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SAV ou SAP ? Le sifflet de votre cocotte-minute fraîche- ment achetée ne fonctionne pas ? Vous courez vite chez le vendeur qui vous remplace – ou pas – la pièce fautive d’un air las. On appelle cela le Service Après-Vente. SAV. Auteur novice ou chevronné, il vous arrive parfois d’assurer un autre type de service qui se pourrait nommer Service Après-Publication. SAP. D’aucuns qualifient cette action de Promotion. Je n’aime guère ce mot qui sent trop son militaire, sa pub-tam-tam ou son business. Disons-le tout net, le Service Après-Publication connaît des fortunes diverses, parfois contra- dictoires. Il en existe même de navrantes : vous voilà par exemple chez quelque marchand de livres à succursales multiples, assis derrière une table branlante, sur quoi repose un verre d’eau minérale et quelques exemplaires de votre dernier-né. Il arrive qu’un chaland passe devant votre table et feuillette distraitement votre ouvrage jetant un coup d’œil rapide à la qua- trième de couverture. Vous préparez votre stylo pour une dédicace dont vous croyez avoir le secret. Mais non. Le chaland vient juste de reposer l’objet sans le moindre regard pour vous. Vous êtes transparent. Vaguement appa- renté à un vendeur de poisson pas frais. L’humiliation vous ronge malgré le sourire que vous arborez quand même et qui laisse à pen- ser que vous êtes, depuis longtemps, au-dessus de ça. Il se peut que dans le pire des cas vous vous éclipsiez en douceur, comme un voleur de pomme, sans même avoir touché à l’eau minérale dont les bulles finissent de pétiller tristement dans le gobelet en plastique. Mais il arrive aussi que ce fameux SAP se déroule dans des conditions propres à vous assurer que vous êtes attendu. On vous a choisi. Vos hôtes ont tout prévu. Ils ont lu votre ouvrage. Le libraire de l’endroit a encouragé ses lecteurs à faire de même. Les échanges sont inattendus, au-delà de vos espérances. Vous vous sentez en terrain connu, amical, voire chaleureux et vous soupçonnez Dante d’avoir écrit pour vous seul le Chant Premier du Paradis. Vous partirez à reculons, promettant de revenir avec le prochain enfant. Celui qu’il ne vous reste plus qu’à écrire. Jean-Pierre Spilmont n°256 - novembre 2010 le mensuel du livre en Rhône-Alpes en +++++++++ 1 ère session d’automne pour le Marché de la poésie, du 19 au 21 novembre, à l’espace des Blancs-Manteaux (Paris 4 e arr.). Une véri- table rentrée littéraire automne-hiver pour la poésie et le livre de création proposée par l’équipe du Marché de la poésie, plus habituée des soirées estivales sur la place Saint-Sulpice. Parmi les éditeurs de la région, on retrouvera Créaphis, Faire Part, URDLA, Voix d’encre. http://poesie.evous.fr > www.arald.org les écrivains à leur place Cluedo avec des mots Le numérique à sa juste place… L’expérience du site Cluemo, ima- giné par le Centre multimédia Érasme (Département du Rhône), en collaboration avec l’écrivain Sébastien Joanniez, raconte l’his- toire d’une aventure littéraire sur Internet, qui a duré de 2004 à 2009. Une aventure faite d’innovation, d’écriture, de partage, entre l’écrivain et les élèves des écoles et collèges du Rhône, dans le cadre d’une rési- dence sur l’espace numérique de travail : laclasse. com. En parcourant Cluemo – Récit-dictionnaire d’une aventure littéraire sur Internet, qui vient de paraître chez Color Gang, on peut retracer les étapes d’« une sorte de grand jeu de société à écrire. Comme le Cluedo, mais avec des mots, sans un mort. » Une manière nouvelle, drôle et littéraire, de dépasser les frontières. L. B. !!!!!!!!!!!! Exposition(s) à Saint-Priest Parmi les quatre expositions à décou- vrir au Château de Saint-Priest, à l’occa- sion du Salon de la petite édition et de la jeune illustration (5-7 novembre), « Déplacer les petites montagnes », une exposition du jeune illustrateur Renaud Perrin, se tient tout le mois de novembre à la médiathèque François Mitterrand. www.petiteedition-jeuneillustration.com Guide de l’éditeur Publié par le Centre national du livre (CNL) et la Fédération interrégionale du livre et de la lecture (FILL), le Guide de l’édi- teur est un outil qui permet aux éditeurs de faire le point sur les mutations de la chaîne du livre et de connaître les dispositifs d’aide qui leur sont proposés. Nouveaux enjeux de l’édition, chiffres-clés du livre en France, cadre juridique, catalogue des aides à l’entreprise, à la publica- tion, à la promotion et à la diffu- sion, ce Guide de l’éditeur est également disponible sur les sites Internet du CNL et de la FILL. www.centrenationaldulivre.fr www.fill.fr parution Voyageur(s) au-dessus de la mer de nuages, une variation sur le tableau de Caspar David Friedrich par Lionel Le Néouanic, dans son dernier album, Le Plus Beau des cadeaux (Éditions des Grandes Personnes). Un voyage au pays des arts (lire p.7). édition/p.3 Un monument chez Jérôme Millon Parution aux Éditions Jérôme Millon du Dictionnaire des sentences latines et grecques, de Renzo Tosi. 1 800 pages de références… zoom/p.6 Color Gang à lui tout seul Yves Olry cultive l’édition de théâtre comme la fidélité à ses auteurs. Rencontres sur les hauteurs de Givors avec un éditeur singulier. livres & lectures/ p.8-9 Poésie tous azimuts Jean-Pierre Faye, Jean-Luc Steinmetz, Joan Brossa, mais aussi Anne Brouan et bien d’autres parutions, revues, etc. Un vent de poésie souffle sur novembre. © René Ioana © Lionel Le Néouanic / Éditions des Grandes Personnes

Livre et Lire numéro 256 - Novembre 2010

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Le mensuel du livre en Rhône-Alpes.

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Page 1: Livre et Lire numéro 256 - Novembre 2010

SAV ou SAP ?Le sifflet de votre cocotte-minute fraîche-ment achetée ne fonctionne pas ? Vouscourez vite chez le vendeur qui vousremplace – ou pas – la pièce fautived’un air las. On appelle cela le ServiceAprès-Vente. SAV.Auteur novice ou chevronné, il vousarrive parfois d’assurer un autre typede service qui se pourrait nommerService Après-Publication. SAP.D’aucuns qualifient cette action dePromotion. Je n’aime guère ce mot qui

sent trop son militaire, sa pub-tam-tam ouson business.Disons-le tout net, le Service Après-Publicationconnaît des fortunes diverses, parfois contra-dictoires. Il en existe même de navrantes : vousvoilà par exemple chez quelque marchand delivres à succursales multiples, assis derrière unetable branlante, sur quoi repose un verre d’eauminérale et quelques exemplaires de votredernier-né. Il arrive qu’un chaland passe devantvotre table et feuillette distraitement votreouvrage jetant un coup d’œil rapide à la qua-trième de couverture. Vous préparez votre stylopour une dédicace dont vous croyez avoir lesecret. Mais non. Le chaland vient juste dereposer l’objet sans le moindre regard pourvous. Vous êtes transparent. Vaguement appa-renté à un vendeur de poisson pas frais.L’humiliation vous ronge malgré le sourire quevous arborez quand même et qui laisse à pen-ser que vous êtes, depuis longtemps, au-dessusde ça. Il se peut que dans le pire des cas vousvous éclipsiez en douceur, comme un voleurde pomme, sans même avoir touché à l’eauminérale dont les bulles finissent de pétillertristement dans le gobelet en plastique.Mais il arrive aussi que ce fameux SAP sedéroule dans des conditions propres à vousassurer que vous êtes attendu. On vous a choisi.Vos hôtes ont tout prévu. Ils ont lu votre ouvrage.Le libraire de l’endroit a encouragé ses lecteursà faire de même. Les échanges sont inattendus,au-delà de vos espérances. Vous vous sentezen terrain connu, amical, voire chaleureuxet vous soupçonnez Dante d’avoir écrit pourvous seul le Chant Premier du Paradis. Vouspartirez à reculons, promettant de reveniravec le prochain enfant. Celui qu’il ne vousreste plus qu’à écrire. Jean-Pierre Spilmont

n°256 - novembre 2010le mensuel du livre en Rhône-Alpes

en + + + + + + + + +1ère session d’automne pour le Marché dela poésie, du 19 au 21 novembre, à l’espacedes Blancs-Manteaux (Paris 4e arr.). Une véri-table rentrée littéraire automne-hiver pourla poésie et le livre de création proposéepar l’équipe du Marché de la poésie,plus habituée des soirées estivales sur la place Saint-Sulpice. Parmi les éditeurs dela région, on retrouvera Créaphis, Faire Part,URDLA, Voix d’encre. http://poesie.evous.fr

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des motsLe numérique à sa juste place…L’expérience du site Cluemo, ima-giné par le Centre multimédiaÉrasme (Département du Rhône),en collaboration avec l’écrivainSébastien Joanniez, raconte l’his-toire d’une aventure littéraire surInternet, qui a duré de 2004 à 2009.Une aventure faite d’innovation,d’écriture, de partage, entre l’écrivainet les élèves des écoles et collègesdu Rhône, dans le cadre d’une rési-dence sur l’espace numérique detravail : laclasse. com. En parcourantCluemo – Récit-dictionnaire d’uneaventure littéraire sur Internet, quivient de paraître chez Color Gang,on peut retracer les étapes d’« unesorte de grand jeu de société àécrire. Comme le Cluedo, mais avecdes mots, sans un mort.  » Unemanière nouvelle, drôle et littéraire,de dépasser les frontières. L. B.

! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !Exposition(s) à Saint-PriestParmi les quatreexpositions à décou-

vrir au Château de Saint-Priest, à l’occa-sion du Salon de la petite édition et dela jeune illustration (5-7 novembre),« Déplacer les petites montagnes », uneexposition du jeune illustrateur RenaudPerrin, se tient tout le mois de novembreà la médiathèque François Mitterrand.www.petiteedition-jeuneillustration.com

Guide de l’éditeur Publié par le Centre nationaldu livre (CNL) et la Fédérationinterrégionale du livre et de

la lecture (FILL), le Guide de l’édi-teur est un outil qui permet auxéditeurs de faire le point sur lesmutations de la chaîne du livreet de connaître les dispositifsd’aide qui leur sont proposés.

