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livres nouveaux Livres d'images Chez Bernard Carant (52, bd des Batignolles 75017 Paris), réédition d'un Livre d'images suisse de 1860, "méthode pour observer, réflé- chir, compter, s'exprimer, pour les enfants de 2 ans et demi à 7 ans": de jolies images en cou- leurs très bien présentées. Le même éditeur diffuse d'excellents albums anglais sans texte, comme Naughty Nancy, de John S. Goodall, histoire d'une petite souris insupportable, et The story of an english village, où l'on suit l'évolution de la vie du Moyen Age à nos jours, grâce à une astuce de présentation qui, à chaque double page, permet un changement à vue. A l'Ecole des loisirs, Nestor, Hector, Victor et Fred, de James Stevenson, coll. Joie de lire. Deux histoires de morses et de pingouins, qui ressemblent beaucoup à des histoires d'enfants. Toujours en train de se disputer, les petits morses risquent de se passer de dîner. Quant à Fred le pingouin, en panne sur un îlot flottant, il découvre l'usage des messages écrits sur la neige pour se faire rapatrier par la baleine. Un album très simple, mais qui peut plaire aux plus jeunes. A la Farandole : Margot l'intrépide, de Mar- jan Amalietti, dans la collection Feu follet ; cet album sans texte raconte les prouesses d'une jeune skieuse qui n'a peur de rien, ni des perfor- mances, ni des avalanches, ni des loups. Très bonnes images, vivantes et drôles. Chez Gallimard, coll. Enfantimages : Timothy et Grand'Pa, de Ron Brooks (l'auteur de John, Rosé et le chat) ; Timothy n'a rien à montrer à l'école, mais il amène son seul ami, Grand-Père, qui raconte si bien les histoires. Ron Brooks, lui, a aussi l'art de créer une ambiance. Chez Gautier-Languereau, les albums de Sato- mi Ichikawa se succèdent : les dessins ont tou- jours du charme, mais les textes gâtent tout; ainsi, dans Partons à l'aventure, du matin jus- qu'au soir, les vers de mirliton sont bien en- nuyeux. On peut préférer Amusons-nous ! dont les images se suffisent à elles-mêmes et où les petits reconnaissent des scènes et des objets qui leur sont familiers. Chez G.P., coll. Grands albums: La bicyclette de Julie, d'Astrid Lindgren ; Julie a grande envie d'une bicyclette, mais est-ce une solution d'en "emprunter" une sans demander la permission ? Une petite aventure très enfantine avec de bons dessins d'Ilon Wikland. Maintenant diffusée par Hachette, L'Imagerie Pellerin propose albums et documentaires d'au- trefois pour les amateurs qui acceptent d'y met- tre le prix : Histoires amusantes, dans le goût 1900, si différent du "bon goût" de la littérature enfantine courante, Fables de La Fontaine ; Pro- menade instructive dans la forêt montre le tra- vail des forestiers et des charbonniers ; le plus amusant est peut-être Leçons de choses-illustrées qui consacre chaque fois une grande page aux sujets les plus divers, de la civilité au téléphone, à la circulation de l'argent ou à la fabrication de la bière. Aux éditions Lotus, diffusées par Garnier, Le mystère de la balle verte, de Steven Kellogg : qui a pris la balle de Thomas ? La magie et surtout la malice donneront la solution. Du même auteur : Le mystère de la moufle rouge; depuis que Sophie a joué dans la neige, elle ne retrouve plus sa moufle et vous ne devineriez jamais où elle est ! Deux petits albums aux dessins expressifs, qui racontent des anecdotes amusantes de la vie enfantine (une ou deux coquilles ou belgismes?). Les éditions Magnard publient deux albums de Camillo Osorovitz: J'habite là, Je fais les courses, coll. Recto-verso ; images sur papier fort, où les enfants pourront observer une foule de détails dans des images gaies et de bonne qua- lité. Chez Nathan : Un panda pour Anna. Pour son anniversaire, Anna rêve d'un animal extraordi- naire, mais il faut compter avec les réalités, et finalement, le chat de Grand-Mère fera l'affaire. Un conte raisonnable, mais bien illustré.

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livres nouveaux

Livres d'images

Chez Bernard Carant (52, bd des Batignolles75017 Paris), réédition d'un Livre d'imagessuisse de 1860, "méthode pour observer, réflé-chir, compter, s'exprimer, pour les enfants de2 ans et demi à 7 ans": de jolies images en cou-leurs très bien présentées.

Le même éditeur diffuse d'excellents albumsanglais sans texte, comme Naughty Nancy, deJohn S. Goodall, histoire d'une petite sourisinsupportable, et The story of an english village,où l'on suit l'évolution de la vie du Moyen Age ànos jours, grâce à une astuce de présentation qui,à chaque double page, permet un changement àvue.

