12

Livre Mady-V7.indd 1 13/09/10 11:34:23catalogue.dgdiffusion.com/upload/105/600/4/0/9782703308492.pdf · — Bien sûr que non, s'exclama la chère femme, tu es une fille. — Alors

  • Upload
    ngothu

  • View
    212

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Livre Mady-V7.indd 1 13/09/10 11:34:23

Ce modeste florilègedes ouvrages de ma vie,je le dois à bien de mes amis, qu’ils en soient remerciés.

Livre Mady-V7.indd 2 13/09/10 11:34:24

Aux couleurs du temps qui passe, qui repasse et qui parfois nous dépasse

mais qui toujours construit notre passé.

Livre Mady-V7.indd 3 13/09/10 11:34:34

La plage de Normandie

Autoportrait d’un Arlequin

en Colombine Jolie servante

D’un art Multicolore

Et populaire Dont elle est

L’Arlequine De Colombin

Livre Mady-V7.indd 4 13/09/10 11:34:37

• IL ÉTAIT UNE FOIS…

Livre Mady-V7.indd 5 13/09/10 11:34:37

Le buste droit, mains jointes sur les genoux, assis sur le tabouret du piano, le pitchoun, six ans, me posait la question :— Par où elle te vient la peinture ?Depuis je cherche toujours, le cerveau, le cœur, la main, tout à la fois peut-être...Pourquoi pas le sang qui coule dans mes veines, j'aime tant le rouge...D'où elle vient, je ne le sais pas.Depuis quand elle est venue, je le sais.J'avais six ans quand ma grand-mère m’a surprise devant l'armoire à glace, me passant la main sur le menton :— Je n'ai pas de barbe, j'en aurai une bientôt ?— Bien sûr que non, s'exclama la chère femme, tu es une fille.— Alors je ne serai jamais peintre !Quel chagrin provoquaient les rires moqueurs quand, en toute innocence et sûre de son effet, ma grand-mère relatait l'anecdote.

C'est alors que j'apprenais à lire et ces livres de lecture, avec leur dessins noirs, c'était pénible, triste et ennuyeux… mais quel bonheur quand ma tante Rosa ouvrait le grand livre d'images, si lourd que je ne pouvais le soulever, et commentait patiemment chacune d'elles."L'Encyclopédie", c'était son nom.Des fleurs de toutes les formes, de toutes couleurs, des animaux beaux, féroces, rayés, tachés.Et ces tableaux qui tenaient toute la page avec mille détails et aussi le portrait des messieurs qui les avaient peints.Tous l'air sévère, et presque tous, avec une barbe.Moi aussi j'avais une boîte de peinture, trouvée dans mes souliers le matin de Noël.Sur le couvercle il y avait un oiseau bleu et jaune et dans la boîte plein de pastilles de toutes les couleurs. Sur chacune était écrit "sans danger". Je les ai toutes sucées : c'était fade et sans goût.

Mady, par où elle te vient la peinture?

Livre Mady-V7.indd 6 13/09/10 11:34:40

Livre Mady-V7.indd 137 13/09/10 11:57:13

Livre Mady-V7.indd 138 13/09/10 11:57:17

Le Cheval de Cirque

Le Cirque (page de gauche)

L e crieur l’a annoncé Le cirque est arrivé ! Émile de sa place Au fond de la classe A vu son défilé.Un éléphant énorme Un homme en haut-de-forme Un singe, un cabri Trois chevaux pie Et un petit arlequin Qui marche sur les mains.La leçon de géographie Devenue mélodie,Émile en roulotte bariolée, Survole monts et vallées.Monsieur a frappé dans les mains.“Mes enfants, à demain !“ Comme vol de moineaux Vers le chapiteau, Courent en criant Petits et grands Et entrent en cachette Par la toile entrouverteAssister sans permission À la répétition.Trompette, tambour, Fauteuil de velours, Danseuse en dentelle, Clown en bretelles, Des chevaux dressés Devant l’homme au fouet. Un petit arlequin Marchait sur les mains. Quand tout est fini, Plongé dans la nuit, Émile rentre à la maison Apprendre les leçons Le soir à la triste lumière De sa chambre sévère, Entre des draps glacés En chemise reprisée Il rêvera du petit arlequin Qui marche sur les mains, Dans la sciure dorée De la piste éclairée.