Nouveaux enjeux de l’édition,chiffres-clés du livre en France,cadre juridique, catalogue desaides à l’entreprise, à la publica-tion, à la promotion et à la diffu-sion, ce Guide de l’éditeur estégalement disponible sur les sitesInternet du CNL et de la FILL.

www.centrenationaldulivre.frwww.fill.fr

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Voyageur(s) au-dessus de la mer de nuages, une variation sur le tableau de CasparDavid Friedrich par Lionel Le Néouanic, dans son dernier album, Le Plus Beau descadeaux (Éditions des Grandes Personnes). Un voyage au pays des arts (lire p.7).

édition/p.3Un monument chez Jérôme MillonParution aux Éditions JérômeMillon du Dictionnaire dessentences latines et grecques,de Renzo Tosi. 1 800 pagesde références…

zoom/p.6Color Gang à lui tout seulYves Olry cultive l’édition de théâtre comme la fidélité à ses auteurs. Rencontres sur les hauteurs de Givors avec un éditeur singulier.

livres & lectures/p.8-9Poésie tous azimutsJean-Pierre Faye, Jean-LucSteinmetz, Joan Brossa, mais aussi Anne Brouan et bien d’autresparutions, revues, etc. Un vent de poésie souffle sur novembre.

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Saint-Étienne, Saint-Paul-Trois-Châteaux,Vénissieux, Grigny : pourquoi des résidences ?

Résidencesd’auteurs,enjeux plurielsLes résidences d’écrivains se multiplient etinventent de nouvelles formes. De plus en plusconstruites, témoignant d’enjeux très divers,elles sont aussi de mieux en mieux penséespar les lieux d’accueil. Petit parcours enRhône-Alpes, avec quatre structures hôtes.

Saint-Étienne, ville-résidence

Saint-Étienne inaugure sa nouvelle résidenced’auteur avec Noëlle Revaz, romancière suisse.Selon Dominique Rochette, chargée de missionthéâtre et lecture au service culturel et à l’ini-tiative de ce dispositif, il s’agit avant tout d’uneaide à la création : « La Ville aidait déjà le théâtreou la musique, mais pas encore l’écrit ; la Fêtedu livre aidant plus directement les librairies queles auteurs ». On est bien là dans un objectifde complémentarité entre l’action de fond etl’événementiel. Mais la Ville souhaite égalementrendre visible le processus de création et « res-tituer la dimension d’humain contemporain del’auteur ». Pendant deux mois, (octobre puisfévrier), Noëlle Revaz partagera son temps entrel’écriture d’un roman et un programme de ren-contres, de lectures et d’ateliers. Financée parla Ville, la DRAC Rhône-Alpes et la Région, cettedémarche s’inscrit dans le temps, avec pourSaint-Étienne, l’objectif de devenir une ville derésidence d’auteurs repérée et reconnue.

de l’auteur. Une expérience sou-tenue au titre de la politique dela ville par l’État, la Région et laVille, ainsi que par la DRACRhône-Alpes.

Six auteurs à Saint-Paul-Trois-Châteaux

L’association du Sou des écoles laïques de Saint-Paul-Trois-Châteaux est, quant à elle, déjà bien rodéedans cet exercice. La résidence, financée par laRégion, la DRAC et la Ville, est un écho à la Fêtedu livre jeunesse. Pour cette sixième année, c’est lacollection « Ceux qui ont dit non » d’Actes SudJunior qui est accueillie. Une résidence collectivedonc, chose rare. Six auteurs se succèderont entremars et mai, autour de la question « Et vous, à quoidites-vous non ? ». Un thème engagé pour undouble enjeu : faire tomber les cloisons entre jeu-nesse et adulte, reconquérir le public collégien, quela Fête du livre a du mal à toucher. Chaque auteurrencontrera trois classes, point de départ ou abou-tissement d’un travail autour des résistances.

Polar à Grigny

À Grigny aussi, la résidence est une tradition.Septième résident, Alexandre Dumal est auteurde romans policiers. La Ville accueillait initialementdes auteurs étrangers francophones, pour promou-voir la langue française. Si on sort ici un peu ducadre, l’objectif reste le même : rendre la littératurefamilière, pour une appropriation de la langue, dela lecture. En choisissant un genre très populaire, laVille entend élargir le public concerné. Là encore,ateliers et rencontres sont au programme, de sep-tembre à décembre. En dehors de ces temps publics,l’auteur est « libre ». La directrice de la médiathèqueinsiste : « nous ne nous immisçons pas dans sontravail d’écriture et nous n’exigeons aucun résultat ».Une résidence cofinancée par le CNL, la DRACRhône-Alpes et la Ville. Marion Blangenois

résidencesQuébec/Rhône-Alpes2010, c’est parti !Le Lyonnais Alain Lacroix est partidébut octobre pour trois mois derésidence à Montréal. Il est l’auteur

de Constellations (Quidam Éditeur), unpremier roman mosaïque, qui racontel’Europe d’aujourd’hui. Début 2011, laQuébécoise Sylvie Massicotte, auteurde récits et de nouvelles, pour lesadultes et la jeunesse, sera dans larégion. Cette résidence croisée s’ins-crit dans un partenariat entre l’UNEQ(Union des écrivaines et écrivains qué-bécois) et l’ARALD, avec le soutien duConseil des arts et des lettres du Québecet de la Région Rhône-Alpes.

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Murielle Szac, auteur, dirigela collection « Ceux qui ontdit non » chez Actes SudJunior. Invitée à Saint-Paul-Trois-Châteaux, ellepropose une résidence,articulée autour de six

auteurs de la collection.

Cette résidence permet de don-ner une visibilité à la collection.Mais y a-t-il un autre enjeu pourvous, en tant que directrice ?Oui. Dans le monde dans lequelnous vivons, c’est presque tou-jours l’individualisme qui l’em-porte. Les auteurs de la collectionfonctionnent sur un mode collec-tif. Chacun porte ses person-nages, ses livres, mais aussi la

collection. En 2009, nous avonsd’ailleurs reçu le Prix du livre desDroits de l’Homme, attribué pourla première fois à un groupe d’au-teurs. Nous nous rassemblonsautour de valeurs de résistance,de transmission aussi. Dans lecadre de la résidence, qui a pourthème « Et vous, à quoi dites-vousnon ? », notre projet est de faire

dire « non » à Saint-Paul-Trois-Châteaux, de la maternelle àla maison de retraite.

Et quel est l’enjeu de cetterésidence en tant qu’auteur ?Tout d’abord, comme les cinqautres résidents, je vais écrire unenouvelle sur le thème « Non àl’individualisme ». Les six textesconstitueront un recueil quidevrait être édité comme unhors-série de notre collection. J’aiaussi un manuscrit à finir, Non àl’erreur judiciaire, autour de Zola.

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Retrouvez le détail de chaque résidence sur Internet + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + +www.saint-etienne.fr + www.slj26.com et www.ceuxquiontditnon.fr + http://espacepandora.free.fr + www.mairie-grigny69.fr

Vénissieux en image, par Fabienne Swiatly, actuellement en résidence dans la ville.

Les six auteurs invitésGérard Dhôtel, Bruno Doucey, Nimrod,Maria Poblete, Elsa Solal, Murielle Szac

Vénissieux : créer du lien

À l’Espace Pandora de Vénissieux, c’est une premièreégalement. Fabienne Swiatly est arrivée fin sep-tembre pour une résidence longue (6 mois) maisdiscontinue (une semaine par mois, sans héberge-ment sur place). Fabienne Swiatly, qui vit à Lyon,revient sur cet agencement : « Avec cette disconti-nuité, l’enjeu est surtout d’arriver à construire desespaces-temps pour être en ville en dehors des ate-liers. Je me sers de la photographie : j’arpenteVénissieux avec mon appareil. ». L’auteur animerad’ailleurs plusieurs ateliers autour du thème dudéplacement. Pour l’Espace Pandora, c’est « l’occa-sion de donner une cohérence nouvelle aux anima-tions proposées habituellement », et de créer un lienentre des publics et la structure, grâce à la présence

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manières de se conduire et de ne pas trop souf-frir, des façons de se frayer un chemin dans la vieet ailleurs, de la lire en douceur et d’en tirer dedures leçons d’être, et parfois l’inverse.Au vrai, et plus encore, voici un moment de poésiesans pareil, succession de phrases qui ont labeauté des morceaux de bravoure, tapis de motsprécieux qui nous revient d’une histoire trèslointaine : là-bas, juste derrière chez nous.Disons-le autrement, on boit plus volontiers l’eauque l’on prend directement à la source (Gratiusex ipso fonte bibuntur aquae). Les 2 286 proverbes,apophtegmes, maximes et autres énoncés gno-miques, on ne distinguera pas ici, sont un réper-toire-réservoir formidable qui nous conduit là oùnotre civilisation prend sa source, dans ce que leslatins et les grecs nous ont transmis de plus pré-cieux : le sens des mots, l’ordre du discours quise confond souvent avec l’or de la langue.Le découpage même du dictionnaire relève del’art : art de vivre, art de voir la vie. Vingt chapitres,qui vont de l’infiniment petit, souvent mesquin,à l’exagérément grand, parfois grandiose. Il fautdire que les auteurs ont de la hauteur : Horace,Aristote, Pline l’ancien et le jeune, Platon, Plauteet j’en passe. Multa et multum…L’on a que trop tendance à l’oublier, en cette périodede culture maigre et d’enseignement de chagrin :les langues mortes sont vivantes et bien vivantes.Les sentences évoluent comme les mots, changentparfois de sens, circulent à contresens, etc. Chacunedes notices de ce dictionnaire est un dictionnaire àlui tout seul, qui nous fait remonter et descendre lecours des maximes avec leur histoire, leurs trans-formations et évolutions, fussent-elles teintées àla mode lutin bleu de Peyo : « Schtroumpf sana incorpore schtroumpfo » !Ainsi ce dictionnaire nous plonge-t-il finalementau cœur de la parole, sa mécanique invisiblepresque, frottement subtil d’un vêtement sur uncorps : usage et usure. D’où l’on vient devient sou-dain où l’on se trouve. Ce livre enchante décidé-ment ; il ravive la mémoire tandis qu’il augmentela connaissance.On songe aux derniers mots de Barthes dans saleçon au Collège de France, lorsqu’il évoque laSapientia, ce mélange de savoir, de sagesse et desaveur que l’on retrouve à chaque coin de pagede ce dictionnaire. Ne reste plus qu’à imiter lesabeilles (Apes debemus imitari) : voleter encore,pilloter toujours. Roger-Yves Roche

Renzo TosiDictionnaire des sentenceslatines et grecquesTraduit de l’italien par Rebecca LenoirAvec une préface d’Umberto EcoÉditions Jérôme Millon1 789 p., 29 €ISBN 978-2-84137-241-6

« Le » dictionnaire des sentences latines etgrecques. Pas encore une référence, déjà unebible. Pour les amateurs de proverbes etautres maximes qui font notre histoire etnotre mémoire. Et pour tous les autres !

