachement du contingen t luxembourgeois à la1 Div Mec

9 octobre 1995 (Luxembourg) : Demandes officielles du Ministère de la Force Publique luxembourgeois aux Ministères de la Défense allemand, belge, espagnol et français. 18 décembre 1995 (Luxembourg) : Demandes officielles du Ministère des Affaires Etrangères aux Ministères des Affaires Etrangères allemand, belge, espagnol et français. 9 avril 1996 (Casteau) : Signature de l’accord particulier entre SACEUR et le Comd A. 7 mai 1996 (Birmingham) : Signatures des directives 1, 2, 3, 4 et 5 par les chefs d’Etats-majors allemand, belge, espagnol et français. 6 septembre 1996 (Senningen) : Déclaration commune Be/Lu par MM. Brody (Lu) et Poncelet (Be). 11 décembre 1996 (Marche-en-Famenne) : Protocole d’accord Be/Lu et signatures par les chef d’Etat-major Maes (Be) et Gretsch (Lu).

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Annexe 4 : Equipements des forces armées néerlandai ses et plan d’acquisition 359

A l’heure actuelle la marine néerlandaise dispose en terme d’équipement majeurs de : 1 frégate lance missile ; 2 frégates défense anti-aérienne ; 4 frégates standard ; 8 frégates multi-rôles ; 2 navires de ravitaillement ; 1 navire de transport de amphibie ; 4 sous-marins diesel ; 15 chasseurs de mines ; 1 bateau océanographique ; 1 bateau hydrographique ; 13 avions de patrouille en mer Orion ; 21 hélicoptères ; Pour la Force terrestre, les équipements majeurs sont à l’heure actuelle : 180 tanks de combat ; 1400 véhicules blindés chenillés ; 70 véhicules blindés à roues pour les opérations de paix ; 180 véhicules aéroportables ; 125 mortiers de 120 mm ; 22 MLRS ; 126 obusiers M 109 ; 4 avions de renseignement et de reconnaissance ; 60 blindés chenillés de défense anti-aérienne ; 30 systèmes de défense anti-aérienne guidés par radar ; Pour la Force aérienne, les équipements majeurs sont à l’heure actuelle :

138 avions de combat F-16 ; 23 hélicoptères de combat Apache ; 13 hélicoptères de transport lourds Chinhook ; 15 hélicoptères de transport moyens Cougar ; 15 hélicoptères d’observation Bo-105 ; 3 hélicoptères de sauvetage AB-412 ; 2 avions réservoir KDC-10 ; 2 avions de transport Hercules ; 4 avions de transport Fokker 60 ; 2 avions de transport de passagers Fokker 50 ;

359 Tel que définit dans la « défentie nota 2000 ».