A l'Ecole des loisirs, Nestor, Hector, Victor etFred, de James Stevenson, coll. Joie de lire.Deux histoires de morses et de pingouins, quiressemblent beaucoup à des histoires d'enfants.Toujours en train de se disputer, les petitsmorses risquent de se passer de dîner. Quant àFred le pingouin, en panne sur un îlot flottant, ildécouvre l'usage des messages écrits sur la neigepour se faire rapatrier par la baleine. Un albumtrès simple, mais qui peut plaire aux plus jeunes.

A la Farandole : Margot l'intrépide, de Mar-jan Amalietti, dans la collection Feu follet ; cetalbum sans texte raconte les prouesses d'unejeune skieuse qui n'a peur de rien, ni des perfor-mances, ni des avalanches, ni des loups. Trèsbonnes images, vivantes et drôles.

Chez Gallimard, coll. Enfantimages : Timothyet Grand'Pa, de Ron Brooks (l'auteur de John,Rosé et le chat) ; Timothy n'a rien à montrer àl'école, mais il amène son seul ami, Grand-Père,qui raconte si bien les histoires. Ron Brooks, lui,a aussi l'art de créer une ambiance.

Chez Gautier-Languereau, les albums de Sato-mi Ichikawa se succèdent : les dessins ont tou-jours du charme, mais les textes gâtent tout;ainsi, dans Partons à l'aventure, du matin jus-qu'au soir, les vers de mirliton sont bien en-nuyeux. On peut préférer Amusons-nous ! dont

les images se suffisent à elles-mêmes et où lespetits reconnaissent des scènes et des objets quileur sont familiers.

Chez G.P., coll. Grands albums: La bicyclettede Julie, d'Astrid Lindgren ; Julie a grande envied'une bicyclette, mais est-ce une solution d'en"emprunter" une sans demander la permission ?Une petite aventure très enfantine avec de bonsdessins d'Ilon Wikland.

Maintenant diffusée par Hachette, L'ImageriePellerin propose albums et documentaires d'au-trefois pour les amateurs qui acceptent d'y met-tre le prix : Histoires amusantes, dans le goût1900, si différent du "bon goût" de la littératureenfantine courante, Fables de La Fontaine ; Pro-menade instructive dans la forêt montre le tra-vail des forestiers et des charbonniers ; le plusamusant est peut-être Leçons de choses-illustréesqui consacre chaque fois une grande page auxsujets les plus divers, de la civilité au téléphone, àla circulation de l'argent ou à la fabrication de labière.

Aux éditions Lotus, diffusées par Garnier, Lemystère de la balle verte, de Steven Kellogg : quia pris la balle de Thomas ? La magie et surtout lamalice donneront la solution. Du même auteur :Le mystère de la moufle rouge; depuis queSophie a joué dans la neige, elle ne retrouve plussa moufle et vous ne devineriez jamais où elleest ! Deux petits albums aux dessins expressifs,qui racontent des anecdotes amusantes de la vieenfantine (une ou deux coquilles ou belgismes?).

Les éditions Magnard publient deux albumsde Camillo Osorovitz: J'habite là, Je fais lescourses, coll. Recto-verso ; images sur papierfort, où les enfants pourront observer une foulede détails dans des images gaies et de bonne qua-lité.

Chez Nathan : Un panda pour Anna. Pour sonanniversaire, Anna rêve d'un animal extraordi-naire, mais il faut compter avec les réalités, etfinalement, le chat de Grand-Mère fera l'affaire.Un conte raisonnable, mais bien illustré.

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Chez le Père Castor, nouveaux albums pourles petits : Les petits castors ; images simples despremières expériences, l'œuf à la coque, le cou-cher, les animaux connus, etc.

Le Réveil qui sonne (Maison de l'Etang, 84780Monieux) propose deux petits albums sanstexte : Pot au feu d'Odette Ducarre, graphismede qualité, dépouillé à l'extrême ; bœuf, légumes,ustensiles de cuisine... Et Chapeau, une histoiresans paroles de Maxime Ferrier pour les aînés.

Contes et romans

Chez Albin Michel: L'école des quatre jeudis,de Judith Richards, un roman qui s'adressed'abord aux adultes, mais peut plaire à certainsadolescents; c'est l'histoire d'un jeune garçonque rien ne peut décider à rester à l'école ; il faitson éducation en marge, en compagnie d'un vieilhomme qui lui donne des leçons de nature et deliberté...

Des rééditions intéressantes aux éditions del'Amitié dans la collection Bibliothèque del'amitié: La fille de Papa Pèlerine, de MariaGripe, Angelo va au carnaval, de David Flet-cher, Le garçon du barrage, de Michel-AiméBaudouy (les nouvelles couvertures ne sont pastoutes des réussites). Un livre plus ancien, deKarl A. Schwartzkopf : Pilotes de l'Alaska, serelit très bien car il raconte avec humour lesaventures d'un jeune pilote dans un pays où lepittoresque et le tragique se côtoient.

Un livre exceptionnel: Un jour, un enfantnoir, de William H. Armstrong; le drame dejournaliers noirs, la misère, le bagne pour lepère, l'amour de la mère, de l'enfant, du chienfidèle; un texte poétique où tout est dit sanseffets, mais avec des images fortes et une densitébouleversante.