Dura lex sed lex ; Coitus interruptus ; Talis pater,talis filius ; Festina lente ; In medio stat virtus ;Poeta nascitur, orator fit ; Qui pro quo ; Tu quoque,Brute, fili mi ?…Un dictionnaire des sentences comme celui-ciet que vous tiendrez bientôt obligatoiremententre vos mains n’est bien sûr pas un dictionnairede mots simples, quoique ; pas d’idées reçuesnon plus, encore que ; des règles peut-être, des

événement

Marie-Claude Carrara et Jérôme Millon, éditeurs « du Tosi »Un dictionnaire n’est pas un livre comme les autres.Pour quelles raisons avez-vous décidé d’éditer ceDictionnaire des sentences latines et grecques ?Nous avons une collection d’ouvrages consacrés àl’antiquité gréco-latine et sommes également sen-sibles à la littérature classique. Ce dictionnaire trouvaitdonc naturellement sa place dans notre catalogue. Ilpeut se lire à tous les niveaux. Si l’érudition y est trèsprésente, le sourire vient vite aux lèvres pour certainessentences où les développements peuvent être trucu-lents : l’auteur est un passionné de la langue et deslangues et ce dictionnaire se butine avec délectation.Cela nous convient parfaitement.

On imagine que la traduction ne s’est pas faitesans problème. Quels furent les principaux écueils ?Les deux principaux problèmes venaient de la trèsgrande érudition mise en œuvre dans les noticesdes sentences et du volume même à traduire, prèsde 1 800 pages, et de la présence de très nombreuxnoms propres cités, difficulté orthographique prin-cipalement pour les auteurs donnés dans leurdénomination latine. Un dictionnaire est une réfé-rence et il doit être le plus parfait possible. Il a éténécessaire de vérifier tous les développements etcela a été un travail considérable.

Son auteur italien, Renzo Tosi, a-t-il participé àl’édition française ? De quelle manière ?Si l’édition italienne a été réimprimée 16 fois depuissa parution en 1991, elle n’a jamais été modifiée.Depuis 20 ans, Renzo Tosi a continué à collecter dessentences et à enrichir l’édition italienne (notre édi-tion compte quelque 300 sentences de plus et lescommentaires ont souvent été considérablementaugmentés). L’auteur a aussi ajouté des sentencesfrançaises (même s’il y en avait dans la version

italienne, puisqu’il collecte aussi les versions euro-péennes des sentences, proverbes).

Éditer un tel livre en ce début de millénaire,n’est-ce pas d’abord et avant tout un geste politique,un acte de résistance ?Le mot « politique » est bien choisi. Au sens fort d’unengagement pour lutter contre l’abêtissement géné-ralisé où même La Princesse de Clèves ne trouve plussa place. Lire ou seulement feuilleter ce Dictionnairemontre combien nos racines se nourrissent de laculture méditerranéenne. À l’heure où l’incitation àsurfer sur tout et n’importe quoi nous est enjointetous les jours, voilà un vrai bateau qui, grâce à saquille lourdement chargée de sens, permet de gar-der un cap fixé il y a longtemps. Nous avons choisid’en donner une version « poche » avec un groseffort sur le prix ; notre souhait est qu’il deviennepopulaire : en Italie, on dit « Le Tosi », c’est ce quenous souhaitons pour cette édition.

Votre sentence préférée ?Le choix est très difficile : il y en a tant, dans tousles domaines, privés et publics… mais celle-ci noussemble d’actualité : Fures privatorum in nervo atquein compedibus aetatem agunt, fures publici in auroatque in purpura. Ceux qui volent les simples par-ticuliers passent leur vie dans les carcans et les fers ;ceux qui volent les deniers publics vivent dans l’oret la pourpre. Ou bien encore : Stultorum infinitusest numerus. Le nombre des imbéciles est infini.

Propos recueillis par R.-Y. R.

Parution aux Éditions Jérôme Millon d’un dictionnaire des sentences latines et grecques

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actualités /manifestations

(mais l’accès à l’événement resteentièrement gratuit), et concerne aussiun large territoire autour de la ville :conteurs dans les écoles des com-munes voisines, rencontres avec lesauteurs dans les lycées ou les hôpitaux,expositions, lectures, tables rondes, letout ponctué par quelques temps forts.On retiendra notamment la lecture parle comédien Rufus d’extraits de sonouvrage, Absent toujours, ou encorela venue de l’équipe des Papous dansla tête pour une émission de FranceCulture enregistrée en public. « Nousallons là où la culture n’est pas facili-tée, dans des zones urbaines sensiblesou dans des zones rurales », expliqueMartine Gandois-Djouad, « là où il y aune vraie attente du public, et où noustentons humblement d’apporter notrecontribution ». M. B.

Roman(s) à Romans15-21 novembrehttp://romansaromans.blogspot.com

L’association Roman(s) à Romansporte joyeusement le festivaldu même nom depuis dix ans.Imaginée par une bande de pas-sionnés pour emmener le livre etla culture là où ils n’étaient pas, lamanifestation a pris peu à peu del’ampleur, mais a su conserver sonesprit généreux. Rétrospective.

Roman(s) à Romans ouvrira ses portesdu 15 au 21 novembre. Comme l’anpassé, près de 5 000 visiteurs devraientvenir à la rencontre des 70 auteursprésents. Parmi eux, entre autres,Pierre Autin-Grenier, Éric Boisset,Christian Epanya, André Bucher,Jean-Pierre Blanpain… Cette édi-tion anniversaire rassemble beau-coup d’écrivains qui sont déjà venus.Année après année, le principe de cefestival s’est affirmé : inviter d’unepart des personnalités connues dugrand public, auteurs-comédiens parexemple, qui constituent des repères,mettent en confiance et donnentenvie de se déplacer, et, d’autre part,des auteurs plus confidentiels.« Pour beaucoup de gens, le livrefait encore un peu peur », expliqueMartine Gandois-Djouad, coordina-trice de l’événement, « proposer uneprogrammation populaire de qualité,c’est ouvrir le festival à tous ».Et c’est bien là le cœur du travailmené. La première année, le festivala rassemblé 300 personnes, autour de5 auteurs, sous un chapiteau installéà Romans. Dix ans plus tard, le pro-gramme s’est nettement étoffé

Place aux livresLyon (69)Du 5 au 7 novembrePour la 8e fois, le salon national

de l’édition indépendante s’installe sous un vaste chapiteau, pendant trois jours,avec comme thème « Ici et ailleurs »www.salonlivrelyon.com

Salon de la petite édition et de la jeune illustrationSaint-Priest (69)Du 5 au 7 novembreToujours surprenant, ce salon rassembleauteurs et illustrateurs jeunesse du monde entier et fait cette année la part belle au cinéma d’animation.www.petiteedition-jeuneillustration.com

Festival de la Bulle d’OrBrignais (69)Du 12 au 14 novembreUn rendez-vous attendu par les jeunes etles moins jeunes, placé cette année sousle signe de l’évasion et de l’aventure.www.brignais.com/festivalbd

Journées Lettres frontièreAnnemasse (74)12 & 13 novembreLettres frontière met en lumière lesrichesses croisées de la Suisse romandeet de Rhône-Alpes en littérature. Pour la 10e édition, dix auteurs et dix livrespour explorer « l’usage des mots ».www.lettresfrontiere.net

Fête du livre jeunesse de MontbrisonMontbrison (42)Du 16 au 20 novembreAutour d’une quinzaine d’auteurs etd’illustrateurs, un programme derencontres, de lectures et de spectacles, à découvrir en famille.http://fete-du-livre-jeunesse-montbrison.pagesperso-orange.fr

Écrivains en GrésivaudanVillard-Bonnot (38)Du 17 au 20 novembreDepuis 10 ans, écrivains en Grésivaudanfait place à une littérature vivante.

Pour cette édition anniversaire, 22 écrivains reviennent explorer en duo ou en trio le thème « Traces ».www.ecrivains-en-gresivaudan.fr

Salon du livre de régionalisme alpinGrenoble (38)Du 19 au 21 novembreUne 19e édition consacrée à la cuisine des Alpes.www.librairie-des-alpes-grenoble.com

EsperluetteCluses (73)20 & 21 novembreLe salon invite des auteurs de romans et de BD, adulte et jeunesse, pour une édition spéciale « Histoire ».www.esperluette-cluses.fr

Sang d’encreVienne (38)20 & 21 novembreAuteurs, rencontres, prix, tables rondes,les journées de la littérature policièrefont trembler Vienne pendant 48h.www.sangdencre.org

Automnale du livreSury-le-Comtal (42)20 & 21 novembreAnimations, expositions et présence de plus de 50 auteurs autour du thème « peuple du monde ».Tél. 04 77 50 52 67

Les Journées de Lyon des Auteurs de théâtreLyon (69)du 25 au 27 novembreAboutissement d’un concours d’écriturethéâtrale, ces journées sont un véritablelaboratoire de lecture(s).www.auteursdetheatre.org

Livres en marchesLes Marches (73)27 & 28 novembreUn salon dédié à l’amour des livres et à la promotion des talents savoyardsavec pour devise : « Savoie, Nature et Montagne à l’honneur ».www.livresenmarches.com