Livre Mady-V7.indd 139 14/09/10 17:30:59

J’ai le souvenir de l’arrivée de Mady de la GIRAUDIÈRE au 20, rue de Mirosmenil, un paquet sous le bras, l’air inquiet, la démarche timide, précédée d’Anatole JAKOVSKY ;

ce monsieur, Roumain d’origine, grand amateur d’art, passait alors pour découvreur de talents.

Mon père les attendait ; son accueil réservé, presque sévère, n’était guère pour la rassurer.

La porte du bureau refermée, l’entretien dura plus d’une heure. À leur sortie, Anatole Jakovsky, l’air satisfait et derrière lui, Mady presque souriante ; une main sur son épaule, mon père déclarait :

“Voilà un peintre du dimanche, un nouveau poulain dans mon écurie.“Peintre du dimanche, ainsi étaient baptisés les artistes autodidactes exerçant un métier la semaine

et dont le loisir dominical était la peinture. Alors, d’une voix qui était presque un murmure, d’une joie maîtrisée,

elle remerciait mon père et ajoutait : “Juste, je peins toute la semaine et aussi le dimanche.“ Son accent chantant du Sud-Ouest a réchauffé d’un seul coup l’atmosphère un peu solennelle de la galerie.

Puis ma mère et moi avons regardé une par une ses toiles, certes gaies et rassurantes.

Mais comment les accrocher entre un DUFY et un TALCOAT ou un CHAGALL et un PICHETTE ?Enfin, rendez-vous était pris pour une exposition personnelle dans un an.

Alors, à chacun de ses voyages, Mady portait à mon père ses dernières toiles. C’était toujours dans l’angoisse qu’elle attendait son verdict.

Après chaque entretien, elle ressortait presque heureuse ; je dis presque, car elle pensait toujours à la phrase de mon père : “La peinture ne doit pas sentir la sueur mais la joie,

et la vôtre sent la joie et le bonheur.“ Mady n’était jamais sûre de son travail.

Très vite, elle s’était intégrée à la famille. Mon père, un demi-dieu à ses yeux, ma mère toujours à l’écoute, qui l’a beaucoup aidée dans les heurs et malheurs qu’une vie d’artiste vous réserve.

Quant à moi, je l’ai considérée comme ma sœur.Je me souviens des accrochages d’expositions, les 28 ou 30 toiles judicieusement choisies, juxtaposées selon leur thème, leurs dimensions, leurs couleurs… Ce travail étant sonorisé

par les soupirs d’angoisse de Mady ; notre OUF !!! Le travail fini. Tous deux, précipités dans le creux de la vague par la voix de mon père :

“Changez-moi tout ça ! Ce bleu à côté du jaune, quelle hérésie !“ Bref ! La fois suivante, éclipsés avant son retour, nous évitions les fatigantes permutations préconisées.

Malgré ces souvenirs amusants, ces veilles de vernissages restaient pour elle angoissantes.Comme elle le dit elle-même :

“Sous mes airs fendants, je n’ai aucune assurance devant mon propre travail.“ Mady voit tout en images, et une exposition personnelle est telle la montée d’une échelle à barreaux :

on s’accroche, on escalade le premier puis les autres barreaux ; on arrive à celui qui craque ; on monte ou on redescend.

Avec humour elle ajoute : “Pensez à mon âge !!! Je redoute les échelles !“Avec sa joie de vivre, courageuse Mady, mon amie, ma sœur des échelles ,

elle en tâte toujours les barreaux.

Jean-Pierre Bénézit

Livre Mady-V7.indd 140 14/09/10 17:30:59

Livre Mady-V7.indd 141 13/09/10 11:57:27

Livre Mady-V7.indd 142 13/09/10 11:57:31