Chez Bordas, coll. Aux quatre coins du temps,Le second livre des merveilles, suite des récitsmythologiques de Nathaniel Hawthorne, trèslibrement traduits par Pierre Leyris. (Rappro-chement intéressant avec Le Minotaure, l'un deces textes, qui paraît simultanément à l'Ecole desloisirs, coll. Renard Poche, dans une traductionfidèle au style romantique de l'original. On nepeut nier que l'adaptation est bien agréable àlire).

Dans la même collection: Légendes de laVieille-Amérique, de William Camus; quinzehistoires choisies dans l'inépuisable folkloreNavajo, Oglada, Cheyenne, Chippeway, etc. Leton familier et volontiers narquois de Camus enrend généralement bien l'esprit.

De Nicole Ciravegna : Chichois de la rue de&Mauvestis ; un garçon de dix ans, "le plus rigolode la classe", une grand-mère terrible, le pittores-que marseillais ; lecture facile et gaie, qui plaîtaux uns, et aux autres moins.

Dans les Albums Duculot, un conte de Grimm,Hânsel et Gretel, complet et bien traduit, avecdes images de Lisbeth Zwerger, d'un ton person-nel et qui créent une ambiance.

Deux romans d'anticipation dans la collectionTravelling sur le futur : L'école idéale de BrunoHauter, par Bernice Grohskopf; c'est le journald'une adolescente enfermée pendant près d'unmois dans un mystérieux collège où aucun adulten'apparaît; expérience pédagogique très élabo-rée, mais finalement inquiétante; mal écrite —ou mal traduite? — l'histoire débouche sur undénouement inattendu. Le cerveau de la ville, deMonica Hughes, montre les conséquences re-doutables d'une bonne intention: on a confiél'organisation de la ville à un ordinateur ultraperfectionné, mais où s'arrête l'ordre, pour lamachine, et où commence la négation de laliberté humaine?

A l'Ecole des loisirs, beaucoup de nouveauxRenard Poche; deux volumes de Contes d'An-dersen, dans l'ancienne traduction française deD. Soldi, avec les illustrations, célèbres au Dane-mark, mais un peu froides, de Vilhelm Pedersen.

Premier volume de Contes pour les enfants etles parents, des frères Grimm, dans une traduc-tion du xixe siècle, avec les vignettes allemandesde Ludwig Richter.

Une version abrégée par Bernard Noël du livrede Mérimée : Chronique du règne de Charles IX,qui avait paru intégralement à la Farandole;c'est Philippe Dumas qui a illustré cette nouvelleédition. Nos lecteurs ont sans doute remarquéqu'il se charge maintenant, dans la collection,des petites bandes dessinées de la quatrième pagede couverture et qu'il pousse le raffinement jus-qu'à les adapter souvent au contenu de chaquevolume ; c'est un régal !

Dans la même collection : La farce de Pathe-lin, adaptation d'E. Dupuis, illustrée par Boutetde Monvel.

Contes et histoires vraies de Russie, de LéonTolstoï : un choix des petits textes scolaires quecomposa Tolstoï pour les enfants ; leçons dechoses élémentaires, adaptations simplifiées defables ou de contes; tout cela n'a plus guèrequ'un intérêt historique.

A la dure, de Mark Twain, est une lecturelaborieuse ; ce n'est pas un des meilleurs Twain etc'est horriblement mal traduit. Les passages

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drôles ont été bien choisis, mais il aurait fallurevoir la traduction.

A la Farandole, Le sage Bahira et son fils,légende indienne racontée par Nunes Pereira,illustrée par Béatrice Tanaka; comment le grandchef des Indiens Cauaiua rapporta à son peuplele feu et les flèches et comment son fils se mitenfin au travail. Une belle légende d'Amazonie.

Chez Flammarion, un nouvel album de LidiaPostma : Les petits hommes du grand hêtre ; lesenfants fabriquent un dragon pour défier la "sor-cière", mais la vieille dame les invite à goûter etleur fait entrevoir un monde qu'ils ne soupçon-naient pas, celui des "petits hommes" cachéschez chacun d'eux. Des dessins à la frontière duréel et du fantastique.

Dans la Bibliothèque du Chat perché, Lapetite ville dans la prairie, suite des mémoires deLaura Ingalls Wilder. On ne s'en lasse pas : beau-coup d'imprévus, de soucis et de bonheur dans lavie de la famille et les Wilder s'adaptent à tout.

Réédition de l'Histoire du docteur Dolittle,d'Hugh Lofting, autrefois publiée chez Hachet-te ; une histoire d'hier qui garde son charme etqu'une préface de la traductrice replace utile-ment dans son époque.

Le magicien d'Oz, de L. Frank Baum, un célè-bre conte américain qui semble aujourd'hui biensucré et démodé.