Le Conseil régional Rhône-Alpes avoté lors de sa dernière assembléeplénière (juillet 2010), l’exonérationde cotisation sur la valeur ajoutéedes entreprises (CVAE) pour leslibrairies ayant obtenu le label LIRdu ministère de la Culture et de laCommunication en 2009 et 2010.Cinquante librairies sont aujourd’huilabellisées en Rhône-Alpes etpourront bénéficier de cette mesure

applicable au 1er janvier 2011.Pour rappel, la CVAE est l’une descomposantes, avec la CFE (cotisationfoncière des entreprises), de la CET(contribution économique territo-riale). Cette dernière remplace la taxeprofessionnelle (Loi de finances pour2010 – article 1447 du Code généraldes impôts). La CVAE est perçue parles communes ou les structures inter-communales (à hauteur de 26,5 %),

Une manifestation littéraire ouverte à tous les publics

Roman(s) à Romans : 10 ans

/ librairiepar les départements (48,5 %) et parles régions (25 %) ; la CFE est quantà elle perçue par les communes.Les librairies labellisées peuvent doncêtre exonérées de ces contributions,dès lors que les collectivités qui lesperçoivent délibèrent en ce sens.C’est chose faite pour la Région.Cette nouvelle mesure vient com-pléter l’ensemble des aides enfaveur du réseau de la librairie indé-pendante en région Rhône-Alpes :avantages carte M’RA, soutien aux

programmes d’animations, aux pro-jets de reprise, création, rénovationdes librairies, aides à la constitutiond’un fonds à rotation lente, pôlede conseil et expertise, aides écono-miques. Élisabeth Mandallaz

Arald :[email protected] Librairesen Rhône-Alpes : [email protected] régional Rhône-Alpes :[email protected] [email protected]

Label Lir et exonération de Contributionéconomique territoriale par la Région

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Une nouvelle pluie de manifestationsen novembre…

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se tisse patiemment et permet dedécouvrir l’univers de ces deux créa-trices. Avec chaque invité, on inventedes animations, en fonction desenvies et des compétences : ren-contres, ateliers, lectures sous lesformes les plus diverses.Car l’équipe de Livres à vous y tient :il s’agit de faire entendre ce que sontréellement ces auteurs, de mettrel’accent sur leurs pratiques spéci-fiques, y compris celles qui dépassentle cadre strict de l’écrit. Ainsi, plu-sieurs lectures-performances seront

Voiron : mobilisation générale pourle livre et la littérature

Livres à vousLivres à vous place son festivalsous le signe de la rencontre avecles auteurs. La rencontre vraie,profonde, celle qui demande dutemps. Pour la deuxième annéeconsécutive, l’équipe du serviceculturel de la Ville de Voironinvite un auteur adulte et unauteur jeunesse, et pendant unan travaille avec eux à construirele programme de cette manifes-tation originale.

Ce sont Valentine Goby, romancière,et Béatrice Alemagna, illustratrice,qui invitent cette année 24 auteurset illustrateurs, en écho avec leurpropre travail. Il y a ceux qu’ellesadmirent, ceux qui les influencent,ceux qu’elles viennent de découvrirou ceux avec qui elles collaborentdéjà… Bref, c’est tout un réseau qui

données durant la manifestation.Mais Livres à vous est aussi affaire deterritoire. Ancré à Voiron, le festivalrayonne sur pas moins de 26 com-munes voisines. Ici, pas d’effet d’an-nonce, cette volonté de décentrementne se satisfait pas d’un simple saupou-drage. Un mois avant l’événement, desateliers, des lectures-découvertes etdes expositions démarrent un peupartout, et pendant le festival, cer-taines rencontres importantes ontlieu dans de toutes petites villes. Onse déplace de lecture en débat en

empruntant des bus…Par ailleurs, dans chacunede ces communes, lesbibliothèques ou les écolesservent de relais, manièrede valoriser l’existence deces équipements auprèsdu public et d’amenerun peu partout une lit-térature vivante. L’Unioneuropéenne ne s’y estd’ailleurs pas trompée, ens’associant aux finance-

ments de la Région Rhône-Alpes, dela Direction régionale des affairesculturelles, du Conseil général del’Isère et de la Ville de Voiron, maisaussi de la CAF et de la SNCF, par lebiais du programme « Leader », quiaide les actions de développementen milieu rural. Marion Blangenois

Livres à vous5-7 novembreVoiron et le Voironnaiswww.livresavous.fr

actualités /manifestations

Un comptoird’éditionAprès plus de cinq ans, K éditionsn’existe plus. Sa responsable édito-riale, Catherine Flament, lance unenouvelle maison baptisée Un comp-toir d’édition et publie un premierouvrage sur le Royans, golfe duVercors. Élaboré par l’éditeur sur unmode participatif avec les élus, leshabitants et les acteurs du territoire,ce projet s’organise autour de don-nées très techniques liées à la géo-logie, au tourisme et aux enjeux dudéveloppement. Mais il croise éga-lement des préoccupations pluscréatives. Le texte se développe sousforme de récit, mis en valeur par ungraphisme soigné signé FanetteMellier et des illustrations travailléespar Fabian da Costa, photographe,et Emmanuelle Bournay, carto-graphe. Enfin, trois amorces depoèmes habillent la jaquette de cesurprenant objet éditorial que laBibliothèque nationale de Francea déjà acquis dans sa collection delivres rares.

Superparc Supernaturel est ledeuxième titre de la maison d’édi-tion, qui paraît à l’occasion des 40ans du parc du Vercors. Cette fictionfait suite à la résidence de Jean-Pierre Ostende dans cette région, aucontact de nombreux agriculteurs.Émilie Pellissier

CollectifRoyans Vercors : Le Soleil du matindoucement chauffe et dore […]Un comptoir d’édition64 p., 14 €, ISBN 978-2-919163-00-7

Jean-Pierre OstendeSuperparc SupernaturelUn comptoir d’édition64 p., 14 €, ISBN 978-2-919163-01-4

Librairied’éditeursDepuis cet été, trois maisons d’édi-tion se sont installées ensemble au34 de l’avenue des Bernardines àChambéry pour y établir leur bureaucommun ainsi qu’un espace bou-tique, inauguré début octobre.Si les Éditions ActuSF, qui publientdepuis 2005 de la science-fiction etdu fantastique feront moins souventle grand écart entre Lyon et Paris,Altal, maison qui publie des romans,mais aussi des livres de cuisine, aquant à elle définitivement quittéle village de Francin où elle avait vule jour en 2006. Pour Chrysopée, lapetite dernière, créée par CélinePetit, les activités vont débuter àcette adresse avec la parution finnovembre d’un guide des restau-rants de Chambéry et ses alentours.Ces jeunes maisons d’édition indé-pendantes aspirent avant tout àmettre en valeur leurs ouvrages et letravail de leurs auteurs, afin de rendreainsi accessibles leurs activités augrand public. Par ailleurs, elles veulentfaire connaître le travail d’autreséditeurs défendant une littérature

Ce qu’Île dit…La Maison de la poésie Rhône-Alpesorganise la 15e édition du Festivalinternational de Poésie à Saint-Martin-d’Hères, du 16 novembre au10 décembre. Poussés par le vent de

la curiosité, ces voyageurs de la languenous entraînent cette année vers les îles.Au programme : la résidence du poèteJean Durosier Desrivières, figure montantede la littérature des Caraïbes, l’expositiondu peintre et photographe haïtien GéraldBloncourt (19 novembre - 10 décembre) etle marché de la poésie, de la petite éditionet du livre d’artiste, les 4 et 5 décembre,avec, le 4, une soirée musique et poésied’Haïti, de Corse et de Sardaigne.En écho à cette fête de la poésie, la MPRAédite le n°46 de la revue Bacchanales.Sur le thème Ce qu’Île dit. 68 poètes desCaraïbes, de Madagascar, de Nouvelle-Calédonie, d’Ouessant, de Corse, deSardaigne, de Chypre… racontent « l’his-toire ravagée et inventive des îles ». M. B.

Festival international de poésiedu 16 novembre au 10 décembreSaint-Martin-d’Hères (38)tél. 04 76 54 41 09

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de qualité et vendre au poids deslivres d’occasion ! Souhaitons doncà cette librairie de devenir un lieude vie accueillant, propice auxdécouvertes, aux rencontres et auxbonnes occasions. É. P.

http://editionschrysopee.wordpress.comwww.editions-actusf.com www.altal-editions.fr

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zoom / théâtre

scénographie. Toujours une histoirede rencontre, cette fois-ci avec Jean-Yves Picq, en résidence à Givors. Lepremier livre naîtra d’une collabora-tion avec l’auteur, metteur en scèneet comédien, en 1995. Une dizained’autres sont parus depuis lors, et c’estencore une phrase de cet écrivain quiouvre le catalogue 2010 de l’éditeur :« Puisque nos sociétés nous abrutissentde paroles bruyantes pour camouflerle désastre qu’elles organisent ensilence, mettons-nous bruyammentau cœur du désastre pour organisersilencieusement la parole. »Culture de l’engagement, « même sije n’aime pas ce mot », précise YvesOlry, intérêt pour les textes qui posent

Depuis 1995, Color Gang fait dusur-mesure en matière d’éditionthéâtrale, plus récemment depoésie. Fidélité aux auteurs,conception et façonnage maison,Yves Olry est l’éditeur d’unecinquantaine de livres et d’unedizaine d’auteurs. Une histoired’affinités.

Sur les hauteurs de Givors, l’horizons’élargit rapidement et s’ouvre surles premières perspectives du parcdu Pilat. C’est là, dans une grandemaison d’un tout petit bourg,qu’Yves Olry, plasticien mais aussiimprimeur-typographe de forma-tion, est Color Gang à lui tout seul.À l’origine, c’est-à-dire en 1985,Color Gang est un studio graphiquequi rassemble à Givors plusieursartistes indépendants et même unmusicien. Une façon de travaillerensemble, de partager du matériel,jusqu’à ce qu’Yves Olry se retrouveà la tête d’une imprimerie dont l’ac-tivité commerciale soutiendra lesprojets d’édition jusqu’en 2009.Car l’idée d’éditer des livres estvenue une dizaine d’années après lacréation de Color Gang, par le biaisdu théâtre, où Yves Olry fait de la

des questions et font débat. AprèsJean-Yves Picq, il y aura PatrickDubost, Perrine Griselin, ClaireRengade, Sylvain Renard, SébastienJoanniez… Pour Color Gang, la fidé-lité n’est pas un vain mot : « Je vou-lais travailler avec peu d’auteurs,mais pouvoir les accompagner,suivre leur parcours de création. Leslivres que nous faisons ensemblesont toujours des textes joués surscène et ce sont en quelque sorte desoutils pour les écrivains ».Des outils joliment faits – beau papier,belle couverture, formats divers, tirageà 500 exemplaires –, qui accompa-gnent les textes et les écrivains dansles théâtres, mais sont égalementdiffusés en librairie et dans des lieuxde spectacle. Une sorte de contratde confiance unit les auteurs et leuréditeur, qui n’intervient guère sur

les manuscrits et se met enquelque sorte à leur service. Àcondition que la rencontre soit unevraie rencontre et que l’histoirecommune soit vivante.Color Gang, c’est donc une édition àvisage humain et une ligne singulièrequi, au bout de quinze ans, se dégaged’un catalogue fait d’originalité etd’esprit d’aventure. Le même espritqui conduit Yves Olry à se lancer dansla poésie, lui, l’autodidacte qui ne sesent pas une grande compétencedans le domaine. « À seize ans, jen’avais pas lu un livre », confie l’édi-teur. « J’ai une vision instinctive de lapoésie, dont je perçois tout à fait leslimites. Mais ce qui m’intéresse par-des-sus tout, c’est d’entretenir un lien avecles créateurs. » Samira Negrouche,Enan Burgos, Michel Thion, BrigitteBaumié, sont les premiers poètes deColor Gang. Un éditeur singulier, unéditeur fragile, presque indestructible.L. B.

Color Gang ÉditionLa Rodière - 69700 Échalaswww.colorgang.eu

Derniers titres parus

Brigitte Baumié J’ai tué, ça existe pas86 p., 13 €, ISBN 978-2-915107-49-4

Tryptique.com ou… ma langue au diabletextes de Sarah Fourage, Sophie Lannefranque et Gilles Granouillet78 p., 14 €, ISBN 978-2-915107-50-0

«  Mouvementeur », «  artisanchaosmique », tel se définit EnzoCormann, à l’abri derrière les mul-tiples figures – d’écrivain, de drama-turge, de romancier ou d’enseignant –qui dissimulent la sienne. Tel estaussi celui que la revue Registrestente de saisir à travers un numérospécial consacré à l’auteur de Jem’appelle, l’un de ses dernierstextes de théâtre paru aux Éditionsde Minuit en 2008.Un album de photographies com-mentées par l’auteur, plusieursarticles, conférences et contributionsà des colloques, un jazz poem inédit,cette revue donne de l’espace à l’au-teur, celui qui sait faire « trompéterla langue », et qui revient là surKerouac, Kraus, Deleuze, l’improvisa-tion, la question de la représentation,

de l’expérience collective et del’assemblée théâtrale… S’ensuiventune série de contributions critiquessur l’œuvre d’Enzo Cormann, maisaussi plusieurs entretiens très inté-ressants avec Jean-Pierre Sarrazac,avec Alain Françon et BernadetteBost, avec Christina Mirjol, ainsique des textes plus personnelssignés Samuel Gallet ou Pierre Péju.

Une lecture qui incite à retournerau texte de Cormann. L. B.

RegistresRevue d’études théâtralesHors série IIEnzo Cormann, Le mouvementeur.Presses Sorbonne Nouvelle, printemps 2010208 p., 18,50 €ISBN 978-2-87854-493-0

Color Gang : éditer pour le théâtre

Au service des auteurs

« “Voyons voir” est également – enfin ? – entrée enmatière de l’accompagnateur d’écriture. Un “voir”précisément (et expressément) distinct de juger, decorriger, d’interpréter, de démasquer, et cetera. (Vouset moi) “Voyons” (mettons-nous en situation de)

“voir” (de voir ce que nous verrons ensemble que nousne verrions pas seuls, ou vous écrivain, ou moi lecteur).Assemblons nos regards pour composer ensemble unevue-vision de l’ouvrage. Invitation à la critique, donc, envi-sagée comme re-captation ensemble (disons voir ce quenous voyons écrit, en tant que destiné à être vu). »

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Portrait de l’écrivain en homme de théâtre

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Bande dessinée muette et minima-liste, il y a quelque chose d’élémen-taire dans cette recherche graphique(en noir et blanc) autant que narra-tive. Une légèreté tremblante dansla course folle du per-sonnage principal, mi-animal mi-humain,traversé par un mouve-ment perpétuel quil’entraîne dans une cas-cade d’aventures bur-lesques – le cinémamuet n’est pas loin. Onsourit, on rit, on soupire.

L’amoral del’histoireDa Capo… Magnifiqueréédition à L’Associationd’un volume qui reprendle contenu de trois ouvragesde Fabio Viscogliosi précédem-ment édités au Seuil entre1995 et 1998 : L’Œil du chat,Du plomb dans l’aile etMorte saison pour les pois-sons. « Je voulais dessiner commeon écrit, légèrement », explique ledessinateur dans sa postface, dont lesnotes donnent quelques clés de lec-ture et surtout nombre de références :Malevitch, Groucho Marx, LewisCaroll, Hitchcock… Le tout pris dansun mouvement personnel et biogra-phique qui donne ces carambolageslumineux et ces histoires sans fin,où les personnages silencieux, àtêtes d’hommes ou d’animaux,peu importe, traversent les pagesdans une course perpétuelle quiressemble à s’y méprendre à la vie.

Mais à la fin de chaque histoire,rien ne rentre dans l’ordre. Unnouveau tour de piste a été accom-pli, un geste en a suscité milleautres, les réactions en chaîne se

sont multipliées… Et lachute renvoie doucementle lecteur aux hasards etaux incohérences de sapropre fuite. L. B.

Fabio ViscogliosiDa CapoL’Association416 p., 29 €ISBN 978-2-84414-389-1

Carole Chaix. En proposant uneimage à l’auteur, elle a déclenchél’écriture d’une histoire, dont elles’est ensuite saisie. Avec un texteplein de surprises, en vers (très)libres, mis en scène par de magni-fiques illustrations à la technique(très) mixte, c’est un univers foison-nant de détails qui se déploie page

Prévot + Chaix = Paradiso !

ParadisoparadeUn album, des « arrêts surimages », une exposition, uneinstallation présentée endécembre à Lux, scène natio-nale de Valence, Paradiso estun projet multiforme qui mêletextes et images. Franck Prévotet Carole Chaix conduisent cetteparade poétique et joyeuse.

Paradiso est un bel album grandformat, qui raconte une histoiresimple et pourtant toujoursrépétée : celle de l’amour et desa déclaration. Maurice, 10 ans,aime Mona. Seulement, qu’onait 10 ans ou plus, ce n’est pasfacile de faire comprendre à sa voi-sine qu’on l’aime. « Poésie ! », ditPablo, le vieil ami de Maurice, en luioffrant un mode d’emploi. On suitalors pas à pas les tentatives deMaurice pour dire ce sentiment fragile.Paradiso est issu d’une collaborationtrès étroite entre l’auteur, FranckPrévot, et l’illustratrice-plasticienne,

après page. Une lectureattentive révèle unemultitude de référencesau cinéma et aux hérosde l’enfance (de Zorro àJames Bond en passantpar les indémodablesPlaymobil…).De cette richesse visuelleet narrative sont nés denouveaux projets : les« arrêts sur image », une

centaine d’histoires inven-tées autour de détails pré-sents dans les dessins, uneexposition pour les librai-

ries, et une installation, LuxParadiso, lumière sur les cou-

lisses de l’album et ses prolon-gements, qui sera présentée à

Lux, scène nationale de Valence,du 7 décembre au 8 janvier. À eux

deux, Franck Prévot et Carole Chaixfabriquent une parade poétique etjoyeuse. Un blog permet même desuivre leur cheminement. M. B.

Franck Prévot (texte)Carole Chaix (illustrations)ParadisoÉditions l’Édune48 p., 15 €ISBN 978-2-35319-053-9www.lux-paradiso.com

Le merveilleux voyage de Lionel Le Néouanic

Tout l’art d’AliLionel Le Néouanic est un sérieuxfarceur. Dans son dernier album, auxbelles dimensions, l’auteur-illustra-teur-inventeur propose au petit Aliun long voyage à travers les pages, jus-qu’à la maison de son amie Illa, quifête son anniversaire. Et au lieu duparcours initiatique qu’on imagine, àtravers montagnes, villages et forêts,c’est à une palpitante et passionnantetraversée de l’histoire de l’art qu’onassiste. Sur le mode « à la manièrede », chaque page du Plus Beau descadeaux reproduit un tableau ous’inspire d’une œuvre, décor de rêveou de cauchemar, monde joyeux ouinquiétant, qu’Ali visite innocemment,tout préoccupé de son but. Dans cetincroyable labyrinthe de la création,où se perdre reste un terrible bonheur,fait de vertiges et d’émerveillements,Lionel Le Néouanic rappelle à la vietout l’art de Cézanne aussi bien quecelui de Viallat, Malevitch autant queCourbet, Dali que Dürer, Rothko queMagritte… Le texte, espiègle, accom-pagne l’aventure singulière de ce toutjeune garçon, jouant avec l’objet livre,la mise en abîme et autres plaisante-ries fines… Un coq-à-l’âne qui fait del’art un monde plus vivant et plus réelencore que le nôtre. L. B.