Inconséquence, inconscience? L'éditeur réédi-te dans cette même collection, à l'intention despetits chérubins de huit-dix ans, un des romansracistes et bellicistes du fameux capitaine Danrit(mort au champ d'honneur en 1916) : L'invasionjaune ; document sur une époque, fleur baroqued'un certain roman populaire, caricature hai-neuse des barbares à peau jaune, festival de sup-plices, de machinations, amours et héroïsmed'une fille de marchand de canons, d'un jeunedéputé plein d'audace, etc. La mode rétro faitpasser n'importe quoi, sans compter le souci derentabiliser les vieux fonds de la maison ; l'édi-teur, d'ailleurs, insiste, dans un prière d'insérer,sur l'actualité d'un tel livre: "la montée de lapuissance asiatique face à un monde occidentalen crise". Question à cent sous : quels sont les cri-tères de choix de la collection?

Chez Gallimard, de nouveaux Enfantimages :Six à qui rien ne résiste, un conte de Grimm bienillustré par Claude Lapointe.

Un cirque à la mer, un conte d'Henri Queffé-lec, illustré par Nicole Baron et d'abord éditéchez Laffont dans la collection Dauphin bleu;un habile aménagement de la mise en pages permetde caser dans ce format plus petit tout le texte et les

images sans trop de concessions ; l'histoire resteamusante et l'illustration excellente ; ce nouveautirage en accentue la précision et les contrastes.

Le chien et le cheval, une aventure de Zadig,de Voltaire, illustrée par Keleck ; bonne idéed'avoir mis à la portée des enfants ces pages oùVoltaire fait du conte oriental avec bien de l'es-prit.

Poèmes pour les saisons, choix de JacquesCharpentreau, illustrations de Sophie Kniffke.Sept poèmes et beaucoup d'images accompa-gnées de courtes citations.

Des rééditions en Folio junior: Le généralDourakine, de Mme de Ségur. Le petit Nicolaset les copains, de Sempé et Goscinny. Enfantas-ques, de Claude Roy. Le rossignol de l'empereurde Chine, d'Andersen ; l'illustration de GeorgesLemoine est agréable mais il y manque la dimen-sion fantastique, particulièrement importantedans ce conte.

Abdi enfant sauvage, d'Henri de Monfreid;aventures d'un jeune Somali avec des pêcheursde perles et son attachement pour un guépard ;ce roman, déjà publié en 1967 dans la Bibliothè-que de l'amitié, est assez mal construit, mais bienécrit et se relit avec plaisir.

Nouveau en français : Tous les géants sont-ilsbien morts? une histoire de Mary Norton, bâtieà partir de personnages de contes 1res connus ;un enfant qui rêve en rencontre quelques uns etdélivre la petite princesse Dulcibelle promise enmariage à un crapaud ; lecture assez difficile,pour les mordus de merveilleux anglais.

En 1000 soleils, deux chefs-d'œuvre: Blackboy, de Richard Wright ; l'auteur raconte sonenfance dans le sud des Etats-Unis, sa révoltecontre la faim, la ségrégation, la haine, et la lenteprise de conscience qui s'est opérée en lui, l'ame-nant enfin à s'exprimer, lui, l'enfant noir quidevait toujours se taire. Un livre essentiel.

Lord Jim, de Joseph Conrad; pour un mo-ment de faiblesse, de lâcheté (ce que Gide appelaune inconséquence), un jeune marin porteratoute sa vie le sentiment d'un déshonneur.Aucune réussite, aucun espoir ne l'empêchera defuir toujours, pour affronter enfin une mort tra-gique. Conrad, comme dans ses autres romans,sympathise avec son personnage et conte sans lejuger ce destin d'un frère humain, marin commelui.

Dans la même collection, Le petit homme,d'Erich Kaestner: un garçon qui couche dansune boîte d'allumettes, un prestidigitateur, beau-coup de publicité, un enlèvement... cela permetpas mal d'effets faciles et Kaestner ne s'en privepas.

Enfin, une réédition des Aventures de Pinoc-chio dans une traduction complète, non signée.

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La collection Récits et contes populaires com-porte maintenant une quinzaine de volumes oùchacun trouvera son bien ; entre autres, le recueilconsacré à Lyon, à ses canuts et à son théâtrepopulaire, avec les dialogues pleins de verve deGuignol et de Gnafron, la vie des tisseurs de soieet quelques dictons bien savoureux.

Chez G.P., coll. Dauphine, Mère Brimborionprend la clé des champs, d'Alf Proysen ; d'autresaventures agréables à lire de cette dame qui, detemps en temps, devient toute petite sans savoirpourquoi ni comment.

Le roi des taupes et sa fille, d'AlexandreDumas ; deux contes courts et une longue his-toire ; le fils d'une pauvre veuve suit la fille du roides taupes dans son domaine souterrain, et lamère donne une telle preuve d'amour qu'elledélivre le roi et les siens du sortilège qui les avaitchangés en taupes. "Tiny la vaniteuse" est unehistoire morale sans mérites particuliers. "Lajeunesse de Pierrot", beaucoup plus long, racon-te comment un bizarre enfant, recueilli par unménage de bûcherons, jette le trouble dans leroyaume, devient ministre, est persécuté par desjaloux, se bat en duel et finalement s'engageauprès d'une bonne fée à vouer sa vie au bonheurdes enfants. Un conte d'autrefois, qui ressemblecomme un frère à La vie de Polichinelle, d'Oc-tave Feuillet (réédité par l'Ecole des loisirs enRenard Poche).