Lionel LeNéouanicLe Plus Beaudes cadeauxÉditions desGrandes PersonnesAlbum non paginé,24,50 €ISBN 978-2-36-193044-8

livres & lectures/ images

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livres & lectures/ poésie

des éclats devoix, à la foismats et brillants.On ne sait. Onn’a pas à savoir.Juste à lire et lier : « Aussi beau quel’enfant prêt à être ».Éclat rançon (La Différence, 2007) :où l’on retrouve donc le mot etl’idée qui va avec : « poème est ran-çon de l’éclat », ces courtes phrasescoupées mais élégantes comme descols de signes, ce battement de vershaletants, stridents, une, deux, troisstrophes pas plus. Plus loin encore,cela donnera cette image contenuedans un titre : Herbe folle, herbe horsd’elle (Rémy Maure, 2006), quidevient bientôt une « herbe abstraiteherbe dangereuse ». On aimera plus

C’est d’abord un visage sur une cou-verture qui vous plaît, juste la direc-tion du regard qu’il faut, la bontéd’yeux qui savent où se perdre.Faudrait le suivre. « Faut suivre » :c’est le titre de la collection quiaccueille ces soixante-dix annéesde poésie de Jean-Pierre Faye. Onle suit donc. Pas à pas. Comme enremontant un fleuve : c’est main-tenant le titre du livre qui donnel’envie d’y aller voir.Un poème inédit pour commencer :« Toute chose du monde » (2009) et,pour le lecteur, première tentativede saisie de la phrase de Faye.Comme une trouée dans l’espace(une faille ?), un temps de lecturefait de lien et de brisées, ce sont enfait des brisures ou simplement

tard cette proposition de conjoindre la« ligne de l’air » et la « ligne de conte ».Qu’il est difficile de parler de la poé-sie sans laisser parler le poète seul !Il faut dire que l’imaginaire de Fayeest impossible, comme un gamin, etc’est tant mieux : Montaigne quivoyage avec Rimbaud en Italie(Guerre trouvée, Al Dante, 1997),cet étrange mot et chose de lioube(Le Livre de Lioube, Fourbis, 1992),qui est aussi une personne et quiest peut-être personne : la poésieelle-même ? Le corps, qui est déjàlà dès les premiers mots, la femme

qui n’est jamais loin :les deux qui se ressem-blent, parfois oui, parfoisnon, dans ces Verres(Seghers / Laffont, 1979)qui est sans doute lerecueil le plus fort deFaye, le plus travaillé parle trou, le blanc. La faille.Mais on en oublieraitpresque qu’on a avancé,qu’on se retrouve commequand il est né, au débutdes poèmes et c’est déjàla fin du livre : « Je vou-drais te connaître jusqu’à

l’enfance/Comme en remontant unfleuve tranquille » (Fleuve renversé,G.L.M., 1960). Tiens, ces mots-là…Restent juste quelques pagesmanuscrites, reproductions de mots,lettres, critiques souvent fines, tracesd’amis, photos de l’oiseau en touslieux et le livre est fait. Très bien faitmême. R.-Y. R

Jean-Pierre FayeComme en remontant un fleuve.Choix de poèmesL’Act mem, collection « Faut suivre »365 p., 25 €ISBN 978-2-35513-056-4

destins fauchés par le suicide, lesaccidents ou la Guerre d’Algérie.Poèmes narratifs, formes classiquesà peine « dérangées », traits d’hu-mour et d’impertinence, premièrestentations expérimentales, les écritsde ce petit groupe informel permet-tent de compléter « le panorama

que l’on peut dres-ser de la poésie desannées 60. » L. B.

Jean-Luc SteinmetzLes Poètes de l’îleverte – AnthologieLa Passe du vent116 p., 10 €ISBN 978-2-84562-160-2

C’est un volume très singulierqui paraît dans la nouvelle col-lection « Poésie » de La Passedu vent. Les Poètes de l’îleverte, anthologie proposée parJean-Luc Steinmetz, rassembleles écrits de plusieurs jeunesauteurs tout à fait inconnus, qui réa-lisèrent leurs premières tentativespoétiques à la fin des années cin-quante, avant de disparaître préma-turément, pour la plupart, au débutdes années soixante. Au café deL’Île verte, dans le quartier pari-sien de Saint-Lazare, se réunis-saient donc Marc Paoletti, PaulFabrega, Jean-Jacques Sigault,Stéphane Legendre, Antoine deTerle… Les quelques mots deprésentation signés par le poèteJean-Luc Steinmetz, spécialistede Rimbaud et fondateur avecChristian Prigent de la revue TXT,laissent entrevoir une série de

En quête dutempsLa mort d’un amour ne se distinguepas de la mort tout court et il estparfois difficile, sinon impossible, detrancher entre les deux. Ainsi dupetit livre d’Anne Brouan, Ne cher-chez plus l’or du temps, qui exploreavec force la désagrégation d’un sen-timent sans que l’on sache sil’amour évoqué est encore de cemonde ou bien n’est plus. A disparudans une nuit de cendres ou s’estévanoui dans la neige de l’hiver sanslaisser de traces : « En ces terres éloi-gnées de détresse, dans la migrationnocturne des ailes insouciantes, nosdéparts seront-ils d’amour ou demort ? » Un texte dur comme unepierre sur laquelle l’auteur a poséson bouquet de mots brûlants. Et lacolère qui ne se sépare pas de lamélancolie, comme le cœur de l’undu corps de l’autre. Une quête radi-cale du temps peut-être, « dans sagangue de peur et d’oubli. » R.-Y.R.

Un hommage à l’œuvre de Jean-Pierre Faye

Poète de choixUn éditeur rend hommage à un poète, qui futl’inventeur de la revue Change dans les bouillon-nantes années 60, philosophe, romancier (prixRenaudot pour L’Écluse). On découvre ici Jean-PierreFaye tel qu’en lui-même, à travers un choix depoèmes depuis l’année 2010 jusqu’à septembre 1939.

Fenêtre est bol videque paysage ne comble

paysage dévêtude toute fenêtre

sacs et robestendues aux fenêtresmillet riz de papierblé ou sorgo

or et roc

(Le Livre du vrai, L’événement violence,L’Harmattan, 1998)www.jean-pierre-faye.net

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Aux Éditions Oniva, il ne fautpas rater le deuxième recueil depoèmes de Frédérick Houdaer,Engelures, écrit tout en énergieen direct du front – de la vie, del’amour, de sa fin.

Réédition à La Rumeur libre du livre dePatrick Laupin, Le Courage des oiseaux,« Une expérience d’écriture et de lectureavec des enfants en échec scolaire », maisbeaucoup plus que cela.

Couronnée par le prix de poésie fran-cophone Amélie Murat 2010 pour sonrecueil Limpidité du peu (Éditions del’Atlantique, 2009), Jackie Plaetevoetpublie Couleurs caravanes (ÉditionsSang d’encre), une série de textes consa-crés aux couleurs et aux éléments, avecdes pastels et des encres de FlorenceGrenot et Élisabeth Bard.

Premier recueil de Carole Dailly, Héritagedes silences (Manoirante) chante « Cebonheur d’être/une musique/une simplemusique/et un écho de silence ».

Chez Pré carré Éditeur, Pierre Présumeypoursuit en mots l’image fuyante etdouloureuse d’un alter ego à traversLe Grand Garçon. L. B.

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Anne BrouanNe cherchez plus l’or du tempsLa Rumeur libre59 p., 10 €, ISBN 978-2-35577-016-6

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Anthologied’un désastre

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AD LIBRIS

La Vitesse à laquellenous oublions eststupéfiantede Michel FrancesconiCe premier roman clair etciselé s’interroge sur l’étatde nos sociétés à travers la notion d’art mais aussi celle du temps, avec laquelle joueconstamment le narrateur.

collection Sur l’autre bord277 p., 19,50 €ISBN 978-2-918462-09-5

CRDP DE GRENOBLE,CENTRE RÉGIONAL DEDOCUMENTATIONPÉDAGOGIQUE

Éducation à lasexualité au collège et au lycéede Laurence Communal,Christophe Guigné etClaude Rozier

Cette réédition, revue et étendue aux lycéens,constitue un outilpédagogique utile pourmettre en place des séancesd’éducation à la sexualité et aborder ses dimensionsstatistiques, légales, sociales ou médicales.

collection Vie scolaire324 p., 16 €ISBN 978-2-86622-873-6

LA FONTAINE DE SILOÉ

Hauterives en aquarelles.Sur les pas du facteurChevald’Isabelle GirouxCe joli livre illustré d’aquarellespropose de découvrir l’histoiremais aussi la faune et la flored’Hauterives, petite ville de laDrôme. Une balade plaisanteet instructive à travers ce patrimoine régional.

132 p., 19 €

ISBN 978-2-84206-480-8

livres & lectures/ poésieLe masqueet la plumeIl est beaucoup plus difficile d’attra-per un poète qu’un rhume, surtoutlorsque l’on sait que ledit poètes’appelle Jean Tardieu, qu’il est né« d’un père en bonne santé “maispeintre” et d’une mère musicienne“mais tuberculeuse” », qu’il fut de sur-croît auteur de théâtre et homme deradio. Cela vous fait à coup sûr lapose mouvante et l’identité conta-gieuse, vous donne des idées à retordre et des fils à penser(« L’instable est mon repos »). Et c’estbien dans tous ces sens-là que vontles auteurs de cet élégant ouvragecollectif consacré à Tardieu tantôt

Témoin invisible, tan-tôt Monsieur Jean,une drôle de « voixsans personne » quise révèle beaucoup

plus profonde qu’elle feint d’en avoirl’air au premier abord. Voix inquiète,qui lutte sans cesse contre soncontraire, préférant l’effusion de laparole au garrot du silence : « Puisqueles morts ne peuvent plus se taire,/est-ce aux vivants à garder leur silence ? »R.-Y. R.

Sous la direction de Jean-Yves DebreuilleJean Tardieu. Des livres et des voixENS Éditions, collection « Signes »354 p., 34 € - ISBN 978-2-84788-201-8

le recueil nous permet d’assister.La tragédie qui pointe derrière ladrôlerie, la plus simple réalitécomme lieu d’engagement à tra-vers l’observation, l’art du montagecomme arme critique, poétique etdéconcertante, Joan Brossa faitaussi et avant tout montre d’uneimmense liberté. L. B.

Joan BrossaPoèmes civilsTraduit du catalan par Thierry DefizeURDLA, collection « La source d’urdl »160 p., 18 €ISBN 978-2-914839-35-8

Sélection des nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpesréalisée par Émilie Pellissier

nouveautés des éditeursRené Guilly, Jean Lescure, Jean Tardieu et Raymond Queneau.