Dans la collection Souveraine : La route entreles saules, de Marguerite Fanget, évoque unefamille bourgeoise en Hongrie au début du siè-cle: une propriété à la campagne et toute unejeunesse en vacances ; une enfant fragile et sonaînée, un peu garçon manqué, vont brusquementdécouvrir un problème social, celui des ouvriersagricoles affrontés à la troupe ; la question n'estpas traitée et le "sauvetage" d'un jeune ouvrierpar les adolescents apporte un élément romanes-que plus qu'idéologique ; le livre se lit bien, mal-gré un style affecté qui nuit à sa qualité.

Chez le même éditeur, avalanche de livres car-tonnés destinés à divers âges: 3/6, 6/8, 8/12,mentionnés sur les couvertures ; curieuse entre-prise — est-ce même une bonne idée commer-ciale ? — qui consiste à passer à la moulinette desclassiques de tous niveaux pour les fourrer dansdes tranches d'âge qui, généralement, ne leurconviennent pas : Robinson Crusoé en vingt-huitpages de gros carton, illustrées par ArnaudLaval, le tout pour les "lecteurs de 3 à 6 ans". Iciet là, un texte intégral, Tartarin de Tarascon ouLe Petit Chaperon rouge de Grimm. N'importequoi, en somme, et bien peu de nouveautés inté-ressantes dans le reste du programme ; ce brus-que appauvrissement coïncide avec un départ

qui ne pouvait pas passer inaperçu : l'éditeur, eneffet, s'est privé de l'intelligente collaboration deMarie-Hélène About et personne ne peut oublierce qu'elle a fait pendant si longtemps pour don-ner vie à des collections vraiment adaptées auxjeunes lecteurs.

Chez Grûnd, Le roi de la rivière dorée, deJohn Ruskin, dans une traduction assez mala-droite; ce conte existe par ailleurs chez Flam-marion (voir Revue n° 60, nouveautés).

La bague enchantée, conte populaire russe,dont on retrouve une version chez les frèresGrimm. Il est ici bien raconté, accompagnéd'images amusantes et imprimé en caractères trèslisibles. Un bon livre à retenir.

Trésor légendaire des pays d'Europe : un titreprometteur, mais on se perd sans plaisir danscette cinquantaine de textes décousus, sans pré-sentation ni commentaires, que les enfants au-ront du mal à situer, historiquement et géogra-phiquement. En vrac, dans une rédaction plate etuniforme : Prométhée, Roland, les Niebelungen,Till l'espiègle, Les quatre fils Aymon. Gog etMagog, etc., etc.

Contes arabes, vingt-cinq histoires que desgens se racontent dans la rue, pendant le rama-dan, pour faire passer les jours de jeûne. On yretrouve des thèmes des Mille et une nuits.

Chez Hachette, coll. La bouteille à l'encre,toujours bien présentée, avec des formats inat-tendus, le dernier Fleischman : Mon bandit surson bourrin borgne; drôle de titre, drôle d'his-toire — un peu décevante pourtant — de trainset de bandits dans cette Amérique du xixe siècledont nous n'avons pas fini d'entendre parler !

Dans la Bibliothèque verte, le dernier Bennettde Buckeridge: Bennett dans la caverne; unegrotte préhistorique près du collège de Linbury ;comment Bennett, cherchant une raquette d'oc-casion, se retrouve avec un "tableau de maître",etc.

L'odyssée de Scott Hunter, de Roger Simp-son ; invraisemblable et mal bâti, ça commencecomme un Fleischman et on pense plus d'unefois à William Camus : un garçon de treize anspart à la recherche de son père, aux tempshéroïques des chercheurs d'or, et rencontre pasmal de farfelus et de vauriens. On peut se deman-der si les défauts sont dans l'original ou s'ils vien-nent de coupures et bricolages au niveau de latraduction. Cela dit, on ne s'ennuie pas en lisant.

King le cerf, d'Ewan Clarkson, un nouveauroman de mœurs animales par l'auteur à'Halic lele phoque, de Syla, reine des visons, de Kajou leblaireau, au ton juste et chaleureux.

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Dans la Bibliothèque verte senior : Les chas-seurs d'empreintes, de David Wagoner, une his-toire irrésistible — western super-spaghetti —,loufoque, mal écrite et bavarde, mais pleine dedrôlerie, d'idées et de finesses, qui se moque desconventions, de la morale et du reste. A lire aupremier degré, au second et au quatrième simul-tanément.