Joan Brossa : poèmes de résistance

Savoirregarder

CRÉAPHIS ÉDITIONS(COÉDITION AVECLA FACIM)

Je vais faire un tourde Maryline DesbiollesÀ l’occasion des dixièmesRencontres littéraires enpays de Savoie, la Facimpublie un deuxième titreen collaboration avecCréaphis Éditions. C’est cette fois MarylineDesbiolles qui nous invite à la suivre au fil depromenades dans lacampagne d’Ugine, sa ville natale.

collection Paysages écrits60 p., 9,80 €ISBN 978-2-35428-040-6

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ÉDITIONS DU LAMPION

Le Prince Coqueluche.Tome 1d’Édouard Ourliac ;Flavia Sorrentino,illustrationsÀ l’histoire originale d’unvizir, contée par ÉdouardOurliac à la fin du XIXe siècle,s’ajoutent ici les trèssensibles illustrationsde l’Italienne Flavia

Sorrentino ainsi qu’un petitprécis de vocabulaire quiéclaire la signification decertains termes employés.

collection Loupiote93 p., 9.9 €ISBN 978-2-917976-11-1

Verso 141, c’est « Manger, aimer,mourir  », avec un hommaged’Alain Wexler, directeur de lapublication, à la pomme de terre,mais aussi Antoine Wauters,

Nicolas Gille, Alain Guillard, VéroniqueJoyaux…

Gong, revue francophone de haïku diri-gée par Jean Antonini, frappe fort cetautomne avec un n°29 consacré autanka, d’où est issu le haïku, et unnuméro spécial qui rend justice auxparticipants du concours AFH 2010,jeunes et adultes.

On attendait des nouvelles de Boxondepuis quelque temps et elles sontexcellentes… Les n°23, 24 et 25 (enthéorie) sont arrivés, et il convient de seles procurer rapidement : « Les actionsde Boxon ne baissent pas, ne plongentpas, ne dévissent pas, ne se volatilisentpas, ne stagnent pas, ne montent pas nonplus, elles sont même rigoureusementinqualifiables. Parce que Boxon ne vendpas ses actions sur les marchés, Boxonles réalise. » Cyrille Bret, « directeur phy-nancier », signe ce savoureux édito dunuméro de crise hiver 2009… L. B.

revu

es

Hommage à Joan Brossa (1919-1998), grande voix de la poésiecatalane, à travers son recueilintitulé Poèmes civils, qui paraîtà l’URDLA en version bilingue.Une démonstration de liberté.

« Nos haches sont/dans votre pré.Je regrette/d’avoir à le faire. Detoute manière, je/vous laisse lepoème ici. » Publiés en 1961 et lar-gement censurés par le régimefranquiste, les Poèmes civils nesont parus sous leur forme inté-grale qu’après la mort du dictateur.Cinquante ans plus tard, leur pou-voir de subversion – dans la dis-tance, l’humour, le décalage, lafantaisie… – reste palpable, et l’onest saisi par cette succession demicro-récits, de poèmes trèscourts, qui jouent avec le réelcomme le chat avec la souris,défiant le lecteur, son regard sur lemonde et sa réalité.« Je pulvériserai ce poème/en unesuccession de petits/fragments,comme une vitre/au cours d’unaccident/de voiture. », écrit JoanBrossa, et c’est à cet accident que

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MÔMELUDIESÉDITIONS

Improviser librement.Abécédaire d’uneexpériencede Christian Le BasDans cette collection, des musiciens nous fontpartager les réflexions quientourent leurs pratiques.Ici l’auteur, percussionnisteimprovisateur, aborde parordre alphabétique desthématiques qui rendentcompte de son parcoursdans la musique improviséeet de ses liens avec l’art dela performance, la danse, ou le cinéma expérimental.

collection Entre deux72 p., 12 €ISBN 978-2-9532477-7-0

MOSQUITO

Bestiairede Sergio Toppi ;Pierre-Yves Lador, texteC’est à travers la thématiquedes animaux, récurrentedans l’œuvre de Toppi, que cet ouvrage aborde ses travaux d’illustration.Influencées pardes moments de vie

succédées ces soixantedernières années, ainsi qu’une réflexion sur ce qu’elles révèlent des évolutionsde la société scolaire.

collection Enseignement et réformes312 p., 19 €ISBN 978-2-7061-1606-3

PUBLICATIONS DEL’UNIVERSITÉ DE SAINT-ÉTIENNE

François Bon, éclats de réalitéDominique Viart et Jean-Bernard Vray, dir.Plusieurs spécialistes del’écriture de François Bon nousproposent de la parcourir sousses divers aspects. Réalisme,écriture numérique, dispositif

REVUES

PUBLICATIONS DE L’INRPINSTITUT NATIONAL DERECHERCHE PÉDAGOGIQUE

Revue française depédagogie. Recherches en éducation. La mixitéscolaire, une thématique(encore) d’actualité ?collectifCe numéro s’interroge sur unequestion a priori consensuelle,celle de la pertinence de lamixité dans le système éducatif.Obligatoire en France depuis1975, cette forme d’organisationaurait-elle des failles et quelrôle joue-t-elle dans laconstruction de nos identités ?

170 p., 17 €ISBN 978-2-7342-1187-7

à la ville et d’autres à la campagne, les visions du dessinateur illustrentdiverses relations entreles humains et les bêtes,allant parfois jusqu’àsymboliser une véritablefusion de leurs êtres.

collection Raconteur d’images128 p., 20 €ISBN 978-2-35283-042-7

PUG (PRESSESUNIVERSITAIRES DE GRENOBLE)

L’École en France de 1945 à nos joursd’André RobertCet ouvrage de synthèsepropose une analyse desréformes de l’Éducationnationale qui se sont

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regard

Chaque mois, retrouvez Géraldine Kosiak, en texte et en image, pour un regard singulier, graphique, tendre et impertinent sur l'univers des livres, des lectures et des écrivains...

Au travailÉchoJe me souviens du premier livre qui m’a vraimentimpressionnée, je devais avoir 13 ans. MadamePicard, mon professeur de français, m’avait demandéde lire La Métamorphose. Un choc !Ce livre faisait écho à la solitude de mon adoles-cence. Moi aussi, je me sentais différente. Je restaissouvent dans ma chambre à vivoter comme uninsecte, à écouter les conversations des adultes vial’entrebâillement de la porte.Incomprise de ma famille, je sentais monespace se réduire de plus en plus et il m’arrivait d’avoir envie de mourir.Le personnage principal del’histoire Grégoire Samsa etmoi n’étions pas si éloignés.C’est entre le 17 novembre et le 7 décembre 1912, à Prague, que FranzKafka écrit La Métamorphose. Il a 29 ans.À cette même époque, les tensions avecses parents sont importantes et il est obsédé par la mort.

Le 17 novembre 1912, il relate la nais-sance de La Métamorphose dans unelettre à sa première fiancée FeliceBauer : « Du reste, je t’écrirai sans douteencore aujourd’hui, quoique j’aie beau-coup de choses à faire et que je veuille

transcrire une petite histoire qui m’estvenue à l’esprit tandis que j’étais

couché en pleine détresseet qui m’obsède au plusprofond de moi-même ».Kafka lui révèle égale-ment le cheminement deson récit et la fin cruellede sa nouvelle : « Pleure,chérie, pleure, le moment

de pleurer est venu ! Le hérosde ma petite histoire est mort il y

a un instant. Si cela doit te consoler,sache qu’il est réconcilié avec tous.

L’histoire en elle-même n’estpas tout à fait finie, je n’aipas vraiment le cœur àcontinuer et je remets à demain. »

Dans une lettre à son amiOskar Pollak en 1904, Kafkanotait déjà : « Si le livre quenous lisons ne nous réveillepas d’un coup de poing sur lecrâne, à quoi bon le lire ? »

chronique Géraldine Kosiak 16 /

Franz KafkaJournalGrasset

photographique,hétérogamie, sontnotamment abordés.

collection Lire au présent344 p., 20 €ISBN 978-2-86372-564-2

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Jérôme Thélot et la vérité duphotographique

RéflexionsCritique de la raison photographique,un essai profond et exigeant de JérômeThélot sur la photographie comme unart de la modernité.

Les photophobes sont les plus sûrs défen-seurs de la photographie, l’âpre photogra-phie s’entend. Tandis qu’ils l’attaquent deleurs mots aiguisés, elle se drape d’uneautre vérité. Depuis le temps qu’on le sait,depuis l’ambivalent Baudelaire et sacharge pleine d’« hainamoration » contrele médium, Benjamin et son aura quelquepeu viciée, Barthes et ses subtiles manières de ne pasvouloir y toucher, on avait presque fini par l’oublier.« La merveille des photos est leur philosophie sou-daine, radicale, illuminante… » : en cinq brèves etincisives petites études qui vont fort bien ensembleet forment essai, Jérôme Thélot nous rafraîchit lamémoire, mais pas n’importe laquelle ! Celle, para-doxale, qui nous affranchit du souvenir. EcoutezBeckett : « L’homme qui a une bonne mémoire ne sesouvient de rien parce qu’il n’oublie rien. »Revoyez la photographie, toute la photogra-phie. Ainsi l’auteur avance-t-il comme unexplorateur sur une terra incognita. De l’his-toire à la poésie en passant par la philoso-phie, Thélot affronte, confronte, diffractel’image mal/polie, la pousse jusque dans sesderniers retranchements, la plonge dans lafroide et profonde métaphysique. Ce n’estpas exactement à la recherche d’un sensqu’il part, mais plutôt d’une essence : d’où

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le choix du vocable« photographique »,qui pourrait être l’autrenom de la modernité.Un regard qui mélan-gerait, si ce terme peutse concevoir, curiositéet mélancolie.La vérité du photogra-phique n’est pas dansla saisie d’une quel-conque réalité, d’unréalisme, fût-il tempéréou exaspéré, cela seraitbien trop simple. Non,elle gît dans son appa-rition même, qui esten même temps uncertificat de dispari-

tion. C’est cela qui la fait ressembler à une certaine formede poésie (une poésie formelle ?), qui lui donne un carac-tère à la fois énigmatique et transparent, selon les deuxmots justes de l’auteur. Dès lors, la formule « émotion méta-physique » ne concerne plus seulement l’immonde et belleimage mais aussi et peut-être avant tout l’individu dansson appartenance au monde. Comme l’absent de toutsujet. Ainsi se clôt l’ouvrage de Thélot, par un arrêt pro-longé devant les photographies des Becher, beauté fasci-

nante de tableauxqui révèlent lemonde comme undehors inatteignable.À méditer. R.-Y. R.

Jérôme ThélotCritique de la raisonphotographiqueEncre marine125 p., 21 €ISBN 978-2-35088-020-4

Le roi est mortDe la circulation d’une nouvelle, ou comment uneinformation – l’assassinat d’Henri IV – devient unerumeur. La Grande Peur de 1610, un livre d’histoire deMichel Cassan à la source de l’événement.