Demain l'Atlantide, de Christopher Leach:Dave, quatorze ans, jette ses livres de classesdans la Tamise et part à l'aventure... Beau début,mais hélas la réalité n'est pas drôle et mieux vautrentrer à la maison ; ce n'est pas mauvais, maisbien triste...

La grande attaque du train d'or, de MichaëlCrichton : en fait d'attaque, on peut en prédireaux parents bien pensants qui offriront cetteinnocente Verte à leurs rejetons; l'éditeur veut-ilse racheter après des siècles de pudibonderie?Dans cette très bonne histoire pour adultes, ontrouve la description minutieuse d'un hold-up,de ses préparatifs à sa réalisation, mais aussi,entre autres détails vécus, une intéressante recet-te contre la vérole. Décidément, il y a quelquechose de changé au royaume des livres pour lesjeunes, mais on n'en demandait pas tant !

Réédition, dans la collection Vermeille, duPetit capitaine, de Paul Biegel, dont les aimablesillustrations supportent très bien le grand for-mat.

En Galaxie : Les cinq cents millions de laBégum, de Jules Verne, texte intégral ; le duel dedeux villes de science-fiction : celle de l'acier avecson infernal canon, et la cité idéale, utopie ver-nienne technico-sociale.

Le livre de Poche Jeunesse poursuit son pro-gramme de bonnes rééditions, donnant à destitres de qualité les chances d'une large diffu-sion ; dernières parutions : Vie et mort d'uncochon, de Robert Newton Peck, Bennett et sacabane, de Buckeridge, Kazan, de Curwood.

Mais surtout une reprise très attendue nousrend un chef-d'oeuvre qui n'a pas du tout vieilli :Mon ami Frédéric, de Hans Peter Richter ; quoide plus éloquent que ce simple récit d'une amitiéd'enfants déchirée par la folie nazie ? Tout est ditet, à le relire, on y découvre chaque fois plus desens. Les images de Mette Ivers, discrètes etvraies comme le roman, ont su retrouver l'am-biance de cette Allemagne des années trente.Fiche dans ce numéro.

Chez Nathan, trois Arc-en-ciel à ne pas man-quer: Chère Mathilda, de Christianna Brand;nul ne peut venir à bout des insupportablesenfants Brown ; seule, Nurse Mathilda, laide etrevêche, a une technique infaillible car c'est elle

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qui les pousse à bout. Mais ne comptez pas lagarder : elle ne s'intéresse qu'aux enfants impos-sibles. Ce n'est pas la pédagogie de Mary Pop-pins, mais le livre est excellent.

Charlotte Parlotte, de Michael Bond : l'auteurdes Aventures de Paddington trouve une héroïnepétulante et drôle, Charlotte, le "cochondingue",pour de nouvelles histoires irrésistibles à offriraux jeunes lecteurs ou à lire aux plus petits.

Sanarin, de René Escudié, propose une fabletransparente et bon enfant: un garçon qui-ne-ment-jamais et son amie débarrassent la ville deson méchant Roi-Président qui, repenti, devientmitron ; les gens font la fête, s'administrent eux-mêmes et ramènent à la vie civile les terriblesGardes-Noirs qui n'étaient pas foncièrementméchants. L'illustration puérilise, on ne saitpourquoi, les deux héros, des adolescents dequinze-seize ans.

En Bibliothèque internationale: Un vendredidingue, dingue, dingue, de Mary Rodgers; unesituation folle — l'adolescente qui se réveilledans la peau de sa mère — où Annabel apprendbien des choses, où le lecteur s'amuse beaucoup.Fiche dans ce numéro.

Les livres du Sourire qui mord viennent depublier La manginoire, de Christian Bruel etAnne Bozellec; très bonne histoire et ton nou-veau dans la collection: pendant que Mamanoccupe l'usine, Antoine découvre chez des voi-sines deux styles de cuisine et de gastronomie : ilexpérimente, critique, rêve beaucoup et sa vie enprend une dimension de plus. Un album vivant,drôle et, c'est le cas de le dire, savoureux.

Chez Stock: Les contes de Poindi, de JeanMariotti, réédition de deux histoires publiées il ya près de quarante ans ; il s'agit d'un chasseurcanaque et de son fils Aïni le malin. Le premiertexte est trop long; le second n'est pas sanscharme, mais malgré les malices enfantines, leshistoires d'animaux et de sorcier et le ton folklo-rique, ce n'est pas du Kipling.

Bim oreille noire, de Gavriil Troïepolski, estune belle histoire de chien fidèle qui a avec sonmaître des rapports fondés sur une estime réci-proque; mais les humains ne sont pas tousdignes d'une pareille amitié et Bim mourra deleur stupide brutalité. On n'aurait pas honte delui dédier une larme, d'autant que l'auteur a unhumour personnel bien sympathique.

Documentaires

Une nouvelle collection à l'Ecole des loisirs,La Bibliothèque documentaire, propose six titres

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intéressants: La journée d'un chimpanzé sau-vage, de Geza Teleki et Karen Steffy; c'est lerécit tout simple des activités d'une famille desinges du matin au soir. Les photos accompa-gnent bien le texte, imprimé en gros caractères etaccessible aux très jeunes lecteurs.

La dérive des continents, par Irène Kiefer, pré-sente avec une exceptionnelle clarté un sujet dif-ficile ; cartes et schémas aident à la compréhen-sion.

Hommes de vérité, de Jean Rostand; réédi-tion intégrale de ces trois biographies — ClaudeBernard, Pasteur et Casimir-Joseph Davaine— qui mettent l'accent sur la naissance et lesconséquences de découvertes scientifiques; onaurait aimé quelques schémas explicatifs pouréclairer le texte.

Journal de mon expédition au Pôle Sud, deRobert Falcon Scott ; de très bonnes photogra-phies de l'équipe, des bateaux, des paysages,illustrent ce choix de pages où les hommes pas-sent de l'optimisme à l'angoisse, avec la succes-sion des contretemps, puis la mort des uns et desautres, l'échec enfin d'une tentative qui avaitexigé tant d'efforts.

Comment j'ai retrouvé Livingstone, d'HenryMorton Stanley ; édition abrégée d'un livre célè-bre ; envoyé en Afrique Equatoriale, à la recher-che de l'explorateur, Stanley affronte toutessortes de difficultés, l'insuffisance et les faiblessesdes hommes, jusqu'à la fameuse rencontre : "Ledocteur Livingstone, je présume?"

La retraite de Russie, par Jean-Baptiste Mar-bot ; choix de textes. Un témoin direct juge unedéfaite qui aurait pu être évitée. Le lecteur auraiteu besoin de dessins et de cartes plus précisespour suivre les explications concernant les posi-tions des armées en présence; les illustrations,quelconques, n'ajoutent rien.

Chez Flammarion-Chat perché, coll. Repor-tage : Indiens d'Amazonie, par Stephen Hughes-Jones : une monographie très accessible, illustréede bons dessins en couleurs.

Aux éditions Gamma: Une plate-forme deforage, de J. Rutland, dans la collection Au télé-objectif. Ce livre explique, en une vingtaine depages largement illustrées, l'essentiel du fonc-tionnement et de la construction ; il présente clai-rement des notions sur le pétrole, son transportet ses utilisations. Figures et schémas sont utile-ment commentés par des légendes en italiques.

Dans le Tour du monde Gamma : Le Marchécommun, de Paul Armitage et Jacqueline Cora-chan. Il manquait en effet un livre simple sur cesujet, mais les spécialistes consultés ne sont pasdu tout d'accord : l'étude, disent-ils, n'est pas à

jour et le point de vue, partial, est exclusivementanglais.

Chez Hachette, une douzaine d'auteurs, illus-trateurs, adaptateurs, pour Le petit manuel del'agent secret, amusant, plein d'idées et de trucspropres à passionner les enfants. Par ailleursassez bien présenté, avec des images nettementmeilleures que celles des Pic et Martine parexemple — plus cher aussi, il est vrai.

Deux nouveaux titres dans la collection Ensavoir plus : Vivre en Chine, de Claire Jullien etJean-Louis Boissier; des photos, des cartes,quelques pages de dessins, un texte très aéré, etune bonne légende pour chaque document. L'ac-cent est mis sur la vie quotidienne, les problèmespratiques des Chinois d'aujourd'hui. Les rappelshistoriques, toujours liés à l'actualité, viennentensuite, avec chronologie, index, notes biblio-graphiques, etc.

Vivre en Afrique, d'André Laurent: tradi-tions, Afrique blanche et Afrique noire, exem-ples de grandes cités d'hier et d'aujourd'hui,industrie et richesse du sous-sol, la place dans lemonde, tels sont les points essentiels abordésdans ce petit livre. Comment traiter en si peu depages l'infinie variété de tout un continent ? Maisles exemples sont bien choisis et les problèmesposés.

Les métiers de l'audio-visuel, de François Che-vassu et Odile Limousin, dans la nouvelle collec-tion Les métiers ; un livre qui comble plusieurslacunes : métiers du cinéma, de la télévision, dela photographie, du disque, de la radio ; les pagessur la vidéo sont un peu rapides et c'est dom-mage.

Chez Larousse, la collection Beautés du mon-de vaut surtout par son illustration photographi-que, qui est remarquable ; volumes parus : Espa-gne et Portugal, Grande-Bretagne et Irlande,Pays Scandinaves, URSS, Grèce et Yougoslavie,Les pays de l'Est (Pologne, Hongrie, Tchécoslo-vaquie, Roumanie, Bulgarie), L'Europe du Cen-tre. Pour toutes les bibliothèques, des adultes etdes jeunes.

Nouveaux titres chez Nathan dans la collec-tion Comment vivaient... Les Normands, dePatrick Rooke, illustré de photographies, decartes et de dessins en couleurs, et Les Celtes, deRobin Place, qui vient à point car le sujet esttrop rarement traité. Les textes sont accessibles,présentés en caractères bien lisibles et les auteursn'oublient pas, dès la première page, d'évoquerrapidement les sources d'information auxquelleson peut puiser pour reconstituer la vie de l'épo-que.