Qu’est-ce que l’histoire ? Une image muette et lointaineque l’on tente de faire parler. De ce point de vue-là,La Grande Peur de 1610 est exemplaire. Jugez plutôt : on – Ravaillac – vient de poignarder Henri IV,le Roi de paix, le Vert galant, aussi, il faut bien ledire. La France est donc en émoi. Ou pas tout àfait. C’est que la nouvelle ne se propage pas àgrande vitesse, pas tout de suite si l’on veut, etmême pas comme on veut : on – les envoyés, lesconsuls, les maires – le dit tour à tour blessé légè-rement et atteint mortellement ; les mots vontsans que l’on comprenne toujours les maux.Et c’est là tout l’intérêt du livre de Michel Cassan,

examen minutieux et documenté dela circulation d’une nouvelle dans lepays de la poule au pot, le commentet le pourquoi une informationdevient une rumeur, se manipule, sedissimule, etc. On – le lecteur – prendainsi le pouls d’un pays qui bat aurythme de ses villes et de ses com-munautés urbaines qui deviennentchacune l’espace de l’événement, uncadre stratégique et politique de pre-mière importance, avec ou contrel’État royal. Et l’image muette denous parler autrement et, surtout,plus singulièrement : comme si

l’historien se – nous –tenait à la source del’événement, dans toutel’étendue de ses dégâtsimprévisibles, si l’onpeut dire. R.-Y. R.

Michel CassanLa Grande Peur de1610. Les Français etl’assassinat d’Henri IVChamp Vallon279 p., 23 €ISBN 978-2-87673-523-1

LES MOUTONSÉLECTRIQUES

Fiction tome 11collectifDans ce onzième tomes’expriment des auteurs ou dessinateurs actuels del’imaginaire, dont le talentest déjà largement reconnuou des plus prometteurs.

338 p., 19 €ISBN 978-2-915793-92-5

SENS PUBLIC

Cahiers Sens Publicn°13-14. Langues ettextes en contrastecollectifCe numéro regroupe les contributions d’un

livres & lectures/ essaisNaissance de lapresse ouvrièreFruit d’un colloque qui s’est tenu àl’ENS Lettres et sciences humaines

en 2007, L’Écho de la fabrique retrace,à travers de multiples contributions, lanaissance de la presse ouvrière à Lyon.L’Écho de la fabrique, c’est un hebdoma-daire de huit pages créé et publié parles canuts lyonnais entre octobre 1831et mai 1834. On peut d’ailleurs consul-ter avec grand intérêt l’édition critiqueen ligne des textes de cette publication(http://echo-fabrique.ens-lsh.fr). Premier journal français « à se posercomme porte-parole de la classeouvrière », L’Écho de la fabrique paraîtau milieu du conflit qui provoquera peuaprès la première insurrection descanuts. Organe d’émergence de la paroleouvrière, c’est avant tout un lieu de prisede conscience et de formulation derevendications. Un volume collectif quifait revivre le temps des chefs d’atelierset des ouvriers de la soie. L. B.

L’Écho de la fabrique. Naissancede la presse ouvrière à LyonSous la direction de Ludovic Frobert

ENS Éditions368 p., 27 €ISBN 978-2-84788-207-0

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colloque qui s’est déroulé en septembre 2009 en Suède.Il s’agissait d’envisager dans quelle mesure lalinguistique contrastive et la traductologie, deuxdisciplines s’intéressant à l’acte de traduction qu’il soit écrit ou oral, peuvent se rejoindre et coopérer.

274 p., 20 €, ISSN 1767-9397

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chronique de littératurebuissonnière

En-têteBaudelaire, Charles, à Monsieurson grand (demi-)frère, avril1932 : « Tu t’étonnes peut-être

de ce que je t’écris sur du beaupapier cassé rose ; c’est que lepapier de couleur est de grandemode à Lyon et que tout le mondea commandé une demi-livre depapier de couleur. » Le même au

même, quatre mois plus tard : « Jen’ai rien à te dire si ce n’est quemaintenant je déteste les Lyonnais,qu’ils ne sont pas propres, avares,intéressés… ». Dans correspon-dance il y a distance : entre lesêtres et les êtres, toujours, leschoses et les mots, parfois. Ainsi dece papier rose qui dissimule tropbien le sentiment de Baudelaire àl’endroit de Lyon : aversion connuedu lecteur pour la ville fumeuse.Mais qui dit peut-être mieux quetout l’amour d’un enfant pour les

siens. La mère, Caroline, on ne lesavait que trop, le beau-pèreAupick, beaucoup moins. Uneautre version de l’enfance, que l’onredécouvre au fil de quatre-vingtslettres charmantes comme unbouquet de fleurs fraîches. Le restesera bientôt littérature… R.-Y. R.

(Charles Baudelaire, Lettres inéditesaux siens – Les Cahiers Rouges,Grasset, 2010)

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portrait

Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

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Côté Champ, côté VallonC’est un mélange détonnant et l’une des plus sin-gulières aventures éditoriales répertoriées sous noslatitudes (Seyssel, Ain). Champ Vallon, c’est-à-direPatrick Beaune et Myriam Monteiro-Braz, fête cetteannée ses trente ans d’édition. Un portrait en formed’hommage. Un hommage en forme de portrait.

600 titres au catalogue, et ça n’a pas l’air trop lourd àporter. Myriam Monteiro-Braz et Patrick Beaune ne fontd’ailleurs pas leur âge. Vingt-deux ans de maison pourelle, trente pour lui. Un drôle de couple qui dure. À lascène. Aussi différents que complémentaires. Le fonda-teur tout d’abord : naissance à Aix-les-Bains, adolescenceà Lyon, vacances familiales du côté de Seyssel, débutd’études à Paris dans une grande école de commerce.Un commerçant, Patrick Beaune ? Plutôt rire. Un seulstage au Crédit agricole dans une tour de la Défensesuffit à le dissuader de mener une vie comme il faut.On est à la fin des années soixante-dix et le jeune hommes’intéresse à l’archéologie, aux sciences humaines, n’a niargent ni réseau, mais chérit l’indépendance. Toutes lesconditions requises pour devenir éditeur.Il fait un premier livre sur des fouilles archéologiquesmenées à Seyssel, tombe amoureux d’un couvent quela mairie veut raser parce qu’un parking feraitmeilleur effet. Le siège de Champ Vallon est touttrouvé. C’est immense et vétuste, il y fait froid, maisPatrick Beaune se lance dans l’édition. En solitaireet en col roulé, il crée des collections originales consa-crées à l’archéologie industrielle, l’histoire des tech-niques, édite la revue Milieux animée par lephilosophe Jean-Claude Beaune, alors à l’écomuséedu Creusot. 1980, une aventure qui débute.Myriam Monteiro-Braz arrive quelques années plus tard.Un stage après ce qu’on appelait alors le DESS d’éditionde Villetaneuse. Un stage pas comme les autres. Il faut

domaine dans lequel il avoue son(mauvais) caractère de spécialiste…Une partie évidente de son charme.Car Monsieur Beaune râle avec déter-mination, avec humour, avec envie :« Mon côté franchouillard, à un pointtel que ça en devient gênant… »Pour leurs trente ans, les deux éditeursse sont offert une collection d’avenir :« L’environnement a une histoire »*.Une histoire de paysages, de terri-toires, et un nouveau domained’étude qui arrive en France. Ils saventque leur maison est fragile, ils sententaussi que la reconnaissance est là.Un équilibre instable, à l’image dela vie et de ce surprenant duo. CôtéChamp, côté Vallon. Laurent Bonzon

* Premier titre de cette collection : John R. MCNeil. Du nouveau sous le soleil. Une histoire de l’environnement mondial au XXe siècle.Traduction de PhilippeBeaugrand, 528 p., 26 €

porter des mitaines, entretenir le feu dans l’immensecheminée, rentrer le bois… Tout faire. La jeune femmedécide de rester. On devine qu’il n’y eut ni grands motsni déclaration, mais une entente cordiale, un début d’ami-tié entre ces deux caractères si bien trempés, ces deux voixfortes. « Le lieu a compté », avoue celle qui est née à Annecy,non loin de là, revenue dans la région en passant parChambéry et sa librairie La Fontaine aux livres.

Deux manières d’habiter le monde

On pourrait croire que l’une est là pour tempérer leshumeurs de l’autre. Mais ce n’est sûrement pas tout àfait vrai. Chacun à son tour choisit le côté Champ oule côté Vallon. Et à la question comment travaillez-vousensemble ?, tous deux répondent d’une seule voix :« Comme on peut ! » Et ils peuvent beaucoup… Vingtà vingt-cinq titres par an, avec pour point fort lessciences humaines, avant tout, l’histoire. Tous lesgrands historiens français sont passés par la collection« Époques », l’une des meilleures dans le domaine. « Sinous avons une petite force », explique Patrick Beaune,« c’est de ne pas être des spécialistes. Nous avons des juge-ments, nous nous intéressons aux différents domaines etnous avons des directeurs de collection très à l’affût ».À l’image des personnalités de ce duo attachant, onpeut distinguer les deux versants d’un même cata-logue : champ des sciences humaines, vallon de lalittérature. « Nous n’avons pas conçu un cataloguehomogène », confirme Myriam Monteiro-Braz, « mêmes’il y a certainement dans tout cela une unité ». Enmatière de poésie ou de roman, Champ Vallon défendainsi des auteurs qui « ont un point de vue, une véri-table voix, une manière bien à eux d’habiter le monde ».Myriam Monteiro-Braz et Patrick Beaune ont assurémentla leur. Toujours contrastée.L’une s’installe à Lyon, se lance avec énergie dans de nou-velles études, où elle satisfait enfin un intérêt de longuedate pour la connaissance de la vie psychique ; l’autrepasse du temps à Paris, cherche la maison de ses rêvesquelque part, mais où ?, continue à détester Lyon, la vieAuchan, le consensus, et aime par-dessus tout râler. Un

Directeur de la publication : Geneviève Dalbin

Rédacteur en chef : Laurent Bonzon

Assistante de rédaction :Marion Blangenois

Ont participé à ce numéro : Géraldine Kosiak,ÉlisabethMandallaz, Émilie Pellissier, Roger-Yves Roche et Jean-Pierre Spilmont.

Merci et bon vent à Marion qui, depuis deux ans, abeaucoup fait pour ce journalet s’en va maintenant versd’autres aventures.

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ISSN 1626-1331

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