H

Page 7: livres nouveaux - CNLJcnlj.bnf.fr/sites/default/files/revues_document_joint/...livres nouveaux Livres d'images Chez Bernard Carant (52, bd des Batignolles 75017 Paris), réédition

Dans les Albums du Père Castor, coll. Enfantsde la terre : Nikolaus et Thomas, jumeaux duTyrol, de Christine Ljubanovic. L'anecdote ici semêle à l'information ; l'auteur raconte, en images

très vivantes, l'aventure de deux jumeaux qui,l'un après l'autre, se cassent la jambe ; mais heu-reusement, on ne fait pas que cela dans leur payset le lecteur assiste aux activités et aux fêtes.

pour oucontre

Hans-Christian AndersenIllustrations de Nicole ClavelouxPoucetteEditions des Femmes, 1978(Du côté des petites filles)

Sur la couverture : "Hans Christian Andersenet Nicole Claveloux". Et pourquoi pas : Voltaireet moi ? Quel culot, quel manque de respect pourun auteur autant aimé, autant considéré par unpeuple qui n'est pas le nôtre et qui, depuis centans, en a fait son conteur national. Il faut avouerqu'une fois ce premier choc passé, les éditionsdes Femmes annoncent la couleur : "Le conte deU.C. Andersen échouait sur un mariage heu-reux. Nous l'avons détourné en dernière minute :nous ne voulons plus raconter des histoires à nospetites filles". Comme quoi, ne nous laissons pasleurrer par le titre, allons plus loin, beaucoupplus loin car insidieusement dans un texte quicolle le mieux possible au texte danois N. Clave-loux introduit sa propre littérature en glissant"de but en blanc" au texte d'Andersen : "II ôta lacouronne de sa tête et lui demanda, de but enblanc, si elle voulait l'épouser et devenir la Reinedes fleurs". Et à Nicole Claveloux de répondrepar Poucette: Poucette en fut surprise, "Mais jene te connais pas, et..."

Nicole Claveloux termine le conte et yintroduit ainsi sa propre philosophie.

Les éditions des Femmes n'ont-elles que cetype de solution à nous proposer, à nousfemmes, comme renouveau culturel? Quellemédiocrité ! Sans compter que ceci ressembleétrangement à du terrorisme intellectuel. Allons-y, brûlons les livres qui ne nous conviennentplus. Vibeke Bonnal, Danoise

Annie Adam, bibliothécaire

Je pense que l'une ou l'autre fin ne change pasgrand-chose en ce qui concerne l'impact du contede fée. Celui-ci atteint son but lorsque l'enfant

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peut s'identifier au héros, lorsque la fin du contelui apporte un sentiment de réconfort. L'enfantdoit y apprendre que sa seule chance de réussitedans la vie n'est pas de changer d'espèce maisd'améliorer ses qualités, de se dépasser en gar-dant sa vraie nature. Dans ce texte, tout actesemble réglé par le destin. Seule l'action de Pou-cette de partir avec l'hirondelle marque au moinsl'idée de choix et d'indépendance.

Je remettrais plutôt l'ensemble du conte (entant que conte) en doute. C'est une histoire plai-sante et le lecteur préférera l'une ou l'autre finselon ses goûts et l'éducation qu'il aura reçue.

Geneviève Le Gall

Pourquoi vouloir récrire selon une idéologienouvelle des contes qui sont le reflet d'unesociété passée et dont la forme, en outre, a étéfixée par un grand écrivain? Pourquoi ne pascréer plutôt une histoire véritablement modernetant par son contenu que par son écriture?

Le texte respecte l'esprit du conte jusqu'audétournement final. La dernière phrase du conteaccuse Andersen d'avoir voulu cacher la véritéaux enfants sur la véritable histoire de Poucetteet de l'hirondelle jugées trop éprises de liberté. Ilfaut reconnaître toutefois qu'il y avait déjà uneambiguïté dans le texte. Andersen évoquait avecnostalgie l'amitié de Poucette et de l'hirondelle etle mariage final semblait être là pour les conve-nances.

L'illustration de Nicole Claveloux prend unenouvelle distance avec le texte car elle choisit detraduire, du reste avec bonheur, le côté nocturnedu conte plutôt que le côté solaire. Hymne à lanature, au soleil, aux fleurs, etc. Elle souligneavec humour quelques traits esquissés dans letexte. Elle réussit à évoquer les sensations dePoucette en fractionnant les scènes et les imageset en rompant tout lien chronologique.

Malgré l'absence de traduction valable de ceconte et malgré la nouveauté du traitement gra-phique de Nicole Claveloux, on préférera la tra-duction du Mercure de France.

Jacques Branchu

Ne nous affolons pas, mais gardons, quant ànous, le vieil Andersen sans retouche, plutôt quede remplacer ses "erreurs" par de nouveauxfantasmes.